Couverture de ESP_156

Article de revue

Les copropriétés en difficulté dans les grands ensembles. Le cas de Clichy-Montfermeil

Pages 53 à 68

Notes

  • [1]
    Circulaire du 7 juillet 1994 créant « l’OPAH-copropriété » (Opération programmée d’amélioration de l’habitat).
  • [2]
    Convention partenariale pour la mise en œuvre du projet de rénovation urbaine de Clichy-sous-Bois-Montfermeil, signée le 17 décembre 2004.
  • [3]
    Unité de découpage infra-communale de l’Insee, regroupement d’îlots de 2 000 à 5 000 habitants.
  • [4]
    La copropriété des Bosquets correspond à deux iris.
  • [5]
    Population non scolarisée âgée de 15 ans et plus.
  • [6]
    Observatoire des Zones urbaines sensibles, Rapport 2009.
  • [7]
    Insee, base de données des revenus fiscaux 2009.
  • [8]
    Ibid.
  • [9]
    Ibid.
  • [10]
    Paradoxalement, moins on entretient les parties communes d’une copropriété, plus les charges augmentent car les travaux sont faits dans l’urgence et certaines dépenses coûteuses ne sont pas contrôlées (chauffage, eau, etc.). Les impayés participent aussi à faire augmenter les charges (frais de justice et compensation des débiteurs par une augmentation du budget global).
  • [11]
    On ne saurait pour autant assimiler tous les propriétaires bailleurs de ces copropriétés à des « marchands de sommeil ». Les analyses de terrain montrent que la réalité est plus complexe et que les profils des bailleurs sont hétérogènes. Un certain nombre de petits propriétaires bailleurs tiennent à jour, parfois au prix de sacrifices, le paiement de leurs charges pour tenter de sauver le petit capital qu’ils ont investi dans ce bien déprécié. Certains d’entre eux sont d’ailleurs d’anciens propriétaires occupants qui ont préféré mettre en location leur appartement dévalorisé plutôt que de le vendre à perte.
  • [12]
    Pour préserver l’anonymat, les noms des personnes enquêtées ont été modifiés.
  • [13]
    Entretien avec Mme Sarr.
  • [14]
    Ibid.
  • [15]
    Au nom de la « préservation des équilibres », cette volonté municipale a été inscrite dans une charte commune de relogement signée par l’État et les différents partenaires du Projet de rénovation urbaine (Kirszbaum, 2007).
  • [16]
    Voir l’article de Johanna Lees dans ce numéro.
  • [17]
    Au sein de la Confédération syndicale du cadre de vie (cscv) de l’ancc (Association nationale de la copropriété coopérative et de l’arc (Association des responsables de copropriété).
  • [18]
    « opah copropriété », Plan de sauvegarde, opah en quartier ancien avec volet copropriété.
  • [19]
    ces anru, Les quartiers en mouvement. Pour un acte 2 de la rénovation urbaine, juillet 2011, p. 127.
  • [20]
    Ménages à bas revenu éligibles aux aides de l’anah. Ces ménages ont un revenu trois fois inférieur à celui des copropriétaires occupants dans leur ensemble. Gagnant en moyenne 8 200 € par unité de consommation et par an, « leur situation financière s’apparente à celles des locataires du parc privé en copropriété vivant sous le seuil de pauvreté (6 500 € /uc/an) » (anah, op. cit., p. 34).
  • [21]
    Ces données sont certainement sous évaluées en raison d’une sous-représentation admise des populations les plus défavorisées dans l’eln (ibid., p. 15).

1Lorsque les émeutes de novembre 2005 ont éclaté dans le quartier du Chêne Pointu à Clichy-sous-Bois avant de gagner de nombreux quartiers périphériques des grandes agglomérations françaises, le grand ensemble intercommunal de Clichy-Montfermeil a été érigé en archétype du problème des banlieues populaires associées aux cités hlm. Or, en réalité, les tours et les barres qui marquent le paysage de ces deux communes de Seine-Saint-Denis ne sont pas constituées de logements locatifs sociaux. Il s’agit pour l’essentiel de copropriétés privées, qui manifestent des signes de délabrement, de délaissement et de paupérisation bien plus impressionnants encore que les quartiers hlm les plus disqualifiés.

2Les copropriétés de Clichy-Montfermeil ne sont pas des cas isolés. Elles sont révélatrices du phénomène plus vaste des « copropriétés en difficulté » ou des « copropriétés dégradées » identifié en tant que problème public au milieu des années 1990 (Lefeuvre, 2007), avec la création de dispositifs permettant à la puissance publique d’intervenir dans les copropriétés « rencontrant de graves difficultés sur le plan technique, social et financier [1] ».

3L’apparition de ces copropriétés en difficulté interroge l’évolution de l’habitat des classes populaires. Tandis que les tensions du marché de l’immobilier, les processus de gentrification et les politiques publiques de revalorisation urbaine tendent à diluer les quartiers populaires anciens de centre-ville et les grands ensembles de logements sociaux, ces copropriétés en difficulté constituent-elles de nouveaux espaces de concentration de populations appartenant « aux catégories les moins dotées » (Schwartz, 2011) ? Ce phénomène reste-t-il marginal ou est-il révélateur d’une transformation plus profonde à l’œuvre dans l’habitat des classes populaires ?

4Pour éclairer ces questionnements, cet article s’appuie sur une thèse de doctorat qui porte sur l’une des copropriétés du grand ensemble de Clichy-Montfermeil : la cité des Bosquets (Le Garrec, 2010). Cette copropriété de 1 500 logements datant de 1965 est emblématique du phénomène des copropriétés en difficulté puisqu’il s’agit de l’une des toutes premières copropriétés construite après guerre à avoir fait l’objet d’une intervention publique et l’une des rares où ont été menées des opérations de démolition. L’action publique commence en 1981 et la destruction d’une première barre est décidée dès 1989 à l’époque des démolitions pionnières de grands ensembles hlm. Ce processus s’est poursuivi jusqu’aujourd’hui.

