Empan 2016/3 n° 103

Couverture de EMPA_103

Article de revue

aiRe d’ados, un dispositif au service des jeunes en situation d’impasse suicidaire et de leurs réseaux

Pages 54 à 60

Notes

  • [*]
    Nathalie Schmid Nichols, psychologue responsable du pôle prévention Malatavie-unité de crise hug-Children Action, 20 avenue de Beau-Séjour, 1206 Genève. Nathalie.SchmidNichols@hcuge.ch
  • [**]
    Yasmine Cebe, psychologue au pôle prévention Malatavie-unité de crise hug-Children Action, 20 avenue de Beau-Séjour, 1206 Genève. Yasmine.Cebe@hcuge.ch
  • [***]
    Anne Edan, médecin adjointe responsable de Malatavie-unité de crise hug-Children Action, 20 avenue de Beau-Séjour, 1206 Genève. Anne.Edan@hcuge.ch
  • [****]
    Xavier Baricault, répondant social, coordinateur de l’équipe sociale à Orif Vernier, via Monnet 4, 1214 Vernier. Xavier.Baricault@orif.ch
  • [1]
  • [2]
    Prénom d’emprunt.
English version

Quelques mots d’histoire

1aiRe d’ados a été créée en 2014, à l’initiative de Malatavie-unité de crise [1], en écho au sentiment d’impasse des professionnels et proches des jeunes en détresse, en particulier lorsque ces derniers ne demandent ou n’acceptent pas d’aide.

2Plusieurs accroches ont souvent été préalablement tentées, accroches restées sans prise. Le paradoxe est que ce refus peut être structurant en fondant le devenir responsable. Il s’agit donc de travailler avec la tension entre singulier et collectif pour soutenir position subjective et sentiment d’appartenance du jeune et du professionnel dans un réseau.

3Nous nous sommes inspirés de modèles de réseaux français tels que le réseau Aveyron et le Résado 82. Des penseurs de collectifs nous ont inspirés, dont Jean Oury, qui à propos de son expérience de La Borde notait : « La constellation a d’autant plus d’efficacité qu’elle est hétérogène ; elle est “hétérogène” si les gens ne se ressemblent pas » (1986, p. 57). L’expérience auprès des jeunes en situation de risque suicidaire nous apprend que ces jeunes se tournent plus souvent vers leurs pairs ou un proche que vers un professionnel pour parler de leur détresse. Ce premier témoin pourra devenir porte-parole si autour de lui se tisse un réseau, un filet de sécurité pour l’orienter, l’étayer.

4Nous sommes allés à la rencontre de nos partenaires de la santé et du social genevois pour leur faire part de notre intention et de notre désir de travailler avec eux. Quasiment tous ont répondu présent, certains ont souhaité s’engager à nos côtés dans la création de cette aire. Deux ans plus tard naissait aiRe d’ados, interface à disposition des réseaux d’ados en situation de risque suicidaire et d’impasse. Afin qu’elle conserve la transversalité et la mobilité que nous lui souhaitions, nous ne lui avons pas donné d’entité juridique. Des groupes de coordination, réunissant plusieurs intervenants de la santé et du social, contribuent à cette transversalité sur les terrains de la clinique et de la formation. Cette collaboration offre un formidable terreau d’enrichissement des pratiques.

Une aiRe clinique et de formation

5Nous avions initialement pensé créer un dispositif pour le suivi clinique des jeunes qui ne parvenaient pas à se saisir de l’attention qui leur était portée.

6Contre toute attente, nous avons d’abord été convoqués sur le terrain de la formation. Les demandes émanant du terrain de la clinique se sont manifestées progressivement. Notre mission est d’offrir des conditions restauratrices d’un processus de pensée à plusieurs voix et de veiller, sans se substituer à ceux qui entourent le jeune. Est invité tout acteur de la santé et du social ayant connu par le passé ou présentement engagé auprès du jeune et souhaitant témoigner.

