Enfance 2018/3 N° 3

Couverture de ENF2_183

Article de revue

Développement des agressions physiques de la petite enfance à l’âge adulte

Pages 407 à 419

Notes

  • [1]
    Traduction de R. E. Tremblay

1Pour bien comprendre les origines et le développement des comportements d’agression chez les humains, il est utile de comprendre les origines et le développement de la colère, une émotion très souvent associée aux agressions. La colère est considérée comme l’un des états émotionnels de base. La joie, la tristesse et la peur font partie de ce groupe d’émotions dites primitives, tandis que l’orgueil, la culpabilité et la honte sont des émotions plus complexes qui apparaissent plus tard dans la vie (Izard & Malatesta, 1987 ; Lewis & Ramsey, 2005). Les agressions sont souvent déclenchées par la colère, mais la colère n’est pas à l’origine de toutes les agressions. Le lion qui chasse une proie, comme le tueur à gages, sera plus efficace s’il n’est pas excité par la colère.

2« quasi les seules Lacedemonienne et Cretense ont commis aux loix la discipline de l’enfance. Qui ne voit qu’en un estat tout dépend de son education et nourriture? » (Montaigne, 1836)

3Au cours des dernières décennies, la colère a probablement été le plus souvent étudiée dans le contexte des maladies coronariennes chez les adultes. Dans le cadre de ces études, la colère est considérée comme étant une partie importante du modèle comportemental de type A, l’un des meilleurs prédicteurs de la maladie coronarienne (Chesney & Rosenman, 1985 ; Pimple et al., 2015). Les agressions font également partie du modèle comportemental de type A, mais elles sont le plus souvent étudiées en relation avec le trouble des conduites chez les enfants et la criminalité chez les adultes.

Le développement de la colère

4Donald Hebb, l’un des fondateurs des neurosciences, écrivait dans son manuel de psychologie : « Ni un bébé humain ni un bébé chimpanzé n’a besoin d’apprendre à faire une crise de colère » (Hebb, 1972). Cette affirmation est-elle vraie ? Les humains sont-ils comme les chimpanzés, programmés pour exprimer la colère?

5La colère a fait l’objet de nombreuses réflexions par de nombreux philosophes depuis l’Antiquité. Le livre de Sénèque sur la colère est particulièrement intéressant. Né 5 ans avant Jésus-Christ, Sénèque fut exilé sur l’île de Corse par l’empereur Claudius à la suite d’une accusation d’adultère. Il était manifestement irrité par cet exil mais décida d’en profiter pour réfléchir à l’origine, au développement, aux conséquences et à la prévention de cette terrible émotion, dont il dit : « jamais fléau ne coûta plus à l’humanité : meurtres, empoisonnements, turpitudes réciproques des deux parties adverses, villes saccagées, nations entières anéanties, leurs chefs vendus à l’encan, la torche incendiaire portée dans les maisons, puis hors des murs des cités, et propageant au loin avec ses tristes lueurs des vengeances impitoyables ; voilà ses œuvres » (Sénèque, De la Colère, Livre 1.1 (4)).

6La description que fait Sénèque d’un homme en colère est une caricature splendide de l’homme de type A à haut risque de troubles coronariens : « Ses yeux s’enflamment, étincellent ; son visage devient tout de feu ; le sang pressé vers son cœur bout et s’élève avec violence ; ses lèvres tremblent, ses dents se serrent ; ses cheveux se dressent et se hérissent ; sa respiration se fait jour avec peine et en sifflant ; ses articulations craquent en se tordant ; il gémit, il rugit ; ses paroles entrecoupées s’embarrassent ; à tout instant ses mains se frappent, ses pieds trépignent, tout son corps est agité, tout son être exhale la menace : hideux et repoussant spectacle de l’homme qui gonfle et décompose son visage » (Sénèque, De la Colère, Livre 1.2 (1)).

