Notes
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[1]
L’expression est d’André-Claude Lacoste, ancien président de l’Autorité de sûreté nucléaire française (asn). Séminaire NEEDS, 28 novembre 2013.
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[2]
Rappelons que le Cea, par exemple, n’autorise pas l’accès de son catalogue d’archives aux chercheurs.
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[3]
Propos d’André-Claude Lacoste, ancien président de l’Autorité de sûreté nucléaire française. Séminaire NEEDS, 28 novembre 2013.
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[4]
Décret n° 63-1228 du 11 décembre 1963.
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[5]
Décret n° 74-1181 du 31 décembre 1974, puis décret n° 95-540 du 4 mai 1995 relatif aux rejets d’effluents liquides et gazeux et aux prélèvements d’eau des installations nucléaires de base.
-
[6]
Entretien, spécialiste des déchets, avril 2012.
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[7]
Entretien, spécialiste des déchets, avril 2012.
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[8]
Ministère du Développement industriel et scientifique, Service central de sûreté des installations nucléaires. « Effluents et déchets radioactifs », rapport confidentiel du 26 février 1974. AN19910246/9. Voir également Dossier « Déposante Saint-Aubin », AN20060201/65.
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[9]
Cependant, la convention de Londres ne prohibe pas les rejets directs en mer à partir d’installations littorales. De ce fait, le site de La Hague rejette toujours annuellement dans la Manche environ 12 000 TBq d’effluents chargés en tritium à 5 km du littoral par le truchement d’un tuyau sous-marin (Areva NC, 2012, p. 53).
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[10]
Article 2 de l’arrêté du 7 novembre 1979 relatif à la création au sein du Cea d’une Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.
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[11]
Règle fondamentale de sûreté I-2 du 8 novembre 1982, révisée le 19 juin 1984 : « Objectifs de sûreté et bases de conception pour les centres de surface destinés au stockage à long terme de déchets radioactifs solides de période courte ou moyenne et de faible ou moyenne activité massique ».
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[12]
Dossier « Transnucléaire », AN20060201/68.
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[13]
Propos d’André-Claude Lacoste, ancien président de l’Autorité de sûreté nucléaire française. Séminaire NEEDS, 28 novembre 2013. Voir aussi la revue Contrôle de décembre 1994, où le responsable de déchets de l’Autorité de sûreté déclare que la gestion des déchets TFA est : « révélatrice d’un certain nombre d’insuffisances : insuffisance de stratégie clairement formalisée et identifiée, insuffisances réglementaires, insuffisances de procédures, insuffisance de rigueur ». (p. 21).
-
[14]
Entretien, spécialiste de radioprotection, décembre 2013.
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[15]
Articles R.1333-2 et 3 du Code de la santé publique
-
[16]
Conversation, gestionnaire de déchets.
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[17]
Conversation, gestionnaire de déchets.
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[18]
Conversation, gestionnaire de déchets.
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[19]
« Les installations de stockage de déchets radioactifs, peu nombreuses et aux capacités limitées, doivent être utilisées au mieux par les différents acteurs ». Décret n° 2013-1304 du 27 décembre 2013 pris pour application de l’article L 542-1-2 du Code de l’environnement et établissant les prescriptions du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs, article 3, alinéa 2.
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[20]
L’arrêté du 31 décembre 1999 a été remplacé par l’arrêté du 7 février 2012, entré en vigueur le premier juillet 2013. Ses dispositions fondamentales n’ont pas été modifiées.
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[21]
Entretien, Autorité de sûreté nucléaire, mai 2013.
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[22]
Directive 2011/70/Euratom établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usée et des déchets radioactifs, 19 juillet 2011. Directive 2013/59/Euratom fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants, 5 décembre 2013.
1Les déchets radioactifs ont fait l’objet d’une vaste littérature scientifique en science sociales et en géographie. Les déchets dits « de haute activité », produits de fission et combustible usé, sont tellement radioactifs qu’ils posent des questions techniques, sociales, environnementales, politiques et éthiques inédites (Berkhout, 1991 ; Blowers et al., 1991 ; Petit, 1993 ; Barthe, 2006). Comment les sociétés peuvent-elles faire face à des dangers qui se déploient sur des centaines sinon des milliers d’années (Gregson, 2012) ? Comment se projeter politiquement et techniquement dans un futur inimaginable où les incertitudes et les inconnaissances compromettent la possibilité même de postuler l’existence d’une société (Bloomfield, Vurdubakis, 2005) ?
2Au niveau international, la réponse consensuelle des experts à ces questions prend aujourd’hui la forme du confinement en profondeur des déchets de haute activité dans les couches géologiques et donc la création de sites de stockage (International Atomic Energy Agency, 2003a ; Barthe, 2006). Ainsi, les motivations, la phénoménologie et les effets des conflits autour de la création de sites de stockage pour les déchets ont particulièrement retenu l’attention des chercheurs (English, 1992 ; Dunlap et al., 1993 ; Katz, Miller, 1996 ; Blowers, 1999 ; Wells-Bedsworth et al., 2004 ; Bickerstaff, 2012).
3La focalisation sur les conflits relatifs à la création de sites de stockage et sur les déchets de haute activité a laissé dans l’ombre les pratiques concrètes de gestion des déchets radioactifs existants. Les déchets radioactifs de faible et de très faible activité (fa-tfa) constituent plus de 90 % des volumes de déchets radioactifs produits en Europe (European Commission, 2011). Ils sont produits en abondance dans l’industrie électronucléaire, dans les laboratoires de recherche, dans les services radiologiques des hôpitaux (gravats, gants en plastique, textiles, métaux, films de polyéthylène). Parce que la radioactivité que ces déchets contiennent est faible (de l’ordre de 100 becquerels par gramme pour les déchets de très faible activité), la littérature technique les présente comme « non problématiques » (Gin, 2006).
4Cet article propose une analyse de la gestion de ces déchets « bas de gamme » [1] qui vise à complexifier la compréhension des enjeux présentés par la régulation spatiale des matières industrielles dangereuses. La gestion des déchets radioactifs a pour objectif ultime de limiter la rencontre délétère entre la radioactivité artificielle et les humains en créant des spatialités spécifiques pour les déchets, c’est-à-dire en régulant leur circulation dans l’espace physique et social. Deux manières de gérer les déchets ont été reconnues précocement dans la littérature scientifique (Hatch, 1953 ; Petit, 1993, p. 89 sq) et dans la production des institutions internationales (ICRP, 1997) : la gestion par dispersion-dilution et la gestion par concentration-confinement. Or ces formes de régulation spatiale ne sont pas exemptes de tensions – parce qu’elles reposent sur des instruments juridiques qui produisent des effets imprévus. À partir de l’exemple de la gestion spatialisée des déchets radioactifs, nous proposons donc ici de donner des aperçus de la productivité spatiale des dispositifs juridiques eux-mêmes, c’est-à-dire de leur capacité à produire des géographies singulières.
