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Article de revue

Les enjeux de la territorialisation d'une lutte sociale : le cas des intermittents du spectacle

Pages 197 à 212

Notes

  • [*]
    Jérémy Sinigaglia, docteur en sociologie, chercheur associé au Groupe de sociologie politique européenne (gspe-prisme, umr cnrs 7012), Université/iep de Strasbourg et au Laboratoire lorrain de sciences sociales (2L2S), Université Paul-Verlaine de Metz.
    jsinigaglia@gmail.com
  • [1]
    C’est-à-dire du sens attribué au mouvement par les « entrepreneurs de cause » (Snow et Benford, 1988).
  • [2]
    Cette hypothèse rejoint en partie celle des « effets de lieu » proposée par Javier Auyero (Auyero, op. cit.) ou encore les remarques introductives formulées par Magali Boumaza et Philippe Hamman dans un ouvrage consacré aux espaces mobilisés dans les luttes de précaires (Boumaza et Hamman, 2007).
  • [3]
    Suivant le rythme cyclique des attaques du medef (et avant lui du cnpf) et de la contestation syndicale. Pour un historique de ces conflits, voir par exemple : Menger, 2005, p. 223-230.
  • [4]
    Réponse d’un artiste dramatique (comédien et metteur en scène) à une question portant sur les motifs de la (non) participation à la grève (17 juin 2004).
  • [5]
    Selon Gilles Deleuze et Félix Guattari, « se déterritorialiser, c’est quitter une habitude, une sédentarité. Plus clairement, c’est échapper à une aliénation, à des processus de subjectivation précis » (Deleuze et Guattari, 1972, p. 162).
  • [6]
    Le couple de notions déterritorialisation/reterritorialisation, central dans l’œuvre de Deleuze et Guattari, est mobilisé à propos du « mouvement de 95 » par Pascal Nicolas-Le Strat. Il l’utilise pour analyser la manière dont ce mouvement s’est « emparé de l’espace urbain pour publiciser sa revendication », construisant ainsi une nouvelle « territorialité politique » (Nicolas-Le Strat, 2000, p. 48).
  • [7]
    Goffman note que « un décor est normalement, géographiquement stable, de sorte que les actes humains qui voudraient faire d’un décor particulier un élément de leur représentation ne peuvent entamer l’action avant de s’être transportés à l’endroit approprié, et doivent cesser leur représentation quand ils le quittent » (op. cit., p. 29).
  • [8]
    Composé notamment de militants socialisés dans les mouvements de chômeurs des années 1990, en particulier Agir ensemble contre le chômage ! – ac !, et de quelques intermittents qui les ont rejoint début 2003.
  • [9]
    Pour une présentation plus approfondie du label « précarité » dans le mouvement des intermittents et du rôle des militants du collectif Précaires Associés de Paris, voir Sinigaglia, 2007b.
  • [10]
    Expression militante qui prend le contre-pied de celle – plus consensuelle et inscrite dans le vocabulaire de la négociation – de « partenaires sociaux », signalant par là qu’ils ne jouent pas avec le medef et la cfdt mais qu’ils se battent contre eux (Sinigaglia, 2013).
  • [11]
    L’adjectif (où sa forme substantivée, la « radicalité ») est fréquemment évoqué mais jamais clairement défini dans les entretiens avec les militants. Il s’inscrit néanmoins toujours dans une stratégie de distinction vis-à-vis de l’attitude « molle » attribuée aux syndicats.
  • [12]
    L’association a en effet plusieurs fois recouvert tout ou partie de bâtiments, monuments, statues à l’aide de draps sur lesquels sont inscrits des slogans. On peut penser à l’action du 1er décembre 1995, quand des militants ont recouvert le socle de la statue de la place de la République de Paris d’une banderole portant l’inscription « Sida : honte à la France ».
  • [13]
    Notes d’observation du 14 février 2006.

1Quels sont les effets de la localisation d’un conflit social dans certains espaces sur la définition d’une mobilisation collective et l’identité de ses participants ? Le mouvement des intermittents du spectacle de 2003-2006 offre une remarquable occasion de répondre à ces questions et d’analyser ce que l’on pourrait appeler des jeux de territoire. L’objectif de cet article est d’analyser les déplacements des intermittents mobilisés d’un point de vue à la fois topographique (celui des espaces physiquement occupés) et symbolique (celui de la signification [1] du mouvement).

Le mouvement des intermittents du spectacle (2003-2006)

Dans la nuit du 26 au 27 juin 2003 est signé au sein de l’unedic un protocole d’accord qui modifie les conditions d’indemnisation du chômage des salariés intermittents du spectacle (annexes 8 et 10 de la convention d’assurance chômage). La mobilisation prend rapidement une ampleur qui surprend les observateurs et les animateurs du mouvement. La « cgt spectacle » appelle à une journée de grève. Des collectifs et des coordinations se forment, se reforment ou se renforcent dans de nombreuses villes de France. La Coordination des intermittents et précaires d’Ile-de-France, qui draine plusieurs centaines de participants, joue un rôle structurant. L’été est marqué par les grèves et les annulations de festivals (dont celui d’Avignon), mais aussi par les multiples occupations menées par les collectifs mobilisés. Alors que l’accord reçoit l’agrément ministériel indispensable à sa mise en œuvre, le mouvement se prolonge dans les mois et les années qui suivent, alternant des temps forts de mobilisation (festival de Cannes 2004, cérémonies officielles du spectacle) et des temps de veille. Malgré l’ampleur et la durée de la contestation, un accord jugé plus restrictif encore est à nouveau signé le 18 avril 2006 (Sinigaglia, 2008a).

