Notes
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Écrit avec le soutien financier du Centre national d’étude des systèmes scolaires.
1Hors de l’école, nous apprenons tous les jours, n’importe où, à propos de tout ce que nous faisons, vivons, lisons, voyons, écoutons, avec ceux que nous rencontrons. L’apprentissage correspond largement à une adaptation à notre environnement social, vivant, physique, linguistique, technologique, etc., et aux changements de celui-ci. Cet apprentissage adaptatif est en partie implicite, souvent perçu comme peu contraignant : on apprend ce qu’on fait et on fait ce qu’on apprend. Comme processus adaptatif, cet apprentissage est sélectif : il [ne] permet d’apprendre [que] ce qui optimise notre interaction avec notre environnement quotidien (Anderson 2000). Plusieurs sociétés humaines, au cours de leur histoire, ont développé des manières de compenser cette limite adaptative, pour permettre aux individus d’apprendre des connaissances qui ne sont pas forcément utiles ici et maintenant, mais qui le seront peut-être plus tard, dans un autre lieu (Geary 2008).
2Il ne s’agit pas ici des apprentissages étayés par autrui et reposant sur l’aide apportée par un expert ou un pair pour nous permettre d’atteindre le but que nous poursuivons sans savoir l’atteindre ; pas plus que des apprentissages par imitation ni des situations spécifiquement aménagées pour permettre un tel apprentissage présentes chez des primates humains et non humains (Matasuzawa et al. 2008). Il existe de multiples façons d’apprendre des connaissances/ des pratiques plus rapidement que si nous avions dû les découvrir par nous-même. Ces modalités de transmission de la culture fonctionnent très bien (Tomasello 2015) ; leur fonction est adaptative, elle réside précisément dans l’accélération de l’adaptation à l’environnement.
3Cet article [1] aborde les apprentissages qui ne correspondent pas à un but poursuivi, qui ne s’inscrivent pas dans notre environnement quotidien. Les sociétés humaines au cours de leur histoire ont organisé différemment cette transmission de la culture correspondant à des apprentissages non adaptatifs (Jacob 2007, Kelly 2015). À l’échelle de l’évolution de notre espèce, cette modalité de transmission est assez peu répandue (Lancy 2016), elle ne concerne que marginalement les apprentissages et semble spécifiquement humaine (Csibra & Gergely 2009). On peut vraisemblablement trouver à chaque fois quatre contraintes communes : de temps, de lieu, des savoirs à apprendre et de la manière de les apprendre. L’école d’aujourd’hui, dans les pays occidentaux riches, est une façon de les mettre en œuvre. Apprendre à l’école repose sur leur acceptation. Enseigner, c’est les aménager pour permettre à autrui d’apprendre.
4Les apprentissages scolaires sont donc extrêmement contraints comparés à ceux de la vie quotidienne. Ce constat a depuis longtemps interpellé ceux qui enseignent ou réfléchissent à l’éducation, comme Platon, Rabelais, Montaigne, Rousseau, Dewey et ceux qui voulaient créer une “éducation nouvelle”, notamment au cours de la première moitié du XXe siècle. Plus récemment, la révolution numérique a laissé entrevoir une nouvelle possibilité d’exercer moins de contraintes sur les élèves, leur permettant des apprentissages scolaires moins subis et plus heureux. Cette révolution ayant commencé il y a une quarantaine d’années, il est possible aujourd’hui de faire un point d’étape et de passer en revue quelques résultats empiriques sur l’effet du numérique sur les apprentissages par enseignement selon ces quatre contraintes.
Le numérique soulage-t-il la contrainte de temps ?
5À l’école, les élèves n’apprennent pas n’importe quand : les jours et les semaines sont imposés par le ministère de l’Éducation nationale, les moments des activités au sein de la journée sont imposés par l’enseignant ou l’enseignante. L’apprentissage mobile fait sauter cette contrainte : via des téléphones et des tablettes, nous pouvons apprendre à n’importe quel moment de la journée ou de la semaine (et n’importe où –dans le train ou le métro, chez soi, lors d’une promenade…). Wu et al. (2012) ont conduit une méta-analyse portant sur 164 études publiées entre 2003 et 2010 à ce propos. Ces auteurs montrent que l’apprentissage mobile présente des résultats positifs sur la satisfaction des élèves (dans 86 % des publications analysées). Mais les auteurs ne parviennent pas à montrer un effet positif sur l’apprentissage lui-même.