5Pour ce faire, nous nous appuyons sur une analyse rétrospective des normes et des pratiques de gestion des déchets radioactifs en France. Cette analyse fait une large part au droit, dans sa relation à la géographie : en effet, c’est par les normes juridiques que la gestion est appelée à l’existence. Dans cet article, nous mobilisons le concept de « dispositif géo-légal » proposé dans nos travaux (Garcier, 2009a et b) pour décrire un agencement de normes juridiques destiné à répondre à une problématique géographique. Développé pour comprendre la manière dont la pollution industrielle de l’eau avait été gérée historiquement dans l’Est de la France, le concept permet de décrire des situations géographiques produites et contraintes par des outils normatifs. En l’espèce, son utilisation permettait de démontrer que le développement catastrophique de la pollution industrielle de l’eau en Lorraine dès la fin du xixe siècle ne relevait pas d’un défaut de « prise de conscience », mais du fonctionnement paradoxal du dispositif géo-légal qui avait été mis en place : les déversements industriels étaient juridiquement autorisés, mais les faits de pollution étaient considérés comme criminels. L’introduction du principe pollueur-payeur par la loi sur l’eau de 1964 avait modifié le dispositif géolégal existant et permis une réduction de la pollution chronique.
6Méthodologiquement, la mise en évidence d’un dispositif géo-légal repose sur l’analyse des textes juridiques et des appréciations qualitatives de leurs effets tels qu’ils apparaissent dans les rapports officiels, la littérature grise et les discours des experts. Trois types de sources sont donc mobilisées.
7D’abord ce sont les textes juridiques de haut niveau (traités internationaux, lois, décrets, arrêtés, règles fondamentales de sûreté) qui gouvernent la gestion et la circulation des déchets radioactifs. Ces textes sont librement disponibles. J’ai également suivi une formation avancée de quatre jours organisée par l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra). Destinée aux producteurs de déchets, cette formation permet d’éclairer l’articulation entre les règles de haut niveau et les règles de bas niveau (spécifications d’acceptation sur site) dans la pratique de la gestion des déchets. Ensuite, afin de saisir les évolutions chronologiques de la gestion des déchets, j’ai dépouillé une vingtaine de dossiers d’archives du Comité consultatif de la sûreté nucléaire (puis Comité interministériel de la sûreté nucléaire) conservés aux archives nationales (1974-2001, lus par dérogation). Ces dossiers contiennent des rapports officiels, de la correspondance entre services et de la littérature grise sur la gestion des déchets radioactifs. Enfin, j’ai recueilli les discours des experts à la faveur de trois entretiens semi-directifs (avec deux spécialistes des déchets et avec un représentant de l’Autorité de sûreté nucléaire) et de douze conversations informelles avec des gestionnaires de déchets rencontrés à la faveur de conférences industrielles ou de visites de sites. La méthodologie composite ainsi mobilisée permet de contourner le manque de données précises relatives au nucléaire : s’il est difficile d’obtenir des entretiens et plus encore d’accéder aux archives [2], si certaines données sont couvertes par le secret-défense ou le secret commercial, il est en revanche plus aisé de suivre la trace des normes et des règlements qui gouvernent une industrie très régulée et d’en faire le point focal des discussions avec les acteurs. S’y révèlent en fait les principes de gestion mais aussi les problèmes que ces derniers n’ont pas su régler ou qu’ils ont suscités : dans la filière des déchets radioactifs de faible et de très faible activité, les acteurs évoquent régulièrement la question du coût du dispositif.
8La première partie de cet article présente la manière dont la géographie du droit peut se saisir de la question des matières en général et des déchets radioactifs en particulier ; la deuxième partie présente la constitution et le fonctionnement du dispositif actuel de gestion des déchets radioactifs de faible activité en France ; la troisième revient sur la productivité spatiale de ce dispositif et sur les tensions qu’il crée.
La géographie juridique des matières et la gestion des déchets radioactifs
Normes juridiques et gestion des objets
9À la suite des travaux pionniers de Nick Blomley (2004) et de David Delaney (1998), de nombreux travaux contemporains mettent en question le rôle des règles du droit dans la régulation des pratiques spatiales individuelles et collectives (Delaney, 2014). Ces recherches ont éclairé les effets du droit de la propriété, de la qualification juridique des individus sur leur capacité à agir ou à circuler (dans les cas de la ségrégation raciale aux États-Unis ou des arrêtés anti-mendicité pris dans les villes américaines), de la création des inégalités par le droit. Elles ont permis d’éclairer d’autres situations où le droit joue un rôle critique dans l’imposition d’un ordre spatial – par exemple, dans l’appui aux politiques de colonisation historiques ou contemporaines et dans le pluralisme juridique, souvent empreint de violence, qui en résulte (Blomley, 2003 ; Braverman, 2009).
10La synthèse la plus récente sur les relations entre géographie et droit appelle à étendre les préoccupations de la géographie du droit aux objets et aux matières (Braverman et al., 2014). En faisant écho à la littérature géographique qui reconnaît aux choses un rôle socio-spatial éminent, les géographes du droit constatent que la focalisation actuelle du champ se porte vers les individus davantage que vers les objets – alors même que ceux-ci font l’objet d’un appareil juridique imposant. L’enjeu bien perçu est de repenser le rôle de la normativité dans la structuration et le fonctionnement des situations socio-spatiales qui impliquent des objets ou des matières : produits agricoles, normes techniques relatives aux machines, mais aussi, polluants et déchets.
11Une des manières d’examiner le rôle de la normativité dans les agencements socio-spatiaux où les objets interviennent est de s’intéresser à leur gestion. Le concept de « gestion » est aujourd’hui largement utilisé en géographie à propos de l’eau (Ghiotti, 2007), des déchets (Rocher, 2009), des risques (Dauphiné, 2007), de la pollution industrielle (Garcier, 2007), de la ville, etc., à la fois pour décrire la prise en charge collective et normalisée d’objets particuliers et pour éclairer son influence sur la production de l’espace et des territoires. Si ces travaux font une place au droit, bien souvent les relations entre droit et gestion sont sous-problématisées. Le droit est vu de manière externe comme producteur d’un contexte et d’outils constitutifs d’une politique (de l’eau, des déchets, etc.). Mais une fois « le cadre juridique » posé, à différentes échelles (locales, nationales, etc., suivant le niveau de la législation), les dispositifs juridiques et les transactions auxquelles ils donnent lieu ont tendance à disparaître des analyses ultérieures de la gestion.