5En analysant le profil de la population des Bosquets, la première partie de l’article montrera qu’une copropriété peut concentrer de manière tout à fait exceptionnelle une certaine fraction des classes populaires issues de l’immigration. À partir de ce même cas d’étude, la seconde partie s’interrogera ensuite sur les conditions de logement et les trajectoires qu’offre ce type de copropriété aux ménages qui y habitent. La dernière partie élargira la focale pour appréhender l’étendue de ce phénomène au niveau national.

La copropriété des Bosquets : une concentration particulière de familles populaires et immigrées

6La copropriété des Bosquets est constituée de 18 barres de quatre et dix étages. Elle s’inscrit dans un grand ensemble beaucoup plus large de 7 000 logements construit entre 1954 et la fin des années 1970, à cheval sur les communes de Clichy-sous-Bois et Montfermeil, à une quinzaine de kilomètres à l’est de Paris. Ce vaste grand ensemble présente la particularité d’être constitué essentiellement non pas de logements locatifs hlm mais de copropriétés qui rencontrent toutes des difficultés et font l’objet d’une intervention publique. Aujourd’hui, ces deux villes de 30 000 habitants bénéficient du plus coûteux Projet de rénovation urbaine mis en œuvre à l’échelle nationale, avec un budget estimé à plus de 650 millions d’euros. 600 logements aux Bosquets sont en train d’être détruits tandis qu’une autre copropriété voisine – « La Forestière » (500 logements) – est vouée à disparaître totalement.

7L’objectif de mixité sociale est au cœur de cet ambitieux projet de démolition. Mais alors qu’ailleurs le Programme national de rénovation urbaine se propose de diversifier les quartiers hlm en construisant des logements en accession à la propriété et en locatif privé à la place des logements démolis, à Clichy-Montfermeil, à l’inverse, les logements détruits sont essentiellement des logements privés en copropriété et ils seront tous remplacés par des logements locatifs hlm. La moitié de ces nouveaux logements sociaux est explicitement destinée à attirer « des populations extérieures » aux deux communes [2]. Paradoxalement, ce sont donc ici les logements locatifs hlm qui sont envisagés comme le moyen d’améliorer les conditions d’habitat et de faire venir une population plus aisée que celle qui habite dans les copropriétés.

8Les copropriétés de Clichy-Montfermeil révèlent en effet qu’une copropriété peut concentrer de façon particulière des populations appartenant aux catégories les plus défavorisées. Qu’ils soient propriétaires ou locataires, les habitants des copropriétés de Clichy-Montfermeil conjuguent les trois caractéristiques qui définissent, selon Olivier Schwartz, l’appartenance aux classes populaires : « la petitesse du statut professionnel ou social, l’étroitesse des ressources économiques – sans que cela signifie nécessairement précarité –, l’éloignement par rapport au capital culturel, et d’abord par rapport à l’école » (Schwartz, op. cit.).

9Le recensement de la population permet de disposer d’informations sur l’occupation de certaines de ces copropriétés car elles sont suffisamment grandes pour représenter à elles seules un iris[3]. Nous nous concentrons ici sur les données concernant la copropriété des Bosquets [4] qui sont très semblables à celles des autres copropriétés du Chêne Pointu et de la Forestière, les plus en difficulté du grand ensemble (tableau 1). Ces données de 2006 reflètent la situation de la copropriété avant l’importante vague de démolitions liée au projet de rénovation urbaine.

Tableau 1

Part des différentes catégories socioprofessionnelles dans la population active de 15 ans et plus

Tableau 1
Copropriété Commune Département de la Région des Bosquets de Montfermeil Seine-Saint-Denis île-de-France Artisans, commerçants, chefs d’entreprise 6 % 7 % 4 % 5 % Cadres et professions intellectuelles supérieures 1 % 12 % 13 % 27 % Professions intermédiaires 12 % 26 % 25 % 26 % Employés 31 % 31 % 35 % 28 % Ouvriers 50 % 24 % 23 % 14 %

Part des différentes catégories socioprofessionnelles dans la population active de 15 ans et plus

(Source : Insee, RP 2006).

10Le profil de la population des Bosquets se distingue nettement des moyennes communales, départementales et régionales. La copropriété accueille tout particulièrement des populations qui appartiennent aux catégories socioprofessionnelles (cs) les moins qualifiées et les plus fragiles sur le marché de l’emploi. La catégorie de très loin la plus importante aux Bosquets est celle des ouvriers qui constitue la moitié de la population active de la copropriété tandis qu’elle ne représente qu’un quart de la population active communale ou départementale. Viennent ensuite les employés qui représentent près d’un tiers des actifs de la copropriété (31 %). Cette part correspond aux moyennes départementales et régionales, de même que la part des artisans, commerçants et chefs d’entreprise (4 à 7 %). Les professions intermédiaires sont en revanche deux fois moins représentées aux Bosquets que dans les autres territoires de référence (12 % contre 26 %). Quant aux cadres et professions intellectuelles supérieures, ils sont pratiquement inexistants aux Bosquets (moins de 1 % contre 12 % à 13 % à Montfermeil et en Seine-Saint-Denis, et 27 % en Île-de-France). Ces données concernant les cs sont corroborées par celles qui concernent le niveau de diplôme. Tandis que les personnes sans diplôme sont minoritaires en Île-de-France (18 %) et à Montfermeil (31 %), elles représentent près des deux tiers de la population des Bosquets (62 % [5]).

