Introduction
1 Malgré des décennies de recherche, les explications théoriques du harcèlement scolaire (bullying en anglais) restent rares (Salmivalli & Peets, 2009). Si les recherches actuelles soulignent l’importance et la multiplicité des influences contextuelles (par ex. Galand, Hospel, & Baudoin, 2014 ; Swearer & Hymel, 2015), la question des différences individuelles subsiste : pourquoi certains enfants s’engagent-ils dans des conduites de harcèlement et d’autres pas ? Deux modèles dominants, mais antagonistes, coexistent à ce sujet depuis les années 1990. Le premier attribue les comportements de harcèlement à l’existence de déficits sur le plan des compétences sociales (Crick & Dodge, 1994), tandis que le second les assimile à des comportements stratégiques et efficaces, qui témoignent au contraire de bonnes compétences sociales (Sutton, Smith, & Swettenham, 1999a). Chaque camp a avancé des résultats empiriques en sa faveur, sans que ceux-ci ne permettent de départager les deux postulats théoriques. Par conséquent, les résultats de recherche actuels n’apportent pas un éclairage satisfaisant sur les mécanismes sous-jacents au harcèlement, ni sur les trajectoires développementales pouvant conduire à son émergence (Volk, Camilleri, Dane, & Marini, 2012). En réponse à cette divergence de résultats, certains auteurs ont fait l’hypothèse d’une hétérogénéité de profils au sein des harceleurs (Peeters, Cillessen, & Scholte, 2010). Il faut souligner l’importance de notre compréhension des comportements de harcèlement, qui affecte la conception et l’efficacité des interventions (Peeters et al., 2010). Sans représentation claire et juste de la nature du harcèlement, des interventions potentiellement complexes et coûteuses risquent fort de ne pas démontrer l’efficacité attendue (Arsenio & Lemerise, 2001).
2 Dans cette perspective, le présent article propose une sélection, sur base de la littérature existante, de dimensions pertinentes pour appréhender le plus justement possible la diversité de profils parmi les auteurs de harcèlement et permettre, de cette manière, l’élaboration d’interventions plus efficaces. Après avoir présenté les deux grands modèles du harcèlement précédemment évoqués, l’article expose une série de résultats soutenant l’hypothèse d’une dualité de profils parmi les harceleurs. Ensuite, il tente d’identifier à travers la littérature les caractéristiques distinctives et les caractéristiques communes aux deux profils présumés. Quatre dimensions distinctives et deux dimensions communes sont avancées. L’article examine également l’hypothèse d’une correspondance entre le statut de harceleur ou de harceleur-victime et les deux profils mis en avant par les modèles théoriques. D’autre part, une articulation théorique est proposée entre la question de l’hétérogénéité des profils et les aspects développementaux liés au harcèlement. Enfin, les implications en termes de conception d’interventions et de prévention du harcèlement sont discutées. Les bénéfices et inconvénients de deux approches potentielles sont présentés. Une troisième option est proposée par les auteurs pour tenter de combiner les deux approches précédentes tout en remédiant aux risques de chacune. Au final, dans les conclusions de ce travail, les auteurs invitent les futures recherches à considérer la nature hétérogène du harcèlement ainsi que son interaction avec les aspects développementaux, en vue de concevoir des interventions plus adaptées à cette diversité.
Modèles explicatifs du harcèlement
Traitement de l’information sociale et modèle du déficit de compétences sociales
3 Le harcèlement a d’abord été appréhendé dans le cadre de modèles du « déficit de compétences sociales », et plus particulièrement celui du traitement de l’information sociale (Social Information Processing) développé par Dodge, Pettit, McClaskey et Brown en 1986, puis reformulé quelques années plus tard (Arsenio & Lemerise, 2001). Cette version révisée propose la succession des six étapes suivantes : l’encodage des indices sociaux ; leur interprétation ; la clarification de l’issue souhaitée ; la construction ou la recherche d’une réponse parmi les possibilités en mémoire ; la sélection d’une réponse ; et enfin, la mise en acte de celle-ci (Crick & Dodge, 1994). Initialement appliqué à l’agression en général, ce modèle explique les comportements inadaptés ou incompétents d’un individu, tels que l’agression chronique, par des déficits à l’une ou plusieurs de ces étapes (Sutton, Smith & Swettenham, 1999c). Arguant que le harcèlement correspond à un sous-type d’agression, Crick et Dodge (1994) affirment que leur modèle y est tout autant adapté. Pour eux, à l’instar des enfants agressifs, les harceleurs attribuent des intentions hostiles à leurs pairs et par conséquent, réagissent avec une agressivité excessive (Peeters et al., 2010). Crick et Dodge excluent la possibilité que des cognitions sociales totalement compétentes puissent résulter en un comportement inadéquat tel que le harcèlement (Crick & Dodge, 1994 ; Arsenio & Lemerise, 2001 ; Peeters et al., 2010).