Transactions juridiques et dispositif géo-légal
12Un certain nombre d’études francophones, a contrario, mettent en évidence la manière dont le droit intervient dans les jeux d’acteurs territorialisés (Bourdin et al., 2006 ; Melé, 2009 ; Maccaglia, Morelle, 2014). Cette littérature invite à ne pas concevoir la règle du droit comme un absolu normatif, mais comme un élément de transaction entre les différents acteurs sociaux : comme le formule Pierre Lascoumes, « le droit n’est pas fait pour être appliqué, mais pour orienter les comportements » (Lascoumes, Le Bourrhis, 1996, p. 52). La littérature de sciences politiques sur le gouvernement par les instruments a insisté sur l’importance que revêtent les outils dans la structuration des politiques publiques et des jeux d’acteurs : le droit ne constitue donc pas seulement un « cadre », il donne aux acteurs des ressources pour l’action (Lascoumes, Le Galès, 2005). Et de fait, les acteurs sociaux disposent d’une certaine latitude dans l’observation des règles fondamentales du droit ou de ses « normes secondaires d’application » (Lascoumes, 1990), y compris ceux qui sont chargés de les faire respecter. Ces « illégalismes » (Foucault) ont une incidence majeure sur la production des espaces eux-mêmes (Maccaglia, 2009).
13La notion de « dispositif géo-légal » telle que nous l’avons présentée permet d’appliquer ces considérations à la géographie en prenant au sérieux la « productivité spatiale » des dispositifs juridiques – c’est-à-dire de leur capacité à produire des effets observables dans l’espace, que ceux-ci soient volontaires ou non. D’un point de vue géographique, la prise en considération des « dispositifs » permet de reproblématiser l’articulation entre les niveaux juridiques. Dans un article fondamental, en 2009, la juriste Mariana Valverde conteste l’essentialisation des échelles d’opération du droit (législation locale, législation nationale, législation internationale) et appelle au contraire les géographes à comprendre le travail de la « juridiction », c’est-à-dire la manière dont le droit, en général, se saisit des choses et des situations pour les amener à la gestion, en définissant dans le même mouvement l’échelle légitime à laquelle ils doivent être gérés. Cela conduit à s’intéresser de près au caractère technique des dispositifs juridiques, en particulier aux qualifications mouvantes dans le temps qu’ils attribuent aux objets.
L’impératif de la gestion des déchets radioactifs
14Il est commun aujourd’hui de dire que les déchets, quels qu’ils soient, doivent faire l’objet d’une « gestion ». Cela vaut aussi pour les déchets radioactifs : dès 1964, la notion de « gestion des déchets radioactifs » apparaît dans les actes de la troisième conférence des Nations unies consacrée aux usages pacifiques de l’énergie atomique (Petit, 1993, p. 127). Depuis les années 1960, l’impératif de « gestion des déchets radioactifs » (radioactive waste management) n’a fait que se renforcer, en devenant une responsabilité partagée entre industriels et États. La gestion est aujourd’hui définie comme « toutes les activités, administratives comme opérationnelles, nécessaires pour la manipulation, le prétraitement, le traitement, le conditionnement, le transport, l’entreposage et l’élimination (disposal) des déchets radioactifs » (International Atomic Energy Agency, 2003b, p. 50). L’Agence internationale de l’énergie atomique (Aiea) précise à cet effet que le principal objectif de la gestion est la protection « des personnes et de l’environnement contre les effets nocifs des rayonnements ionisants » (Agence internationale de l’énergie atomique, 2007, p. 5). Pour ce faire, la gestion articule des prescriptions techniques et des dispositifs organisationnels qui autorisent le contrôle des choses et la coordination entre acteurs (International Atomic Energy Agency, 2011).
15Au niveau européen, l’impératif de la gestion a été réaffirmé par une directive récente, qui précise que chaque État membre est responsable, « en dernier ressort, de la gestion du combustible usé et des déchets qui ont été produits sur son territoire » (Conseil de l’Union européenne, 2011). Si la gestion est partagée, l’établissement des paramètres normatifs de gestion revient aux pouvoirs publics et non aux producteurs de déchets. La définition de ce qui constitue un déchet radioactif, mais aussi les spécifications relatives au transport, au traitement des déchets, à la constitution des filières, etc., font donc l’objet d’un encadrement juridique, nécessaire pour la coordination entre les différents acteurs. Ainsi, le droit intervient de manière déterminante dans la gestion des déchets.
La complexité du droit des déchets nucléaires
16En France, les déchets radioactifs relèvent du droit commun des déchets (tel que le formule la loi du 15 juillet 1975, ultérieurement codifiée). Ils se trouvent néanmoins à la confluence de plusieurs autres législations, notamment celles de la santé publique et de l’environnement. Les règles juridiques applicables aux déchets radioactifs appartiennent à plusieurs niveaux : la législation européenne (via notamment les directives relatives à la radioprotection) ; les lois-cadres de niveau national (loi de 1991, puis loi de 2006) ; et surtout une imposante réglementation technique qui prend la forme de décrets, d’arrêtés, de circulaires et de règles fondamentales de sûreté. Cependant, comparativement aux autres pays nucléaires, le droit français est peu spécifique dans ses prescriptions techniques de haut niveau, laissant une large part à la négociation sur les règles de bas niveau. Cette manière de réguler le nucléaire par la discussion entre autorités de sûreté et exploitants industriels est connue au niveau international sous le nom de « French cooking » [3]. Par exemple, il est assez remarquable qu’entre 1963 et 2007, un unique décret [4] ait servi à la régulation de l’ensemble des sites nucléaires (appelés « installations nucléaires de base »). Ces singularités juridiques ont laissé une grande latitude aux acteurs industriels pour déterminer leurs procédures de gestion et une grande latitude aux autorités de sûreté pour imposer des règles « par consentement mutuel ».
17La négociation entre autorités de sûreté et exploitants industriels s’actualise partiellement dans la législation d’application – arrêtés, circulaires ou spécifications techniques – qui joue un rôle essentiel dans la régulation fine des activités nucléaires (Garcier, 2012). La négociation technique peut néanmoins achopper sur certains problèmes d’ordre politique, qui doivent dès lors faire l’objet d’une législation de plus haut niveau. C’est ainsi que Yannick Barthe (2006) interprète la « mise en politique des déchets nucléaires » via la loi de 1991 sur les déchets de haute activité.
