1La question de l’accès à tous les droits fondamentaux pour les personnes en situation de handicap est devenue essentiellement politique et non médicale. Notre société prend conscience que l’inaccessibilité de l’environnement urbain est un facteur de discrimination pour une large partie de la population, plus encore pour les enfants. Désormais, nul n’échappe à ces perspectives, soit directement en raison des accidents de la vie courante, des maladies ou du vieillissement, soit indirectement par un proche qui connaît ou connaîtra des phénomènes de dépendance, effet de rallongement de l’espérance de vie. À ce titre, le quart de la population française est concernée ...
2C’est la société dans son ensemble qui aspire au confort et à la qualité d’usage dans un objectif de mieux vivre à tous les âges et quelle que soit la dépendance. Il s’agit de renforcer la durabilité sociale dans le cadre de la modification de l’espace public, d’encourager l’identification à sa propre ville et de promouvoir la réalité du « bien-être ». C’est tout simplement une question de droit humain et social.
3La place de l’enfant dans la ville est un sujet d’actualité, d’autant plus que les estimations récentes des Nations unies indiquent qu’un citadin sur trois est un enfant. Marcher, courir, grimper, rouler, glisser, jouer, traîner, se baigner, danser, discuter, se reposer … Autant d’usages, nécessaires au développement des jeunes citadins et qui peuvent prendre place dans les espaces publics. Cependant, les villes contemporaines ne permettent pas toujours ces pratiques et les espaces dédiés aux enfants ou aux jeunes les maintiennent souvent à l’écart de la vie urbaine. Quelle place souhaitons-nous leur accorder dans nos villes ? Comment repenser le partage des espaces publics et inventer des espaces adaptés à leurs besoins et ouverts à leur imagination ? Comment associer ces usagers de la ville à la conception de leur environnement quotidien ?
Accueil des enfants en situation de handicap : crèche, loisirs, inclusion scolaire
4Les structures d’accueil d’enfants sont autant de lieux de participation, de citoyenneté partagée, où tous les enfants peuvent se côtoyer et apprivoiser ainsi leur diversité et leur fragilité humaines. Les enfants y apprennent, en jouant et en grandissant ensemble, à faire monde commun.
5Il y a discrimination lorsqu’on ne permet pas à un enfant d’accéder, comme les autres, aux activités. Ses parents, confrontés aux exigences de chaque jour, à l’incertitude du lendemain, et jamais pleinement libérés de leur tourment, désirent bénéficier, eux aussi, des mêmes droits fondamentaux et des mêmes services que les autres. Sans culpabilité.
6Parce qu’il serait naturel de ne priver aucun enfant de son droit d’accès à l’ensemble des biens sociaux – éducation, travail, culture, sport, loisirs, vacances … –, nous avons l’obligation, et la magnifique opportunité, de faire en sorte que l’enfant handicapé soit un enfant parmi d’autres. Il nous appartient de proposer des voies de transformation des pratiques et des politiques publiques. À Toulouse, l’accueil des enfants handicapés en structures petite enfance, de loisirs, de sports, de pratiques culturelles ou de vacances, a été repensé. Ainsi, nous avons :
- accordé la priorité pour des admissions en crèche d’enfants et familles concernés par le handicap ;
- passé convention avec l’État pour accompagner les élèves handicapés en maternelle (300 enfants et 900 K €) ;
- accéléré le recrutement de plus d’accompagnants en loisirs et vacances (plus de 800 enfants handicapés accueillis, 500 accompagnants, pour 1,7 M €) ;
- mobilisé l’ensemble du personnel encadrant par des formations pluriannuelles ;
- formé du personnel de crèche à la langue des signes ;
- contractualisé avec deux associations (ceresa et Autisme 31) et favorisé l’inclusion des enfants autistes au sein de deux centres de loisirs municipaux ;
- impliqué les ludothèques pour adapter l’accueil d’enfants différents ;
- mobilisé les jeunes élus du Conseil municipal des enfants ;
- accompagné plus d’enfants et de jeunes handicapés à la pratique sportive (4 600 enfants concernés par 15 disciplines sportives) ;
- favorisé l’accès aux séances de cinéma pour tous …
7Pouvoir être scolarisé dans l’école de son quartier, autant que possible avec les autres enfants, pouvoir accéder à tous les bâtiments recevant du public, quel que soit son handicap, est un droit. Dans le cadre de la loi de février 2005 et des compétences de la Ville, nous avons rendu accessibles la moitié des écoles toulousaines. À ce jour, un élève handicapé est sûr d’être accueilli en élémentaire et si des besoins spécifiques d’aménagement sont nécessaires, nous agissons.