Théorie de l’esprit et manipulation sociale
4 À la même époque, cette conception du harceleur comme un être dominateur, mais peu dégourdi et manquant de compréhension sociale est jugée « stéréotypée » par Sutton et al. (1999a ; 1999b), qui affirment qu’au moins une partie des harceleurs est vraisemblablement dotée de bonnes compétences sociocognitives, utilisées pour manipuler et dominer autrui (Arsenio & Lemerise, 2001). Selon eux, harceler « efficacement » requiert nécessairement une grande habileté à manœuvrer non seulement la ou les victimes, mais aussi les spectateurs présents, afin qu’ils ne s’opposent pas à ces comportements (Sutton et al., 1999b). En effet, comme ces auteurs le soulignent, la plupart des scènes de harcèlement se déroulent en présence de témoins, ce qui confirme la nature éminemment sociale du phénomène (Sutton et al., 1999b). De plus, il a très tôt été admis que l’accès à des formes plus subtiles et plus évoluées d’agression, telles que les agressions indirectes et relationnelles, est permis par un certain degré de maturation des compétences sociales et verbales (Björkqvist, Lagerspetz, & Kaukiainen, 1992). Pour Sutton et al. (1999a), l’utilisation performante par les harceleurs de leurs capacités sociales en vue d’atteindre leurs buts est déterminée par leur aptitude à attribuer des états mentaux internes (dont des croyances, désirs et intentions) aux autres ainsi qu’à eux-mêmes, ou « théorie de l’esprit » (Theory of Mind ; Bartsch & Wellman, 1989). Comprendre le point de vue d’autrui et être capable de manipulation implique nécessairement la possession d’une certaine intelligence sociale (Peeters et al., 2010).
5 Approfondissant l’idée de Sutton et al., d’autres chercheurs ont suggéré que le harcèlement visait très précisément à établir une position dominante et à atteindre un haut statut social au sein du groupe de pairs (par ex. Pellegrini & Long, 2002 ; Salmivalli & Peets, 2009 ; Vaillancourt, Hymel, & McDougall, 2003). Bien que relevant d’une motivation individuelle, une recherche de domination sociale est indissociable du fonctionnement du groupe (Salmivalli, 2010). Dans cette perspective, une série de travaux de recherche ont examiné la réaction des témoins de scènes de harcèlement et son impact sur les comportements du harceleur (par ex. O’Connell, Pepler, & Craig, 1999 ; Salmivalli, Lagerspetz, Björkqvist, Österman, & Kaukiainen, 1996). Les résultats de ces recherches ont mis en évidence une influence notable du comportement des témoins, qui renforcent, ou au contraire dissuadent les comportements du harceleur au travers de leur réaction (ou de leur absence de réaction) (Salmivalli, 2010).
6 Malheureusement, ces recherches rapportent également que les réactions de soutien à la victime de la part des témoins sont rares. Plusieurs raisons sont évoquées pour expliquer ce manque de réaction, qui est par ailleurs en contradiction avec les attitudes anti-harcèlement déclarées par la plupart des enfants (par ex. Boulton, Trueman, & Flemington, 2002). Salmivalli (2010) évoque notamment le classique « effet du spectateur » (Darley & Latane, 1968) : quand une situation potentiellement dangereuse est observée par beaucoup de personnes, il est moins probable que l’une d’elles tente d’intervenir. Une certaine diffusion de la responsabilité peut également être un facteur d’explication, tout comme le fait que les enfants régulent leur réaction en fonction de celle des autres (« si personne ne réagit, c’est que la situation ne le nécessite pas ») (Salmivalli, 2010 ; pour une étude sur la façon dont les enfants sont influencés par les réactions des autres, voir Gini, Pozzoli, Borghi, & Franzoni, 2008.) De plus, vouloir se distancier de victimes de harcèlement peut être considéré comme un comportement plutôt adaptatif, et adopter les mêmes attitudes qu’un harceleur dominant peut aussi renforcer le sentiment d’appartenance au groupe (Salmivalli, 2010).
7 En résumé, deux modèles généraux tentant d’expliquer les comportements de harcèlement ont coexisté jusqu’ici (Salmivalli & Peets, 2009) : le modèle du traitement de l’information sociale soutenu par Crick et Dodge (1994) postule que les comportements de harcèlement procèdent de déficits sociaux, tandis que la conception alternative proposée par Sutton et al. (1999a ; 2001) envisage le harcèlement comme un comportement potentiellement très efficace en fonction du contexte (même si également socialement indésirable) (Peeters et al., 2010). Ce comportement est par ailleurs généralement renforcé par l’attitude du groupe et entraîne le gain en domination recherché par son auteur, ce qui conduit à son maintien (Salmivalli, 2010). Depuis les années 1990, des résultats empiriques ont été engrangés par chacun des deux camps, ne permettant donc pas de départager les deux perspectives théoriques. Pour des chercheurs comme Peeters et al. (2010), cette dualité ne peut se résoudre qu’en faisant l’hypothèse d’une hétérogénéité au sein des harceleurs.
