Notes
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[1]
En voyage en Italie, Freud et Ferenczi s’arrêtent à Palerme en 1910. Il est prévu qu’ils travaillent ensemble. Ferenczi espère devenir enfin un vrai interlocuteur du maître, peut-être son égal, comme il lui écrira plus tard. Mais Freud l’entend autrement, car il demande à Ferenczi de prendre en dictée ce qu’il va dire dans l’article qu’il prépare. Il s’est ensuivi de nombreux échanges épistolaires à ce sujet. Ferenczi ressassant son dépit de ne pas avoir été traité comme alter ego, et Freud reprochant à Ferenczi son attitude infantile, incapable d’autonomie par rapport à lui. L’incident de Palerme a été vécu comme un trauma pour Ferenczi.
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[2]
En français dans le texte.
1 La transmission est un phénomène ancestral dans l’histoire de l’humanité, et qui s’est révélé indispensable depuis la découverte de l’écriture, sinon plus avant. Mais la transmission par le père s’est révélée incontournable, sans doute depuis l’aube de l’humanité.
2 Les traces psychiques de cet évènement sont nombreuses chez l’enfant et elles se révèlent souvent de façon patente à l’adolescence.
3 À cet âge de la vie, une crise survient régulièrement, qu’elle soit exprimée, agie ou intériorisée, qui traduit le besoin de chaque sujet de se démarquer de ce qui le fonde dans sa génération. Mais aussi, concomitamment, le sujet éprouve le besoin de s’inscrire dans une lignée, dans une allégeance à l’autorité symbolique du père.
4 Les historiens s’étaient penchés sur cette question en la centrant sur la transmission du nom, des biens et du pouvoir.
5 Les travaux des anthropologues ont ensuite relevé ces phénomènes depuis longtemps, en insistant sur les modes de filiation, jusqu’à y repérer des invariants structuraux. Cependant, le défrichage de l’inconscient par Freud a renouvelé l’importance de la transmission dans la psyché humaine.
6 La place symbolique du père y a été définie comme centrale, autorisant la construction de la structure du sujet de l’inconscient.
7 Cette opération délicate est un passage nécessaire et inévitable de la confrontation de chaque sujet humain à la dimension symbolique de la transmission que je vais tenter de déployer.
8 « Ce dont tu as hérité, tu devras l’acquérir », écrit Freud. Il signifiait, par cet aphorisme, que l’important est de subjectiver, de s’approprier ce que nous héritons de nos ascendants sur le plan de la réalité comme dans le registre symbolique.
9 En psychiatrie, la transmission s’effectue par des voies multiples, avant tout universitaire, dans le sens de l’acquisition de connaissances tant théoriques que cliniques. Mais le savoir-faire clinique ne s’apprend que par la pratique clinique, dans un échange permanent avec des praticiens plus expérimentés.
10 En psychanalyse, cela s’avère plus complexe. Certes, le corpus théorique est bien présent, ne serait-ce que la base de toute l’œuvre freudienne, mais aussi des postfreudiens. Le renouvellement théorique important prôné par Lacan a autorisé les psychanalystes à aller vers d’autres voies théoriques mais également pratiques de la psychanalyse. Entre autres avancées théoriques, le concept de signifiant du nom du père met l’accent sur la place centrale du père mais aussi du Nom du père dans la structure psychique du sujet.
La transmission en psychanalyse
11 Mais comment s’opère la transmission dans la psychanalyse ? Comment devient-on psychanalyste ? Questions qui sont au cœur de l’expérience analytique, et qui ont divisé et continuent de le faire les psychanalystes.
12 Je vais, pour tenter d’illustrer mon propos sur la transmission en psychanalyse, me référer à un exemple pas tout à fait anodin, celui de la transmission entre Freud, le découvreur de la psychanalyse, et un de ses brillants élèves, à la réputation sulfureuse, Sándor Ferenczi. Nous possédons un outil de travail pour cela : la correspondance entre les deux analystes publiée et traduite en français. Mais aussi les écrits théoriques qu’ils ont publiés durant les longues années de leurs échanges, qu’ils évoquent comme un premier jet d’une avancée.
Le devenir analyste
13 Cet analyste remarquable est d’une intuition, d’une vivacité d’esprit et d’une inventivité hors du commun. Ses écrits regroupés dans les Œuvres complètes fourmillent d’observations cliniques, de petits textes singuliers et originaux, d’idées théoriques et d’articles plus fouillés. Il faut lui reconnaître quelques écrits majeurs, comme Thalassa.
14 Sur le plan de l’autoanalyse, il nous livre un journal clinique aussi pathétique qu’émouvant d’un analyste qui, sur la fin de sa vie, analyse avec une grande lucidité son parcours, sa clinique et, dans le même temps, ses impasses personnelles, pour finir sur le « Ai-je le choix entre mourir ou me réaménager et ce à 59 ans ? » (Ferenczi, 1932, p. 284). Cette remarque en dit beaucoup sur la clairvoyance de cet analyste généreux et d’une finesse exceptionnelle.
