Notes
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[*]
Catherine Bruni, psychanalyste, membre de la Société psychanalytique de Paris. brunicatherine31@gmail.com
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[1]
Avis relatif à la définition de la parentalité et du soutien à la parentalité issu du Comité national du 10 novembre 2011.
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[2]
Dont est issu l’article présenté dans cet ouvrage « Complexité de l’accueil des nouvelles parentalités en maternité », p. 50-56.
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[3]
J. André, « La fin du monde », Revue française de psychanalyse, Œdipe(s), n° 5, 2012.
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[4]
S. Faure-Pragier, « Contre-transfert et nouvelles techniques de procréation », site Internet de la spp, 2015.
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[5]
Un exemple extrême : les sites de coparentalité où des candidats parents peuvent se rencontrer sur ce projet commun en le dissociant totalement d’un projet de couple.
1L’intérêt pour la parentalité est venu à un moment où le fait d’être parent ne relevait plus de l’évidence dans un contexte de mutation sociale et de nouvelles manières d’enfanter. Nous voyons venir vers nous des hommes et des femmes qui sont devenus père ou mère de manières différentes, dans des configurations familiales originales.
2Les deux aspects : techniques modernes de procréation et évolution sociale des mœurs et des normes, se sont développés de manière concomitante et interdépendante. Les anciens et les nouveaux modèles cohabitent ; chacun se trouve dans une grande liberté d’interprétation, d’adaptation et d’appropriation par rapport à ces modèles (liberté revendiquée par notre société démocratique et égalitaire). En même temps, cette relativité des normes établies les affaiblit, les questionne sans cesse et met en chacun doute et incertitude.
Quelques définitions de la parentalité
3La parentalité est un terme nouveau pour lequel la définition du dictionnaire Le Robert est encore très sommaire : qualité de parent, de père, de mère. On peut y voir aussi qu’un parent se définit par le lien de dépendance qu’un enfant a avec lui. Sur le web, la définition est un peu plus précise : la parentalité est un néologisme datant de la fin du xxe siècle, issu de la sphère médico-psychosociale, pour définir la parenté, la fonction d’être parent dans ses aspects juridiques, politiques, socio-économiques, culturels et institutionnels…
4Ces dernières années, nombreuses ont été les recherches sur la parentalité et la place de cette fonction dans notre société (notamment, en 1999, le rapport Houzel). En novembre 2011, un comité de réflexion national [1] composé de spécialistes, chercheurs et politiques leur a permis de s’accorder sur la définition suivante : « La parentalité désigne l’ensemble des façons d’être et de vivre le fait d’être parent. C’est un processus qui conjugue les différentes dimensions de la fonction parentale, matérielle, psychologique, morale, culturelle, sociale. Elle qualifie le lien entre un adulte et un enfant, quelle que soit la structure familiale dans laquelle il s’inscrit, dans le but d’assurer le soin, le développement et l’éducation de l’enfant. Cette relation adulte-enfant suppose un ensemble de fonctions, de droits et d’obligations (morales, matérielles, juridiques, éducatives, culturelles) exercés dans l’intérêt supérieur de l’enfant en vertu d’un lien prévu par le droit (autorité parentale). Elle s’inscrit dans l’environnement social et éducatif où vivent la famille et l’enfant. »
5Un certain nombre de points caractérisant la parentalité ont été relevés : « son caractère multidimensionnel à l’image d’un réseau câblé, qui induit une coordination et le partenariat entre acteurs ; la neutralité du terme de parentalité, qui se distingue de la parenté (liens biologiques) et de l’autorité parentale (statut de parent détenteur de l’autorité parentale) ; son caractère évolutif (“on ne naît pas parent, on le devient”) qui relève d’un processus… »
6Nous voyons tout d’abord l’immensité et la complexité des champs théoriques que cela recouvre : le droit, la sociologie, l’anthropologie, la psychologie, la psychanalyse…
7L’encre a beaucoup coulé dans nos milieux autour des fonctions parentales et de leur caractère fondamental pour la construction du petit humain. Rappelons que pour Freud, être parent est un exercice impossible comme celui d’enseigner, de diriger, ou d’être psychanalyste… Ce qui souligne que le lien parent-enfant est d’essence paradoxale.