2On considère souvent que ce qui produit le sens d’une mobilisation, et qui est donc l’objet d’une lutte entre les différentes composantes individuelles et collectives du mouvement, se résume aux productions discursives qui justifient la mobilisation (la « cause » ; Collovald et Gaïti, 1991) et aux techniques de lutte employées (le « répertoire d’action » ; Tilly, 1986 ; Tilly et Tarrow, 2008). Ce résultat se vérifie dans le mouvement des intermittents, dans lequel se distinguent (et, dans les usages qui en sont faits par les mobilisés, se combinent) trois registres de la cause (profession, culture et précarité) que l’on peut articuler à trois modes d’identification collective (intermittents, artistes et précaires ; Sinigaglia, 2008b) et à trois manières de mener la lutte (la grève-manifestation, les pratiques militantes esthétisées et les actions dites radicales comme l’occupation ; Sinigaglia, 2007a).

3Dans ce prolongement, l’hypothèse de cet article est que le lieu dans lequel se déroule le conflit participe aussi à la production du sens de la lutte. Nombre d’auteurs déplorent l’absence de prise en compte de la dimension spatiale des mouvements sociaux (Martin et Miller, 1998) et invitent à analyser l’espace comme un élément qui conditionne l’émergence et contraint la forme des mobilisations (Tilly, 2000 ; Sewell, 2001 ; Martin et Miller, 2003). L’objectif est de poursuivre cette piste – qui fait l’objet d’un large consensus théorique mais qui est encore peu suivie d’applications empiriques (Auyero, 2005) – et d’aller plus loin en montrant que le lieu, dans ses dimensions indissociablement géographiques et sociales (Massey, 1994), produit une signification politique et forme un élément qui contribue à façonner la cause défendue [2].

4On peut préciser cette hypothèse en utilisant le modèle dramaturgique défini par Erving Goffman (Goffman, 1973). Suivre les déplacements du conflit des intermittents dans les différents espaces qu’il traverse consiste alors à s’intéresser aux changements de « décor » de la lutte. Or dans le vocabulaire goffmanien, le décor est une des dimensions de la « façade » d’un acteur, inséparable dans la présentation de soi de sa « façade personnelle » (la partie visible de son identité sociale dans l’interaction). Si l’on transpose à notre objet : l’acteur est le groupe mobilisé (les composantes individuelles et collectives du mouvement), la façade personnelle est composée des éléments que ce groupe met en avant c’est-à-dire une identité collective, une cause et des techniques de lutte (considérées comme des « accessoires » dans l’élaboration de la face) et le décor est le lieu du conflit. Pour produire une signification du mouvement cohérente, il doit donc y avoir concordance entre ces différents éléments de présentation de soi (ou du mouvement) : une identité revendiquée, un registre de lutte, un répertoire d’action et un espace particulier.

5Le fait d’être présent dans les lieux du spectacle permet aux intermittents de se présenter comme des artistes, i.e. à la fois de camper la figure de l’artiste (à la fois héros romantique et professionnel du spectacle) et de justifier leur lutte par la défense de leurs droits professionnels mais surtout celle de la culture. Pour les militants porteurs d’une définition alternative de la lutte, l’enjeu est de guider le mouvement hors des mondes du spectacle (le déterritorialiser) pour l’emmener dans d’autres espaces (le reterritorialiser) plus en phase avec leur définition de la cause.

Terrains et méthodes

Cet article s’inscrit dans le prolongement d’une thèse de sociologie portant sur les conditions de possibilité du mouvement de contestation des intermittents du spectacle comme groupe hétérogène, précaire et désorganisé du point de vue du travail (Sinigaglia, 2012). Une enquête ethnographique a été menée de 2003 à 2006 auprès d’un petit collectif d’intermittents en Lorraine (cil : un noyau dur d’une dizaine de militants, quelques dizaines dans les temps forts) et de la Coordination des intermittents et précaires d’Ile-de-France (cip-idf : la principale organisation non syndicale du mouvement, qui regroupe plusieurs dizaines de membres et en mobilise quelques centaines dans les temps forts). Le corpus se compose d’observations directes et participantes (N>100 séances d’observation : réunions de collectifs militants, manifestations, occupations, etc.), d’entretiens avec des animateurs des collectifs et de participants à la mobilisation (N=40), d’une enquête exploratoire par questionnaires (N=69) et d’une analyse du matériel de propagande élaboré par les contestataires (tracts, journal L’interluttant, brochures diverses, site Internet, etc.).