15 Sa place aux côtés de Freud est essentielle, aussi bien sur le plan théorique que sur le plan humain. L’histoire transférentielle qui circule entre les deux hommes fait partie de l’histoire de la psychanalyse et de l’édifice théorique psychanalytique.
16 La participation de Ferenczi à la mise en place de la formation des analystes est centrale, puisqu’il a été le principal rédacteur de statuts de l’ipa en particulier. Mais aussi au travers de la correspondance avec Freud et des avatars transférentiels nombreux, comme en témoignent ses lettres ainsi que celles de Freud. La présence de Ferenczi dans les écrits de Freud est constante.
L’analyse de l’analyste
17 Sur le plan de l’analyse et du transfert, il faut savoir que Freud a analysé Ferenczi en trois tranches durant la guerre, une tranche de quinze jours en 1914 et deux en 1916 : une fois quinze jours, une fois trois semaines à raison de deux à trois séances journalières. (Dans une lettre, Ferenczi n’ose demander une quatrième séance journalière au maître !). Il se trouve qu’en pleine guerre, Freud avait beaucoup de place. Ferenczi commet une erreur : faux souvenir, refoulement du temps de l’analyse divan/fauteuil pourtant réclamée à cor et à cri ? Il le relate à Groddeck en décembre 1921 : « Par périodes, je me suis laissé analyser par lui : une fois durant trois, une autre fois durant quatre à cinq semaines. » Un peu plus loin, dans cette lettre, il parle de l’incident de Palerme [1], et il décrit à propos de Freud : « Pendant des années, nous avons voyagé ensemble chaque été, je ne pouvais pas m’ouvrir tout à fait librement à lui, il avait trop de ce “respect pudique”, il était trop grand pour moi, il avait trop d’un père. » (Ibid., p. 56). Ce point me paraît à relever pour ce que je souhaite développer : le rapport de Ferenczi à l’enfance et à l’adolescence. Or ce qui a toujours été interprété comme de l’infantile chez Ferenczi est sans doute aussi à examiner sur le versant de l’adolescence, et ce rapport ambivalent au père en fait partie.
À la recherche d’un successeur
18 La suite de leur correspondance nous livre quelques clés. Car, parallèlement, Freud est préoccupé par deux soucis majeurs concernant l’avenir de la psychanalyse. Il est à la recherche d’un nouveau président avec lequel il puisse s’entendre et il est aussi soucieux des conséquences que les écrits de Ferenczi risquent d’avoir sur les nouvelles générations d’analystes. Il perçoit les dangers d’une transmission qui pourrait s’effectuer hors du cadre pratique et théorique qu’il a défini.
19 Le dialogue se poursuit. Le 5 décembre 1931, Ferenczi fait un aveu en forme de dénégation. Il répond à l’accusation d’entêtement de Freud. « En tout cas, je m’efforce de tenir en échec ce genre de mobiles purement personnels (sentiments d’offense, rébellion infantile, etc.) » (Freud, Ferenczi, 2000, p. 477). En fait, il est vraisemblable que Ferenczi ait été blessé narcissiquement, et qu’il se situe une fois de plus dans une position adolescente à l’égard de Freud incarnant une figure paternelle. Ferenczi dénie se trouver dans une position infantile, c’est sans doute vrai car il se situe plutôt dans une position adolescente, ambivalente à l’égard d’une figure du père à la fois aimée et haïe.
Transmission autour de cas d’enfants
20 Les deux analystes ont travaillé sur des cas d’enfants ou d’adolescents dès les débuts de la psychanalyse. Je retiendrai un moment singulier de leurs échanges autour de deux cas d’enfants, qui s’inscrit dans le cadre de la transmission du savoir psychanalytique.
21 Nous sommes en 1912, et chacun d’entre eux est en cours d’élaboration sur des cas d’enfants : Totem et tabou, pour Freud, plus connu que « Le petit homme-coq » pour Ferenczi.
