Couverture de EG_513

Article de revue

La mondialisation du marché des joueurs internationaux de rugby à xv

Pages 255 à 274

Notes

Introduction

1 Le 4 février 2023, l’équipe d’Écosse masculine de rugby à xv a remporté pour la troisième fois consécutive la Calcutta Cup, le trophée qu’elle dispute chaque année à l’équipe d’Angleterre depuis 1879. L’équipe d’Écosse, qui n’avait pas réussi ce triplé depuis le début des années 1970 dans l’ex-Tournoi des Cinq Nations, alignait dans ses rangs quatre joueurs d’origine sud-africaine, un joueur d’origine australienne, et quatre joueurs d’ascendance écossaise nés respectivement en Angleterre, en Australie et en Nouvelle-Zélande.

2 L’incorporation de joueurs d’origine étrangère dans les équipes nationales de rugby à xv est inscrite dans l’histoire de ce sport. Cependant, depuis son ouverture officielle au professionnalisme en 1995, qui constitue selon Emmanuel Bayle la deuxième étape dans le processus de professionnalisation du système rugbystique (Bayle, 2000, p. 38), les interactions entre la professionnalisation du rugby à xv, son économisation, son internationalisation, sa médiatisation, sa spectacularisation, et le renforcement de la compétition entre les équipes nationales ont stimulé « la recherche de l’excellence » (Chelladurai, 2001, p. 114), provoquant la mutation de ce sport en une « organisation de marché » (Bayle, 2000, p. 37).

3 Cette recherche de l’excellence sportive hors des frontières nationales, qui a été étendue très récemment aux équipes féminines [1], est de plus en plus portée par des enjeux financiers, tant les budgets des fédérations nationales sont devenus tributaires des résultats sportifs des équipes qui les représentent, comme le montre la répartition des sommes attribuées à chacune d’entre elles par la Six Nations Rugby Limited, la société organisatrice du Tournoi des Six Nations, selon le classement final annuel (tabl. 1).

Tabl. 1

Répartition des gains perçus par chaque fédération nationale dans le Tournoi des Six Nations en fonction des résultats sportifs obtenus en 2023

Millions de livres sterling
En cas d’un Grand ChelemSans Grand Chelem
Nation victorieuse65
Deuxième place3,53,7
Troisième place2,52,7
Quatrième place22,2
Cinquième place1,51,7
Sixième place11,2

Répartition des gains perçus par chaque fédération nationale dans le Tournoi des Six Nations en fonction des résultats sportifs obtenus en 2023

4 Ainsi, sous les effets combinés de l’exacerbation de la compétition internationale et de la réticulation de l’espace mondial, un marché globalisé de joueurs internationaux [2], c’est-à-dire de joueurs professionnels sélectionnables en équipe nationale, s’est structuré progressivement. Son expansion récente est concomitante du développement d’un « système médiatique mondial » (Augustin, 2004, p. 271), que les opérateurs multimédias ont fait prospérer depuis la fin du xxe siècle dans un contexte de déréglementation télévisuelle. Ceux-ci ont transformé le rapport sociétal au sport, faisant du rugby un produit commercial transnational grâce à la diffusion des compétitions internationales majeures à l’échelle planétaire, ou au moins continentale, auxquelles s’ajoutent des championnats transnationaux [3]. Certes, ce marché de joueurs internationaux n’a pas acquis une dimension universelle, compte tenu des limites de l’ancrage territorial du rugby à xv à l’échelle planétaire. Mais il a été élargi à de nouveaux territoires [4], tout en demeurant très différencié. Ainsi, l’objet de cet article est de montrer en quoi ce marché des joueurs s’inscrit de manière spécifique dans la dynamique de la mondialisation, qui résulte de la dialectique entre la globalisation et la fragmentation du monde (Wright, 1999 ; Fournier, Raveneau, 2010). Bien que confirmant le processus d’expatriation d’athlètes professionnels qui caractérise d’autres sports d’équipe, tels que le football et le basketball, en quoi la géographie particulière de ce marché mondialisé découle-t-elle de la combinaison entre la souplesse traditionnelle des transferts de nationalité sportive dans le rugby à xv, constitutive de sa règlementation internationale spécifique dite lex ovalia (Latty, 2013, p. 98), d’une part, et l’inclusion contemporaine de la mondialisation de ce sport dans une logique néolibérale, d’autre part (Miller et al., 1999; Smith, 2000) ? Si son expansion spatiale est soutenue par les interconnexions croissantes entre les régions du monde et l’absence de lien strict entre la sélection en équipe nationale et la nationalité légale des joueurs, ce marché révèle à la fois des aspérités, des « frontières » (Amilhat Szary, 2015) et la persistance d’asymétries au sein d’un système rugbystique mondial polarisé et hiérarchisé, qui traduisent des héritages politiques et culturels et qui confirment de profondes inégalités socio-économiques entre les territoires nationaux.

5 La première partie montrera que la lex ovalia, fondement juridique de l’expansion récente du marché mondial des joueurs internationaux, puise ses spécificités dans l’histoire de la diffusion du rugby à xv à travers l’ex-Empire britannique, mais que l’économisation croissante de ce sport a induit des modifications successives de cette réglementation pour concilier enjeux commerciaux et enjeux sportifs. La deuxième partie mettra en relief la combinaison entre les stratégies des fédérations nationales, qui s’emploient de manière spécifique à acquérir un avantage compétitif sur le terrain pour remporter des compétitions internationales, et la possibilité offerte à de jeunes joueurs à la fois d’assouvir leur rêve et/ou leur ambition sportive, et de profiter d’un ascenseur social lorsqu’ils sont issus de familles défavorisées. Enfin, la troisième partie portera sur les différenciations et les profondes hiérarchies entre nations qui sont constitutives du système rugbystique mondial. La globalisation s’accompagne d’un renforcement de l’oligopolisation du monde rugbystique international, tandis que les flux de joueurs internationaux s’inscrivent en partie dans des relations de proximité spatiale et culturelle, d’héritages historiques et de réseaux d’athlètes.

6 La démarche s’appuie sur la mobilisation de la littérature scientifique relative au modèle centre-périphérie ; aux inégalités entre les Nords et les Suds ; aux logiques et aux évolutions de la réglementation rugbystique internationale ; aux motivations de joueurs, tant économiques que sportives, à porter d’autres couleurs nationales, et à leurs effets spécifiques selon les territoires nationaux en fonction de leur situation socio-économique et de leur rang au sein du système rugbystique mondial. L’étude de ces sources académiques est croisée avec le traitement des données quantitatives publiées par le site rugbystique international ESPNscrum, qui établit à partir des archives des fédérations nationales des « statistiques approfondies sur tous les joueurs internationaux, anciens ou contemporains » [5], avec l’analyse de rapports officiels publiés par les institutions rugbystiques, ainsi qu’avec celle d’informations émanant de médias spécialisés.