18Ces considérations ouvrent à la géographie, si l’on ne s’en tient pas à une lecture stricte du droit ou de la gestion en termes de distribution des responsabilités entre acteurs, ou de logique juridique. Il ne s’agit pas en effet d’analyser la genèse et la logique des normes d’un point de vue juridique, mais bien de réfléchir à leurs effets géographiques. Dans le cadre du droit, la gestion des déchets enrôle l’espace : elle appelle la définition de lieux et de circulations légitimes pour les matières et les déchets, visant à limiter la rencontre entre les humains et la radioactivité. En conséquence, la gestion crée des spatialités spécifiques pour les déchets et les radionucléides qu’ils contiennent.
La constitution et le fonctionnement du dispositif géo-légal actuel
Les insuffisances de la dispersion
19Nous l’avons évoqué, le consensus international reconnaît la dissémination des déchets radioactifs dans l’environnement comme une manière légitime de gérer certains déchets. La pratique vise à fondre la radioactivité artificielle dans le bruit de fond radioactif de l’environnement. Dans cette approche, la circulation spatiale des déchets et des matières est libre, au sens où elle ne fait pas l’objet d’un contrôle réglementaire (regulatory oversight) au-delà du point de de déversement : le contrôle juridique prend la forme d’autorisations de sortie des effluents [5] et des déchets, les autres paramètres de gestion étant élaborés en interne par les producteurs de déchets, souvent au niveau de chaque site. La sous-détermination juridique de la gestion n’impose pas de connaissance ou de traitement élaboré des déchets ni n’appelle de traçabilité particulière. Ainsi, son coût est particulièrement bas. La dispersion-dilution est largement utilisée pour les déchets et les effluents hors du champ du nucléaire et reste utilisée pour certains déchets radioactifs liquides et gazeux.
20Au début de l’industrie nucléaire, le Commissariat à l’énergie atomique était un des seuls organismes à produire des déchets radioactifs. En l’absence de règles de droit spécifiques à ces déchets, les règles internes de gestion qu’il s’était données reposaient largement sur la dispersion-dilution. Comme l’explique un ancien cadre de l’industrie :
« Les TFA [déchets de très faible activité], il n’y avait pas de normes, il n’y avait rien, et on ne s’en souciait guère. D’une part, parce que les TFA, les déchets ordinaires, ils sortaient avec la préoccupation qu’ils soient compactés dans des fûts avec du ciment, du bitume, enfin n’importe quoi pourvu que ce ne soit pas volat… enfin, que ça puisse pas s’en aller partout. » [6]
22Ces approches minimalistes étaient fondées sur une appréciation minorante des risques posés par les déchets de faible activité. Notre interlocuteur poursuit :
« J’avais coutume de dire "pour les risques, je n’en vois pas beaucoup. Par contre, la gestion, pffff, c’est épouvantable". C’est épouvantable, parce que, alors qu’au début, pendant les années 1960, on a fait un programme global, pour qu’on traite bien nos déchets, avec des stations de traitement des effluents, des entrepôts, voilà… […] Et puis, chaque chef de centre a cultivé son autonomie. C’est un peu comme la dérive des continents, vous savez… les animaux, ils changent, parce qu’ils ne sont pas sur le même continent. […]
– Il n’y avait pas de centralisation ?
– Voilà. Enfin, il y avait une centralisation pour les normes… « Ah, si vous voulez un déchet A, il ne faut pas mettre plus de 100 Bq »… mais il suffit qu’un chef de centre dise "moi les fûts de 100 litres, je n’en veux plus", il y avait une presse pour compacter les fûts de 100 litres, il a bouché l’entrée… Le chef de l’autre centre ne pouvait plus s’en servir ou envoyer des choses… » [7]
24La capacité des opérateurs de terrain à s’affranchir partiellement des normes internes dans le cadre d’une gestion décentralisée des déchets explique la géographie singulière qui a été produite par l’absence de dispositif géo-légal national. En l’absence de principes fermes, juridiquement établis pour la ségrégation des déchets radioactifs, de nombreux flux de déchets ont rejoint des filières pour déchets industriels classiques ou ont fait l’objet d’une dilution physique avec des matériaux non contaminés afin de diminuer leur activité massique. Des déchets ont pu être stockés de manière ad hoc sur des sites appartenant aux industriels, dans des carrières abandonnées ou sur des sites destinés aux déchets conventionnels [8]. Dans le cadre des analyses rétrospectives de ces circulations, des déchets radioactifs ont été identifiés sur plus d’une dizaine d’installations de stockage de déchets conventionnels, en Isère, dans l’Orne, en Côte-d’Or ou dans le Vaucluse (Andra, 2012a). Après avoir occasionné des controverses retentissantes dans les années 1990 au point de faire l’objet de deux rapports officiels (Desgraupes, 1991 ; Le Déaut, 1992a et b), ces « stockages historiques » constituent aujourd’hui une problématique émergente du point de vue de la traçabilité des flux et des impacts sur l’environnement. L’interdiction de stocker des déchets radioactifs dans des installations non dédiées n’a été édictée que tardivement et progressivement, entre 1992 et 2004 selon les types de stockage (Bouillon, Aubert, 2013, p. 103-104). Comme le rappelait récemment le directeur de l’Autorité de sûreté nucléaire lors d’une table ronde à l’Assemblée nationale, les années 1980 voyaient encore abondamment sonner les portiques de détection de la radioactivité installés à l’entrée des déchetteries conventionnelles (Cddat, 2013, p. 27).
25La sous-détermination juridique concernait aussi l’unique centre de stockage dédié aux déchets radioactifs, le centre de stockage de la Manche, créé en 1969 par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (Cea)(et fermé en 1994). Le décret de création du site (19 juin 1969) reste muet sur les critères d’acceptation des déchets ou sur les niveaux de radioactivité acceptables. Comme le précise le rapport de la commission chargée d’évaluer la contamination du site après sa fermeture :
« … à cette époque existait en fait une délégation totale de responsabilité au Cea […] C’est donc le Cea lui-même qui va définir les conditions d’acceptabilité des colis de déchets sur le site de la Manche […] [Les premières règles d’acceptabilité des colis] laissaient une très large place à l’interprétation et aux dérogations qui étaient accordées par un système interne au Cea. » (Turpin, 1996, p. 3)
27Jusqu’en 1978, le Cea bénéficia d’une latitude totale sur la nature des colis acceptés et leurs modalités de gestion : déchets civils, déchets militaires, tous étaient susceptibles de rejoindre le site. Parmi les 500 000 mètres cubes de déchets enfouis sur le site figure un inventaire non négligeable d’émetteurs alpha et notamment du plutonium.
