Notes
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[1]
Cet article est le résultat d’un travail post-doctoral réalisé dans le cadre du Labex DynamiTe porté par le Pres heSam, indiquant la référence ANR-11-LABX-0046 ».
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[2]
Le zonage jaune au sud de la province englobe des zones humides où domine l’activité d’élevage extensif.
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[5]
Le tout récent parc national de l’Impénétrable, créé au sein des 150 000 ha de l’estancia La Fidelidad suite à la mort suspecte et brutale de son propriétaire, n’est pas représenté sur la carte. Sa création a été impulsée par la société civile pour protéger l’écosystème chaqueño qui y est particulièrement bien préservé. L’argumentaire principal était la nécessité de conserver la biodiversité, les paysages et les espèces endémiques de la forêt mis en péril par la déforestation.
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[6]
L’ong provinciale de défense des droits de l’Homme Centro de Estudios Nelson Mandela a intenté plusieurs procès envers les représentants de la Dirección de bosques provinciale http://www.centromandela.com/
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[7]
Asociación cultural para el desarrollo integral, Asociación comunitaria amigos del Güemes.
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[8]
Meguexosochi, Asociación Comunitaria Nueva Población, Asociación Comunitaria Nueva Pompeya, Laguna Pato.
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[9]
Dix plans ont été financés en 2010, 40 en 2011, 130 en 2012. Voir http://direcciondebosques.blogspot.com.ar/p/ley-26331_1913.html.
Introduction
1L’Argentine a promulgué en 2007 une loi de protection des forêts visant à réguler l’avancée de la frontière agricole et à freiner la déforestation. Alors que le secteur agricole est l’acteur principal de la croissance économique nationale, cette loi acte le fait qu’il existe un risque environnemental à poursuivre ou amplifier la pression qui s’exerce sur les ressources forestières. Si la loi a une portée nationale, les enjeux se situent surtout dans les provinces du nord du pays où les terres forestières permettent les plus fortes marges de progression des surfaces agro-pastorales : 712 000 hectares de forêts ont disparu entre 1998 et 2002 dans les provinces du nord (Cordoba, Chaco, Formosa, Salta, Santa Fe, Santiago del Estero) ; 1,2 million d’hectares entre 2002 et 2006 (Redaf, 2009) et 1,9 million d’hectares entre 2007 et 2013 (Aranda, 2015).
2Cette loi marque un tournant dans un pays où l’environnement fait l’objet d’une faible institutionnalisation (Merlinsky, 2014) et occupe une place mineure dans le débat public national. Il n’a en effet jamais été prioritaire aux yeux des autorités politiques ou de l’opinion publique, malgré l’opposition des populations locales à des projets ponctuels (usines de pâte à papier sur la rive uruguayenne du Paraná, mines à ciel ouvert à Catamarca ou Chubut, crise sanitaire à proximité des zones de pulvérisation de produits phytosanitaires à Córdoba, etc.).
3La sanction de cette loi s’inscrit d’abord dans un cadre international de reconnaissance de la nécessité de préserver l’environnement, comme en témoignent le succès des notions de développement durable, de services écosystémiques (Arnauld de Sartre et al., 2014), la création de réserves de biosphère, ou encore les débats relatifs à la conservation de la biodiversité et au réchauffement climatique.
4Au niveau national, la loi répond aux critiques concernant les conséquences sociales et environnementales de l’avancée de la frontière agricole provenant du monde académique (Pengue, 2000 ; Giarracca, 2006 ; Reboratti, 2008 ; Adámoli et al., 2008 ; Massuh, 2012 ; Lapegna, 2013 ; Fedorovsky, 2014), des Organisations non gouvernementales (ong) environnementales (Greenpeace, notamment), des organisations de petits producteurs et des ong de développement rural qui les accompagnent. Elles portent sur l’appropriation des ressources naturelles par certains acteurs économiques au détriment des populations rurales les plus fragiles (petits producteurs et communautés indigènes) et les contradictions du gouvernement argentin qui prétend s’inscrire en rupture avec le néolibéralisme des années 1990 (Svampa, 2013). Les inégalités d’accès aux ressources sont anciennes dans un pays marqué par de profonds déséquilibres sociaux et territoriaux. Mais la croissance agricole de ces vingt dernières années, due à l’augmentation de la demande de matières premières sur les marchés mondiaux, a accentué ces phénomènes (Cóccaro, Maldonado, 2009). Dans ce contexte, les inventaires forestiers révélant que les surfaces boisées sont passées d’un million de km² au début du siècle à 331 905 km² en 1998 au niveau national (SAyDS, 2007) et la pression des ong environnementales ont conduit à promulguer la sanction de la loi (Langbehn, 2014).
5Le gouvernement est pris en tenaille entre la manne financière que représentent les exportations agricoles qui financent, en grande partie, sa politique d’inclusion sociale et la nécessité de réguler l’expansion spatiale du secteur.
