Notes
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Intervention aux jr des psychomotriciens de Rhône-Alpes, « Les associations du psychomotricien », le samedi 13 avril 2013.
1Pour introduire mon propos autour de l’adresse corporelle chez l’enfant, j’emprunterai deux séquences que Simone Korff-Sausse (2007) rapporte de sa clinique des enfants dyspraxiques. Lorsqu’elle demande à Benjamin, 10 ans : « Tu habites à quel étage ? », il répond : « Ça dépend si on monte avec l’escalier ou si on prend l’ascenseur. » Elle rapporte aussi cet étrange échange entre Laurent et sa mère : en faisant les courses, Laurent lui demande : « On est dehors ou dedans ? » « On est dans le magasin », répond la mère. Pas vraiment convaincu, Laurent dit : « Moi je pense que je suis dans le dehors du dedans ».
2Ces échanges nous invitent à penser la question de la place et de son indétermination. Pour le sujet dyspraxique, l’espace, tout comme le corps qui se déplace, deviendrait à son tour mouvant et instable. Ainsi, un déplacement par l’ascenseur ne créerait pas le même espace qu’un déplacement par l’escalier. Comme privé d’un point fixe et différencié de l’extérieur à partir duquel le monde peut s’organiser, l’enfant se trouve comme errant dans un environnement toujours incertain.
3Quelle adresse pour ces enfants ? Voilà la question de base à laquelle j’ai dû revenir pour tenter de saisir ce trouble si difficile à définir et à comprendre. Ce n’est pas tant que les définitions manquent, il suffit de taper « dyspraxie » sur Internet, et une multitude d’articles, d’explications, de recommandations apparaissent… On y lit que « la dyspraxie perturbe l’action motrice d’un geste intentionnel, sans atteinte lésionnelle neurologique avérée, et ne peut être expliquée ni par un retard mental, ni par un déficit sensoriel, ni par un trouble du développement psychoaffectif. Elle touche spécifiquement la réalisation gestuelle et le traitement des informations visuospatiales » (Vaivre-Douret, 2008). Nous pourrions nous en tenir à cette définition qui dans la forme laisserait penser que ce trouble peut se définir aisément. Et pourtant, d’après ces mêmes auteurs, il reste encore à élucider la dyspraxie développementale sur un plan étiologique et sémiologique, car elle ne peut être calquée sur le modèle de l’apraxie de l’adulte, qui est liée à une lésion cérébrale acquise. Sans étiologie, sans sémiologie, comment s’approprier ce diagnostic ? Comment remettre le diagnostic a une place qui favorise, comme le relève si bien Maud Mannoni dans La théorie comme fiction, « la mise en place de repères dans une situation intersubjective ». Comment en faire une fiction, qui ouvre vers une rêverie possible sur ce qui entrave ces enfants dans leur adresse ? (Mannoni, 1979).
Quelle adresse pour les enfants dits « dyspraxiques » ?
4Les problèmes de maladresse motrice ont donné lieu à de nombreux travaux depuis le début du siècle et différentes terminologies ont été utilisées pour caractériser ce trouble. On y trouve « maladresse développementale » (Orton, 1937), « dyspraxie de développement » (Stambak et coll., 1964), « enfant maladroit » (Cratty, 1975, 1994), « dysfonctionnement perceptivo-moteur » (Laszlo, 1998), ou encore « trouble spécifique du développement moteur » (CIM-10, 1993, 1994). Pour essayer d’harmoniser les travaux de recherche dans ce domaine, le terme de Troubles de l’acquisition de la coordination (tac), (dsm-III-r et dsm-IV, 1996) a été dernièrement retenu au cours d’une conférence de consensus.
5Pour ma part, je propose de détourner le sigle tac pour le rebaptiser Trouble de l’adresse corporelle. Plutôt que « dyspraxie » ou « acquisition de la coordination », l’« adresse », de par sa polysémie, nous permettra, en l’associant au corps, de déployer toute la complexité de ce diagnostic. Nous traiterons ainsi du manque d’adresse en tant que geste, dans l’habileté, la dextérité, autour de la question de la main comme organe de toucher et de manipulation de l’objet. Puis nous nous intéresserons au manque d’adresse en tant qu’espace identifié, corps. Enfin, son emploi de verbe pronominal, s’adresser à, fait référence à un autre et au recours qui peut être fait à cet autre.
6Le sujet habite-t-il son corps ? Est-il capable d’établir une relation à l’autre ? Peut-il, à partir de ce corps adressé, être capable d’explorer son environnement ?
