Notes
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[1]
Thiriot [2008] note qu’après quinze années de démocratisation à partir des années 1990, près de la moitié des pays d’Afrique subsaharienne (21 sur 43 pays) étaient encore sous des régimes issus d’un coup d’État militaire.
-
[2]
L’autre classe de modèles est dite à risque proportionnel (HP), dans ce cas les variables explicatives interviennent de façon multiplicative sur la fonction de risque (Aka [2006]).
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[3]
Des formes fonctionnelles fondées sur d’autres lois existent, bien qu’elles soient moins employées. Il s’agit par exemple des lois : log-normale, log-logistique, gamma généralisée, Weibull, exponentielle (qui n’est qu’un cas particulier de la loi Weibull), Gompertz [1825] (qui sert plus à analyser l’espérance de vie humaine), etc. Il existe en outre des lois composites qui agrègent plusieurs de ces lois en fonction des objectifs propres à certaines études.
-
[4]
Les sous-échantillons formés comportent 17 ex-colonies de France et 15 de Grande-Bretagne (voir tableau 2A, en annexe).
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[5]
Sur 95 coups d’État, 53 ont eu lieu en Afrique francophone, contre 22 en Afrique anglophone.
Introduction
1 Née des travaux de Carlyle [1840] qui visait à mettre en lumière le rôle des « grands hommes » de l’histoire dans leur capacité à prendre en main le devenir des sociétés, la théorie du leadership s’est élargie au xixe siècle. L’attention s’est portée sur l’influence des attributs des leaders et des institutions qu’ils instaurent. Des travaux montrent que des attributs propres au dirigeant comme l’âge, les études, la profession antérieure, etc., affectent l’économie du pays tout entière (Kets de Vries [1994] ; Antonakis et al. [2012] ; De Neve et al. [2013] ; Barling [2014] ; Northouse [2016]). Le développement économique dépend aussi de la qualité des institutions, que les dirigeants infléchissent en faisant jouer la bureaucratie, le degré de libertés civiles, la corruption, l’alternance ou la durée au pouvoir, etc. (Barro [1974] ; Dreher et al. [2009] ; Mikosch et Somogyi [2009] ; Gagliarducci et al. [2010] ; Moessinger [2012] ; Efobi et al. [2013] ; Hayo et Neumeier [2014] ; Jochimsen et Thomasius [2014] ; Efobi [2015]).
2 La durée des dirigeants au pouvoir s’inscrit ainsi parmi les facteurs du développement relevant du leadership politique. Jones et Olken [2005] montrent par exemple que dans les pays où les dirigeants changent brusquement et fréquemment, il y a un effet causal positif de l’alternance politique sur la croissance économique. Limi Kouotou et Ngah Epo [2019] vont dans le même sens en démontrant que l’alternance politique, par opposition à la durée au pouvoir, agit positivement sur la croissance de long terme des pays africains. L’analyse de la durée au pouvoir par l’approche instrumentale a cependant une limite : elle traite des effets du manque d’alternance sans en chercher les causes.
3 Peu de travaux optent pour une approche qui analyse les causes de la durée au pouvoir. Les rares essais allant dans ce sens privilégient la piste de la « malédiction » des ressources naturelles (Ross [2001] ; Smith [2004] ; Jensen et Wantchekon [2004]). L’idée la plus admise est qu’en présence de revenus liés à l’exploitation des ressources naturelles, l’attirance des dirigeants pour le pouvoir pourrait augmenter. De là s’ensuit une compétition accrue pour le contrôle souvent à vie du pouvoir, ainsi qu’une émergence de gouvernements autoritaires (Jensen et Wantchekon [2004]). Cette idée est corroborée par les faits. En effet, plusieurs chefs d’État autoritaires à la tête de pays pétroliers du continent ont battu des records de longévité, demeurant au pouvoir malgré des contestations populaires et même parfois des conflits internes. C’est le cas, par exemple, de dirigeants militaires comme Mouammar Kadhafi durant 42 ans en Libye, Idriss Déby pendant 31 ans au Tchad, ou Teodoro Obiang Nguema depuis 1979 en Guinée équatoriale. Étant donné le nombre de régimes autoritaires très souvent militaires sur le continent (Thirot [2008]) [1], il est curieux de constater qu’il n’y a pas d’évaluation faite au sujet des effets du militarisme sur la durée au pouvoir en Afrique.
4 Idéologie politique prônant la primauté de la force militaire dans l’organisation de l’État (Lasswell [1937]), le militarisme peut aller de la militarisation − désignant l’accroissement simple des capacités des armées − à la prise et au contrôle du pouvoir politique et administratif par des dirigeants militaires (Huntington [1957]). Le phénomène s’est historiquement manifesté sous une forme singulière dans de nombreux pays d’Afrique. Au début des indépendances, le pouvoir politique fut certes assuré en majorité par des dirigeants civils ; mais le combat panafricaniste de ces leaders fut à peine amorcé qu’une génération de dirigeants militaires vint y mettre fin. De 1970 à 1990, les États africains, hormis de rares cas, tombèrent entre les mains de militaires (Senou [2016] ; International IDEA [2016]). Ce fut une époque marquée par le règne des régimes autocratiques. Ces régimes furent soutenus, en pleine période de Guerre froide, par un contexte international où la démocratie laissa place aux États forts comme expression du pouvoir politique. Seul le triomphe de l’économie libérale sur le communisme, à la veille des années 1990, ramènera la démocratie au premier plan en matière de leadership politique africain. Depuis 1990, l’Afrique traverse l’ère de la démocratie avec l’arrivée d’une troisième génération de dirigeants politiques. Celle-ci se compose de politiciens civils ayant pour beaucoup servi comme conseillers des régimes antérieurs, mais aussi de chefs militaires (Igué [2010]).
5 L’ère démocratique actuelle n’a donc pas débarrassé la classe politique africaine des dirigeants militaires. Au contraire, une longue tradition de participation à la gestion du pouvoir en a fait des acteurs politiques incontournables (Essono Ovono [2012]). Dans les faits, le militarisme africain se traduit par un large contrôle de l’administration par des dirigeants militaires désireux de le rester indéfiniment, ainsi qu’un renforcement des capacités de l’armée en termes de dépenses, effectifs et équipements militaires (Médard [1991]). Bon nombre d’intrusions de militaires sur la scène politique furent justifiées au départ par la nécessité de rétablir l’ordre constitutionnel démocratique (Chouala [2004]). Une fois au pouvoir hélas, certains militaires se sont parfois révélés être pires que le mal qu’ils avaient dénoncé.
6 Notre étude évalue l’effet du militarisme sur la durée des chefs d’État au pouvoir à l’ère de la démocratie en Afrique. L’hypothèse testée est que le militarisme favorise la durée au pouvoir. Notre apport tient au fait qu’il s’agit du seul essai empirique connu sur ce sujet et le premier appliqué au contexte africain. En effet, les études rencontrées traitent des effets économiques du militarisme sous l’aspect réducteur de la militarisation (Lskavyan [2011] ; Brauner [2015] ; Dizaji et Farzanegan [2021]). Elles négligent l’autre aspect qu’est la prise et le contrôle du pouvoir politique et administratif par des dirigeants militaires, en plus de ne pas envisager des effets directs sur la durée au pouvoir.
7 La suite de l’article comporte quatre sections. La deuxième section ci-dessous fait une revue de la littérature. La troisième section présente le modèle empirique de l’étude et les données employées. La quatrième section expose et discute des résultats obtenus. La cinquième section conclut.
Revue de la littérature
8 La littérature sur la durée au pouvoir est rattachée à celle sur l’alternance politique qu’on lui oppose (Jones et Olken [2005] ; Limi Kouotou et Ngah Epo [2019]). Des théorisations présentent l’alternance au pouvoir comme une preuve de la bonne santé des gouvernements démocratiques, dès lors qu’elle s’institutionnalise comme un élément structurel et récurrent de la vie politique (Aldrin et al. [2016]). Les déterminants de l’alternance, et donc de la durée au pouvoir, se fondent ainsi parmi les déterminants de la démocratie. Plusieurs d’entre eux ont certes été identifiés (Dewey [1916] ; Lipset [1959] ; Acemoğlu et al. [2005]), mais l’analyse économique ne fait aucun état des effets du militarisme sur la démocratie en général et la durée au pouvoir en particulier. Un enjeu apparaît pourtant sur ce point. Convenir que le militarisme est un déterminant exogène de la durée au pouvoir reviendrait à en faire un instrument pour traiter l’endogénéité possible de la durée au pouvoir vis-à-vis des conditions économiques. Or cette endogénéité, si elle n’est pas convenablement traitée, autorise une critique à l’endroit des travaux traitant de l’impact de la durée au pouvoir sur les performances économiques (Jones et Olken [2005]; Limi Kouotou et Ngah Epo [2019]). Au-delà de l’analyse économique cependant, le sujet des effets du militarisme sur le contrôle du pouvoir alimente une problématique déjà vieille en sociologie et en science politique (Joana [2007]).