Hétérogénéité parmi les auteurs de harcèlement
Résultats en faveur de l’hypothèse d’une hétérogénéité des harceleurs
8 Au sujet de l’agression en général, Farmer et Xie (2007) dressent des constats proches de ceux précédemment évoqués au sujet du harcèlement : les jeunes agressifs sont communément vus comme isolés et peu doués socialement et cette idée est appuyée par une abondance de résultats empiriques. Néanmoins, il ne s’agit là que d’une face du problème et il apparaît que près de 50 % des jeunes agressifs ne sont pas rejetés par leurs pairs (Coie & Dodge, 1998). Certains sont même considérés comme populaires par leurs pairs et leurs enseignants, et occupent une place centrale dans la hiérarchie sociale (par ex. Rodkin, Farmer, Pearl, & VanAcker, 2000 ; Cillessen & Mayeux, 2004). Pour Farmer et Xie (2007), ces divergences font état de la complexité des dynamiques sociales qui sous-tendent les comportements agressifs. Ils proposent la coexistence de deux univers sociaux de l’agression à l’école : le premier composé de jeunes socialement marginalisés ; le second, de jeunes influents et bien intégrés.
9 Dans leur étude de 2010, Peeters et al. mettent à l’épreuve l’hypothèse d’une non-uniformité des caractéristiques des harceleurs et explorent l’intelligence sociale, le raisonnement moral, la popularité et le style d’agression parmi ces derniers. Sur base d’analyses en clusters, ils obtiennent une diversité significative sur le plan de l’intelligence sociale et de la popularité, impliquant, tant chez les filles que chez les garçons, un sous-groupe à chaque extrémité du continuum : socialement intelligent et populaire ; peu intelligent socialement et impopulaire. Dans leur discussion, ces auteurs suggèrent qu’il puisse y avoir d’importantes différences entre ces sous-groupes en termes de motivation sous-jacentes au harcèlement. Une étude testant plusieurs hypothèses explicatives du harcèlement (Galand & Baudoin, 2015) ouvre des perspectives intéressantes à ce sujet : les deux pistes étiologiques soutenues par les résultats sont celles de la déviance (le harcèlement est la manifestation d’un problème plus global d’agressivité ou de comportement externalisé) et de la dominance (le harcèlement est une stratégie visant à s’assurer un statut dominant au sein du groupe de pairs).
10 Par ailleurs, des effets différenciés ont été constatés en fonction de la popularité des harceleurs dans le cadre d’un programme anti-harcèlement reconnu, suggérant que les harceleurs populaires sont plus difficilement réceptifs aux interventions (Garandeau, Lee &, Salmivalli, 2014), ce qui conforte l’idée d’une disparité entre les harceleurs.
Caractéristiques communes et spécifiques des deux profils supposés
11 Si l’on admet l’existence d’au moins deux « profils » de harceleurs contrastés, chacun correspondant à l’un des deux modèles dominants dans la littérature (modèle « déficitaire » et modèle « stratégique »), il nous faut ensuite identifier les caractéristiques spécifiques à chacun de ces profils (Cillessen & Rose, 2005), ainsi que leurs éventuelles caractéristiques communes. La présente section vise à dégager, sur base des études existantes, les dimensions les plus pertinentes sur lesquelles ces deux groupes se distinguent, d’une part, et sur lesquelles ils semblent se rejoindre, d’autre part.
Popularité
12 Le harcèlement a été associé au rejet par les pairs dans de nombreuses études utilisant une mesure traditionnelle de popularité sociométrique, qui est une mesure de préférence sociale et identifie les enfants appréciés par leurs pairs (par ex. Pellegrini, Bartini, & Brooks, 1999 ; Salmivalli et al., 1996 ;…). Or, plus récemment, une autre façon d’appréhender la popularité a été suggérée : la popularité perçue – aussi qualifiée de consensuelle (de Bruyn & Cillessen, 2006) –, qui fait référence au pouvoir social et à la réputation. Dans l’étude de Parkhurst et Hopmeyer (1998), les élèves ayant une forte popularité sociométrique étaient considérés par leurs pairs comme amicaux et dignes de confiance, tandis que les élèves ayant une forte popularité perçue étaient décrits comme dominants, agressifs et arrogants. De nombreuses études ont démontré que des enfants agressifs, tels que les harceleurs, pouvaient ne pas être appréciés par leurs pairs, mais toutefois être perçus comme populaires (par ex. Caravita, Blasio, & Salmivalli, 2008 ; de Bruyn & Cillessen, 2006 ; Rodkin, Farmer, Pearl, & van Acker, 2000 ; Farmer, Estell, Bishop, O’Neal, & Cairns, 2003 ; Cillessen & Rose, 2005). L’étude de Vaillancourt et al. (2003) met en évidence les deux sous-groupes de harceleurs sur base de leur pouvoir social : un premier sous-groupe correspondant à l’image traditionnelle des harceleurs – peu intégrés socialement et présentant des troubles psychologiques – et un second, composé de harceleurs dotés de compétences sociales et occupant un haut statut dans le groupe.