Une expansion récente du marché mondial des joueurs internationaux de rugby à xv

La lex ovalia au fondement de l’ouverture du marché de joueurs internationaux

7 Le 27 mars 1871 à Édimbourg, le premier match international de rugby à xv oppose l’Écosse et l’Angleterre. Il intervient deux mois après la fondation de la Rugby Football Union (fédération anglaise de rugby à xv), dont les dirigeants, issus des classes moyennes supérieures et soucieux de la préservation d’un entre-soi, érigent en modèle universel la codification du jeu sur et hors du terrain durant les années 1880-1890 (Collins, 2011). Exerçant rapidement son hégémonie au sein de l’International Rugby Board créée le 1er janvier 1886, la Rugby Football Union impose l’ethos amateur hérité de l’élite des public schools dans le but de garantir la noblesse déclarée de ce sport (Dunning, Sheard, 1979, p. 100), avant que sa doxa ne soit exportée outre-mer.

8 Élevé au rang de « sport impérial », en apparaissant au même titre que le cricket comme l’un des « plus à même de transmettre ou de perpétuer, dans les colonies, les valeurs fondamentales de la civilisation britannique » (Darbon, 2008, p. 97), le rugby à xv a participé à la structuration d’une identité commune. Comme l’affirme Richard Holt, il est l’expression du partage d’une même éthique par les classes moyennes élevées et de leur sensibilité particulière et profonde à la Britishness :

9

« Les sports britanniques ont énormément servi à exprimer et à renforcer la solidarité de la société coloniale. Fournissant du divertissement à ceux qui étaient éloignés de leur foyer originel et isolés au milieu de populations étrangères et parfois hostiles, le sport n’était pas tant un luxe qu’une nécessité, un moyen de maintenir le moral et un sentiment de racines communes, de Britannité ».
(Holt, 1989, p. 208) [6]

10 De fait, la diffusion spatio-temporelle du rugby à xv a concerné en premier lieu les colonies de peuplement britanniques, qui deviennent des dominions, c’est-à-dire des territoires disposant d’un statut intermédiaire entre colonie et État indépendant. Dans ceux de l’hémisphère sud, Afrique du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande, des sélections de joueurs sont constituées, destinées à les représenter lors de tournées internationales organisées dans l’hémisphère nord. Le premier périple des All Blacks (1905-1906) puis celui des Springboks (1906) en Europe n’ont pu toutefois intervenir qu’à la suite de la fondation d’une fédération spécifique (la South African Rugby Board et la New Zealand Rugby Football Union (NZRFU) créées respectivement en 1889 et en 1892), condition sine qua non imposée par la Rugby Football Union (Arnaud, 1998).

11 Après avoir remporté 31 de leurs 32 matchs disputés dans les îles Britanniques contre des équipes nationales et provinciales, dont des clubs, les All Blacks conduits par leur capitaine Dave Gallagher, né en Irlande, affrontent pour la première fois le xv de France au Parc des Princes à Paris le 1er janvier 1906. La sélection tricolore comprend deux joueurs non-nationaux. L’arrière William Crichton, industriel de Cockermouth (Nord-Ouest de l’Angleterre), est détenteur d’un passeport délivré par le gouvernement du Royaume-Uni et joue au sein du Havre Athletic Club, fondé en 1872 « par deux jeunes britanniques Dreyfus et O’Connor » (Bodis, 1987, p. 137). Le second est « le deuxième-ligne américain du Racing Club de France, Alan Muhr » (Galy, Dorian, 2011, p. 48), club parisien créé en 1882 et émanant du lycée Condorcet (Bodis, 1987, p. 139).

12 En effet, comme l’exprime le juriste Christophe Daadouch, il existe « une lex sportiva désignant l’ordre transnational propre au sport [et] chaque fédération [internationale] élabore ses règles relatives à la nationalité sportive, indépendamment de la nationalité [définie par] le code civil » (Daadouch, 2016, p. 4). Or, en vertu du principe de libre-circulation des citoyens entre la métropole britannique et les colonies, l’International Rugby Board a adopté en juillet 1892 une règlementation de la sélection rugbystique devant permettre aux émigrés au sein de l’Empire britannique de pouvoir être incorporés dans l’équipe représentant leur territoire d’implantation, privilégiant ainsi la représentation d’une fédération à celle d’une nation. Il en a donc résulté la faculté accordée aux joueurs de rugby à xv d’évoluer sous d’autres couleurs que celles de leur État-nation d’appartenance.

13 Le statut de citoyen du Royaume-Uni et des colonies (CUKC), instauré par le British Nationality Act de 1948, a de surcroît favorisé les migrations entre les États membres du Commonwealth, avant que le droit d’émigration vers le Royaume-Uni ne soit restreint par les lois sur l’immigration britanniques de 1962 et de 1968 (Hansen, 2000, p. 27 ; Crowley, 2002, p. 51). Toutefois, la libre circulation des individus qui découlait de l’acte législatif de 1948 explique notamment la présence de deux trois-quarts respectivement d’ascendance malaisienne et jamaïcaine dans l’équipe d’Angleterre finaliste de la Coupe du monde contre l’Australie en 1991.

Les réformes de la lex ovalia à l’ère du professionnalisme pour articuler enjeux commerciaux, enjeux identitaires et enjeux sportifs

14 L’immuabilité de la lex ovalia durant l’ère de l’amateurisme a également permis aux joueurs d’incorporer successivement plusieurs équipes nationales, à l’exception toutefois de celles des Home Nations, c’est-à-dire l’Angleterre, l’Écosse, le Pays de Galles et l’Irlande (que les joueurs de l’Ulster [7] ont continué à représenter après la partition de l’île établie par le traité de Londres du 6 décembre 1921).

15 Le parcours professionnel de Va’aiga Tuigamala, d’origine samoane, qui mêle rugby à xv et rugby à xiii en témoigne (fig. 1). Émigré en Nouvelle-Zélande à l’âge de quatre ans, il joue avec l’équipe provinciale d’Auckland lorsqu’il obtient sa première sélection avec les All Blacks en 1989. Se distinguant durant la Coupe du monde de rugby à xv en 1991, il signe en 1993 un contrat professionnel avec le club anglais de rugby à xiii des Wigan Warriors, situé dans l’aire métropolitaine de Manchester. Deux ans plus tard, il représente les Samoa à la Coupe du monde de rugby à xiii (dont la première édition date de 1954). Bénéficiant de l’ouverture du rugby à xv au professionnalisme, il poursuit sa carrière en Angleterre au sein des London Wasps puis des Newcastle Falcons entre 1996 et 2002. Dans le même temps, il est sélectionné à 23 reprises avec l’équipe samoane de rugby à xv, dont à l’occasion de l’édition 1999 de la Coupe du monde.