7Près de deux mille ans plus tard, Charles Darwin, dans son effort magistral de comprendre nos origines s’est intéressé à l’expression des émotions chez les animaux et les humains. Il semble avoir fait sa première description d’une crise de colère dans une lettre destinée à sa sœur Susan, à la suite d’une visite au zoo de Londres, quelque 20 ans avant de publier son livre sur les émotions : « Je vis aussi l’Orang-outang dans sa grande perfection : le gardien lui montra une pomme, mais ne voulut pas la lui donner, après quoi elle se jeta sur le dos, poussa des coups de pied et pleura, exactement comme un enfant en colère. Elle est ensuite devenue très boudeuse et après deux ou trois autres crises de colère, le gardien lui dit : “Jenny, si tu arrêtes de crier et tu te comportes comme une bonne fille, je te donnerai la pomme.” Elle a certainement compris chaque mot et, bien que comme un enfant, elle avait de la difficulté à arrêter de pleurnicher, elle réussit finalement, et elle prit la pomme, avec laquelle elle sauta dans un fauteuil et commença à la manger avec un grand air de contentement [1] » (Darwin, 1838). L’année suivante, Darwin est devenu père de son premier fils et a soigneusement noté son développement. Parmi ses notes, on trouve la description suivante de l’expression de la colère à 11 mois : « Au cours de la dernière semaine il s’est mis en colère plusieurs fois à l’égard de ses jouets, surtout quand on ne lui a pas donné le jouet qu’il désirait. Quand il se fâche, il frappe et repousse l’objet qu’il ne désire pas » (Darwin, 1841). Dans son livre sur l’expression des émotions chez les humains et les animaux, Darwin (1872/1965) concluait que la colère était une évolution adaptative des comportements nécessaires pour surmonter les obstacles à atteindre un objectif.

8Plus récemment, des observations de nourrissons dans des situations expérimentales en laboratoire, ont confirmé que l’expression de la colère peut être observée très tôt après la naissance et que les nourrissons qui expriment de la colère lorsque frustrés, ont tendance à faire plus d’efforts pour surmonter un obstacle que les nourrissons qui expriment de la tristesse (Lewis & Ramsey, 2005). Chez les enfants qui n’expriment pas de colère, on observe une augmentation de leurs niveaux de cortisol, indiquant une augmentation du stress. Aucune augmentation du cortisol n’est observée chez les nourrissons qui se mettent en colère.

9À la fin des années 1920, Florence Goodenough (1931), professeur à l’institut pour le développement de l’enfant de l’université du Minnesota, a fait l’une des premières études quantitatives pour tracer le développement des crises de colères. Elle a demandé aux parents, en majorité des diplômés universitaires, de noter les colères de leur enfant pendant un mois. L’échantillon de 45 enfants était constitué de deux enfants qui n’avaient pas encore un an (7 et 11 mois), neuf entre 17 et 23 mois, treize entre 26 et 35 mois, dix entre 36 et 46 mois et onze entre 53 et 94 mois. Mille huit cent soixante-dix-huit explosions de colère ont été enregistrées, pour une moyenne d’environ une colère par 10 heures d’observation. Le nombre de crises de colère atteint un pic entre 17 et 23 mois (1,3 crise par 10 h) et diminue par la suite. Les comparaisons d’enfants d’âges différents (études transversales) comme celle-ci peuvent fournir une indication des changements développementaux. Cependant, suivre les mêmes enfants à mesure qu’ils grandissent (étude longitudinale) fournit de meilleures estimations des changements de comportement avec l’âge. Il existe très peu d’études longitudinales sur le développement de la colère durant la petite enfance, mais une étude longitudinale réalisée en Belgique (Sand, 1966) sur les crises de colère rapportées par les mères d’un échantillon de 126 enfants pendant les années 1950 reproduit essentiellement les résultats obtenus par Goodenough avec son échantillon transversal du Midwest américain 30 ans plus tôt. Le pourcentage d’enfants qui avaient fait au moins une crise de colère par jour est passé de 50 % à 70 % entre 9 mois et 18 mois, puis a diminué progressivement pour atteindre environ 35 % à 72 mois. Il semble donc assez clair que les jeunes humains du Midwest américain dans les années 1920 et de Belgique dans les années 1950 n’apprenaient pas à faire des crises de colère, ils apprenaient plutôt à ne pas faire de crises de colère. On peut penser que ce fut le cas pour le nourrisson que fut Sénèque et pour les nourrissons contemporains. Une étude plus récente avec des enfants suivis de 18 à 48 mois aux États-Unis (attendre avant d’ouvrir un présent) a montré une diminution systématique de la colère et une augmentation équivalente de réponses calmes (Cole et al., 2011).

