Notes
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[1]
La catégorie défavorisée intègre, selon MEN-DEPP (2010), les catégories socioprofessionnelles suivantes : ouvriers, retraités ouvriers et employés, chômeurs n’ayant jamais travaillé, personnes sans activité professionnelle.
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[2]
Pour certains auteurs (Eviatar & Ibrahim, 2000), l’arabe littéral représente une deuxième langue pour les enfants arabophones. Cela laisse supposer que l’exposition à l’arabe littéral entraîne l’enfant bilingue franco-arabe à une situation de trilinguisme.
Introduction
1Actuellement, la revue de la littérature établit que le bilinguisme, lorsqu’il se développe de manière harmonieuse, apporte des avantages cognitifs sur différentes facultés verbales et non verbales, telles que les capacités métacognitives et métalinguistiques, le raisonnement abstrait, la flexibilité mentale, la créativité, et le contrôle attentionnel (Adesope, Lavin, Thompson & Ungerleider, 2010 ; Bialystok, 2001). Cependant, ces effets se retrouvent annulés, voire même inversés, lorsque le contexte socioculturel ne permet pas la pleine acquisition des deux langues et que les enfants développent un « bilinguisme soustractif », tel qu’il est décrit par Lambert (1974). Plus spécifiquement, les études actuelles concernant le bilinguisme des enfants issus de l’immigration, qu’elles soient internationales ou conduites en France, montrent de manière unanime qu’ils sont exposés à des difficultés scolaires (Insee, 2005 ; Mullis, Martin, Kennedy, & Foy, 2007 ; OCDE, 2006 ; 2007). Néanmoins, il est établi que l’introduction de la langue d’origine à l’école renforce les résultats scolaires et la maîtrise de la langue familiale des enfants issus de l’immigration ou de minorités ethnolinguistiques (Hamers & Blanc, 2000 ; Oades-Sese, Esquivel, Kaliski & Maniatis, 2010 ; Yeung, Marsh & Suliman, 2000).
2 Malgré l’existence de travaux français en psychologie étudiant les effets de l’apprentissage des langues des pays d’Outre-mer et des langues régionales (Demont, 2001 ; Genelot, Négro, & Peslages, 2005 ; Nocus et al., 2007 ; Nocus et al., 2012 ; Nocus et al., 2011), ces derniers sont peu nombreux. Ainsi, les effets de la valorisation de la langue et la culture d’origine arabe sur les performances scolaires et langagières sont encore méconnus en contexte français alors que les langues arabes (tunisien, marocain, algérien) et berbères figurent parmi les langues les plus pratiquées (Filhon, 2009). Le seul dispositif mis en place en France qui permet la valorisation et l’apprentissage de la langue arabe est le dispositif ELCO (Enseignement des langues et cultures d’origine). Ce dispositif est le fruit d’accords bilatéraux entre la France et un certain nombre de pays, dont trois pays du Maghreb (Maroc, Algérie et Tunisie). Il propose des cours de la langue arabe, allant jusqu’à 3 heures hebdomadaires, dispensés gratuitement par un enseignant détaché par le pays d’origine. Ce dispositif qui s’adresse à des enfants issus de l’immigration dans les écoles élémentaires et les collèges n’est pas vraiment bilingue car il apporte uniquement une valorisation des langues issues de l’immigration. Il a également pour objectif de permettre aux élèves de mieux s’insérer dans le système éducatif français tout en maintenant des liens avec la langue et la culture du pays d’origine dans l’éventualité d’y retourner un jour. Le contenu et le programme des classes ELCO sont définis par chaque pays. En 2003, environ 75 000 enfants suivaient ces cours, surtout dans les écoles primaires, dont 25 000 pour l’ELCO marocain, dispositif le plus fréquenté. Néanmoins, ce dispositif souffre d’une mauvaise image : il est vu comme un enseignement communautaire où les enfants sont « cantonnés dans des cours pour immigrés », qui sont isolés des autres enseignements scolaires (Bertucci, 2007 ; Lucchini, 2005 ; 2007). Dans cet ordre d’idées, le rapport Berque (1985, cité par Bertucci, 2007) et l’Inspection générale de l’éducation nationale (1992, cité par Bertucci, 2007) déplorent le risque de marginalisation des élèves, les difficultés d’organisation, l’inadaptation des méthodes et des programmes et les entorses aux principes du système éducatif français et à la laïcité. Cependant, les limites qui lui sont reprochées ne sont pas appuyées sur des travaux de recherche, car il n’existe à ce jour aucune étude sérieusement documentée sur les dispositifs ELCO (Martin, 2007 ; Payet & Zanten, 1996).
3Notre étude a pour objectif d’apporter des données originales sur les effets de l’enseignement de la langue arabe, à travers le dispositif ELCO, sur les performances scolaires et langagières en classes de CP et CE1.
Les effets du bilinguisme sur les prérequis de la lecture
4Les effets positifs les plus généralement visibles du bilinguisme dans le domaine de l’apprentissage de la lecture sont relatifs aux prérequis de la lecture, en particulier ceux qui évaluent le caractère stable et arbitraire de l’écrit (Besse, Marec-Breton, & Demont, 2010). Ainsi, les recherches qui se sont intéressées à l’influence du bilinguisme sur les prérequis de la lecture, c’est-à-dire les concepts qui permettent de comprendre le système symbolique de l’écrit et de préparer l’enfant à l’acquisition de l’écrit, montrent que le bilinguisme avantage l’acquisition de ces concepts surtout lorsque les systèmes écrits des deux langues sont appris simultanément (Bialystok, Luk, & Kwan, 2005 ; Bialystok, Shenfield, & Codd, 2000).