Questions posées par les nouvelles formes de parentalité
8Nous retiendrons de la définition préalable pour notre propos que la parentalité est un processus, qu’elle définit le lien entre un parent et son enfant, et que le parent a la charge du soin, du développement et de l’éducation de l’enfant.
9Qu’est-ce qui change dans les nouveaux modes de parentalité ? Quelles sont les interrogations posées, les inquiétudes soulevées ?
10Le soin réside dans la réponse adaptée à la détresse et à la dépendance d’abord totale du nouveau-né puis partielle de l’enfant à tous les niveaux de sa réalité psychosomatique. C’est ce que l’on nomme souvent la fonction maternelle ; fonction de contenance qui soutient et alimente la construction narcissique du petit humain, la base de son sentiment identitaire. Cette dépendance engendre chez le parent une responsabilité qu’il peut ressentir comme écrasante et étouffante et qui peut entraîner un rejet inconscient de l’enfant ou une culpabilité invalidante. Les nouveaux modes de parentalité, par leur décalage avec le modèle traditionnel de la famille, peuvent accentuer la fragilité narcissique d’un parent ou exacerber son angoisse et sa culpabilité.
11Le développement est un processus, du côté de l’enfant, intimement lié aux relations qu’il développe avec son entourage ; la question essentielle demeure celle de la transformation d’une part de l’excitation purement somatique en pulsion ; ce qui ne peut s’accomplir que dans la relation à un objet d’amour qui donne à la pulsion une direction et un but ; cette énergie pulsionnelle s’organise ensuite par la construction d’un appareil psychosomatique de plus en plus complexe et élaboré au fur et à mesure que l’enfant grandit et bien au-delà. Les rêveries parentales, telles que Bion les a comprises, participent largement à cette construction de la psyché.
12Pour ses parents, le bébé est un prolongement d’eux-mêmes ; ils placent en lui leurs désirs et leurs espoirs. On peut légitimement penser que le sexe et le nombre des personnes impliquées dans la relation avec l’enfant changent la donne. Mais de quelle manière ? Cela modifie-t-il l’éveil du psychisme de l’enfant ? Dans quelles conditions ? S’il est fondamental que le rêve du parent accompagne l’enfant, il est tout aussi capital, dans un second temps, que ce rêve puisse s’effacer devant la personne et le désir propre de l’enfant… Au delà de la symbiose initiale, l’enfant doit pouvoir se situer comme un sujet singulier et unique, donc différent des désirs qui ont préexisté à sa venue au monde. L’accès à l’altérité et à la différence est ainsi ouvert.
13Les nouveaux modes de parentalité ont-ils une difficulté particulière à reconnaître à l’enfant sa singularité ? Cette question a été régulièrement posée car elle souligne le risque de l’enfermement de l’enfant comme prolongement narcissique du parent ; mais la cellule familiale classique nous prémunit-elle contre ce risque ?
14Lors d’un atelier organisé par l’association fare sur la question de l’homoparentalité [2], Emmanuelle Teissier, psychiatre, et Marie-Émilie Dorso, psychologue à la maternité Joseph-Ducuing (Toulouse), ont témoigné : « L’expérience de ces rencontres nous amène, dans un premier temps et comme d’habitude, à poser la nécessité d’évaluer la psychopathologie maternelle comme un facteur prédictif important de l’évolution de la dyade. »
15Un autre aspect de notre définition est l’éducation de l’enfant. Il s’agit là de mettre de l’ordre, de structurer le monde en fonction de la société et de la culture d’appartenance ; l’éducation étant ce qui permet de transiter de la famille au groupe social. L’enfant doit passer du principe de plaisir à celui de réalité, accepter de renoncer à des plaisirs immédiats pour des satisfactions plus subtiles (mais d’abord pour garder l’amour de ses parents). Progressivement, il quitte sa position de dépendance, s’autonomise en tant que sujet… À condition que ses parents lui accordent cet écart, cette distance prise, et l’introduisent au monde.