6Cette tension entre développement économique d’un côté et préservation environnementale de l’autre prend une acuité particulière dans les provinces du nord, historiquement les plus pauvres du pays. Aussi, en accord avec la rhétorique gouvernementale d’inclusion sociale et de protection des populations pauvres, la loi cherche à agir sur deux fronts : la dimension sociale et environnementale de la déforestation. D’une part, elle établit un zonage du territoire provincial en fonction de niveaux de conservation des forêts et, d’autre part, elle compense financièrement les producteurs qui renonceraient à mettre en production les terres forestières au profit de leur conservation ou de leur gestion durable.
7Par certains aspects, la pression agricole sur les forêts du nord de l’Argentine confère à la région l’aspect d’une frontière écologique (Guyot, 2009) où différents acteurs mettent en jeu des représentations divergentes de l’usage des ressources forestières. La loi émerge alors comme un moyen de gérer les conflits entre territorialités concurrentes. Pour cela, elle se base sur une forme de solidarité entre groupes sociaux et types de producteurs, mais aussi entre territoires (inter-provinciaux et au sein d’un même territoire provincial).
8L’objectif de cet article [1] est d’observer la mise en œuvre d’une loi environnementale dans un pays marqué par de fortes inégalités sociales et territoriales. Il s’agit de comprendre comment elle règle les contradictions entre projets politiques divergents à travers son action sur les acteurs du front agricole (entrepreneurs agricoles, petits producteurs, communautés indigènes) à partir du renforcement de solidarités multi-niveaux. En nous concentrant sur la province du Chaco où l’expansion de l’agriculture et de l’élevage est rapide et la vulnérabilité des populations rurales aiguë, nous montrons les logiques sociales, productives et environnementales sous-jacentes à l’application de la loi. Le travail d’enquête se base sur la consultation des données du Secretaría de Ambiente y Desarrollo Sustentable (SAyDS, organisme en charge de l’application nationale de la loi) et de la Dirección de bosques de la province du Chaco (organisme en charge de l’application provinciale de la loi), et des entretiens semi-directifs réalisés avec des bénéficiaires du fond de compensation, des techniciens privés qui formulent les plans financés, les techniciens du SAyDS et de la Dirección de bosques en charge du contrôle des plans de compensation.
Les enjeux de la protection des forêts dans la province du Chaco
9L’émergence de la loi se produit dans un contexte politique régional particulier dans lequel les gouvernements de centre-gauche (Bolivie, Équateur, Uruguay) ont érigé l’accès et l’usage des ressources naturelles en problèmes publics de façon récente (seul le Brésil possède des politiques de protection des ressources naturelles plus anciennes). Son application dans le Chaco doit être observée à la lumière de l’incorporation de cette province au territoire argentin, à travers un processus qui a associé l’idée du développement à l’exploitation intensive des ressources naturelles.
10La province du Chaco appartient à la région naturelle éponyme. Celle-ci est définitivement conquise sur les populations indigènes qui la peuplent au début du xxe siècle et incorporée au territoire national argentin. Dès lors, elle constitue la périphérie subtropicale d’un pays dont le centre de gravité se situe dans la plaine tempérée de la Pampa humide, et le port de Buenos Aires, où aboutissaient l’ensemble des réseaux qui organisent le système territorial avant de se redéployer vers les marchés internationaux.
11Ses forêts de quebracho qui lui doivent son surnom de « país de la selva » sont très tôt exploitées de façon prédatrice (Gori, 1965) par de grandes entreprises étrangères qui exportent son bois imputrescible et le tanin qui en est extrait. Cette exploitation est auréolée d’une idéologie de progrès dominatrice de la nature. La forêt est considérée comme « sucia » (sale), et devant être mise en culture à l’image de la fertile plaine agricole pampéenne pour mieux participer au régime d’accumulation agro-exportateur national.
12L’État argentin organise la redistribution des terres nouvellement conquises. Les acteurs qui bénéficient du nouveau marché foncier représentent la « civilisation », repoussant toujours plus vers le nord et les forêts sèches, la « barbarie » indigène qui, dès lors, connaît un phénomène de discrimination marqué. Il s’agit d’abord de grands latifundia d’élevage qui se développent sur les terres récemment déboisées. Ensuite, des agriculteurs familiaux d’origine européenne sont attirés par le développement de la culture du coton qui s’adapte, dès les années 1920, au climat chaud et humide, et qui va rapidement modeler les structures productives et sociales provinciales. Une base sociale hétérogène, dont les conditions d’accès aux ressources sont inégales, participe à sa production. En premier lieu, les petits producteurs (moins de 10 ou 20 hectares), majoritaires, sont la plupart du temps installés sans titre de propriété. Ces populations créoles (métisses) ont rejoint le Chaco à la recherche d’opportunités liées au besoin de main d’œuvre de cette culture. Elles se sont installées sur un lopin de quelques hectares sans titre de propriété défrichés sur la forêt ou sur les marges des exploitations des patrons. Le pouvoir national qui encourage et soutient la production de coton ferme les yeux sur ces installations informelles qui participent au peuplement et à l’insertion de la région dans le régime agro-exportateur national. Viennent ensuite les agriculteurs familiaux d’origine européenne qui ont acquis des lots d’une centaine d’hectares (Archetti, 1988) et dont dépend le fonctionnement de la filière en grande partie organisée autour des coopératives qu’ils mettent en place. Ces derniers sont la cible de la politique publique de modernisation agricole des années 1950 qui va progressivement conduire à la concentration des exploitations et à leur diversification, surtout à partir des années 1970.