La maladresse corporelle : le corps comme objet d’agrippement
7Chercher à tout prix à saisir quelque chose qui n’en finit pas de nous échapper. Voilà comment je qualifierai le défi dans lequel ces enfants sont pris. Et quand ce quelque chose est le corps, alors nous retrouvons à l’œuvre les mécanismes d’agrippement.
L’agrippement de la main à la manette
8Dans un précédent travail (Obéji, 2011), j’avais tenté de questionner l’agrippement à partir du suivi d’un adolescent dyspraxique qui se réfugiait dans les jeux vidéo. Je cherchais à comprendre pourquoi il lui était si facile, manette en main, de se déplacer dans des espaces virtuels, de réaliser des tâches d’une grande complexité alors qu’il pouvait par ailleurs être incapable de faire ses lacets, d’utiliser un couteau ou une fourchette, ou de se repérer dans l’espace.
9Léon est « maladroit ». Il consulte au cmpp pour des difficultés praxiques, des troubles de concentration, un isolement social et familial (on l’appelle « le cosmonaute » au centre social). Il vient au cmpp depuis longtemps déjà, et pourtant il semble toujours aussi perdu dans la salle d’attente ou dans les couloirs.
10Pendant longtemps, le soin a été porté à bout de bras par sa mère, car chaque sortie était une épreuve. En effet, Léon acceptait très difficilement de lâcher sa manette et son écran pour sortir de chez lui. De violentes crises de maux de ventre l’ont empêché pendant de longues semaines de se rendre au collège et de suivre une scolarité normale.
11Serge Tisseron (2007) nous dit, à propos de la question de la fascination du virtuel, que derrière une pratique d’apparence élaborée dans les jeux vidéo, se cache une mise en jeu à un niveau bien archaïque des liens que le sujet entretient avec son corps et avec l’autre. « Pour le joueur en ligne, rien ne manque, dans la relation qu’il établit avec les espaces virtuels, par rapport à celle de la dyade primitive : ni le rôle de la main pour s’agripper, ni le travail de mise en sens permanent des expériences nouvelles du monde. De la même façon que le nouveau-né se cramponne à sa mère (Hermann, 1943), le voyageur du virtuel garde toujours la main fermée sur la souris ou le joystick. Et, de la même manière que le nouveau-né fixe constamment sa mère pour tenter de deviner ce qu’elle ressent et pense, le voyageur du virtuel tente de ne rien perdre des variations parfois infimes de son écran qui lui indiquent l’approche d’un ennemi ou la présence d’une porte secrète dont il va falloir découvrir la clé ou le mécanisme. Jusqu’à ne plus savoir lequel des deux prend l’initiative de la rencontre et lequel la suit » (Tisseron, 2007, p. 24-25). Au sein de cette aspiration à l’archaïque, le phénomène de la main qui s’agrippe a retenu notre attention. On peut postuler que les troubles praxiques ont comme composante l’impossibilité à libérer la main de sa fonction première et archaïque de s’agripper pour en faire aussi une main qui manie, manipule l’objet dans le réel de l’action. Le jeu vidéo amplifierait la confusion entre une main qui pourrait tout à la fois rester agrippée et développer une dextérité, ce qui ne peut se vérifier dans la réalité. La main fixée à sa seule fonction d’agrippement ne peut développer ses qualités complexes de manipulation de l’objet. Or les jeux vidéo, dans ce qu’ils induisent comme jeu entre la main et l’écran, à travers la manette, jetteraient le trouble chez l’enfant et l’adolescent. Peut-être alors serait-il possible de rester agrippé tout en manipulant et en explorant ? Seul le virtuel peut autoriser ce paradoxe psychomoteur, qui est présent dans la clinique d’enfants et d’adolescents dyspraxiques. Agrippé à soi-même, comment libérer et orienter son geste ?
L’agrippement à l’image du corps
12Avoir besoin de se regarder faire pour pouvoir faire est ce que nous pourrions considérer comme le deuxième défi de ces enfants.
Des saltos devant le miroir
13Robin est un adolescent qui se présente en séance, avec chaque fois une demande bien précise. Il demande que je lui apprenne une multitude de choses, en lien avec le sport. Il s’est représenté ma fonction comme un enseignant de sport particulier, et essaie de me maintenir à cette place.