13 Ainsi, la popularité perçue semble représenter un bon critère de distinction entre les deux profils avancés.
Agression réactive et proactive
14 Des divergences sociales liées au style d’agression ont très tôt été mises en évidence dans la littérature. Par exemple, en 1987, Dodge et Coie remarquaient que les enfants utilisant l’agression proactive (qui ne survient pas en réaction à une menace, réelle ou perçue) étaient plus susceptibles d’être vus comme des leaders que les enfants utilisant l’agression réactive ou que ceux utilisant les deux formes. Ils observaient également que les enfants utilisant l’agression réactive interprétaient moins bien les situations sociales. Enfin, les enfants utilisant l’agression proactive n’étaient pas moins appréciés socialement que les enfants non-agressifs.
15 L’agression réactive est caractérisée par des réponses hostiles, impulsives et défensives à des menaces ou provocations (réelles ou perçues). L’agression proactive, au contraire, est calculée, dirigée vers un but, et liée à différents aspects de l’adaptation sociale, tels que la popularité, la dominance et les compétences de communication (Gasser & Keller, 2009).
16 L’association respective de chacun des types d’agression avec l’un des deux portraits de harceleurs transparaît de façon assez explicite dans la description offerte par Gasser et Keller. L’utilisation de l’agression réactive versus proactive paraît donc pouvoir également permettre de différencier les deux profils de harceleurs évoqués.
Comportements prosociaux et antisociaux
17 Par ailleurs, certains auteurs ont proposé une analyse fonctionnelle de l’agression, en utilisant le concept de dominance sociale importé de l’éthologie (Hawley, 1999 ; Pellegrini, 2008) : les stratégies utilisées dans la compétition sociale peuvent être soit de nature coercitive (comportements hostiles et agressifs), soit de nature prosociale (comportements coopératifs) et ces auteurs suggèrent que certains jeunes, en utilisant les deux types de stratégies, parviendraient à maximiser les opportunités sociales et à atteindre une position dominante dans le groupe. En accord avec leurs théories, les résultats de Lafontana et Cillessen (2002) ont mis en évidence que les élèves perçus comme très populaires dosaient leurs comportements prosociaux et antisociaux avec adresse, leur permettant ainsi d’accéder à la domination sociale. Dans son étude de 2003, Hawley observe que les élèves recourant à la fois à des stratégies coercitives (agressives) et prosociales (les « bi-stratégiques ») occupent une place centrale dans le groupe, sont socialement doués et font preuve d’une bonne adaptation psycho-sociale.
18 En se basant sur l’approche liée aux buts (goal-framing approach) de Lindeberg (2008), Huitsing et Veenstra (2012) expliquent que les buts de statut social et d’affection sont tous deux essentiels pour l’être humain (Sijtsema, Veenstra, Lindenberg, & Salmivalli, 2009 ; Hawley, 2003) et qu’il est donc préférable d’atteindre l’un sans pour autant compromettre l’autre. En parlant des harceleurs « stratégiques » uniquement (qu’ils qualifient de harceleurs « instrumentaux » par opposition aux harceleurs « réactifs »), ces auteurs déclarent que ceux-ci vont donc s’efforcer de dominer leurs pairs sans perdre l’affection de ceux qui comptent à leurs yeux (les « significant others »). C’est en tout cas ce qui se dégage des résultats de leur étude ; les harceleurs faisant à la fois preuve de comportements de défense (généralement considérés comme des comportements prosociaux) à l’égard d’autres harceleurs, et de comportements de harcèlement (antisociaux) envers des enfants impopulaires et possiblement rejetés.
19 En somme, ces différents résultats vont dans le sens d’une distinction entre les deux profils de harceleurs examinés en termes d’usage – conjoint ou non – des comportements prosociaux et antisociaux.