16Tout cela ne se fait pas sans pleurs et grincements de dents de part et d’autres. Frustration, dépit, engendrant haine et désir de vengeance… Nous reconnaissons là les ingrédients de notre sacro-saint complexe d’Œdipe.
17Là aussi, des questions : pour Freud, les fantasmes originaires étaient inscrits phylogénétiquement… Alors comment ne pas s’interroger sur la différence de repères avérés pour la réalisation de ce qui nous fait rentrer dans la condition humaine ? L’accès à la symbolisation peut-il se faire sous d’autres formes ? Les familles actuelles mettent-elles plus en péril qu’avant l’advenir du petit d’homme ? Faut-il s’en inquiéter comme l’ont fait certains psychanalystes ? Jacques André [3] nous dit à propos du complexe d’Œdipe, « dans la lignée de Freud, de Sophocle et de Diderot », que le dit complexe est « un creuset de violence, celle de désirs incestueux et meurtriers qui n’ont de cesse de trouver leur accomplissement. Désirer coucher avec sa mère et tuer son père n’a jamais structuré personne. Le trio œdipien est un trio infernal, pas encore un triangle ».
18Dans notre société, la loi devient relative. Et pourtant la psychanalyse nous enseigne que la référence à un tiers extérieur (au sens d’André Green ou de Lacan, c’est-à-dire permettant l’accès à l’altérité) est absolue, elle ne transige pas ; cette référence tierce permet de structurer et de canaliser la violence de notre inconscient.
19On peut donc encore expérimenter aujourd’hui la richesse et la pertinence de la découverte freudienne si l’on considère que le schéma proposé par Freud est un mythe fondateur adaptable à de multiples contextes humains…
20Un exemple à propos de la scène primitive, habituellement reconnue comme fantasme originaire de la psyché. Pour Sylvie Faure-Pragier, qui a une longue expérience du travail psychique avec des femmes dont les grossesses sont issues des nouveaux modes de procréation : « La priorité donnée à la réalité de la conception ne (me) semble pas correspondre à la richesse de la maîtrise par la fantasmatisation. On sait depuis Freud qu’expliquer aux enfants la vérité sur les relations sexuelles de ses parents ne change pas les théories infantiles. Le psychisme, avec ses prodigieuses facultés de liaison, admettrait-il que le symbolique soit tributaire du réel [4] ? » D’un autre côté, pourrait-on imaginer qu’un lien parental aseptisé de toute conjugalité ait le pouvoir de mettre en route la fantasmatisation de l’enfant [5] ?
21La question essentielle est la suivante : pour accéder au triangle œdipien, quelle est la part d’incarnation nécessaire dans le réel ?
Histoire d’Eléa
22Les parents d’Eléa m’amènent leur petite fille de 7 ans pour un comportement violent à l’école. En consultation, elle me paraît très excitée et avoir du mal à se poser. Elle parle beaucoup, me racontant ses histoires de copines, alliances et trahisons qui ont motivé ses passages à l’acte et les interpellations de la maîtresse envers ses parents. Ils ont déménagé depuis peu et ont été attentifs à ne pas la changer d’école en cours d’année. Ils évoquent quelques tensions entre eux, ils ont fait attention à ne pas se disputer devant leur fille, « mais les cloisons chez nous ne sont pas très épaisses » précisent-ils.