14Un jour, parce qu’il a vu des danseurs de hip-hop, dans la rue, il me demande de lui apprendre à faire des saltos. Mais Robin ne sait pas faire de roulades, il a une course très mal coordonnée, son équilibre et ses appuis sont précaires. Nous installons le matériel afin que cela puisse se faire sans danger. Sans y prêter attention, j’installe les tapis aux côtés d’un miroir couvert par un rideau, qui, ce jour-là, était resté ouvert. Après m’être moi-même essayé à faire des saltos-roulade, Robin, non sans crainte, tente de le faire à son tour. Il s’élance. Prendre appui sur le trampoline pour enclencher son saut lui est difficile, s’enrouler autour de son axe encore plus… si bien que son saut ressemble plus à une forme de jeté/glissé, qui finit par un plat dans les matelas. Excité, il se relève. Il s’est aperçu dans le miroir et il pense que le miroir peut l’aider à contrôler son mouvement pendant le saut… Sans perdre un instant, il tente un deuxième essai, il s’élance, court, passe par le trampoline sans vraiment pouvoir prendre appui dessus et se jette dans les matelas en cherchant son image dans le miroir… Pour atterrir à nouveau dans les matelas.
Un chevalier se regardant frapper
15Thomas, 11 ans, présente de nombreuses difficultés dans l’organisation de ses gestes. Il a imaginé un jeu de chasse au trésor. Chacun, muni d’une épée, aurait à défendre un trésor préalablement caché dans la salle. Ainsi, il nous fallait dans le même temps chercher le trésor de l’autre et défendre la cachette du nôtre en repoussant l’adversaire.
16Pourtant mal à l’aise dans le maniement du bâton, Thomas n’aura comme seul objectif, plutôt que de se centrer sur la recherche des trésors, de « croiser le fer » avec moi. Alors qu’il s’avance sur moi, je le vois détourner son regard et chercher dans le reflet de la vitre, l’image de son mouvement d’attaque. Il se met alors à taper dans le vide, il ne peut se détacher de son reflet. Quand bien même je l’invite à prendre garde, pour le ramener à moi, il continue à engager le combat par l’intermédiaire de son reflet dans la vitre.
17Il y a une même recherche chez Robin et Thomas, celle de tenter, en vain, de saisir son image en action, de saisir ses mouvements à travers son image spéculaire et d’y être requis, comme fasciné. Cette aspiration à se regarder faire peut s’entendre à plusieurs niveaux. L’hypothèse la plus souvent avancée est celle des difficultés perceptivo-motrices. Pour prolonger cette hypothèse, nous pouvons aussi l’entendre comme une incapacité à éprouver ses propres mouvements, à les ressentir et donc à se les représenter. Ce besoin de se regarder faire témoignerait aussi d’une incapacité à faire appel au regard de l’autre, à solliciter l’autre comme un miroir, afin que cette autre renvoie une image « sensible », é-mouvante, du corps en action.
18N’est-ce pas là ce que Winnicott (1975) a défini en termes d’aperception ? Il nous dit que cette possibilité de se voir dans le regard affecté de l’autre, permet à l’enfant, non seulement de se représenter, mais surtout de lier ses actions à des affects, et de cette liaison se construirait pour l’enfant une perception unifiée de soi et de son corps. Cette aperception limiterait ainsi le risque de désorganisation affective induite par le mouvement. Ne pouvant passer par l’autre pour s’apercevoir, ces enfants seraient comme dans l’obligation de chercher en eux le moyen de se voir faire, comme pour saisir dans l’instantanéité de leur action une image de leur corps qui, dans sa transformation, menacerait alors de devenir étrangement inquiétante. Autrement dit, il s’agit pour eux d’être dans le faire tout en se regardant faire. Pour des enfants que l’on dit en difficulté dans les activités de doubles tâches, quel défi ! Leur corps vient là comme un objet dissocié du soi, auquel on s’agripperait pour ne pas se perdre.
L’agrippement du sujet au savoir-faire
19Cette matérialisation du corps qui ferait défaut, image spéculaire qui se construit normalement dans l’expérience du miroir, pourrait expliquer pourquoi dans cette clinique nous sommes si souvent sollicités sur le registre de l’apprentissage et du savoir-faire, et expliquerait pourquoi ce diagnostic se couple souvent avec des formes de codes de bonnes conduites, qu’il s’agirait de faire apprendre aux enfants ou à leur famille. Pourtant, Jean-Claude Ameisen (2012) nous dit combien il importe, dans l’apprentissage de la langue maternelle, d’oublier que la chose a été apprise. « C’est peut-être parce que nous avons oublié que nous avons dû l’apprendre que nous nous la sommes appropriée au point de croire qu’elle a toujours été la nôtre. » Le parallèle avec le corps peut être très facilement fait. Or, si le corps est extériorisé, objectivé, il devient, suivant la logique de Jean-Claude Ameisen, impossible à oublier et ne peut plus alors être appris, c’est-à-dire saisi de l’intérieur. Il s’agira alors, pour le psychomotricien, d’aider ces enfants et adolescents à trouver une adresse, à passer d’une représentation du corps comme objet à une représentation du corps comme un lieu. Ainsi ce dernier pourra-t-il progressivement se faire oublier du sujet et faire partie intégrante du soi.