Le développement de l’agression physique

10Maintenant que l’on a établi que la colère apparaît au tout début de la vie, on peut passer à une de ses conséquences, l’agression. Mais il est important de préciser ce qu’on entend par « agression » ; car un des problèmes majeurs de ce domaine de recherche est un problème de définition. Plusieurs ont souligné ce problème par le passé (par exemple, Berkowitz, 1962 ; Burt, 1925 ; Buss, 1961 ; Cairns, 1979 ; Coie & Dodge, 1998 ; Hartup & deWit, 1974 ; Parke & Slaby, 1983 ; Pitkanen, 1969), mais il revient régulièrement nous hanter.

11Dans l’édition 1998, de ce qui fut longtemps la « bible » américaine sur le développement de l’enfant (Carmichael’s Handbook of Developmental Psychology), les deux experts choisis pour écrire le chapitre sur l’agression (Coie & Dodge, 1998) ont décidé de rompre avec la tradition des éditions précédentes, qui était de se centrer sur l’agression. Ils ont intitulé le chapitre « Agression et trouble des conduites » en donnant la motivation suivante : « La comorbidité de l’agression avec d’autres comportements antisociaux suggère qu’une compréhension du développement de l’agression pourrait être renforcée en incluant les agressions dans la catégorie conceptuelle plus large du comportement antisocial » (p. 781). Cette décision était conforme à la façon dont les comportements agressifs des enfants et des adolescents ont été étudiés au cours du dernier quart du 20e siècle. Cependant, cette décision dut être faite avec une certaine hésitation, puisque le titre du chapitre n’était pas « Comportements Antisociaux » mais « Agression et Comportements Antisociaux ». J’ai écrit dans un article publié à cette époque (Tremblay, 2000) que l’équivalent de ce titre pour la science de la botanique serait : « Des pommes et des fruits » !

12Le problème est particulièrement évident quand on regarde de près les instruments qui ont traditionnellement servis à mesurer les comportements agressifs des enfants. L’outil le plus souvent utilisé dans les études de langue anglaise est le questionnaire CBCL (Achenbach & Edelbrock, 1983). Voici quelques-uns des items de l’échelle de mesure qui porte le nom « Agression » : désobéissant, mauvaises relations avec ses pairs, jaloux, dit des mensonges, s’exhibe, têtu, humeur changeante, boude, bruyant. Le dénominateur commun de ces comportements est certainement qu’ils sont irritants ou disruptifs. Dans la mesure où une personne agaçante ou irritante cause de l’inconfort aux autres, et dans la mesure où « agressif » signifie un enfant qui cause de l’inconfort aux autres, nous pourrions conclure que cette personne est « agressive ». Mais, devrions-nous classer ces enfants dans la même catégorie que ceux qui attaquent physiquement les autres ? En fait, l’échelle de mesure de l’agression dans le CBCL (Achenbach & Edelbrock, 1983) ne contient que deux items qui se réfèrent clairement à l’agression physique, et deux autres qui pourraient être interprétés comme une agression physique.