Fig. 1

La Grande-Bretagne et l’Irlande, un centre du système rugbystique mondial

Fig. 1

La Grande-Bretagne et l’Irlande, un centre du système rugbystique mondial

16 Cependant, la multiplication des rencontres internationales, en lien avec de nouveaux réseaux d’échanges entre nations rugbystiques, et la prééminence croissante des enjeux économiques et commerciaux ont mis à l’épreuve l’ethos amateur. La substitution de la conception étatsunienne à la conception britannique du sport s’accélère durant les années 1980: l’enjeu de la victoire obtenue sur le terrain aux dépens de la sportivité, la professionnalisation des joueurs d’élite et les modifications des règles de jeu pour favoriser le spectacle sportif constituent les composantes majeures de cette « américanisation » du rugby à xv (Phillpots, 2000, p. 138). Son internationalisation et sa médiatisation, favorisées par l’organisation de la Coupe du monde quadriennale à partir de 1987, ont accentué la nécessité pour les équipes nationales d’accroître leur niveau de compétitivité. Il en a découlé l’incorporation croissante de joueurs d’origine étrangère et la multiplication des cas de joueurs ayant représenté plusieurs fédérations nationales.

17 En réponse, l’ex-International Rugby Board a adopté en janvier 2000 la règle de l’unicité de la représentation nationale en équipe sénior (qui ne concerne en rugby à xiii que les nations dites du « premier tiers », soit l’Angleterre, l’Australie et la Nouvelle-Zélande). Mais, le règlement 8 de la lex ovalia continue à donner « la possibilité, pour les non-nationaux, de défendre les couleurs de leur pays d’accueil » (Daadouch, 2016, p. 4). Un joueur, ou une joueuse, de rugby à xv peut être sélectionné soit dans l’équipe nationale sénior de la nation où il est né, soit dans celle où l’un de ses parents ou grands-parents est né, ou soit dans celle où il a été enregistré pendant trois années consécutives précédant immédiatement sa sélection nationale (cinq années dans le cas du rugby à xiii). Toutefois, l’athlète majeur expatrié ne doit pas avoir été sélectionné précédemment ni dans la première équipe représentative nationale (exemple : les All Blacks), ni dans la seconde équipe nationale (dite « équipe A ») de rugby à xv, ni dans la première équipe de rugby à vii de sa nation d’origine.

18 La pérennisation de cette règlementation souple peut s’expliquer par la faible diffusion socio-spatiale du rugby à xv, comparativement au football ou au basketball. Durant l’ère de l’amateurisme, sa pratique s’est structurellement concentrée au sein des territoires de l’ex-Empire britannique, auxquels il faut adjoindre la France (l’ex-International Rugby Board ne compte encore que 17 nations membres en 1987). Il en a résulté depuis une surreprésentation des nations anglophones en Coupe du monde, et dont quatre ont trusté toutes les victoires finales Dans un contexte de concurrence économico-médiatique croissante entre sports, le renforcement d’autres équipes nationales par l’apport de joueurs étrangers a donc pu constituer un moyen d’accroître la « glorieuse incertitude du résultat » sportif, qui s’est concrétisée notamment par une victoire du Japon contre l’Afrique du Sud en Coupe du monde en 2015.

19 Inversement, l’inflation des transferts de nationalité sportive durant les années 2010 (les équipes qualifiées pour l’édition 2015 de la Coupe du monde incorporaient au total 53 joueurs d’origine étrangère sur le critère d’au moins trois années de résidence sportive, sur un total de 620 athlètes) a conduit en mai 2017 le Conseil de World Rugby, à l’initiative de son vice-président argentin Augustin Pichot, à étendre la durée de licence nécessaire à cinq années consécutives (ou à dix années de résidence cumulées) pour qu’un joueur puisse être sélectionnable en équipe nationale sénior de son pays d’accueil. Par cette mesure, effective depuis le 31 décembre 2021, World Rugby entendait répondre à la fois à des revendications identitaires et contrer les ambitions pécuniaires de « mercenaires sans patrie » (Andrès, 2016, p. 106), qui caractériseraient nombre de joueurs selon leurs contempteurs. Pourtant, force est de constater que la situation dans le monde rugbystique est sans commune mesure avec celle concernant d’autres sports tels que le handball. La possibilité offerte aux handballers de changer d’équipe nationale une fois dans leur carrière et de porter les couleurs d’une nouvelle nation après en avoir obtenu la nationalité administrative (Daadouch, 2016, p. 5), avait permis au Qatar d’atteindre la finale des championnats du monde en 2015 avec une équipe composée à 80 % de joueurs nationalisés.

20 Réagissant à l’incorporation de cinq joueurs originaires des nations rugbystiques de l’hémisphère sud par l’entraîneur français Philippe Saint-André, l’ex-président de Word Rugby s’indignait : « Où va-t-on s’arrêter ? Que devient l’identité d’une équipe nationale ou celle d’un maillot ? […] On choisit aujourd’hui son pays d’adoption en fonction de l’argent qu’il procure. Il faut donc fixer une règle. […] Je ne condamne pas. Mais tout cela conduit inexorablement à l’uniformisation du jeu » (Midi Olympique, février 2015, cité par Daadouch, 2016, p. 6). L’ex-présentatrice de l’émission Stade 2 Céline Giraud, lors d’un débat sur France Culture[8] à l’occasion de l’ouverture de la Coupe du monde en 2015, réitérait l’accusation d’un prétendu manque de déontologie sportive des joueurs étrangers, tout en mettant en avant la concurrence que doivent affronter les jeunes joueurs issus des filières de formation (JIFF) : « il n’y a pas de limites. Ils pourraient faire une équipe avec 15 joueurs étrangers […] s’ils voulaient. […] C’est aussi un camouflet pour tous les centres de formation de club […]. Les Kockott, Speeding et Atonio […] prennent la place d’un joueur français qui est en centre de formation et qui attend lui aussi de rentrer en équipe de France ». Mais l’indignation de Céline Giraud masque d’autres enjeux économiques et sportifs. L’organisation du championnat professionnel français en ligue ouverte nécessite que les clubs effectuent d’importants investissements financiers pour éviter la sanction (relégation) ou pour être récompensés (promotion, qualification en compétition européenne). Ainsi, les clubs français, recherchant la maximalisation des victoires au cours d’une saison sportive, sont engagés dans une « course aux armements » (Andreff, 2015, p. 175) qui consiste à privilégier l’achat sur le marché mondial de talents « déjà formé[s] à l’étranger, des joueurs ayant fait leurs preuves » (Villepreux, Best, 2015, p. 207). En Irlande, la première sélection du trois-quarts centre Bundee Aki en équipe nationale en novembre 2017 avait provoqué un âpre débat très médiatisé, laissant percevoir des comportements xénophobes. Néo-Zélandais d’ascendance samoane, le joueur a répondu aux sollicitations du Connacht Rugby en 2014, alors qu’il évoluait en Super Rugby avec la franchise professionnelle des Chiefs basée à Hamilton (province de Waikato, Nouvelle-Zélande). Le journaliste irlandais Ruaihdri O’Connor notait que le joueur, conscient de la quasi-impossibilité d’incorporer à terme l’équipe des All Blacks, « a exprimé avec honnêteté [que] si une sélection avec les Samoa demeurait une option, attendre pendant trois ans et jouer pour son pays d’adoption était une option plus lucrative ». En réaction, l’ancien seconde-ligne Neil Francis avait affirmé catégoriquement que le critère fondamental de sélection des joueurs en équipe nationale devait être leur nationalité irlandaise, considérant ainsi que celle de Bundee Aki était illégitime, car n’ayant « aucune connexion » avec l’Irlande.