L’absence du militarisme dans l’analyse économique des causes de la démocratie et de la durée au pouvoir
9 L’analyse économique des déterminants de la démocratie naît des travaux de Dewey [1916], qui affirmait qu’un haut niveau d’éducation était indispensable à l’émergence de la démocratie. L’idée sera reprise par Lipset [1959], qui rendra populaire l’hypothèse qui porte son nom, en mettant en exergue le rôle de la croissance économique et de l’éducation dans le développement démocratique. Hormis ces éléments originels, il n’existe pas de modèle théorique solide pour des prévisions d’impact des déterminants de la démocratie. Des travaux d’ordre empirique se multiplient cependant. Muller [1995] montre sur un panel de 58 pays que le développement économique et les inégalités de revenu sont les principaux facteurs de la démocratie. Huntington [1996] établit qu’une croissance économique liée à une participation à l’économie mondiale amène les pays non démocratiques à adopter les pratiques démocratiques des autres pays. Barro [1999] montre pour cent pays entre 1960 et 1995, que le PIB par tête, le taux élevé de scolarisation primaire, l’écart réduit entre l’accès des filles et celui des garçons à l’école primaire et une classe moyenne importante ont un impact positif sur la démocratie. Par contre, un faible taux d’urbanisation et l’existence de ressources naturelles ont des effets négatifs. Przeworski et al. [2000], Minier [2001] et Glaeser et al. [2004] confirment l’hypothèse de Lipset, tandis qu’Acemoğlu et al. [2005] la rejettent.
10 D’autres auteurs expliquent la démocratie par le leadership et la qualité des institutions. S’agissant du leadership, Keneck-Massil [2019] montre que l’âge et l’éducation du leader dirigeant affectent son envie de faire changer l’article constitutionnel sur la limitation des mandats démocratiques. En outre, plus longue est sa durée en fonction, plus grands sont son pouvoir et sa tentation de modifier cette institution démocratique constitutionnelle. Dreher et al. [2009] montrent que les antécédents scolaires et professionnels du président influencent la mise en œuvre des réformes libérales de marché. Besley et al. [2011] trouvent que les dirigeants plus instruits favorisent la croissance qui, via l’hypothèse de Lipset [1959], ferait émerger la démocratie. Hormis ces études en revanche, des travaux comme ceux de Fiedler [1967] ou Hersey et Blanchard [1969] ont par le passé admis qu’il est vain de tenter de mettre au jour un ensemble de traits et compétences universels des leaders, puisque le leadership est avant tout un exercice lié au contexte. Les attributs d’un chef d’État seront par exemple plus influents dans une démocratie à régime présidentiel plutôt que parlementaire. S’agissant des déterminants institutionnels de la démocratie, ils apparaissent dans des travaux sur l’influence de la corruption (Johnston [2000]), la concentration du pouvoir économique (Hayo et Voigt [2013]), les fragmentations ethniques et religieuses (Hayo et Voigt [2010]), etc.
11 L’analyse économique des causes de la démocratie identifie enfin des facteurs spécifiquement liés à la durée au pouvoir. L’essentiel des travaux met en évidence l’effet néfaste des ressources naturelles sur la durée des régimes politiques (Ross [2001] ; Jensen et Wantchekon [2004] ; Smith [2004]). La présence d’une ressource naturelle comme le pétrole dans un pays donnerait des motivations et des moyens pour entretenir un conflit armé (Collier et Hoeffler [2002], [2005]). La rente tirée de ces ressources fragiliserait alors la structure étatique, vu que les dirigeants auraient moins besoin d’une organisation sociale solide ou d’une bureaucratie élaborée pour augmenter les revenus (Fearon et Laitin [2003]). Sur ce point naît un paradoxe dans la littérature. La « malédiction » des ressources naturelles engendre certes l’instabilité politique, mais attise aussi l’envie et la capacité des dirigeants de s’éterniser au pouvoir. Cette idée s’illustre dans les travaux de Omgba ([2007], p. 1) pour qui la rente pétrolière est à la fois une source d’instabilité politique et de stabilité du pouvoir politique en Afrique. Autrement dit, l’instabilité politique causée par la présence du pétrole ne réduit pas la durée des dirigeants au sommet de l’État. L’auteur interprète ce résultat par le fait que « le pétrole requiert des investissements financiers et des moyens de production technologiques importants. Pour assurer la rentabilité de ces derniers, les investisseurs sont tentés d’apporter leurs soutiens aux gouvernants avec lesquels les contrats ont été négociés, réduisant par ce biais le risque avéré de perte en droits de propriété qui pourrait survenir avec le changement du régime en place. »
La place du militarisme dans l’analyse socio-politique des causes de la démocratie et du contrôle du pouvoir
12 Au tournant de la Seconde Guerre mondiale, les risques que l’essor du militarisme fit courir à la démocratie américaine ont alimenté la littérature en sociologie politique. Deux décennies plus tard, la montée en puissance des régimes politiques militaires dans les nouvelles nations indépendantes ont ravivé les débats (Joana [2007]).
13 L’analyse socio-politique des effets du militarisme sur la démocratie part d’une réflexion de Lasswell [1937]. Celui-ci décrit un « État caserne » caractérisé par une soumission de l’ensemble de la vie sociale et économique aux impératifs de la guerre. Bien qu’il ait élaboré cette notion pour décrire la confrontation entre la Chine et le Japon à la fin des années 1930, l’auteur en prophétise la généralisation aux grandes démocraties comme celle des États-Unis (Lasswell [1941], [1997]). D’autres études historiques relaieront la crainte d’un essor du militarisme dans les États démocratiques contemporains (Vagst [1967]). À contrecourant cependant, Huntington [1957] fera une analyse plutôt rassurante de l’apparente contradiction entre les valeurs qui fondent la démocratie américaine et la montée en puissance des militaires en son sein. Pour lui, la présence d’hommes en armes prend un sens différent si ceux-ci font preuve de professionnalisme militaire. Ce professionnalisme devient même une garantie pour la stabilité politique et la soumission aux décisions des autorités civiles. Janowitz [1960] réfutera néanmoins cette notion d’esprit professionnel des officiers de l’armée, en montrant que nombre d’entre eux visent très souvent à occuper des responsabilités politiques extramilitaires. À cet égard, la présence de militaires au pouvoir est un élément qu’on retrouve dans certaines analyses du risque-pays ; par exemple dans la construction de l’indice ICRG (International Country Risk Guide) du PRS Group.
14 Loin des pays occidentaux, la réflexion socio-politique va traiter du cas des nations d’Amérique latine et des pays arabes, africains et asiatiques devenus récemment indépendants. La prolifération de coups d’État militaires dans ces régions amène Finer [1962] à poser à nouveau la question du rôle de l’armée en politique. Partant d’exemples d’actualité, l’auteur affirme que le professionnalisme mis en avant par Huntington [1957] ne conduit pas forcément à une neutralité politique des officiers militaires. Leur expertise et le sentiment national auquel ils adhèrent peut les conduire à penser qu’ils sont plus aptes que les gouvernants civils à défendre les intérêts de leur pays. Dès lors, selon le degré de culture démocratique du pays, ces officiers pourraient intervenir par des actions allant de la prise du pouvoir directe à de simples jeux d’influence, en passant par des pressions et menaces sur les gouvernants civils, voire par leur renversement au profit d’une nouvelle équipe. Les études comparatistes sur le rôle politique de l’armée dans les pays non-occidentaux vont ainsi booster l’approche de l’école développementaliste durant les années 1960. Elles vont offrir une nouvelle lecture du rôle des militaires, qui sera qualifiée de « réaliste » ou de « révisionniste » (Stepan [1971]). On envisage dorénavant que l’intervention des militaires en politique puisse concourir au développement économique et/ou à la démocratisation politique d’un pays (Lerner et Robinson [1960]). Les capacités d’organisation des forces armées, les qualités morales et le patriotisme qu’on attribue à leurs cadres constituent des atouts pour la construction étatique (Pauker [1959]). Le rôle modernisateur des militaires pour la démocratie ne fera cependant pas l’unanimité (Shils [1962] ; Pye [1962]). Il n’en demeure pas moins que les théories développementalistes ont eu le mérite de rompre avec la conviction selon laquelle le militarisme serait par nature contre la démocratie.