Impulsivité
20 L’impulsivité, ou le fait d’agir sans réfléchir aux conséquences de ses actions (Jolliffe & Farrington, 2011) a été mise en lien avec le harcèlement par de nombreux travaux (par ex. Olweus, 1993 ; Farrington & Baldry, 2010 ; Fanti & Kimonis, 2012 ; Low & Espelage, 2014). Corroborant ces résultats, un lien a également été établi entre le harcèlement et les troubles de l’attention avec hyperactivité (Attention Deficit Hyperactivity Disorder) (par ex. Unnever & Cornell, 2003). Toutefois, d’autres études ont mis en évidence que si une partie des harceleurs présente effectivement des déficiences d’autorégulation, une autre partie d’entre eux se distingue précisément pour son utilisation contrôlée des comportements de harcèlement (Hawley, 1999 ; Schwartz, 2000 ; Toblin, Schwartz, Gorman, & Abou-ezzeddine, 2005 ; Gasser & Keller, 2009). Nous verrons un peu plus loin et plus en détails à quels sous-groupes respectifs de harceleurs ces deux parties correspondent.
21 Ces résultats suggèrent que les deux catégories présumées de harceleurs se distinguent notamment sur le plan de l’impulsivité.
Empathie
22 Contrairement à une idée généralement répandue, à l’heure actuelle, le lien entre empathie et harcèlement est loin d’avoir été clarifié (van Noorden, Haselager, Cillessen, & Bukowski, 2015). On considère généralement que l’empathie englobe à la fois une dimension cognitive (l’aptitude à comprendre l’émotion d’autrui) et une dimension affective (la capacité à expérimenter l’émotion d’une autre personne) (Jolliffe & Farrington, 2011). C’est cet accent mis sur les émotions qui différencie l’empathie du concept de théorie de l’esprit, centré, lui, sur l’attribution d’états mentaux (van Noorden et al., 2015). Dans leur récente revue systématique sur le sujet, van Noorden et al. (2015) rapportent l’inconsistance globale des résultats concernant l’empathie cognitive : certaines études indiquent une association négative avec le harcèlement, alors que d’autres concluent à une absence d’association, ou même à une association positive. Les résultats au sujet de l’empathie affective présentent davantage de cohérence : la plupart de ces études rapportent une association négative avec le harcèlement. Ce constat n’est toutefois pas unanime, certaines études ne trouvant pas de lien entre les deux (par ex. Caravita, Blasio, & Salmivalli, 2010).
23 Au total, on peut aisément imaginer que la mixité des résultats concernant l’empathie cognitive trouve en partie son origine dans l’hétérogénéité postulée parmi les harceleurs : une faible compréhension des émotions d’autrui allant plutôt de pair avec le modèle déficitaire du harcèlement (Crick & Dodge, 1994), tandis qu’une bonne compréhension de ces émotions semble bien faire partie du panel de compétences jugées nécessaires par Sutton et al. (1999a) pour être en mesure de manipuler ses pairs efficacement. La dimension d’empathie affective, en revanche, pourrait représenter une caractéristique commune aux deux profils de harceleurs proposés.
Désengagement moral
24 Une majorité d’élèves exprime des attitudes en défaveur du harcèlement (par ex. Menesini, Eslea, Smith, Genta, Giannetti, Fonzi, & Costabile, 1997 ; Boulton et al., 2002). L’apparition et le maintien paradoxaux de celui-ci dans les écoles a poussé les chercheurs à s’intéresser au domaine moral, et particulièrement à l’absence d’uniformité dans la conduite morale. (Levasseur, Desbiens, & Bowen, 2014). L’une des traditions de recherche s’inscrivant dans une approche normative de la morale est proposée par Bandura (2002), à travers le concept de désengagement moral. Le désengagement moral permet à un individu de reléguer au second plan ses principes moraux au profit d’autres impératifs contextuels, et d’éviter les sentiments de honte et de culpabilité qui suivent généralement une transgression morale (Bandura, 2002). Il s’agit par ailleurs d’un processus graduel ; les mécanismes liés au désengagement et les transgressions se renforçant mutuellement à travers le temps (Gini, Pozzoli, & Hymel, 2014). Bandura propose quatre catégories de mécanismes de désengagement moral : 1) la restructuration cognitive (justifier l’action immorale en vertu d’une fin plus importante ; étiqueter l’action immorale de façon à la faire paraître plus acceptable ou moins négative ; comparer l’action immorale à une action encore davantage immorale), 2) la minimisation de la responsabilité (rejeter la responsabilité sur autrui ; diffuser la responsabilité à l’ensemble des personnes impliquées), 3) la distorsion des conséquences (ignorer ou minimiser les conséquences) et 4) les attributions liées à la victime (déshumaniser la victime ; attribuer le blâme à la victime) (Thornberg & Jungert, 2014). De nombreuses études ont démontré que les harceleurs faisaient preuve de davantage de désengagement moral que leurs pairs (victimes et non-impliqués) (par ex. Menesini, Sanchez, Fonzi, Ortega, Costabile, & Feudo, 2003 ; Pozzoli, Gini, & Vieno, 2012 ; Obermann, 2011 ; Barchia & Bussey, 2011).