28La contestation de la dispersion-dilution vint paradoxalement d’initiatives prises au niveau international contre l’immersion des déchets en mer. Individuellement, ou collectivement à partir de 1967 sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement économiques (au motif, justement, d’une « meilleure gestion » : cf. Petit, 1993), les pays occidentaux ont conduit des campagnes d’immersion de fûts de déchets. En France, le Cea participa à quelques campagnes d’immersion mais s’en détourna dès 1969. À cette date, l’immersion comme solution préférentielle de gestion des déchets radioactifs solides de faible activité avait commencé à être remise en cause au niveau international (Ringius, 2001 ; Hamblin, 2008). Face à la mise sur l’agenda du problème de la pollution des mers et à l’apparition du slogan fédérateur de « la mort des océans », les États se trouvèrent contraints de mettre en place juridiquement un nouveau régime international de contrôle des immersions (Convention de Londres, 1972), ultérieurement renforcé jusqu’à leur prohibition complète entre partie contractantes en 1993 [9]. En France, en 1982, la tentative du Cea de remettre les immersions au nombre des solutions de gestion des déchets solides se heurta à un refus de la commission chargée d’évaluer son plan de gestion des déchets (Commission Castaing, 1983). La disparition de l’immersion et de la dilution comme solutions de gestion des déchets solides favorisa la recherche d’une gestion à terre. Cette solution présentait certains avantages : logistiquement plus simple, elle était surtout dix fois moins coûteuse que l’immersion, selon les données nord-américaines (Ryan et al., 2007, p. 8). Les insuffisances du modèle de dispersion-dilution face à l’augmentation prévisible des déchets consécutive au lancement des programmes électronucléaires ont conduit à la création d’un dispositif géo-légal de gestion des déchets sur la base de deux principes : la création d’une filière nationale propre à ces déchets, appuyée sur des sites de stockage dédiés ; et la séparation d’avec les déchets « classiques » au motif des dangers spécifiques créés par la radioactivité.
La création d’une filière nationale intégrée
29À la fin des années 1970, les pouvoirs publics acceptent progressivement l’idée que l’organisation de la gestion relève de leurs prérogatives, et non plus seulement de celles de des opérateurs industriels. La première mission de l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra), créée en 1979 [10] au sein du Cea, fut la prise en charge de la gestion du centre de stockage de la Manche. L’Agence acquit progressivement une certaine autonomie et, surtout, vit ses prérogatives considérablement étendues en 1991 à l’occasion de la première grande loi sur les déchets radioactifs de haute activité (dite « loi Bataille ») qui lui donna le statut d’agence indépendante. L’établissement de l’Andra comme acteur disposant d’un monopole sur le stockage des déchets radioactifs a eu des incidences majeures sur la structuration de toute la filière, puisqu’elle a conduit à créer un environnement normatif explicite et distinct des règles internes la gestion des déchets par les producteurs.
30En effet, la sélection du stockage des déchets solides sur des sites dédiés comme solution de gestion principale s’est accompagnée du renforcement des prescriptions juridiques concernant les sites et la nature des colis de déchets pouvant y être accueillis. Le centre de stockage de l’Aube, a été substitué au site de la Manche pour le stockage des déchets de faible activité (décret d’autorisation du 4 septembre 1989, ouverture du site en 1992) est régi par deux règles fondamentales de sûreté. Le site lui-même répond aux exigences de la règle I-2 du 8 novembre 1982 [11]. La règle III-2-e, elle, encadre la production des colis de déchets et est déclinée, sur le site, par des critères d’acceptation de ces colis. Ces spécifications d’acceptation sur les sites (les « specs ») ne sont pas publiques et constituent un secret industriel de l’Andra.
31Le caractère national de la filière et le contrôle des circulations de déchets ont été renforcés dans les années 1990, sous les influences politiques et juridiques internationales destinées à encadrer et limiter la circulation transfrontalière des déchets. Les scandales de trafic de déchets radioactifs mis au jour octobre 1986 entre l’Allemagne et la Belgique (affaire dite « Transnuklear ») ont incontestablement contribué à un renforcement des règles [12]. Inspirés par le précédent de la convention de Bâle sur les déchets dangereux, les premiers codes de bonne conduite (International Atomic Energy Agency, 1990) ont donné naissance à des instruments juridiques contraignants, la directive Euratom du 3 février 1992 sur la circulation des déchets radioactifs (Conseil de l’Union européenne, 1992) et la Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté des déchets radioactifs, adoptée par l’Organisation des Nations unies en 1997 (Bringuier, 2007). Ces textes interdisent notamment l’exportation des déchets radioactifs vers des pays tiers qui n’auraient pas la possibilité de les gérer convenablement. Chaque pays doit prendre en charge les déchets radioactifs produits sur le sol national, rendant très difficiles les circulations transfrontalières de déchets radioactifs de faible activité.
La séparation d’avec les déchets classiques
32Le développement de filières de gestion intégrée au niveau national laissait ouverte la question de la nature des déchets qui devaient être pris en charge, notamment aux plus bas niveaux de contamination, là où la frontière entre déchets radioactifs et déchets non-radioactifs est discrétionnaire (Cour des comptes, 2005, p. 46). Les classifications de déchets radioactifs présentent en effet cette particularité qu’elles sont « conventionnelles sans être arbitraires », pour paraphraser le mot célèbre d’Henri Poincaré. Les scandales des années 1990 ont conduit les pouvoirs publics français à modifier la matrice « sans fondement juridique » utilisée jusque dans les années 1990 (déchets A, B, C : voir Teillac, 1988, p. 81-82) et à inventer une nouvelle catégorie de déchets, unique au monde, les déchets de très faible activité (Rivasi, 2000, p. 22-23).
33Selon les dispositions présentées dans l’arrêté du 31 décembre 1999 « fixant la réglementation technique générale destinée à prévenir et limiter les nuisances et les risques externes résultant de l’exploitation des installations nucléaires de base », les exploitants de chaque site doivent mettre en place des plans de gestion des déchets soumis à l’Autorité de sûreté nucléaire. Ces plans sont appuyés sur des « zonages déchets » qui déterminent a priori des zones à déchets « nucléaires », c’est-à-dire « contaminés, activés ou susceptibles de l’être » et des zones à déchets « conventionnels ». Tous les déchets provenant des zones à déchets nucléaires doivent rejoindre les filières de gestion des déchets nucléaires, quelle que soit leur contamination réelle. En d’autres termes, et contrairement à ce qui se produit dans d’autres pays européens, il n’existe pas en France de mécanisme de déclassement automatique (de « libération ») des déchets produits dans la zone à déchets radioactifs : tout déchet produit dans cette zone est considéré comme un déchet radioactif, qu’il soit effectivement contaminé ou non, et doit rejoindre les filières de gestion de l’Andra.