5 Le lien établi entre le bilinguisme et la conscience phonologique n’est pas univoque. Certaines études montrent un désavantage pour les enfants bilingues issus de l’immigration (Lesaux & Siegel, 2003 ; Lucchini, 2005 ; 2007 ; Verhoeven, 2000), alors que d’autres recherches, auprès des mêmes populations, mettent en évidence soit un avantage à certaines épreuves de la conscience phonologique, en particulier celles qui nécessitent la manipulation de pseudo-mots (Armand, 2000 ; Bialystok, Majumder, & Martin, 2003 ; Campbell & Sais, 1995 ; Eviatar & Ibrahim, 2000 ; Perregaux, 1994), soit une absence de différence entre les enfants bilingues ou monolingues (Abu-Rabia & Siegel, 2002). De plus, l’avantage bilingue sur la conscience phonologique est d’autant plus important que la maîtrise des deux langues est assurée, que le bilinguisme est précoce (avant l’âge de 3 ans) et que les deux langues sont proches (Bialystok, Majumder, & Martin, 2003 ; Kovelman, Baker, & Petitto, 2008 ; Verhoeven, 2007).
Les effets du bilinguisme sur la lecture
6S’agissant de la lecture, les travaux indiquent globalement que, malgré des compétences limitées en production orale qui peuvent compromettre l’apprentissage de la lecture (Armand, 2000 ; Bialystok, 2001 ; Lesaux & Siegel, 2003 ; Perregaux, 1994), le bilinguisme n’a pas d’effet négatif sur cette faculté et peut même apporter, dans le cadre de dispositifs bilingues renforcés, des avantages à long terme (Abu-Rabia & Siegel, 2002 ; Lecocq, Mousty, Kolinsky, Goetry, Morais, & Alegria, 2007 ; Nocus et al., 2007 ; 2011 ; 2012).
7Armand (2000) observe auprès d’enfants de diverses origines immigrées issus d’un milieu socio-économique défavorisé, que malgré des faiblesses en termes d’habilités langagières orales en français et en compétences métasyntaxiques, les enfants bilingues obtiennent à la fin de la première année du primaire des scores équivalents en reconnaissance de mots et en compréhension. Perregaux (1994) et Armand (2000) émettent l’hypothèse que ces élèves bilingues s’appuient sur leurs habiletés métaphonologiques, qui tiennent une place primordiale dans l’apprentissage de la lecture en langue seconde, pour compenser leur faiblesse sur le plan des connaissances langagières orales.
8Lesaux et Siegel (2003) mènent une étude longitudinale auprès de 978 enfants du Canada anglophone (188 enfants issus de l’immigration de différentes langues premières et 790 enfants monolingues), de la dernière année de maternelle à la deuxième année de primaire. Malgré de moins bonnes performances en conscience phonologique, mémoire verbale (répétition de phrases de plus en plus longues), conscience syntaxique et dénomination rapide de mots, ils rattrapent leur retard en 2e année et obtiennent de meilleurs scores en identification de mots, en rapidité de lecture de mots et de pseudo-mots et en résolution de problèmes mathématiques.
9Proctor, August, Carlo et Barr (2010) conduisent une étude de la 2e année à la 5e année du primaire, auprès de 101 enfants issus de l’immigration hispanique aux Etats-Unis, portant sur la compréhension en lecture en anglais et en espagnol. La comparaison entre trois groupes d’enfants bilingues anglais-espagnol, dont le premier suit un programme scolaire traditionnel en anglais, le deuxième en espagnol et le troisième dans les deux langues, met en évidence des compétences comparables en compréhension en lecture en anglais et l’existence d’un effet de transfert des compétences en compréhension en lecture, de l’espagnol vers l’anglais. Ces résultats permettent de conclure que l’apprentissage de la lecture en espagnol n’a pas d’effet négatif sur les apprentissages en anglais et que plus l’enfant est performant en compréhension en lecture dans sa langue première, plus il a des chances de l’être dans sa langue seconde.
10Abu-Rabia et Siegel (2002) évaluent l’effet d’un programme de 3 heures hebdomadaires de valorisation de la langue arabe (Heritage Language Program in Toronto) dans des classes allant de la 4e année à la 8e année du primaire, auprès de 56 enfants bilingues âgés de 9 à 14 ans. Globalement, les résultats ne relèvent pas d’avantage dans cette étude pour les enfants bilingues par rapport à leurs pairs monolingues au niveau de la lecture de mots et de pseudo-mots, de la phonologie et de l’orthographe dans les deux langues. Cependant, lorsque la distinction est établie entre les élèves faibles lecteurs et les normo-lecteurs, les résultats montrent que, parmi les faibles lecteurs, les enfants bilingues ont de meilleurs résultats en lecture des pseudo-mots. Les bons lecteurs bilingues, quant à eux, obtiennent des résultats significativement supérieurs à l’ensemble des épreuves et des corrélations significatives sont notées entre les scores aux épreuves en arabe et en anglais. Ces résultats suggèrent ainsi que ce dispositif ne nuit pas au développement des enfants bilingues par rapport aux enfants monolingues. De plus, ils montrent que les problèmes de lecture et de conscience phonologique en anglais vont se traduire aussi par des difficultés de lecture dans l’autre langue pour les enfants faibles lecteurs. Les auteurs supposent que ces effets de transfert font appel à des processus similaires dans les deux langues.
11 En France et en collectivités françaises d’outre-mer, il existe quelques travaux qui évaluent les effets de la mise en place de dispositifs bilingues de la langue d’héritage ou régionale sur la réussite en lecture (Demont ; 2001 ; Genelot, Négro & Peslages, 2007 ; Nocus et al., 2007 ; 2011 ; 2012). Les effets de deux dispositifs d’enseignement de la langue d’origine (LCO) en Océanie francophone (un dispositif nommé Langues et cultures Kanak – LCK – mis en place en 2003-2005 pour l’introduction de la langue et de la culture Kanak en Nouvelle-Calédonie et un autre dispositif Langues et cultures Polynésiennes – LCP – pour le renforcement de la langue tahitienne en Polynésie Française de 2005-2008) ont été examinés par Nocus et al. (2007 ; 2011 ; 2012). Dans ces deux dispositifs, l’enseignement LCO est réalisé à raison de cinq heures hebdomadaires sur l’année scolaire. Après avoir contrôlé l’âge, le sexe, le niveau cognitif non verbal et l’origine socio-économique, les auteurs évaluent les compétences linguistiques en langue d’origine (respectivement drehu et tahitien en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française) et en français oral et écrit de trois niveaux scolaires de la maternelle (petite, moyenne et grande section) et du CP. Les résultats montrent un effet positif du programme d’enseignement bilingue sur la langue d’origine sans effet négatif sur les compétences en français malgré un nombre moins important d’heures d’enseignement en français (les 5 heures d’enseignement LCO sont prises sur les 26 heures d’enseignement hebdomadaire).