13C’est pour éviter de mélanger comportements disruptifs et agression que nous avons choisi de nous centrer sur les agressions physiques (coups de pieds, coup de poings, mordre, pousser, tirer, etc.). Ces comportements ont l’avantage d’être faciles à observer et leurs conséquences pour les victimes sont généralement plus physiquement dommageables que les comportements perturbateurs utilisés dans le CBCL et dans les autres instruments semblables. La question fondamentale à laquelle nous tentons de répondre est donc celle du développement des agressions physiques de la petite enfance à l’âge adulte.

Le développement de l’agression physique de 6 à 15 ans

14En 1993, le rapport de l’Académie américaine des sciences sur l’état des connaissances concernant la violence, donne un bon résumé de l’hypothèse dominante à l’époque concernant le développement des agressions physiques: « Les perspectives psychologiques modernes soulignent que les comportements agressifs et violents sont des réponses à la frustration qui sont apprises. On apprend que les agressions physiques sont des instruments pour atteindre des objectifs, et cet apprentissage se fait en observant des modèles d’un tel comportement. Les modèles peuvent être observés dans la famille, parmi les pairs, ailleurs dans le quartier, à travers les médias... » (Reiss & Roth, 1993). Presque 10 ans plus tard, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), dans son rapport sur la prévention de la violence, concluait dans le même sens: « La majorité des jeunes qui sont violents à l’adolescence, en fait, montraient peu ou pas de niveaux élevés d’agression ou d’autres comportements problématiques durant leur enfance » (Krug, Dahlberg, Mercy, Zwi, & Lozano, 2002).

15Cette hypothèse d’apprentissage social de l’agression physique qui a commencé à être explicitement formulée au début des années 1960 (Bandura, Ross, & Ross, 1961), est devenue l’explication dominante de la plupart des formes de comportements antisociaux. Mais les résultats de notre étude longitudinale sur le développement de l’agression physique, initiée en 1984 avec mille garçons de grande section de maternelle dans les écoles défavorisées de Montréal, ont remis en question cette hypothèse d’apprentissage social. En effet, les résultats présentés à la figure 1 (Nagin & Tremblay, 1999) montrent que, contrairement à l’hypothèse d’apprentissage social, la fréquence des agressions physiques diminue entre 6 et 15 ans, et les plus agressifs à 15 ans étaient les plus agressifs à partir de la fin de la grande section de maternelle (6 ans) jusqu’à la fin des années d’école primaire. Ces résultats ont ensuite été reproduits dans de nombreuses études longitudinales au Canada, aux États Unis, en Nouvelle-Zélande et en Italie (Broidy et al., 2003 ; Di Giunta et al., 2010).

Figure 1. Trajectoires d’agressions physiques entre 6 et 15 ans (Nagin & Tremblay, 1999).

Figure 1. Trajectoires d’agressions physiques entre 6 et 15 ans (Nagin & Tremblay, 1999).

Figure 1. Trajectoires d’agressions physiques entre 6 et 15 ans (Nagin & Tremblay, 1999).

Le développement de l’agression physique de la naissance à 5 ans

16La question qui a suivi était évidemment la suivante : à quel moment les enfants apprennent-ils à agresser physiquement, s’ils ont déjà atteint la plus haute fréquence d’agression physique lorsqu’ils fréquentent la grande section de maternelle ? Pour répondre à cette question nous avons démarré, dans les années 1990, des études longitudinales avec des cohortes de naissance. Les résultats ont clairement montré que les humains commencent à utiliser l’agression physique vers la fin de la première année de vie, alors qu’ils ont acquis la coordination motrice qui leur est nécessaire pour pousser, tirer, frapper, donner des coups de pied, etc. (Alink et al., 2006 ; Tremblay et al., 1999 ; Tremblay et al., 2004). La figure 2 illustre les résultats des analyses des trajectoires développementales de l’agression physique de 17 à 60 mois avec une cohorte représentative des naissances dans la province de Québec (Canada) entre 1997 et 1998 (Côté et al., 2007).

