Notes
-
[1]
Dans les deux systèmes, la durée est majorée si les deux parents interrompent leur activité avec un partage du congé entre eux.
-
[2]
Au moment de la réalisation de cette recherche, les données de l’enquête Emploi n’étaient disponibles que jusqu’en 2016.
-
[3]
Lors de leur première interrogation, on demande aux enquêtés de décrire leur situation sur le marché du travail au cours des douze derniers mois précédant l’enquête. Lors de leurs autres interrogations, cette information leur est demandée pour tous les mois écoulés depuis leur précédente interrogation.
-
[4]
Toute mère pour laquelle il est possible d’observer au moins un mois de congé parental au cours de l’année suivant la naissance est considérée comme ayant pris un congé parental.
-
[5]
La validité de la méthode des doubles différences est basée sur l’hypothèse importante dite de « parallélisme ». Dans le contexte de notre étude, cela revient à supposer que le groupe de mères observé entre juillet 2014 et juin 2015 (le groupe « traité ») aurait eu le même comportement que celui observé entre juillet 2013 et juin 2014 (le groupe de « contrôle ») en l’absence de cette réforme. L’estimation d’un modèle économétrique de type 2 plutôt qu’un calcul direct des différences permet d’assouplir cette hypothèse de « parallélisme » en ajoutant d’autres variables qui peuvent affecter la variable d’intérêt et qui pourraient changer entre les deux groupes.
-
[6]
Pour vérifier ce point, les analyses présentées dans le tableau 2 ont également été effectuées en estimant des modèles Probit et en calculant ensuite les effets marginaux associés aux variables interagies. Les résultats obtenus sont identiques à 10–3 près à ceux présentés dans le tableau 2.
-
[7]
Cette allocation est versée mensuellement jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant.
-
[8]
Pour les ménages les plus aisés concernés, le CLCA passait alors de 576,83 euros mensuels pour les enfants nés avant avril 2014 à 390,92 euros pour ceux nés à partir d’avril 2014. Le COLCA, lui, passait de 824,88 euros à 638,96 euros.
-
[9]
En raison de leur faible nombre, nous avons choisi d’exclure les mères indépendantes au moment de la naissance. Elles sont en effet seulement 3 % dans cette situation.
-
[10]
Ces résultats sont néanmoins disponibles sur simple demande auprès des auteurs.
-
[11]
Dans l’enquête Emploi, il est en effet demandé aux enquêtés en congé parental à temps plein au moment de l’enquête d’en préciser sa durée.
-
[12]
Le complément de libre choix du mode de garde de la Paje est versé par la Caisse d’allocations familiales (Caf). Il comprend la prise en charge partielle de la rémunération d’une assistante maternelle agréée. Son montant varie selon le nombre d’enfants à charge, l’âge de l’enfant et les ressources du ménage. Un minimum de 15 % de frais reste à la charge des familles.
-
[13]
La perte de la PreParE est partiellement compensée par la prime d’activité dont le père peut alors bénéficier.
-
[14]
Selon les données de l’enquête Emploi, seulement 14 % des mères ayant opté pour un congé parental à temps plein après la réforme envisagent de le prolonger au-delà du deuxième anniversaire de l’enfant alors qu’elles étaient presque une sur deux à l’envisager avant la réforme.
Introduction
1En France, ainsi que dans la plupart des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les mesures prises par les gouvernements en matière de politiques familiales visent notamment à favoriser les interruptions de carrières pour les jeunes parents en leur offrant la possibilité de prendre un congé parental. Ce dispositif leur permet en effet de s’arrêter de travailler au-delà du congé maternité (ou congé paternité) légalement prévu, pour une période déterminée, en ayant la garantie de retrouver leur emploi ou un emploi équivalent (avec un niveau de rémunération similaire au précédent) à la fin de cette période. Il est possible en outre d’être indemnisé pendant toute ou une partie de cette période.
2Sur les dernières décennies, la tendance est à l’augmentation des durées de protection et d’indemnisation du congé parental dans les pays de l’OCDE. De nombreuses réformes ont été adoptées qui visent, soit à améliorer son indemnisation en termes de durée ou de montant, soit à rallonger sa durée de protection, soit les deux conjointement. En France, les réformes de 1994 et de 2004 ont participé à cette tendance en étendant l’indemnisation du congé parental aux parents de deux enfants pour la première et à ceux d’un enfant pour la deuxième mais pour une durée maximale de six mois. En effet, avant ces réformes, le congé parental, qui peut s’étendre jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant, pouvait être indemnisé seulement pour les parents donnant naissance à un troisième enfant ou plus.