7Il s’agit de se dégager d’une logique de succession caractérisant souvent ces situations d’impasse et fondée sur la croyance que la solution est dans l’action qui n’a pas encore été tentée. Notre proposition : nous arrêter avec le jeune, ses proches et les professionnels qui l’entourent, pour penser ensemble son parcours et sa narrativité. Nous invitons chacun à rester engagé, même s’il aspire à une position silencieuse, pour contenir les schémas de discontinuités caractéristiques de ces parcours chaotiques.

Une aiRe de coordination

8aiRe d’ados est avant tout une aire de coordination. Il ne s’agit pas de diriger, ni de contrôler, mais d’écouter ce qu’il se passe, d’aller à la rencontre, de conflictualiser de manière créative les différences. Il s’agit de penser avec, ensemble, la clinique et des projets de formation.

9Nous envisageons la coordination comme une fonction, ne se substituant pas au réseau du jeune mais proposant une position tierce collective, visant à créer des conditions pour penser la complexité, accueillir les mouvements émotionnels, tempérer l’anxiété, contenir l’incertitude et soutenir une dialectique évolutive. Cette écoute du visible et de l’invisible s’engage au service du projet, du sujet et de son désir, de la réactivation des liens là où se sont érigés rupture, et retrait subjectif.

10Il s’agit de restaurer une expérience de temporalité. À l’adolescence, l’expérience du temps est souvent chaotique. Il faut du temps pour que l’adolescent puisse accepter son corps nouveau, tempérer les illusions narcissiques de l’enfance et prendre en considération les renoncements et limitations inhérents à la position d’adulte (Bursztejn, 2002, p.25). Pour que cette attente soit tolérable, l’expérience d’une rythmicité à deux temps (Marcelli, 1992), entre macro-rythmes stables et prévisibles et micro-rythmes mobilisant la curiosité à la surprise, est essentielle.

11Le travail du collectif d’aiRe d’ados se conjugue autour d’une continuité de fond pare-excitante (Bursztejn, 2002) et de ponctuations singulières. Le réseau des professionnels et proches, rencontrés par une cellule de coordination composée d’un-e représentant-e du social, d’un-e représentant-e de la santé et d’un-e coordinateur-trice, est invité à se mettre à l’écoute du rythme propre au jeune et à son réseau.

12Comme le propose Bevington (2013), il s’agit de travailler la remise en lien des différentes parties, souvent « dés-intégrées », du réseau multi-agendé et de soutenir les interactions entre les membres du système, de « déplier et partager les intuitions, les observations, les hésitations […] au sein d’une incertitude non menaçante » (Bevington, 2012) pour que puissent en émerger des demandes.

13Afin de nourrir la transversalité, différentes cellules de coordination santé-social, composées de professionnels d’institutions diverses, travaillent en parallèle. Et régulièrement elles se réunissent au sein d’un groupe clinique mixte plus large, qui offre son regard décalé sur le système encadré et soutient l’imaginaire d’autres possibles.

La parole de la santé : les temps changent par Anne Edan

14Au début de ma formation de médecin et de psychiatre, j’envisageais la relation médecin-malade sous l’angle du déséquilibre structurel entre celui qui souffre (le malade), et celui qui sait (le médecin). Sensible à l’éthique, à penser le colloque singulier médecin-malade dans le respect de la personne, j’assumais ce déséquilibre structurel tout en cherchant à faire entendre suffisamment de « savoir » à celui qui souffre pour obtenir un consentement libre et éclairé de sa part sur la prise en charge de sa maladie.

15La psychanalyse, qui m’a orientée dans mes premiers pas en psychiatrie, a un peu décalé ce savoir : il ne s’agissait pas d’être totalement dupe du savoir universitaire, mais également d’accepter le savoir que nous prêtait celui qui venait chercher de l’aide. Assumer la responsabilité d’être celui supposé savoir, c’est permettre aussi paradoxalement que le sujet puisse, grâce au savoir qu’il nous prête, s’autoriser à explorer d’où vient sa souffrance.