13Enfin, les populations indigènes (essentiellement Wichi et Toba) reléguées socialement et victimes d’un racisme institutionnalisé (Wallerstein, 2002), travaillent dans des conditions difficiles comme main-d’œuvre bon marché sur les exploitations agricoles familiales. Ils vivent souvent en communauté sur des terres publiques progressivement grignotées par les plus grands producteurs. Jusqu’à la création, en 2009, du secrétariat de l’agriculture familiale qui les inclut, les populations indigènes, dépourvues des capacités nécessaires pour défendre leurs droits, étaient accompagnées par des ong de promotion humaine et sociale d’inspiration chrétienne. L’Inai, institut national chargé depuis 1985 de garantir le respect des droits indigènes reconnus constitutionnellement, souffre encore d’une désorganisation interne qui freine son action. Il gère notamment la constitution de « communautés indigènes » qui, sous cette condition, sont reconnues par l’État qui leur attribue la propriété des terres sur lesquelles elles vivent.
14L’effondrement du modèle macro-économique à la fin des années 1990 et la croissance agricole qui s’en suit, bouleversent, durablement, la réalité socio-territoriale du Chaco organisée autour de la production de coton. Les catégories de producteurs réagissent différemment à la crise productive qui suit la dérégulation du secteur agricole avec l’application de politiques néolibérales (Barsky, Gelman, 2005). Les producteurs moyens et grands s’adaptent en concentrant leurs exploitations et en diversifiant la production. Les plus petits producteurs, plus vulnérables aux crises qui affectent la culture du coton et à la désorganisation de la filière dépendante de l’encadrement de l’État (Roze, 2007), migrent vers les villes ou intensifient leur travail au prix d’une accentuation de la précarité de leurs conditions de vie.
15L’augmentation de la rentabilité agricole permise par une meilleure productivité du travail due à la révolution des biotechnologies, des taux de change favorables au peso et la concentration des structures de production rendent attractives les terres chaquéennes, autrefois considérées comme marginales. L’éloignement géographique des ports d’exportation, la moindre fertilité des sols et les conditions climatiques (des périodes de sécheresses succédant à de fortes pluies) n’apparaissent plus comme des freins à l’investissement. Les cultures d’exportation (blé, maïs, tournesol) sont dopées. Le soja qui s’étend hors de son cœur pampéen et l’élevage, qui en est expulsé, deviennent les principales productions provinciales au début des années 2000. Leur progression transforme les structures sociales et productives, accentuant les différences déjà marquées entre les producteurs. Le soja se substitue au coton alors que l’élevage se développe dans les zones boisées moins propices à l’agriculture. Ce processus prend la forme d’une « frontière agricole néolibérale » : impulsée par la demande du marché global et marquée notamment par une spécialisation dans l’exportation (Brannstrom, 2009).
16Les opportunités économiques qu’offrent les terres du Chaco produisent une pression agricole inédite. Celle-ci se traduit d’abord par une pression foncière qui rend critique la situation des petits producteurs ou des populations indigènes installées sans titre de propriété depuis l’époque de la colonisation du Chaco. Elle se traduit ensuite par un phénomène de déforestation (Montenegro, 2012) : les terres forestières ou encore non mises en culture et pouvant être incorporées à l’activité agricole sont déboisées par leurs propriétaires. Les terres forestières en zone plus sèche, au nord de la province, qu’elles soient fiscales (publiques) ou privées, et occupées, ou non, par des populations rurales et communautés indigènes sans titre de propriétés sont rachetées et déboisées pour l’élevage. Trop sèches pour l’activité agricole dans une région où les infrastructures de transport sont précaires, elles étaient jusqu’à présent préservées de la pression agricole.
17Dans la province du Chaco, la déforestation a touché 54 % de la superficie totale forestière entre 1976 et 2012, avec un niveau de déforestation allant de 5 % à 85 % selon les zones (Redaf). Les conséquences environnementales de la déforestation sont montrées du doigt : ruissellement des eaux et augmentation des épisodes d’inondation, érosion et appauvrissement des sols.
18Les mécanismes d’expulsion des populations rurales sont de deux ordres : soit elles occupent des terres appartenant à des propriétaires privés qui les mettent en culture ou les vendent au plus offrant ; soit elles occupent des terres publiques qui sont vendues par la province à des entrepreneurs agricoles qui, constitutionnellement, ne devraient pas y avoir accès pour la valeur sociale qui leur est attribuée. La déforestation met donc en lumière les mécanismes de corruption des organismes publics provinciaux de gestion des terres publiques ainsi que ceux chargés de la gestion des forêts et des ressources naturelles (Dirección de bosques notamment) qui n’appliquent pas les lois censées les protéger. C’est également l’asymétrie des relations sociales entre les populations rurales et les acteurs politiques et économiques que ce phénomène révèle.