12Enfin, Genelot, Négro et Peslages (2007) montrent l’impact positif du bilinguisme créole-français sur les acquisitions scolaires en conduisant une étude longitudinale auprès de 199 enfants martiniquais, de la dernière année de la maternelle à la première année du primaire. Les principaux résultats montrent qu’en fin de CP, même si en moyenne les enfants sont plus compétents en français qu’en créole, les trois scores de lecture sont tous corrélés positivement avec les performances langagières obtenues dans les deux langues (français et créole) en dernière année de la maternelle. En outre, les profils langagiers bilingues les plus favorables aux compétences en lecture en fin de CP sont ceux des élèves forts dans leurs deux langues (« bilingues symétriques compétents ») ou ceux des élèves plus compétents en français qu’en créole, comparativement aux enfants ayant un niveau faible dans les deux langues (profil « symétriques non compétents »). Concernant les compétences en compréhension, les élèves bilingues « symétriques compétents » sont les plus performants et les auteurs attribuent ce résultat à une richesse des représentations sémantiques des élèves bilingues. Dans la mesure où différentes représentations sémantiques dans les deux langues peuvent être activées et partagées à partir d’un mot, la construction du sens d’un énoncé se retrouve davantage enrichie. Ainsi, plus les enfants présentent un bilinguisme équilibré, plus ils se démarquent au niveau de leurs compétences en lecture et, en particulier, en compréhension en lecture.
13Globalement, les résultats des travaux cités ne sont pas unanimes. Ils montrent soit un avantage (plutôt observé à long terme et dans le cadre d’enseignements bilingues renforcés) en lecture, en compréhension en lecture et au niveau des prérequis de la lecture, soit une absence de différence par rapport aux élèves monolingues. Notons qu’aucune étude ne met en évidence un désavantage lié à l’apprentissage d’une deuxième langue sur les performances en lecture.
Hypothèses explicatives de l’avantage bilingue
14Certains avantages relevés sur les compétences verbales sont interprétés dans la littérature comme le résultat du développement d’aptitudes spécifiques au bilinguisme. À l’instar des réflexions de Vygotsky (1928, cité par Hamers & Blanc, 2000), la majorité des chercheurs soutiennent l’idée que le contact avec deux systèmes langagiers mène les bilingues à prendre rapidement conscience de la relation arbitraire entre les formes linguistiques et leur sens et, ainsi, à comparer et analyser les aspects structurels de la langue de manière plus poussée que les monolingues. Bialystok (2001) postule que la connaissance de deux langues permet la construction d’une représentation plus explicite de la structure d’une langue qui facilite la mise en place du lien entre les formes visuelles de l’écrit et leurs caractéristiques linguistiques abstraites. Demont (2001) précise que l’expérience bilingue pousse l’enfant à adopter une attitude plus analytique qui va accélérer l’extraction des règles et structures linguistiques abstraites et la compréhension du caractère arbitraire du signe linguistique. Il est par ailleurs postulé que les bilingues développent davantage la dimension de contrôle où il s’agit de porter une plus grande attention aux structures et aux fonctions du langage que la dimension analytique qui requiert les connaissances explicites de la langue et sa structure (Bialystok, 2001).
15En outre, l’avantage bilingue s’expliquerait par le développement de capacités de transfert de l’expertise et des stratégies de lecture d’une langue vers l’autre, surtout lorsque la structure phonologique et les deux systèmes d’écriture sont proches (Adesope et al., 2010 ; Bialystok, Luk & Kwan, 2005 ; Dickinson, McCabe, Clark-Chiarelli, & Wolf, 2004 ; Muter & Diethelm, 2001). Bon nombre d’études vont dans le sens de l’existence d’un transfert translinguistique des compétences phonologiques qui va faciliter la lecture en langue seconde (Bialystok, Luk, & Kwan, 2005 ; Dickinson, McCabe, Clark-Chiarelli, & Wolf, 2004 ; Muter & Diethelm, 2001). En effet, ces études observent l’existence d’un lien de corrélation entre la conscience phonologique en L1 dans les compétences en lecture en L2, ce qui laisse supposer que les stratégies développées en lecture en L1 sont exploitées en L2. Néanmoins, les conditions et les processus sous-jacents à ces transferts sont encore méconnus.
16Adescope et al. (2010) expliquent ces résultats de manière plus globale en suggérant que l’acquisition et la gestion simultanée de deux langues font appel à des processus d’inhibition permettant à l’individu bilingue de développer des aptitudes de nature transversale, se présentant au niveau du développement cognitif tant verbal que non verbal. Ces aptitudes apportent aux locuteurs bilingues une meilleure conscience des caractéristiques abstraites de la langue, de leur propre processus d’apprentissage, une capacité appropriée de contrôle et de distribution des ressources attentionnelles et un meilleur développement des représentations symboliques et abstraites et des capacités de résolution de problèmes.