15 En fin de compte, les analyses économique et socio-politique des effets du militarisme sur la durée au pouvoir sont plus complémentaires qu’opposées. Les premières sont empiriques et testent l’effet du militarisme, réduit à la militarisation, sur des variables économiques déterminant la durée au pouvoir. Les secondes considèrent le militarisme dans sa globalité, mais traitent de ses effets dans un cadre théorique. La stratégie de notre étude emprunte aux deux approches.
Stratégie empirique
16 Nous estimons un modèle de durée pour saisir les effets du militarisme (capté par la militarisation et le contrôle de l’administration par des militaires) sur la durée des dirigeants au pouvoir. Nous utilisons des données de panels et l’hypothèse testée est que le militarisme favorise la durée des dirigeants au pouvoir en Afrique.
Modèle
17 A partir du xixe siècle, l’analyse formalisée des données de durée a été appliquée à divers domaines d’études (Makeham [1860] ; Weibull [1951] ; Kaplan et Meier [1958] ; Cox [1972] ; Lee et Carter [1992]). Notre modèle s’inspire de ceux utilisés par Omgba ([2007], [2009]) pour expliquer la durée des chefs d’État au pouvoir. Il s’agit d’un modèle de durée dans lequel nous ajoutons des variables explicatives captant divers aspects du militarisme.
18 Formellement, on considère T, une variable aléatoire représentant la durée au pouvoir du chef d’État. T a une distribution de probabilité continue f (t), où t est une réalisation de T. La fonction de distribution cumulative est alors :
\(\begin{equation} F(t)=\int_0^t f(s) \mathrm{d} s=P(T \leq t), \end{equation}\) (1)19 Cette fonction représente la probabilité P que la durée au pouvoir soit inférieure ou égale à t. Vu que cette fonction suppose que le chef d’État ait quitté le pouvoir avant une date t donnée, on peut considérer que l’exercice du pouvoir n’est pas terminé en t. Cela nous renvoie à la fonction de survie S(t) :
\(\begin{equation} S(t)=1-F(t)=P(T \geq t), \end{equation}\) (2)20 où S(t) représente la probabilité que la durée au pouvoir soit au moins égale à t. Aussi, on définit une fonction de risque K(t) :
\(\begin{equation} K(t)=\lim _{\Delta t \rightarrow 0} \frac{P(t \leq T \leq t+\Delta t \mid T \geq t)}{\Delta t}=\lim _{\Delta t \rightarrow 0} \frac{F t+\Delta t-F(t)}{\Delta t S(t)}=\frac{f(t)}{S(t)}, \end{equation}\) (3)21 où K(t) représente le risque pour un chef d’État de quitter le pouvoir à la date t +∆t sachant qu’il y était encore à la date t.
22 L’étude considère la classe des modèles de vie accélérée [2]. Dans ce cas les variables explicatives ont un effet additif sur le logarithme de la durée. Le principal intérêt de cette classe de modèles est qu’elle permet d’interpréter l’effet des variables explicatives comme un changement d’échelle de l’axe du temps. Autrement dit, tout se passe comme si l’effet des variables observables était d’allonger ou de rétrécir l’unité de durée. Le modèle à estimer se présente alors sous la forme :
\(\begin{equation} \mathrm{}Log (T)=\alpha+X \beta+\sigma \varepsilon, \end{equation}\) (4)23 où Log(T ) la variable dépendante est le logarithme de la durée au pouvoir. X représente la matrice des variables explicatives comprenant des variables de militarisme et des variables de contrôle. β est le vecteur des coefficients associés à ces différents variables, σ est un paramètre d’échelle égal à 1/P. Enfin, ε est une variable aléatoire dont la loi détermine celle suivie par Log(T ) étant donné X.
24 Trois variables de militarisme figurent dans ce modèle. Les deux premières mesurent le contrôle de l’administration par des dirigeants militaires. L’une d’elle est une variable dichotomique qui prend la valeur 1 si le chef d’État a une expérience militaire, et 0 sinon ; l’autre est aussi une variable dichotomique qui prend cependant la valeur 1 si le ministre en charge de la Défense est un militaire, et 0 sinon. La troisième variable est un indice composite global de la militarisation qui mesure le degré de renforcement des capacités des armées, en agrégeant des composantes relatives aux dépenses, effectifs et équipements militaires. La sous-section suivante (« Sources des données et description statistique ») discute plus en détail de ces trois variables d’intérêt captant le militarisme. Les variables de contrôle sont la croissance du PIB (Acemoğlu et al. [2005]), l’absence de corruption (Johnston [2000]), la croissance de la population (Fearon et Laitin [2003]) et la rente pétrolière (Omgba [2007]).
25 L’estimateur utilisé est celui du maximum de vraisemblance, en raison de la présence de données censurées dans notre échantillon. En effet, une estimation par la méthode des moindres carrés ordinaires fournirait des résultats biaisés (Box-Steffensmeier et Jones [2004]). Les fonctions (2) et (3) permettent de construire la fonction de vraisemblance à maximiser L :
\(\begin{equation} L=\prod_{i=1}^n\left[K\left(t_i, \theta\right)\right]^{d_i}\left[S\left(t_i, \theta\right)\right], \end{equation}\) (5)26 avec θ = (λ, p) des paramètres à estimer et n le nombre d’épisodes de l’échantillon. Nous censurons deux cas d’observation comme chez Omgba [2007], [2009] : le cas des chefs d’État toujours en fonction après l’année de fin d’étude (2015) et le cas des chefs d’État décédés par des causes naturelles en plein exercice du pouvoir. En effet, inclure le second cas en tant que tel dans le modèle reviendrait à prendre les morts naturelles pour des « morts politiques », ce qui est inexact (Bueno de Mesquita et al. [2003]). Par ailleurs, ignorer nos deux cas de censure aboutirait à un biais de sélection (Box-Steffensmeier et Jones [2004]). Le tableau 1A (en annexe) donne une synthèse des censures effectuées par pays. Seules les données du Cameroun et de l’Eswatini ont été intégralement supprimées par ces censures, car les chefs d’État de ces pays sont restés les mêmes avant et après notre période d’étude. Les autres pays censurés n’enregistrent qu’une suppression partielle, voire infime, de données.
27 Par ailleurs, nous considérons une fonction de risque monotone qui est une hypothèse couramment employée dans l’analyse de la survie des leaders (Bueno de Mesquita et al. [2003]), L’estimation est effectuée en prenant la loi gamma généralisée comme forme fonctionnelle des résidus, qui est l’une des plus utilisées dans la littérature [3]. Toutefois, pour juger de la stabilité des résultats, nous effectuons des tests de robustesse et de sensibilité.
28 L’analyse de la robustesse des résultats procède de trois manières : par un changement des formes fonctionnelles de la loi de durée ; ensuite par un changement du modèle de durée en modèles de comptage, et enfin par une correction des biais éventuels d’endogénéité. Le test de robustesse au changement des formes fonctionnelles consiste à ré-estimer et comparer les estimations faites du modèle (4) à partir d’autres formes fonctionnelles de lois courantes dans la littérature : log-normale, log-logistique, gamma généralisée et Weibull. Le choix de la loi adéquate est validé par les critères d’Akaike (AIC) et bayésien (BIC) qui exigent de retenir la forme fonctionnelle pour laquelle les statistiques AIC et BIC sont les plus faibles. Le test de robustesse au changement du modèle de durée en modèles de comptage compare les résultats d’estimation de l’équation (4) via les deux types de modèles, vu que notre variable expliquée est un phénomène de durée et de comptage à la fois. Le test de robustesse à la correction des biais éventuels d’endogénéité résulte du fait que les variables de contrôle du modèle peuvent être soupçonnées d’en être une source. Nous les remplaçons donc par des variables instrumentales dans le modèle de l’équation (4) que nous ré-estimons pour comparer les résultats. Les résultats sont considérés comme étant robustes lorsque les différentes estimations réalisées tendent à converger.
