Notes
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La ligne Inter Service Parents fait partie des plateaux téléphoniques de l’École des parents et des éducateurs d’Ile-de-France, qui réunissent également Fil Santé Jeunes, Jeunes Violences Écoute. Inter Service Parents écoute et répond aux parents à propos des difficultés diverses de la vie quotidienne.
1 Service téléphonique généraliste, Inter-Service-Parents joue un rôle de prévention dans les familles depuis 1971. Son originalité demeure, au cours des années, liée à son organisation en quatre secteurs spécifiques : psychologie – scolaire – social/loisirs – droit familial, où répondent des professionnels. Il a pour fonction d’informer, d’orienter, de soutenir les familles par téléphone dans leur mission éducative.
2 La répartition des secteurs d’Inter Service Parents permet un travail en synergie qui mobilise des compétences différentes et complémentaires. Un même appel peut nécessiter l’intervention d’un ou de plusieurs secteurs. Avec une approche à la fois pluridisciplinaire et généraliste s’effectue un travail de prévention, de conseil, d’information, adapté à la singularité de chaque situation. Les professionnels salariés qui répondent s’attachent à ne pas se substituer à la réflexion des appelants, à leur permettre de prendre de la distance par rapport à ce qui les préoccupe, à les responsabiliser. Ils respectent avec vigilance la mission de guidance du service qui implique en particulier de ne faire ni diagnostic, ni consultation, ni suivi. Aider les familles à assumer leurs diverses fonctions, ce n’est ni leur imposer un savoir ou un « bon conseil », ni explorer de façon intrusive leur histoire. Aider ceux qui sont parents, c’est les soutenir dans l’exercice de leur parentalité, leur permettre d’exprimer doutes, anxiété, voire culpabilité. C’est décoder avec eux les causes d’un dysfonctionnement. C’est aussi les aider à porter un regard différent sur la situation vécue afin d’ouvrir à de nouvelles orientations voire à une prise de décision.
L’écoute
3 Le téléphone confronte à des contenus d’appels extrêmement divers. La demande et sa formulation sont très variables. Il peut s’agir d’une demande d’information ou d’une demande de soutien psychologique. L’une cache parfois l’autre. Parfois, une question explicite à propos de la recherche d’un organisme spécialisé dissimule une difficulté complexe. L’écoutant respecte la première demande, la fait parfois reformuler, s’engage toujours a minima en donnant un renseignement, une adresse qu’il commente. Il prend aussi en compte la problématique sous-jacente et aide l’appelant à appréhender autrement sa situation si celui-ci le désire. Il peut aussi lui conseiller de poursuivre avec un écoutant qui a une autre compétence que la sienne.
4 L’appel s’effectue souvent dans une sorte de lâcher prise de la part de l’appelant. Répétitions, confusions, immobilisme sont propices au cheminement vers une meilleure compréhension.
5 Écouter les parents sur Inter Service Parents mais aussi sur une autre des lignes de l’École des parents et des éducateurs, Jeunes Violences Écoute, à laquelle il sera fait allusion dans ce texte, c’est d’abord recevoir le discours manifeste que l’interlocuteur peut énoncer sous forme d’une question directe. Le premier niveau d’écoute est celui de l’échange d’informations. De façon plus complexe, l’écoute peut prendre en compte ce qui dans le discours n’est pas énoncé mais qui intervient, à savoir les nombreux éléments qui supportent ou qui environnent le message émis. Celui qui écoute en particulier sur le secteur psychologie/éducation d’Inter Service Parents ou sur Jeunes Violences Écoute entend autrement, plus, au delà de ce qui est dit. L’écoutant peut ainsi percevoir une contradiction interne au discours. Cette écoute d’un psychologue ou d’une conseillère conjugale et familiale est professionnelle, toutefois elle n’est pas une écoute psychothérapeutique. Des limites sont posées, qui garantissent une sécurité à l’appelant : strict anonymat, non suivi, vigilance quant à la durée de l’appel. Il s’agit de ne pas dans ce temps court et ponctuel, explorer « trop » l’histoire de vie d’un appelant. Un appel ne doit pas s’étirer. La limite temporelle est structurante. L’écoutant doit freiner son envie d’en savoir plus. Il doit faire taire sa propre curiosité, pas forcément malsaine mais inutile en l’occurrence.