25 Tout comme l’empathie affective, le désengagement moral pourrait correspondre à une caractéristique commune aux deux profils de harceleurs supposés.
26 Les perspectives liées au désengagement moral ont également ceci d’intéressant qu’elles proposent une lecture différente des résultats mettant en lien le harcèlement et une faible empathie affective. En effet, si l’activation de différents mécanismes de désengagement moral permet d’inhiber ses principes moraux, ne pourrait-t-on pas supposer qu’ils puissent également inhiber l’empathie affective ? Le désengagement moral étant un processus progressif, on peut imaginer que l’empathie affective est également graduellement inhibée, ce qui évoquerait alors plutôt l’idée d’un « blocage » que d’un « manque » substantiel d’empathie affective chez une partie au moins des harceleurs.
Hypothèse d’un recouvrement entre harceleurs-victimes et harceleurs déficitaires
27 Selon Peeters et al. (2010), la supposition que les harceleurs ne constituent pas un groupe uniforme se reflète notamment dans la distinction entre « harceleurs » et « harceleurs-victimes » (c-à-d. les élèves qui harcèlent mais sont également harcelés) (Haynie, Nansel, Eitel, Crump, Saylor, & Simons-Morton, 2001 ; Schwartz, 2000). Olthof, Goossens, Vermande, Aleva et van der Meulen (2011) insistent également sur l’importance de distinguer ce sous-groupe de harceleurs. Ce point est important car beaucoup d’études sur les harceleurs ne tiennent pas compte du niveau de victimisation concomitante (Galand, Dernoncourt, & Mirzabekiantz, 2009 ; Olthof et al., 2011). Or les différentes études ayant examiné les traits propres à cette catégorie d’enfants harceleurs-victimes (parfois appelés « victimes agressives/provocantes ») ont rapporté des caractéristiques concordant fortement avec le profil décrit par le modèle « déficitaire ».
28 Ainsi, selon Gasser et Keller (2009), un critère pertinent pour distinguer les harceleurs « stratégiques » des harceleurs « déficitaires » réside précisément dans leur statut de harceleur « pur » ou de harceleur-victime : les harceleurs-victimes font preuve d’une utilisation inefficace de l’agression en réagissant impulsivement et de façon inadéquate aux situations sociales. À l’inverse, les harceleurs « purs » sont réputés pour utiliser efficacement et de façon contrôlée les comportements d’agression, leur donnant accès à une position sociale privilégiée. Ces auteurs soulignent également le parallèle existant entre ces sous-groupes de harceleurs (purs ou harceleurs-victimes) et l’utilisation de l’agression réactive et proactive précédemment évoquée.
29 En somme, il apparaît que l’on peut raisonnablement faire l’hypothèse d’une correspondance entre, d’une part, le groupe de harceleurs « purs » et le profil « stratégique », et, d’autre part, le groupe de harceleurs-victimes et le profil « déficitaire ».
Aspects développementaux liés au harcèlement
30 Les comportements de harcèlement sont liés à l’évolution développementale des compétences sociales et cognitives des enfants (Vlachou, Andreou, Botsoglou, & Didaskalou, 2011). On sait, par exemple, que les formes d’agression employées évoluent en fonction de l’âge : si les agressions physiques sont présentes dès la petite enfance, l’accès aux formes indirectes et relationnelles se fait plus tardivement, lorsque le degré de maturation des compétences sociales et verbales l’autorise (Björkqvist et al., 1992).
31 Entre l’enfance et l’adolescence, des changements dans l’importance donnée au statut social ont été suggérés par les théories et par les résultats empiriques (LaFontana & Cillessen, 2009). À travers l’utilisation de vignettes hypothétiques, LaFontana et Cillessen (2009) examinent le degré avec lequel les enfants et adolescents donnent la priorité à leur statut social au détriment d’autres domaines liés à leur vie sociale (e.g. maintenir une amitié, poursuivre une relation amoureuse, réussir scolairement…). Globalement, leurs résultats montrent une progression de l’importance accordée au statut social durant les années primaires et le début du secondaire (collège), puis une stabilisation en fin de secondaire (lycée) et au début des études supérieures.