8Pour les jeunes sourds sortant de classes bilingues (de la maternelle au baccalauréat), les heures d’interprétariat en langue des signes des cours en université sont largement insuffisantes. Il y a donc discontinuité du parcours et risque de décrochage et d’exclusion. Comment alors s’étonner du fort taux d’illettrisme et de chômage ?
9Pour une inclusion heureuse, plusieurs éléments sont à réunir :
- favoriser la formation du personnel en milieu scolaire ou en structure d’accueil. Cela nécessite une coordination des politiques publiques ;
- permettre l’accès, dès le plus jeune âge, des enfants en situation de handicap aux lieux de socialisation : crèches, haltes-garderies, ludothèques, écoles maternelles, centres de loisirs, etc. ;
- sécuriser la scolarisation dès la maternelle lorsque l’école répond aux besoins de l’enfant ;
- conjuguer la possibilité de mettre en place des réponses alternatives, combinant l’intégration à l’école et l’accueil en établissement médicosocial.
La concertation, le partenariat
10Nous ne pouvons agir ainsi qu’avec un partenariat permanent avec les associations, qui nous engage à un dialogue. Ensuite, sans une mise en cohérence des politiques publiques avec les autres collectivités locales – Conseil régional, Conseil général et mdph (Maison départementale des personnes handicapées) –, nous n’y arriverons pas.
11Ce travail de transversalité est encore à inscrire dans les pratiques et méthodes institutionnelles, à l’exception d’implications fortes mais individuelles…
12Or la mise en œuvre des politiques publiques, en matière de handicap et de dépendance, est de plus en plus confiée aux acteurs territoriaux :
- la Région pour les offres de services et de formation du médicosocial ;
- le Département pour l’évaluation des situations individuelles ;
- la Ville, pour des services à la personne ;
- la cpam, les mutuelles ;
- les associations …
13De toute évidence, la réalisation des droits des personnes handicapées ne pourra être effective que si le handicap est pris en compte dans l’ensemble des programmes et des actions ; c’est le principe de conception universelle … Pourtant, beaucoup reste à faire. L’accès à tous les services est encore synonyme de nombreuses difficultés pour les enfants handicapés. Ils sont parmi les plus vulnérables face à la violence, à la maltraitance, à l’exploitation et au manque de soins.
14S’atteler à gommer toutes les discriminations sociales et financières, et permettre à tous les enfants l’accès aux activités proposées dans la ville reste une priorité politique toulousaine …
15C’est dire si nous allons bien au-delà des compétences de la ville en ce domaine.
Des chiffres
- Dans les pays de l’ocde, les personnes handicapées qui font des études supérieures restent sous-représentées, même si leur nombre augmente.
- D’après l’onu, 10 % de la population, soit 650 millions de personnes, vivent avec un handicap. C’est vrai pour la France et Toulouse ! Ils constituent la plus large minorité au monde.
- Seulement 2 % des personnes handicapées ont accès aux services de santé de base.
- 80 % d’entre elles vivent avec moins de 1 euro par jour.
- 98 % des enfants handicapés ne vont pas à l’école.
- 1 enfant sur 150 naît autiste.
De nouveaux droits !
- Revalorisation de 25 % de l’allocation adulte handicapé ? Alors que les personnes sont de plus en plus pénalisées par la baisse ou la suppression des remboursements des frais médicaux, pharmaceutiques, les forfaits, les franchises … À quand une prise en charge des frais liés à l’aide animalière ?
- Quid de l’accès aux soins ?
- Un pacte pour l’emploi des personnes handicapées ? Mais quel parcours du combattant pour des milliers de travailleurs handicapés en recherche d’emploi.
Mots-clés éditeurs : lutte contre les discriminations, handicap, accessibilité, politiques publiques, espaces publics
Date de mise en ligne : 07/04/2014.
https://doi.org/10.3917/empa.093.0072