La maladresse corporelle : un non-lieu corporel ?
20J’emprunte le terme de non-lieu à Marc Augé, anthropologue et ethnologue français qui, dans Non-lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité (2007), nous dit qu’un espace qui ne peut se définir ni comme identitaire, ni comme relationnel, ni comme historique serait « un non-lieu ». Un non-lieu serait un endroit que l’on n’habite pas, et dans lequel l’individu demeure anonyme et solitaire.
21Pour Léon, l’adolescent gamer, l’impression de ne pas habiter son propre corps transparaissait dans chacun de ses actes, mais l’un de ses comportements, assez anodin, viendra, de mon point de vue, mettre en évidence cette idée de non-lieu. Alors que je le vois en séance, un jour où il n’a que deux heures de cours dans la journée, il arrive du collège avec un cartable massif, qui l’écrase sous son poids, et lui donne une silhouette encore plus vulnérable. Je lui fais part de mon étonnement de devoir porter un sac aussi lourd. Avec un léger sourire, il me dira qu’il met beaucoup plus de livres qu’il n’en faudrait et aura cette formule étonnante : « J’aime bien me porter mon dos… ».
22Plusieurs images me sont venues.
23La première, l’image d’une tortue et de sa carapace, animal qui porte sa maison sur son dos pour s’y réfugier en cas de danger. À travers cette image nous voilà transportés dans la mythologie sénoufo en Côte d’Ivoire, où il y est dit que la tortue porte le monde sur son dos, car sa carapace recèle toute la connaissance du monde. Cette connaissance est-elle dedans ou dehors ? Fait-elle partie de soi ou pas ? Cela n’est pas sans évoquer la phrase de Laurent, patient de Simone Korff-Sausse, évoqué dans les premières lignes de ce travail : « Moi je crois que je suis dans le dehors du dedans. » Ces jeunes s’imaginent-ils au-dehors d’eux-mêmes, se vivent-ils dans un corps non plus lié au soi, mais étranger et qui pourrait se détacher de soi ? Ne se tiennent-ils pas dans une forme de confusion entre le dedans et le dehors, avec une forme de désinvestissement du dedans (sensations, affects, éprouvés…) au profit du dehors (image spéculaire, réalisation du geste, cartable…). Ainsi, ces cartables mal organisés, où tout est présent sauf l’essentiel, ne seraient pas tant le signe d’un manque d’attention vis-à-vis des fonctions de l’objet cartable, mais bien au contraire une forme de surinvestissement où, pour combler l’angoisse de vide intérieur, cet objet contenant doit, comme dans la mythologie sénoufo « posséder toute la connaissance du monde ».
24La seconde image est celle d’un lest, à la manière d’un cosmonaute qui, pour « garder les pieds sur terre » doit résister au vide, à l’apesanteur… Nous serions là dans un besoin de redonner poids au corps, dans une recherche d’assignation à une place définie, comme pour faire face au risque d’évanescence du corps. L’assignation à une place, n’est-ce pas cela avoir une adresse ?
Pour conclure : une forme d’adresse corporelle : la cabane
25Aujourd’hui, Robin me demande de choisir le jeu que nous pourrions faire. Je lui propose de construire une maison avec les tapis en mousse, dans laquelle nous pourrions nous réfugier lui ou moi, pendant que l’autre teste sa solidité en y envoyant des ballons dessus.