11Le taux de chômage est lui aussi significatif. Il s’élève aux Bosquets à 42 % soit le double du taux de chômage moyen observé dans les Zones urbaines sensibles (zus) de Seine-Saint-Denis (23 %) ou d’Île-de-France (20 % [6]). En outre, près de moitié de la population de 15 ans et plus (43 %) appartient à la catégorie des « autres personnes sans activité professionnelle », ce qui est très supérieur à ce que l’on observe au niveau départemental (22 %) ou régional (18 %). Cette catégorie comprend les élèves et les étudiants, les chômeurs n’ayant jamais travaillé et les personnes sans activité professionnelle. Cette part élevée s’explique essentiellement par le nombre important de femmes au foyer. L’analyse des enquêtes de relogement effectuées aux Bosquets montre en effet que 76 % des conjointes des couples avec ou sans enfant étaient sans profession.

12Mais plus encore que les informations concernant le statut professionnel, les données sur la nationalité et le lieu de naissance sont révélatrices du positionnement social des habitants de cette copropriété. La concentration de populations immigrées y est tout à fait exceptionnelle. Dans chacune des trois copropriétés les plus en difficulté du grand ensemble, la moitié des habitants est de nationalité étrangère (46 à 58 %). Aux Bosquets, l’exploitation statistique des enquêtes de relogement révèle que les ménages dont la personne de référence était de nationalité étrangère représentaient 82 % des ménages des immeubles démolis. Dans les opérations de démolitions de grands ensembles hlm observées par d’autres chercheurs (Lelévrier, 2008), cette proportion est très inférieure : 34 % en moyenne.

13La population des Bosquets est essentiellement composée de familles nombreuses. D’après les enquêtes de relogement, les ménages de cinq personnes et plus représentaient 65 % des ménages des bâtiments détruits. Dans les démolitions d’ensembles hlm (ibid.), la part de ces grands ménages est en moyenne trois fois inférieure (24 %). Cette caractéristique pèse sur les capacités d’accès au logement des ménages et concourt à la faiblesse de leurs ressources économiques. Aux Bosquets, près des trois quarts des foyers fiscaux (71 %) sont non imposables [7]. Dans l’ensemble des Zones urbaines sensibles en France, cette proportion n’est que de 46 % en moyenne [8]. Aux Bosquets, le revenu fiscal moyen par ménage (18 000 €) est presque deux fois moins élevé que le revenu fiscal moyen par ménage en Île-de-France (30 000 € [9]).

14Toutefois, les données concernant les revenus ne sont pas suffisantes pour appréhender les ressources dont disposent effectivement ces ménages, car habiter dans une copropriété telle que celles de Clichy-Montfermeil coûte très cher. Ces copropriétés en difficulté présentent en effet la particularité d’avoir des charges communes particulièrement élevées. Elles contribuent ainsi à accentuer davantage la fragilité économique et sociale des classes populaires qu’elles logent.

Un habitat qui accentue la précarité

Des charges exorbitantes : les déséquilibres de gestion dès l’origine

15Le problème du montant anormalement élevé des charges est central dans les copropriétés en difficulté du grand ensemble de Clichy-Montfermeil. Qu’il s’agisse de la Forestière, des Bosquets ou du Chêne Pointu, les copropriétaires sont soumis à des charges communes qui s’élèvent à près de 400 € par mois alors que les prestations les plus élémentaires ne sont plus assurées. Le bâti se dégrade, les fuites d’eau rongent les murs et menacent la santé, les halls n’ont plus de porte d’entrée et les ascenseurs sont en panne depuis parfois plus de dix ans. Aux Bosquets, la dette qu’a accumulée la copropriété auprès de ses principaux fournisseurs et prestataires s’élève à plus de sept millions d’euros. Ces copropriétés sont toutes plongées dans un cercle vicieux. Face à l’absence de service rendu et au coût disproportionné des charges, la plupart des copropriétaires suspendent leurs paiements, aggravant par là l’endettement de la copropriété, le manque d’entretien et le montant des charges [10].

16L’histoire des Bosquets montre que ces difficultés de gestion étaient présentes dès la livraison de la copropriété, avant même qu’elle n’accueille ses premiers occupants. Dès les tous premiers mois, la copropriété a dû faire face à des montants de charges excessifs et à des impayés massifs qui représentaient déjà le tiers de son budget de fonctionnement. Ces anomalies sont ancrées dans le processus de production et de commercialisation de l’ensemble immobilier et sont liées en premier lieu à des effets pervers des financements publics qui sont à l’origine de sa construction : les prêts Logécos distribués de 1953 à 1962 par le Crédit Foncier. Avec un taux particulièrement faible (2 %), ces prêts bonifiés étaient extrêmement intéressants car ils n’exigeaient presque pas de contreparties si ce n’était de respecter des plans-types de construction standardisés et des plafonds de coûts de revient (Effosse, 2003). Grâce à ces avantages, il était facile de se lancer dans la promotion immobilière sans garantie ou compétence particulière. Ce système de prêt a ainsi donné lieu de 1953 à 1965 à une époque de véritable « far west » de l’immobilier (Roncayolo, 1985), marquée par une immense improvisation, de fréquents scandales et de nombreux programmes spéculatifs. La copropriété des Bosquets correspond à ce dernier cas de figure. Les premiers acquéreurs des logements étaient essentiellement de grands groupes financiers pour beaucoup domiciliés à l’étranger. Leur intention était de bénéficier des avantages des prêts Logécos et de faire une plus-value extrêmement rapide en revendant immédiatement leur stock de logements aux conditions du marché. Il n’y avait à la livraison qu’1 % de propriétaires occupants. La copropriété des Bosquets est ainsi le résultat d’un « coup » immobilier et financier, qui a échoué. En effet, les prêts Logécos ont entraîné au début des années 1960 une véritable surchauffe de l’immobilier qui a abouti en 1965, juste au moment où est livrée la copropriété des Bosquets, à une grave crise de surproduction (Topalov, 1987). Les spéculateurs des Bosquets ne sont pas parvenus à revendre comme prévu leurs appartements qu’ils ont dès lors mis en location, sans pour autant honorer le paiement des charges de copropriété. À cela se sont ajoutées des « malfaçons juridiques » qui ont contribué à gonfler artificiellement les charges, à empêcher le contrôle du syndic par les copropriétaires et à entraver le recouvrement des impayés. La copropriété des Bosquets est donc entrée dès le début dans un processus cumulatif au cours duquel les impayés, les carences d’entretien et le volume des charges se sont entretenus mutuellement. Dès les années 1970, la copropriété a été confrontée à des coupures d’eau et de chauffage collectif pour non-paiement.