19Ce front agraire se différencie d’autres fronts comme le front pionnier amazonien (Arnauld de Sartre et al., 2012) car l’intégration et l’articulation de ces régions forestières au reste du territoire est ancienne mais conditionnée à la valeur qui leur a été attribuée au regard des représentations agro-exportatrices dominantes. La déforestation pour l’activité agro-pastorale succède à des modes d’habiter et des activités plus anciennes pratiquées par des populations reléguées socialement et géographiquement. Ce front agricole prend ainsi la forme d’une frontière écologique (Guyot, 2009 ; Héritier et al., 2009) qui présente une forte dimension politique. Elle met en effet en jeu des visions différentes de l’usage et du rôle des espaces forestiers qui cristallisent des conflits entre acteurs. La loi émerge alors comme un moyen de gérer ces conflits entre des projets territoriaux concurrents portés par des acteurs ayant des visions différentes de l’environnement.
Une loi environnementale reposant sur un principe de solidarité multi-niveaux
20La loi de protection des forêts stipule qu’au moins 0,3 % du budget national doit être affecté à la « protection environnementale pour l’enrichissement, la restauration, la conservation, l’exploitation et la gestion durable des forêts, et des services environnementaux qu’ils apportent à la société » (Secretaría de Ambiente y Desarrollo Sustentable de la Nación, 2013). Elle concerne les forêts dites « natives » c’est-à-dire les forêts d’espèces autochtones, « d’origine primaire, et secondaire formées après un déboisement, ou issues d’une recomposition ou d’une restauration volontaire » (ibidem). Le budget de la loi est alimenté notamment par 2 % des prélèvements sur les exportations de produits agro-industriels. Elle vise à réguler l’expansion de l’agriculture qui s’est accélérée depuis les années 1990 sur des zones auparavant couvertes par de la végétation naturelle (Paruelo et al., 2004 ; Adámoli et al., 2008).
21La loi s’appuie principalement sur deux instruments :
- un principe de zonage du territoire (Ordenamiento territorial de los bosques nativos (otbn)) qui repose sur des catégories de conservation des forêts « natives » selon le niveau de pression autorisé pour les activités agricoles et/ou forestières ;
- une compensation financière (fondo de compensación) (matérialisée dans des plans de conservation ou des plans de gestion durable) pour les propriétaires qui s’engageraient à conserver ou à gérer de manière durable les forêts situées sur leur exploitation. Le transfert de fonds du budget fédéral a été un élément clef de l’acceptation de la loi par les plus grands producteurs et les provinces forestières du nord (Langbehn, 2014).
22Les provinces ont la responsabilité d’appliquer la loi et notamment de réaliser l’otbn en respectant des critères de durabilité environnementale établis au niveau national. Elles doivent ainsi classer en rouge les forêts à haut niveau de conservation ne pouvant faire l’objet d’aucun déboisement ; en jaune celles où seules les activités « d’exploitation durable » sont autorisées ; en vert, celles à faible valeur de conservation qui peuvent être transformées (fig. 1).
Principe de zonage du territoire (otbn) des provinces du nord de l’Argentine
Principe de zonage du territoire (otbn) des provinces du nord de l’Argentine
23Le choix des catégories de conservation est le résultat d’un processus participatif entre les acteurs provinciaux concernés par la question forestière.
24En fonction de la superficie forestière recensée dans chaque province et du pourcentage de cette superficie classé en catégories jaune et rouge, elles reçoivent du gouvernement fédéral un financement. Trente pour cent de celui-ci doit permettre à l’organisme chargé de son application de renforcer ses capacités de gestion et de contrôle. Soixante-dix pour cent constitue un fond compensatoire destiné aux propriétaires qui s’engagent à mettre en place un plan de gestion durable ou un plan de conservation des forêts qui constituent tout ou partie de leur exploitation.
25Ces plans se déclinent en plans de conservation, qui financent des activités de conservation de la forêt ; plans de gestion durable, qui s’adressent aux activités d’exploitation, de gestion et/ou de régénération de la forêt (à visée ou non d’exploitation) ; plans de formulation, qui financent le travail de formulation d’un plan par un ingénieur agronome ou forestier. Les plans doivent en effet être présentés et suivis par un professionnel ayant participé à des ateliers de formation dispensés par la Dirección de bosques provinciale.