Un conflit situe dans les mondes du spectacle

6C’est d’abord dans les mondes du spectacle vivant (théâtre, musique et danse), qu’émerge et se développe le mouvement de contestation des intermittents, sous l’impulsion des syndicats du secteur (la « cgt spectacle » en particulier) et de divers collectifs se présentant comme des regroupements d’artistes et/ou de salariés intermittents. Dès la reprise des négociations au sein de l’unedic début 2003, la Fédération nationale du spectacle, de l’audiovisuel et de l’action culturelle de la cgt (fnsac-cgt) et les premiers collectifs mobilisés organisent la contestation. Celle-ci s’amplifie une fois l’accord signé : des théâtres et des locaux de Directions régionales des affaires culturelles sont occupés ; des grèves entraînent l’annulation de nombreux festivals (plus de soixante dans la première quinzaine de juillet selon la fnsac). Après un premier essoufflement à la rentrée de septembre, elle reprend de la vigueur à chaque grande cérémonie de la profession (Victoires de la musique, festival de Cannes, Molières, Césars, etc.).

7Cette première localisation du conflit fait directement écho à l’identité professionnelle et sociale objective des mobilisés. Elle renvoie en effet à une forme d’identification collective à la catégorie des artistes et aux mondes du spectacle qui correspond pleinement à la socialisation professionnelle des intermittents. Ils se sentent « chez eux » dans ces espaces qui sont matériellement leurs lieux de travail et symboliquement les lieux de leur existence professionnelle et, au moins en partie, sociale.

8Mais même impensée (en tout cas non ouvertement stratégique), l’occupation visible des mondes du spectacle par les intermittents mobilisés renseigne sur la signification qu’ils attribuent à leur lutte, la manière dont ils se définissent et définissent leur cause, en articulant intérêts catégoriels (ceux des intermittents en tant que professionnels du spectacle) et registre universel (celui de la Culture, avec un grand « C »). En l’important dans les espaces considérés singuliers du spectacle, ils ambitionnent de réinterpréter avec « créativité » le répertoire d’action syndical.

Quand les intermittents campent la figure de l’artiste

9Le mouvement des intermittents est l’occasion pour certains professionnels de camper la figure de l’artiste (Bourdieu, 1992). Telle qu’elle s’est constituée historiquement, elle renvoie notamment à la figure de la bohème dont les traits saillants sont le rejet du travail et de l’argent, le mépris des conventions bourgeoises, le goût de l’excès (drogue, alcool…) et le culte de la liberté. Entre artiste maudit et conspirateur politique (Traverso, 1999), l’artiste est dans son rôle – au sens où il est conforme à ce qui est attendu de lui compte tenu de sa position et de la situation – lorsqu’il respecte le mythe qui l’a construit et qu’il conteste le pouvoir. Bien sûr, tous les intermittents ne peuvent aisément endosser ce rôle classique. Les plus légitimes pour le faire sont les mieux dotés en capital culturel, comédiens et plus encore dramaturges qui se rapprochent par leur rapport à l’écrit des professions littéraires. À l’opposé, les praticiens d’arts dominés dans le champ artistique peuvent plus difficilement adopter cette position. Ils se présentent plus volontiers comme des professionnels ou des travailleurs du spectacle, figures a priori plus accessibles que celle de l’artiste. Leur appartenance aux mondes du spectacle se manifeste alors plutôt par une mise en œuvre de compétences artistiques dans la réalisation des actions militantes.

10Dans le mouvement des intermittents, investir la figure de l’artiste consiste à défendre une production artistique « originale », à rejeter les formes de soumission de la création aux impératifs financiers, etc. L’adoption de la posture artiste au cours de la mobilisation renvoie indissociablement à l’activation d’une référence collective positive dans une stratégie de défense du groupe et de sa cause et, d’un point de vue individuel, à une occasion d’être publiquement reconnu comme artiste dans des conditions (un conflit social) et selon des modalités (la manifestation, le discours politique) moins contrôlées que dans le fonctionnement ordinaire du champ artistique. Plus largement, cela revient à défendre les intermittents au nom de la Culture (avec un grand « C »), ce que font, à leur manière et dans des situations bien précises, les syndicats et certains collectifs d’intermittents mobilisés. En véhiculant les représentations idéalisantes de l’artiste et de son rôle dans la société, ils fournissent aux intermittents le socle d’une identité collective confortable et aisément revendicable et ils posent les bases d’un registre de la lutte centré sur la notion universelle de Culture.

11Quoi qu’il en soit, lorsqu’un intermittent campe cette figure de l’artiste dans un lieu appartenant aux mondes du spectacle, il met en cohérence, pour reprendre le vocabulaire goffmanien, sa façade personnelle et le décor. Tout est donc réuni pour donner lieu et corps à une représentation crédible : le bon acteur sur la bonne scène, ce à quoi s’ajoute le bon texte : celui qui justifie la lutte des intermittents par la défense de la Culture.