6Neroni et al. (2019) ont étudié la relation entre les stratégies d’apprentissage (dont la gestion du temps) et la réussite académique en enseignement à distance. Les participants sont 758 étudiants (âgés de 19 à 71 ans) d’une université d’enseignement à distance aux Pays-Bas. Un questionnaire en ligne est utilisé pour déterminer les stratégies d’apprentissage des étudiants, tandis que les notes aux examens sont utilisées pour mesurer la réussite académique. Les chercheurs se sont focalisés sur les différences entre les étudiants non traditionnels (ceux qui ont plus de 24 ans, qui travaillent) et les étudiants traditionnels (plus jeunes, qui ne travaillent pas à côté), tous étant inscrits dans la même université à distance. Les résultats montrent que la gestion du temps et de l’effort est le meilleur prédicteur de la réussite aux examens. Ils montrent aussi que les étudiants non traditionnels sont plus aptes à bien gérer leur temps d’apprentissage et sont plus persistants face aux défis que les traditionnels. Les auteurs font l’hypothèse que les non traditionnels, qui ont souvent une vie professionnelle et familiale très occupée, doivent savoir gérer leur temps et leur environnement d’apprentissage pour pouvoir s’en sortir. Peut-être que les étudiants non traditionnels qui n’ont pas ces compétences dans la gestion du temps abandonnent rapidement l’université à distance (ou ne s’y inscrivent pas). L’utilisation de stratégies cognitives complexes (élaboration, mais aussi planification, contrôle et régulation de leur propre apprentissage) est aussi un bon prédicteur de la réussite aux examens. Les étudiants non traditionnels obtiennent des scores beaucoup plus élevés que les étudiants traditionnels dans ce domaine.
7Les effets de la crise sanitaire Covid-19 et des périodes de confinement sur l’enseignement et l’apprentissage ont donné lieu à de nombreux travaux dont certains sont publiés à l’heure où cet article est écrit (octobre 2020). Tous insistent sur la difficulté pour les élèves d’organiser leur temps d’étude à la maison ; sur le conseil (voire la contrainte) des enseignants sur les plus jeunes, quant à l’organisation de ce temps ; sur le fait que le temps d’étude doit être constitué de périodes courtes (Karsenti & Parent 2020).
8Il semble que le numérique permette d’assouplir la contrainte temporelle car chaque élève peut apprendre à un moment de son choix et non en même temps que les 30 élèves de sa classe ; mais il ne fait pas sauter la contrainte temporelle : apprendre des connaissances scolaires requiert du temps. C’est la responsabilité de cette contrainte qui est déplacée : elle ne relève plus de l’enseignant ou enseignante, mais de l’élève, or l’assumer et la mettre en œuvre est difficile pour certains, jeunes ou moins jeunes.
Le numérique soulage-t-il la contrainte de lieu ?
9Les apprentissages scolaires imposent une forte contrainte de lieu : l’établissement, la salle de classe, parfois la place de l’élève et ses déplacements en son sein. L’enseignement à distance fait sauter la contrainte de lieu. Grâce au numérique, l’enseignant ou l’enseignante et ses élèves peuvent aujourd’hui communiquer par courrier électronique, chat, forum, visio-conférence, au sein de dispositifs divers, comme ceux proposés par le CNED (Centre National d’Enseignement à Distance) ou les MOOC (Massive Open Online Courses), etc. Apprendre à distance est réputé exigeant, nécessitant des élèves un investissement important. Cependant, peu de différences sont constatées concernant l’efficacité des apprentissages.
10La méta-analyse de Bernard et al. (2004) porte sur 232 études comparatives publiées entre 1985 et 2002 sur l’enseignement à distance vs en présence. Les résultats indiquent des tailles d’effet pratiquement nulles pour les mesures d’efficacité, d’attitude et de mémorisation. L’enseignement à distance étant parfois supérieur parfois inférieur à l’enseignement en présence, les auteurs concluent que les recherches devraient aller au-delà de la simple comparaison, notamment en prenant en compte la pédagogie.
11La même équipe a réalisé une autre méta-analyse de 74 études sur le même sujet 5 ans après (Bernard et al. 2009), incluant les conditions pédagogiques et/ou médiatiques mises en œuvre dans les formations à distance, conditions censées faciliter les interactions étudiant-étudiant, étudiant-enseignant ou étudiant-contenu. Dans l’ensemble, les résultats confirment l’importance des trois types de facilitation des interactions : elles améliorent l’apprentissage, surtout celles qui facilitent les interactions étudiant-étudiant et étudiant-contenu. Les auteurs constatent une forte association entre l’effet de ces facilitations et la réussite des cours d’enseignement à distance asynchrone par rapport aux cours comportant une interaction synchrone ou en présence. Ces facilitateurs d’interactions auraient un effet sur l’engagement cognitif là où il est le plus important de le soutenir : l’enseignement à distance asynchrone.
12La même équipe a réalisé aussi une méta-analyse sur l’apprentissage mixte (blended learning) dans l’enseignement supérieur (Bernard et al. 2014). Les résultats indiquent que celui-ci a un effet positif sur l’apprentissage comparativement à l’enseignement en présence, d’environ un tiers d’un écart-type (g de Hedges = 0,34,), que le type de soutien informatique utilisé (soutien cognitif vs soutien contenu/présentation) et la présence de conditions censées faciliter les interactions étudiant-étudiant, étudiant-enseignant ou étudiant-contenu contribuent à améliorer la réussite des étudiants. Toutefois, selon les auteurs, ces résultats justifient la poursuite des recherches sur l’apprentissage mixte en tant qu’option viable, voire supérieure, à l’enseignement en présence et à distance. Dans bien des cas, ceux-ci ne sont pas de véritables alternatives, ils s’adressent à des publics distincts : ceux qui peuvent assister aux cours en présentiel et ceux qui ne le peuvent pas ou ne le veulent pas.