26Par ses cibles et ses instruments, la loi marque un tournant des politiques publiques nationales de protection de l’environnement. Elle s’inscrit en rupture avec une approche de conservation de la nature à travers l’administration de parcs nationaux ou de réserves naturelles provinciales puisqu’elle s’appuie sur une vision d’ensemble du territoire en régulant les niveaux de pression exercés par les activités économiques et en particulier agricoles. Ce tournant s’opère dans d’autres pays de la région : le Brésil a édité un nouveau code forestier et l’Uruguay a promulgué une loi visant à protéger les sols agricoles de l’érosion (Gautreau et al., 2014). Ce changement de cibles de la conservation (d’écosystèmes remarquables à espaces productifs) semble indiquer que la priorité est désormais donnée à la conservation des formations végétales en tant que support des activités productives et en tant que garantie de conservation des capacités productives à plus long terme. Cette nouvelle approche de l’environnement permet par ailleurs d’aborder le problème en sortant du clivage rhétorique mobilisé par les décideurs politiques et les représentants des entreprises agricoles, qui opposent un développement économique conditionné à la croissance agricole à la protection environnementale qui bloquerait toute opportunité d’amélioration des conditions de vie des populations. Cette controverse s’inscrit dans un débat international sur la façon de répondre à la croissance de la demande alimentaire tout en préservant l’environnement, qui oppose le « land sharing » (un changement global des pratiques des agriculteurs vers plus de respect des ressources naturelles au prix de rendements plus faibles et d’une extension des terres cultivées) au « land sparing » (une intensification des surfaces agricoles en échange de la protection de zones plus « sauvages »)(Green et al., 2005).
27En justifiant la protection des ressources forestières au regard des services écosystémiques qu’elles rendent à la société, la loi témoigne d’autant plus de son inscription dans les débats et paradigmes internationaux (Arnauld de Sartre et al., 2014).
28L’originalité de cette loi environnementale par rapport aux débats internationaux est sa dimension sociale. Les populations « qui vivent de et dans la forêt » (SAyDS, 2013) – petits producteurs et communautés indigènes – sont mentionnées à différents titres. La loi stipule en effet qu’un des critères à prendre en considération pour établir le zonage territorial est la valeur que ces populations accordent aux ressources forestières (bois, mais aussi faune et flore) pour leur survie et le maintien de leur mode de vie. Les premières réserves indigènes datant de l’époque de la colonisation ont été grignotées au cours du temps. À l’heure actuelle, les communautés indigènes propriétaires de leurs terres sont peu nombreuses et essentiellement situées au nord de la province. La propriété collective est le produit d’années de lutte et de conflit. Toutefois, elle ne met pas à l’abri de la déforestation illégale par des entreprises agricoles qui commercialisent certaines essences pour le bois d’œuvre, ni des relations de pouvoir asymétriques qui poussent parfois les communautés à vendre leur bois à très bas coût à des intermédiaires qui profitent de leur méconnaissance des prix du marché et de la précarité de leurs conditions de vie. Les organismes chargés de l’application doivent aussi assister techniquement les petits producteurs qui voudraient formuler un plan pour un maximum de dix hectares de forêts.
29À travers cette loi, le gouvernement reconnait l’existence d’un risque social et environnemental à perpétuer l’ordre socio-économique sur lequel repose le territoire national et fait le pari de la solidarité multi-niveaux.
30Le principe de solidarité traduit un sentiment de responsabilité et de dépendance réciproque au sein d’un groupe de personnes (Mathevet et al., 2010). Le principe de solidarité se joue d’abord entre types de producteurs : l’expansion productive des plus grands producteurs est limitée par les catégories de conservation des forêts, alors que les populations les plus fragiles voient la pression agricole diminuer dans les catégories de protection jaune et rouge. Elles peuvent également bénéficier d’une aide financière à travers l’établissement d’un plan de compensation.
31Il se joue entre provinces ensuite : les territoires forestiers reçoivent davantage de fonds fédéraux pour les services écosystémiques qu’ils rendent à la société. Il se joue, enfin, au sein des territoires provinciaux : les zones les plus productives ou considérées comme les moins vulnérables assument le coût environnemental et financier, alors que les zones considérées comme les plus fragiles et rendant des services écosystémiques importants sont soustraites, à des degrés divers, de la pression agricole.
32Les plans de compensation attribués aux propriétaires pour les pertes financières qu’implique la non mise en culture des terres forestières sont en effet, paradoxalement, financés par les revenus de l’activité agricole d’exportation.
Un principe de solidarité territoriale mis à mal
33À l’issue d’ateliers participatifs organisés et conduits par la Dirección des bosques et qui ont réuni les représentants d’ong, de petits producteurs, de communautés indigènes, d’éleveurs, d’entreprises de déboisement, l’otbn de la province du Chaco a été établi en 2010.
34Les zones qui ont été définies comme vertes (fig. 2), autrement dit qui peuvent faire l’objet d’un déboisement sont, à l’est et au sud-ouest (la « plaine centrale agricole ») celles où l’activité agricole est ancienne (coton, puis soja) grâce à des niveaux de pluviométrie qui favorisent cette activité. Sur leurs marges, s’étendant vers le nord, ont été inclus en zone verte les espaces où la pression agricole est la plus forte : les derniers espaces encore boisés ainsi que la frange la moins sèche de la forêt située à une distance raisonnable des infrastructures routières.
35Au nord, la zone jaune correspond à l’Impénétrable, la forêt sèche dite chaqueña [2]. Cette région doit son nom aux difficultés rencontrées par les premiers colons pour la traverser, liées à la densité de la végétation, au type de couvert forestier, à l’absence d’eau et à la résistance indigène.