6 L’écoute ouvre vers, invite à. Elle « adresse » aux interlocuteurs de proximité. Il est alors de multiples pistes qui se dessinent, qu’il s’agisse d’une réflexion entamée, d’une adresse de consultation psychologique ou scolaire, d’une adresse de soutien scolaire, d’un choix de mode de garde, d’une explication juridique…
7 L’écoute est au service de l’accompagnement, qui lui même renvoie de manière centrifuge vers une rencontre réelle.
8 Même si les appelants sont demandeurs d’un avis, d’un conseil « personnel », ce n’est pas le type de réponse qu’ils obtiendront. Le conseil s’entend au sens anglo-saxon du terme, à savoir « tenir conseil ». Il s’agit de réfléchir ensemble. Ce sont aux propres ressources, connaissances, valeurs de l’appelant qu’il sera fait appel pour l’amener à.
L’orientation
9 Toutefois, l’orientation est un objectif majeur pour Inter Service Parents : le service téléphonique a pour rôle d’aider les appelants à identifier les structures qui leur sont accessibles et adaptées à leur démarche. L’entretien téléphonique peut constituer aussi une passerelle vers une consultation psychologique pour l’appelant lui-même ou pour son enfant.
10 L’orientation ne peut s’envisager qu’au terme d’un entretien qui permet à l’écoutant de repérer à travers les paroles de l’appelant, la nécessité de proposer une orientation. L’orientation nécessite une bonne connaissance des dispositifs et des réseaux.
11 Quand un parent, souvent une mère, évoque une situation de crise en cours pour son enfant adolescent la difficulté est, tout en ne cédant pas à l’urgence, de trouver une solution quasi-immédiate qui soit acceptée par l’adolescent, pensable par le parent, et appropriée autant à la problématique qu’au contexte.
12 L’écoutant analyse la problématique, l’évalue. Il peut noter un décalage entre son analyse et celle du parent ; par exemple sur le degré de l’urgence à réagir. Il peut arriver que, face à un adolescent suicidaire, un parent s’alarme insuffisamment, reportant à plus tard le recours à une aide extérieure. Sans être dans un déni total, cette famille vit sans doute fermée sur elle-même depuis longtemps et refuse les interventions d’un tiers. Face à l’imminence d’un danger, le comportement du parent persiste. La problématique, qu’elle soit liée à des idées suicidaires, à la dépression, à un trouble du comportement comme par exemple l’anorexie, la violence, s’est enkystée. Quand l’adolescent n’a pas été pris en charge à 14 ans et qu’il a 18 ans au moment de l’appel, la difficulté est aggravée dans une situation qui s’est figée. Ceci signale l’importance d’avoir recours à une aide extérieure aussi tôt que possible. Toutefois, le parent finissant par appeler, l’écoutant va alors l’alerter, être directif, insister sur l’absolue nécessité de consulter. Il va discuter avec le parent de cette démarche, lui donner une adresse en accompagnant le plus possible cette orientation. Il rappelle au parent son devoir de protection envers l’enfant. L’adhésion du jeune va aussi être questionnée. Elle est, a minima, nécessaire pour qu’il accepte, après une première prise en charge palliant l’urgence, la mise en place d’un suivi. Il ne s’agit pas de l’emmener consulter comme si cela constituait en soi une solution. Dans ce cas, consulter (pour se débarrasser du problème…) devient une façon de déporter la difficulté. Il demeure important de chercher à maintenir ou à restaurer un dialogue.
13 Dans d’autres cas, le parent va dramatiser une situation récente ou installée. La crise dure sans être à son apogée. Il n’y a pas de danger imminent. Le trouble évoqué est relativement banal. Il s’agit alors de rassurer suffisamment le parent pour qu’il puisse appréhender de manière plus contenante la situation et qu’il la replace en perspective. S’il se sent trop débordé, peu sûr de lui, il doit acquérir suffisamment de solidité pour poser des limites à cet enfant qui crée du tumulte au sein de la famille. Même convaincu de la nécessité d’une consultation, ce parent ne sait pas comment y amener son enfant. L’adolescent peut s’opposer, notifiant que ce n’est pas lui qui dysfonctionne mais sa famille. Le parent qui fait part de cette remarque l’entend souvent mal.