13La méta-analyse de Means, Toyama, Murphy et Baki (2013) porte sur 45 études comparant des conditions d’enseignement à distance ou d’apprentissage mixte avec celles de l’enseignement en présence. La durée de l’enseignement variait selon les études et dépassait un mois dans la majorité des cas. Les résultats montrent qu’en moyenne les élèves en apprentissage mixte obtiennent de meilleurs résultats que ceux recevant un enseignement en présence. L’effet en défaveur de ce dernier disparaît quand on le compare à l’enseignement à distance. Les auteurs soulignent que les études faisant appel à l’apprentissage mixte ont aussi tendance à impliquer du temps d’apprentissage supplémentaire, des ressources pédagogiques et des éléments de cours qui encouragent l’interaction entre les apprenants. Cette confusion laisse ouverte la possibilité qu’une ou toutes ces autres variables contribuent aux résultats positifs de l’apprentissage mixte.
14Le numérique au service de l’enseignement à distance (ou mieux encore de l’apprentissage hybride) permet de concevoir des solutions efficaces, si le soutien aux efforts des élèves n’est pas oublié. Là encore, la littérature sur les effets de la crise sanitaire Covid-19 et des périodes de confinement insiste sur l’importance d’organiser un lieu pour l’étude à la maison (Karsenti & Parent 2020), mais la contrainte de lieu ne disparaît pas : elle doit être autogérée par l’élève.
Le numérique soulage-t-il la contrainte des savoirs à apprendre ?
15Les apprentissages adaptatifs déjà évoqués ne sont pas sans contrainte, mais leur utilité peut faire accepter les contraintes de temps, de lieux et de manière. Une théorie de l’apprentissage comme celle d’Anderson (2000) peut être résumée ainsi : on apprend quand le rapport bénéfice/coût de l’apprentissage est positif, i.e. quand ce qu’apporte la connaissance est plus important que ce que coûte l’apprentissage. Les connaissances scolaires présentent souvent un rapport bénéfice/coût négatif : elles ne sont pas utiles immédiatement, pas ici.
16À l’école, les élèves acquièrent des compétences et des savoirs dont la légitimité a été établie par des institutions. Dans Petite Poucette, Michel Serres (2012) envisage le numérique comme pouvant faire sauter cette contrainte. Le numérique pourrait permettre à chacun d’apprendre ce dont il a besoin au moment où il en a besoin. Cette idée du numérique comme outil surpuissant au service de l’autodidaxie est en principe tout à fait raisonnable : en deux clics chacun peut accéder à une présentation précise et développée du Théorème de Thalès s’il a envie de l’apprendre. En trois clics, il accède aux passionnants cours de philosophie du droit de l’Université de Harvard. Et cela gratuitement. Pourtant, cette idée est remise en cause par de nombreux travaux empiriques. Pour chercher une connaissance dont nous avons besoin, nous devons en effet savoir ce que nous ignorons. Sur le Net, les individus ne cherchent que des informations en relation avec ce qu’ils savent déjà. Face à une demande de rechercher une information sans qu’ils en éprouvent le besoin, ils se heurtent à de grandes difficultés à formuler une requête pertinente (Boubée & Tricot 2010). Le savoir scolaire est un pari sur l’avenir. Si nous n’apprenons pas aujourd’hui un savoir qui nous paraît inutile, nous n’aurons pas demain la connaissance qui nous permet de douter, de nous poser des questions. Les bibliothèques rendent les savoirs disponibles depuis des siècles. Le numérique ne change pas le fait que ce sont des données et non les connaissances qui sont rendues disponibles. Les autodidactes sont probablement des gens exceptionnels, hier comme aujourd’hui.
17Geary (2008), déjà évoqué, insiste : les sociétés avec école forment des élèves qui deviendront des savantes et savants, des artistes, des créatrices et des créateurs, qui innoveront, créeront des connaissances, rendant l’école de plus en plus nécessaire. Le fossé entre les connaissances primaires (apprises depuis les débuts d’homo sapiens, qui s’acquièrent par adaptation et de façon implicite) et les connaissances secondaires (que les humains ont développées très récemment, l’écriture ou les mathématiques, qui s’acquièrent de façon délibérée et explicite) s’agrandit. Plus la durée moyenne de la scolarité est longue au sein d’une société, plus les personnes peu diplômées sont pénalisées, socialement, économiquement, professionnellement.
Le numérique soulage-t-il la contrainte de la manière d’apprendre ?
18À l’école on n’apprend pas comme on veut : les tâches qui permettent aux élèves d’apprendre sont imposées par l’enseignante ou l’enseignant. La manière d’apprendre est donc une contrainte. Peu de ces manières sont spécifiques de l’école : dans la vie quotidienne, il nous arrive d’écouter des explications, de lire un texte, d’étudier une image, etc., pour apprendre. Ces manières seraient en quelque sorte recyclées par les enseignants pour faire apprendre en classe. Le numérique, en proposant de nouveaux outils, permet d’envisager de nouvelles mises en œuvre de ces tâches scolaires. Lire un document sur écran, écrire un texte à plusieurs avec un logiciel de rédaction collective, répondre à un QCM en ligne et en recevoir la correction immédiatement, prendre des notes avec son ordinateur portable, faire une recherche documentaire sur Internet, concevoir et mettre en œuvre une expérience virtuelle en sciences, étudier et modifier une figure géométrique avec un logiciel de géométrie dynamique, écouter un document sonore en classe de langues avec un lecteur MP3, observer les changements dus au temps sur une carte géographique numérique, monter, déplacer, transposer, répéter des boucles musicales (rythmiques, harmoniques, mélodiques) ou simplement résoudre un problème mathématique en faisant les calculs avec une machine autant d’exemples de tâches scolaires bouleversées par le numérique.
19Les effets du numérique sur les principales tâches scolaires font l’objet d’une littérature empirique dont il est rendu compte ci-dessous.
Écouter un cours ou regarder une vidéo
20Pouvoir écouter un document sonore sur un appareil numérique, faire les pauses et retours en arrière qu’on veut quand on veut, réécouter autant que souhaité le document, présente des avantages certains : chaque élève peut réaliser l’écoute qui lui correspond. Toutefois, la littérature a mis en évidence deux phénomènes limitant de façon conséquente ces avantages. L’effet de l’information transitoire (transient information effect) se produit lorsqu’une modalité de présentation permanente de l’information (par exemple la forme écrite) est transformée en présentation transitoire équivalente (par exemple sous forme orale), qui détériore l’apprentissage (Leahy & Sweller 2011). La difficulté à prendre la décision de faire des pauses et de revenir en arrière relèverait d’un phénomène de surcharge cognitive (Roussel 2020) : alors que chaque élève est soumis à un flux d’information transitoire et doit comprendre le sens de ce qu’il entend (l’écoute comme la lecture-compréhension relève bien de la double tâche, la trop grande exigence de l’une détériorant les performances à l’autre tâche), il doit, en plus, prendre des décisions d’interrompre le flux.
21L’effet de l’information transitoire concerne aussi les vidéos et les animations. La méta-analyse de Höffler et Leutner (2007) sur la comparaison entre animations et images statiques a recensé 26 articles. Les résultats montrent un avantage global moyen des animations par rapport aux images statiques. L’effet moyen sur la performance d’apprentissage est positif mais modéré (d de Cohen = 0,37). La méta-analyse plus récente de Berney et Bétrancourt (2016) sur la comparaison entre animations et images statiques a recensé 50 articles. Un effet en faveur de l’animation (donc en défaveur des images statiques) a été trouvé (g de Hedges = 0,23 ; faible donc).
22Edwards et Clinton (2019) se sont intéressés à l’impact de la mise à disposition de vidéos de cours magistraux auprès de 160 étudiants de Licence en sciences (cours obligatoires). Les étudiants avaient le choix, pour certains cours magistraux, de regarder la vidéo ou d’aller en cours. Les résultats montrent que lorsque la vidéo est disponible, les étudiants vont beaucoup moins en cours. Les étudiants qui vont quand même en cours obtiennent de meilleurs résultats à l’évaluation que ceux qui suivent les cours en vidéo. Les auteurs ont remarqué que 28 étudiants (parmi les 160) ne vont pas en cours, mais ne regardent pas les vidéos non plus. Au contraire, 30 étudiants vont en cours et regardent les vidéos (certains même les regardent plusieurs fois). Les apprenants qui s’engagent le plus dans la consultation de contenus additionnels sont ceux qui réussissent.
23Les vidéos de diffusion de cours –capté ou enregistré ad hoc– ou les classes virtuelles utilisées dans l’enseignement à distance détériorent fortement la régulation et la communication non verbale. En présence, l’enseignant ou l’enseignante pose des questions, répond et suscite des questions, regarde ses élèves, jauge leur intérêt, accélère, ralentit, hausse ou baisse la voix, utilise ses bras, ses mains et les expressions de son visage, pour non seulement scander son discours, mais illustrer, mimer, souligner, elle ou il capte le regard et l’attention de l’élève, synchronise de façon très précise ce qu’elle ou il montre et dit, en fonction de ses réactions. Les vidéos de cours enregistrées ne sont que de très pâles imitations de cours (van Wermeskerken & van Gog 2017).
Prendre des notes
24La célèbre étude de Mueller et Oppenheimer (2014) montre que la prise de notes sur ordinateur portable détériore la qualité de la prise de notes. L’utilisation de l’outil (ordinateur + clavier + logiciel de traitement de texte) aurait un effet négatif par le biais d’une augmentation de la charge cognitive de la tâche intermédiaire (pas la prise de notes elle-même, mais sa réalisation technique). Il semble qu’avec l’ordinateur la prise de notes soit plus littérale/moins synthétique. La méthodologie de l’article a été critiquée, une note qui corrige plusieurs erreurs est maintenant disponible (en début d’article depuis 2018). Jansen, Lakens et IJsselsteijn (2017) notent des résultats contraires, en faveur de la prise de notes par ordinateur. Celle-ci aurait aussi un effet délétère sur le travail des autres étudiants, car ces derniers regardent l’écran de leur camarade qui fait autre chose que prendre des notes (Sana, Weston & Cepeda 2013).
25La littérature sur la prise de notes est typique d’un cas où la perception des élèves est favorable à l’usage du numérique (Barak, Lipson & Lerman 2006, Mitra & Steffensmeier 2000) quand les professeurs sont plutôt en défaveur de ces outils. Selon l’enquête de Skolnick et Puzo (2008) cependant, les étudiants et les enseignants sont d’accord sur le fait que l’utilisation d’ordinateurs portables en cours augmente le risque d’être distrait par le web : plus de la moitié des étudiants interrogés reconnaissent avoir participé à des activités non liées au cours. En conclusion, les études qui comparent la prise de notes manuscrite vs sur ordinateur sont encore loin de permettre d’avoir des certitudes sur les avantages et les inconvénients de chacune de ces façons de faire.
Lire un texte
26Pour les tâches de lecture, les recherches traditionnelles (synthèse de Baccino 2004 et, plus récentes, de Baccino & Drai-Zerbib 2015) montraient que la lecture de documents numériques était souvent plus difficile, plus lente, notamment à cause des écrans rétroéclairés, de la taille des lettres, de leur couleur, des contrastes et des polices de caractères choisis, de la longueur des lignes. Ces difficultés sont bien moins importantes aujourd’hui. Toutefois, cette lecture reste (un peu) plus exigeante que la lecture sur papier. Une méta-analyse de Delgado, Vargas, Ackerman et Salmerón (2018) sur la littérature empirique de 2000 à 2017 a comparé la lecture de textes comparables sur papier et sur écran. Les résultats donnent un (léger) avantage au papier par rapport à l’écran (g = 0,21). L’analyse des modérateurs montre trois effets importants. D’abord, le temps de lecture : l’avantage de la lecture sur support papier est plus important encore si le temps de lecture est limité (g = 0,26). En revanche, quand le lecteur lit à son rythme, la différence entre lecture sur support papier et sur support numérique disparaît (g = 0,09). Ensuite, le genre de texte : l’avantage de la lecture sur papier est obtenu sur les textes informatifs (g = 0,27) mais pas avec les textes narratifs (g = 0,01).
27La lecture de texte peut bien sûr être réalisée à distance. Mais en classe, l’enseignant ou l’enseignante régule l’activité de ses élèves pendant qu’ils lisent : “notez les idées principales”, “posez-vous telle et telle question”, “rédigez un résumé commun” (Chi & Wylie 2014, Fiorella & Mayer 2015). À distance, il est extrêmement difficile de réguler en direct l’activité de lecture et de compréhension d’un texte. C’est donc en amont que ces consignes sont formulées et en aval que la compréhension est évaluée.
Étudier un document multimédia
28Les documents multimédias ont tout pour plaire en salle de classe et la tendance est à leur attribuer des vertus imméritées. Clark et Feldon (2014) ont recensé ces fausses croyances à leur propos. Selon ces auteurs, l’examen de la littérature montre qu’il est faux de croire que les documents multimédia améliorent l’apprentissage par rapport à l’enseignement en présence ou aux médias plus anciens ; sont plus motivants que les autres supports d’enseignement ; permettent de concevoir des agents pédagogiques animés (avatars par exemple) qui facilitent l’apprentissage ; tiennent compte des différents styles et améliorent ainsi l’apprentissage pour tous les élèves ; facilitent la mise en œuvre d’approches constructivistes qui favorisent les apprentissages par la découverte, ainsi que l’autonomie et le contrôle de la séquence d’enseignement par l’élève ; la mise en œuvre d’une pensée de plus haut niveau ; l’apprentissage incident ; l’interactivité ; des environnements et des activités d’apprentissage authentiques. Les principaux effets des documents multimédias sur l’apprentissage, mis en évidence expérimentalement et répliqués, sont recensés dans l’ouvrage de Mayer (2014).
Résoudre un problème ordinaire
29Au sens général, résoudre un problème, c’est essayer d’atteindre un but dans une situation alors qu’on manque de connaissances pour le faire ; il faut alors raisonner, tâtonner et interpréter l’effet de son action sur la situation, raisonner encore, etc.
30Ici sont abordées spécifiquement l’activité de résolution de problèmes numériques et algébriques et l’aide (indirecte) que les calculatrices apportent à cette activité. Leur arrivée a modifié non seulement les tâches de résolution de problèmes (déléguant certains calculs à la machine, pas la résolution de problème elle-même), mais la réalisation même de certains calculs (on n’extrait plus une racine carrée en posant l’opération sur le papier par exemple). La méta-analyse de Hembree et Dessart (1986) porte spécifiquement sur les calculatrices. Les auteurs analysent 79 publications ayant pour objectif d’évaluer leur effet sur les performances scolaires et l’attitude des élèves en mathématiques. Les résultats montrent qu’en moyenne l’utilisation de calculatrices entraîne de meilleures performances que le papier-crayon, tant dans les exercices que dans la résolution de problèmes. La méta-analyse de Li et Ma (2010), qui examine l’impact des outils numériques sur l’enseignement des mathématiques des classes de maternelle à la terminale. Les auteurs ont analysé 46 publications. Les résultats montrent des effets positifs statistiquement significatifs de l’utilisation des outils numériques sur les résultats en mathématiques. Ils sont plus importants chez les élèves du primaire que chez ceux du secondaire, plus chez les élèves à besoins particuliers que chez les élèves ordinaires. Cheung et Slavin (2013) ont conduit une méta-analyse portant sur 75 publications. Leurs résultats relèvent une taille de l’effet faible (d = 0,15) et une grande hétérogénéité des tailles d’effet, or cette variation est plus grande que ne peut l’expliquer une simple erreur d’échantillonnage.
Demander de l’aide
31La demande d’aide en situation d’apprentissage présente une plus-value importante quand elle fonctionne bien : la personne a su demander de l’aide de façon pertinente et elle a reçu une aide pertinente. Non seulement cette aide est bénéfique pour la réalisation de la tâche, mais elle l’est aussi pour l’apprentissage (Karabenick & Newman 2013). Les mécanismes qui conduisent un élève à juger qu’un autrui est compétent pour l’aider sont mal connus, mais il semble que ces mécanismes soient très anciennement mobilisés par les humains et probablement par d’autres mammifères sociaux (Tomasello 2015) ; en outre, le choix d’un autrui compétent est mis en œuvre très tôt au cours du développement de l’enfant, avant l’arrivée à l’école élémentaire (Coughlin, Hembacher, Lyons & Ghetti 2015).
32Puustinen et al. (2009) ont analysé la demande d’aide à autrui via un ordinateur d’élèves de collège sur un forum en mathématiques. Il y a des différences interindividuelles importantes dans la compétence à formuler cette demande. Par exemple, les élèves les plus âgés formulent des demandes d’aide plus explicites, contenant plus d’informations, notamment contextuelles. Les messages des élèves de 3e sont par conséquent plus compréhensibles et plus acceptables socialement que ceux des élèves de 6e.
33Les élèves ont des difficultés à estimer les coûts de la recherche d’aide et surtout ils ne prennent pas en compte la probabilité de recevoir une aide pertinente. Les coûts sociaux peuvent être moins importants, voire absents, dans des environnements numériques (Lery Santos 2018) pouvant être perçus comme garants d’un certain anonymat : la peur de paraître incompétent est parfois moins importante. Mais, la recherche d’aide dans un environnement numérique présente un coût supplémentaire : celui de la manipulation des outils (Huet, Dupeyrat & Escribe 2013) et de la formulation d’une requête écrite.
Rechercher de l’information pour préparer un exposé, réaliser une enquête documentaire
34La recherche d’information correspond à un usage fréquent des outils numériques en classe. Si l’activité de recherche d’information n’est pas nouvelle, elle a été profondément bouleversée par l’arrivée du numérique : trouver un document est plus rapide, plus facile, couvre plus de sujets et concerne plus de documents. La fiabilité des sources est en revanche plus difficile à évaluer.
35La recherche d’information avec des outils numériques a donné lieu à d’innombrables travaux (synthèse de Boubée & Tricot 2010). Cette littérature a pris en compte très tôt le paradoxe de l’arrivée des outils numériques : ils rendent la recherche d’information plus facile sur le plan technique et plus difficile sur le plan intellectuel que celle mise en œuvre avec des supports papier. Les facilités viennent d’être évoquées. Les difficultés rencontrées par les élèves (partagées par de nombreux adultes) relèvent de :
- la gestion du but informationnel : il est difficile de prendre conscience qu’on manque de connaissances, puis d’exprimer ce déficit avec des mots (Tricot, Sahut & Lemarié 2016)
- l’examen de la liste de résultats : la personne qui cherche ne consulte le plus souvent que la première page, souvent en croyant (à tort) que ces dix premiers résultats sont les plus pertinents (Granka, Joachims & Gay 2004, Cutrell & Guan 2007)
- le biais de confirmation : les élèves, comme les humains en général, ont tendance à préférer les documents qui corroborent leur point de vue, plutôt que ceux qui le contredisent. Poussé à son paroxysme, ce biais peut aboutir à une adhésion à des thèses conspirationnistes (Bronner 2013).
- le jugement de pertinence : de nombreux usagers ignorent que les résultats affichés ne sont pas classés selon leur pertinence. En outre, celui-ci est influencé par d’autres jugements, en particulier de qualité de la source, de la mise en forme du titre, de sa compréhension et surtout qu’il soit jugé intéressant et récent (Taylor et al. 2007)
- l’évaluation de la fiabilité des sources, qui est souvent influencée par la popularité de la source, comprend trois dimensions : l’évaluation de la crédibilité, de la confiance et de l’autorité (Tricot, Sahut & Lemarié 2016)
- la compréhension : quand un lecteur n’a pas compris un texte, il a tendance à croire qu’il en a saisi quelque chose, notamment dans des domaines où il sait très peu
- le traitement des sources multiples : comprendre que deux sources relatent différemment le même événement, au point que certains aspects semblent contradictoires, conduit généralement les lecteurs à rejeter une source, celle avec laquelle ils ne sont pas d’accord.
Produire un texte, un document, seul ou à plusieurs
36La méta-analyse de Bangert-Drowns (1993) porte sur 32 articles qui comparent deux groupes d’élèves recevant une consigne identique en production de texte, mais n’autorisent qu’un seul groupe à utiliser le traitement de texte. Les élèves qui bénéficient du traitement de texte, en particulier les plus faibles, améliorent la qualité de leur texte (0,27 de l’écart-type) ; ils rédigent des documents plus longs, mais n’ont pas une attitude plus positive à l’égard de l’écriture. De même, l’auteur ne trouve pas d’effet sur la capacité des élèves à respecter des normes d’écriture ni sur la révision des textes : pour ces deux variables, autant d’études montrent un effet positif qu’un effet négatif du traitement de texte. Bangert-Drowns note que ces logiciels présentent l’avantage de pouvoir intégrer aisément un guidage métacognitif pour les élèves, non seulement avant (comme sur papier), mais pendant ou après la rédaction.
37Dix ans après, la méta-analyse de Goldberg, Russell et Cook (2003) portant sur des études de 1992 à 2002 montre des effets plus favorables : l’usage de traitements de texte sur ordinateur améliore la longueur des textes (d = 0,50), mais aussi leur qualité (d = 0,41). Les résultats restent mitigés sur les activités de révision et n’ont été étudiées que dans 6 recherches publiées. Même si les auteurs disent qu’ils ont été contraints de prendre en compte 35 études qui n’entrent pas strictement dans les critères statistiques, ils notent que les outils numériques favorisent la rédaction collaborative, itérative et sociale. Pour eux, “les élèves qui acquièrent des aptitudes à la rédaction en utilisant l’ordinateur pour apprendre à écrire ne sont pas seulement plus engagés et motivés pour écrire, mais ils produisent un travail écrit plus long et de meilleure qualité”.
38Deux autres méta-analyses étudient l’effet de l’utilisation des logiciels de traitement de texte sur l’enseignement de l’écriture. Graham et Perin (2007) montrent leur effet positif (d = 0,55) chez des adolescents, les plaçant 5e parmi 11 types d’interventions en enseignement de l’écriture (typiquement, enseigner des stratégies de rédaction est plus efficace, d = 0,82 ou faire des résumés, d = 0,82). Graham, McKeown, Kiuhara et Harris (2012) se sont centrés sur les élèves des écoles élémentaires, mais ne parviennent pas à rendre compte d’un quelconque effet de ces logiciels qui sont peu utilisés/peu étudiés avec les jeunes élèves.
39Pour l’enseignement de l’orthographe, la méta-analyse de Torgerson et Elbourne (2002), sur sept études expérimentales randomisées, montre un effet positif, mais modéré (d = 0,37), du numérique sur l’apprentissage.
40La littérature sur la rédaction à plusieurs rend peu compte de résultats comparatifs, car cette tâche collective est à peu près impossible à réaliser sur papier-crayon dès que le groupe de rédacteurs comprend plus de 2 personnes. Les travaux montrent qu’il est possible de rédiger à plusieurs avec un logiciel de rédaction collective depuis les premières années d’école. Lingnau, Hoppe et Mannhaupt (2003) soulignent que plus du tiers de l’activité d’écriture collective relève –chez des élèves de 6 et 7 ans– d’activités individuelles, le logiciel servant à partager le texte en cours de rédaction, la tâche collective et son avancement perçu par tous économise/réduit en partie l’activité de coordination.
Faire des exercices, s’entraîner
41La plus-value des exerciseurs numériques (appelés aussi informatisés ou sur ordinateur) est attestée par de nombreuses synthèses d’études empiriques. La première, à notre connaissance, celle de Vinsonhaler et Bass en 1972, conclut que par rapport aux mêmes exercices sur papier, ceux sur ordinateur améliorent l’apprentissage. Les auteurs de cette première synthèse soulignent que ces résultats sont obtenus dans différentes disciplines (scientifiques, linguistiques, artistiques) et les lient à l’effet du feed-back immédiat informatisé et à la possibilité d’optimiser la série d’exercices en fonction du niveau initial des apprenants et/ou de leurs réussites au cours de la série (Pavlik, Bolster, Wu, Koedinger & Macwhinney 2008). Quand les exerciseurs numériques sont utilisés en classe, les élèves demandent moins d’aide à l’enseignant que quand les mêmes exercices sont présentés sur papier (Lemercier et al. 2001).
42Les limites des exerciseurs numériques sont celles des exerciseurs : ils ne concernent que les apprentissages visant à renforcer des savoir-faire, relativement simples et bien définis.
Coopérer entre élèves
43Dans la synthèse récente de Kirschner et al. (2018), les auteurs recensent dix conditions pour que les élèves apprennent mieux en groupe : la tâche est assez complexe pour justifier le surcroît de travail ; la réalisation de la tâche est guidée quand les élèves doivent faire face à une nouvelle situation ou à un nouvel environnement de collaboration ; l’expertise des membres du groupe dans le domaine de contenu est élevée ; l’expertise des membres du groupe pour collaborer est élevée ; la taille du groupe est limitée ; chacun sait précisément ce qu’il a à faire ; la répartition des connaissances entre les membres du groupe est homogène ; les membres du groupe ont de l’expérience, ils savent coordonner leurs actions sur les tâches ; les membres du groupe se connaissent, ils ont l’habitude de travailler ensemble. Les auteurs de cette synthèse mettent en exergue un effet paradoxal des apprentissages collaboratifs médiés par ordinateur (computer suported cooperative learning, CSCL) : alors que les plateformes d’apprentissage collaboratif sont censées soutenir les activités des élèves, leur prise en main et leur utilisation même peut être tellement coûteuse qu’elle gêne les élèves au lieu de les aider. Kirschner et al. mettent cette difficulté en tête de liste, juste après celle due à la collaboration elle-même. La littérature montre en effet et depuis longtemps que si la tâche est suffisamment simple pour être réalisée par un élève seul, demander de la réaliser de façon collective détériore probablement sa réalisation et l’apprentissage. Le CSCL peut agir comme une double peine : non seulement il faut apprendre à plusieurs, ce qui est exigeant, mais en plus il faut le faire via un ordinateur, ce qui rend l’apprentissage et la collaboration plus exigeants encore ! Dans ces conditions, les plus-values peuvent sembler difficiles à trouver.
44La littérature à partir des années 2000 s’organise surtout autour de la résolution du problème posé par la grande exigence du CSCL et de la solution que représente le fait de proposer un script aux élèves (voir Kollar, Wecker & Fischer 2018). Dillenbourg, dès 2002, avait prévenu que les scripts trop contraignants prennent le risque de dénaturer la collaboration entre élèves, dont l’activité pourrait se réduire alors à le suivre. Pour la méta-analyse de Vogel, Wecker, Kollar et Fischer (2017, 477), un script CSCL “offre un étayage sociocognitif qui permet aux apprenants de s’engager dans des activités de collaboration qui sont considérées comme bénéfiques pour l’apprentissage”. Ils en concluent que ces scripts peuvent améliorer modestement l’apprentissage de connaissances scolaires (d = 0,20) et, plus certainement, les aptitudes à la collaboration (d = 0,95). Les scripts peuvent être efficaces pour l’apprentissage de connaissances spécifiques quand ils incitent à des activités transactives (dans lesquelles le raisonnement d’un apprenant s’appuie sur la contribution d’un autre apprenant) et lorsqu’ils sont combinés à un étayage supplémentaire spécifique du contenu (problèmes résolus, cartes conceptuelles, etc.).
Conclusion
45La littérature empirique dans le domaine du numérique pour l’enseignement montre que ces nouvelles manières d’apprendre constituent très souvent non des solutions de facilité, mais de nouvelles exigences. Aux élèves il demande souvent plus d’attention, d’autonomie et d’efforts. Aux enseignants et enseignantes il demande de non seulement faire leur métier, mais de concevoir des ressources de manière extrêmement précise et de rester attentifs à tout ce qui se passe quand les élèves travaillent avec ces ressources.
46Le numérique permet de desserrer un peu, à des degrés divers, trois contraintes qui pèsent sur les apprentissages scolaires : de temps, de lieu et de manière d’apprendre. Il ne semble pas avoir d’effet sur celle des savoirs enseignés. Il n’est pas du tout sûr que l’allègement des trois contraintes soit au bénéfice de tous. En déportant les contraintes gérées par l’enseignant ou enseignante vers celles autorégulées par les élèves, les outils numériques peuvent pénaliser les élèves les plus fragiles, les moins compétents pour gérer eux-mêmes leur temps, leur lieu et leur manière d’apprendre.
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Notes
-
[1]
Écrit avec le soutien financier du Centre national d’étude des systèmes scolaires.