17 Ainsi, les travaux cités permettent de mieux comprendre la contribution du bilinguisme à la réussite scolaire des enfants issus de l’immigration, selon la perspective psycholinguistique. En renforçant et en consolidant la maîtrise des deux langues, par un apprentissage scolaire dans des activités plus abstraites de littéracie, les dispositifs bilingues permettent de tirer profit de ce bilinguisme dont le contexte socioculturel « soustractif » désavantage fortement le plein développement des deux langues et la réussite scolaire (Cummins, 2000). Plus les compétences en langue première sont bien développées, plus la réussite scolaire est renforcée dans les deux langues, car cela offre la possibilité aux enfants bilingues de transférer leurs habiletés d’une langue à l’autre et de développer des aptitudes analytiques plus fines. Ces aptitudes leur permettent de relever le caractère arbitraire de la langue et d’avoir une représentation plus explicite de sa structure, surtout lorsque les deux langues sont proches sur le plan phonologique. Par conséquent, favoriser l’apprentissage de la langue première par la mise en place de dispositifs dont l’objectif est de permettre une meilleure acquisition de cette langue dans des tâches fortement exigeantes sur le plan cognitif, reviendrait à compenser ce contexte « soustractif » qui dévalorise et pousse à l’abandon de cette langue. Cette valorisation permettrait ainsi à l’enfant d’atteindre un seuil minimal de connaissance de la langue première (Cummins, 2000), d’éviter les effets négatifs liés au développement du bilinguisme « soustractif » et à tendre vers les avantages relevés chez les enfants qui présentent un bilinguisme « additif ».
Présentation de l’étude
18Cette étude examine les effets de l’apprentissage de l’arabe à l’école auprès d’élèves issus de l’immigration maghrébine arabophone fréquentant les classes de CP (cours préparatoire) et de CE1 (cours élémentaire 1) sur certains indicateurs de la réussite scolaire. Ces derniers intègrent leurs performances langagières et scolaires en français. Il s’agit plus précisément de : la conscience phonologique, le lexique en production, la lecture, la compréhension en lecture (seulement pour les élèves de CE1) et la résolution de problèmes arithmétiques. Il importe de préciser que le bilinguisme franco-arabe auquel s’intéresse cette étude présente les caractéristiques d’un « bilinguisme des migrants », tel qu’il est décrit par Hélot (2004). Il concerne les enfants issus de familles immigrées dont le niveau socio-économique est généralement défavorisé et où le contexte de développement est dit « soustractif » (Lambert, 1974). Dans ce contexte, l’enfant maîtrise les deux langues de manière inégale, au profit de la langue du pays d’accueil qui est plus prestigieuse socialement et économiquement. Toutefois, il possède des connaissances culturelles qui ne correspondent pas forcément à des compétences linguistiques (Hélot, 2004).
19 L’hypothèse générale de cette étude postule qu’en contexte « soustractif », l’apprentissage de l’arabe à l’école, par l’intermédiaire d’enseignements proposés dans le cadre du dispositif ELCO, permet à l’enfant bilingue franco-arabe d’améliorer ses performances scolaires et de devenir plus performant en langue arabe dialectal. Dans la mesure où le bilinguisme étudié n’est pas un bilinguisme « additif » où les deux langues se développent de manière harmonieuse et équilibrée, on ne s’attend pas à un avantage des groupes bilingues franco-arabes sur les enfants monolingues. L’avantage attendu se situe plutôt entre le groupe bilingue qui apprend sa langue familiale à l’école et le groupe bilingue qui ne l’apprend pas. Néanmoins, on postule l’existence d’un désavantage des deux groupes bilingues franco-arabes par rapport au groupe monolingue au niveau des performances langagières en français.
Méthode
Participants
20179 enfants scolarisés en classes de CP (âge moyen de 6,7 ans, σ= 0,38) et de CE1 (âge moyen de 7,9 ans, σ= 0,45), issus de 7 écoles nantaises situées majoritairement en ZEP (Zone d’éducation prioritaire) ont participé à cette étude. Ils sont issus de l’immigration maghrébine arabophone (majoritairement Maroc, Algérie et Tunisie) de 1re génération pour la quasi-totalité dont la distribution est représentée dans le tableau 1.
Répartition (en pourcentages) des pays d’origine des parents en fonction du groupe bilingue franco-arabe (avec et sans cours ELCO)
Répartition (en pourcentages) des pays d’origine des parents en fonction du groupe bilingue franco-arabe (avec et sans cours ELCO)
21 Les enfants sont plutôt issus d’un milieu défavorisé selon la typologie des catégories proposée par le ministère de l’Éducation nationale (MEN-DEPP, 2010, p. 96) [1]. En effet, la distribution générale des caractéristiques socioprofessionnelles des mères est surreprésentée par la catégorie « sans emploi » (avec 43,9 %), la catégorie « employés » et « ouvriers » (avec respectivement 29 % et 13,5 %). Pour les pères, les catégories qui les représentent le plus sont « ouvriers » (avec 43 %), « employés » et « sans activité » (avec respectivement 13,2 % et 14,6 %).
22 Pour chaque classe, les participants sont répartis en trois groupes d’enfants : un groupe monolingue (37 élèves au CP et 33 élèves au CE1), dont aucun des deux parents ne parle une langue autre que le français à la maison, et deux groupes bilingues franco-arabes, dont l’un suit des cours d’arabe ELCO à l’école (27 élèves au CP et 29 élèves au CE1 qui sont respectivement en 1re et en 2e année d’apprentissage de l’arabe) et l’autre se limite aux pratiques langagières familiales bilingues (32 élèves au CP et 21 élèves au CE1).
Caractéristiques générales des participants (niveau scolaire, sexe, âge)
Caractéristiques générales des participants (niveau scolaire, sexe, âge)
Langues utilisées par les parents (en pourcentages) selon le groupe bilingue
Langues utilisées par les parents (en pourcentages) selon le groupe bilingue
Répartition des enfants (%) des deux groupes (ELCO, Non ELCO) selon le nombre de livres, la fréquence de la lecture d’histoires et l’aide aux devoirs
Répartition des enfants (%) des deux groupes (ELCO, Non ELCO) selon le nombre de livres, la fréquence de la lecture d’histoires et l’aide aux devoirs
23Le contexte langagier dans lequel baigne chaque groupe bilingue franco-arabe (selon qu’il bénéficie ou non de cours d’arabe ELCO) a également été exploré à l’aide d’un questionnaire qui a interrogé les langues préférentiellement utilisées par les parents et certaines pratiques éducatives familiales, à savoir le nombre de livres en français et en arabe, la lecture d’histoires dans les deux langues et l’aide aux devoirs.