Les difficultés de gestion, un facteur majeur de paupérisation des habitants

17Ces difficultés de commercialisation et de gestion ont eu des répercussions directes sur le peuplement de la copropriété. Les spéculateurs restés propriétaires malgré eux des appartements invendus, ont loué ces logements à des familles immigrées qui, dès les premières années, ont représenté plus de la moitié de la population des Bosquets (Saint-Blancat, 1971). Les déséquilibres financiers de la copropriété ont ensuite contribué à sa paupérisation : le poids des charges, l’absence d’entretien et le taux d’impayés ont rapidement découragé les propriétaires et les locataires les plus solvables qui ont fui la copropriété. La copropriété a alors accueilli des ménages de plus en plus fragiles pour qui il a été de plus en plus difficile d’honorer des charges en constante augmentation. Les charges se sont également répercutées sur les montants des loyers. Mais les appartements dévalorisés ont aussi attiré des bailleurs indélicats qui, sans payer les charges et sans effectuer de travaux dans les logements, ont pu louer de façon très rentable ces logements à des ménages qui n’avaient pas d’autre alternative [11].

18Les enquêtes de relogement menées lors des deux premières opérations de démolition en 1994 et en 2001 et la réalisation d’une quinzaine d’entretiens auprès des habitants des logements détruits donnent des indications sur les trajectoires résidentielles des occupants de ces immeubles. Ces données livrent également une image du peuplement de la copropriété depuis le début des années 1970. Celui-ci suit l’histoire de l’immigration française de ces dernières décennies. Alors que les ménages installés dans les années 1960 et 1970 viennent essentiellement de l’Algérie, du Maroc et du Portugal, la copropriété accueille à partir de 1980 les vagues d’immigration les plus récentes en provenance d’Afrique subsaharienne, du Cambodge, de Turquie, d’Haïti ou du Pakistan. Comme d’autres copropriétés en difficulté (Foret, 1986 ; Bérat et Pougnet-Place, 1995 ; Lelévrier, 2000), les Bosquets représentent une opportunité pour le logement de primo-arrivants. Pour la plupart des ménages interrogés, l’accès à un logement aux Bosquets représente en effet le premier logement familial stable de leur trajectoire migratoire et familiale et fait suite à une situation très précaire : chambre en hôtel meublé, hébergement chez des proches, location d’une pièce sommaire, baraquement, etc.

Des charges qui bloquent ou inversent les trajectoires résidentielles

19Pour les locataires, les conditions très peu sévères de sélection pratiquées par les bailleurs privés ou les agences immobilières ont représenté un opportunité rare d’accès à un logement familial. Mais alors que l’appartement loué est d’abord perçu par ces familles comme un logement où elles vont pouvoir s’installer durablement, les problèmes de gestion de la copropriété, la cherté du loyer et les difficultés rencontrées avec leurs bailleurs privés ne tardent pas à remettre en cause ce sentiment. Les charges et le loyer pèsent tellement sur le budget des familles que certaines d’entre elles doivent renoncer à l’ameublement tandis que d’autres sont confrontées à des difficultés alimentaires.

20Les trajectoires des propriétaires occupants sont plus diversifiées. À l’instar des copropriétés en difficulté étudiées par d’autres chercheurs (ibid.), on distingue deux grands types de copropriétaires occupants au sein des immeubles démolis des Bosquets. Les premiers sont devenus propriétaires par défaut. Ils ont acheté avant tout pour se loger dans une situation très contrainte. Paradoxalement, il leur a été plus facile d’acheter à crédit un appartement aux Bosquets que d’obtenir un logement locatif privé ou hlm.

21

« J’ai acheté aux Bosquets parce qu’on trouvait pas de logement. On allait partout, mais partout on vous refuse. Pourtant j’avais que ma femme et un enfant, on n’était pas une famille nombreuse. Mais du moment qu’on sent que vous êtes malien ou sénégalais, les propriétaires ne veulent pas. La seule façon de brouiller les chemins, c’est d’acheter. »

22Les seconds en revanche ont accédé à la propriété davantage par choix, dans une perspective d’ascension sociale et résidentielle. Leur situation tant socio-économique que migratoire est généralement plus stable. C’est le cas de M. et Mme Sarr qui étaient auparavant locataires hlm à Épinay-sur-Seine (93). Cette famille franco-sénégalaise disposait d’un apport provenant des dommages et intérêts versés à leur fils devenu invalide suite à un accident de voiture. Pour Mme Sarr, devenir propriétaire était un objectif central dans sa trajectoire de vie. Après avoir longuement prospecté, ils achètent en 1981 un appartement aux Bosquets car le faible prix leur permet d’acheter sans faire de crédit. Cette accession est envisagée comme une première étape vers l’achat d’un pavillon qui représente l’aboutissement réel de leur parcours résidentiel. Ils deviennent ainsi propriétaires en pensant « arrêter de jeter l’argent par les fenêtres avec un loyer à fonds perdu [13] » et en espérant faire une plus-value au moment de la vente.