29 L’analyse de la sensibilité des résultats procède aussi de trois façons : par une décomposition de l’indice de militarisation, ensuite par l’utilisation de mesures alternatives de cette dernière, et enfin par une analyse sur des sous-échantillons construits sur la base de l’histoire coloniale des pays africains. Le test de sensibilité à la décomposition de l’indice global de militarisation consiste à remplacer celui-ci dans le modèle (4) par les principales variables qu’il renferme : les dépenses, les effectifs et les équipements militaires. Les estimations obtenues rendent compte de la sensibilité des résultats suite à la prise en compte de chaque composante de l’indice de militarisation. Le test de sensibilité à l’usage de mesures alternatives de la militarisation consiste à capter celle-ci par des mesures de source différente. Nous nous servons ici des indicateurs de la Banque mondiale relatifs au poids économique des dépenses et effectifs militaires uniquement. Les nouvelles estimations du modèle de l’équation (4) rendent compte de la sensibilité des résultats suite au changement de mesure de la militarisation. Le test de sensibilité par l’analyse en sous-échantillons de pays liés par l’histoire coloniale consiste à ré-estimer le modèle (4) pour les groupes de pays formés des ex-colonies africaines de France et de Grande-Bretagne. Les résultats trouvés permettent d’en saisir les spécificités. Les résultats sont dits sensibles si les différentes estimations effectuées tendent à diverger.
Sources des données et description statistique
30 Les données de l’étude couvrent un panel non cylindré de 44 pays d’Afrique pris entre 1990 et 2015. Le choix de cette période est lié à la disponibilité des données, s’agissant notamment des séries sur la durée des dirigeants au pouvoir, disponibles jusqu’en 2015, et de l’indice de militarisation non disponible avant 1990.
31 Le début de notre période d’étude coïncide avec l’avènement de la démocratie en Afrique, qui marque aussi la fin de la Guerre froide au niveau international. Il est donc possible que le vent démocratique d’après-Guerre froide ait influencé l’évolution des pays africains, en matière de militarisme et de durée au pouvoir. Des faits stylisés qui confirment cette intuition sont exposés dans cette sous-section.
32 Notons aussi que dix des 54 pays d’Afrique ont été exclus de l’étude car, pour ceux-ci, certaines variables du modèle souffrent de données lacunaires. Ces pays sont répertoriés dans le tableau 2A (voir annexes). Ces exclusions influent a priori peu sur les résultats, car toutes les régions d’Afrique se trouvent malgré tout représentées ici.
33 Les données proviennent de la Banque Mondiale (World Development Indicators (2020) et Database of Political Institutions (2020)), de la base de données Archigos (2015), du Bonn International Center for Conflict Studies (2020), et de l’International Institute for Democracy and Electoral Assistance (Global State of Democracy Indices (2019)). Nous examinons les statistiques descriptives pour l’ensemble des données, puis nous dégageons des faits stylisés sur les variables d’intérêt captant le militarisme et la durée au pouvoir.
Statistiques descriptives sur l’ensemble des données
34 Cette sous-section précise les sources et les statistiques descriptives des variables de notre étude. Toutefois, les variables d’intérêt sur le militarisme méritent qu’on discute auparavant en détail de leurs définitions et constructions. La variable qui capte le militarisme par la militarisation est un indice global composite (Global Militarization Index (GMI)), conçu par le Bonn International Centre for Conflict Studies (BICC). Cet indice tente de déterminer l’importance sociétale de l’appareil militaire au sein des États, afin d’appréhender au mieux leur degré de militarisation. Dans sa construction, l’indice agrège trois sous-indicateurs d’accroissement des capacités de l’armée dont les scores sont relatifs aux dépenses militaires, aux effectifs militaires et aux équipements en armes lourdes. Une analyse des corrélations entre ces sous-indicateurs montre qu’ils sont deux à deux corrélés positivement et significativement (tableau 3A, voir annexes) ; ce qui présage que pris isolément, leurs effets puissent converger. La mesure du score global de militarisation est standardisée de façon à varier sur une échelle allant de 0, pour les pays les moins militarisés, à 1 000 pour les pays les plus militarisés. L’indice de militarisation GMI donne ainsi une mesure des capacités des armées, mais n’informe de rien sur le contrôle du pouvoir politique par des militaires. Afin de saisir cet autre aspect du militarisme, deux nouvelles variables d’intérêt sont mobilisées. Nous les codifions de manière semblable à celle de Besley et al. [2011] sur le profil éducationnel des dirigeants. L’une des variables est dichotomique et prend la valeur 1 si le chef d’État a une expérience militaire, et 0 sinon. L’autre, toujours dichotomique, prend cette fois la valeur 1 si le ministre en charge de la Défense est un militaire, et 0 sinon.
35 Dans le tableau 1, les statistiques descriptives indiquent qu’entre 1990 et 2015, le temps moyen passé au pouvoir par les dirigeants africains est d’un peu moins de 10 ans. Sur cette période, le taux de croissance du PIB a été en moyenne de 4 % environ par an. L’absence de corruption moyenne a été de 0,33 sur une échelle variant entre 0 et 1. La croissance moyenne de la population a été de 2,3 %. Le taux de profit moyen sur l’exportation du pétrole a été d’un peu moins de 6 %. Concernant le militarisme, les pays d’Afrique ont été dirigés par des chefs d’État militaires pendant 34 % du temps écoulé entre 1990 et 2015 ; 32 % de ce temps s’est déroulé sous l’administration de militaires aux commandes des ministères chargés de la Défense. Le niveau de militarisation moyen a quant à lui été de 573,6 sur une échelle allant de 0 à 1 000.
Sources et statistiques descriptives des variables
Variables | Sources | Moy | Médian | Min. | Max. | Skew | Kurt |
Durée au pouvoir (années) | Archigos | 9,97 | 7 | 0 | 42 | 1,08 | 3,32 |
Militaire chef d’État | Database of Political Institutions | 0,34 | 0 | 0 | 1 | ||
Militaire ministre de la Défense | Database of Political Institutions | 0,32 | 0 | 0 | 1 | ||
Indice global de militarisation | Bonn International Center for Conflict Studies | 573,6 | 577,47 | 55,29 | 1000 | – 0,77 | 5,94 |
Croissance du PIB | World Development Indicators | 4,236 | 4,22 | – 62,076 | 149,97 | 6,002 | 114,66 |
Absence de corruption | Global State of Democracy Indices | 0,337 | 0,34 | 0,044 | 0,724 | 0,14 | 2,62 |
Croissance de la population | World Development Indicators | 2,388 | 2,58 | – 6,766 | 8,118 | – 1,16 | 11,46 |
Rente pétrolière | World Development Indicators | 4,95 | 1,29 | 0 | 78,541 | 2,85 | 11,05 |
Sources et statistiques descriptives des variables
36 Bien que certaines valeurs extrêmes (maximum et minimum) soient très éloignées, elles reflètent bien l’histoire des pays africains. Ainsi, les chefs d’État ayant le moins duré au pouvoir ont gouverné moins d’un an, alors que celui ayant tenu le plus longtemps a gouverné 42 ans au Zimbabwe. Le PIB de la Guinée équatoriale s’est accru de 149 % en 1997, après la découverte en 1996 de grandes réserves de pétrole dont l’exploitation a fortement boosté les chiffres de la production. En Libye, la guerre résultant du Printemps arabe a anéanti l’économie, en faisant s’effondrer de 62 % le PIB du pays en 2011. En l’an 2000, l’Érythrée, dans un contexte de guerre depuis mai 1998 contre l’Éthiopie, a atteint le niveau record 1 000 de militarisation en engageant des dépenses militaires en centaines de millions d’euros. Vu qu’elles ne sont pas imputables à des erreurs de saisie, ces valeurs aberrantes ne biaisent pas la réalité. Au contraire, elles font prendre en compte l’effet de l’hétérogénéité liée aux tendances conjoncturelles atypiques.
37 Enfin, nos variables sont faiblement asymétriques et peu aplaties globalement. En effet, les coefficients de symétrie (Skewness) des différentes variables sont presque tous positifs ; ce qui indique que les séries prennent des valeurs en majorité inférieures à la moyenne (valeurs à gauche de la moyenne). Ces asymétries sont néanmoins faibles, au regard de la proximité des valeurs moyennes et médianes. Seuls l’indice global de militarisation et la croissance de la population ont des coefficients de Skewness négatifs, qui correspondent à des données en majorité supérieures à la moyenne (valeurs à droite de la moyenne). S’agissant des coefficients d’aplatissement (Kurtosis), ils sont positifs pour toutes les variables. Les séries ont toutes des répartitions de données moins aplaties qu’une densité normale. Ainsi, la croissance du PIB se distingue par le pic de données le plus important, avec un coefficient de Kurtosis de 114,66.
Des faits stylisés sur le militarisme et la durée au pouvoir en Afrique
38 L’évolution de nos variables d’intérêt laisse transparaître des faits stylisés. Ceux-ci suggèrent que le contexte politique international influe sur le militarisme et la durée au pouvoir en Afrique, ce qui ouvre une perspective vers une explication externe du lien entre les deux. Précisément, l’ère de la démocratie d’après-Guerre froide s’est traduite en Afrique par un recul du militarisme ; c’est le premier fait stylisé. Cette ère s’est en outre accompagnée d’un recul de la durée des chefs d’État au pouvoir ; c’est le second fait stylisé.