16La clinique auprès des adolescents, et en particulier auprès des adolescents en situation d’impasse, a modifié cette représentation. Force a été de constater que l’adolescent nous renvoie à des vécus d’impuissance et à une nécessaire humilité face à ce que nous connaissons de la psychopathologie ou du processus adolescent. L’idée d’incarner un savoir n’opère que très peu sur un adolescent. Il s’agit plutôt d’être un curieux médecin et un médecin curieux qui accepte de se laisser enseigner de son patient que l’on rechigne à appeler patient, tant la dimension de devenir grand est un désir que l’on soutient.

17L’autre effet d’enseignement, dans cette « relation d’aide » avec l’adolescent, je l’ai découvert dans le travail d’équipe au sein de l’unité de crise. Ce travail en équipe est salué dans les témoignages que nous recueillons des adolescents dans notre livre d’or. Dans ces témoignages, l’exercice de style retenu par les adolescents est de remercier nommément chaque infirmier, le médecin référent et les autres adolescents hospitalisés. Cette place donnée à chacun, distincte, chacun avec une mission précise dans le « mieux-être » ressenti par l’adolescent, nous a menés à plusieurs réflexions. Alors même qu’il y a de grandes différences de style d’un collaborateur à l’autre, l’important pour un adolescent semble que chacun de ces collaborateurs se sente concerné par ce qui lui arrive, soit que chacun des collaborateurs puisse incarner le fait que « quelqu’un pense à lui quelque part ». Ce « quelqu’un » peut changer, les relations sont différenciées et les adolescents ne disent pas les mêmes choses à chacun. Ce « quelqu’un » peut changer mais la mémoire du groupe soignant permet que tout ne soit pas complètement perdu.

18La vertu du travail à plusieurs, avec ce repérage précis pointé par les adolescents : il n’est pas question d’être « tous pareils », est un point à prendre en compte au moment de la rencontre avec eux.

19Reprenons ces deux points d’orientation : proposer à l’adolescent de nous enseigner sa clinique, sa souffrance, son mal-être ; assumer l’importance d’être à plusieurs différents autour de lui.

20Ces deux points ont orienté notre choix dans le dispositif clinique d’aiRe d’ados. Pour s’intéresser à ceux qui étaient en difficulté à articuler ce qui leur ferait du bien, à ceux qui ne parvenaient pas à demander de l’aide, il nous a paru nécessaire de penser un dispositif où les professionnels de mondes et d’horizons différents, auxquels l’adolescent avait affaire, puissent s’adresser à un petit groupe de personnes différentes, dénommé « cellule de coordination ». Dans l’une de ces cellules, j’ai représenté le « pôle santé ». La mission de représentation est importante à différents niveaux :

  • tout d’abord, à l’égard du réseau de professionnels, il s’agit d’évaluer avec les professionnels présents soit des indices sur une psychopathologie particulière, soit, mieux, ce que les professionnels évaluent en termes de répétition, de fragilité, de ressources également. S’intéresser à la logique et à ce qui n’est pas logique, et reprendre pas à pas avec les personnes présentes pour valider ces points d’insupportable, de répétition ou de répit dans l’histoire qui nous est exposée ;
  • mais aussi, le dialogue avec le pôle social, qui revient à instaurer le dialogue entre la singularité, l’intimité d’un sujet et ce qui l’ancre dans le monde social, ce qui fait lien social pour lui. Il s’agit également d’explorer la notion de place de l’individu au sein d’un groupe, de son autonomie et de sa capacité d’indépendance.

21Jérôme, 17 ans, est un jeune homme adopté. Très soutenu par sa famille pendant l’enfance ainsi que sur le plan psychothérapique (consultations avec différents « psys ») et social (soutien scolaire, établissement privé), Jérôme est décrit comme très séduisant par tous ceux qui le rencontrent la première fois. Il se fait adopter par les différents professionnels. Au moment de l’adolescence cependant, Jérôme commet quelques délits : vols mineurs au sein de la famille, ou auprès de ses amis ; pris en flagrant délit, il nie sa responsabilité. Petit à petit, un climat de suspicion s’insinue. Confronté à tout cela, Jérôme va se montrer agressif, jusqu’à devenir violent dans le cadre familial. Dans le contexte d’un épisode de violence, il parvient à énoncer des idées suicidaires. Le réseau interpelle aiRe d’ados.