36Il s’agit d’une région reléguée socialement, économiquement et spatialement car isolée des centres urbains et de production. Les infrastructures routières distendues (la principale route qui y « pénètre » n’est pas asphaltée) desservent une population éparse ou localisée dans des villes petites qui doivent leur existence à quelques services et à l’administration publique. La population, dont la part d’indigènes est élevée (notamment les Wichi qui y ont trouvé refuge au fur et à mesure du grignotage de leurs terres), présente les indicateurs socio-économiques les plus défavorables de la province. La situation humaine et sanitaire fait souvent l’objet des gros titres des journaux provinciaux [3] et est brandie par les opposants du gouvernement national comme exemple paradigmatique de l’échec de sa politique d’inclusion sociale [4]. Cette région au nom évocateur cumule les handicaps sociaux et territoriaux.
37Les zones classées en rouge correspondent aux réserves naturelles provinciales et au parc national du Chaco [5].
38L’otbn de la province du Chaco témoigne d’une certaine contradiction vis-à-vis des objectifs de durabilité portés par la loi. Tout d’abord, il ne bloque pas la possibilité d’expansion de l’agriculture en zone verte où la pression est déjà forte. Il aurait en effet été difficile de légitimer, auprès des acteurs de l’agriculture entrepreneuriale, la protection des zones considérées aujourd’hui comme le moteur économique et un réservoir de terres pour le futur productif de la province. En contrepartie, la zone sèche aux marges du territoire, où la biodiversité est encore remarquable, les écosystèmes plus fragiles et les populations plus pauvres, est relativement protégée par son classement en zone jaune. La protection de l’Impénétrable est d’autant plus urgente qu’elle fait l’objet d’un processus ancien de déboisement illégal pour le bois d’œuvre.
39Le processus de classement des forêts semble donc se calquer sur les handicaps naturels et sociaux du territoire : il limite le déboisement dans les zones les plus vulnérables au niveau social et environnemental tout en laissant le champ libre aux activités agricoles dans les zones où le potentiel productif est le plus élevé. La loi acte donc la possibilité d’expansion de l’agriculture tout en la confinant à une zone particulière. À cet égard, l’otbn répond à un principe de « land sparing ». Certaines ong (Fundación Vida Silvestre en particulier) d’inspiration néolibérale proposent d’ailleurs de privilégier cette modalité dans certaines provinces en intensifiant la production dans des zones vertes qui seraient encadrés de « corridors » de biodiversité classés en jaune (Dupuy, 2015).
40Selon les partisans du développement productif et agropastoral de la province (représentants politiques, organisations de producteurs, entrepreneurs agricoles et entreprises forestières), les potentialités productives de la zone jaune sont « sacrifiées » au profit du dynamisme de l’historique « plaine centrale agricole ».
41Pour les ong environnementales et de développement rural, le classement en zone jaune constitue une forme de relâchement de la pression foncière favorable aux populations vulnérables et à la protection de la forêt sèche. Pourtant, la poursuite de la déforestation illégale dénoncée par des ong [6] alimente les critiques formulées envers les représentants politiques provinciaux accusés de fermer les yeux sur ces pratiques au profit des entrepreneurs agricoles dont ils partagent les cercles privés et professionnels.
42À l’instar d’autres provinces, la zone jaune cristallise en effet les débats et controverses. Si la zone jaune, et en particulier l’Impénétrable, semble faire l’objet d’un processus de préservation, elle est en réalité l’objet d’un processus d’expansion productive, du fait notamment des modes d’élevage sous couvert forestier dits « sylvopastoraux » que permettent les critères de durabilité que cette catégorie autorise et que les acteurs politiques et agricoles semblent vouloir développer. Ces systèmes sylvopastoraux impliquent un déboisement sélectif, une augmentation et une amélioration des pâtures permettant d’intensifier la production et de la rendre plus rentable tout en autorisant, selon leurs défenseurs, la production de services écosystémiques par la préservation de la biodiversité. Ils sont la cible de critiques dans le Chaco car ils permettent d’intensifier la production dans des zones où l’activité productive est peu rentable sans aide financière et sans investissements pour améliorer les conditions de production. Ils sont d’ailleurs financés par la loi de protection des forêts à travers des plans de compensation dits de gestion durable.
43La possibilité de développer en zone jaune des activités d’élevage dont les critères de durabilité n’ont pas été discutés représente une forme de trahison de l’esprit de la loi et une manière de contourner ses dimensions durables selon les ong environnementales. Dans un contexte de croissance de l’activité d’élevage dans les régions extra-pampéennes du fait de la concentration du soja dans la Pampa, les forêts sèches apparaissent de fait comme des espaces au nouveau potentiel pastoral. Le sylvopastoralisme fait donc figure d’alternative pour répondre aux critères de durabilité imposés par cette catégorie de protection et une manière de contourner les limites que la loi impose aux activités productives.
44Le processus à l’œuvre dans les zones jaunes incarne l’incapacité des autorités à trancher en faveur de la protection de l’environnement, tout en s’appuyant sur de grands paradigmes et principes internationaux souvent d’inspiration néolibérale.