39 Le recul du militarisme à l’ère démocratique d’après-Guerre froide en Afrique constitue notre premier fait stylisé. Ce recul concerne le contrôle de l’administration par des dirigeants militaires d’une part et la militarisation d’autre part.
40 Le graphique 1 illustre le premier fait stylisé, en s’intéressant au contrôle de l’administration par des dirigeants militaires de 1990 à 2015. Les courbes décrivent deux évolutions : le pourcentage de pays africains dirigés par des militaires (en noir), et le pourcentage de pays africains ayant des militaires au poste de ministre en charge de la Défense (en gris). Les tendances (en pointillés) montrent que les pays sous administration de chefs d’État ou de ministres de la Défense issus de l’armée ont globalement diminué depuis la fin de la Guerre froide. Précisément, plus de 58 % des pays africains avaient des chefs d’État militaires en 1990, contre 22 % en 2015. Plus de 68 % des pays africains avaient des militaires comme ministres de la Défense en 1990, contre 25 % en 2015. Notons toutefois que les militaires sont toujours restés très représentatifs de la classe dirigeante africaine. Au moins un chef d’État sur cinq est issu du corps armé quelle que soit l’année considérée.
41 Le graphique 2 prolonge le premier fait stylisé en traitant du niveau de militarisation entre 1990 et 2015. La courbe présente l’évolution moyenne des capacités des armées au sein des pays africains. La tendance (en pointillés) indique que la militarisation a globalement diminué une fois l’époque de la Guerre froide révolue. Sur une échelle de 0 à 1000, le niveau moyen de militarisation des pays africains est passé de 585 % en 1990, à 568 % en 2015. Notons cependant que la militarisation s’est d’abord accrue jusqu’en 2001, année des attentats terroristes du 11 septembre aux États-Unis, à la suite desquels les armées africaines ont vu leurs capacités militaires décroître fortement.
Proportions des militaires parmi les chefs d’État et ministres en charge de la Défense entre 1990 et 2015 en Afrique
Proportions des militaires parmi les chefs d’État et ministres en charge de la Défense entre 1990 et 2015 en Afrique
Niveau moyen de militarisation entre 1990 et 2015 en Afrique
Niveau moyen de militarisation entre 1990 et 2015 en Afrique
42 Le militarisme africain évolue donc à un rythme s’accordant au contexte géopolitique international. S’il a reculé après la fin de la Guerre froide, reste à savoir ce qu’il en est de la durée au pouvoir.
43 Le recul de la durée au pouvoir depuis l’avènement de la démocratie en Afrique constitue notre second fait stylisé. Le graphique 3 illustre cela entre 1990 et 2015. La courbe décrit l’évolution de la durée moyenne des chefs d’État au pouvoir au sein des pays africains. La tendance (en pointillés) montre qu’en deux décennies, le temps moyen passé au sommet de l’État a globalement diminué de 12 à 5 ans. Cette baisse survient à une époque où les institutions internationales promeuvaient l’alternance politique comme un pilier fondamental de la démocratie. Une chute particulièrement drastique de la durée au pouvoir est observable entre 2010 et 2012. Elle coïncide avec le Printemps arabe qui mit fin au règne de chefs d’État au pouvoir depuis plusieurs décennies en Afrique : Hosni Moubarak en Égypte et Mouammar Kadhafi en Lybie.
Durée moyenne des chefs d’État au pouvoir entre 1990 et 2015 en Afrique
Durée moyenne des chefs d’État au pouvoir entre 1990 et 2015 en Afrique
44 Nos deux faits stylisés se heurtent cependant à une limite. Ils suggèrent une explication externe du militarisme et la durée au pouvoir en Afrique, sans pour autant les mettre en relation. La discussion d’une telle relation amène à envisager une explication interne de la durée au pouvoir par le militarisme.
Résultats et discussions
45 Les résultats de l’étude portent sur 44 pays d’Afrique entre 1990 et 2015. Ces résultats sont discutés et éprouvés par des tests de robustesse et de sensibilité.
L’explication de la durée au pouvoir par le militarisme en Afrique
46 Le tableau 2 présente les résultats d’estimation du modèle explicatif de la durée au pouvoir par le militarisme en Afrique. La forme fonctionnelle suivie par le terme d’erreur est la loi gamma généralisée. Nous vérifions la stabilité des liaisons entre les variables de militarisme et celle de durée au pouvoir à travers trois estimations (colonnes 1, 2 et 3) précédant l’estimation du modèle complet (colonne 4). La première estimation (colonne 1) capte exclusivement l’effet du militarisme sur la durée au pouvoir via le contrôle de l’administration par des dirigeants militaires (chef d’État et ministre de la Défense). La deuxième estimation (colonne 2) donne uniquement l’effet du militarisme sur la durée au pouvoir via la militarisation saisie par l’indice global GMI. La troisième estimation (colonne 3) capte l’effet des trois variables de militarisme sur la durée au pouvoir en l’absence d’autres variables explicatives. La quatrième estimation (colonne 4) donne l’effet des variables de militarisme sur la durée au pouvoir au côté d’autres variables de contrôle.
Explication de la durée au pouvoir par les variables de militarisme en Afrique
Variable dépendante : Durée au pouvoir | ||||
(Col. 1) | (Col. 2) | (Col. 3) | (Col. 4) | |
Militaire chef d’État | 0.762*** (0.088) | 0,719*** (0,085) | 0,753*** (0,097) | |
Militaire ministre de la Défense | – 0.371*** (0.091) | – 0,426*** (0,090) | – 0,393*** (0,092) | |
Militarisation | 0,002*** (0,00036) | 0,0016*** (0,00037) | 0,0011*** (0,00041) | |
Croissance du PIB | 0,022*** (0,009)** | |||
Absence de corruption | – 0,0005 (0,344) | |||
Croissance de la population | 0,0365 (0,033) | |||
Rente pétrolière | 0,020*** (0,0063) | |||
Terme constant | 1.845*** (0.075) | 0,943*** (0,227) | 0,947*** (0,221) | 1,021*** (0,304) |
Observations | 635 | 607 | 579 | 560 |
Log-vraisemblance | – 861.353 | – 836,803 | – 742,495 | – 710,437 |
Explication de la durée au pouvoir par les variables de militarisme en Afrique
Notes : Entre parenthèses les écarts-types robustes. Significativité au seuil de 10 % (*), 5 % (**) et 1 % (***).47 Globalement, le militarisme affecte la durée des chefs d’État au pouvoir par deux leviers : le contrôle de l’administration par des dirigeants militaires et la militarisation. S’agissant du contrôle de l’administration, le fait d’avoir un chef d’État militaire affecte positivement la durée au pouvoir. Mais le fait d’avoir un militaire chargé du ministère de la Défense l’affecte négativement. S’agissant de la militarisation, le renforcement des capacités militaires a un effet positif sur la durée au pouvoir. Ces résultats sont significatifs au seuil de confiance de 1 %. Les tailles des coefficients d’impact des différents variables explicatives sur la probabilité de durée au pouvoir sont plausibles, vu qu’elles sont relativement modérées. Toutes sont en effet inférieures à 1 %. Précisément, avoir un chef d’État militaire accroît la probabilité de durée au pouvoir de 0,7 %, alors qu’avoir un ministre de la Défense militaire réduit cette probabilité de 0,3 %. L’augmentation d’une unité de l’indice de militarisation augmente quant à elle la probabilité de durée au pouvoir de seulement 0,001 %.
48 Quant aux variables de contrôle, la croissance économique a un effet positif sur la durée au pouvoir ; ce qui rejoint les conclusions de Acemoğlu et al. [2005] qui rejettent l’hypothèse de Lipset [1959]. En outre, la rente pétrolière a un effet positif comme chez Omgba [2007], ce qui rejoint les thèses évoquant la malédiction des ressources naturelles pour justifier la durée au pouvoir (Mahdavi [1970] ; Beblawi et Luciani [1987] ; Ross [2001] ; Jensen et Wantchekon [2004] ; Smith [2004]). Les coefficients associés à l’absence de la corruption et la croissance de la population ne sont pas significatifs, bien qu’ayant des signes attendus.