22 La première mention de l’histoire de ce petit garçon de 5 ans est faite par Ferenczi dans sa lettre à Freud du 18 janvier 1912. La longue première partie de cette lettre porte sur les soucis que lui cause Elma, la femme qu’il envisage d’épouser. Puis Ferenczi en vient donc au récit de ce « petit homme-coq » :
« J’ai en ce moment un cas sensationnel, un frère du petit Hans par son importance. Un garçon, Bandi, âgé maintenant de 5 ans, a reçu un coup de bec sur la verge, alors qu’il urinait dans un poulailler, à l’âge de 2 ans et demi (hémorragie, douleur, pansements.) Depuis ce moment, toute la vie psychique de ce petit garçon tourne autour des poules et des coqs. Il joue exclusivement avec des poules imaginaires, dont il coupe le cou et qu’il embrasse. Il parlait déjà assez bien, mais après l’incident, pendant des mois, il ne fit que caqueter et faire cocorico comme le coq, au point que ses parents craignirent sérieusement qu’il n’ait perdu la parole ; Peu à peu, il s’est remis à parler, la plupart du temps, naturellement, de volailles : il imite extraordinairement bien leur voix et utilise ses dons musicaux pour chantonner pendant des heures, des chansons où il est question de coqs, de dindons, etc. Son intérêt pour les poulets s’est progressivement étendu à d’autres oiseaux, puis aussi, mais beaucoup moins, aux quadrupèdes. C’est un formidable sadomasochiste. Cet enfant a souvent été menacé de castration à cause de la masturbation. Il appelle son père un coq et il a condensé l’image de celui-ci avec celle de cet oiseau dangereux. »
24 Ce cas est effectivement assez exceptionnel et va susciter l’intérêt de Freud. Cinq jours après, le 23 janvier, Freud lui répond sur ce cas qu’il a surnommé Arpad. « Votre “petit homme-coq” est un régal. Je vais probablement vous prier de m’offrir cette observation pour mon travail sur le Totem, ou de la publier sans référence au Totem. L’artisanat scientifique contraint à de telles mesquineries. »
25 Le ton ainsi est donné par Freud qui est en pleine recherche, dans son Totem, et qui voit avec une grande clairvoyance l’utilité de l’histoire d’Arpad dans la démonstration qu’il souhaite faire sur le retour infantile du totémisme. Il lui manque précisément ce qu’il appellera lui-même un cas de totémisme positif, qui vient donc à point nommé faire le pendant de l’autre cas clinique dont il va parler : le petit Hans.
La désignation du successeur de Freud
26 Parallèlement aux comptes rendus de l’analyse d’Elma, la fille de la compagne de Ferenczi, l’« affaire » Jung est en cours. Ferenczi conseille à Freud : « qu’un peu de prudence envers Jung serait indiquée. Mais à mon avis, il ne mérite pas le transfert de la méfiance due à l’affaire Fliess. Il ne reste pas d’autre solution : aussi longtemps que vous vivrez, vous devrez tout faire vous-même. Votre successeur n’est pas encore venu » (Freud, Ferenczi, Lettre 290 Fre, p. 351).
27 Freud lui répond que cette perspective « de ne pas laisser de successeur valable » ne l’enchante guère et il ajoute, comme une sorte d’intronisation de Ferenczi en tant que son successeur : « je m’appuie maintenant sur vous de nouveau et j’espère, en toute confiance, que vous ne me décevrez pas » (Freud, Ferenczi, Lettre 270 Fre, p. 353). Puis il poursuit : « Mais peut-être allez-vous au-devant de temps peu réjouissants. »
28 Pour le « petit homme-coq », Ferenczi répond le 27 janvier 1912 : « Je vous adresse “Le petit homme-coq”, je vous prie de vous en servir, comme bon vous semblera. Je serai très heureux, si vous pouviez l’utiliser pour le travail sur le tabou. »
29 Réponse rapide, là encore, le 1er février 1912 (Freud, Ferenczi, Lettre 275 Fre, p. 359) « Commençons par votre “petit homme-coq”, c’est tout simplement un régal, et il aura un grand avenir. J’espère que vous n’allez pas croire que je veux le confisquer pour moi, ce serait une bassesse de ma part. » Freud nous amène ici un bel exemple de dénégation. « Mais il ne faudrait pas le publier avant que j’aie pu sortir “Le retour infantile du totémisme”, afin que je m’y réfère alors. » Il lui renvoie cependant une question : « J’espère que vous comblerez cette lacune. La menace de castration a-t-elle eu lieu avant ou après l’aventure ? »
30 Il lui écrit ensuite que son article sur ces symptômes transitoires en cours d’analyse est tout à fait publiable. S’ensuivent des remarques sur Elma et Gisèle, et sur le différend avec Jung.
31 Freud fait part à Ferenczi de ses questions théoriques du moment. « À propos de la castration, j’ai eu des idées audacieuses, comme les vôtres. Est-ce que le petit homme jaloux, de la famille originaire de Darwin, castrait réellement les jeunes, avant de se contenter de les chasser ? C’est, en effet, ce que nous aimerions bien savoir. »
32 Cette remarque vient immédiatement après les considérations sur le « petit homme-coq ».
33 Il demande quand a eu lieu la menace de castration, mais s’interroge également de savoir si le père de la horde, lui, castrait, réellement les jeunes. En maintenant l’intérêt de la horde, de quelle façon Freud s’implique-t-il personnellement dans cette écriture et cette avancée théorique ? En allant un peu plus loin, ne peut-on pas voir le père de la horde des psychanalystes dans la personne de Freud ?