22En tant que cellule de coordination, nous rencontrons beaucoup de professionnels de milieux différents : psychiatre, éducateur délégué par la justice, animatrice dans le milieu socioculturel que Jérôme côtoie, parents. Le portrait fait par les différents professionnels se dégage assez finement de la caricature du voleur ou du petit criminel. Jérôme est décrit comme un jeune homme engagé, se donnant de la peine pour s’intégrer dans les différents milieux qu’il rencontre, tant au niveau social qu’avec les thérapeutes différents qu’il va rencontrer. Nous voyons assez clairement s’articuler une dynamique de se faire adopter et relevons l’hypothèse que cette violence apparaît au moment d’une possible déception, synonyme possible d’abandon, d’après les différents professionnels présents. Malgré plusieurs difficultés, un projet va émerger tenant compte de ces différents mouvements. Jérôme va bénéficier d’un placement assez éloigné de son domicile. Via la médiation artistique, Jérôme va faire entendre ou plus exactement va faire voir quelque chose de lui, un portrait que les parents, les éducateurs, l’assistant social vont valider. Jérôme exploite ce travail pour témoigner de ses conflits, de ses douleurs, de son impasse. Nous pensons que la mise en commun des différents professionnels a permis d’autoriser les parents à tenter cette expérience inédite pour Jérôme, l’expérience d’une mise à distance qui soit orientée vers des retrouvailles.

23Ce ne fut qu’une expérience dans l’histoire de Jérôme, qui reste captif d’une dynamique familiale complexe, mais cette expérience a eu lieu, et ce n’est que là que nous pouvons poser notre éthique : permettre l’occasion d’une rencontre. Les échanges ont parfois été houleux autour de la table, en particulier dans le vécu de la famille, tiraillée entre la volonté d’être l’acteur principal de soutien et acceptant ponctuellement de laisser grandir Jérôme.

24Notre lecture est que le consensus d’ensemble a permis à ce projet d’advenir. C’est dans cette occasion de penser à plusieurs que nous voyons un chemin possible pour tenir compte des temps qui changent et se décaler de la position du spécialiste, de l’expert, du guide ou du maître.

La parole du social : « ne plus exister… » par Xavier Baricault

25« Ne plus exister… » Disparaître comme seule issue. Ces mots frappent et interpellent. Ils ont été prononcés par une apprentie de 16 ans alors que nous tentions lors d’un entretien individuel de co-construire des solutions permettant de dépasser une situation de mal-être profond. Lors de cet échange, Marion [2] a fini par « lâcher le morceau ». Comme redouté et pressenti, il était bien question de maltraitance. Jusqu’à ce moment, elle n’avait jamais partagé son quotidien par peur de causer des « problèmes ». Aucune confidence à ses proches, à sa famille, à ses amis. La solitude, l’isolement et la tentation du renoncement comme seule issue.

26« Ne plus exister… » Après cet aveu d’impuissance, il fallait lui garantir une double protection. La protéger de l’Autre, la protéger d’elle-même. En tant que professionnel, on ne peut rester de marbre devant de telles situations. Lorsque nous sommes au plus près de ces situations, avec la souffrance et la détresse de l’autre, on ne peut se soustraire à toute une série de questionnements et d’inquiétudes qui ne sont, au final, que les symptômes d’une sensibilité et d’une certaine capacité à entrer en résonance.

27Où se situe le niveau de risque ? Suis-je passé à côté d’autres signaux d’alerte ? Comment concilier devoir de signalement et nécessité de préserver le lien de confiance ? Quelles ressources disponibles pour cette situation ?

28Il est essentiel de prendre le temps de l’analyse et de la concertation, tout en veillant au lien de confiance qui a permis cette confidence. Entendre, écouter, rassurer, convaincre. Mais il n’y a pas de recettes magiques, ni de solution-type prête à l’emploi. Face à des problématiques aussi complexes, lorsque la stabilité psychique et la vie sont en jeu, il est dangereux de se lancer seul dans une analyse psychosociale de la situation. Réfléchir et agir à plusieurs, faire appel à d’autres expertises sont donc des précautions éminemment importantes.