23Quinze jours après, je reçois à nouveau Eléa pour une seconde consultation. Elle s’applique alors à me décrire sa nouvelle chambre chez sa nouvelle demi-sœur qui est de surcroît une bonne copine. Puis elle m’explique l’organisation très compliquée de la semaine : chaque jour, qui l’amène à l’école, qui vient la chercher, avec qui elle fait les devoirs, chez qui elle dort… Je me dis que quelque chose a dû m’échapper lors de la première rencontre… Le papa fait une drôle de tête et lorsqu’il entre dans le bureau pour me régler, il me demande d’un air entendu comment elle va, puis il m’explique lui aussi comment la garde est organisée et très équitablement partagée, comment ils ont dit les choses à Eléa, ce qu’ils lui ont expliqué… soucieux de savoir s’ils ont fait ce qu’il fallait ! Je lui demande alors de quand date cette séparation ? De la semaine précédente…
24Je verrai Eléa encore une fois le temps qu’elle s’amuse de ma perplexité et de ma difficulté à me repérer dans son emploi du temps. Puis, au détour d’une consultation manquée, je n’ai plus de nouvelles.
25Mais le couple reviendra de temps à autre à quelques mois d’intervalle pour que je les aide à réfléchir au cadre de vie d’Eléa. Madame s’est à nouveau séparée et a déménagé, seule cette fois ; monsieur a eu deux copines chez qui il a vécu. Il souhaite revenir avec sa femme, qui, elle, reste prudente.
26Que suis-je pour eux ? Un régulateur thermo-statique qu’ils viennent voir lorsque la fièvre monte ? Une grand-mère bienveillante qui peut leur transmettre une manière d’être dans leur parentalité ? Un repère, un phare quand la confusion de leur vie les déborde ?
27Cette histoire est assez typique de ce que peut produire notre modernité : à la fois la banalisation des changements de partenaires amoureux pour les parents, qui se font dans des passages à l’acte immédiats, et la préoccupation pour l’enfant, réelle, mais qui se situe sur un registre tout à fait décalé par rapports à ses besoins fondamentaux. De la même manière, certains enfants passent d’institution en institution, rejouant souvent au travers de ces trajectoires les traumatismes de leur histoire familiale.
Enjeux des nouvelles formes de parentalité
28Je voudrais insister sur cette question de la relation objectale au parent en tant que facteur de cohérence de l’environnement, essentiel pour le repérage et la construction de l’enfant.
29Un enfant se construit dans le temps ; la continuité et l’intelligibilité des soins et de l’éducation qu’il reçoit sont une donnée fondamentale quel que soit le nouvel horizon de la parentalité. Dans la société actuelle, il peut se trouver autour de lui : père, mère, au singulier et au pluriel, beaux-parents, fratries de sang, de demi-sang ou de partage de résidence, grands-parents génétiques ou d’adoption, parrain, marraine officielle ou de cœur… mais aussi enseignants, animateurs, éducateurs, professionnels du soin, etc.
30La question du lien entre ces différents partenaires et ces différents espaces, la manière dont ils s’ouvrent ou se ferment, cohabitent ou se succèdent, communiquent ou s’ignorent, s’entrechoquent ou s’articulent… jouent un rôle fondamental pour la construction psychique de l’enfant.
31Le petit humain a de tout temps évolué dans un univers pluri-spatial et pluri-humain. La complexité de l’environnement social, notamment de l’organisation familiale qui entoure un enfant, est présente dans de nombreuses communautés mais elle est le plus souvent codifiée et transmise par l’ensemble du groupe social. Dans notre société contemporaine, chaque enfant peut avoir un univers quotidien particulier et original qui dépend uniquement des choix parentaux.
32Le sens et la cohérence pour l’enfant de toute cette organisation est donnée par la relation à un ou quelques objets centraux, ce qui lui permet d’établir une continuité psychique. Et cela vaut tout autant pour l’enfant qui grandit dans sa ou ses familles, qu’elles soient monoparentale, homoparentale, classique, élargie, recomposée…, que pour celui qui vit en institution spécialisée, en famille d’accueil, en foyer…
33La responsabilité que la société donne au parent, ou à l’institution qui pallie son absence, est celle de penser son enfant dans toute sa complexité et sa globalité, aussi bien au travers des différents espaces qui l’accueillent que dans le temps. « J’en ai pris pour perpette » se plaignait, non sans humour, un père rencontré par Béatrice Fabre dans le cadre d’un Espace écoute parents.
