Les pesticides et leurs effets sur la santé et l’environnement n’en finissent pas d’illustrer les apories du recours à l’expertise à des fins de décisions publiques. L’affaire des SDHI en est la dernière illustration. Ce sigle désigne une dizaine de fongicides inhibiteurs de la succinate déshydrogénase, une enzyme essentielle au bon fonctionnement du système respiratoire. En bloquant la respiration des cellules de champignons, les SDHI empêchent leur prolifération et protègent ainsi les cultures que ces organismes menacent, en particulier les céréales. De plus en plus utilisées en agriculture, ces substances suscitent des craintes en raison de leurs potentiels effets sur la faune et la flore, mais aussi sur la santé humaine : la succinate déshydrogénase étant indispensable pour nos fonctions respiratoires, son inhibition pourrait induire des effets cancérogènes. C’est du moins ce qu’affirme une équipe de chercheurs français qui, voici deux ans, a alerté l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses, en charge de l’évaluation des risques des pesticides), en plaidant pour un moratoire sur la vente des SDHI. La réponse, tardive, de l’Anses à cette alerte s’est voulue rassurante : les données sont jugées insuffisantes pour conduire à une interdiction des SDHI.
Au cours des six derniers mois, cette controverse a été largement relayée par les mouvements sociaux, en particulier par l’association Nous voulons des coquelicots, créée en 2018 pour exiger que l’agriculture française sorte de sa dépendance aux pesticides…