34L’adoption en France d’une position maximaliste, ancrée dans le droit et interdisant la libération des déchets, s’explique simplement : au moment où les affaires des décharges contaminées du Cea faisaient la une des journaux, où les exploitants se contentaient de « laisser [les déchets tfa] sur les sites » (Bataille, 1997), les pouvoirs publics s’inquiétaient d’un possible effet de « contamination » de la politique qu’ils cherchaient à mettre en place pour les déchets de haute activité, telle que la loi de 1991 la matérialisait [13]. Par ailleurs, à l’époque, le pays comptait peu de déchets de faible et très faible activité, et ces déchets étaient peu valorisables [14]. Le parti fut donc pris par l’Autorité de sûreté nucléaire d’étendre le régime juridique utilisé pour les déchets de faible activité à la catégorie des déchets de très faible activité (Rivasi, 2000, p. 261 sq). L’Andra ouvrit à cette fin en 2003 un nouveau site de stockage pour les déchets de très faible activité, le Cires de Morvilliers (Aube). En 2002, après une campagne vigoureuse menée par les associations antinucléaires, une restriction supplémentaire est apparue avec l’interdiction d’ajouter des substances radioactives aux aliments, aux biens de consommation et aux produits de construction ; et d’utiliser des matériaux et des déchets provenant d’une activité nucléaire pour la fabrication de biens de consommation et de produits de construction [15].
Jeux et enjeux de la norme
35La figure 1 présente l’articulation des normes pour les deux sites de stockage existants.
Normes applicables aux colis stockés au centre de stockage de l’Aube et au Cires
Normes applicables aux colis stockés au centre de stockage de l’Aube et au Cires
36Le centre de stockage de l’Aube (csa) est une « installation nucléaire de base » : à ce titre, c’est l’Autorité de sûreté nucléaire qui définit les règles générales de son exploitation. Le Cires, lui, est une installation classée pour la protection de l’environnement (icpe) et c’est un arrêté préfectoral qui définit le cadre général de son exploitation (par exemple, les quantités totales de matériaux dangereux qu’il peut accueillir). Pour les grands producteurs de déchets de faible activité appelés à rejoindre le centre de stockage de l’Aube, des agréments sont signés avec l’Andra qui, pour chaque flux relativement homogène de déchets, définissent le conditionnement des colis et les paramètres de leur composition. Il existe aujourd’hui environ 200 agréments signés entre les grands producteurs et l’Andra. Ils constituent la base contractuelle de l’acceptation des déchets sur le site du centre de stockage de l’Aube : un déchet qui n’aurait pas fait l’objet d’un agrément préalable ne pourrait pas être accueilli sur le site. Les formalités sont simplifiées pour les déchets radioactifs de très faible activité, qui font seulement l’objet d’un certificat d’acceptation. La conformité des colis envoyés dans les centres de stockage est vérifiée sur les sites.
37Pour les producteurs de déchets, répondre aux impératifs juridiques et techniques de la gestion centralisée des déchets n’est pas simple. Tout d’abord, ils doivent s’assurer de la conformité des déchets qu’ils produisent avec les spécifications des filières de gestion telles qu’elles sont formalisées dans les agréments (Csa) ou les certificats d’acceptation (Cires). Cela suppose, en interne, un minutieux contrôle de qualité sur les déchets produits. Les enjeux financiers sont considérables. Le contrôle de qualité est coûteux et les défaillances le sont encore plus : un interlocuteur, qui s’est vu refuser un colis de déchets pour manquement aux spécifications, parle d’un coût total (retour du colis, études, reconditionnement, renvoi du colis) de 100 000 euros. En cas de non-conformité répétée des colis expédiés par un producteur de déchets, l’Andra a la possibilité de suspendre les agréments, donc de bloquer les flux de déchets expédiés par le producteur. Là encore, le coût pour le producteur est considérable.
38Les coûts créés par le dispositif de gestion centralisée sont à l’origine de la majeure partie des demandes de dérogations des producteurs. En effet, il est toujours possible, pour un producteur, de demander qu’un colis (ou un lot de colis) soit accueilli sur les sites en étant exempté des dispositions prévues dans l’acceptation, l’agrément, voire les spécifications des sites ou les termes définis par le domaine autorisé. Certains déchets de faible activité ont ainsi été requalifiés en déchets de très faible activité (Andra, 2012b, p. 41). Plus le niveau des règles est élevé, moins la demande de dérogation a des chances d’aboutir – car il appartient au producteur de démontrer que la dérogation ne remet pas en cause la sûreté de la gestion. Surtout, il revient à l’autorité productrice des normes d’autoriser la dérogation – ce que l’Autorité de sûreté nuclaire, par exemple, est peu encline à faire. Pour les producteurs de déchets, demander une dérogation est donc un processus long, souvent coûteux, qui ne se justifie que si les alternatives (par exemple, modifier la forme physique du déchet) étaient encore plus coûteuses.
Le fonctionnement du dispositif, source de tensions
La production d’une géographie singulière des déchets radioactifs
39La restriction progressive des circulations permises par le dispositif géolégal de gestion des déchets a abouti à étendre les principes de concentration et de confinement à tous les déchets radioactifs solides, produisant du coup une géographie singulière des déchets de faible et très faible activité.
40La figure 2 indique la distribution spatiale de deux catégories de déchets : les « déchets historiques », disséminés sur une multitude de sites sur le territoire ; et les déchets de très faible activité présents sur les sites nucléaires : centrales nucléaires, installations de recherche, installation du cycle du combustible. Le Cires à Morvilliers accueille environ 33 000 mètres cubes de déchets de très faible activité par an, pour un coût d’environ 300 euros par mètre cube [16]. Certains déchets (les déchets liquides, par exemple, ou certains déchets métalliques) peuvent être traités par incinération ou fusion sur le site de la société Centraco (filiale d’Edf) à Marcoule pour un coût bien supérieur (environ 10 000 euros par mètre cube pour les liquides, 15 000 euros par tonne pour l’aluminium par exemple [17]). Le coût de cette filière la rend moins attractive et certains producteurs préfèrent donc envoyer de déchets acceptables à Centraco à l’Andra, consommant de la place en stockage [18]. Les modalités de reprise des déchets historiques ne sont pas encore entièrement figées. D’un point de vue logistique, le fonctionnement du système de gestion suppose donc de mettre en circulation de grands volumes de déchets, selon des dispositions associant entreposages temporaires sur site de production et stockage définitif au Cires.