26Nous construisons notre cabane à deux, il porte les matelas avec moi, mais dans sa précipitation, il se prend les pieds dedans et chute très lourdement par terre. Inquiet, je lui demande s’il ne s’est pas trop fait mal… Au bord des larmes, en tournant en rond dans la salle, il s’énerve contre moi : « Si tu me demandes encore une fois si ça va, j’te préviens, on se reverra plus ! » Il se reprend, se saisit à nouveau du matelas et poursuit la construction en me sommant de le rejoindre, pour l’aider à mettre le matelas sur les cubes afin de faire le toit. Je le rejoins et nous finissons notre maison. Après quelques secondes d’hésitation, pour savoir qui de nous deux se réfugie dans la cabane pendant que l’autre l’attaque, il se décide à y aller. J’envoie les ballons prudemment, sans trop faire trembler les murs. Puis, très vite, alors que la maison était censée figurer un abri dans lequel Robin pouvait se sentir protégé, il sort pour repousser les ballons que j’envoie. J’essaie de l’éviter, mais il se jette littéralement sur mes tirs pour empêcher qu’ils n’atteignent la maison, comme s’il s’agissait de défendre ce qui lui était le plus cher. Ce qui devait être une enveloppe protectrice devient ce qui est à protéger. C’était comme si cette projection corporelle que figure la cabane ne pouvait être investie comme un endroit dans lequel on peut se réfugier pour se préserver des « attaques » de l’environnement. Or Winnicott nous dit l’importance d’avoir un soi où se réfugier afin de se détendre. Il dit même que c’est cela qui conditionne notre sentiment de réalité. Pour lui, « Se sentir réel, c’est plus qu’exister, c’est trouver un moyen d’exister soi-même, pour se relier aux objets en tant que soi-même et pour avoir un soi où se réfugier afin de se détendre » (Winnicott, 1975, p. 161).
27Robin n’était pas le seul à ne pouvoir investir son corps de cette façon. Léon, Roméo, Maxence, Stevan, Alex, Adam, tous ont eu beaucoup de mal à construire ou se donner des lieux de repos, des lieux de rencontre ou d’échange, et à s’y installer. Leurs constructions demeuraient des non-lieux, d’une grande fragilité puisqu’il était nécessaire de s’armer, de se blinder, se bunkériser, de boucher les ouvertures… Ainsi s’agit-il, progressivement, et pas sans le détour d’un autre auquel on s’adresse, d’essayer d’en faire des lieux de vie. Des lieux où, plutôt que d’y mettre des armes, nous pouvions y cuisiner ou bien y jouer au ballon. Si nous devions résumer notre pratique psychomotrice auprès de ces enfants et de ces adolescents souffrant de troubles de l’adresse corporelle, nous pourrions dire qu’elle consiste à faire des cabanes et à les oublier pour y habiter.
Bibliographie
Bibliographie
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- Ameisen, J.-C. 2012. Sur les épaules de Darwin, Les battements du temps, Paris, Les liens qui libèrent, France Inter.
- Augé, M. 2007. Non-lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Le Seuil.
- Cratty, B.J. 1994. Clumsy child syndromes, usa, Harwood Academic Publisher.
- Korff-Sausse, S. 2007. « Quand les perceptions vacillent… Quelle vision du monde chez l’enfant dyspraxique ? », Le champ psy, n° 46, p. 37-50.
- Laszlo, A. ; Krippner, S. 1998. « Systems theories : Their origins, foundations, and development », dans J.S. Jordan (sous la direction de), Systems theories and a priori aspects of perception, New York, Elsevier, p. 47-74.
- Le Fourn, J.-Y. 2001. « Les enfants jouent-ils encore ? Gameboy et jeux vidéo », enfances&psy, n° 15, p. 46-49.
- Mannoni, M. 1979. La théorie comme fiction, Paris, Le Seuil.
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- Obéji, R. 2011. « Corps et langage, Regards croisés sur les troubles de la communication chez un enfant », enfances&psy, n° 52.
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- Tisseron, S. 2007. « Pourquoi tant d’écrans ? La fascination du virtuel », Le Carnet psy, n° 120, p. 24-25.
- Vaivre-Douret, L. 2007. « Troubles d’apprentissage non verbal : les dyspraxies développementales (Non-verbal learning disabilities : developmental dyspraxia) », Archives de Pédiatrie, 14 p. 1341-1349.
- Vaivre-Douret, L. 2008. « Le point sur la dyspraxie développementale : symptomatologie et prise en charge », Contraste, n° 28-29, p. 321-341.
- Winnicott, D. W. 1975. Jeu et réalité. L’espace potentiel, Paris, Gallimard.
Mots-clés éditeurs : image du corps, psychomotricité, agrippement, dyspraxie, lieu, adresse corporelle
Date de mise en ligne : 03/12/2014.
https://doi.org/10.3917/ep.062.0163Notes
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Intervention aux jr des psychomotriciens de Rhône-Alpes, « Les associations du psychomotricien », le samedi 13 avril 2013.