34 En juillet 1912, il est encore question d’Arpad. Ferenczi écrit : « Il montre, depuis quelque temps, un énorme intérêt pour les pieux juifs, mais ils doivent appartenir au temple. Il a manifesté, à la fois, un désir intense de les voir et une peur terrible. Dernièrement, il n’a eu de cesse qu’on introduise un tel homme (juif à barbe) dans l’appartement, intimidé et ému, il dansait autour de lui (à une certaine distance), il n’osait pas le toucher, mais il a pleuré quand il est parti. »
35 Arpad aurait-il reporté son ambivalence sur les coqs en une ambivalence autour des vieux juifs ? C’est probable, mais nous n’avons pas d’autres détails. Ils ne s’écriront plus sur le contenu de ce cas clinique.
36 Le 20 octobre 1912, Freud écrit : « Cher ami, la transmission de pensée a donc quand même eu raison. J’accepte vos nouveaux apports sur le “petit homme-coq”, et je vous demanderai probablement de le publier bientôt, dès que j’aurai terminé “Magie et toute-puissance” afin qu’aucun chaînon intermédiaire ne me sépare plus du totémisme. » « Magie et toute-puissance » est la troisième partie de Totem et tabou.
37 Le « petit homme-coq » est publié pour la première fois dans la Zeitschrift en 1913, mais il est cité en détail dans Totem et tabou édité pour la première fois en 1912.
38 Dans une édition postérieure à la parution du Totem et tabou, dans sa version hongroise, Ferenczi rajoute une note importante, où il écrit que Freud a utilisé l’histoire d’Arpad et insiste sur les manifestations d’affects ambivalents déplacés sur l’animal : « La pulsion primitive a pour objet d’écarter la personne haïe, mais plus tard, c’est l’intention opposée, l’amour, qui vient à s’exprimer. »
39 C’est la même ambivalence qui se manifeste à l’égard du père dans le totémisme des primitifs actuels, les symptômes obsessionnels et dans l’intérêt considérable, tant positif que négatif, que les enfants portent aux animaux.
40 Je voudrais introduire ici une remarque sur la mise en perspective des deux écrits sur le fond de ce qu’ils peuvent nous révéler :
41 – Arpad évoque l’exemple de substitution d’un animal dans une « perversion », nous dit Freud dans son Totem. Il s’agit là d’un exemple de la modalité particulière par laquelle s’exprime une angoisse de castration chez l’enfant ;
42 – le Totem de Freud tend à prouver l’importance du mythe du père primitif, fondateur de la civilisation et de la façon dont le totem est un équivalent de l’interdit de l’inceste et il incarne la menace de castration qui pèse sur chaque sujet. Il est aussi le représentant déplacé de la figure du père comme support de l’angoisse de castration.
43 Il y a des traits communs, des ponts possibles d’un écrit à l’autre, ce que Freud a très vite perçu dès le premier récit de Ferenczi. Il a vu l’utilisation possible qu’il pourrait faire sur cette illustration clinique très parlante, où il décèle un bel exemple de totémisme positif. Il pousse son interlocuteur, dès sa première réponse, à écrire son article, il juge l’histoire passionnante mais ne discute pas le fond.
44 Plus tard, il se demande s’il ne va pas l’utiliser directement dans son Totem et en fait part à Ferenczi à qui il demande, tout de même, de surseoir à sa publication.
45 Ferenczi, en élève docile, accédera à toutes les demandes de Freud. Ce dernier cite en effet abondamment Ferenczi dans le chapitre iv du Totem qui parait en 1912. L’article de Ferenczi sera donc publié postérieurement.
46 Le sujet que l’un et l’autre traitent n’est bien sûr pas indifférent :
47 – les modalités particulières et les signifiants de la castration dans leur expression pathologique chez un enfant ;
48 – les modalités d’assise du mythe du père fondateur de la horde primitive.
L’ambivalence entre analysant et analyste
49 Entre les deux hommes, l’épisode de Syracuse a eu lieu et la correspondance atteste de la butée rencontrée par chacun des protagonistes. Quand Ferenczi lui écrit avec des accents de piété filiale, Freud interprète mi-agacé, mi-ironique en commençant sa lettre par « Mon cher fils ». Puis il lui explique pourquoi il l’appelle ainsi.
50 La question se pose des limites du cadre de l’analyse dans les rapports entre ces deux hommes. Quand Freud a-t-il commencé à être l’analyste de Ferenczi et surtout a-t-il un jour cessé de l’être ?
51 D’un autre côté, quand Ferenczi a-t-il mis Freud en position de sujet supposé savoir et à partir de quand a-t-il opéré une bascule par rapport à ce savoir ? Quelle distinction Ferenczi, en tant qu’analyste, a pu faire entre le savoir et le savoir inconscient ? Il est celui qui a instauré l’analyse comme premier critère du devenir analyste lors de la fondation de l’ipa.