Répartition de déchets de très faible activité et des déchets en stockage historique
Répartition de déchets de très faible activité et des déchets en stockage historique
La saturation des stockages
41Le fonctionnement du dispositif géolégal actuel, fondé sur la centralisation en stockage, aboutit à produire des effets géographiques jugés préoccupants. Les éditions successives de l’Inventaire national des déchets radioactifs, relancé à partir des années 2000 (Le Bars, 2000) ont fait apparaître que de grandes quantités de déchets vont être produites par les activités de démantèlement des sites nucléaires. La majeure partie de ces déchets, de 1 à 2 millions de mètres cubes, sera constituée de déchets de très faible activité – notamment, des gravats. Cet effet a été intensifié par le renforcement des prescriptions réglementaires relatives au démantèlement en France à partir de 2003. L’Andra estime ainsi qu’entre fin 2007 et fin 2010, la production de déchets de très faible activité a connu une surproduction d’environ 75 000 m3 par rapport à ce qui était prévu (Andra, 2012b, p. 30). Au total, l’Andra estime que le stock de déchets actifs augmentera de 44 % entre 2010 et 2020 : cette progression provient à 70 % environ de l’augmentation du stock de déchets de très faible activité (Bouillon, Aubert, 2013, p. 20).
42L’exploitation de données publiques permet de donner une représentation graphique de la production de déchets issus du démantèlement du parc existant (fig. 3). Même dans le cas d’un scénario de non-renouvellement du parc électronucléaire (qui est celui figuré), la production totale de déchets de très faible activité serait de 1,9 million de mètres cubes, soit environ trois fois la capacité installée du Cires, qui serait saturé avant 2030.
Production de déchets de faible activité et de très faible activité issus du démantèlement des centrales existantes entre 1977 et 2010
Production de déchets de faible activité et de très faible activité issus du démantèlement des centrales existantes entre 1977 et 2010
43La situation est rendue d’autant plus complexe que l’Andra peine aujourd’hui à réunir les conditions de la création de nouveaux sites de stockage. Les tentatives faites en 2009 pour créer un site de stockage pour les déchets radifères se sont heurtées à une opposition vigoureuse de la part des associations écologistes et des populations concernées. En 2013, l’échec du débat public autour du projet de stockage des déchets de haute activité (Cigéo) a fragilisé la position de l’institution. Tout se passe comme si une des conditions de possibilité du dispositif actuel (la création de sites de stockage centralisés) ne pouvait plus être remplie et devenait une contrainte logistique à la prise en charge de déchets radioactifs. La place disponible dans les sites existants devient ainsi une ressource rare, à préserver autant que possible [19].
Les pressions pour l’évolution du dispositif géo-légal
44Le souci de préserver l’espace disponible dans les centres de stockage donne du souffle à une évolution du dispositif géo-légal en permettant le recyclage et la remise en circulation des matériaux, que les choix antérieurs faits par la France avaient durablement écartés. Au moment même où la France introduisait une réglementation drastique de contrôle des matériaux issus de l’industrie nucléaire en leur appliquant de manière présomptive le modèle de concentration-confinement, la Commission européenne faisait paraître une directive relative à la radioprotection qui formalisait la notion de « libération des matériaux » et en précisait les conditions (Conseil de l’Union européenne, 1996). La Commission, via Euratom et le plan communautaire d’action sur les déchets, avait encouragé pendant les années 1990 des recherches et des études visant à déterminer la compatibilité de la libération de certains matériaux avec les exigences de la radioprotection et, corrélativement, l’occasion de mettre en place des filières de recyclage des métaux, en particulier du cuivre (Garbay, Chapuis, 1991). L’arrêté du 31 décembre 1999 a porté un coup d’arrêt à la possibilité de voir ces travaux utilisés pour informer les pratiques françaises de gestion (et donc, gérer les déchets de très faible activité par « dispersion-dilution ») [20].
45La libération de déchets issus d’installations nucléaires peut être autorisée exceptionnellement, mais il incombe alors à l’industriel de démontrer que les déchets évacués ne sont pas contaminés et qu’ils peuvent rejoindre une filière de gestion existante : c’est ce qui s’est produit pour certaines grosses pièces métalliques issues du démantèlement d’installations nucléaires [21]. Il existe par ailleurs deux filières qui reposent sur une modification de la forme physique des déchets pour réduire leur volume et éventuellement recycler les métaux qu’ils contiennent à destination unique de l’industrie nucléaire elle-même (acier, plomb : fig. 2). Par ailleurs, le 5 mai 2009, un arrêté du ministre de la Santé a fixé les modalités d’exemption aux dispositions du Code de la santé publique (R. 1333-2 à R. 1333-5) prises en 2002 et interdisant l’ajout ou l’utilisation de matières radioactives dans les objets de consommation et les matériaux de construction, malgré un avis négatif de l’Autorité de sûreté nucléaire.
46L’expérience acquise dans le cadre de ces dispositifs, l’exemple probant d’autres pays européens (Badajoz et al., 2009) et la parution de deux nouvelles directives européennes confirmant la possibilité de la « libération conditionnelle » des matériaux [22] convainquent certains acteurs du bien-fondé de faciliter la banalisation de certains déchets (notamment les gravats) et le recyclage à grand échelle des métaux très faiblement contaminés, en diminuant le coût. Le déclassement des déchets réduit en effet fortement les coûts de gestion, sans vraisemblablement que la radioprotection n’en souffre. Dans le dernier rapport parlementaire sur le sujet, face aux 150 000 tonnes de ferrailles de Pierrelatte et aux dizaines de milliers de tonnes de ferrailles de très faible activité issues du parc nucléaire, les rapporteurs « estiment souhaitable que puisse aujourd’hui s’engager une réflexion prudente sur l’introduction d’un [seuil de libération] en France », que cette libération soit conditionnelle (circuits de traitement à l’intérieur de la filière nucléaire) ou inconditionnelle (circuits de traitement dans la filière conventionnelle)(Bouillon, Aubert, 2013, p. 110).
47Or la notion de « seuil de libération » est une notion juridique : elle consiste à établir, de manière conventionnelle, un niveau de contamination radioactive estimée sans risque. Produit d’une négociation complexe au niveau européen et au niveau national, le « seuil de libération » gouverne la possibilité de créer de nouvelles circulations matérielles et ouvre à de nouvelles formes de négociations qui portent cette fois-ci sur la définition juridique même de ce qui constitue un déchet radioactif.