Occuper la scène pour défendre les artistes et la culture

12Les justifications du conflit qui émanent des syndicats du secteur et des collectifs d’intermittents articulent deux registres : celui des droits professionnels à défendre d’un côté, celui de la Culture à préserver de l’autre. Il en découle une argumentation qui est reprise par la majorité des mobilisés : la lutte des intermittents est juste car elle porte les revendications de « salariés comme les autres » et elle est légitime car elle suppose également la défense de la création et de la diffusion artistique en France.

13Lorsque les justifications de la lutte sont directement adressées au public, depuis la scène, le registre professionnel tend même à s’éclipser au profit de celui de l’art. Est ainsi généralement évoqué tout un ensemble de mises en garde contre l’uniformisation de la culture, les risques de sa soumission au marché, la fin de l’exception culturelle ou la mort de l’art et des artistes. Défendre les intermittents, c’est en ce sens garantir aux publics le maintien d’une offre culturelle diversifiée et équitablement répartie sur le territoire.

14Depuis plusieurs années [3], les grandes cérémonies du spectacle comme les Molières et les Césars fournissent aux intermittents une occasion privilégiée de se mobiliser et de camper publiquement la figure de l’artiste. À force de répétitions, la représentation est désormais relativement stabilisée. Un texte est lu par une ou plusieurs personnes occupant la scène, face au public. Il s’agit le plus souvent – et de préférence – des personnalités reconnues de la profession jouant le rôle de « petits porteurs de cause » (Collovald et Gaïtti, op. cit.) et plus rarement des artistes (ou des techniciens) inconnus du grand public et chargés de représenter les travailleurs « ordinaires » du spectacle. Quelques primés glissent un petit mot pour exprimer leur solidarité avec le mouvement. Presque aussi régulièrement, des militants des syndicats ou des coordinations font une irruption non négociée sur la scène ou perturbent quelques instants depuis la salle le déroulement de la cérémonie.

15Ces interventions recueillent généralement les applaudissements de soutien du public. Cela tient bien sûr en partie au contenu du discours porté : la défense de la culture dispose comme on l’a dit d’une portée universelle et donc d’un haut degré de légitimité. Mais l’espace où se déroule l’action vient renforcer encore la légitimité du discours. Un théâtre ou un opéra, lieux de la création par excellence, semblent être en effet parfaitement adaptés à l’expression des revendications des artistes. Tout concorde là encore, discours et façade, pour produire une signification politique cohérente. Et cette logique se poursuit jusque dans la mobilisation des outils de la contestation.

Grève versus modes d’action « créatifs »

16L’occupation des espaces physiques et symboliques du spectacle s’accompagne également, pour une partie des intermittents mobilisés, d’une remise en cause des modes d’action forgés par le mouvement ouvrier et mis en œuvre par les syndicats du secteur (la grève notamment) et d’une volonté d’esthétisation des pratiques militantes.

17Bien qu’elle soit un des modes d’action les plus fortement ancrés dans le répertoire d’action collective contemporain (Groux et Pernot, 2008), la grève n’est jamais une pratique anodine et son emploi suscite de nombreuses interrogations. Les spécificités du secteur du spectacle conduisent par exemple à réévaluer les coûts d’un recours à la grève : ne pas se produire en spectacle, pour des intermittents travaillant au sein d’une compagnie, c’est à la fois perdre un jour de salaire (et donc de cotisation pour l’assurance chômage) et potentiellement mettre en péril la structure (souvent associative) qui procure l’essentiel de ses emplois. Mais la question de la grève n’est pas que stratégique. Elle se situe aussi sur un plan symbolique. Les réticences rencontrées au cours de l’enquête reposent sur l’idée que cette dernière ne conviendrait pas au groupe mobilisé : « ce n’est pas très créatif pour des gens qui se revendiquent comme des artistes ! [4] ». Cette argumentation est le plus souvent le fait d’intermittents non syndiqués et peu politisés, qui se mobilisent en investissant uniquement la figure mythique et valorisante de l’artiste.

18S’ils critiquent voire rejettent ce mode d’action, ce n’est donc pas (seulement) en suivant un raisonnement tactique qui porterait sur l’opportunité de se mettre ou non en grève. De leur point de vue, faire grève c’est se présenter comme des travailleurs ordinaires et nier une partie de la spécificité qu’ils revendiquent en tant qu’artistes. Par extension, le rejet de la grève correspond à une logique de distinction vis-à-vis des syndicats : ces derniers seraient bureaucratiques et ne proposeraient que des modes d’action routiniers alors que les collectifs d’artistes seraient démocratiques et susciteraient des modes d’action innovants. Au-delà de la manifestation d’une lutte interne pour savoir qui est légitime pour représenter les intermittents et quels sont les outils légitimes pour le faire, cette opposition simpliste met en évidence la faiblesse du capital militant (Matonti et Poupeau, 2004) d’une partie des artistes mobilisés au sein des collectifs et leur relative méconnaissance du répertoire d’action collective contemporain.