14 Se pose dans bien des cas la question d’une remise en cause familiale. Le parent est interpellé dans sa capacité à assumer sa fonction parentale. Quelle défaillance risque d’émerger, d’être mise à jour ? Parfois, la démarche d’un parent, pour lui-même, vers un lieu de soin va permettre de débloquer la situation, y compris lorsque celle-ci est installée depuis longtemps. Il va apprendre à composer avec son enfant réel, si différent de l’enfant rêvé qu’il a encore en tête. Il va changer de discours et par là même modifier la relation. Pour les problèmes les plus complexes et graves, ce ne sera qu’une première étape à envisager. L’écoutant aborde alors la multiplicité des possibilités pour aller vers une prise en charge. Parfois c’est une succession d’intervenants que devra rencontrer la famille. Prêts à faire une démarche, parents et/ou adolescents vont se heurter à divers obstacles : délai d’attente long dans les secteurs public et privé, coût dans le secteur privé, éloignement du lieu de soin, etc. Il s’avère important, pour faire une « bonne orientation », de prendre connaissance des représentations qu’ont parents et adolescents des lieux de soins. Qu’est-ce qu’un psychiatre, un psychologue, un psychanalyste, une prescription médicamenteuse, une psychothérapie, un entretien de soutien ? À quel coût, à quelle fréquence, avec quelle durée de séance, pendant combien de temps (semaines, mois) ont lieu les consultations ? De quoi guérit-on, d’un symptôme invalidant qui disparaît ? Ou s’agit-il d’un état plus général qui se modifie ? Donner des explications objectives favorise l’émergence d’un désir de changement qui se transmet à travers la relation parent-enfant.
15 À l’adolescence est sensible, tant chez le parent que chez l’enfant, ce qui ne se maîtrise pas chez l’autre dans la relation, en particulier ce qui rend dépendant et ce qui oblige ou ce qui influence. Un minimum de prise de conscience à propos de cette difficulté facilite la demande d’une aide extérieure et dégage du sentiment de « mal faire » ou d’avoir « mal fait ».
16 Il s’agit pour l’appelant d’être suffisamment en confiance avec l’écoutant pour faire part de ses réticences, pour accepter le bien-fondé d’une orientation.
L’écoute des jeunes
17 Si le besoin d’aide est verbalisé chez le parent, qu’en est-il de celui du jeune ? Comment amener le jeune à reconnaître sa souffrance au-delà d’un malaise confus ou d’un symptôme qui perturbe sa vie et celle de son entourage ? Ce n’est que lorsque cette étape sera franchie qu’il pourra accepter d’être orienté vers une aide psychologique. Le parent n’est souvent pas le mieux placé pour accomplir cette tâche. Le médecin traitant peut être sollicité, ou un proche de l’environnement familial, amical, scolaire qui a la confiance de l’adolescent.
18 Il convient de préciser qu’un parent qui se fait du souci pour son enfant tirera toujours bénéfice d’une consultation psychologique avec ou sans son adolescent. L’évaluation de la situation éclaircira son point de vue. Et pourtant, pousser la porte d’un « psy » n’est pas un acte facile. La relation duelle effraie. Le pressentiment d’une remise en question déroute. La crainte d’un jugement, la crainte d’être pris pour un « fou » demeure. Ces résistances doivent pouvoir se dire pour être dépassées.
19 Pour un jeune qui se sent en difficulté, la question se pose : à qui demander de l’aide ? Les parents sont rarement les premiers interlocuteurs choisis. Les adolescents appréhendent leur inquiétude. Ils disent se sentir mal écoutés tant leurs parents cherchent avant tout à trouver une, des solutions. Et puis se tourner vers eux, ce serait comme un retour, une régression vers l’enfance au moment même où tous leurs efforts les portent à prendre de la distance envers ce temps de l’enfance, et à se séparer de leurs parents. Les professeurs sont là pour évaluer, juger se confier à eux n’est pas chose simple. Les soignants interviennent dans un système mal connu. La relation avec les frères et sœurs est teintée d’ambivalence, ce qui ne favorise pas toujours la confidence. Ce sont alors les amis qui deviennent des interlocuteurs privilégiés. Les adolescents l’affirment dans leur propos sur les numéros verts qui leur sont destinés à l’École des parents et des éducateurs. En 2000, dans une enquête, 76 % d’entre eux disaient avoir l’idée de se confier prioritairement à un ami en cas de difficulté.