49 Ces résultats peuvent s’interpréter. Le militarisme agit sur la durée au pouvoir via le contrôle de l’administration par des militaires d’une part, et d’autre part par la militarisation qui multiplie les capacités de l’armée. Un paradoxe se profile. En effet, si la militarisation amadoue l’armée pour assurer le maintien souvent anti-démocratique d’un chef d’État au pouvoir (Meynaud [1961] ; Kimenyi et Mbaku [1996]), rien n’est acquis lorsqu’il s’agit du contrôle militaire de l’administration. Plus précisément, l’accès d’un militaire à la tête de l’État augmente certes les chances qu’il s’y éternise, mais la présence d’un second homme fort dans un régime militaire, à l’instar d’un ministre de la Défense, accroît le risque de renversement du premier. Des scénarios illustratifs de ce résultat minent l’histoire politique des pays africains (Augé et Gnanguênon [2015]). Ainsi, après avoir chassé Jean-Baptiste Ouédraogo du pouvoir par un putsch militaire en 1983 au Burkina Faso, Thomas Sankara sera lui-même renversé et remplacé quatre ans plus tard par le second du régime en la personne de Blaise Compaoré (Somé [1990] ; Compaoré [2015]). Au Congo démocratique, Laurent-Désiré Kabila sera assassiné en 2001 lors d’un coup d’État au terme duquel son fils Joseph Kabila sera consacré comme nouveau président ; alors que quatre ans plus tôt, père et fils évinçaient ensemble le dictateur Mobutu Sese Seko (Kongolo [2007]). Après avoir renversé par coup d’État Hissène Habré, qui l’avait fait gravir les échelons des forces armées, Idriss Déby devint le président de la République du Tchad en 1990 (Eizenga [2021]).
50 Ces faits attestent qu’en Afrique, le contrôle militaire de l’administration par deux hommes forts réduit les chances du premier de durer au pouvoir et accroît celles du second d’y accéder. Ils apportent une explication interne de la durée au pouvoir par le militarisme, qui complète l’explication externe tirée des faits stylisés de la section précédente. Le militarisme et l’influence extérieure agissent donc ensemble sur la durée au pouvoir. Des dirigeants et régimes militaristes ont souvent obtenu, ou perdu, des soutiens politiques étrangers qui se sont ensuite avérés décisifs pour leur durée au pouvoir. C’est l’exemple du colonel Mouammar Kadhafi qui, après avoir régné 42 ans sur la Libye grâce au soutien de l’URSS durant la Guerre froide, sera évincé en 2011, lors du Printemps arabe, par une insurrection armée nationale soutenue par l’OTAN (Pons et Murgue [2012]).
51 Une analyse non paramétrique renforce l’interprétation du résultat paradoxal quant aux effets du contrôle de l’administration par des dirigeants militaires. En effet, nous avons approximé la forme empirique des fonctions de survie des chefs d’État au pouvoir sans adopter une quelconque spécification de loi. Pour cela, nous utilisons l’estimateur de Kaplan-Meier qui prend en compte l’effet des caractéristiques individuelles après décomposition de la population étudiée en sous-populations homogènes par rapport aux caractéristiques (Cahuzac et di Paola [2005]). Nous séparons donc les pays de notre échantillon en quatre sous-groupes pour lesquels nous estimons les fonctions de survie des chefs d’État. Ces sous-groupes renferment respectivement : les pays ayant un chef d’État militaire et un ministre de la Défense civil ; ceux ayant un chef d’État militaire et un ministre de la Défense militaire ; ceux ayant un chef d’État civil et un ministre de la Défense civil ; et ceux ayant un chef d’État civil et un ministre de la Défense militaire. Le graphique 4 présente ces différentes fonctions de survie.
Survie estimée des dirigeants au pouvoir par la méthode de Kaplan-Meier
Survie estimée des dirigeants au pouvoir par la méthode de Kaplan-Meier
Notes : Fonctions de survie : courbe noire uniforme des pays sous un chef d’État militaire et un ministre de la Défense civil ; courbe noire en pointillés des pays sous un chef d’État militaire et un ministre de la Défense militaire; courbe grise uniforme des pays sous un chef d’État civil et un ministre de la Défense civil ; courbe grise en pointillés des pays sous un chef d’État civil et un ministre de la Défense militaire.52 Les fonctions de survie les plus éloignées de l’origine sont celles des chefs d’État ayant de plus grandes chances de durer au pouvoir. Ainsi, on classe dans l’ordre de supériorité des chances de survie des dirigeants : en premier les pays sous un chef d’État militaire et un ministre de la Défense civil (courbe noire uniforme) ; en deuxième ceux sous un chef d’État militaire et un ministre de la Défense militaire (courbe noire en pointillés) ; en troisième ceux sous un chef d’État civil et un ministre de la Défense civil (courbe grise uniforme) ; et en dernier ceux sous un chef d’État civil et un ministre de la Défense militaire (courbe grise en pointillés). Ce classement confirme que les chances de survie des chefs d’État militaires (courbes noires uniforme et en pointillés) sont supérieures à celle des chefs d’États civils (courbes grises uniforme et en pointillés). Dans les deux cas considérés (chefs d’État militaire ou civil), la présence d’un ministre de la Défense issu du corps militaire réduit les chances de survie du chef d’État (courbes noire et grise en pointillés).
Tests de robustesse de résultats
53 Nous testons la robustesse du résultat principal en procédant par un changement des formes fonctionnelles de la loi de durée, ensuite par un changement du modèle de durée en modèles de comptage, et enfin par une correction des biais éventuels d’endogénéité.
Robustesse de résultats au changement des lois de durée
54 Nous testons en premier lieu la robustesse des résultats en ré-estimant le modèle de durée de l’étude à partir d’autres formes fonctionnelles de la loi de durée suivie par le terme d’erreur. Dans le tableau 4A (en annexe), il s’agit des modèles fondés sur la loi gamma généralisée de notre estimation de base (colonne 1), la loi log-normale (colonne 2), la loi log-logistique (colonne 3) et la loi Weibull (colonne 4). Les coefficients obtenus des différentes estimations ont pour la plupart des signes identiques. Toutefois, nous maintenons l’estimation fondée sur la loi gamma généralisée comme étant la meilleure (colonne 1), au regard de ses statistiques AIC (égale à 1440,87) et BIC (égale à 1484,15) qui sont inférieures à celles des autres.
55 Le résultat principal de l’étude est donc globalement robuste au changement des formes fonctionnelles de la loi de durée du terme d’erreur. Les signes des coefficients captant les effets du militarisme sur la durée au pouvoir demeurent inchangés dans trois des quatre estimations réalisées. Les tailles des coefficients des différentes variables semblent plausibles, puisqu’elles sont modérées (toutes inférieures à 1 %). Aussi, les critères de discrimination statistiques des modèles (AIC et BIC) valident notre choix initial porté sur une estimation à partir d’une loi gamma généralisée.
Robustesse de résultats au changement des modèles de durée en modèles de comptage
56 Nous testons en second lieu la robustesse des résultats, en estimant des modèles de comptage servant d’alternatives au modèle de durée initialement retenu. En effet, la variable expliquée dans l’étude mesure certes un phénomène de durée car ne pouvant prendre que des valeurs positives du temps passé par un dirigeant au pouvoir. Elle a toutefois la particularité, dans notre étude, de ne compter que des valeurs entières. Or, la modélisation des données entières sert pour décrire aussi bien des données de durée en temps discret que des données de comptage. Les modèles de durée expliquent des séries en temps continu qui certes englobent les valeurs prises en temps discret (Kalbfleisch et Prentice [1980] ; Heckman et Singer [1984] ; Lancaster [1990]). Mais les modèles de comptage sont spécifiquement conçus pour expliquer les variables qui ne prennent que des valeurs discrètes. La durée au pouvoir étant à la fois une série de durée (à valeurs positives) et de comptage (à valeurs entières), il est légitime d’estimer un modèle de comptage pris comme un choix alternatif au modèle de durée.
57 La comparaison des résultats des deux types de modèles s’avère néanmoins difficile, car l’estimation d’un modèle de comptage exclut moins de données que celle d’un modèle de durée. En effet, les paramètres de l’équation de durée sont estimés sur le logarithme des données de durée, ce qui implique d’exclure les valeurs de durée égales à zéro de l’échantillon, alors que les modèles de comptage ne subissent pas une telle transformation (Arthur et al. [2020]). Le résultat de nos modèles de comptage comporte donc un plus grand nombre d’observations, car la variable de durée prend la valeur zéro à chaque année d’accession d’un nouveau chef d’État au pouvoir. Pour pallier les difficultés d’interprétation par comparaison cependant, nous estimons des modèles de comptage sur deux échantillons : l’un retient la variable de durée au pouvoir en l’état, et l’autre censure les valeurs de durée nulles.