19Au cours de l’été 2003, ceux qui s’opposent au protocole mais qui refusent de recourir à la grève défendent l’idée de « lutter en jouant » : rester sur leurs lieux de travail et mettre leur créativité artistique au service de la contestation. Entre usages militants des pratiques artistiques et usages artistes des pratiques militantes, ils mobilisent leurs compétences professionnelles dans les actions (happening, performances, manifestations scénarisées, etc.), ancrant ainsi plus fortement encore le mouvement des intermittents dans l’espace symbolique des arts du spectacle.

20Il existe donc une forte corrélation entre la localisation de la contestation dans les mondes du spectacle vivant et la manière dont est défini le mouvement par ses animateurs et ses participants. Les espaces physiquement occupés produisent un effet de labellisation du mouvement, liant son identité aux mondes du spectacle vivant et sa signification au registre de la culture. Tout l’enjeu, pour ceux qui souhaitent proposer aux intermittents des registres concurrents de problématisation du conflit est donc de le déplacer physiquement vers d’autres espaces.

Changement de décor : entrée et mise en scène du registre de la précarité

21C’est sous l’impulsion d’une poignée de militants très politisés du collectif Précaires associés de Paris (pap), fondateurs avec les premiers intermittents mobilisés de la Coordination des intermittents et précaires d’Ile-de-France (cipidf), que le mouvement des intermittents sort des mondes du spectacle et investit, dans le cadre d’actions « coup de poings », les locaux des assedic et de l’anpe (devenus Pôle emploi) ou les bureaux du medef et de la cfdt. On observe alors, d’un point de vue topographique, le déplacement de la lutte vers des territoires qui ne lui sont pas a priori réservés, ou en tout cas qui ne correspondent pas à la manière dont ont été jusque-là posés les termes de la mobilisation par les organisations syndicales et les premiers collectifs d’artistes. Ce déplacement peut s’analyser comme une déterritorialisation [5] et une reterritorialisation [6] de la lutte : il s’agit en effet d’un déplacement physique des contestataires d’un lieu à un autre qui s’accompagne d’une redéfinition de l’objet de la lutte et de l’identité des manifestants, d’un passage du registre de la culture à celui de la précarité. Ces reterritorialisations du conflit s’apparentent, dans le vocabulaire goffmanien, à des changements de décor [7] et donc à des tentatives de reconstruction de la façade du mouvement en le dotant d’une nouvelle signification.

Le rôle des militants du collectif pap : de la culture à la précarité

22Le registre de la précarité était quasiment absent des précédentes mobilisations d’intermittents et ne figure pas, ou très peu, avant 2003 dans les productions des syndicats du secteur. Son apparition est à relier à la présence des militants du collectif pap[8] dès le début du mouvement et au rôle important qu’ils ont joué dans la structuration de la cip-idf. Ces militants proposent de donner un nouveau cadre politique à la mobilisation : les intermittents sont des précaires au même titre qu’un nombre croissant de salariés de tous les secteurs et leur lutte doit être l’avant-garde d’un mouvement de résistance globale contre la précarité [9].

23Le registre de la précarité constitue, comme celui de la culture, une tentative d’élargissement de la cause. Mais la défense des intermittents est cette fois légitimée par une lutte plus générale contre la précarisation du salariat : il s’agit de préserver le régime spécifique de protection sociale d’une catégorie de travailleurs précaires et de promouvoir l’extension de ce régime à l’ensemble des travailleurs à l’emploi discontinu (ce qui en fait une nouvelle formulation du revenu garanti que certains membres des pap défendaient déjà dans le Collectif d’agitation pour un revenu garanti optimal au sein d’ac !). L’imposition du registre de la précarité comme politisation du conflit des intermittents ne va pas de soi. Elle passe dans le même temps par un travail de problématisation et de cadrage (Snow et Benford, op. cit.) qui consiste à faire coïncider les expériences individuelles du travail et de l’emploi des intermittents avec un discours politique à portée plus générale (le « tous précaires » de la cip-idf) et par une dé/re-territorialisation du conflit dans des espaces qui fourniront un décor plus adapté au discours sur le « précariat » généralisé.

24L’occupation fait figure de mode d’action privilégié. Délaissée par les syndicats après la seconde guerre mondiale, cette forme de protestation est « réinventée » (Pénissat, 2005) à la fin des années 1960 par des militants d’extrême gauche d’inspiration libertaire. Depuis lors, l’occupation ne consiste plus tant à bloquer le travail (dans une visée de syndicalisme d’action directe) qu’à s’approprier des lieux symboliques comme des administrations publiques. Ce principe a été mis en œuvre dans les mouvements de chômeurs (1996-1998) où il a donné lieu à une vague d’occupation des assedic (Maurer et Pierru, 2001). La présence de membres des collectifs ac ! au sein des pap puis de la cip-idf explique donc en partie comment on retrouve, quelques années plus tard, les intermittents du spectacle en lutte dans les bâtiments des assedic et de leurs « adversaires sociaux [10] ». Ils en maîtrisent d’ailleurs tout autant les aspects pratiques que théoriques, c’est-à-dire la manière concrète dont il faut s’y prendre pour mener à bien une occupation et le discours qui doit l’accompagner pour donner à cet « illégalisme sectoriel » (Péchu, 1996) un sens politique.