24 Les informations recueillies auprès de 50 familles bilingues parmi les 109 (dont 33 parents du groupe bilingue suivant des cours ELCO et 17 du groupe bilingue non inscrit à ce cours) permettent d’observer, quel que soit le groupe bilingue, que les parents utilisent majoritairement un mélange des deux langues où le français est prédominant,
25 Par ailleurs, les pratiques familiales autour de l’écrit sont comparables d’un groupe à l’autre, en particulier au niveau du nombre de livres dans les deux langues, des lectures d’histoires en arabe (qui sont généralement peu nombreuses) et en français et au niveau de l’aide aux devoirs.
26 Nous avons contrôlé que les trois groupes étaient appariés sur l’efficience générale grâce à l’épreuve non verbale des Matrices progressives colorées (CPM, Raven, 1998), l’âge, les catégories socioprofessionnelles et le sexe.
Matériel
27Les enfants sont soumis à un ensemble d’épreuves évaluant la conscience phonologique, la lecture et la résolution de problèmes arithmétiques en vue d’obtenir des indicateurs de leur réussite scolaire. De plus, les compétences langagières orales en français et, pour les enfants bilingues franco-arabes, en arabe sont évaluées afin de déterminer leur niveau langagier dans chacune des deux langues.
Épreuves du langage oral
28- Épreuve de lexique en production en français (issue de l’Évaluation du langage oral de Khomsi, 2001)
29L’épreuve du lexique en production est une épreuve de vocabulaire permettant de mesurer les compétences lexicales en production (lexique actif). Elle se compose de 32 items qui concernent des noms d’objets concrets qu’on demande à l’enfant de dénommer par exemple : « lapin », « chat », etc. L’alpha de Cronbach atteste d’une consistance interne acceptable égale à 0,74.
- Épreuve du lexique en production en arabe
30 Cette épreuve a été construite pour les besoins de cette étude afin d’évaluer les compétences lexicales en production (lexique actif) des enfants bilingues franco-arabes en arabe. Tout comme l’épreuve de lexique en production en français, elle se compose de 32 items qui concernent des noms d’objets concrets. Dans cette épreuve, il est demandé à l’enfant de donner une réponse en arabe dialectal, et non en arabe littéral, pour assurer une comparabilité entre les deux groupes bilingues. L’alpha de Cronbach calculé pour cette épreuve est égal à 0,96, attestant d’une consistance interne très satisfaisante.
Épreuves évaluant la conscience phonologique Thapho (Test d’habiletés phonologiques, Ecalle, 2007)
31 - Épreuve de catégorisation syllabique et phonémique
32Cette épreuve, constituée de 12 items, implique le traitement épiphonologique dont l’activité cognitive est opérée sans contrôle intentionnel des unités linguistiques. La passation est semi-collective et l’enfant doit entourer le dessin représentant les mots, parmi quatre mots prononcés et présentés sous forme de dessin, qui ont une syllabe ou un phonème en commun en position initiale ou finale du mot. La consistance interne est peu satisfaisante car l’alpha de Cronbach est égal à 0,55.
- - Épreuve de suppression syllabique et phonémique
33Cette épreuve fait appel à un traitement métaphonologique, à savoir une manipulation phonologique par suppression de syllabes ou de phonèmes en position initiale d’un mot polysyllabique (CVCV) ou monosyllabique (CVC) présenté oralement. Elle est également semi-collective et il est demandé à l’enfant, à partir d’un mot cible, de choisir l’item correct (en entourant le dessin) parmi 4 items. Chacun des items proposés à l’enfant est constitué d’un distracteur phonologique, un distracteur sémantique, un intrus et l’item correct. L’alpha de Cronbach est égal à 0,76, ce qui atteste d’une consistance interne acceptable.
Épreuves de lecture en français
34 - Épreuve de lecture LUM (Lecture en une minute, Khomsi, 1999)
35Le test de « lecture en une minute » permet d’évaluer les compétences de reconnaissance de mots écrits en français. Dans cette épreuve, il s’agit de lire, en une minute, à voix haute et les uns à la suite des autres, le maximum de mots d’une liste de 108 mots de différentes catégories grammaticales et de différentes longueurs, variant en termes de fréquence, de régularité et de complexité. Ainsi, le niveau de performance est mesuré en fonction de l’exactitude et de la rapidité en lecture.
- - Épreuve de lecture et de compréhension de phrases pour les enfants scolarisés en classe de CE1 (Lobrot, 1980)
36Cette épreuve teste à la fois le décodage et la compréhension en lecture. Elle consiste à faire une lecture silencieuse, pendant 5 min, de maximum 36 phrases lacunaires pour lesquelles l’enfant doit choisir un mot parmi 5 proposés permettant donner un sens à la phrase. La complexité du vocabulaire et des structures syntaxiques augmente au fur et à mesure de la progression dans le test. Exemple : « si on fait marcher trop fort la radio, on risque de déranger les (voisins, poissons, mains, coins, trains) ». L’alpha de Cronbach à cette épreuve est de 0,93 et atteste d’une consistance interne très satisfaisante.
Épreuve de résolution de problèmes en arithmétique du Tedi-maths (Van Nieuwenhoven, Noël, & Grégoire, 2001)
37On présente oralement à l’enfant 8 énoncés arithmétiques verbaux. Quatre d’entre eux requièrent une addition alors que les quatre autres demandent une soustraction avec une inconnue présentée en première, deuxième ou dernière position finale. (Par exemple : « Denis a deux billes. Il en gagne deux. Combien de billes a-t-il en tout ? ») L’alpha de Cronbach pour cette épreuve est égal à 0,73 et atteste d’une consistance interne acceptable.