17Nous pouvons voir que la moitié des enfants sont sur la trajectoire moyenne de la fréquence des agressions physiques, un tiers sur une trajectoire basse, tandis que 17 % sont sur une trajectoire élevée. Ces résultats ont été observés dans d’autres études longitudinales à grande échelle (par exemple, NICHD Early Child Care Research Network, 2004).

Figure 2. Trajectoires d’agressions physiques de 1.5 à 5 ans (n= 1758) (Côté et al., 2007).

Figure 2. Trajectoires d’agressions physiques de 1.5 à 5 ans (n= 1758) (Côté et al., 2007).

Figure 2. Trajectoires d’agressions physiques de 1.5 à 5 ans (n= 1758) (Côté et al., 2007).

Les effets génétiques et les effets environnementaux

18Les trajectoires de développement de l’agression physique de la petite enfance étant établies, nous nous sommes intéressés aux effets génétiques et environnementaux en créant une étude longitudinale de jumeaux monozygotes et dizygotes. Nous avons observé à l’âge de 20 mois (Dionne, Tremblay, Boivin, Laplante, & Pérusse, 2003) que l’impact génétique sur les différences individuelles était considérablement plus élevé pour l’agression physique (58 %) que pour le développement du langage (39 %), tandis que la force de l’impact sur l’environnement partagé était plus élevée pour le développement du langage (51 %).

19Cependant, les effets génétiques évoluent avec le temps et nous avons observé, avec les données longitudinales du même échantillon de jumeaux de 20 à 50 mois après la naissance, que les facteurs génétiques expliquaient entre 50 % et 63 % de la variance de la fréquence des agressions physiques (Lacourse et al., 2014). Nous avons également observé que les effets génétiques à 20 mois diminuaient considérablement avec le temps, alors que de nouveaux effets génétiques apparaissaient à 32 et à 50 mois. Deux ensembles distincts de facteurs génétiques non corrélés expliquent la variation du niveau initial et l’évolution dans le temps des agressions physiques. Il est important de noter qu’aucune différence de sexe n’a été observée pour les changements dans les effets génétiques.

20Avec la même étude longitudinale des jumeaux, nous avons utilisé les paires de jumeaux monozygotes (MZ) pour déterminer si le fait d’avoir un ami agressif à la maternelle augmente l’agressivité physique en première année. Les résultats montrent clairement que l’utilisation de l’agression par les enfants peut être influencée par leurs amis, même lorsque les effets génétiques sont contrôlés. Cependant, lorsque nous avons étudié les mêmes jumeaux MZ au début de l’adolescence, nous n’avons observé aucune influence de l’agression des meilleurs amis (Vitaro et al., 2011). Il est probable que ces différences d’effet du comportement des amis entre la maternelle et le début de l’adolescence sont dues au fait qu’avec l’âge les enfants ont de plus en plus la liberté de sélectionner leur environnement social en accord avec leurs dispositions génétiques (Vitaro, Brendgen, & Tremblay, 2017).

Les effets épigénétiques

21Suite à l’étude révolutionnaire des effets du léchage maternel à la naissance des rats sur l’expression des gènes (épigénétique), sur le fonctionnement cérébral et sur la durée de la vie (Weaver et al., 2004), nous avons utilisé cette méthodologie avec les garçons et les filles suivis de la grande section maternelle à l’âge adulte. Nous avons ainsi comparé les profils de méthylation de l’ADN des garçons et des filles physiquement agressifs chroniques à ceux qui n’avaient pas présenté de problèmes d’agression physique. On a identifié 448 promoteurs de gènes distincts entre les deux groupes de garçons (Provençal et al., 2014). Une étude identique avec les filles a montré des différences similaires entre les filles agressives et non agressives, mais souvent sur des gènes différents (Guillemin et al., 2014).