Les intermittents aux assedic

25Transporter le mouvement dans les locaux des assedic permet d’exprimer des revendications et des justifications de la lutte spécifiques car, comme on l’a montré précédemment, le lieu contribue à la production du sens politique de l’action. Dans une certaine mesure, il contraint le discours qui peut y être tenu en autorisant ou interdisant certains arguments. Par exemple, un bureau d’assedic apparaîtrait comme une cible bien mal choisie pour appuyer une revendication sur le registre de l’exception culturelle. Lorsqu’ils investissent un lieu comme celui-là, c’est au contraire pour rappeler que la catégorie « intermittents du spectacle » est définie avant tout par un protocole d’accord relatif à l’indemnisation du chômage de salariés à l’emploi discontinu dans les secteurs du spectacle vivant et de l’audiovisuel. Cette occupation est donc, pour les promoteurs de la cause élargie à la précarité, le prolongement « en acte » de leur dénonciation « en mots » du rôle de l’unedic dans la précarisation des salariés.

26Ces occupations ont été nombreuses, à Paris toujours sous l’impulsion des militants du collectif pap mais aussi dans de nombreuses autres villes de France (Alès, Grenoble, Marseille). La plupart du temps ces actions se déroulent dans le calme et la sérénité. Le savoir-faire des militants issus des mouvements de chômeurs y est pour beaucoup. En effet, bien que cette forme d’action soit illégale et se présente comme radicale [11], elle respecte, si l’on peut dire, les règles de « l’illégalisme sectoriel ». Tout d’abord, le champ de l’illégalité est clairement délimité. On n’occupe pas n’importe quel bâtiment et pas de n’importe quelle manière : le recours à la violence est exclu, de même que les dégradations matérielles. Ensuite ces actions sont toujours accompagnées d’une « définition de la situation » (Mouchard, 2002) : un ou deux membres du collectif sont chargés de prendre contact dès leur entrée dans les locaux avec un responsable et de lui exposer clairement les raisons de leur présence. L’occupation de l’espace devient ainsi une action politique porteuse d’une signification politique lisible qui la différencie d’un acte de délinquance gratuit.

27Citons l’exemple de l’action menée par la cip-idf à l’antenne de Noisy-Le-Grand (Seine-Saint-Denis) le 12 avril 2005. Sollicités par un intermittent s’estimant victime d’une injustice concernant le montant de son indemnité journalière, les militants de la coordination décident d’organiser une action. Quelques jours plus tard, une vingtaine de participants se rend sur place. L’un des animateurs de l’action lance : « ceci est une occupation pacifique ! » et tout se déroule selon un rituel qui paraît parfaitement intégré. Les militants distribuent des tracts aux demandeurs d’emploi présents, en affichent sur les murs, prennent en photos et filment leur action. Grâce à une télévision et un magnétoscope apportés par un militant, ils diffusent dans la salle d’attente le film qui présente leur proposition de « Nouveau modèle » d’indemnisation du chômage. Une légère excitation est perceptible mais ce qui se dégage le plus nettement est une impression de maîtrise. Pendant que quelques-uns s’occupent de régler le problème administratif avec le directeur de l’antenne, un petit groupe rédige un communiqué de presse. Au bout de quelques heures, l’action prend une tournure heureuse pour le jeune intermittent concerné puisque son salaire journalier de référence (base de calcul de l’indemnité journalière) passe de 12 à 44 euros grâce à une manipulation simple qui était pourtant, selon le directeur, « techniquement impossible » la veille, sans le soutien de la coordination.

28Bien sûr, les occupations ne produisent pas toujours les effets escomptés (en matière de mobilisation de nouveaux membres ou de satisfaction directe des revendications par exemple) mais elles jouent toujours bien leur rôle de marquage du mouvement. Si les intermittents se mettent en scène et sont perçus comme des professionnels du spectacle dans les théâtres et autres espaces du spectacle, c’est bien en tant que salariés qu’ils se présentent dans les assedic et, de la même manière, qu’ils se présentent face à leurs « adversaires sociaux ».

Les intermittents au medef

29Pour l’ensemble des mobilisés, le medef est l’adversaire premier et de fait est la cible privilégiée des actions de toutes sortes. Déjà en septembre 2003, pour l’inauguration des nouveaux locaux de l’organisation patronale, quatre militants « grimpeurs » déroulent depuis le toit quatre grandes banderoles : « Non au protocole », « Salariés sacrifiés », « La culture a un prix », « L’ignorance aussi ». Cette action, qui n’est pas sans rappeler celles d’Act Up (Broqua, 2005 [12]), a connu un certain succès médiatique. Mais l’un des principaux faits de lutte de la cip-idf est l’occupation du toit du medef du 25 au 30 juin 2004, soit un an après la signature du protocole, en réitérant la demande d’abrogation et de négociations faite au ministre de l’emploi et de la cohésion sociale.