52 Freud, de son côté, entretient des relations complexes avec quelques proches interlocuteurs privilégiés, sur la lisière entre le transfert et l’amitié, sur l’étroite frontière entre le travail de transfert et le souci de filiation, entre l’avenir de la psychanalyse et les butées de la répétition des amitiés passionnelles qui se répètent dans leurs échecs.
53 La conférence prononcée par Ferenczi lors du soixante-quinzième anniversaire de Freud à l’association psychanalytique de Vienne le 6 mai 1931 nous fournit un exemple de son allégeance ambivalente à Freud. Après un retour sur ceux qui ont glosé sur « l’intolérance et l’orthodoxie du maître » ou sur sa « rigueur », il critique vivement ceux qui lui ont tourné le dos et se sont éloignés de Freud. Il constate « que la stérilité scientifique dont ils ont fait preuve depuis leur départ ne parle pas en leur faveur ». Cette dernière phrase contient des accents de vérité, et ces propos peuvent tout à fait s’appliquer à lui-même.
54 Nous pouvons constater que la première phase de transfert à Freud est extrêmement productive, riche et inventive. Vient ensuite la période de son analyse avec Freud, la cure elle-même.
55 La période qui s’ensuivra deviendra moins féconde et nous sentons, à la lecture des textes théoriques qui suivront la cure, combien Ferenczi cherche à se démarquer des thèses freudiennes classiques et comment il tente d’asseoir sa propre théorisation. Il tente ainsi d’affirmer son identité propre à l’écart de la filiation qui a été la sienne jusqu’alors. Mais, à distance, nous pouvons repérer l’importance de la fracture, où Ferenczi se demande s’il faut parler encore de psychanalyse ou pas. En particulier dans le domaine de ce qu’il expose concernant la pratique avec les enfants (Ferenczi, 1990, t. 4, p. 110).
56 Les restes transférentiels ont-ils pu remanier la structure au point d’affadir ou d’affaiblir la portée et la valeur théorique de Ferenczi ? En effet, il pense sincèrement d’ailleurs à la place trop longtemps négligée des traumas infantiles vécus dans la psychogenèse des névroses.
57 Il insiste sur la nécessité d’être analysé « tout à fait bien et connaître à fond tous nos traits de caractère déplaisants » (Ferenczi, 1933). Il explique que les analyses de névrosés aboutissent à ce paradoxe qui est « qu’ils soient mieux analysés que nous. Du moins ils présentent des signes d’une telle supériorité, mais sont incapables de l’exprimer verbalement. Ils tombent dans une extrême soumission, manifestement à la suite de l’incapacité, ou de la peur dans laquelle ils se trouvent, de nous déplaire en nous critiquant ». Je ne peux m’empêcher d’entendre cette assertion comme pouvant s’adresser à son analyste : Freud. Ferenczi sait, en effet, reconnaître les exigences parfois démesurées de son interlocuteur mais il demeure en demande par rapport à Freud.
58 Toute leur correspondance nous livre très précieusement la nature des demandes qu’il lui adresse : le plus souvent sur la nature de ses difficultés somatiques et surtout sur les événements mouvants de sa vie sentimentale où il met Freud à la place d’un « Seel sorger », d’un pasteur d’âme ou d’un directeur de conscience sentimental. Le terme moderne pourrait être « conseiller conjugal ». Ferenczi, dans son article sur la technique psychanalytique, pense qu’il faut éviter de jouer le plus possible le rôle de guide spirituel, à la manière d’un directeur de conscience, « bornons-nous à celui d’un “confesseur [2]” » (Ferenczi, 1990, t. 2, p. 333). Revenons au fond qui est autrement plus sérieux. Quels sont les signifiants qui produisent de tels symptômes chez Ferenczi, quel est ce réel perdu qu’il tentera de retrouver par toutes ses innovations techniques ?
59 De quelle rencontre traumatique avec le réel cela procède-t-il ? Peut-on imputer à Freud les insuffisances de l’analyse telles que les dénonce Ferenczi ?