22Dans deux autres études portant sur l’échantillon de garçons, nous nous sommes centrés sur l’association entre l’agression physique chronique, le fonctionnement du cerveau et la méthylation de l’ADN. La première étude a utilisé l’imagerie cérébrale (PET) pour comparer la synthèse de la sérotonine cérébrale des garçons sur une trajectoire d’agression physique élevée, à celle des garçons sur une trajectoire d’agression physique faible. Les résultats ont montré que les garçons sur la trajectoire d’agression élevée présentaient une synthèse plus faible de la sérotonine dans le cerveau (Booij et al., 2006). La deuxième étude a vérifié l’hypothèse que cette différence de synthèse de la sérotonine dans le cerveau était associée à la méthylation des gènes critiques pour la sécrétion de la sérotonine. Des niveaux plus élevés de méthylation des gènes ont en effet été observés dans les lymphocytes T et les monocytes pour le groupe agressif, qui présentait également une synthèse plus faible de la sérotonine dans le cerveau (Wang et al., 2012).

Conclusions

23À partir des données disponibles sur le développement de l’agression physique de la petite enfance à l’âge adulte, nous pouvons conclure que : (i) la grande majorité des enfants d’âge préscolaire utilisent l’agression physique ; (ii) la grande majorité de ces enfants apprennent avec l’âge à utiliser d’autres moyens de résoudre les problèmes ; (iii) certains ont besoin de plus de temps que d’autres pour faire ces apprentissages ; (iv) les filles apprennent plus vite que les garçons ; (v) la plupart des cas d’agression physique chronique à l’adolescence étaient des cas d’agression chronique depuis la petite enfance ; (vi) la fréquence d’utilisation de l’agression physique est fortement associée à des effets génétiques dès la petite enfance ; (vii) les effets des amis agressifs sur le comportement agressif des enfants sont plus marqués à l’enfance qu’à l’adolescence ; (viii) l’agression physique chronique est également associée à des profils particuliers de méthylation des gènes qui datent possiblement de perturbations périnatales (Tremblay, Vitaro, & Côté, 2018) ; (ix) la comparaison des trajectoires développementales du vol et de l’agression physique montre que les origines développementales des comportements antisociaux ne peuvent pas être comprises en agrégeant les différentes formes de comportement antisociaux. En effet, la fréquence des agressions physiques diminue considérablement entre les années préscolaires et la fin de l’adolescence, sauf pour un très petit groupe, alors que la fréquence des vols semble augmenter pour tous à partir de 10 ans (van Lier, Vitaro, Barker, Koot, & Tremblay, 2009).

24Ces différences importantes de développement à l’intérieur de la grande catégorie des comportements antisociaux (agressions, vols, atteintes à la réputation, etc.) font qu’il est difficile de comprendre pourquoi les catégories diagnostiques, les théories du développement, les études étiologiques et les études visant à évaluer les effets d’interventions préventives et correctives regroupent de nombreux types de comportements différents, dont l’agression physique et le vol (voir Lahey et al., 2008 ; Wilson & Lipsey, 2007). L’agression physique et le vol ont des conséquences destructrices différentes (crime contre la personne vs crime contre la propriété), se situent aux extrémités opposées du continuum comportement manifeste-comportement caché, et requièrent des compétences différentes (des muscles pour l’agression physique, du contrôle de soi et de l’intelligence pour le vol). Les nourrissons commencent par agresser physiquement pour obtenir les biens des autres, plutôt que de commettre des vols, parce qu’ils n’ont pas le contrôle cognitif nécessaire pour dissimuler leurs intentions, mais leur coordination physique et leur force est suffisante pour agresser physiquement.