Procédure
38La passation des épreuves, dont l’ordre a été contrebalancé, s’est déroulée à l’école en milieu d’année scolaire (février/mars) dans des salles calmes. L’administration des différentes épreuves était sous forme de deux passations semi-collectives (5 à 6 enfants) d’une durée de 25 minutes (pour les épreuves d’efficience générale, de conscience phonologique et de compréhension en lecture pour les élèves de CE1) et de deux passations individuelles de 25 minutes pour le reste des épreuves. Cette étude a été réalisée avec la participation d’étudiantes de Master 1 en psychologie.
Résultats
Analyses comparatives des performances scolaires selon les groupes
39Des comparaisons de moyennes ANCOVA avec comme covariable le CPM (épreuve non verbale des Matrices Progressives Colorées) ont été conduites afin de tester l’effet du groupe par rapport aux différents indicateurs de réussite scolaire (catégorisation phonologique, suppression phonologique, lecture, compréhension phonologique et résolution de problèmes arithmétiques).
40Les résultats présentés dans le mettent en évidence les points suivants :
- - En classe de CP, aucune différence n’est constatée entre les groupes bilingues franco-arabes pour la majorité des indicateurs de la réussite scolaire (suppression phonologique F(2,92)= 2,2 ; p = ns], catégorisation phonologique [F(2,92)= 0,77 ; p = ns], résolution de problèmes arithmétiques Tedi-Maths [F (2, 92) = 0,66 ; p = ns]. Toutefois, on note une différence significative au niveau des performances en lecture [F(2, 92)=3,73 ; p = 0 ,028, η2 = 0,08]. Les analyses a posteriori de Bonferroni montrent que cet effet est dû à la supériorité du rendement des enfants bilingues franco-arabes qui suivent des cours d’arabe par rapport à leurs pairs monolingues (p < 0,05).
- - En classe de CE1, alors qu’il n’y a pas de différence en catégorisation phonologique [F(2,79)=2,12 ; p = ns], on note une différence significative entre les trois groupes en identification des mots écrits [F (2, 79) = 4,5 ; p = 0,014, η2 = 0,1], en compréhension en lecture [F (2, 78) = 5,496 ; p < 0,01, η2 = 0,12], en résolution de problèmes arithmétiques [ F(2, 79) = 3,54 ; p = 0,034, η2 = 0,08] et en suppression phonologique [F (2, 79) = 3,29 ; p = 0,042, η2 = 0,08]. Les analyses a posteriori de comparaison de moyennes 2 à 2 de Bonferroni révèlent que les différences significatives en lecture (p < 0,05), en compréhension en lecture (p < 0,01) et en suppression phonologique (p < 0,05) et en résolution de problèmes arithmétiques (p < 0,05) se situent entre les deux groupes bilingues franco-arabes. Ainsi, comparativement à leurs pairs franco-arabes qui n’apprennent pas l’arabe à l’école, les enfants de la classe de CE1 inscrits au cours ELCO ont, excepté pour la catégorisation phonologique, des performances scolaires supérieures.
Performances moyennes (et écarts-types) obtenus par les trois groupes en classes de CP et CE1 aux épreuves de catégorisation et de suppression phonologique (Thapho), de lecture de mots isolés (LUM), de compréhension en lecture (Lobrot) et de résolution de problèmes arithmétiques (Tedi-maths)
Performances moyennes (et écarts-types) obtenus par les trois groupes en classes de CP et CE1 aux épreuves de catégorisation et de suppression phonologique (Thapho), de lecture de mots isolés (LUM), de compréhension en lecture (Lobrot) et de résolution de problèmes arithmétiques (Tedi-maths)
41Dans l’ensemble, aucun score moyen aux différentes épreuves ne suggère que les enfants bilingues franco-arabes inscrits en cours ELCO sont désavantagés par rapport aux autres groupes (bilingue franco-arabe et monolingue). Les résultats montrent soit un avantage, soit une absence de différence par rapport aux autres groupes.
Analyse comparative des performances langagières en arabe et en français
42Les comparaisons de moyennes ANOVA en production orale en français () montrent qu’en classe de CP, les élèves monolingues présentent des résultats significativement supérieurs en production langagière de mots en français par rapport aux deux groupes d’enfants bilingues franco-arabes (F [1,39] = 4,96, p = 0,032, η2 = 0,11). Néanmoins, en classe de CE1, les analyses de comparaison de moyennes ne mettent en évidence aucune différence significative entre les trois groupes (F [1,32] = 2,76, p = ns).
Performances moyennes /32 (et écarts-types) en lexique en production en français pour les 2 groupes bilingues et le groupe monolingue
Performances moyennes /32 (et écarts-types) en lexique en production en français pour les 2 groupes bilingues et le groupe monolingue
43 L’analyse du test t pour échantillons indépendants ne montre pas de différences significatives entre le groupe bilingue franco-arabe qui suit des cours d’arabe et le groupe bilingue franco-arabe qui n’en suit pas (avec pour la classe de CP : t (16) = 0,87, p = ns et pour la classe de CE1 : t(24)=1,49, p = ns). Quels que soient la classe et le groupe bilingue franco-arabe, les élèves présentent de faibles performances langagières en production verbale de mots en arabe (Tableau 7).
Performances moyennes /32 en lexique en production en arabe pour chaque groupe bilingue
Performances moyennes /32 en lexique en production en arabe pour chaque groupe bilingue
Discussion
44Cette étude avait pour objectif d’analyser les effets de l’apprentissage de la langue arabe à l’école, dans le cadre du dispositif ELCO, sur les performances scolaires et langagières en français et en arabe d’enfants bilingues issus de familles maghrébines arabophones. Notre hypothèse générale, en accord avec l’hypothèse de l’avantage bilingue, considère que l’apprentissage de l’arabe au sein de l’école permet aux enfants de devenir plus performants en langue arabe et d’améliorer leurs performances scolaires par rapport aux enfants bilingues issus du même milieu mais qui ne bénéficient pas de cet enseignement à l’école.