Conclusion
48Nous avons cherché à fournir une explication de la répartition et des circulations spatiales des déchets radioactifs de faible activité. Pour ce faire, nous nous sommes intéressés à la manière dont ils sont gérés en tentant d’éviter un double écueil. Le premier est celui d’une lecture strictement juridique qui jugerait des moyens juridiques mobilisés par la gestion à différentes échelles sans se préoccuper de l’application et de la productivité spatiale de ces mêmes moyens ; le second, celui d’une lecture strictement géographique qui verrait dans les configurations spatiales observés le produit d’une activité industrielle ou du jeu d’acteurs libres de toute détermination juridique. Pris en charge par un dispositif complexe informé par le droit, les déchets se voient conférer une spatialité particulière. Ce dispositif gouverne l’endroit où les déchets se trouvent et peuvent se trouver ; la forme matérielle qu’ils peuvent prendre ; les circulations spatiales qu’ils sont autorisés à adopter et celles qui leur sont interdites. Les normes, leur combinaison, leurs négociations interviennent de manière décisive dans l’explication des agencements socio-spatiaux observables en matière de déchets radioactifs, et en particulier, des circulations de déchets.
49Sans faire assaut de juridisme et céder à l’illusion que le texte du droit expliquerait tout, il paraît essentiel de ne pas l’ignorer et de ne pas céder à la tentation de traiter des déchets comme s’ils étaient de simples prétextes à des politiques publiques. Informée par les normes juridiques, la gestion n’y est pas réductible, précisément parce que les normes, mouvantes, sont aussi l’objet de négociations entre acteurs industriels et pouvoirs publics pour lesquels elles constituent une ressource. Cette insistance sur le rôle de la norme permet de déplacer la focale des analyses spatialisées des activités nucléaires. Elle permet de se détacher des controverses et des conflits autour de la création des sites de stockages conçus comme autant de conflits d’aménagement pour montrer comment les ressources juridiques permettent d’imaginer et de sécuriser de nouvelles circulations matérielles et spatiales.
50Loin d’annoncer une marche sûre et monotone vers le stockage comme forme unique de gestion des déchets, cet article montre les effets induits par le dispositif géolégal – qui a été progressivement constitué – sur le coût, l’évaluation et la perception des risques liés à la circulation des matières et le volume disponible dans les sites de stockage. Ces effets constituent autant de mises à l’épreuve du dispositif et de la spatialité qu’il engage. Le dispositif géo-légal actuel n’est donc, paradoxalement, pas entièrement stabilisé, ni dans les principes qui l’informent, ni dans les pratiques qu’il suscite, ni enfin dans les géographies qu’il produit.
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Mots-clés éditeurs : recyclage, industrie nucléaire, géographie du droit, gestion, déchet radioactif
Date de mise en ligne : 17/12/2014
https://doi.org/10.3917/eg.433.0265Notes
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[1]
L’expression est d’André-Claude Lacoste, ancien président de l’Autorité de sûreté nucléaire française (asn). Séminaire NEEDS, 28 novembre 2013.
-
[2]
Rappelons que le Cea, par exemple, n’autorise pas l’accès de son catalogue d’archives aux chercheurs.
-
[3]
Propos d’André-Claude Lacoste, ancien président de l’Autorité de sûreté nucléaire française. Séminaire NEEDS, 28 novembre 2013.
-
[4]
Décret n° 63-1228 du 11 décembre 1963.
-
[5]
Décret n° 74-1181 du 31 décembre 1974, puis décret n° 95-540 du 4 mai 1995 relatif aux rejets d’effluents liquides et gazeux et aux prélèvements d’eau des installations nucléaires de base.
-
[6]
Entretien, spécialiste des déchets, avril 2012.
-
[7]
Entretien, spécialiste des déchets, avril 2012.
-
[8]
Ministère du Développement industriel et scientifique, Service central de sûreté des installations nucléaires. « Effluents et déchets radioactifs », rapport confidentiel du 26 février 1974. AN19910246/9. Voir également Dossier « Déposante Saint-Aubin », AN20060201/65.
-
[9]
Cependant, la convention de Londres ne prohibe pas les rejets directs en mer à partir d’installations littorales. De ce fait, le site de La Hague rejette toujours annuellement dans la Manche environ 12 000 TBq d’effluents chargés en tritium à 5 km du littoral par le truchement d’un tuyau sous-marin (Areva NC, 2012, p. 53).
-
[10]
Article 2 de l’arrêté du 7 novembre 1979 relatif à la création au sein du Cea d’une Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.
-
[11]
Règle fondamentale de sûreté I-2 du 8 novembre 1982, révisée le 19 juin 1984 : « Objectifs de sûreté et bases de conception pour les centres de surface destinés au stockage à long terme de déchets radioactifs solides de période courte ou moyenne et de faible ou moyenne activité massique ».
-
[12]
Dossier « Transnucléaire », AN20060201/68.
-
[13]
Propos d’André-Claude Lacoste, ancien président de l’Autorité de sûreté nucléaire française. Séminaire NEEDS, 28 novembre 2013. Voir aussi la revue Contrôle de décembre 1994, où le responsable de déchets de l’Autorité de sûreté déclare que la gestion des déchets TFA est : « révélatrice d’un certain nombre d’insuffisances : insuffisance de stratégie clairement formalisée et identifiée, insuffisances réglementaires, insuffisances de procédures, insuffisance de rigueur ». (p. 21).
-
[14]
Entretien, spécialiste de radioprotection, décembre 2013.
-
[15]
Articles R.1333-2 et 3 du Code de la santé publique
-
[16]
Conversation, gestionnaire de déchets.
-
[17]
Conversation, gestionnaire de déchets.
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[18]
Conversation, gestionnaire de déchets.
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[19]
« Les installations de stockage de déchets radioactifs, peu nombreuses et aux capacités limitées, doivent être utilisées au mieux par les différents acteurs ». Décret n° 2013-1304 du 27 décembre 2013 pris pour application de l’article L 542-1-2 du Code de l’environnement et établissant les prescriptions du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs, article 3, alinéa 2.
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[20]
L’arrêté du 31 décembre 1999 a été remplacé par l’arrêté du 7 février 2012, entré en vigueur le premier juillet 2013. Ses dispositions fondamentales n’ont pas été modifiées.
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[21]
Entretien, Autorité de sûreté nucléaire, mai 2013.
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[22]
Directive 2011/70/Euratom établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usée et des déchets radioactifs, 19 juillet 2011. Directive 2013/59/Euratom fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants, 5 décembre 2013.