25Pour terminer, je donne la parole à un grand sage qui a fait l’une des premières observations planifiées des origines développementales de l’agression physique. C’était le citoyen romain d’Afrique du Nord, Augustin de Thagaste, plus tard connu sous le nom de saint Augustin. Dans son « best-seller » (Les Confessions) publié en 397, il nous dit au chapitre 7, qu’en réalisant les limites de sa capacité de se rappeler ses comportements pendant son enfance, il s’est demandé qui pouvait l’aider à se rappeler les péchés de son enfance. Il a conclu que son comportement pendant son enfance devait bien être semblable à celui des jeunes enfants qu’il pouvait aujourd’hui observer. Comme les éthologistes et les psychologues contemporains, Augustin est allé observer les comportements des jeunes enfants. Voici ce qu’il conclut de ses observations : « car en lui je perçois maintenant ce dont je ne me souviens pas de moi-même ? Était-il donc bien, vu l’âge si tendre… de s’emporter avec violence contre ceux sur qui l’on n’a aucun droit, personnes libres, âgées, père, mère, gens sages, ne se prêtant pas au premier désir ; de les frapper, en tâchant de leur faire tout le mal possible, pour avoir refusé une pernicieuse obéissance ?... Et l’on endure ces défauts avec caresse, non pour être indifférents ou légers, mais comme devant passer au cours de l’âge. Vous les tolérez alors, plus tard ils vous révoltent. »

26Saint Augustin nous fait donc comprendre que la violence physique, qu’on ne tolère pas chez un adolescent ou un adulte, parce que leur force physique rend l’acte physiquement dangereux pour les autres, est « tolérable » chez un petit enfant parce qu’elle a peu de conséquences, étant donné « la faiblesse de ses membres ».

27Ces agressions physiques de la petite enfance sont également des comportements qui sont difficiles à se rappeler à l’âge adulte, surtout lorsqu’on a bien appris, durant la petite enfance, à utiliser des comportements plus socialement acceptables pour manifester notre colère ou obtenir ce que l’on veut.

28Mais il est difficile d’admettre le monstre (adorable, bien sûr) que l’on a été pendant la petite enfance. Je me souviens très bien la réaction de l’un des pionniers des études sur l’agression dans une perspective d’apprentissage social, après la présentation que j’ai faite de nos premiers résultats sur l’agression physique durant la petite enfance, il y a de cela une vingtaine d’années. Au moment de la pause-café il m’avait confié qu’il se rappelait très bien la première fois qu’il avait agressé physiquement une personne. Mais quelle surprise de l’entendre me dire qu’il était certain qu’il avait agressé physiquement pour la première fois (pour se défendre d’un « bully ») au début de l’école élémentaire. Ce chercheur réputé, dans la cinquantaine, un très généreux collègue qui m’avait guidé au début de ma carrière, n’avait jamais étudié l’agression dans la petite enfance, et n’avait clairement pas la modestie de saint Augustin en ce qui concerne la fiabilité de sa mémoire ! À la période en question suivant cette même présentation de nos premiers résultats sur l’agression physique à la petite enfance, un autre collègue, plus jeune, qui dirige aujourd’hui le département de sociologie de l’une des plus prestigieuses universités américaines avait, pour sa part, déclaré : « j’ai de la difficulté à croire vos résultats, mais, s’ils sont exacts, ça change tout ». Il m’a envoyé un message de félicitation l’an dernier lorsque j’ai reçu le prix de Stockholm qui m’était attribué, en partie pour cette démonstration que nous avons faite du développement de l’agression physique pendant la petite enfance. Il a cependant ajouté que l’environnement jouait tout de même un rôle dans le développement de l’agression physique. C’est effectivement ce que nous avons montré : nous apprenons à ne pas agresser grâce à notre environnement. Mais cette histoire d’interaction gène-environnement est fort complexe (Tremblay et al., 2018).

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : colère, environnement, épigénétique, agression physique, génétique

Mise en ligne 12/10/2018

https://doi.org/10.3917/enf2.183.0407

Notes

  • [1]
    Traduction de R. E. Tremblay
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