30Au-delà de « l’innovation tactique » (McAdam, 1983) que représente l’occupation prolongée d’un toit dans le répertoire d’action contemporain, le choix du lieu répond à deux préoccupations principales de la cip. D’abord, il s’agit bien évidemment de désigner l’adversaire en se rendant directement sur son terrain. L’occupation, qui se déroule sur un bâtiment privé tout en restant visible depuis l’espace public, produit en outre une « image médiatique » censée relancer l’intérêt des journalistes, quelque peu émoussé par la durée inhabituelle de la mobilisation. Ensuite, il s’agit d’une démonstration de force de la cip qui se montre encore capable de se mobiliser et de s’en prendre à un bâtiment très bien gardé. L’endroit de l’action, particulièrement dangereux, renforce le caractère spectaculaire de cette performance militante : les militants ont passé cinq jours sur le toit de l’immeuble, à dormir à même le sol, perchés à plusieurs mètres d’altitude avec peu de vivres (la police ayant refusé la mise en place d’un cordon sanitaire) et sont passés, l’épuisement physique et moral aidant, à plusieurs reprises très près de l’accident. Mais de ce point de vue, l’action s’adresse moins à l’adversaire qu’aux autres composantes du mouvement, en particulier la cgt, et plus largement à l’ensemble des intermittents (dé)mobilisés. Malgré le temps écoulé depuis le début du conflit et le poids des nombreuses défections qui ont touché la coordination (comme le reste du mouvement) dès la rentrée de septembre 2003, celle-ci réaffirme sa détermination et fait la preuve que ses ressources militantes lui permettent encore d’organiser la contestation.

31C’est le même but que recherchent les intermittents du collectif lorrain lorsqu’ils occupent pendant quelques heures les bureaux messins de l’organisation patronale [13]. À la veille des nouvelles négociations autour du régime d’assurance chômage, le medef apparaît comme une cible évidente. En même temps qu’ils tentent de (se) prouver qu’ils sont encore capables de mobiliser leurs troupes malgré les défections des derniers mois, les intermittents lorrains manifestent par ce choix leur adhésion à la problématisation du conflit proposée par les « Précaires » de la coordination francilienne. Trois ans plus tôt, le cil avait occupé les locaux de la Direction régionale des affaires culturelles ; la banderole accrochée sous les fenêtres du medef, sur laquelle est inscrit le slogan « Culture en danger », témoigne de la fluctuation des mots d’ordre. Le cil ne cesse de composer tout au long du conflit avec les registres du métier, de la culture et de la précarité et transporte dans les différents espaces qu’il traverse ses manières de dire et de faire la lutte.

32Dans les derniers exemples, l’occupation physique d’un lieu est donc clairement utilisée pour donner du corps à un registre spécifique de la cause (celui de la précarité) et pour redéfinir l’identité (et donc les contours) du groupe représenté. Le déplacement d’une partie des contestataires vers les assedic et le medef fait écho à la cause promue et en même temps renforce la proposition selon laquelle le problème posé par le protocole du 26 juin n’est pas propre aux intermittents mais traduit bien une remise en cause générale des principes de la société salariale (Castel, 1995).

Conclusion

33L’analyse de la mobilisation des intermittents sous l’angle de ses déplacements appelle trois remarques sur l’articulation entre les lieux où est portée la contestation et la signification du mouvement.

34Premièrement, on peut valider l’hypothèse selon laquelle les espaces occupés contribuent, au même titre que les registres de lutte, les identités revendiquées et les techniques de lutte, à définir un mouvement de contestation. Du point de vue des animateurs du mouvement, qui souhaitent promouvoir une problématisation particulière de la lutte, ces différents éléments de présentation de soi (de la façade personnelle au décor) doivent être maitrisés pour produire une représentation cohérente. Comme on l’a montré, dans le mouvement des intermittents du spectacle, les tenants du registre de la culture et de la défense des droits professionnels sont dans leur rôle et « à leur place » dans les théâtres ou dans les locaux du ministère de la culture ; et les promoteurs du registre de la précarité et de la lutte pour la création de nouveaux droits sociaux collectifs sont « à leur place » là où se gèrent les relations entre salariés et employeurs. Les territoires investis servent donc à ces militants de supports pour redéfinir les enjeux de la lutte (c’est le sens de la notion de décor dans la construction de la façade selon Goffman) et ils ne sont pas simplement les lieux « passifs » dans lesquels se déroulent l’action.