21 Pour argumenter la restriction de la possibilité d’accéder au rang de joueur international par le biais de la résidence sportive, World Rugby insistait sur la nécessaire promotion de l’éthique du rugby mondial. La fédération internationale entendait favoriser le dévouement des joueurs à leur nation d’origine, leur sélection nationale étant la récompense consacrant leur carrière individuelle (Bech, 2017). Or, cet accroissement des transferts de nationalité est avant tout la conséquence de la rencontre entre une recherche de talents rugbystiques par les fédérations nationales et l’offre sportive de joueurs en quête d’une carrière internationale.

Un marché de joueurs internationaux qui allie globalisation et conservation de spécificités nationales

Le transfert international de talents rugbystiques : la combinaison de deux facteurs d’attraction et d’incitation (pull/push)

22 Dans le sillage de l’économiste et mathématicien néo-zélandais Hautahi Kingi, auteur en 2017 d’une base de données relative à la nationalité de l’ensemble des joueurs qui ont été sélectionnés dans les équipes des nations dites de l’ex-« premier tiers » [9] depuis 1871, nous avons défini un joueur international étranger comme un athlète qui n’est pas né au sein du territoire de la nation qu’il représente lors de compétitions internationales. Ce critère peut être certes discuté, dans la mesure où « la nationalité est […] une notion flexible, avec une identité nationale qui n’est pas façonnée seulement en fonction du lieu de naissance, mais aussi par […] le territoire où ils [les joueurs] ont effectué leurs années de formation ou bien ont vécu la majorité de leur existence » (Harris, 2010, p. 116). Ainsi, le cas de l’ex-demi d’ouverture de l’équipe d’Irlande Ronan O’Gara, qui est né à San Diego mais qui a vécu en Irlande à partir de l’âge de six mois, n’est pas comparable avec celui du trois-quarts polyvalent néo-zélandais Brendan Laney, qui a porté le maillot écossais seulement quatre jours après son arrivée à Édimbourg en 2001.

23 Pour autant, l’analyse des données rugbystiques internationales publiées sur le site ESPNscrum montre que l’accroissement de la compétition internationale a encouragé des stratégies de captage de joueurs très compétitifs évoluant à des postes clés, tels que pilier droit et demi d’ouverture, par les fédérations nationales. L’Écosse et l’Italie (fig. 2) sont des cas typiques de nations dont l’équipe masculine soit avait perdu de son prestige sur la scène internationale (l’Écosse n’a comptabilisé que 28 % de victoires dans le Tournoi des Six Nations entre 2000 et 2019), soit continue d’éprouver des difficultés structurelles à être effectivement compétitive (l’Italie a accumulé 13 années sans aucune victoire sur 24 éditions du format actuel du tournoi européen).

Fig. 2

Nombre de joueurs nés à l’étranger sélectionnés dans les équipes nationales du High Performance Tier 1 entre 1996 et 2023

Fig. 2

Nombre de joueurs nés à l’étranger sélectionnés dans les équipes nationales du High Performance Tier 1 entre 1996 et 2023

24 Jim Telfer, ex-entraîneur-adjoint de l’équipe d’Écosse, a précisé en 2005 dans l’ouvrage Looking back…For Once le regard porté par les sélectionneurs sur des joueurs étrangers d’ascendance écossaise pour compenser un vivier de joueurs nationaux trop étroit (l’Écosse ne compte que deux franchises professionnelles et le ratio entre le nombre de licenciés et la population totale n’y est encore que de 7,7 ‰, contre cinq franchises et un ratio de 16,4 ‰ en Nouvelle-Zélande en 2021).

25

« Ce fut une période déterminante pour le rugby écossais […]. Les sélectionneurs avaient été témoins de la difficulté des équipes écossaises à rivaliser au niveau mondial. Nous avons donc porté notre attention vers des joueurs sélectionnables résidant hors de l’Écosse, dont les parents ou les grands-parents sont nés ici. Ce ne fut pas nouveau, mais un itinéraire pris depuis plus d’un siècle dans le rugby écossais; et à la fin des années 1980, compte tenu d’une pénurie d’avants puissants dans notre jeu, nous sommes allés en Angleterre pour détecter de nouveaux talents. Les joueurs que j’ai transférés ici à la fin des années 1990 ont contribué de manière importante à accroître les performances écossaises sur la scène internationale […]. En tant qu’ancien joueur écossais […], j’aimerais voir 22 joueurs sur le terrain nés et éduqués dans ce pays. Mais […] le reste des nations de haut niveau avançaient devant nous et nous avons dû trouver quelque chose de plus ».
(Telfer, Fergusson, 2005, p. 253 et 255)

26 Les exemples du trois-quarts Max Evans, né en Angleterre, et des « Néo-zélandais en kilt » (kilted kiwis), par allusion à leur transfert intéressé vers les antipodes, comme Brendan Laney cité précédemment, sont significatifs de la mise en œuvre de cette stratégie. Dans un deuxième temps, l’équipe nationale écossaise a été alimentée par des joueurs d’origine sud-africaine, soit neuf athlètes depuis l’édition 2016 du Tournoi des Six Nations.

27 La fédération japonaise (Japan Rugby Football Union) a également mis en œuvre cette stratégie de captage. Naoki Chiba et Steve Jackson ont montré la forte relation entre le recrutement de joueurs d’origine étrangère et le poste recherché (exemple: celui de deuxième ligne, compte tenu du manque de grands joueurs japonais à ce poste) par les clubs professionnels des grandes entreprises de l’archipel nippon (Chiba, Jackson, 2006). Et lors de leur victoire historique contre les Springboks sud-africains en phase de poule de la Coupe du monde le 19 septembre 2015, les Cherry Blossoms japonais englobaient six joueurs d’ascendance non-japonaise dont le capitaine Michael Leich né en Nouvelle-Zélande.