Histoire de Juliette
34Je reçois Juliette quelques mois après son entrée en seconde ; elle est très anxieuse et vomit chaque matin avant d’aller prendre le bus qui l’amène au lycée ; la nuit, elle a des maux de ventre intenses qui la laissent éveillée longuement, quand ce ne sont pas d’horribles cauchemars. Elle a très souvent de la diarrhée, ce qui perturbe sa vie sociale. Cela dure depuis de nombreuses années, avec quelques accalmies et une intensification ces derniers mois. Elle a essayé différents soins – hypnose, relaxation, etc. – depuis plusieurs années, sans résultats au long cours.
35Dans le travail que nous ferons ensemble, il s’agira de reconstruire son histoire et celle de ses attachements à différentes figures parentales plus ou moins fiables. Ses parents se sont séparés alors qu’elle avait 4 ans ; elle a une demi-sœur (qui n’a pas le même père) de cinq ans de plus qui sera pour elle un repère essentiel.
36La configuration familiale est complexe et représentative des modes de vie actuels : outre les parents et les grands-parents de chaque côté, on trouve les compagnons des parents, leurs enfants et certains membres de leurs familles respectives, des oncles et tantes, des amis très investis dont les enfants jouent le rôle de cousins, cousines… une multitude de personnes auxquelles Juliette est attachée et qui le lui rendent bien. C’est une enfant investie par intermittence qui circule dans ces différents espaces familiaux ou pseudo familiaux, auxquels se rajoutent l’école, les centres de loisirs, les lieux d’activité extrascolaires. Elle a pour guide et phare sa grande sœur, très protectrice à son égard, avec qui elle partage la plupart de ses déplacements. Mais à 18 ans, suite à un conflit, celle-ci rompt brutalement avec l’ensemble de la famille pour partir vivre avec son petit ami. C’est là que les soucis de Juliette se font bruyants ; elle est alors en 4e…
37On note l’importance de la fratrie que l’on retrouve régulièrement dans ce type de configuration.
38Durant le travail thérapeutique, au travers du lien transférentiel, Juliette reconstruira son histoire et clarifiera ses liens d’attachement ; elle donnera à chacun une place et un investissement affectif nuancé. Les symptômes s’apaiseront. Pour ses 18 ans et après bien des péripéties, elle réunira pour la première fois tous les gens qui ont compté pour elle…
39La question qui finalement se pose est celle non pas de la pertinence des nouvelles formes d’organisation familiale mais celle des besoins de l’enfant, de leur prise en compte et de la cohérence des réponses proposées. Certes, le petit humain est très adaptable mais il compte sur son environnement pour se construire.
40Devant la multiplicité des possibles, il paraît important de s’interroger sur ce que l’organisation de vie de l’enfant a comme nécessités et comme limites de souplesse. Par exemple, peut-on considérer qu’une garde alternée qui se met en place au sortir de la maternité est un cadre de vie adéquat pour un nourrisson ? De manière générale, la multiplicité de lieux de vie pour l’enfant peut être une façon défensive de diminuer la responsabilité qu’il nous inspire. Ne favorise-t-elle pas aussi l’évitement de la confrontation à l’avidité affective ou à la souffrance de l’enfant (qui renvoie à celle, infantile, du parent) ?
41Dans les familles recomposées, on peut voir souvent comment l’ambivalence des sentiments à l’égard des imagos parentales se diffracte sur les beaux-parents, de la même manière que dans les contes de fées où les marâtres se chargent du mauvais rôle. La maturation psychique de l’enfant peut en être facilitée. Mais cela n’a-t-il pas des limites ? Notamment en favorisant les clivages ? La multiplicité des investissements de type parental peut parfois donner à l’enfant le sentiment d’un isolement profond, comme s’il ne comptait au fond pour personne.
Conclusion
42Le parent est le référent ; celui qui raconte l’histoire, dont il est à la fois acteur, témoin et garant, tant que le sujet ne peut la raconter lui-même. Ce peut être une charge bien lourde, trop complexe ou inaccessible pour certains.