23

« Quand on s’achète quelque chose, même petit, on espère faire une plus-value et après on rachète quelque chose de mieux ! »
(Mme Sarr)

24Mais alors qu’ils pensaient réduire leurs dépenses de logement en achetant comptant un appartement et constituer ainsi « un moyen d’épargne » et une « sécurité [14] », les charges sont si élevées aux Bosquets qu’elles contredisent tous leurs calculs : les 400 € de charges mensuelles représentent l’équivalent de leur ancien loyer hlm.

25Pour les propriétaires occupants, la confrontation aux problèmes de gestion de la copropriété est dramatique. Le montant prohibitif des charges menace directement la réussite de leur accession et la conservation de leur logement. Parmi les 45 propriétaires occupants enquêtés au cours des opérations de démolition, un sur deux avait accumulé des dettes de charges qui représentaient en moyenne trois ans d’arriérés. Acheter pour se loger dans une copropriété comme les Bosquets se révèle être ainsi un véritable piège. Les difficultés de gestion de la copropriété plongent presque inexorablement les copropriétaires occupants dans un processus d’endettement non maîtrisable qui accentue leur précarité, menace leur accession et bloque leur trajectoire résidentielle. Les dettes de charges et de crédit immobilier deviennent en effet un critère rédhibitoire pour trouver un nouveau logement privé ou social.

L’action publique n’a pas amélioré les trajectoires résidentielles

26Face aux difficultés de la copropriété, les pouvoirs publics ont toujours poursuivi deux objectifs depuis trente ans : réduire la concentration de populations immigrées et transformer le bâti et la forme architecturale. Pour cela, deux moyens d’action ont toujours été privilégiés : le rachat progressif des appartements par des organismes hlm et la démolition qui, jusqu’en 2009, n’a pas donné lieu à de nouvelles constructions. Mais ce mode d’intervention n’a pas permis de résoudre les problèmes de gestion de la copropriété. Les charges, les impayés et l’endettement de la copropriété n’ont cessé d’augmenter. Les différents opérateurs qui se sont succédé pour racheter les logements ont eux-mêmes été piégés par ces difficultés qui les ont conduits l’un après l’autre à la faillite. Ils ont eux aussi suspendu le paiement de leurs charges et n’ont pas pu assumer l’entretien de leur patrimoine. Le délabrement, la saleté, l’humidité, l’absence d’ascenseurs pénalisent ainsi toujours autant le quotidien des habitants des Bosquets et l’image de leur lieu de résidence.

27Globalement, l’action publique n’a pas non plus amélioré les trajectoires résidentielles des habitants. Les acquisitions de logements par des bailleurs sociaux ont cependant constitué une opportunité pour les locataires privés confrontés à des loyers très élevés. L’attribution d’un logement hlm aux Bosquets était facile à obtenir étant donné la faible demande dont ces appartements faisaient l’objet. Pour ces familles, le passage au statut de locataire hlm au sein même de la copropriété a représenté une sécurisation de leur trajectoire et une amélioration de leurs conditions de vie, en leur permettant notamment de réduire considérablement leurs dépenses de logement. Mais les opérations de démolition leur ont ensuite démontré que l’obtention d’un logement social au sein de cette copropriété était un cul-de-sac dans leur trajectoire résidentielle. En raison des stratégies des bailleurs sociaux impliqués sur le site et d’une volonté explicite du maire de Montfermeil de refuser aux habitants des Bosquets l’accès aux autres quartiers de sa commune ou aux logements neufs [15], les relogements pris en charge par la puissance publique ont été effectués essentiellement au sein des Bosquets, dans des bâtiments non réhabilités. Seuls 3 % des ménages relogés ont obtenu un logement dans la commune hors du quartier, alors que dans les opérations de démolition d’ensembles hlm, cette proportion est en moyenne de 34 % (Lelévrier, 2008). Bien que les réseaux sociaux de proximité soient très actifs et représentent une ressource pour les habitants des Bosquets, ce relogement à l’intérieur du quartier, dans des bâtiments dégradés voire de nouveau voués à la démolition, a renforcé un sentiment de cantonnement et d’assignation à résidence. Alors que l’annonce du relogement avait pu susciter de nouvelles aspirations pour les ménages, l’attribution d’un logement sur place a refermé ces espoirs de progression de leur parcours résidentiel. Il leur a signifié leur absence de marge de manœuvre et le caractère subi de leur présence aux Bosquets. La seule perspective pour s’installer ailleurs reste alors, de nouveau, le recours au marché privé.

28Mais les démolitions et le rachat des appartements par des organismes hlm ont été plus néfastes encore pour les propriétaires occupants. La démolition d’une copropriété ne se traduit pas seulement par un relogement. Avant cette étape, la puissance publique doit d’abord racheter un à un l’ensemble des appartements à démolir. Or, conformément à la logique de l’aménagement qui vise à équilibrer au mieux le bilan d’une opération, les acteurs publics ont privilégié le rachat des logements au moindre coût. En 2005, les propriétaires des Bosquets se voyaient proposer la somme de 30 000 euros pour des appartements de 60 m². De ce montant étaient en outre défalquées les potentielles dettes de charges, très fréquentes, ainsi qu’une pénalité de 15 % si le propriétaire et sa famille demandaient à être relogés. En effet, contrairement aux locataires hlm, les propriétaires occupants ne bénéficient pas d’un droit au relogement. Celui-ci se négocie lors de la vente et il se monnaye.

29De plus, les anciens propriétaires occupants ont vécu leur passage au statut de locataire hlm comme une déchéance dans leur parcours résidentiel et social, d’autant que cela n’a pas résolu les problèmes d’endettement dans lesquels les difficultés de gestion de la copropriété les avaient plongés. Le cas de monsieur Sambé est tout à fait révélateur. Cet ouvrier est devenu propriétaire aux Bosquets à la fin des années 1980 faute de trouver un logement locatif social ou privé pour loger sa famille arrivée en France du Sénégal dans le cadre du regroupement familial. Il n’avait pas anticipé un montant de charges aussi élevé. Les premières années, il a tenté par tous les moyens de faire face à cette dépense puis a dû se résoudre à suspendre ses paiements.