28 Les joueurs néo-zélandais sont structurellement les plus nombreux à émigrer avec le projet d’être sélectionnés à terme dans une équipe nationale étrangère (fig. 3). De même que leurs homologues sud-africains, ils doivent faire face à un très haut degré de concurrence interne pour réussir à être incorporés ou à demeurer dans l’effectif de l’une des franchises provinciales professionnelles, d’où la forte incertitude voire l’impossibilité de leur sélection en équipe nationale. Lors de l’édition 2019 de la Coupe du monde, 39 joueurs nés en Nouvelle-Zélande et 10 joueurs nés en Afrique du Sud faisaient partie de l’effectif d’autres équipes nationales, particulièrement celles des archipels du Pacifique dans le cas des Néo-Zélandais. Or, l’importance des flux annuels d’émigration de joueurs originaires de ces deux nations, ainsi que des archipels du Pacifique, confirme que l’officialisation de la professionnalisation du rugby à xv a permis « à des athlètes barrés sportivement dans leur pays d’origine ou issus de pays non [ou moins] compétitifs d’être sélectionnés au plus haut niveau sous leurs nouvelles couleurs » (Bayle, Durand, 1999).

Fig. 3

Expatriation et incorporation de joueurs de rugby à xv dans les sélections nationales en 2023

Fig. 3

Expatriation et incorporation de joueurs de rugby à xv dans les sélections nationales en 2023

Sont représentées les nations qui ont participé à la Coupe du monde de rugby depuis 1987.

29 Le cas des Oriundi (étrangers d’ascendance italienne), principalement Italo-Argentins, qui ont alimenté l’équipe italienne (la Squadra Azzurra) depuis les années 1990 corrobore cette affirmation. Alors que le poste de demi d’ouverture de l’équipe argentine dite des Pumas était dévolu à Hugo Porta, Diego Dominguez a rejoint l’Amatori Rugby Milan avant de devenir titulaire incontesté à ce poste dans l’équipe d’Italie entre 1991 et 2003. Quant au troisième ligne centre Sergio Parisse né à La Plata, il a comptabilisé 142 sélections en équipe d’Italie entre 2002 et la fin de l’édition 2019 du Tournoi des Six Nations.

30 En rugby à xiii, ces transferts internationaux de joueurs sont encore plus marqués. Lors de la Coupe du monde organisée en Australie, Nouvelle-Zélande et Papouasie-Nouvelle-Guinée en 2017, l’équipe du Liban était composée de 22 joueurs (sur un total de 23) d’ascendance libanaise nés en Australie, nation qui concentre 60 % des pratiquants de ce sport dans le monde. Sans bénéficier de la sélection de ces athlètes en vertu du critère de parenté, le Liban, de même que l’Italie, n’auraient pu faire partie des 14 nations qualifiées en Coupe du monde (Reiche, 2019, p. 461).

Des stratégies distinctes opérées par les fédérations nationales

31 Ce sont toutefois les différentes fédérations nationales qui décident de la sélection ou non de joueurs non-nationaux. Les modèles de recrutement dits des « Project Players » s’inscrivent dans des « initiatives stratégiques visant à cibler délibérément des individus à partir d’autres nations spécifiques pour renforcer les ressources rugbystiques nationales [et] toutes les possibilités pour gagner en avantage compétitif [sont] saisies » (Harris, 2010, p. 116). Cependant, le degré d’ouverture aux joueurs d’origine étrangère varie nettement selon les fédérations.

32 Le modèle élaboré par l’Irish Rugby Football Union en 2013 consiste à repérer des joueurs à l’échelle internationale, puis à favoriser leur recrutement dans l’une des quatre franchises professionnelles provinciales de l’île pour qu’ils soient potentiellement incorporables dans l’équipe nationale d’Irlande. Quoique la lex ovalia ne fixe pas un nombre maximal de joueurs nés à l’étranger qui peuvent être sélectionnés (contrairement à la règlementation du basketball qui le plafonne à un seul joueur par équipe nationale), l’Irish Rugby Football Union s’est attachée à limiter leur nombre (qui a été réduit de six à quatre à partir de la saison sportive 2015-2016) pour garantir en même temps l’ouverture des portes de l’équipe nationale aux jeunes joueurs irlandais. De fait, le plan de recrutement adopté précise que l’un des quatre joueurs recrutés par chaque franchise provinciale irlandaise doit pouvoir accéder au niveau international. Ainsi, dans le cadre du modèle sportif irlandais, outre le trois-quarts centre Bundee Aki, deux autres joueurs néo-zélandais, qui composent l’effectif du Leinster Rugby, ont remporté le Tournoi des Six Nations avec l’équipe d’Irlande en 2023.

33 Au contraire, depuis l’officialisation de sa stratégie des « Project Players » en 2012, la fédération écossaise a continué à favoriser l’incorporation massive de joueurs d’origine étrangère dans les deux franchises provinciales des Glasgow Warriors et d’Edinburg Rugby (fig. 1). Le nombre d’internationaux écossais nés à l’étranger a augmenté de 14 à 22 joueurs entre l’édition 2016 et l’édition 2023 du Tournoi des Six Nations, ceux ayant acquis leur sélection par la voie résidentielle ayant culminé à six en 2022.

34 La tendance au cosmopolitisme, à la diversification accrue de l’origine ethnoculturelle des joueurs sélectionnés dans les équipes nationales de rugby à xv confirmerait ainsi pleinement l’assertion de John Harris, selon lequel « dans le monde sportif contemporain, […] les flux [internationaux] des athlètes traversent les frontières géographiques, politiques, culturelles, ethniques et économiques. Ces flux se sont développés […] en lien avec la globalisation croissante des sports de haut niveau » (Harris, 2010, p. 73). Pourtant, ce marché est loin d’être uniformisé, tandis que les règles de sélection par ascendance et par voie de résidence profitent inégalement aux nations rugbystiques, en fonction de leur niveau de développement et/ou des capacités financières de leur fédération sportive.

Un marché international d’athlètes de haut niveau profondément fragmenté

La persistance de « frontières »

35 De même que Raffaele Poli et Loïc Ravenel ont porté un regard critique sur l’approche globalisante du marché des joueurs internationaux de football (Poli, Ravenel, 2005), l’étude des flux des joueurs internationaux de rugby à xv montre que les relations particulières entre territoires de départ et territoires de recrutement s’inscrivent dans des logiques de proximité spatiale, de proximité linguistique et culturelle, de réseaux de joueurs, d’héritages historiques (particulièrement liés à la colonisation) et de relations politiques spécifiques.

36 Entre la Coupe du monde de 2003 et celle de 2019, les huit Oriundi nés en Argentine constituent le deuxième contingent le plus important de joueurs d’origine étrangère ayant représenté l’Italie, précédés par les Néo-Zélandais mais devançant les Sud-Africains (respectivement neuf et sept athlètes). La proximité spatiale et la similitude linguistique favorisent les transferts de joueurs nés en Angleterre vers les nations limitrophes. Ils ont représenté respectivement 62,5 % et 40 % des joueurs dits non-nationaux sélectionnés dans les équipes du Pays de Galles et d’Écosse lors de la Coupe du monde en 2019. L’équipe du Portugal quant à elle, qui a réussi à se qualifier en Coupe du monde en 2023, intègre dix joueurs français dans son effectif.