29C’est encore plus vrai dans notre contexte de travail, ici à l’Orif de Vernier. Répondant social dans un centre de formation professionnelle spécialisé, nous accueillons et formons des jeunes présentant des difficultés d’apprentissage. En sus de cette mission pédagogique, un travail éducatif est conjointement mené afin de développer les compétences sociales des apprentis. L’objectif étant d’augmenter leur employabilité et donc à terme leurs chances de décrocher un emploi dans le premier marché du travail. À ce titre, notre champ d’action est limité. Aucun professionnel de santé n’est en effet présent dans notre équipe pluridisciplinaire. Or, le renforcement du filet de sécurité n’est possible que si nous tenons compte de cette dimension thérapeutique qui, elle, devra s’articuler avec les dimensions pédagogiques et éducatives inhérentes à notre mandat : la formation et l’intégration.

30Le travail à plusieurs apparaissait donc comme la seule démarche possible, légitime et pertinente au regard des risques identifiés pour Marion. Nous avons la chance, à Genève, de pouvoir compter sur un réseau santé/social dense, couvrant quasiment toutes les problématiques susceptibles d’être rencontrées sur le terrain. Une multitude de partenariats et de collaborations sont donc possibles. Pour cette jeune, plusieurs contacts ont été naturellement pris auprès de partenaires extérieurs, d’abord pour signaler la situation aux autorités compétentes, ensuite pour mettre en place un suivi thérapeutique. Suivi que la jeune fille a fini par accepter après de longs et délicats échanges.

31La confidence de Marion fait partie des nombreux témoignages de détresse et de souffrance qui proviennent du terrain. Ils nous rappellent qu’il est important de rester vigilant et attentif lorsqu’il est question d’accompagner et de soutenir des adolescents et jeunes adultes. Notre rôle est essentiel car nous sommes souvent les premiers à pouvoir déplier le filet de sécurité autour de ces situations à risques.

32Dans cette délicate et essentielle mission, aiRe d’ados apporte un soutien indéniable, précieux, tant sur le plan individuel – pour le professionnel – que sur le plan collectif – pour le réseau –, que ce soit en amont ou en aval de la crise suicidaire.

33En amont tout d’abord, par une approche préventive. En proposant par exemple des formations dédiées à l’analyse de pratique, le dispositif aide les professionnels à développer leurs compétences, notamment dans la détection des signaux d’alerte. En aval ensuite, par une approche plus clinique et curative. Car malgré ce potentiel de collaborations et de partenariats existants, les professionnels ne sont pas à l’abri de se retrouver devant une impasse et de ne pas pouvoir répondre à cette souffrance. Le réseau peut être mis en échec. C’est une réalité. Avec aiRe d’ados, les professionnels confrontés à de telles impasses peuvent désormais faire appel au pôle « clinique » du dispositif. Sans se substituer au réseau existant, les professionnels membres de ce groupe apportent à ce dernier un regard nouveau et créatif, dans l’espoir de dépasser cette impasse et de redonner un second souffle au suivi existant.

34Le développement de ce dispositif innovant crée également, de manière tout à fait transversale, un liant dynamique en favorisant la rencontre régulière des acteurs confrontés à la crise suicidaire des jeunes. Grâce à ces rencontres et à cet espace de débat, la réflexion est portée à plusieurs et des pistes nouvelles peuvent émerger. Dépasser les « blocages » institutionnels, penser les « ruptures » autrement, imaginer des événements au service des jeunes et des professionnels, rendre lisible et accessible le réseau santé/social aux principaux intéressés, rendre plus souples les frontières entre le social et la santé sont autant de visées qui donnent sens à ce dispositif.

35À travers ma participation au groupe « fonctionnement », j’ai pu parfaire ma connaissance du réseau genevois, porter la parole des jeunes que nous accompagnons, témoigner des difficultés rencontrées par les professionnels qui ont été confrontés à la crise suicidaire et plus globalement au mal-être des jeunes. Je peux également proposer un regard singulier – fidèle à mes sensibilités, à mes valeurs et à ma réalité professionnelle – lors des débats soulevés par le dispositif.