58 Le tableau 5A en annexe compare le résultat du modèle de durée de l’étude (colonne 1) avec ceux obtenus via des modèles de comptage (colonnes 2, 3, 4 et 5). Les modèles des colonnes 2 et 3 sont estimés à partir de l’échantillon sans censure de la variable de durée (soit 636 observations). Ceux des colonnes 4 et 5 sont estimés après censure des valeurs de durée nulles (soit 560 observations incluses). L’un des modèles de comptage est un modèle de Poisson (colonnes 2 et 4) qui suppose en théorie une égalité entre la variance et la moyenne des erreurs. Or, il peut arriver que la variance réelle d’une série soit supérieure à la variance théorique. On dira alors qu’il y a surdispersion et, dans cette situation, l’erreur standard des paramètres des modèles de Poisson sera sous-estimée. Cela peut conduire à des p-value très faibles, et donc à des conclusions erronées sur la significativité de la liaison entre les comptages observés et les variables explicatives. Corriger ce biais exige d’user d’autres structures d’erreur. Le modèle binomial négatif (colonnes 3 et 5) est l’extension du modèle de Poisson le plus employé dans la littérature pour contrôler ce type de biais (Gouriéroux et al. [1984] ; Hausman et al. [1984] ; Lemaire [1985] ; Gouriéroux [1989] ; Gaillard [2019] ; Lanfranchi et Lemoyne [2020]).
59 Le résultat principal de l’étude est globalement robuste au changement du modèle de durée en modèles de comptage estimés à partir d’échantillons censurés ou non. En effet, les signes des coefficients captant les effets du militarisme sur la durée au pouvoir ne changent jamais. Les tailles des différents coefficients des variables sont plausibles, car elles demeurent toutes inférieures à 1 %. Aussi, la correction des biais possibles en usant des modèles de comptage laisse identiques la plupart des signes des coefficients des variables de contrôle.
Robustesse à la correction de biais éventuels d’endogénéité
60 Nous testons en troisième lieu la robustesse des résultats à la correction des biais éventuels d’endogénéité, car les variables de contrôle du modèle peuvent être soupçonnées d’en être une source. Par exemple, les ressources naturelles peuvent expliquer la durée au pouvoir (Omgba [2007]), mais aussi des variables de contrôle comme la croissance économique (Sachs et Warner [1995] ; Van der Ploeg et Poelhekke [2009]) ou la corruption (Eifert et al. [2003]). La double influence des ressources naturelles sur la durée au pouvoir et ces variables de contrôle peut dès lors conduire à des biais d’endogénéité dans nos estimations.
61 Comme plus généralement il peut exister des facteurs non observés qui influencent à la fois les variables de contrôle et la durée au pouvoir, les biais d’endogénéité potentiels doivent être traités. Une méthode d’estimation permettant de corriger ces biais est mise en œuvre dans la démarche de Heckman et Robb [1985]. Il faut avoir des variables de contrôle indépendantes des termes d’hétérogénéité inobservée contenus dans la durée au pouvoir. Pour cela, nous estimons d’abord des modèles qui expliquent tour à tour la croissance du PIB, l’absence de corruption, la croissance de la population et la rente pétrolière, par leurs retards et le reste des variables explicatives du modèle de durée. Puis, les valeurs prédites par ces modèles explicatifs des variables de contrôle sont utilisées comme variables explicatives à leurs places dans le modèle de durée au pouvoir.
62 Le tableau 6A en annexe présente les résultats d’estimation de la durée au pouvoir par le militarisme en Afrique, après correction des biais éventuels d’endogénéité. À la suite du modèle initial (colonne 1), nous éprouvons la stabilité des liaisons à travers cinq estimations (colonnes 2, 3, 4, 5 et 6). Les estimations des colonnes 2 à 5 sont faites en se servant des variables prédites de la croissance du PIB (colonne 2), l’absence de corruption (colonne 3), la croissance de la population (colonne 4) et la rente pétrolière (colonne 5). À la dernière estimation (colonne 6), ces quatre variables instrumentales sont utilisées simultanément.
63 Le résultat principal de l’étude est globalement robuste à la correction des biais d’endogénéité éventuels. En effet, les signes des coefficients des effets du militarisme sur la durée au pouvoir ne changent pas. Les coefficients des différentes variables gardent des tailles plausibles en restant inférieures à 1 %. Aussi, la correction des biais d’endogénéité laisse identiques la plupart des signes des coefficients des variables de contrôle. La méthode utilisée occasionne cependant une perte du nombre d’observations, qui chute à 531 (colonnes 2 à 6), à cause de l’usage des variables de contrôle retardées d’une période dans la première étape d’estimation par la démarche de Heckman et Robb [1985].
Tests de sensibilité de résultats
64 Nous testons la sensibilité du résultat principal en procédant par une décomposition de l’indice de militarisation, ensuite par l’utilisation de mesures alternatives de cette dernière, et enfin par une analyse sur des sous-groupes de pays scindés suivant un critère historique.
Sensibilité de résultats à la décomposition de l’indice de militarisation
65 Rappelons que nous captons le militarisme sous deux aspects : le contrôle de l’administration par les militaires et la militarisation. Si le contrôle militaire de l’administration est saisi à l’aide de variables dichotomiques simples (dirigeant militaire ou non), la militarisation est en revanche mesurée par un indice composite. Ce dernier agrège des sous-indicateurs de militarisation dont les scores reflètent trois formes d’accroissement des capacités des armées : les dépenses militaires, les effectifs en personnels militaires et les équipements en armes lourdes. Il est dès lors probable que le résultat de l’étude soit plus ou moins sensible à l’une de ces formes de militarisation. Pour apprécier cela, nous désagrégeons l’indice global de militarisation en ses composantes principales. Nous ré-estimons ensuite le modèle avec chaque composante afin de juger de la sensibilité des résultats à la prise en compte de chaque forme de militarisation.
66 Le tableau 7A en annexe explique la durée au pouvoir par les différentes formes de militarisation. Il s’agit de l’indice global de militarisation (colonne 1), le score des dépenses militaires (colonne 2), le score des effectifs militaires (colonne 3) et le score des équipements en armes lourdes (colonne 4).
67 Le résultat principal de l’étude est peu sensible à la décomposition de l’indice de militarisation. En effet, les signes associés aux coefficients des variables de militarisme restent inchangés, quelle que soit la forme de militarisation considérée. Les tailles des différents coefficients des variables demeurent plausibles en étant toutes inférieures à 1 %.
Sensibilité de résultats aux mesures alternatives de la militarisation
68 Il existe des indicateurs de militarisation autres que l’indice GMI. Ces mesures alternatives permettent de capter divers aspects de la militarisation. La Banque mondiale propose ainsi deux indicateurs du poids économique de la militarisation : les dépenses militaires en pourcentage du PIB et les effectifs militaires en pourcentage de la population. Il est probable que le résultat de l’étude soit sensible à l’usage de ces mesures alternatives de la militarisation. À cet effet, nous ré-estimons le modèle d’étude en remplaçant l’indice GMI par ces dernières, puis nous jugeons de la sensibilité des résultats suite à cette substitution.
69 Le tableau 8A (en annexe) explique la durée au pouvoir par les indicateurs du poids économique de la militarisation. Le modèle initial est repris (colonne 1), suivi de ceux captant la militarisation respectivement par les dépenses militaires en pourcentage du PIB (colonne 2) et les effectifs militaires en pourcentage de la population (colonne 3).
70 Le résultat principal de l’étude est peu sensible à l’usage des mesures de la militarisation alternatives à l’indice GMI. En effet, les signes des coefficients des variables de militarisme demeurent inchangés dans tous les cas. Les différents coefficients des variables sont de tailles plausibles, car inférieures à 1 %.
71 Remarquons toutefois que le nombre d’observations change entre le résultat initial et ceux obtenus en usant des indicateurs de militarisation de la Banque mondiale. Cette variation du nombre d’observations est causée par la contrainte supplémentaire de données disponibles qu’impose la nouvelle source d’indicateurs de militarisation. L’enjeu ici est qu’une divergence des résultats pourrait mettre en évidence l’existence d’un biais de sélection. Il n’en est rien cependant, ce qui renforce la conclusion quant à une faible sensibilité des résultats à l’usage des mesures alternatives de la militarisation.