30

« Les charges on savait, mais on pensait que c’était 50 ou 100 €, pas 500 € ! C’est plus cher qu’un loyer ! Pendant cinq ans, j’ai eu le courage de payer. Les autres me disaient “tu pourras pas”, eux ils étaient déjà distancés, ils pouvaient plus. Moi j’ai dit bon, j’essaye, j’essaye ! Mais on peut pas, personne ne peut résister. Quelle que soit la bonne foi qu’on a, on se trouve K.O. Dès que vous avez un petit retard, il y a les “pénalités de retard” ! Et tous ces frais s’ajoutent, et quand vous additionnez, vous devenez malade. Vous savez, c’est un carnage incroyable. Vous vous trouvez complètement broyés. »
(M. Sambé)

31Quand son appartement a été racheté par l’Office départemental hlm à la fin des années 1990, il avait accumulé une dette telle qu’il n’a rien touché du produit de la vente. Il est devenu locataire hlm du logement dont il était précédemment propriétaire, tout en ayant encore son crédit immobilier à rembourser mensuellement auprès de sa banque.

Les « copropriétés en difficulté » au niveau national : un phénomène diffus ?

32Les copropriétés de Clichy-Montfermeil sont loin d’être les seuls cas de « copropriétés en difficulté ». Il s’agit d’un phénomène beaucoup plus vaste qui n’est pas cantonné aux copropriétés standardisées des Trente Glorieuses. Tout type d’immeuble peut être touché, quel que soit son âge, sa localisation et le tissu urbain dans lequel il s’insère. On trouve des copropriétés en difficulté aussi bien parmi les tours et les barres construites entre 1950 et 1970 que dans les villes nouvelles, les quartiers anciens, les copropriétés pavillonnaires des années 1980 et même les copropriétés récentes, notamment celles qui ont été financées à l’aide de dispositifs de défiscalisation du type « De Robien » ou « Borloo ». La forme architecturale et la situation urbaine ne déterminent pas le destin et la dévalorisation d’une copropriété (Golovchenko, 1998 ; Lefeuvre, 1999 ; arc, 2012).

Un phénomène qui suit le développement de la copropriété

33Ce phénomène émerge dans les années 1970, à l’époque où l’expansion de la copropriété est considérable. En effet, alors que la copropriété apparaît aujourd’hui comme un objet familier puisqu’elle représente plus d’un quart (27,3 %) de l’ensemble des logements français avec plus de 8 millions d’unités (anah, 2011), ce régime était très marginal avant la Seconde Guerre mondiale (Haumont et alii, 1971). Il faut d’ailleurs attendre le 10 juillet 1965 pour qu’une loi instaure les règles précises de fonctionnement de la copropriété actuellement en vigueur. La copropriété se développe à partir des années 1950 sous l’effet d’un double mouvement : la multiplication des « ventes à la découpe » d’immeubles locatifs anciens devenus peu rentables avec le blocage des loyers de 1948 et l’essor de la promotion immobilière stimulée par les aides publiques à la construction privée et l’accès facilité au crédit immobilier. Sous l’impulsion des prêts Logécos, et plus globalement des primes et prêts du Crédit Foncier, la construction neuve de copropriétés a ainsi constitué l’un des moteurs essentiels de l’expansion urbaine des Trente Glorieuses (Effosse, op. cit.). 38 % des logements en copropriété que compte aujourd’hui la France ont été construits entre 1945 et 1974 (anah, op. cit.). Jusque-là très minoritaire, la promotion immobilière visant à produire des logements destinés à la vente domine alors la construction de logements (Topalov, op. cit.).

Un nouveau problème public

34C’est dans ce « parc privé des Trente Glorieuses » qu’est d’abord identifiée la « crise de la copropriété » (Ballain et Jacquier, 1984). Tandis que les difficultés rencontrées dans les immeubles anciens en copropriété sont envisagées sous l’angle des dispositifs d’amélioration de l’habitat ou de lutte contre l’insalubrité, celles qui sont observées dans des ensembles immobiliers privés à peine sortis de terre apparaissent comme un problème inédit qui ne correspond pas aux catégories des politiques publiques existantes. Comme Montfermeil, d’autres municipalités assistent en effet dès les années 1970 à la dépréciation immédiate de copropriétés neuves qui présentent des signes alarmants d’impayés, de carences d’entretien, de dégradation du bâti et des concentrations particulières de populations immigrées. C’est le cas notamment à Grenoble et Lyon mais aussi à Marseille [16], Montpellier et Toulouse. Plus globalement, alors que la loi du 10 juillet 1965 est tout juste votée, les juristes spécialisés et les syndics sont confrontés à la multiplication de contentieux, à l’absentéisme courant dans les assemblées générales et à la fréquence des conflits et des blocages dans les prises de décision (ibid.). Des locataires et des copropriétaires se mobilisent contre les malfaçons et le manque d’entretien des immeubles neufs qu’ils habitent et la copropriété devient un objet de militantisme [17].