45 L’analyse des résultats montre que notre hypothèse est vérifiée partiellement et seulement en classe de CE1. On met évidence une supériorité des performances scolaires en français des élèves bilingues franco-arabes inscrits en cours d’arabe, comparativement à leurs pairs bilingues franco-arabes qui ne suivent pas de cours d’arabe. Hormis la catégorisation phonologique, les enfants bilingues inscrits en cours d’arabe ont des performances significativement supérieures en suppression phonologique, en lecture, en compréhension en lecture et en résolution de problèmes arithmétiques. Toutefois, en classe de CP, ces résultats ne sont pas confirmés car il n’y a aucune différence significative entre les deux groupes bilingues franco-arabes aux différents indicateurs de la réussite scolaire. Ce résultat suggère que l’avantage lié à l’apprentissage de l’arabe à l’école sur les performances scolaires est différé et qu’il n’est manifeste qu’au bout de la deuxième année d’apprentissage de la langue arabe.
46 Ces résultats vont globalement dans le sens des modèles de Hamers et Blanc (2000) et de Cummins (2000), et des résultats de méta-analyses de dispositifs bilingues qui montrent un effet positif de la valorisation de la langue familiale et de son apprentissage à l’école. En apprenant leur langue familiale à l’école, les enfants bilingues franco-arabes inscrits en cours ELCO réussissent mieux les différentes épreuves que leurs pairs bilingues franco-arabes en classe de CE1. L’absence d’effet significatif sur la catégorisation phonologique pourrait s’expliquer par la facilité de l’épreuve qui nécessite moins de contrôle attentionnel pour les élèves que la suppression phonologique. Tandis que la catégorisation fait appel à un traitement épiphonologique ne nécessitant pas de contrôle intentionnel des unités linguistiques, la suppression phonologique nécessite un traitement réfléchi et intentionnel de suppression de la syllabe ou du phonème qui se trouve en position initiale (Ecalle, Magnan, & Bouchafa, 2002). Or, les travaux tendent à montrer que les enfants bilingues sont plutôt avantagés dans les tâches qui nécessitent davantage de contrôle attentionnel (Bialystok, 2001).
47 En outre, ces résultats suggèrent que l’avantage lié à l’apprentissage de l’arabe à l’école sur les performances scolaires est différé et qu’il n’est manifeste qu’au bout de la deuxième année d’apprentissage de la langue arabe. L’absence d’effet en première année du primaire nous amène à supposer que les enfants n’ont pas acquis suffisamment de connaissances permettant un effet de transfert d’une langue à l’autre.
48 S’agissant des performances langagières dans les deux langues, la comparaison entre les groupes montre, d’une part, que les performances en production lexicale en arabe, globalement basses, sont similaires chez les deux groupes bilingues franco-arabes. D’autre part, en production de mots en français, les résultats ne mettent pas en évidence de différence significative entre les deux groupes bilingues. Toutefois, les enfants monolingues présentent des performances significativement supérieures par rapport à celles des enfants bilingues franco-arabes en classe de CP, ce qui conforte les résultats de la littérature selon lesquels les enfants bilingues disposent d’un vocabulaire moins étendu que celui de leurs pairs monolingues (Bialystok, 2001). Ainsi, notre hypothèse n’est pas validée dans la mesure où elle ne montre pas d’avantage bilingue sur les performances langagières en arabe. Il semble que les cours d’arabe ne permettent pas aux élèves bilingues d’améliorer leurs connaissances lexicales dans les deux langues. Plus particulièrement, l’avantage lié à l’apprentissage de l’arabe sur les indicateurs de la réussite scolaire en classe de CE1 ne serait pas associé à une meilleure maîtrise du vocabulaire et par conséquent, à une amélioration de leurs compétences communicatives en arabe.
49À la lumière de ce résultat, l’interprétation de l’avantage bilingue observé en classe de CE1 pourrait être relativisée. Compte tenu du faible niveau des enfants en arabe (compétences lexicales hétérogènes et limitées) et de la situation de diglossie entre l’arabe dialectal et l’arabe littéral [2], l’explication linguistique d’une meilleure maîtrise de l’arabe qui va permettre un transfert des compétences de l’arabe au français ne peut être mise en avant. À l’instar des réflexions de Hoff (2006) qui souligne l’importance de la stimulation dans les deux langues (opportunités de communication auprès des pairs, modèle langagier des parents, télévision, etc.) sur le développement bilingue, nous pouvons d’ailleurs considérer que les enfants bilingues franco-arabes en contexte français peuvent difficilement développer leurs compétences langagières en arabe. Ce résultat ne peut donc faire référence à la théorie de Cummins (2000) des « seuils minimaux des compétences linguistiques » qui considère que le fait de ne pas dépasser un seuil minimal en langue première entraîne des difficultés scolaires et un handicap pour les enfants bilingues. D’une part, parce que les résultats ne vont pas dans le sens de ce modèle et d’autre part, la complexité du contexte de développement du bilinguisme franco-arabe en France ne nous autorise pas à qualifier l’arabe comme langue première des enfants que nous avons interrogés. Bouziri (2002) considère, d’ailleurs, que la langue française est l’autre langue maternelle des enfants issus de l’immigration maghrébine. De son côté, Lucchini (2007) précise que les langues enseignées en cours LCO (enseignement des langues et cultures d’origine) représentent souvent des langues secondes ou étrangères pour l’enfant car elles sont généralement différentes de la langue parlée par les parents. Même si l’arabe est leur langue familiale, les enfants dans cette étude ont globalement une meilleure maîtrise du français que de l’arabe. La majorité d’entre eux, qu’ils suivent ou pas des cours d’arabe à l’école, ne savent pas construire des énoncés dans cette langue et sont limités à des connaissances lexicales d’objets concrets. Ainsi, à l’instar des réflexions de Lucchini (2005 ; 2007) et Bertucci (2007), les enseignements de type ELCO permettraient, non pas de remédier à l’apprentissage de la langue de scolarisation, mais plutôt de promouvoir la richesse culturelle, linguistique et le développement des compétences multilingues.