60 Il restera toujours chez Ferenczi un inanalysé qu’il reproche vivement à Freud.
61 Le 17 janvier 1930, il écrit à son analyste (Dupont, 1985) : « Dans la relation entre vous et moi, il s’agit (du moins en moi) d’un enchevêtrement de conflits d’émotions et de questions. » Puis il avoue clairement les motions transférentielles qu’il éprouve : « D’abord, vous avez été mon maître vénéré et mon modèle inatteignable, à l’égard duquel je cultivais les sentiments, jamais sans mélange comme on sait de l’élève. Puis vous êtes devenu mon analyste, mais les circonstances défavorables n’ont pas permis de mener mon analyse à terme. » Et enfin il révèle le reproche central qu’il fait à Freud en tant qu’analyste : « Ce que, en particulier, j’ai regretté, c’est que, dans l’analyse, vous n’ayez pas perçu en moi, et mené à l’abréaction, les sentiments et les fantasmes négatifs, partiellement transférés. Naturellement, cela était lié au fait que j’ai pu abandonner ma position quelque peu adolescente pour me rendre compte que je ne devais pas dépendre aussi complètement de votre faveur, c’est-à-dire que je ne devais pas surestimer mon importance pour vous. De menus événements de nos voyages communs aussi ont fait que vous avez suscité en moi une certaine inhibition. »
L’enfant terrible de la psychanalyse
62 Ferenczi, « L’enfant terrible de la psychanalyse », s’est identifié à cet enfant traumatisé et délaissé par des adultes ayant des attitudes trop rigides ou passionnelles.
63 Il n’a jamais pu vraiment exprimer son hostilité directe ou transférée à l’égard de Freud, son analyste et maître vénéré, qui, au demeurant, supportait mal ce genre de manipulations de la part de ses partisans…
64 Cela met aussi en question les expériences d’analyse mutuelle, tant critiquées. Elles sont le fait d’analyses didactiques, telles qu’elles étaient pratiquées à l’époque, y compris celle de Ferenczi par Freud. Analyse rapide, hachée, souvent effectuée dans une langue étrangère, au cours de promenades ou de voyages faits en commun. Le problème de fond demeure : comment l’analyste peut gérer ses propres faiblesses et aveuglements ?
65 Cependant, il reste vrai que les psychanalystes sont les produits de l’imperfection de leur pratique. Pour l’analyse de Ferenczi, est-il vraiment possible de la restreindre aux courtes séquences discontinues qui lui ont été effectivement consacrées ? Car toute la relation entre Freud et Ferenczi, telle qu’elle nous apparaît dans la correspondance, fait partie de cette analyse. En effet, il fournit à Freud les moindres détails de sa vie intime. Freud lui délivre, en retour, des interprétations, ou élude les questions. Il apparaît que Freud s’adresse à Ferenczi sur un ton amical, ou avec une sévérité paternelle, voire sur un ton humoristique, mais il ne se remet pas en cause lui-même, et ne se met que très rarement en position de demandeur par rapport à Ferenczi.
66 Freud, quatre ans après la mort de Ferenczi en 1937, parle de son vieux camarade dans L‘analyse finie et l’analyse infinie » (1937, p. 10-11) : « Un homme qui avait pratiqué l’analyse avec grand succès […] se fait l’objet analytique d’un autre qu’il considère comme lui étant supérieur. Cet éclairage critique lui procure un succès complet […]. Il se passe des années au cours desquelles la relation à l’analyste de jadis reste sereine. Mais ensuite, sans motif externe justifié, l’analysé se met à s’opposer à son analyste, il lui reproche d’avoir laissé passer l’occasion de lui donner une analyse complète… Il aurait dû se préoccuper de la possibilité d’un transfert négatif. » « L’analyste se justifiera alors en disant, qu’à l’époque de l’analyse, il n’y avait aucun signe de transfert négatif […]. On peut douter que l’analyste ait eu le pouvoir de stimuler un thème, ou comme on dit, un complexe par une simple remarque, tant qu’il n’était pas présent dans le moment chez le patient lui-même. Pour cela, il aurait sûrement fallu qu’une manifestation inamicale, dans un sens réel, ait été faite contre le patient. »
67 Il poursuit avec cette dernière citation énigmatique qui nous éclaire sur la question de la transmission difficile entre les deux analystes : « Et, par ailleurs, il ne faudrait pas considérer toute bonne relation entre l’analyste et l’analysé, pendant et après l’analyse, comme un transfert ; il peut y avoir aussi des relations qui sont fondées sur des bases réelles et qui se trouvent possibles dans la vie. »
Freud analyste
68 J’ai insisté sur la position de Ferenczi à l’égard de Freud, mais il faudrait certainement approfondir celle de Freud à l’égard de son jeune collègue, de 17 ans son cadet, dont il avait tant espéré qu’il devienne son successeur, et éventuellement son gendre.
69 Mais surtout qu’il garde l’édifice de la psychanalyse entre ses mains, qu’il devienne le gardien du temple freudien. L’analyste Freud s’est aussi retrouvé devant une impasse, puisque Ferenczi lui a reproché à de multiples reprises de ne pas l’avoir « analysé à fond », et en particulier son transfert négatif. De cette impasse, cet inanalysé de Ferenczi, il en a produit une œuvre originale où il a tenté ce qui a été difficile à tenir pour lui. Être élève et maître à la fois. C’est-à-dire à accéder à un stade de sujet qui lui permette de composer avec.