32 Yeager, Fong, Lee et Espelage ont proposé d’aborder la question de l’hétérogénéité parmi les harceleurs sous un angle développemental (2015) : selon eux, chacune des deux conceptions (« déficitaire » et « stratégique ») est pertinente, mais s’applique en revanche à des degrés différents selon la tranche d’âge concernée. Les auteurs présentent deux types de résultats empiriques pour appuyer leur perspective : ils mettent tout d’abord en avant, chez les enfants d’âge primaire, les liens existant entre différentes faiblesses sociocognitives (impulsivité, faibles compétences de résolution de situations sociales, faibles capacités liées à la théorie de l’esprit) et le harcèlement (par ex. Cook, Williams, Guerra, Kim, & Sadek, 2010). Ensuite, ils soulignent l’inversion progressive et croissante de cette tendance au cours de l’adolescence, le harcèlement devenant à cette période un indicateur de bonnes compétences interpersonnelles (par ex. Caravita et al., 2008). Caravita et al. (2008) remarquent ainsi que l’empathie cognitive est positivement associée au harcèlement à l’adolescence, mais pas chez les enfants plus jeunes. Ceci confirme, selon eux, la perspective de Sutton (2003), mais suggère aussi que ce type de harceleurs est plus fréquent chez les adolescents.
33 Ces résultats semblent indiquer une prédominance du profil de harceleurs « déficitaires » chez les jeunes enfants, qui, au fil du développement, va progressivement céder la place au profil de harceleurs « stratégiques » à l’adolescence.
Implications pour la conception d’interventions anti-harcèlement
34 Au regard des arguments empiriques et théoriques en faveur d’une hétérogénéité chez les harceleurs, il semble désormais peu défendable de continuer à adopter une conception unique du harcèlement. Pour Hawley et Williford (2015), si certaines croyances peuvent persister en ce sens au sein du grand public, considérer que tous les harceleurs sont des brutes dénuées de compétences sociales fait aujourd’hui résolument figure de « cliché » dans le monde scientifique.
35 Ce développement théorique a d’importantes répercussions en matière de prévention et d’intervention. Selon Volk et al. (2012), le peu d’effets positifs produits par les interventions anti-harcèlement (Galand, 2017 ; Merrell, Gueldner, Ross, & Isava, 2008) pourrait être en partie lié à l’absence de prise en compte de l’hétérogénéité des comportements de harcèlement. Face au harcèlement dans les écoles, la stratégie de l’approche universelle (« one size fits all ») semble caduque (Peeters et al., 2010). Dans cette optique, les interventions ciblant l’ensemble du groupe, par exemple celles qui visent à modifier les attitudes des témoins (Salmivalli, Kaukiainen, & Voeten, 2005), représenteraient de bons candidats pour agir sur les comportements des harceleurs socialement doués et populaires. En revanche, les interventions individuelles qui mettent davantage l’accent sur les compétences sociales (Rigby, 2010) seraient plus adéquates pour les harceleurs « déficitaires » ou harceleurs-victimes (Peeters et al., 2010 ; Volk et al., 2012).
36 Ces recommandations sont judicieuses, mais ne donnent pas d’informations sur la façon de concilier, au sein d’un même programme d’intervention, des modalités et objectifs aussi contrastés. Or, il n’y a aucune raison théorique de penser que les deux profils de harceleurs ne sont pas distribués aléatoirement au sein des groupes-classes, menant de ce fait à une hétérogénéité intra-classes. La question se pose de savoir quelle stratégie adopter en termes d’intervention en vue d’appréhender cette hétérogénéité. Ici, les points de vue des auteurs divergent : Volk et al. encouragent la conception d’interventions suffisamment flexibles pour rencontrer les différents besoins individuels (2012), mais Peeters et al. préconisent d’adapter les programmes d’intervention aux profils auxquels on a affaire (2010). Ces deux positions reflètent, selon nous, deux approches possibles en matière de conception d’interventions anti-harcèlement.
37 La première consiste à concevoir des programmes contenant à la fois des composants destinés aux harceleurs « déficitaires » et des composants destinés aux harceleurs « stratégiques ». Un constat dans la littérature en faveur de cette approche concerne la corrélation positive entre la multiplicité des composants des programmes anti-harcèlement et leur efficacité (Farrington & Ttoffi, 2009). Pour Bradshaw (2015), étant donné la nature complexe du harcèlement, il est recommandé que les écoles mettent en place une variété de composants, qui vont cibler différents aspects du harcèlement et du climat qui lui est propice. L’idée sous-jacente de cette approche est donc que diversifier les éléments ciblés par les programmes permet d’englober la diversité de profils de harceleurs. Cette démarche présente cependant deux inconvénients principaux. Premièrement, elle complique considérablement l’identification des effets propres à chaque composant et donc le repérage des leviers d’action efficaces. Deuxièmement, on s’expose au risque de produire des effets défavorables sur les comportements de harcèlement, en renforçant des compétences précisément utilisées par une partie des harceleurs à des fins de victimisation (par exemple l’empathie cognitive chez les harceleurs « stratégiques ») (Jolliffe & Farrington, 2011).