37 Les équipes de France et l’Angleterre incorporent traditionnellement, pour leur part, des joueurs originaires d’anciennes colonies et de territoires d’outre-mer. Outre l’apport de ceux qui sont nés en Afrique du Nord ou en Afrique subsaharienne, l’équipe de France peut aussi bénéficier des talents rugbystiques d’athlètes originaires de Wallis-et-Futuna et de la Nouvelle-Calédonie (Gay, 2018, p. 62-63 ; 2021, p. 131). Ces territoires sont représentés par quatre joueurs au sein de la sélection de l’équipe de France en 2023. Quant à l’équipe d’Angleterre, si les joueurs nés à l’étranger sont majoritairement néo-zélandais et sud-africains, ils proviennent également du bassin caribéen, d’Afrique subsaharienne (Kenya, Nigeria, Zimbabwe), d’Asie du Sud-Est, d’Australie et des archipels du Pacifique (Fidji, Samoa et Tonga).

38 Ces territoires insulaires sont également les bases territoriales historiques de l’incorporation de joueurs d’origine étrangère dans l’équipe des All Blacks, et plus récemment dans celle des Wallabies.

39 Peter Horton a montré que la forte propension des joueurs originaires des archipels du Pacifique à émigrer en Nouvelle-Zélande repose notamment sur les liens spécifiques de protectorat ou de souveraineté qu’elle a entretenue avec les Samoa occidentales, les Tonga, les îles Cook et les Niue (Horton, 2012, p. 2390). Ces deux derniers territoires, qui disposent de leur propre équipe nationale, ont le statut d’État associé au sein du royaume de Nouvelle-Zélande, alors que les Samoa sont un État indépendant depuis 1962. Leur équipe nationale, les Manu Samoa, est toutefois à l’écart de la première édition de la Coupe du monde en 1987. Alimentant les All Blacks de joueurs talentueux, l’enjeu était de garantir la compétitivité sportive de l’équipe néo-zélandaise. Après la Seconde guerre mondiale, l’État néo-zélandais avait favorisé l’immigration massive de travailleurs non qualifiés et d’ouvriers spécialisés en provenance de ces archipels pour combler le manque de main-d’œuvre. Les Néo-Zélandais d’origine samoane constituent ainsi 3,9 % de la population totale du pays en 2018 [10], étant quasiment aussi nombreux que les habitants des îles Samoa (182 721 contre 199 243). Puis d’importants flux migratoires s’étaient déplacés vers l’Australie à partir des années 1980, lorsque le gouvernement néo-zélandais avait remis en question sa politique de libre entrée à l’endroit des populations du Pacifique en instaurant des quotas d’immigration. À l’inverse, l’Australie leur avait ouvert ses portes, à la suite de l’abolition de la politique d’immigration dite de l’« Australie blanche » en 1973. Ainsi, les effectifs des Wallabies et des All Blacks sont structurellement alimentés par des joueurs d’ascendance fidjienne, samoane et tongienne (dits Pasifika) nés en Nouvelle-Zélande ou en Australie, et par des joueurs qui ont acquis leur sélection par voie résidentielle. Lors de l’édition 2022 du Rugby Championship[11], l’équipe néozélandaise et l’équipe australienne comptaient respectivement huit et sept joueurs originaires des archipels du Pacifique, dont quatre nés en Nouvelle-Zélande dans le cas des Wallabies.

40 Les études sur l’émigration des joueurs de rugby originaires du Pacifique ont également montré le rôle de facteurs ayant trait à leur agentivité. Il s’agit notamment de leur capacité à pouvoir reproduire leurs constructions culturelles traditionnelles (la pratique religieuse en tant que ciment de la vie communautaire, la structure familiale élargie nommée aiga aux îles Samoa et Tonga, matavulave aux îles Fidji), qui est favorisée par la constitution de réseaux de joueurs, tout en les adaptant au contexte du pays de destination (Zakus, Horton, 2009, p. 75-76).

41 Ces flux migratoires transpacifiques, de même que ceux des joueurs Pasifika nés en Nouvelle-Zélande ou en Australie vers les archipels du Pacifique respectifs (fig. 3), confirment la persistance de différenciations politiques et culturelles dans un monde globalisé. Ils résultent également de profondes fractures économiques qui traversent le système rugbystique mondial.

Des asymétries persistantes entre les nations rugbystiques

42 Les flux mondiaux des joueurs en quête d’une carrière internationale s’inscrivent dans une organisation polarisée et hiérarchisée très spécifique du système rugbystique mondial (fig. 3). En se référant au modèle centre-périphérie (Reynaud, 1981, 1992), son analyse met en lumière la relativité des situations centrales et périphériques des régions rugbystiques les unes par rapport aux autres, et il confirme les inégalités de niveau de développement entre des « pays très favorisés », comme la France ou le Japon, et d’autres « précaires très inégalitaires » tels que les petits États insulaires du Pacifique (Bouron et al., 2022).

43 D’une part, la situation géographique des pôles rugbystiques est particulière, ne coïncidant que partiellement avec les pôles économiques majeurs dans le monde. Ainsi, le croisement des moyens économiques et financiers des différentes fédérations nationales, des résultats sportifs des équipes qui les représentent, de leur pouvoir politique au sein de World Rugby et du tropisme de leur championnat respectif (l’intégration de l’effectif d’un club professionnel par un joueur d’origine étrangère étant l’antichambre de sa future carrière internationale) aboutit à la structuration du système rugbystique mondial à partir de trois pôles dominants, eux-mêmes hiérarchisés : le pôle ouest-européen, le pôle sud-africain et le pôle australasien (Australie et Nouvelle-Zélande).

44 D’autre part, les centres sont à la fois des pépinières et des marchés d’intégration de joueurs internationaux d’origine étrangère, et les directions des flux majeurs de joueurs témoigne de la relative complexité structurelle du système rugbystique mondial. Vis-à-vis des archipels du Pacifique dans le cas des nations australasiennes, et du reste de l’Afrique australe dans le cas de l’Afrique du Sud, les pôles de l’hémisphère sud sont en situation de centre. La puissance de ces pôles par rapport à leurs périphéries immédiates se manifeste à travers les critères distincts d’incorporation d’autres équipes nationales : tandis que les Samoans ou les Fidjiens intègrent les équipes australienne ou néo-zélandaise par la voie résidentielle, les joueurs Pasifika pour leur part incorporent les équipes des archipels du Pacifique par le lien de parenté.