45Avec 4 920 000 ha de forêts dont 63 % classés en zone jaune, la province du Chaco a reçu 16 046 730 pesos en 2012 au titre du fond de compensation (le troisième budget le plus important). Elle a financé environ 351 plans, dont 91 % de plans de gestion durable, 6 % de plans de conservation, et 3 % de projets de formulation, ce qui témoigne de la visée productive de la majorité des plans.
46Ces plans de gestion durable (fig. 2) sont principalement situés en zone jaune. Dans ce type de plan, la Dirección de bosques a établi arbitrairement un seuil minimum de conservation de 120 arbres par hectare. Ils financent notamment la pose de clôtures, la plantation de pâtures afin d’augmenter l’offre fourragère, les travaux de déboisement par des entreprises ou l’achat de tronçonneuses, la constitution de points d’eau pour les animaux, etc. Pour ces raisons, les ong de développement rural et environnementales considèrent ces plans sylvopastoraux comme une manière de contourner les limites établies par l’otbn en favorisant et finançant les investissements nécessaires au développement de l’élevage.
Principe de zonage du territoire (otbn) et plans de compensation de la province du Chaco
Principe de zonage du territoire (otbn) et plans de compensation de la province du Chaco
47Par ailleurs, les titulaires de ces plans sont majoritairement des producteurs moyens et grands (Gisclard et al., 2014) qui y trouvent un moyen d’améliorer leurs structures d’exploitation et de rendre plus rentable l’activité d’élevage. Ceci est favorisé par leur insertion dans les mêmes réseaux sociaux et professionnels que les techniciens privés habilités à formuler des plans et par qui l’information concernant l’existence d’un fond de compensation est diffusée. Les techniciens privés, rémunérés à hauteur de 10 % du financement du plan qu’ils formulent préfèrent se tourner vers des propriétaires dont la taille de l’exploitation permet de proposer des plans au financement élevé. Aussi, les producteurs grands et moyens et les techniciens trouvent un intérêt commun à proposer des plans de gestion durable. En revanche, les petits producteurs, accompagnés par des ong ou des organismes publics de développement rural appartenant à d’autres réseaux professionnels en sont en grande partie exclus. Seules deux associations de petits producteurs [7] et cinq communautés indigènes propriétaires de leurs terres [8] sont titulaires d’un plan de gestion durable. À l’exception de Laguna Pato, seule bénéficiaire située en zone verte et accompagnée par l’ong INCUPO, les autres plans, situés dans l’Impénétrable ou dans sa zone de transition, ont été impulsés à l’initiative du directeur de la Dirección des bosques. L’absence de transparence dans l’attribution de leur formulation à des techniciens insérés dans ses réseaux de connaissance et le choix arbitraire des communautés et associations bénéficiaires sont l’objet de critiques de la part des ong et organismes publics de développement rural localement.
48Les plans de gestion durable, particulièrement nombreux en zone jaune, sont également présents en zone verte. Ces plans sont une manière pour les propriétaires de financer des améliorations productives pour l’élevage en zone jaune comme verte.
49L’analyse de la distribution du fond de compensation montre que la Dirección de bosques n’a pas mis en place de stratégie particulière. Elle le distribue entre la majorité des propriétaires qui en ont fait la demande proportionnellement à la quantité d’hectares concernés et qui, les premières années, faisaient largement partie des réseaux professionnels et politiques des représentants de la Dirección de bosques.
50Toutefois, face à l’augmentation des demandes de financement au fil des années, aux critiques concernant la distribution des plans aux éleveurs grands et moyens sans critères discriminants, elle est amenée à revoir sa stratégie de distribution du fond de compensation.
51Avec l’augmentation de la demande de plans, la manne financière que se sont partagée quelques producteurs les premières années [9] devient moins intéressante quand il s’agit de la partager entre plusieurs centaines. Afin de rompre avec l’action de saupoudrage, la Dirección de bosques impose depuis 2015 des critères d’attribution, associant des objectifs à la loi de protection des forêts. Elle déclare prioritaires les petits producteurs et des communautés indigènes dans l’attribution du fond. Elle semble ainsi vouloir compenser la logique productive qu’elle favorise en zone jaune par une logique sociale mais sans faciliter ou favoriser les modalités de formulation de plans pour ces groupes qui restent dépendants de la médiation de techniciens privés.
52S’il se dessine un compromis entre ces deux logiques, la question environnementale semble toutefois périphérique. La loi de protection des forêts n’agit pas, ou marginalement, sur les dynamiques agricoles en zone verte et des formes de contournement sont trouvées dans la zone jaune grâce aux plans de compensation qui financent les activités d’élevage de type sylvopastoral. Le dévoiement du principe de solidarité sur lequel repose la loi n’est pas seulement lié à son application au niveau provincial.
53Au niveau national, le Secrétariat de l’environnement n’a qu’une capacité de contrôle limitée sur l’action des provinces. Il a le pouvoir d’accepter ou non de l’otbn mais joue un rôle essentiellement consultatif en émettant un avis sur la façon d’appliquer la loi.