43À une heure où le socius, de par sa multiplicité de modèles, est plus angoissant que réconfortant, la ligne de tension entre la société et l’individu s’est déplacée vers de plus en plus de liberté de choix pour le sujet. De manière logique, cela favorise des maillages souples et non coercitifs mais distend la cohésion sociale, ce qui peut être très mal vécu. La liberté individuelle demande une autonomie de pensée et une gestion de l’angoisse suffisantes.
44Les parents ont une lourde responsabilité qu’ils partagent avec leur environnement ; la manière de garantir à l’enfant les soins dont il a besoin est un enjeu de taille qui concerne tous les citoyens. Dans notre société complexe et ouverte à de multiples influences, nous avons souvent tendance à attendre des solutions qui feraient l’économie de la réflexion par des simplifications abusives et idéalisées.
45Alors, que proposer comme étayage social à la fonction parentale ?
46Nous allons découvrir tout au long de ce numéro des dispositifs innovants qui témoignent des interrogations des travailleurs du secteur médico-social et de leur recherche pour offrir aux parents un accompagnement adapté quelle que soit la forme familiale à laquelle ils se réfèrent.
Pères et mères
Bibliographie
Bibliographie
- André, J. 2012. « La fin du monde », Revue française de psychanalyse, Œdipe(s), n° 5, p. 1523-1528.
- Comité national de soutien à la parentalité. 2011, « Avis relatif à la définition de la parentalité et du soutien à la parentalité », publication Internet.
- Denis, P. 2002. « Inquiète paternité », Revue française de psychanalyse, Familles d’aujourd’hui, n° 1, p. 119-128.
- Faure-Pragier, S. 2015. « Contre-transfert et nouvelles techniques de procréation », site Internet de la spp.
- Freud, S. 1905. Trois essais sur la théorie de la sexualité, Paris, Gallimard.
- Freud, S. 1912. Totem et tabou, Paris, Gallimard.
- Freud, S. 1917. Conférences d’introduction à la psychanalyse, Paris, Gallimard.
- Golse, B. 2014. « Transmission, identité et ontogenèse psychique du bébé. Une histoire à double sens », Revue française de psychanalyse, Transmissions, n° 2, p. 363-376.
- Houzel, D. (sous la direction de). 1999. Les enjeux de la parentalité, Toulouse, érès.
- Le Guen, C. 2008. Dictionnaire freudien, Paris, Puf.
- Neyrand, G. 2011. Soutenir et contrôler les parents, le dispositif de parentalité, Toulouse, érès.
- Neyrand, G. ; Wilpert, M.-D. ; Tort, M. 2013. Père, mère, des fonctions incertaines. Les parents changent, les normes restent ?, Toulouse, érès.
- Parat, H. 2012. « Au cœur de la rencontre entre anthropologie et psychanalyse : Œdipe et ses interdits », Revue française de psychanalyse, Œdipe(s), n° 5, p. 1707-1713.
- Spitz, R, 1965. De la naissance à la parole, la première année de vie, Paris, Puf.
Notes
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[*]
Catherine Bruni, psychanalyste, membre de la Société psychanalytique de Paris. brunicatherine31@gmail.com
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[1]
Avis relatif à la définition de la parentalité et du soutien à la parentalité issu du Comité national du 10 novembre 2011.
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[2]
Dont est issu l’article présenté dans cet ouvrage « Complexité de l’accueil des nouvelles parentalités en maternité », p. 50-56.
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[3]
J. André, « La fin du monde », Revue française de psychanalyse, Œdipe(s), n° 5, 2012.
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[4]
S. Faure-Pragier, « Contre-transfert et nouvelles techniques de procréation », site Internet de la spp, 2015.
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[5]
Un exemple extrême : les sites de coparentalité où des candidats parents peuvent se rencontrer sur ce projet commun en le dissociant totalement d’un projet de couple.