35Deuxièmement, si l’on adopte non plus le point de vue des animateurs de la lutte mais celui des participants mobilisés, on réalise que tout n’est pas toujours aussi bien rangé « à sa place ». Surtout dans des organisations collectives souples qui permettent plus ou moins à chacun de déterminer la nature, l’intensité et les modalités de son engagement militant, et particulièrement dans le cas de participants dotés d’une faible socialisation politique et militante, il arrive que des éléments issus de registres différents voire potentiellement contradictoires soient mobilisés ensemble. Les formes d’appropriation des cadres d’interprétation mis à disposition par les animateurs du mouvement donnent lieu à des associations que ces derniers pourraient juger incohérentes comme, par exemple, monter sur la scène d’un opéra pour revendiquer un statut commun pour l’ensemble des précaires ou, à l’opposé, déclamer un texte en incarnant la figure de l’artiste dans la salle d’attente du Pôle emploi.

36La troisième remarque découle des deux premières. Les lieux sont marqués par une histoire, traversés par des pratiques sociales diverses, inscrits dans des espaces sociaux plus vastes qui les façonnent et leur donnent une signification. Mais si les lieux contraignent l’action manifestante (en imposant la taille et la configuration de la scène du conflit par exemple), s’ils peuvent renforcer l’efficacité ou faciliter la réception d’un discours ou d’une action militante, ils ne parlent pas d’eux-mêmes (comme peuvent en témoigner les assemblages inattendus évoqués plus haut). En cela, c’est donc bien par le travail de problématisation et de cadrage que les animateurs du mouvement organisent, de manière concurrente, la mise en cohérence des différents éléments constitutifs de l’action manifestante.

Bibliographie

Références bibliographiques

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Notes

  • [*]
    Jérémy Sinigaglia, docteur en sociologie, chercheur associé au Groupe de sociologie politique européenne (gspe-prisme, umr cnrs 7012), Université/iep de Strasbourg et au Laboratoire lorrain de sciences sociales (2L2S), Université Paul-Verlaine de Metz.
    jsinigaglia@gmail.com
  • [1]
    C’est-à-dire du sens attribué au mouvement par les « entrepreneurs de cause » (Snow et Benford, 1988).
  • [2]
    Cette hypothèse rejoint en partie celle des « effets de lieu » proposée par Javier Auyero (Auyero, op. cit.) ou encore les remarques introductives formulées par Magali Boumaza et Philippe Hamman dans un ouvrage consacré aux espaces mobilisés dans les luttes de précaires (Boumaza et Hamman, 2007).
  • [3]
    Suivant le rythme cyclique des attaques du medef (et avant lui du cnpf) et de la contestation syndicale. Pour un historique de ces conflits, voir par exemple : Menger, 2005, p. 223-230.
  • [4]
    Réponse d’un artiste dramatique (comédien et metteur en scène) à une question portant sur les motifs de la (non) participation à la grève (17 juin 2004).
  • [5]
    Selon Gilles Deleuze et Félix Guattari, « se déterritorialiser, c’est quitter une habitude, une sédentarité. Plus clairement, c’est échapper à une aliénation, à des processus de subjectivation précis » (Deleuze et Guattari, 1972, p. 162).
  • [6]
    Le couple de notions déterritorialisation/reterritorialisation, central dans l’œuvre de Deleuze et Guattari, est mobilisé à propos du « mouvement de 95 » par Pascal Nicolas-Le Strat. Il l’utilise pour analyser la manière dont ce mouvement s’est « emparé de l’espace urbain pour publiciser sa revendication », construisant ainsi une nouvelle « territorialité politique » (Nicolas-Le Strat, 2000, p. 48).
  • [7]
    Goffman note que « un décor est normalement, géographiquement stable, de sorte que les actes humains qui voudraient faire d’un décor particulier un élément de leur représentation ne peuvent entamer l’action avant de s’être transportés à l’endroit approprié, et doivent cesser leur représentation quand ils le quittent » (op. cit., p. 29).
  • [8]
    Composé notamment de militants socialisés dans les mouvements de chômeurs des années 1990, en particulier Agir ensemble contre le chômage ! – ac !, et de quelques intermittents qui les ont rejoint début 2003.
  • [9]
    Pour une présentation plus approfondie du label « précarité » dans le mouvement des intermittents et du rôle des militants du collectif Précaires Associés de Paris, voir Sinigaglia, 2007b.
  • [10]
    Expression militante qui prend le contre-pied de celle – plus consensuelle et inscrite dans le vocabulaire de la négociation – de « partenaires sociaux », signalant par là qu’ils ne jouent pas avec le medef et la cfdt mais qu’ils se battent contre eux (Sinigaglia, 2013).
  • [11]
    L’adjectif (où sa forme substantivée, la « radicalité ») est fréquemment évoqué mais jamais clairement défini dans les entretiens avec les militants. Il s’inscrit néanmoins toujours dans une stratégie de distinction vis-à-vis de l’attitude « molle » attribuée aux syndicats.
  • [12]
    L’association a en effet plusieurs fois recouvert tout ou partie de bâtiments, monuments, statues à l’aide de draps sur lesquels sont inscrits des slogans. On peut penser à l’action du 1er décembre 1995, quand des militants ont recouvert le socle de la statue de la place de la République de Paris d’une banderole portant l’inscription « Sida : honte à la France ».
  • [13]
    Notes d’observation du 14 février 2006.
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