38 La seconde approche propose de différencier les interventions selon le profil de harceleurs concerné. Bien qu’attirante, cette perspective comporte plusieurs difficultés. Tout d’abord, elle suppose la capacité de distinguer de manière fiable les différents profils de harceleurs parmi les élèves. Or, il n’existe pas encore d’outil validé permettant cette identification. Les études pionnières tentant de repérer les dimensions adéquates pour distinguer les différents profils apportent des premiers éléments de réponse substantiels, et peuvent permettre d’orienter les travaux de recherche ultérieurs. La victimisation pourrait également représenter un indicateur pertinent. De plus, il est nécessaire d’inférer correctement les leviers d’actions permettant d’influencer les comportements de harcèlement de chacun des profils. Différencier les interventions selon les profils présente également un risque, qui est celui d’induire une forme de ségrégation entre les élèves recevant différentes formes d’intervention, voire même de la stigmatisation, qui sont susceptibles de renforcer des dynamiques relationnelles négatives et propices au harcèlement.
39 Nous proposons ici une démarche alternative à ces deux approches, qui tente de les combiner en vue de capitaliser les avantages de chacune tout en évitant leurs inconvénients respectifs. Cette troisième approche implique tout d’abord d’isoler expérimentalement les différents composants des programmes et de tester leurs effets sur chacun des profils, préalablement identifiés sur base des caractéristiques pertinentes mises en avant par la littérature (et dont cet article propose une sélection). Il est également conseillé de répliquer ces expérimentations auprès de différentes tranches d’âge, afin de prendre en compte les aspects développementaux inhérents au harcèlement (Yeager et al., 2015). Ensuite, l’objectif est de repérer les composants qui auront potentiellement démontré des effets bénéfiques sur les deux profils. Nous pouvons faire l’hypothèse que des interventions ciblant les dimensions d’empathie affective et de désengagement moral, qui ont été suggérées comme étant communes aux deux profils dans cet article, puissent entraîner ces effets de double bénéfice. Enfin, à partir des résultats de recherche recueillis au cours des étapes précédentes, il est possible de développer des programmes réunissant les composants favorables aux deux sous-groupes, et pouvant être dispensés à l’ensemble du groupe classe. Il s’agit là d’un vaste projet, impliquant de nombreuses recherches additionnelles, mais la prise en compte de l’hétérogénéité des harceleurs dans la conception d’interventions pourrait bien représenter, selon Peeters et al. (2010), le prochain grand défi de la recherche sur le harcèlement.
Conclusion
40 En résumé, deux visions antagonistes au sujet des harceleurs ont coexisté jusqu’ici. La première explique les comportements de harcèlement en termes de déficit de compétences sociales, menant à des réponses inadaptées telles que l’agression (Crick & Dodge, 1994). La seconde décrit le harcèlement comme un comportement stratégique et efficace pour atteindre des buts de dominance dans le groupe, qui est renforcé par l’attitude des témoins (Sutton et al., 1999a, 2001 ; Salmivalli, 2010). L’inconsistance des résultats empiriques amassés depuis les années 1990 a conduit certains auteurs à postuler une hétérogénéité au sein des harceleurs (Peeters et al., 2010). Dans cet article, nous avons tenté d’identifier, sur base de la littérature scientifique, les caractéristiques permettant de distinguer les deux profils de harceleurs (« déficitaire » et « stratégique »), ainsi que leurs caractéristiques communes. La popularité, l’utilisation de l’agression proactive et réactive, la gestion des comportements prosociaux et antisociaux et l’impulsivité ont été repérées comme des dimensions permettant de différencier les deux sous-groupes. L’empathie affective et le désengagement moral ont été considérés comme des dimensions communes aux deux profils. L’hypothèse d’un recouvrement entre les catégories de harceleurs « purs » et harceleurs-victimes, d’une part, et les profils « déficitaire » et « stratégique », d’autre part, a été argumentée. Ensuite, la question de l’hétérogénéité parmi les harceleurs a été examinée dans une perspective développementale, suggérant une prédominance du profil « déficitaire » chez les enfants plus jeunes, puis du profil « stratégique » à l’adolescence (Yeager et al., 2015). Enfin, les risques et bénéfices de deux approches possibles pour la conception d’interventions anti-harcèlement ont été mis en perspective, et une troisième approche a été proposée pour tenter de concilier les deux premières tout en remédiant aux inconvénients de chacune.
Remerciements
41 La rédaction de cet article a été facilitée par une bourse du FRS-FNRS n°?????
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Mots-clés éditeurs : harcèlement, profils, prévention, différences individuelles
Mise en ligne 12/10/2018
https://doi.org/10.3917/enf2.183.0471