70 L’utopie de la réciprocité, le fantasme de l’inanalysé mis en acte, a donné lieu à un certain nombre d’innovations pratiques et théoriques qui sont articulées autour d’un signifiant qui est celui de la réciprocité, mais plus encore de la mutualité. Cependant, au-delà de cela, il faut tenir compte des innovations considérables de Ferenczi dans ce domaine. En particulier, il a insisté tout au long de son œuvre sur les aspects du transfert de l’analyste.
71 Ceci nous est familier et répond particulièrement bien aux exigences spécifiques de la pratique analytique avec les adolescents, qui suppose une certaine plasticité psychique, tout du moins une aptitude à être en résonance avec ses éprouvés transférentiels à l’égard de l’adolescent.
72 Mais au-delà de ces considérations, ses indications techniques ont inspiré bon nombre de ses successeurs, se situant plus ou moins clairement dans sa succession ou sa filiation qui ont innové dans quelques directions qui concernent les adolescents, comme Moreno qui a créé le psychodrame, très utilisé en clinique avec les adolescents et les enfants.
73 Enfin, il y aurait un rapprochement à effectuer entre la technique active de Ferenczi et, chez Lacan, la scansion ou la pratique des séances à durée variable. Lacan connaissait bien l’œuvre de Ferenczi, mais il faudrait une étude approfondie pour tenter de repérer l’existence éventuelle d’une filiation entre les deux techniques.
Lacan et le devenir analyste
74 Lacan, tout au long de son œuvre et de sa pratique, n’a cessé de se pencher sur la question du devenir analyste en lien avec le désir de l’analyste. Pour ce faire, il a imaginé une procédure afin de tenter de cerner au plus près ce qui se joue dans la transmission de psychanalyste à psychanalyste. Qu’est-ce qui fait qu’un désir de devenir analyste émerge au cours d’une cure ? Autrement dit, quels enseignements peut-on retirer d’une cure et comment s’effectue cette forme particulière de transmission, ce passage de l’analysant à l’analyste ?
75 Ainsi, en octobre 1967, Lacan publie : « La proposition de la passe », texte court qui instaure une procédure de témoignage indirect de ce passage.
76 Le passant est le sujet qui, dans le moment de ce passage, témoigne auprès de deux personnes, des passeurs, analystes en devenir.
77 Après un certain nombre de rencontres et de d’accumulation du témoignage de ce qui a suscité le passage de l’analysant à l’analyste, les deux passeurs vont témoigner de ce qu’ils ont entendu à un jury de la passe, composé d’analystes confirmés, dont Lacan au début de la procédure. Le jury énonce alors si, selon lui, il y a eu passage ou pas.
78 Bien sûr, l’analyse, le contrôle sont des éléments indispensables.
79 Et Lacan y a ajouté les pratiques de cartels, groupes de travail de trois à cinq personnes qui permettent à chaque sujet pris dans un désir d’analyste de se confronter avec d’autres à la lecture des textes essentiels de la psychanalyse. L’adjonction d’un plus-un permet au groupe de s’interroger sur le sens du travail en cours.
80 Cette procédure de la passe a été mise en place au sein de l’École freudienne de Paris. Après la dissolution de cette école, suivie de peu par la mort de Lacan, un certain nombre d’associations ont repris cette procédure. L’École de la cause freudienne en particulier, dirigée depuis l’origine par le gendre de Lacan, exécuteur testamentaire de l’œuvre de Lacan et chargé de la transcription écrite des séminaires de Lacan. Mon propos n’est pas d’interroger cette sorte de transmission, mais je peux légitimement me demander si cette notion de gardien du temple ou de l’œuvre, souvent un proche, n’est pas un travers des analystes, que j’avais déjà souligné pour Freud et Ferenczi.
81 Beaucoup d’autres associations d’obédience lacanienne n’ont pas repris cette procédure de la passe, mais ont élaboré des témoignages plus directs pour tenter de repérer comment s’effectue la transmission chez le psychanalyste. Par exemple plusieurs associations ont instauré la constitution de jury, pour déterminer la recevabilité de la candidature d’un analyste formé dans leur institution, ou dans une autre. C’est un témoignage direct où le candidat expose, devant quatre analystes expérimentés, son parcours analytique, ce qu’il en a entendu, et aussi ce qui a guidé sa pratique, en lien éventuel avec sa propre analyse. L’idée générale est que, par cette procédure, puisse se dégager, autant pour l’impétrant que pour le jury, ce qui a été en jeu dans le devenir analyste et les enseignements que l’on peut tirer de chaque cure. En particulier, en l’extrayant du singulier de chaque analyse, pour tenter de cerner au plus près ce qui fait transmission en psychanalyse.
La complexité de la transmission
82 Pour en finir, provisoirement, avec cette notion de transfert et de transmission dans le transfert, je dois rajouter quelques remarques.
