Dans cet article, nous montrons que les scandales financiers sont un facteur explicatif clé du « retard » français dans l’adoption d’une réglementation bancaire. Les scandales financiers, dont la presse s’est emparée, ont attiré l’attention de l’opinion et des pouvoirs publics sur la protection de l’épargne investie en titres, plutôt que sur celle déposée sur des comptes bancaires. Or ces scandales ont provoqué des faillites retentissantes pour les intermédiaires financiers engagés dans l’émission et le placement de titres, plutôt que dans des activités de collecte de dépôts et d’octroi de crédits réalisées par les banques à réseaux. La forte diminution des dépôts et des crédits au sein de ces dernières n’a en revanche pas soulevé de grands débats : d’une part, l’absence de statistiques publiques consolidées a caché l’ampleur du phénomène ; d’autre part, cette diminution des dépôts n’a pas résulté des pertes des déposants, mais d’une fuite des dépôts vers la sécurité représentée par les caisses d’épargne. Ainsi, lors des débats sur les faillites et difficultés financières, les enjeux principaux furent les pertes subies par les épargnants acquéreurs de titres de placement et les lacunes dans la réglementation des sociétés par actions. Même en cas de faillite d’une banque à réseaux, les débats portèrent sur le comportement imprudent d’administrateurs aventureux, au détriment et à l’insu de leurs actionnaires et déposants. Des lois de 1930 aux décrets de 1935, le Parlement et les gouvernements ont ainsi tâché, plutôt que de réguler l’activité bancaire, de protéger l’épargne et de réformer les sociétés par actions, afin de rétablir la confiance, de restaurer la prospérité et de défendre le Franc.
Understanding crises, bankruptcies and financial regulations in France between the two world wars through the prism of financial scandals
This article highlights the role played by financial scandals in explaining why France adopted banking regulations more slowly than other countries in the interwar period. The French press tended to focus on financial scandals that threatened savings when financial intermediaries who issue and underwrite securities go bankrupt. As a result, these were the types of scandals that attract the attention of public opinion and public authorities and little attention was paid to scandals related to bank deposits and lending carried out by bank branches. During this period, therefore, the sharp decline in deposits and loans at branch banks was not a subject of debate. This phenomenon was also partly hidden by the lack of consolidated public statistics. Depositors were not taking funds out of the banking system because they were losing money. They were attracted by the higher levels of security available from savings banks. During debates on bankruptcies and financial difficulties, the main issues raised were the losses incurred by savers who had invested in securities and the shortcomings in the regulation of joint-stock companies. Even in the case of a bankrupt retail bank, the debate focused on the reckless behavior of adventurous directors, to the detriment and without the knowledge of their shareholders and depositors. From the laws of 1930 to the decrees of 1935, Parliament and governments were focused on protecting savings and reforming joint-stock companies to restore confidence and prosperity and defend the Franc, rather than on regulating banking activity.