45 Mais, vis-à-vis des nations du pôle ouest-européen, compte tenu du différentiel de salaire offert en tant que facteur de migration également à prendre en compte, les pôles de l’hémisphère sud sont en situation de périphérie. Tandis que la rémunération annuelle des joueurs de l’élite garantie par la fédération écossaise s’établit entre 250 000 et 290 000 £ en 2021, celle-ci ne dépasse généralement pas l’équivalent de 100 000 £ en Nouvelle-Zélande [12] (tabl. 2). En Angleterre, le salaire annuel moyen d’un joueur professionnel de rugby à xv en Premiership est de 120 000 £ (en comparaison, un treiziste qui évolue en Super League gagne en moyenne 40 000 £ [13]), et il s’élève à 400 000 £, voire davantage, dans le cas des joueurs de l’élite. Les fédérations des nations phares de l’hémisphère sud sont donc contraintes à d’importants efforts financiers pour contrecarrer la tendance de joueurs internationaux à s’engager avec un club européen ou japonais plutôt que de poursuivre leur carrière internationale dans leur pays d’origine. Or, seule la fédération néo-zélandaise a maintenu la règle qui nécessite la signature d’un contrat fédéral pour être sélectionné en équipe nationale, mais au prix du versement de rémunérations élevées aux meilleurs All Blacks, ce qui a contribué au creusement de son endettement (elle a dû céder 15 % de ses droits commerciaux au fonds d’investissement américain Silver Lake en 2021 [14], et elle a présenté en 2022 son premier bénéfice annuel depuis 2017, équivalent à 3,6 millions de $ [15]). À l’opposé, les deux meilleures nations rugbystiques de l’hémisphère nord (Irlande et France) ont établi à leur tour cette règle de sélection, tout en réussissant à se redonner des marges de manœuvre budgétaires à la suite des effets de la pandémie de Covid-19, en lien particulièrement avec les performances sportives de leur équipe nationale respectivement. Les fédérations française et irlandaise ont dégagé chacune un résultat positif de 6,6 millions d’euros et de 5,8 millions d’euros [16] à l’issue de la saison 2021-2022. L’Irish Rugby Football Union a de surcroît bénéficié d’un montant exceptionnel de 44,5 millions d’euros, un accord de partage des revenus commerciaux de la Six Nations Rugby Limited ayant été établi entre les six fédérations nationales européennes, en raison de l’entrée du fonds d’investissement luxembourgeois CVC Capital Partners dans le capital de celle-ci [17]. Tout en limitant le nombre de joueurs sous contrat fédéral, grâce au partage de la masse salariale avec les franchises provinciales, la fédération irlandaise a réussi à faire face à la crise inflationniste, à conserver des joueurs nationaux majeurs sur son territoire et à capter des athlètes très talentueux en provenance de Nouvelle-Zélande ou d’Australie.

Tabl. 2

Comparaison des salaires annuels des joueurs d’élite professionnels de rugby à xv dans des nations du High Performance Tier 1 en 2021, en milliers de livres sterling

Tabl. 2
Description

Afrique du Sud Angleterre Australie Écosse France Irlande Nouvelle-Zélande Moyenne ou amplitude des salaires en championnat d’élite 63,3 120 120 (cas de la franchise des ACT Brumbies) 120-140 204 72-106 38,5-100 Niveau ordinaire des salaires des joueurs internationaux 94 400 184 250-290 425 180-300 +3,85 par semaine en compétition internationale

Comparaison des salaires annuels des joueurs d’élite professionnels de rugby à xv dans des nations du High Performance Tier 1 en 2021, en milliers de livres sterling

46 Les plus grands nombres de joueurs expatriés et incorporés dans les équipes nationales étant originaires des pôles de l’hémisphère sud (fig. 4), l’accusation de pillage de talents par les fédérations nationales majeures doit être nuancée.

47 Par ailleurs, en s’appuyant sur l’étude de cas de l’émigration fidjienne réalisée par Yoko Kanemasu et Gyozo Molar (2013), Robert Dewey a précisé dans quelle mesure la capacité à se réaliser à l’étranger peut être perçue comme une source de fierté locale et nationale au sein des sociétés pacifiennes (Dewey, 2017, p. 86). L’anthropologue néerlandais Niko Besnier confirme que les joueurs fidjiens et leurs familles, conscients que la mobilité géographique permise par le rugby professionnel est un rare moyen d’ascension sociale, perçoivent leur émigration comme une opportunité et non pas « comme une “fuite de muscles” appauvrissant leur pays d’origine de ses talents rugbystiques » (Besnier, 2014, p. 272-273). Les difficultés économiques et l’étroitesse du marché du travail dans les archipels du Pacifique poussent de nombreux joueurs à s’expatrier. Les plus talentueux espèrent atteindre le niveau international tout en ayant accès à un salaire décent, cette motivation financière étant stimulée par l’importance des remises à leur famille directe et à l’étendue transnationale de leur réseau de parenté (Zakus, Horton, 2009, p. 73). Depuis la réintroduction du rugby aux Jeux olympiques en 2016, sous la forme du rugby à vii, des joueurs fidjiens obtiennent également des contrats professionnels avec des fédérations de nations majeures, à condition qu’ils aient acquis la nationalité du pays d’accueil, comme le stipule la charte olympique, et qu’ils satisfassent à la durée de résidence exigée par World Rugby. Tel a été le cas de Virimi Vakatawa qui a été sélectionné avec l’équipe de France aux Jeux de Rio en 2016, à l’issue desquels le titre olympique a été remporté par les Fidjiens, de même qu’à Tokyo en 2021.

48 Niko Besnier ajoute toutefois que ces joueurs demeurent sujets à des clichés journalistiques, constitutifs de la perception néocoloniale de l’Autre, qui « répètent invariablement ad nauseam que les insulaires du Pacifique jouent au rugby avec un “flair” polynésien particulier […] [et] sont supposés bénéficier de facultés physiologiques extraordinaires […] qui leur confèrent une capacité à courir […] et à plaquer sans équivalent dans le monde » (ibidem, p. 269). En définitive, ces joueurs disposent paradoxalement de la capacité à mettre à profit une représentation occidentale de leurs attributs corporels et de leurs traits psychologiques héritée du colonialisme, qui « leur donne un avantage dans l’industrie du sport mondial ultra-concurrentielle » (ibidem, p. 270).

49 Cependant, l’inégale capacité financière des fédérations nationales de rugby à s’approprier les compétences d’un joueur étranger influe fortement sur la compétitivité sportive des équipes qui les représentent, processus également à l’œuvre dans le monde footballistique que Raffaele Poli (2006) a analysé : « dans une optique de valorisation de la patrie, […] les responsables du monde sportif et politique n’hésitent pas à s’éloigner d’une conception ethnique de la nation. […] La promotion par le haut d’un nationalisme d’État de matrice politique tend alors à tourner à l’avantage des pays riches, qui peuvent offrir aux sportifs convoités de meilleures conditions d’existence ». Or, le règlement 8 de World Rugby a deux effets opposés. Il profite aux nations du High Performance Tier 1 (ex-« premier tiers ») et au Japon qui peuvent intégrer des athlètes très talentueux en provenance des autres nations émergentes du High Performance Tier 2, tout en pesant dans le même temps sur le potentiel rugbystique de celles-ci. Comme l’affirme Robert Dewey :