20 La récente enquête ipsos en partenariat avec Fil Santé Jeunes, menée en 2005, organisée par la Fondation Wyeth auprès de 803 adolescents de 13 à 18 ans et présentée lors du premier « Forum adolescences », met en avant une forte notion de solidarité entre adolescents. 71 % d’entre eux se disent concernés par les difficultés que peuvent rencontrer des jeunes de leur entourage. Ceci d’autant plus qu’eux-mêmes ont déjà eu une difficulté. 88 % des filles et 74 % des garçons ont pu aider un de leur camarade. Ces pourcentages sont à modérer car des réticences en matière d’aide à propos des difficultés psychologiques les plus graves sont mentionnées par les jeunes interrogés. D’autre part, seuls 14 % des adolescents les plus en difficulté ont trouvé cette aide très efficace. Ces pourcentages n’éclairent pas sur ce qui rendrait l’aide plus efficace. L’orientation vers du soin psychologique est-elle considérée comme efficace ? Les adolescents n’ont probablement pas une appréhension du système de soin suffisamment pertinente pour pouvoir s’orienter entre eux. Le recours à un adulte proche, intermédiaire, est nécessaire. Ce qui est à reprendre avec le jeune en difficulté, c’est l’expression, la verbalisation de sa souffrance. Il y a eu, dans un premier temps de confidence, reconnaissance d’un besoin. Ceci permet d’y répondre dans un deuxième temps. Face à un adolescent qui semble souffrir et se mure, il convient d’être à l’écoute de ses pairs, voire de les questionner en anticipant leurs réticences à divulguer une confidence, en insistant sur la nécessité de soulager celui qui va mal en parlant à sa place, en alertant.
L’écoute des jeunes victimes de violence
21 C’est parfois à la suite d’un évènement déclencheur traumatisant qu’un adolescent va mal. Sur la ligne Jeunes Violences Écoute, les parents, la mère la plupart du temps, téléphonent pour parler des suites d’une agression subie par leur adolescent. Outre la conduite à tenir pour le protéger et pour obtenir réparation, l’appelant interroge sur les bienfaits d’une consultation d’aide psychologique. L’adolescent ne se positionne pas toujours comme une victime. Il a parfois suffisamment verbalisé juste après l’agression et garde une bonne image de lui. Dans d’autres cas, il éprouve des difficultés à affronter la vie quotidienne, il a des conduites d’évitement, de repli ou d’agressivité. L’encourager à verbaliser ce mal-être auprès d’un professionnel de santé mentale est une tâche à laquelle il faut inciter le parent. Dans un nombre non-négligeable de situations, l’adolescent se trouve être une victime récurrente. Se pose la question de son incapacité à se défendre voire d’une prédisposition psychique à ne pas se défendre. La mère qui téléphone peut se reconnaître dans cette situation ou au contraire se ressentir à l’opposé. Elle est ainsi désemparée face à son enfant. La suggestion de faire intervenir un tiers est alors bien accueillie.
22 Les parents qui appellent, préoccupés des suites d’une violence subie par leur enfant, vivent rarement comme une injonction l’incitation à consulter. Ils semblent plutôt soulagés par ce recours proposé et possible.
23 Pour conclure, quels que soient l’âge de l’adolescent et le trouble qu’évoque le parent qui téléphone, les inciter à consulter s’avère une bonne orientation. Souvent, le symptôme relaté, même s’il est invalidant, est relativement banal à cette période de la vie. Aider le parent à maintenir un cadre familial et scolaire contenant, le soutenir dans sa fonction parentale, évite dans la plupart des cas que des difficultés s’aggravent voire se transforment en pathologie.
24 C’est ainsi qu’on ne saurait trop recommander aux parents de se mobiliser suffisamment tôt face à une situation de souffrance manifestée par leur adolescent. Il est plus facile, même si cela implique une remise en question familiale, de solliciter et faire accepter une aide psychologique à un adolescent de 14 ans qu’à un adolescent jeune adulte. Les parents qui osent faire une première démarche par téléphone sur une des lignes de l’École des Parents et des Éducateurs d’Ile-de-France sont prêts à cheminer dans ce sens.
Bibliographie
Bibliographie
- Cadéac, B. 1998. Guide Info Santé Jeunes, Éditions La Martinière Jeunesse, coll. « Hydrogène », réédition 2004.
- Cadéac, B. 2002. Génération Téléphone, Paris, Albin Michel.
Notes
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La ligne Inter Service Parents fait partie des plateaux téléphoniques de l’École des parents et des éducateurs d’Ile-de-France, qui réunissent également Fil Santé Jeunes, Jeunes Violences Écoute. Inter Service Parents écoute et répond aux parents à propos des difficultés diverses de la vie quotidienne.