36Comment peut-on, si jeune, vouloir renoncer à vivre ? Cette réalité engage notre responsabilité de professionnels et de citoyens. Elle induit une réflexion profonde, systémique et sociétale sur le sens de notre projet politique et plus globalement sur le sens de nos vies. Il est essentiel qu’aiRe d’ados ait un jour assez d’influence et de force pour porter cette réflexion, en devenant la porte-parole de ces jeunes suicidants, victimes d’une violence malheureusement moins médiatisée que la délinquance.

37L’existence d’aiRe d’ados est légitime et précieuse. Ce dispositif innovant mérite d’être reconnu et davantage soutenu. Pour ces jeunes en souffrance et leur entourage, pour ces situations à risques, pour la vie.

Conclusion

38aiRe d’ados vise un travail à plusieurs voix à l’écoute du visible et de l’invisible, de l’interstitiel, de ce qu’il se passe « autour de la table ». Il s’agit d’une plateforme en évolution, à l’image du jeune en devenir, la prévention n’étant pas faite de prédictions.

Membres et partenaires d’aiRe d’ados

39aiRe d’ados vit grâce au temps que chaque institution ou chaque membre lui alloue.

40Sur le site www.airedados.ch, on trouvera également la liste des membres et partenaires ainsi que d’autres informations.

Bibliographie

  • Bevington, D. 2012. « Mentalisation chez les adolescents troublés et troublants », communication présentée à la faculté de psychologie de l’université de Genève.
  • Bevington, D. ; Fuggle, P. ; Fonagy, P. ; Target, M. ; Asen, E. 2013. « Innovations in practice : Adolescent Mentalization-Based Integrative Therapy (ambit) – a new integrated approach to working with the most hard to reach adolescents with severe complex mental health needs », Child and Adolescent Mental Health, vol. 18, n° 1, p. 46-51.
  • Bursztejn, C. 2002. « De l’espace au temps à l’adolescence », dans A. Braconnier, C. Chiland, M. Choquet (sous la direction de), Traiter à l’adolescence : l’adolescent, un patient pas comme les autres, Paris, Masson, p. 23-32.
  • Edan, A. ; Schmid Nichols, N. 2015. « aiRe d’ados soutient les jeunes », Diagonale, n° 104, p. 18-19.
  • Marcelli, D. 1992. « Le rôle des microrythmes et des macrorythmes dans l’émergence de la pensée chez le nourrisson », La psychiatrie de l’enfant, vol. 35, p. 57-82.
  • Oury, J. 1986. Le Collectif, le séminaire de Sainte-Anne, Nîmes, Champ social.
  • Schmid Nichols, N. ; Edan, A. 2015. « aiRe d’ados, un collectif au service des réseaux des jeunes suicidants en grande difficulté », Psychothérapies, vol. 35, n° 2, p. 107-115.

Mots-clés éditeurs : filet de sécurité, risque suicidaire, transversalité, adolescence

Date de mise en ligne : 29/09/2016

https://doi.org/10.3917/empa.103.0054

Notes

  • [*]
    Nathalie Schmid Nichols, psychologue responsable du pôle prévention Malatavie-unité de crise hug-Children Action, 20 avenue de Beau-Séjour, 1206 Genève. Nathalie.SchmidNichols@hcuge.ch
  • [**]
    Yasmine Cebe, psychologue au pôle prévention Malatavie-unité de crise hug-Children Action, 20 avenue de Beau-Séjour, 1206 Genève. Yasmine.Cebe@hcuge.ch
  • [***]
    Anne Edan, médecin adjointe responsable de Malatavie-unité de crise hug-Children Action, 20 avenue de Beau-Séjour, 1206 Genève. Anne.Edan@hcuge.ch
  • [****]
    Xavier Baricault, répondant social, coordinateur de l’équipe sociale à Orif Vernier, via Monnet 4, 1214 Vernier. Xavier.Baricault@orif.ch
  • [1]
  • [2]
    Prénom d’emprunt.

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