35C’est à partir des premières expérimentations locales lancées au début des années 1980 dans certaines copropriétés des Trente Glorieuses, notamment au sein des agglomérations lyonnaise et grenobloise, que se construit progressivement un nouveau champ d’intervention publique visant ce qu’on appellera plus tard « les copropriétés dégradées » ou les « copropriétés en difficulté » (Beck, 2005 ; Lefeuvre, 2007). La question du peuplement de ces copropriétés est centrale dans la construction de la légitimité de l’action publique sur cet habitat privé qualifié de « parc social de fait » (ibid.). En 1994, ce nouveau problème public fait l’objet d’une double reconnaissance. Le 7 juillet, une circulaire du ministère du Logement et du ministère de la Ville permet aux copropriétés construites après guerre de bénéficier de la procédure d’Opération programmée d’amélioration de l’habitat (opah) jusque-là réservée à la réhabilitation de l’habitat ancien. Le 24 juillet, la loi sur l’habitat officialise la notion de « copropriété en difficulté » en autorisant les copropriétés dont « l’équilibre financier […] est gravement compromis » ou qui « sont dans l’impossibilité de pourvoir à la conservation de l’immeuble » à faire appel à un administrateur judiciaire provisoire auquel sont confiés les pouvoirs exécutifs de l’assemblée générale des copropriétaires pour qu’il prenne les mesures nécessaires au rétablissement du fonctionnement normal de la copropriété. En 1996, l’action publique sur les copropriétés en difficulté est renforcée avec l’instauration d’un dispositif spécifique, le Plan de sauvegarde, qui sera consolidé en 2000 par la loi Solidarité et renouvellement urbain (sru). Aujourd’hui, les procédures d’intervention publique sur les copropriétés en difficulté [18] concernent plus de 1000 copropriétés – antérieures ou postérieures à 1948 – représentant près de 60 000 logements (Braye, 2012). Depuis 2003, les copropriétés en difficulté ont également été intégrées au Programme national de rénovation urbaine. À elle seule, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (anru) a engagé plus de 238 millions d’euros de subventions, finançant ainsi 240 opérations dont 31 opérations de démolition [19].

Un phénomène difficile à quantifier

36Mais le problème des copropriétés en difficulté dépasse le cadre des opérations dans lesquelles est engagée la puissance publique (Braye, op. cit.). Le phénomène des copropriétés en difficulté est difficile à mesurer à l’échelle nationale. La « copropriété » ne fait pas partie des catégories du recensement de la population, mais l’Enquête nationale logement (enl) réalisée par l’Insee permet d’avoir des données statistiques sur ce parc de logement et les ménages qui y habitent. L’enl interroge notamment les copropriétaires occupants sur la présence d’impayés de charges dans leur copropriété. Lors de la dernière enquête en 2006, 15 % d’entre eux ont déclaré qu’il existait « des impayés importants » dans leur copropriété. D’autres approches développées pour tenter d’appréhender statistiquement le problème des copropriétés en difficulté estiment également que 15 à 20 % des logements en copropriété seraient situés dans une copropriété fragile ou en difficulté, ce qui représenterait plus d’un million de logements (Braye, op. cit.).

37Plus généralement, les statistiques nationales concernant le profil des ménages qui habitent dans les copropriétés montrent bien que cette forme d’habitat n’est pas l’apanage des classes moyennes et supérieures. Près d’un ménage copropriétaire occupant sur cinq (17 %) est un ménage « modeste [20] » et près d’un ménage locataire sur cinq en copropriété se situe en dessous du seuil de pauvreté (anah, op. cit.[21]).

Conclusion

38Alors que la hausse continue des valeurs immobilières des centres-villes et les politiques de mixité sociale menées dans le parc locatif hlm tendent à disperser les classes populaires, les copropriétés en difficulté comme celles de Clichy-Montfermeil apparaissent comme un type de logement encore peu médiatisé qui concentre des populations les plus discriminées dans l’accès au logement – notamment des populations immigrées – et accentue gravement leur précarité.

39Au-delà de ces cas très spectaculaires, le problème des copropriétés en difficulté se développe aussi de manière plus diffuse. Difficile à quantifier, ce phénomène est révélateur d’une modification profonde de l’habitat des classes populaires qui s’est nettement diversifié, notamment à travers le vaste mouvement de démocratisation de l’accession à la propriété impulsé dès les années 1950 par les politiques publiques d’aides au logement (Topalov, op. cit.). Mais pour les copropriétaires qui achètent dans une copropriété en difficulté, l’accession à la propriété est loin d’être un gage de sécurité et de représenter une progression dans leur trajectoire sociale et résidentielle. Bien au contraire, sous l’effet des déséquilibres de gestion et du poids des charges qui sont au cœur des problèmes de ce type de copropriété, l’accession à la propriété se révèle être un piège qui conduit les ménages vers un processus d’endettement, de paupérisation et de marginalisation sociale.