Sensibilité de résultats à l’hétérogénéité liée à l’histoire coloniale africaine
72 Bien que notre résultat global semble concluant, nous testons sa sensibilité à l’hétérogénéité liée à l’histoire coloniale africaine. Nous segmentons notre échantillon en sous-groupes de pays selon leurs origines coloniales (voir tableau 2A, en annexe). Inspiré des travaux pour lesquels la colonisation est l’un des faits du passé qui a le plus structuré les économies contemporaines (North [1990] ; La Porta et al. [2004] ; Acemoğlu et al. [2001], [2002] ; Michalopoulos et Papaioannou [2013] ; Easterly et Levine [2016]), on s’intéresse aux ex-colonies de France et de Grande-Bretagne [4]. Le choix de ces deux blocs de pays se justifie par le fait qu’ils ont été les deux plus vastes empires d’Afrique sous l’ère coloniale d’une part. D’autre part, les blocs formés par les autres ex-colonies (celles d’Italie, du Portugal, d’Espagne, de Belgique ou d’Allemagne) ne renferment pas assez de pays pour réaliser nos estimations en panels. Le tableau 9A en annexe présente le résultat initial (colonne 1), puis ceux obtenus après estimation sur l’échantillon des ex-colonies françaises (colonne 2) et britanniques (colonne 3).
73 Le résultat de l’étude s’avère sensible à la segmentation de l’échantillon des pays, pour tenir compte de l’hétérogénéité liée à l’histoire coloniale africaine. Il se dégage deux faits majeurs. Dans les ex-colonies françaises (colonne 2), les effets du militarisme sont similaires à ceux obtenus pour l’Afrique (colonne 1), nonobstant la perte de significativité du coefficient de la militarisation. Dans les ex-colonies britanniques en revanche (colonne 3), il n’y a que le coefficient lié à la présence d’un chef d’État militaire qui garde sa significativité parmi les variables de militarisme. Cela signifie que l’effet mitigé du militarisme via le contrôle administratif des militaires ne demeure valide qu’au sein des ex-colonies françaises. En présence de deux hommes forts dans un régime militaire, les chances de survie du chef d’État s’amenuisent en faveur d’un possible accès de son ministre de la Défense au sommet de l’État. Des chiffres corroborent cette idée d’une Afrique à deux vitesses au sein de laquelle l’Afrique francophone a connu environ 2,5 fois plus de coups d’État que l’Afrique anglophone sur les deux dernières décennies (International IDEA [2016] [5]). Une raison profonde à ces chiffres fait planer le spectre de l’histoire coloniale sur les profils des dirigeants actuels. Ces profils seraient hérités d’un passé plus démocratique dans les colonies britanniques par rapport aux colonies françaises. En effet, les premiers administrateurs des colonies franco-africaines furent des anciens officiers militaires (Fierro [2020]) dotés de tous les pouvoirs, qui ont structuré et fixé les bases d’une administration directe centralisatrice et peu démocratique. Dans les colonies britanniques en revanche, l’administration indirecte avait préparé les leaders africains à accepter plus de démocratie dans les futurs États indépendants (Phan [2017]).
Conclusion
74 L’objectif de ce travail était d’évaluer l’effet du militarisme sur la durée des chefs d’État au pouvoir en Afrique. En estimant un modèle de durée sur un panel de 44 pays entre 1990 et 2015, nous trouvons que le militarisme affecte la durée au pouvoir à travers deux leviers : la militarisation et le contrôle de l’administration par des dirigeants militaires. La militarisation renforce la durée au pouvoir des chefs d’État, en forçant l’allégeance d’une armée contentée par l’augmentation de son budget, de ses effectifs et de ses équipements. Le contrôle administratif des militaires a toutefois un effet mitigé. Tandis qu’avoir un militaire pour chef d’État accroît les chances de durée au pouvoir de ce dernier, le fait d’avoir un ministre de la Défense appartenant au corps armé agit en sens contraire. Ces résultats confirment donc partiellement notre hypothèse de départ.
75 Au total, l’ère de la démocratie d’après-Guerre froide apporte certes une explication externe du recul, bien que faible, de la durée au pouvoir en Afrique. Une explication interne de ce recul naît cependant des désaccords entre les dirigeants militaires au contrôle de l’administration dans un régime militariste. Ces désaccords entre hommes forts du régime créent des conflits de leadership qui mènent parfois à des alternances politiques, malheureusement non démocratiques. Protéger la démocratie exige donc, pour les pays africains, de redéfinir clairement la place qu’occupent les militaires sur les scènes politiques nationales.
Annexes
Censures sur la variable de durée au pouvoir pour les chefs d’État en fonction jusqu’en 2015 ou décédés en fonction
Censures sur la variable de durée au pouvoir pour les chefs d’État en fonction jusqu’en 2015 ou décédés en fonction
Pays d’Afrique répartis selon l’origine coloniale (en gras les pays exclus après estimations)
Pays d’Afrique répartis selon l’origine coloniale (en gras les pays exclus après estimations)
Corrélations entre les sous-indicateurs de l’indice de militarisation GMI
Dépenses militaires | Effectifs militaires | Équipements militaires | |
Dépenses militaires | 1 | ||
Effectifs militaires | 0,3509*** | 1 | |
Équipements militaires | 0,4196*** | 0,3133*** | 1 |
Corrélations entre les sous-indicateurs de l’indice de militarisation GMI
Notes : Significativité au seuil de 10 % (*), 5 % (**) et 1 % (***).Changement de lois et explication de la durée au pouvoir par les variables de militarisme en Afrique
Changement de lois et explication de la durée au pouvoir par les variables de militarisme en Afrique
Notes : Entre parenthèses les écarts-types robustes. Significativité au seuil de 10 % (*), 5 % (**) et 1 % (***).Explication de la durée au pouvoir par les variables de militarisme en Afrique : modèle de durée VS modèle de comptage
Explication de la durée au pouvoir par les variables de militarisme en Afrique : modèle de durée VS modèle de comptage
Notes : Entre parenthèses les écarts-types robustes. Significativité au seuil de 10 % (*), 5 % (**) et 1 % (***).Correction des biais d’endogénéité et explication de la durée au pouvoir par les variables de militarisme en Afrique
Correction des biais d’endogénéité et explication de la durée au pouvoir par les variables de militarisme en Afrique
Notes : Entre parenthèses les écarts-types robustes. Significativité au seuil de 10 % (*), 5 % (**) et 1 % (***).Décomposition de la militarisation et explication de la durée au pouvoir par les variables de militarisme en Afrique
Décomposition de la militarisation et explication de la durée au pouvoir par les variables de militarisme en Afrique
Notes : Entre parenthèses les écarts-types robustes. Significativité au seuil de 10 % (*), 5 % (**) et 1 % (***).Mesures alternatives de la militarisation et explication de la durée au pouvoir par les variables de militarisme en Afrique
Mesures alternatives de la militarisation et explication de la durée au pouvoir par les variables de militarisme en Afrique
Notes : Entre parenthèses les écarts-types robustes. Significativité au seuil de 10 % (*), 5 % (**) et 1 % (***).Explication de la durée au pouvoir par les variables de militarisme dans les ex-colonies françaises et britanniques d’Afrique
Explication de la durée au pouvoir par les variables de militarisme dans les ex-colonies françaises et britanniques d’Afrique
Notes : Entre parenthèses les écarts-types robustes. Significativité au seuil de 10 % (*), 5 % (**) et 1 % (***).Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : démocratie, durée au pouvoir, militarisation, militarisme
Mise en ligne 07/05/2024
https://doi.org/10.3917/reco.752.0371Notes
-
[1]
Thiriot [2008] note qu’après quinze années de démocratisation à partir des années 1990, près de la moitié des pays d’Afrique subsaharienne (21 sur 43 pays) étaient encore sous des régimes issus d’un coup d’État militaire.
-
[2]
L’autre classe de modèles est dite à risque proportionnel (HP), dans ce cas les variables explicatives interviennent de façon multiplicative sur la fonction de risque (Aka [2006]).
-
[3]
Des formes fonctionnelles fondées sur d’autres lois existent, bien qu’elles soient moins employées. Il s’agit par exemple des lois : log-normale, log-logistique, gamma généralisée, Weibull, exponentielle (qui n’est qu’un cas particulier de la loi Weibull), Gompertz [1825] (qui sert plus à analyser l’espérance de vie humaine), etc. Il existe en outre des lois composites qui agrègent plusieurs de ces lois en fonction des objectifs propres à certaines études.
-
[4]
Les sous-échantillons formés comportent 17 ex-colonies de France et 15 de Grande-Bretagne (voir tableau 2A, en annexe).
-
[5]
Sur 95 coups d’État, 53 ont eu lieu en Afrique francophone, contre 22 en Afrique anglophone.