50

« L’avènement du professionnalisme en 1995 a représenté moins un changement radical dans les destinées du rugby des îles du Pacifique qu’une extension, et dans certains cas une amplification, d’inégalités structurelles de longue date à l’échelle internationale […] De tous les défis à relever pour les dirigeants du rugby des îles à l’ère du professionnalisme, rien n’a été aussi disruptif que l’intensification des migrations des joueurs. Ce qui est apparu pour les fédérations nationales du rugby des îles du Pacifique à la fin des années 1990 et dans les années 2000 a été une synthèse déroutante entre des aspirations croissantes et des vulnérabilités liées à des débouchés internationaux accrus pour les athlètes les plus talentueux de la région ».
(Dewey, 2017, p 79-80)

51 Les fédérations des archipels du Pacifique ont ainsi été victimes de la « capture » de joueurs très prometteurs par des nations majeures. En ayant favorisé l’immigration de talents rugbystiques pour renforcer leurs effectifs nationaux, ou en ayant sélectionné précocement des joueurs Pasifika, les fédérations australienne et néo-zélandaise ont empêché leurs homologues du Pacifique de les incorporer ensuite dans leur propre équipe nationale. Lors de leur victoire face aux Wallabies en finale de la Coupe du monde 2015, les All Blacks comptaient dans leurs rangs sept joueurs Pasifika, dont l’ailier Julian Savea qui marqua huit essais durant la compétition.

52 De fait, l’enjeu de la « capture » de jeunes talents dépasse de simples critères éthiques. Il montre que la finalité de la modification du règlement 8 adoptée en 2017 était de contrecarrer les risques structurels de fragilisation du tissu rugbystique mondial. La lutte contre l’exode massif des joueurs originaires des archipels du Pacifique s’inscrit dans la volonté affichée de World Rugby d’éviter que les victoires en compétitions internationales, et en premier lieu en Coupe du monde masculine, ne demeurent accaparées par un oligopole de nations [18]. La crédibilité du rugby mondial invoquée consiste dans le même temps à augmenter la dimension économique et médiatique du rugby en offrant aux téléspectateurs des matchs plus intenses dont l’incertitude du résultat est accrue.

53 Pour parvenir à cet objectif, le Conseil de World Rugby a amendé le règlement 8, le 24 novembre 2021. Il est permis depuis le premier janvier 2022 « à un joueur international de changer une seule fois de fédération, sous réserve de démontrer un lien étroit et crédible avec la nouvelle fédération par le biais du droit de naissance » [19]. Pour bénéficier de ce transfert de fédération, le joueur ne doit pas avoir été sélectionné en équipe nationale depuis 36 mois et il doit lui-même être né, ou l’un de ses ascendants en ligne directe, au sein du territoire de la nation qu’il souhaite représenter. Cet amendement est censé profiter particulièrement aux nations émergentes du Pacifique, et l’ex-All Blacks Julian Savea pourrait potentiellement intégrer l’équipe Samoa. Pour autant, la réelle efficacité de cette récente réforme doit être questionnée, car l’âge atteint du joueur cité (33 ans) et son évolution à l’écart du rugby international depuis plusieurs années limitent sa véritable compétitivité sportive au plus haut niveau. À l’inverse, la réforme n’empêche pas la poursuite des stratégies de « capture » de jeunes joueurs talentueux par des fédérations puissantes.

Conclusion

54 Le marché des joueurs internationaux de rugby à xv s’inscrit dans la dynamique contemporaine des migrations internationales de travail, qui sont constitutives de la mondialisation. D’une part, les sélections de joueurs d’origine étrangère en équipe nationale témoignent du processus de globalisation du monde et de la structuration d’un système rugbystique mondial contemporain. Cependant, les limites spatiales du monde du rugby à xv surnommé l’« Ovalie » amènent à relativiser la dimension planétaire de ce système, tandis que les pôles néo-zélandais et sud-africain sont à fois des pépinières et des territoires de recrutement de joueurs de niveau international. D’autre part, les directions majeures des flux de joueurs et les relations privilégiées entre territoires nationaux sont révélatrices de la fragmentation du monde, qui est marquée par la persistance de différenciations et d’inégalités spatiales, socio-économiques et culturelles. Depuis l’officialisation de la professionnalisation du rugby à xv en 1995, les changements de nationalité sportive se sont multipliés, conduisant à un certain métissage des équipes nationales, mais qui doit cependant être relativisé car très inégal.

55 Répondant à l’accusation portée à l’endroit de la Nouvelle-Zélande d’avoir pillé les archipels du Pacifique de leurs joueurs les plus talentueux, Dylan Cleaver et Harkanwal Singh, deux journalistes sportifs néo-zélandais, avaient réalisé une étude à partir des certificats de naissance des athlètes, et montré que, jusqu’en 2014, seuls 83 des 1 133 joueurs ayant porté le maillot noir à la fougère argentée étaient nés hors d’Aotearoa, dont 32 dans les archipels du Pacifique. Cependant, force est de constater que la quasi-totalité des joueurs originaires du Pacifique, soit 26 d’entre eux, a été incorporée dans l’équipe des All Blacks depuis les années 1990.

56 Or, la rapide croissance des enjeux économiques dans le monde rugbystique conjuguée à la très inégale capacité des fédérations nationales à relever le défi de la compétitivité sportive ont incité le Conseil de World Rugby à modifier son positionnement. L’économiste néo-zélandais John McMillan (2006) explique que la fédération internationale avait rejeté en 2004 sa proposition destinée à accroître l’équilibre compétitif entre les équipes nationales. Il soutenait une mise en œuvre différenciée du règlement 8 de la fédération internationale au profit des nations secondaires, autorisant les joueurs qui ont été sélectionnés dans l’une des équipes nationales majeures à pouvoir être ensuite sélectionnables dans l’équipe nationale de leur nation d’origine. A contrario, la réforme adoptée en 2021 s’est inscrite dans le dépassement de la conception westphalienne de la nationalité rugbystique, impliquant qu’un joueur d’âge majeur ne peut représenter qu’une seule nation au cours de sa carrière, afin d’éviter que le système des sélections nationales ne soit miné par des logiques financières qui aboutissent à l’accaparement des meilleurs athlètes par les nations les plus riches. Toutefois, les résultats sportifs des équipes lors de prochaine édition de la Coupe du monde en 2023 révèleront-ils l’efficience de cette nouvelle réglementation de la nationalité rugbystique, ou à l’inverse confirmeront-ils la pertinence de l’affirmation de Robert Dewey selon lequel « le rugby du Pacifique n’a jamais eu autant de prestige, mais les nations qui le composent ne semblent guère plus capables de disputer une finale de la Coupe du monde de rugby qu’il y a 20 ans » (Dewey, 2017, p. 79-80) ?

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Mots-clés éditeurs : inégalité, mondialisation, joueur international, marché, rugby à, xv

Date de mise en ligne : 07/02/2024

https://doi.org/10.3917/eg.513.0255

Notes

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

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