50 Pour expliquer cet avantage, différentes interprétations peuvent être proposées. Tout d’abord, un lien pourrait être établi entre cet avantage et les activités de littéracie proposées dans le cadre des cours d’arabe. Conformément aux modèles de Hamers et Blanc (2000), l’apprentissage de la langue arabe à l’écrit, considéré comme une langue alphabétique transparente (Belajouza, 2011), fait appel à des tâches cognitivement exigeantes et qui permettent une meilleure prise de conscience de la structure formelle de la langue à l’écrit. Ainsi, l’enfant peut comparer les deux langues entre elles et avoir une représentation plus explicite de la structure de la langue qui faciliterait la mise en place du lien entre les formes visuelles de l’écrit et leurs caractéristiques linguistiques abstraites (Bialystok, 2001). Il pourrait être postulé également que l’enfant développe une plus grande automatisation des règles de correspondances graphèmes-phonèmes grâce à cet apprentissage qui entraîne possiblement un effet de surentraînement à ces règles. Ainsi, malgré de faibles compétences langagières en arabe et la situation de diglossie entre l’arabe dialectal et l’arabe littéral qui rend difficile l’acquisition des compétences écrites, on postule l’existence d’un transfert de stratégies de lecture d’une langue à l’autre qui faciliterait l’identification des mots écrits.
51 De plus, le fait que l'avantage bilingue concerne plutôt le groupe des enfants bilingues franco-arabes pousse aussi à interpréter les résultats obtenus en termes de valorisation de la langue d'origine et de ses répercussions sur les dimensions motivationnelles et affectives. Selon Baker (2011), l’apprentissage de la langue d’origine joue un rôle positif sur la réussite académique, sur le développement personnel (l’estime de soi, le concept de soi, etc.) et le développement social (le développement identitaire, les relations sociales avec la famille et les pairs). La reconnaissance de la langue familiale à l’école pourrait ainsi entraîner une plus grande estime de soi et une meilleure construction identitaire pour l’enfant. Aussi, la reconnaissance de la langue familiale permettrait l’établissement d’une plus grande relation de confiance entre la famille et l’école dans la mesure où l’enseignant ELCO partage la même culture.
52 Enfin, cet avantage pourrait aussi découler des pratiques éducatives familiales dans la mesure où le fait d’inscrire son enfant en classe ELCO, qui n’est pas obligatoire et dépend de la bonne volonté des parents, indique indirectement une plus grande implication de la famille dans scolarité de l'enfant. Il est ainsi possible que les parents qui inscrivent leurs enfants en cours ELCO soient plus conscients des enjeux du bilinguisme et davantage impliqués dans le suivi scolaire de leurs enfants que ceux qui ne le font pas, et que cela ait un impact significatif sur la réussite scolaire des enfants.
53 Globalement, à l’instar des réflexions de Bialystok (2001) sur les effets du bilinguisme, les résultats de cette étude n’ont permis de relever aucun effet négatif en lien avec l’apprentissage de la langue arabe à l’école sur les performances scolaires et langagières d’enfants issus de l’immigration maghrébine arabophone. Néanmoins, les résultats sont encourageants et montrent l’existence d’effets positifs de l’apprentissage de la langue familiale à l’école sur les performances scolaires, dès la classe de CE1. Ainsi, même en situation de bilinguisme peu valorisé socialement, qui se caractérise par une faible maîtrise de la langue d’origine par rapport à celle du pays d’accueil, et avec un nombre limité d’heures d’enseignement de l’arabe, les résultats vont dans le sens d’une meilleure réussite scolaire.
54 Il est toutefois nécessaire de nuancer ce résultat et de noter la contribution possible d’autres facteurs (facteurs sociaux, profil bilingue, situation de diglossie, etc.) sur cet avantage. De plus, il importe de tenir compte des limites de cette étude qui se situent tant au niveau de l’échantillon que des outils utilisés. En effet, il est à noter l’hétérogénéité des enfants interrogés et de leurs familles à différents niveaux (la maîtrise des deux langues à l’oral et à l’écrit, les catégories socioprofessionnelles, les dialectes de l’arabe qui sont différents dans les pays du Maghreb et le parcours migratoire de chaque famille). De plus, cette étude aurait gagné à utiliser davantage d’épreuves évaluant les compétences langagières et les compétences en lecture en arabe et en français en vue de mieux contrôler et de dégager les profils bilingues de chaque enfant. Notons également que seule une étude longitudinale aurait permis de vérifier s’il existe un effet différé de l’apprentissage de la langue arabe sur les performances scolaires.
55 Enfin, les résultats de cette recherche ont des retombées pratiques intéressantes dans la mesure où ils mettent en évidence des variables pouvant favoriser la réussite scolaire et le développement personnel des enfants issus de l'immigration. Ainsi, il serait profitable pour les établissements scolaires d'intégrer une didactique du plurilinguisme basée sur une reconnaissance du répertoire langagier des enfants et d'encourager la mise en place de dispositifs d'apprentissage de la langue familiale. En apprenant l'arabe, qui, en outre, a une forte valeur identitaire, l'enfant issu de l'immigration maghrébine arabophone arriverait, par effet de contraste, à des connaissances plus explicites des langues apprises et à mieux comprendre le principe alphabétique. Tout cela participerait, au final, à une meilleure réussite scolaire tout en favorisant sa construction identitaire et son développement affectif.
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Mots-clés éditeurs : classe elco, performances scolaires et langagières, bilinguisme
Mise en ligne 01/11/2017
https://doi.org/10.3917/enf1.134.0349Notes
-
[1]
La catégorie défavorisée intègre, selon MEN-DEPP (2010), les catégories socioprofessionnelles suivantes : ouvriers, retraités ouvriers et employés, chômeurs n’ayant jamais travaillé, personnes sans activité professionnelle.
-
[2]
Pour certains auteurs (Eviatar & Ibrahim, 2000), l’arabe littéral représente une deuxième langue pour les enfants arabophones. Cela laisse supposer que l’exposition à l’arabe littéral entraîne l’enfant bilingue franco-arabe à une situation de trilinguisme.