54Les problèmes de transferts fédéraux affaiblissent par ailleurs la portée de la loi : le fond est insuffisant pour faire face aux demandes croissantes des propriétaires et répondre à l’objectif de compenser la non mise en production des terres dans un contexte de forte rentabilité de l’agriculture ; les transferts sont lents, retardant le financement des plans, ce qui pose un problème au regard de l’inflation (+ de 20 % par an), et qui décourage les bénéficiaires qui ne peuvent avancer l’argent des investissements.
Conclusion
55La loi argentine de protection des forêts s’inscrit dans un changement de paradigme international qui reconnait la nécessité de préserver l’environnement. En agissant sur l’avancée d’un front agricole sur les forêts du nord du pays, elle fait émerger un front écologique qui met en lumière des enjeux sociétaux plus larges. Son application dans la province du Chaco révèle une conception d’inspiration néolibérale de l’environnement. Une vision comptable des services écosystémiques est privilégiée. Avec cette loi, il ne s’agit plus seulement de sanctuariser des espaces particuliers mais d’agir sur les agro-systèmes en régulant les niveaux de pression qui s’y exercent. Or l’otbn affirme la fonction agricole de certains espaces et propose des critères de durabilité qui favorisent le développement de l’élevage dans des zones plus fragiles. Toutefois la loi s’inscrit dans une réalité locale et régionale particulière qui associe une dimension sociale aux enjeux environnementaux en se fondant sur un principe de solidarité territoriale entre groupes sociaux, entre territoires fédérés et au sein même des territoires provinciaux.
56L’observation de l’application de la loi met en avant sa faible capacité à agir sur les effets sociaux et environnementaux de l’avancée de la frontière agricole. La loi souffre en effet dans son application des contradictions inhérentes au gouvernement de Cristina Kirchner qui cherche à répondre aux intérêts de groupes sociaux opposés. D’abord les entrepreneurs agricoles et les entreprises forestières qui voient dans l’expansion de l’agriculture des opportunités économiques et dont une partie des bénéfices alimente le budget de l’État ; ensuite les populations socialement marginalisées, cibles des politiques d’inclusion sociale. La difficulté de l’État à trancher entre développement économique et protection de l’environnement contribue au dévoiement du principe de solidarité de la loi.
57Le fond de compensation finance ainsi les investissements permettant l’amélioration des structures productives des exploitations et notamment des plans sylvopastoraux permettant le déboisement pour favoriser l’élevage dans des zones considérées comme vulnérables. Ainsi, les dynamiques agricoles dans les zones où l’activité s’intensifie ne sont pas freinées, alors que les zones sèches, plus fragiles, voient l’élevage se développer sous couvert de durabilité des pratiques. Ensuite, alors que les populations fragiles, petits producteurs et communautés indigènes, sont censées être prioritaires, la majorité des plans sont attribués aux producteurs grands et moyens. La volonté récemment affichée de changer cette donne, en attribuant en priorité des plans aux petits producteurs et indigènes, est un enjeu pour l’application de la loi dans les années à venir. Aussi voit-on qu’il est difficile pour les autorités nationales de légitimer aux yeux des acteurs provinciaux (politiques et économiques) une politique de protection de l’environnement si elle n’est pas associée à des avantages économiques ou à un appui social aux populations fragiles.
58Au-delà d’une réalité provinciale où dominent les asymétries sociales entre acteurs et la corruption des élites locales, les résultats limités en termes de protection des forêts sont dus aux contradictions d’une loi qui croise vision néolibérale de l’environnement dans son application, et préoccupations sociales dans un contexte de dépendance économique à l’activité agropastorale. Aussi, la protection de l’environnement s’inscrit dans une démarche politique et économique davantage qu’éthique qui témoigne de la difficulté de la faire reconnaître comme un enjeu.
Bibliographie
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Notes
-
[1]
Cet article est le résultat d’un travail post-doctoral réalisé dans le cadre du Labex DynamiTe porté par le Pres heSam, indiquant la référence ANR-11-LABX-0046 ».
-
[2]
Le zonage jaune au sud de la province englobe des zones humides où domine l’activité d’élevage extensif.
- [3]
- [4]
-
[5]
Le tout récent parc national de l’Impénétrable, créé au sein des 150 000 ha de l’estancia La Fidelidad suite à la mort suspecte et brutale de son propriétaire, n’est pas représenté sur la carte. Sa création a été impulsée par la société civile pour protéger l’écosystème chaqueño qui y est particulièrement bien préservé. L’argumentaire principal était la nécessité de conserver la biodiversité, les paysages et les espèces endémiques de la forêt mis en péril par la déforestation.
-
[6]
L’ong provinciale de défense des droits de l’Homme Centro de Estudios Nelson Mandela a intenté plusieurs procès envers les représentants de la Dirección de bosques provinciale http://www.centromandela.com/
-
[7]
Asociación cultural para el desarrollo integral, Asociación comunitaria amigos del Güemes.
-
[8]
Meguexosochi, Asociación Comunitaria Nueva Población, Asociación Comunitaria Nueva Pompeya, Laguna Pato.
-
[9]
Dix plans ont été financés en 2010, 40 en 2011, 130 en 2012. Voir http://direcciondebosques.blogspot.com.ar/p/ley-26331_1913.html.