Bibliographie

Références bibliographiques

  • anah. 2011. Les logements en copropriété dans l’Enquête Nationale Logement 2006, Paris.
  • arc. 2012. Traiter les copropriétés fragiles ou en difficulté, Paris, Vuibert.
  • Ballain, R. ; Jacquier, C. 1984. Dévalorisation du parc collectif privé et gestion des copropriétés, Grenoble, cerat.
  • Beck, M. 2005. Les copropriétés en difficulté, histoire d’une reconnaissance publique, rapport pour le Plan urbanisme construction architecture, Paris.
  • Bérat, B. ; Pougnet-Place, F. 1995. Gestion de l’espace et intégration : les regroupements résidentiels des immigrés dans des copropriétés dégradées, Étude pour la Direction de la population et des migrations, Paris, acadie.
  • Braye, D. 2012. Prévenir et guérir les difficultés des copropriétés : une priorité des politiques de l’habitat, Rapport pour le ministre en charge du Logement, Agence nationale de l’habitat, Paris.
  • Effosse, S. 2003. L’invention du logement aidé en France. L’immobilier au temps des Trente Glorieuses, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, Paris.
  • Foret, C. 1986. Trajectoires de l’exclusion. Recomposition sociale et processus de territorialisation dans l’espace d’une copropriété disqualifiée, Rapport de recherche pour la Caisse nationale d’allocations familiales.
  • Golovtchenko, N. 1998. Les copropriétés résidentielles entre règle juridique et régulation sociale. Contribution à une sociologie de l’action organisée, thèse de doctorat, université de Toulouse-II.
  • Haumont, N. ; Haumont, A. ; Raymond, H. 1971. La copropriété, Paris, cru.
  • Kirszbaum, T. 2007. Les élus, la République et la mixité, rapport de recherche pour le Plan urbanisme construction architecture, Paris.
  • Le Garrec, S. 2010. La démolition d’un grand ensemble en copropriété. Une réponse urbaine à un problème de gestion ? La copropriété des Bosquets à Montfermeil, thèse de doctorat, Institut d’Urbanisme de Paris, université Paris-Est Créteil.
  • Lefeuvre, M.-P.1999. La copropriété en difficulté. Faillite d’une structure de confiance, La Tour d’Aigues, Les Éditions de l’Aube.
  • Lefeuvre, M.-P. 2007. Action publique locale et propriétaires. Champs et instruments d’intervention publique sur l’habitat privé, mémoire pour l’Habilitation à diriger des recherches, Institut d’Urbanisme de Paris, université Paris XII, Créteil.
  • Lelévrier, C. 2000. Regroupements d’immigrés. Des catégorisations aux processus de mobilité et d’accès au logement, thèse de doctorat, Institut d’Urbanisme de Paris, université Paris XII, Créteil.
  • Lelévrier, C. 2008. Mobilités et trajectoires résidentielles des ménages relogés lors d’opérations de renouvellement urbain, Synthèse de travaux menés entre 2004 et 2007, rapport de recherche pour le puca, la div et la dreif, Lab’urba, université Paris-Est Créteil.
  • Roncayolo, M. 1985. Histoire de la France Urbaine. La ville aujourd’hui, Paris, Points, Le Seuil.
  • Saint-Blancat, C. 1971. Mobilité résidentielle et ségrégation sociale dans deux grands ensembles de la région parisienne, Les Bosquets à Montfermeil et les Grandes Terres à Marly-le-Roi, Mémoire de diplôme de l’Institut d’Urbanisme, université Paris IX Dauphine.
  • Schwartz, O. 2011. « Peut-on parler des classes populaires ? », La vie des idées.fr, 13 septembre.
  • Topalov, C. 1987. Le logement en France : histoire d’une marchandise impossible, Paris, Presse de la fnsp.

Mots-clés éditeurs : trajectoires résidentielles, classes populaires, Clichy-sous-Bois–Montfermeil, copropriétés dégradées, copropriétés en difficulté

Mise en ligne 31/03/2014

https://doi.org/10.3917/esp.156.0053

Notes

  • [1]
    Circulaire du 7 juillet 1994 créant « l’OPAH-copropriété » (Opération programmée d’amélioration de l’habitat).
  • [2]
    Convention partenariale pour la mise en œuvre du projet de rénovation urbaine de Clichy-sous-Bois-Montfermeil, signée le 17 décembre 2004.
  • [3]
    Unité de découpage infra-communale de l’Insee, regroupement d’îlots de 2 000 à 5 000 habitants.
  • [4]
    La copropriété des Bosquets correspond à deux iris.
  • [5]
    Population non scolarisée âgée de 15 ans et plus.
  • [6]
    Observatoire des Zones urbaines sensibles, Rapport 2009.
  • [7]
    Insee, base de données des revenus fiscaux 2009.
  • [8]
    Ibid.
  • [9]
    Ibid.
  • [10]
    Paradoxalement, moins on entretient les parties communes d’une copropriété, plus les charges augmentent car les travaux sont faits dans l’urgence et certaines dépenses coûteuses ne sont pas contrôlées (chauffage, eau, etc.). Les impayés participent aussi à faire augmenter les charges (frais de justice et compensation des débiteurs par une augmentation du budget global).
  • [11]
    On ne saurait pour autant assimiler tous les propriétaires bailleurs de ces copropriétés à des « marchands de sommeil ». Les analyses de terrain montrent que la réalité est plus complexe et que les profils des bailleurs sont hétérogènes. Un certain nombre de petits propriétaires bailleurs tiennent à jour, parfois au prix de sacrifices, le paiement de leurs charges pour tenter de sauver le petit capital qu’ils ont investi dans ce bien déprécié. Certains d’entre eux sont d’ailleurs d’anciens propriétaires occupants qui ont préféré mettre en location leur appartement dévalorisé plutôt que de le vendre à perte.
  • [12]
    Pour préserver l’anonymat, les noms des personnes enquêtées ont été modifiés.
  • [13]
    Entretien avec Mme Sarr.
  • [14]
    Ibid.
  • [15]
    Au nom de la « préservation des équilibres », cette volonté municipale a été inscrite dans une charte commune de relogement signée par l’État et les différents partenaires du Projet de rénovation urbaine (Kirszbaum, 2007).
  • [16]
    Voir l’article de Johanna Lees dans ce numéro.
  • [17]
    Au sein de la Confédération syndicale du cadre de vie (cscv) de l’ancc (Association nationale de la copropriété coopérative et de l’arc (Association des responsables de copropriété).
  • [18]
    « opah copropriété », Plan de sauvegarde, opah en quartier ancien avec volet copropriété.
  • [19]
    ces anru, Les quartiers en mouvement. Pour un acte 2 de la rénovation urbaine, juillet 2011, p. 127.
  • [20]
    Ménages à bas revenu éligibles aux aides de l’anah. Ces ménages ont un revenu trois fois inférieur à celui des copropriétaires occupants dans leur ensemble. Gagnant en moyenne 8 200 € par unité de consommation et par an, « leur situation financière s’apparente à celles des locataires du parc privé en copropriété vivant sous le seuil de pauvreté (6 500 € /uc/an) » (anah, op. cit., p. 34).
  • [21]
    Ces données sont certainement sous évaluées en raison d’une sous-représentation admise des populations les plus défavorisées dans l’eln (ibid., p. 15).
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.14.90

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions