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Article de revue

Perceptions et réactions d’intervenants québécois face à la dispensation de services sociaux aux jeunes et aux familles en temps de COVID-19

Pages 7 à 21

1 Les auteures tiennent à souligner la collaboration de George Tarabulsy, Directeur scientifique du CRUJeF et Professeur à l’École de psychologie de l’Université Laval, Annie Leblanc, Chercheure au VITAM, Centre de recherche en santé durable et Professeure au Département de médecine de l’Université Laval et Marie Baron, Coordonnatrice du projet MAVIPAN au VITAM, Centre de recherche en santé durable.

1. Introduction

2 Le 31 décembre 2019, une maladie due à un coronavirus (COVID-19) est rapportée chez des habitants de la ville de Wuhan en Chine (Organisation mondiale de la santé [OMS], 2022a). Par la suite, l’infection par ce coronavirus s’est propagée à travers le monde (OMS, 2022a). Le 11 mars 2020, l’OMS déclare que l’éclosion de la COVID-19 est devenue une pandémie (OMS, 2022a). Selon les statistiques publiées par l’OMS en date du 15 mai 2022, il y a eu plus de 518 millions de cas d’infection confirmés et plus de six millions de décès (OMS, 2022b). Au Québec, selon les données publiées par l’Institut national de santé publique (INSPQ) en date du 16 mai 2022, il y a eu 1 058 066 cas d’infection confirmés et 15 284 décès. Le Québec est donc touché de plein fouet par la pandémie de COVID-19.

3 Au moment de sa survenue, le Gouvernement du Québec a décrété l’état d’urgence sanitaire pour l’ensemble de ses régions, imposant à la population des mesures extraordinaires (INSPQ, 2022). Parmi celles-ci, on retrouve le port du masque, la distanciation physique, la fermeture de services jugés non essentiels, le confinement et l’incitation au télétravail (INSPQ, 2022). Depuis deux ans, la population québécoise a vécu des périodes d’assouplissement et de resserrement des mesures, afin de contenir la propagation du virus. Pendant ce temps, plusieurs intervenants, dont des médecins, des infirmières, des premiers répondants, des travailleurs sociaux et des intervenants communautaires, identifiés comme « des travailleurs essentiels », ont continué d’assurer des services à la population, en dépit des mesures de confinement imposées à la population générale. Les intervenants sociaux et leurs gestionnaires œuvrant auprès des jeunes et des familles, notamment à la protection de la jeunesse, font partie de cette catégorie de travailleurs. Devant l’inconnu, ils ont dû rassurer la population qu’ils desservent face à la peur du virus, continuer de leur fournir des services psychosociaux, tout en affrontant leurs propres craintes d’être eux-mêmes contaminés ou de transmettre la COVID-19 aux membres de leur famille. À ce jour, très peu d’études ont exploré les impacts de cette pandémie sur les intervenants dispensant des services sociaux aux jeunes et aux familles en difficulté. Certains d’entre eux doivent intervenir en situation d’abus et de maltraitance des enfants, alors que d’autres doivent dispenser des services de consultation en santé mentale ou encore, des services de soutien ou de première nécessité auprès de ces jeunes et leurs familles. Des études montrent qu’en plus de ressentir du stress et de l’épuisement (Banks et al., 2020), ces professionnels doivent s’adapter aux changements imposés par ce contexte dans leur vie personnelle et familiale (Cook et al., 2020). Pour bien comprendre leur vécu, il importe de s’intéresser au point de vue de ces acteurs, qui jouent un rôle essentiel dans la dispensation des services sociaux aux jeunes et aux familles vulnérables.

4 Cet article présente les résultats d’une étude exploratoire qualitative qui s’est principalement attardée au point de vue des intervenants du réseau des services sociaux dispensés aux jeunes et à leur famille, incluant les services de la protection de la jeunesse, face aux impacts de la pandémie de COVID-19. En outre, cette étude documente leurs réactions vis-à-vis la pandémie et les conséquences vécues aux plans personnel, familial et professionnel pendant les trois premières vagues de la pandémie. Il importe de préciser que l’article n’aborde pas les tâches précises de chacun des intervenants ayant participé à l’étude, puisque c’est le vécu général de ces derniers qui est mis de l’avant.

2. Problématique

5 Contrairement aux catastrophes naturelles, les pandémies impliquent des mesures importantes de confinements obligatoires et l’imposition de mesures sanitaires afin d’assurer la survie des individus et réduire la transmission de la maladie (Fong et Iarocci, 2020). Les conséquences sur les populations des mesures adoptées lors des pandémies sont connues. Ainsi, des études ont documenté les impacts du Syndrome Respiratoire Aigu Sévère (SRAS) de 2003 (Ko et al., 2006), le virus de la grippe A (H1N1) de 2009 (Yeung et al., 2017) et la pandémie d’Ebola de 2018 (Jalloh et al., 2018). Presque toutes ces études révèlent des impacts multiples, notamment sur la santé physique et mentale des populations touchées.

6 Alors que la majorité des études s’attardant aux conséquences de la pandémie de COVID-19 chez les travailleurs essentiels ont surtout porté leur regard sur les médecins et les infirmières, une littérature émergente s’est intéressée aux professionnels des services sociaux (travailleurs sociaux, psychologues, intervenants communautaires). Ces études indiquent que ces derniers vivent des difficultés de sommeil, de l’épuisement, de l’isolement, du découragement, du stress, de l’anxiété et des symptômes dépressifs depuis le début de la pandémie (Banks et al., 2020 ; Cook et al., 2020 ; Cook et Zschomler, 2020 ; Duarte et al., 2020 ; Jordan et al., 2021 ; Miller et al., 2020 ; Nguépy Keudo et al., 2021). Ces difficultés sont notamment associées au fait de devoir composer avec d’importants changements organisationnels et relationnels engendrés par la pandémie (Banks et al., 2020 ; Cook et al., 2020). Guillette et al. (2020, p. 7) mentionnent que la « pandémie de COVID-19 a transformé les activités effectuées par les intervenants sociaux et les conditions dans lesquelles elles sont réalisées ». À cet effet, il a été démontré que le télétravail engendre d’importantes répercussions sur la capacité des professionnels des services sociaux à évaluer les besoins des usagers ou à détecter les situations à risque, notamment en protection de la jeunesse (Ashcroft et al., 2021 ; Banks et al., 2020 ; Cook et Zschomler, 2020). Qui plus est, pour les professionnels, l’utilisation des masques chirurgicaux entrave la communication et la capacité à décoder les signaux non verbaux (Banks et al., 2020). De plus, les diverses difficultés répertoriées sont également associées au fait de devoir s’adapter aux changements imposés par ce contexte dans leur vie personnelle et familiale (Cook et al., 2020 ; Duarte et al., 2020). L’étude de Miller et al. (2020), menée aux États-Unis auprès de 1 996 travailleurs de la protection de la jeunesse, révèle que 46,4 % d’entre eux ressentaient de la détresse psychologique à un niveau modéré ou sévère. Toutefois, ces résultats ne permettent pas de cerner les processus à l’œuvre qui conduisent à cette détresse, alors que les mesures sanitaires et de confinement se succèdent au Québec comme ailleurs. Afin d’explorer et de mieux saisir les conséquences possibles de la pandémie de COVID-19 chez les travailleurs essentiels que sont les intervenants sociaux, il importe de s’intéresser directement à leur point de vue.

3. Méthodologie

7 Cette étude vise donc l’objectif suivant : documenter les perceptions et les réactions des intervenants du réseau des services sociaux à l’enfance, jeunesse et famille, incluant les services de protection de la jeunesse, face aux conséquences de la pandémie dans leurs sphères de vie personnelle, familiale et professionnelle.

3.1 Recrutement des participants

8 Les participants ont été recrutés via une vaste étude longitudinale de cinq ans réalisée au Québec, intitulée « Ma vie durant la pandémie » (MAVIPAN) (Leblanc et al., 2021). Cette étude, qui se déroule auprès d’une cohorte prospective, a débuté le 29 avril 2020. Le Québec représentait alors l’épicentre de la pandémie au Canada (Leblanc et al., 2021). Cette étude est basée sur un devis mixte, qui inclut des données à la fois qualitatives et quantitatives. Le présent article porte sur les données qualitatives.

9 Afin de participer à l’étude, les personnes volontaires devaient avoir complété le questionnaire de base en ligne MAVIPAN. Elles devaient également être soit un intervenant social ou un gestionnaire du secteur des services sociaux destinés à l’enfance, à la jeunesse et à la famille. De plus, elles devaient avoir donné leur accord pour être contactées individuellement à des fins de recherche ultérieure, dans le cadre de la poursuite des travaux de l’étude MAVIPAN. Ainsi, 582 répondants correspondaient au profil recherché pour participer à ce volet qualitatif, sur un total de 3 189 participants représentant différents groupes de la population du Québec (intervenants des première et deuxième lignes, gestionnaires, jeunes, etc.). Ce sous-échantillon de l’étude MAVIPAN a été sollicité une première fois par courriel le 27 avril 2021. Considérant les difficultés de recrutement, un courriel de rappel a été envoyé le 6 mai 2021. Quatorze personnes qui correspondaient aux critères d’échantillonnage ont accepté de prendre part aux groupes de discussion, mais de ce nombre, seulement neuf intervenants et deux gestionnaires se sont présentés lors de la réalisation des groupes de discussion (n = 11). Le tableau 1 ci-dessous présente les caractéristiques sociodémographiques de ces participants.

Tableau 1. Caractéristiques sociodémographiques des participants (n = 11)

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Tableau 1. Caractéristiques sociodémographiques des participants (n = 11)

3.2 Collecte de données

10 Un canevas d’entrevue semi-dirigée, développé par l’équipe de recherche, a été utilisé pour l’animation des groupes de discussion. Cette technique de collecte des données permet l’analyse de phénomènes complexes, en donnant accès à des informations diversifiées et spontanées (Heary et Hennessy, 2002 ; Lane et al., 2001). Les participants sont encouragés à échanger et à approfondir le point de vue des autres. Les données ainsi produites, générées par la dynamique de groupe, fournissent des informations dont la richesse et la profondeur vont au-delà de la somme des contenus recueillis (Kitzinger, 1995 ; Rabiee, 2004 ; Saulnier, 2000).

11 Les groupes de discussion ont été menés par vidéoconférence, à partir de la plateforme Microsoft Teams®. Deux membres de l’équipe de recherche ont co-animé chacun des trois groupes de discussion, dont deux groupes composés d’intervenants sociaux (n = 6 et n = 3). Les gestionnaires (n = 2) ont fait partie d’un groupe de discussion distinct, afin de permettre aux intervenants de s’exprimer librement. Toutefois, étant donné le nombre très restreint de gestionnaires ayant accepté de participer au groupe de discussion, leurs propos ont été amalgamés avec les propos des intervenants. Les groupes de discussion, d’une durée moyenne de deux heures, ont été enregistrés et retranscrits textuellement après l’entretien. Les verbatims ont été dénominalisés et des codes ont été attribués pour protéger la confidentialité des participants. Tous les groupes de discussion ont été réalisés entre mai et octobre 2021, soit entre la 3e et la 4e vague de la pandémie au Québec.

3.3 L’analyse des données

12 Les données recueillies ont fait l’objet d’une analyse de contenu (Mayer et Deslauriers, 2000). Une lecture flottante des verbatims a permis d’entamer un premier codage par un membre de l’équipe de recherche et d’élaborer un arbre de codification. Puis, un deuxième membre a effectué la même procédure afin de valider les codes retenus et de modifier l’arbre de codification avant de confirmer le codage final. L’analyse des données a permis d’identifier cinq principaux thèmes et divers sous-thèmes : 1) les réactions (peur, colère) ; 2) les conséquences (isolement, anxiété, sentiment d’incompétence/impuissance, polarisation, communication, fatigue/épuisement) ; 3) les stratégies pour y faire face ; 4) les leçons à tirer ; et 5) les recommandations. Les données ont été analysées à l’aide du logiciel NVivo® (dernière version). Pour les fins de cet article, les résultats des trois premiers thèmes sont présentés dans la prochaine section tandis que les leçons à tirer sont abordées dans la discussion et les recommandations dans la conclusion.

4. Résultats

4.1 Les réactions face à la pandémie

13 Lors des groupes de discussion, les réactions des professionnels face à la pandémie et aux mesures sanitaires mises en place ont été abordées. L’incertitude, la peur et la colère sont les principales réactions vécues par les participants.

4.1.1 L’incertitude face à l’inconnu provoque la peur

14 Lors du premier confinement, le vécu des répondants a surtout été teinté par l’incertitude face à l’inconnu. L’incertitude entourant ce nouveau virus envahissait leur quotidien et entraînait une réaction omniprésente de peur : « C’était tellement l’inconnu [les gens] avaient peur de mourir. Ils avaient peur qu’on les force à venir au travail, de contaminer leurs enfants, de mourir. » (Gestionnaire1/FG3). Les intervenants qui œuvraient alors à titre de travailleurs essentiels avaient peur de contracter le virus, d’en mourir, mais également de le transmettre à leurs proches.

15 La peur s’est également manifestée dans l’organisation des services : « Quand on les sollicitait, il y avait de la crainte […] « est ce que je continue d’être en contact avec la clientèle alors que tout le monde est en télétravail ? » (Gestionnaire2/FG3). Du jour au lendemain, des services aux jeunes et aux familles ont été mis en suspens afin de protéger les professionnels, mais surtout afin de contenir le virus et d’éviter sa propagation. Alors que le télétravail est venu apaiser les craintes de contracter le virus et de le transmettre, le délestage des services a occasionné de la peur, tel qu’en témoigne l’extrait suivant :

16

[On nous disait] mais si vous ne faites pas assez de chiffres, vous allez être délestés, vous allez être envoyés ailleurs […]. Ils nous faisaient beaucoup de craintes, on se disait mon dieu il faut vraiment qu’on performe sinon on ne veut pas être délesté. (Intervenant4/FG1)

17 Pour certains intervenants délestés de leurs tâches usuelles, par exemple un psychologue qui doit aller aider les équipes de dépistage de la COVID-19 ou un travailleur social appelé à se joindre à une équipe de vaccination, la crainte de ne pas être apte à réaliser les tâches demandées s’est également manifestée : « Est-ce que je vais être capable ? » (Intervenant5/FG1).

4.1.2 Suivant la peur, viennent les réactions de colère

18 En plus de la peur, les participants ont fait référence à des réactions de colère. Ces réactions se sont surtout manifestées face aux diverses mesures mises en place pour limiter la propagation du virus, telles que le port du masque ou de la visière, de l’équipement de protection (blouse et gants), la désinfection, l’isolement et la vaccination :

19

Il y avait des gens qui réagissaient fortement à certaines mesures, entre autres, il fallait mettre des paravents dans les bureaux. Il y a des gens qui ont arraché leur paravent qui était vissé dans le mur parce qu’ils étaient trop fâchés. Il y a vraiment des gens qui étaient en colère alors que c’était des choses pour les protéger. (Gestionnaire1/FG3)

20 Il y a eu aussi peu d’espace pour exprimer la colère ressentie :

21

Beaucoup de colère, mais de la colère contenue parce qu’où est-ce que je peux l’exprimer ? Je ne vais pas aller dans une manif, je vais être prise pour une anti-masque, je n’ai pas le goût. Je ne suis pas du genre à aller m’épancher sur les réseaux sociaux non plus. (Intervenant7/FG2)

22 Les intervenants ont également relaté la colère des usagers. Par exemple, les jeunes placés en centre de réadaptation qui ont été privés de sortie ont réagi fortement aux mesures mises en place. De façon générale, les propos suivants illustrent la colère ressentie chez les usagers :

23

C’est sûr que ça a fait en sorte qu’il y a eu beaucoup plus de situations de violence. Même au niveau de nos parents, je vois beaucoup plus de désorganisation, plus de colère, plus d’impulsivité depuis la COVID. […] Même chez nos enfants, chez les jeunes, on voit plus de réactions spontanées, impulsives. Ils ne se comprennent plus. (Gestionnaire2/FG3)

4.2 Les conséquences de la pandémie et des mesures sanitaires mises en place

24 Lors des groupes de discussion, les conséquences de la pandémie et des mesures sanitaires mises en place ont été abordées. Il en ressort un thème central : l’anxiété. D’autres conséquences importantes ont aussi été mentionnées, telles que le sentiment d’impuissance et d’incompétence, les tensions et la polarisation des opinions, le manque de communication et l’épuisement. Malgré ces conséquences, les participants aux groupes de discussion ont rapporté quelques stratégies pour faire face à celles-ci.

4.2.1 L’anxiété : une conséquence directe d’une situation importante de stress

25 Le stress est une réaction normale de l’humain face à une menace. En général, il est programmé pour lui permettre de s’y adapter. Il devient toutefois un problème lorsqu’il devient chronique ou engendre des réactions délétères (Lupien, 2020). Au cours de cette crise pandémique, ce stress s’est traduit par de l’anxiété très présente chez les intervenants sociaux, mais également chez leurs proches et les usagers : « Tout ce que je me souviens que ce soit en mars ou maintenant, c’est l’anxiété. C’était anxiété vécue par l’anxiété qui est vue, qui est vécue, qui est transposée. » (Intervenant9/FG2). Il semblait y avoir un niveau élevé d’anxiété dans les équipes et les mesures mises en place, parfois lentes, contradictoires et variables d’une équipe à l’autre, n’ont pas toujours permis de calmer cette émotion :

26

Nous il n’y a rien qui se mettait en place. On voyait tous les collègues dans les autres programmes s’en aller en télétravail, mettre des masques, tandis que nous, on continuait à faire des rencontres d’équipe […] Donc, ça a été vraiment anxiogène pour au moins les deux premiers mois. (Intervenant2/FG1)

27 Pour d’autres, les mesures sanitaires ont occasionné de l’anxiété, puisqu’elles illustraient la gravité de la situation : « … on a les mesures qui viennent, pour moi, faire monter un peu cette anxiété. Beaucoup. » (Intervenant9/FG2)

28 Les participants ont également témoigné de l’anxiété vécue chez les usagers et de l’aggravation de diverses problématiques : « … il y a explosion des troubles alimentaires, les anxieux, les dépressifs. » (Intervenant7/FG2). Toutefois, chez certaines personnes aux prises avec certains types de troubles anxieux présents avant la pandémie, les répondants ont souligné que le confinement les a confortés dans leur position d’anxiété : « … les anxieux sociaux, ça a fait leur affaire. […] tout le monde est enfermé, comme je suis moi d’habitude » (Intervenant7/FG2). Par ailleurs, les intervenants sociaux ont également dû composer avec l’anxiété de leurs proches, augmentant leur propre niveau d’anxiété : « De voir mon fils anxieux a fait monter la mienne » (Intervenant1/FG1).

4.2.2 Devant l’isolement dû aux mesures de confinement, le sentiment d’impuissance et d’incompétence

29 Lors des groupes de discussion, les participants ont abordé l’isolement occasionné par les mesures de confinement. En effet, celles-ci ont fait en sorte que certains services dispensés aux jeunes et aux familles ont été temporairement interrompus, par exemple les rencontres dans les milieux familiaux et autres interventions directes menées au domicile des usagers. Lorsque possible, elles ont été remplacées par des rencontres virtuelles. Par conséquent, les intervenants se sont retrouvés à faire de la téléconsultation et ont eu le sentiment d’avoir très peu à offrir aux familles qu’ils desservent. Les propos suivants illustrent bien cette situation et le sentiment qu’elle a provoqué :

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Les parents qui sont à bout de souffle, qui justement sont en télétravail avec leurs enfants en bas âge ils n’y arrivent plus, ils pleurent et nous à part les écouter, on n’a pas grand-chose à offrir. Je trouve que par rapport à ça ce que je sens chez moi et mes collègues c’est beaucoup un sentiment de… des fois on ne sert à rien […], mais un sentiment comme d’incompétence […], mais on dirait qu’on n’arrive pas à servir à grand-chose. (Intervenant4/FG1)

31 Du côté des répondants qui occupaient des fonctions de gestion, ceux-ci ont éprouvé de l’impuissance face aux mesures sanitaires qu’ils devaient imposer à leurs collègues et aux usagers. Ils se sont alors sentis comme de simples exécutants :

32

Il y a des décisions que, de toute façon, même nous comme gestionnaires on annonçait, mais on ne décidait pas ça. C’était le ministère qui nous disait « voici c’est quoi ». Habituellement, tu as un peu de flexibilité sur comment et tout ça, les gens réagissent un peu moins. Là c’était « je t’annonce quelque chose, ça commence demain et je comprends que tu pleures et que ça te fait peur, mais c’est ça ». (Gestionnaire1/FG3)

4.2.3 Un climat pandémique propice aux tensions et à la polarisation

33 La pandémie, mais surtout les mesures sanitaires mises en place, ont créé des tensions dans les équipes d’intervention. Que ce soit en regard du port du masque, de la désinfection ou de la vaccination, toutes ces mesures ont fait l’objet de tensions et de polarisation des opinions : « Des fois, la tension monte sur le non-respect de certaines choses versus quelqu’un qui est trop sur la règle aussi. » (Gestionnaire2/FG3) Face à cette situation, les gestionnaires ont dû faire preuve de souplesse et de flexibilité pour ramener un meilleur climat au sein de leurs équipes :

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C’était la même chose pour les professionnels qui se rendaient à la maison et qui arrivaient, des fois, avec une mégavisière. […] Des fois, il y avait des employés qui disaient « c’est complètement ridicule de faire ça » d’autres qui y tenaient et qui voulaient être protégés. (Gestionnaire1/FG3)

35 Les intervenants sociaux ont mentionné à plusieurs reprises la polarisation des opinions entre collègues et même que « … la Covid est rendue un sujet tabou… » (Intervenant2/FG1). Certains ont affirmé qu’ils ont dû s’abstenir de donner leur opinion afin d’éviter les confrontations et diminuer le climat de tension :

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J’ai décidé de ne pas me faire vacciner et je me sens agressée tout le temps, par tout le monde. J’ai l’impression d’être vraiment devenue une moins que rien, […]. Et, c’en est arrivé à ce que je n’en parle plus et que je me suis coupée de beaucoup de collègues parce que je n’arrive pas à avoir cette discussion. (Intervenant9/FG2)

37 La polarisation a également été observée chez les usagers « ... au niveau des réactions face aux mesures de la santé publique, j’ai des parents qui étaient dans les extrêmes […] ils avaient peur d’attraper la Covid en respirant l’air dehors puis l’autre extrême [qui disent que] c’est un complot mondial, qui sont très fâchés » (Intervenant4/FG1). Il y avait donc « … les deux pôles, ceux qui pensent fortement que c’est une conspiration concrète… Et ceux que ça a été de l’hyper protection » (Intervenant8/FG2).

38 La polarisation à l’égard des mesures sanitaires a aussi entraîné des tensions chez les proches des intervenants sociaux, entre autres dans leur milieu familial :

39

Moi étant dans le domaine de la santé avec toutes nos mesures comme nous on les connait, on a une vision. Puis là, avec [mon conjoint] qui a une vision vraiment très différente, […] beaucoup de tensions juste autour de la gestion des petites affaires de Covid. (Intervenant3/FG1)

4.2.4 Le manque de communication dénoncé

40 Le manque, voire l’absence de communication s’avère un thème récurrent qui a marqué les intervenants interrogés : « […] On avait l’information toujours trop en retard. On était en décalage avec ce que le gouvernement annonçait comme alignement. » (Intervenant6/FG1) La manière expéditive et le fait de transmettre les informations à la dernière minute ont également occasionné de l’inconfort chez certains d’entre eux : « Souvent, il venait nous chercher et il nous disait « on a eu une communication, venez vite dans le corridor, il faut que je vous parle ». Là on était toutes dans le corridor et il nous donnait la dernière nouvelle. » (Intervenant5/FG1)

41 L’ambiguïté dans les informations transmises, voire les messages contradictoires et la confusion qui régnait à ce moment ont été des irritants :

42

Des fois, on annonçait des choses et ça changeait le lendemain. On perdait un peu de crédibilité. […] on avait quasiment l’impression que le monde devait afficher nos photos et tirer des dards dessus le soir parce qu’on faisait juste annoncer des mauvaises nouvelles. Des fois, tu comprenais le sens, mais t’annonces quelque chose, tu annonces le contraire le lendemain un moment donné ça ne fait plus de sens. (Gestionnaire1/FG3)

43 Ces mêmes répondants ont également dû établir de nouveaux canaux de communication avec d’autres gestionnaires jusque-là jamais consultés tels que ceux attitrés au contrôle et à la prévention des infections, puis apprendre de nouveaux termes de communication, par exemple les zones froide, tiède ou chaude, Équipement de Protection Individuelle (EPI), équipement de protection oculaire (EPO), en présentiel, etc. :

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Ce qui était compliqué, c’est qu’on tombait tous dans un univers qu’on ne connaissait pas. Parce qu’on travaille en jeunesse, mais là il fallait apprendre des termes très médicaux, bien les expliquer, comprendre des mesures de prévention et de contrôle des infections […]. Parler à de nouveaux collègues dans l’organisation à qui on n’avait jamais parlé et essayer de se comprendre. (Gestionnaire1/FG3)

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4.2.5 Surcharge, fatigue et épuisement

46 La surcharge dans les milieux de travail a été abordée lors des groupes de discussion, mais c’est aussi la fatigue et l’épuisement en lien avec celle-ci que les intervenants ont rapportés. Le délestage, le manque de personnel et les nouvelles tâches générées (e.g. la désinfection, mettre un EPI, remplir des formulaires supplémentaires, etc.) par le contexte pandémique ont mené à de la surcharge et, dans certains cas, à l’épuisement physique et psychologique des professionnels : « Je trouve qu’il y a une surcharge de travail encore plus : il faut remplir des grilles pour la Covid, il faut remplir d’autres documents. On dirait que c’est sans fin. Je trouve que ça a alourdi. » (Intervenant4/FG1)

47 Cette surcharge importante de travail a été ressentie surtout au début de la pandémie avec l’imposition de directives gouvernementales sur les mesures sanitaires et la nécessité de les mettre en place, tel qu’en témoigne l’extrait suivant :

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On dirait tellement que tout était urgent, on en savait plus où donner de la tête. Surtout au début, c’était rencontre par-dessus rencontre d’urgence. […] Un moment donné j’avais l’impression que j’étais un robot : je travaillais, je m’occupais des enfants, j’étais brûlé, j’allais me coucher. (Gestionnaire1/FG3)

49 Aussi, la nouvelle réalité du télétravail qui s’est révélée positive pour certains, est devenue une réalité de travail sans fin pour d’autres : « Je me suis ramassée à faire du 80 h/semaine. Je commençais à 5 h 30 le matin, je finissais à 11 h 30 le soir. Ça ne lâchait pas : les jours, les fins de semaines. » (Intervenant8/FG2)

4.2.6 Quelques stratégies pour faire face à ces conséquences

50 Sur le plan personnel, les intervenants interrogés ont utilisé les médias sociaux pour contrer leur isolement : « Les Facetimes aussi avec mes proches, ma famille. Tous les jours, on se fait des Facetimes. » (Intervenant4/FG1) Les plateformes de communication telles que Zoom ou Teams ont été largement utilisées pour socialiser et pour la pratique des loisirs : « J’ai fait de la danse en Zoom… des apéros-Zoom. » (Intervenant7/FG2) Ces outils ont permis aux répondants de ventiler à propos de leur vécu, de briser leur isolement et de se changer les idées en échangeant avec leurs proches et leurs collègues : « Avec mes collègues, on n’arrête pas de se soutenir, s’envoyer de petites vidéos. » (Intervenant4/FG1) D’autres ont développé de nouvelles habitudes de vie, telles que la marche ou la méditation : « La méditation aussi, c’est devenu plus régulier, avec de merveilleux bienfaits pour moi. » (Intervenant7/FG2) Certains ont aussi adopté un animal de compagnie : « Comme beaucoup d’autres personnes, je me suis acheté une petite bête poilue… » (Intervenant3/FG1)

51 Sur le plan professionnel, le télétravail est certainement la stratégie la plus répandue qui a permis de faciliter la conciliation travail-famille, surtout durant les périodes de confinement : « Mais maintenant, avec le télétravail, je trouve que ça a facilité beaucoup la conciliation travail-famille. » (Intervenant3/FG1) Pour certains intervenants, « le mode de pratique hybride » (Intervenant3/FG1), est devenu une source d’équilibre et a permis de s’ajuster aux différentes vagues de la pandémie.

52 Par ailleurs, la pandémie a amené certains intervenants à adapter leurs interventions auprès de leurs usagers. Ainsi, certains ont adopté des façons de réaliser leurs interventions différentes de celles effectuées traditionnellement dans un bureau ou au domicile, tel qu’en témoigne l’extrait suivant :

53

J’ai commencé à faire mes rencontres à l’extérieur, soit en marchant ou je traîne toujours ma chaise de camping. Je m’installe dehors avec mes jeunes… c’est facilitant je trouve on s’assoit dehors, on placote. Les jeunes s’ouvrent beaucoup plus facilement, je trouve. (Intervenant6/FG1)

54 Pour leur part, les intervenants qui occupaient des postes de gestion ont aussi dû apprendre rapidement des façons différentes pour accomplir leurs tâches : « C’était comme s’il fallait que j’apprenne un nouveau travail, mais dans un contexte d’urgence. » (Gestionnaire1/FG3) Ils ont dû également mettre en place des modalités pour communiquer efficacement et en peu de temps avec tous les membres de leurs équipes : « J’avais mis en place et pas mal tous mes collègues le faisaient, des petits caucus enregistrés pour ceux qui ne pouvaient pas être là. » (Gestionnaire2/FG3) Des ressources matérielles supplémentaires ont été mises à la disposition des employés pour effectuer adéquatement leur travail : « l’accès à un portable, que ce soit individuellement ou par équipe pour permettre cette conciliation, travail, vie personnelle. Ça a aidé. » (Gestionnaire1/FG3)

55 En somme, ces propos tenus par un gestionnaire témoignent bien du contexte extraordinaire auquel tous les professionnels ont dû s’adapter :

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On était sollicité dans un contexte de réorganisation. La combinaison des deux ça a demandé beaucoup d’ajustements parce qu’il fallait conjuguer personnellement avec la famille, mais avec aussi le travail avec tous ces changements-là en très peu de temps. On était à ce moment-là, aussi, beaucoup dans le flou. Il y avait des mesures, ça changeait le jour d’après : c’était plus strict, moins strict. Ça demandait une bonne tolérance à l’ambiguïté, tant à la maison qu’au travail, ce qui n’est pas évident. (Gestionnaire1/FG3)

5. Discussion

57 Cette étude documente les perceptions et les réactions des intervenants sociaux, incluant celles de deux gestionnaires, du secteur enfance, jeunesse, famille face aux conséquences de la pandémie de COVID-19. À l’instar d’autres études, notre démarche a permis d’identifier que la pandémie et les différentes mesures sanitaires associées à celle-ci ont entraîné des répercussions importantes dans le vécu personnel, familial et professionnel des intervenants interrogés (Ashcroft et al., 2020 ; Aughterson et al., 2021 ; Banks et al., 2021 ; Cook et al., 2020 ; Duarte et al., 2020 ; Miller et al., 2021 ; Priolo Filho et al., 2020). Malgré la portée limitée des résultats, notre étude permet de mettre en lumière l’expérience d’un groupe de travailleurs essentiels lors d’un événement extraordinaire et sans précédent : la pandémie de COVID-19. De plus, elle tient compte du point de vue d’intervenants qui sont en lien direct avec les populations qu’ils desservent. Bien que la pandémie de COVID-19 ne soit pas terminée et que les points de vue puissent encore évoluer, cinq constats qui sont autant de leçons à tirer de l’expérience de ces intervenants se dégagent de nos résultats.

58 Le premier constat est que la pandémie de la COVID-19 et les mesures sanitaires associées ont provoqué de la peur chez les intervenants, surtout des craintes de contracter le virus, mais aussi d’en être un vecteur de transmission. Ces inquiétudes que d’autres études ont observées (Butter et al., 2022 ; Nguépy Keubo et al., 2021) se sont traduites pour certains en anxiété. À cet effet, des études révèlent des taux élevés d’anxiété chez les travailleurs de la santé et des services sociaux (Duarte et al., 2020 ; Nguêpy Keudo et al., 2021), alors que d’autres études rapportent des taux élevés de détresse psychologique et de dépression (Jordan et al., 2021 ; Miller et al., 2020).

59 Le deuxième constat se situe au plan de la réorganisation professionnelle, mais aussi personnelle, familiale et sociale rapide qui s’est avérée nécessaire en raison de la pandémie et des mesures sanitaires imposées par les autorités gouvernementales. À l’instar des résultats de l’étude de Billings et al. (2021), certains intervenants se sont retrouvés isolés professionnellement, personnellement et socialement. Face à cette réorganisation qui a transformé les activités habituellement réalisées, certains ont connu des sentiments d’impuissance, d’incompétence, de surcharge et d’épuisement au travail, de même qu’à la maison. Le délestage de certains travailleurs, voire la peur d’être délestés, les tâches différentes des intervenants délestés et les consultations virtuelles faites auprès des usagers ont contribué à accroître ces sentiments. Banks et al. (2020) soutiennent que les équipements de protection individuelle ont entravé la communication des intervenants avec leurs usagers et que les appels à distance ont entraîné de l’impuissance et une crainte de ne pas évaluer adéquatement leurs besoins. Aussi, le télétravail, véritable révolution issue de la pandémie, a poussé certains travailleurs à devoir concilier, au sein de leur foyer familial, les exigences liées à la performance au travail et les exigences familiales. Certains ont donc modifié ou allongé leurs heures de travail. Tel que mentionné par Cook et al. (2020), cette modalité de travail, nouvelle pour plusieurs intervenants habitués d’être sur le terrain, a rendu la gestion de la frontière entre la vie professionnelle et la vie privée plus difficile, occasionnant pour certains de la surcharge et de l’épuisement physique et émotionnel. Toutefois, pour d’autres, le télétravail a provoqué un certain soulagement face à la conciliation travail-famille et aux heures perdues dans les déplacements.

60 Le troisième constat concerne le climat de tension et de polarisation quant aux mesures sanitaires imposées et au manque de communication. Certains ont ressenti une perte de cohésion d’équipe. Les résultats de l’étude de Cook et al. (2020) sur le fonctionnement des équipes de travail social à distance démontrent que malgré la « déconnexion » des équipes et le manque de cohésion ressentie au début de la pandémie, il est possible de rétablir la cohésion des équipes. L’importance de se doter d’un canal de communication efficace pour permettre une communication rapide et claire, ainsi que transmettre une information simple et concise s’avère incontournable. Les intervenants sociaux rencontrés semblent avoir souffert de ce manque de communication. D’autre part, les participants aux groupes de discussion ont soulevé le manque de personnel, un phénomène présent avant la pandémie, mais qui a été exacerbé par celle-ci. Les tensions et la polarisation engendrées par certaines mesures, dont la vaccination, sont venues perturber la qualité du climat de travail.

61 Le quatrième constat est que la pandémie a permis des avancées au plan technologique (e.g. ordinateur portable pour tous les intervenants, téléconsultation, rencontres virtuelles Zoom, Teams, etc.) dans l’organisation du travail et des services, mais elle a également entraîné des reculs dans les relations humaines. Le télétravail, et ce qu’Ashcroft et al. (2021) qualifient de « soins virtuels », sont certainement les avancées technologiques les plus importantes issues de la situation pandémique. La télésanté ou téléconsultation est perçue par certains comme une avancée tout comme la communication par le biais des plateformes numériques. Cette forme de communication permet de joindre rapidement des collègues, sans nécessiter de déplacements. Malgré ces avancées technologiques, qui ont amélioré pour certains la qualité et l’efficacité du travail, des intervenants ayant participé aux groupes de discussion déplorent que ce soutien ait été essentiellement technique, sans prendre en considération les dimensions humaines.

62 Enfin, le dernier constat concerne l’adaptation rapide et constante exigée des intervenants interrogés durant les trois premières vagues de la pandémie. Les quelques stratégies employées par les travailleurs et décrites précédemment illustrent leur capacité à faire preuve de créativité pour traverser cette période particulière. Hormis l’étude de Priolo-Filho et al. (2020) qui s’attarde à la résilience des professionnels brésiliens de la protection de l’enfance pendant la pandémie de COVID-19, peu d’études se sont penchées sur les stratégies d’adaptation et leurs processus sous-jacents. Ces derniers méritent d’être approfondis davantage dans des recherches futures. La connaissance de ces stratégies et des mécanismes qui les sous-tendent permettrait de mieux orienter le soutien nécessaire, surtout dans un contexte de rareté des ressources permettant d’assurer ce soutien.

6. Les limites de l’étude

63 Malgré la pertinence des constats établis à partir des résultats de cette étude, il importe de souligner ses limites. D’abord, elle fait appel à un échantillon volontaire très restreint et ciblé, constitué d’intervenants sociaux et de gestionnaires des services du secteur enfance, jeunesse, famille, incluant la protection de la jeunesse. Le nombre d’acteurs clés souhaités n’a pas pu être rejoint, notamment chez les gestionnaires. Sur le plan de la représentativité, il importe de rappeler qu’il s’agit d’un échantillon constitué au Québec, pris à un certain moment de la pandémie qui perdure encore aujourd’hui.

Conclusion

64 Cette étude exploratoire fournit un apport scientifique limité, mais intéressant pour mieux comprendre la réalité des intervenants qui ont exercé leur travail auprès des jeunes et des familles dans des conditions jusque-là inconnues. Au terme des groupes de discussion, les participants ont émis certaines recommandations qu’il importe de transmettre dans cette conclusion. Ils recommandent la poursuite du télétravail en mode hybride pour favoriser la conciliation travail-famille, tout en maintenant une proximité et une cohésion avec leurs collègues. Ils suggèrent d’assurer la qualité des conditions de travail et des mesures de rétention du personnel. Par exemple, ils soulignent la pertinence de mettre à la disposition des intervenants de meilleurs équipements technologiques, comme des ordinateurs portables et des cellulaires. Ils recommandent une liberté plus grande dans l’organisation du travail, afin d’éviter la surcharge et l’épuisement. Par ailleurs, sur le plan humain, les intervenants sociaux recommandent d’assurer des moyens pour pouvoir s’exprimer librement. Les gestionnaires devront dorénavant faire preuve de plus d’écoute, de flexibilité et de souplesse dans la gestion, tout en individualisant davantage le contexte de travail. Ces recommandations visent très certainement l’amélioration des pratiques dans le contexte de la pandémie, mais également en période post-pandémie.

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : Pandémie de COVID-19, intervenants sociaux, enfant, jeune, services sociaux, famille.

Mise en ligne 25/07/2022

https://doi.org/10.3917/esra.004.0007

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