83 Qu’il s’agisse de Freud ou de Lacan ou de quelques autres, leurs écrits ne peuvent être abordés comme un texte sacré dont on ferait l’exégèse avec le présupposé que la Vérité s’y trouve cachée et qu’aucune erreur ne pourrait s’y être glissée.
84 Idéaliser l’enseignement du Maître et en rechercher le vrai sens est la position du disciple. Ce n’est pas celle de l’élève, disons que ce ne peut pas être la position du psychanalyste. Dans une perspective lacanienne, la position de l’analyste sera plutôt, me semble-t-il, de repérer les failles dans ces enseignements. Autrement dit, ce qui en constitue le réel, de telle sorte que, grâce à ce repérage, un enseignement plus vrai, plus adéquat, se poursuive. Ce fut, je pense, la démarche de Lacan par rapport à Freud. C’était aussi le travail et le transfert que Freud espérait lorsqu’il écrivait craindre : « l’adulation de partisans très jeunes et dépourvus de sens critique ».
85 Il semble néanmoins qu’il ait par la suite oublié ce vœu du début et qu’il se soit comporté de façon très autoritaire et parfois dogmatique. Il n’est pas sûr que ses propos aient aidé à un développement ultérieur de la psychanalyse.
86 Les différents témoignages directs de la pratique du « dernier » Lacan, comme on dit aujourd’hui, vont aussi dans ce sens.
87 Et, pour en revenir au processus de transmission en psychanalyse, il ne s’agit pas, selon moi, de faire l’exégèse de l’œuvre de tel ou tel, au hasard Freud et Lacan, mais au contraire de repérer les failles, les manques, les verbiages ou les impasses du discours de ces deux figures fondatrices de la psychanalyse. En effet, il n’est pas question de faire du psittacisme comme dans certaines écoles, et de reprendre le jeu de « Jacques a dit » ou de l’actualiser en « Jacques-Alain a dit ». Il convient plutôt d’interroger et de prendre une position critique et interrogative sur les théories de chacun et de pouvoir s’en démarquer pour, à partir de ce corpus existant, se forger ses propres éléments théoriques, mais surtout, à partir de sa clinique, pouvoir inventer une pratique originale et singulière qui correspond à ce Lacan définissait comme le style de l’analyste.
88 La tâche est rude : trouver son style quand la résistance du psychanalyste en début de pratique va dans le sens de l’identification à tel ou tel ou tel maître ! La potentialité des différentes modalités de passage de l’analysant à l’analyste est majeure car elle viendrait remettre en question pour chacun les identifications aux maîtres, et permettre de se réapproprier une position d’analyste originale et singulière, à distance des standards de chaque association d’analyste.
Bibliographie
Bibliographie
- Dupont, J. 1985. « Introduction », dans S. Ferenczi, Journal clinique, Paris, Payot, 1985.
- Ferenczi, S. 1913. « Ein Kleiner Hahnemann », Internationale Zeitschrift für ärtliche Psychoanalyse, S. 1, n° 3.
- Ferenczi, S. 1932. Journal Clinique (janvier-octobre 1932), Paris, Payot, 1985.
- Ferenczi, S. 1933. « Confusion de langue entre les adultes et l’enfant », Psychanalyse IV, Œuvres complètes, Paris, Payot, 1982, p. 125-132.
- Ferenczi, S. 1990. Œuvres complètes, Paris, Payot, coll. « Science de l’homme ».
- Ferenczi, S. ; Groddeck, G. 1982. Correspondance, Paris, Payot.
- Freud, S. ; Ferenczi, S. 1994, 1996, 2000. Correspondance, Paris, Calmann-Lévy.
- Freud, S. 1937. L’analyse finie et l’analyse infinie, Paris, Puf, 1975.
- Lacan, J. 1967. « La proposition de la passe », dans Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001.
Mots-clés éditeurs : transmission en analyse, la passe, formation de l’analyste, Transfert, relation Freud-Ferenczi, Lacan
Mise en ligne 24/10/2017
https://doi.org/10.3917/ep.075.0152Notes
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En voyage en Italie, Freud et Ferenczi s’arrêtent à Palerme en 1910. Il est prévu qu’ils travaillent ensemble. Ferenczi espère devenir enfin un vrai interlocuteur du maître, peut-être son égal, comme il lui écrira plus tard. Mais Freud l’entend autrement, car il demande à Ferenczi de prendre en dictée ce qu’il va dire dans l’article qu’il prépare. Il s’est ensuivi de nombreux échanges épistolaires à ce sujet. Ferenczi ressassant son dépit de ne pas avoir été traité comme alter ego, et Freud reprochant à Ferenczi son attitude infantile, incapable d’autonomie par rapport à lui. L’incident de Palerme a été vécu comme un trauma pour Ferenczi.
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[2]
En français dans le texte.