3L’objectif de cet article est d’évaluer les répercussions potentielles de la dernière réforme du congé parental, entrée en vigueur en janvier 2015, sur l’activité des mères concernées. Cette évaluation est particulièrement intéressante car, contrairement aux précédentes modifications de dispositifs adoptées en France et dans de nombreux autres pays qui ont eu pour vocation d’étendre la durée de protection ou d’indemnisation du congé parental, cette réforme réduit la durée d’indemnisation de 36 à 24 mois dès lors que le congé parental n’est pas partagé entre les deux parents. Nous souhaitons ainsi vérifier si ce changement de la durée d’indemnisation par parent pris isolément a des répercussions sur la décision de prendre un congé parental. En effet, alors qu’une durée de 36 mois pouvait faciliter la garde de l’enfant jusqu’à son entrée en première année de maternelle, tel n’est plus le cas avec une durée plus restreinte. La question est donc de savoir si les personnes concernées ont moins recours à ce dispositif étant donné qu’il devient moins avantageux d’un point de vue organisationnel dès lors qu’il n’est pas partagé. Autrement, on peut également supposer que ces personnes optent toujours pour la prise d’un congé parental mais que sa durée est désormais plus courte. Dans ce cas, l’effet sur la probabilité de prendre un congé parental serait nul.
4Contrairement à la littérature existante, nous étudions l’effet de cette réforme sur la probabilité de recourir ou non à ce dispositif. En effet, la majorité des études existantes s’est concentrée sur les conséquences potentielles en termes de durée d’interruption (Lalive et al. [2013] ; Schönberg et Ludsteck [2014]) ou de rémunérations salariales (Lequien [2012] ; Thévenon et Solaz [2013]). Une autre partie de la littérature s’est également focalisée sur les effets sur la fécondité (Lalive et Zweimüller [2009]), la santé des mères (Chatterji et Markowitz [2005]) ou encore le développement ultérieur des enfants (Liu et Nordström Skans [2010]).
5Pour évaluer l’effet de la réforme de 2015 sur la probabilité de prendre un congé parental, nous mobilisons les enquêtes Emploi de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Ces dernières présentent notamment l’avantage de distinguer, parmi les différentes situations du marché du travail possibles, le fait d’être en congé parental à temps plein. Notre stratégie d’identification consiste à combiner la méthode de régression sur discontinuité avec celle des doubles différences (Lalive et Zweimüller [2009] ; Dustmann et Schönberg [2012] ; Lalive et al. [2013] ; Guertzgen et Hank [2018]). Concrètement, nous comparons la probabilité de prendre un congé parental entre un groupe de mères dont l’enfant de rang 2 ou plus est né juste après la réforme avec un groupe de mères dont l’enfant de même rang est né juste avant, de telle sorte que ces mères ne diffèrent que par le fait d’être ou non concernées par la réforme. Cette première différence est ensuite purgée des éventuels effets saisonniers en considérant une deuxième différence du même type, mais pour des mères ayant donné naissance au cours d’une période antérieure non affectée par cette réforme. Les résultats de nos analyses révèlent un effet négatif de la réforme sur la probabilité de recourir au congé parental pour les femmes dont l’enfant est né juste après son entrée en vigueur.
6Ce travail est structuré de la façon suivante. La deuxième section détaille le dispositif de congé parental et son évolution en France, ainsi que les différents dispositifs existant en Europe. La troisième section présente une brève revue de littérature des effets des réformes du congé parental sur et en dehors du marché du travail. La quatrième section présente les avantages de l’enquête mobilisée dans le contexte de notre étude ainsi que la stratégie d’identification mise en œuvre. Les résultats des différentes estimations sont présentés dans la cinquième section. Enfin, la dernière section apporte des éléments de conclusion.
Le congé parental en France et en Europe
En France : un congé parental long mais peu indemnisé
7En 1977, la France instaure le congé parental d’éducation (CPE) pour les mères (étendu aux pères à partir de 1984). Celui-ci prévoit que le contrat de travail soit suspendu durant toute la durée du congé parental. À la fin de cette période, le salarié bénéficie de la garantie de retrouver son emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération équivalente. Initialement, le congé prévoit une suspension du contrat de travail pendant une durée maximale de deux années (Collombet [2016]). La durée du congé est prolongée d’un an en 1984 et permet ainsi au parent de s’interrompre jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant. Techniquement, le congé doit être demandé à l’employeur un mois avant la fin du congé maternité (deux mois, s’il est pris après le congé maternité) pour une durée maximale d’une année. La demande est renouvelable deux fois. Le congé parental peut être pris à temps plein ou à temps partiel.
8En 1985, l’allocation parentale d’éducation (APE) est créée permettant aux parents interrompant ou réduisant leur activité professionnelle à l’occasion d’une troisième naissance ou plus de percevoir une aide financière. Une condition d’activité est néanmoins imposée. Au moment de sa création, pour bénéficier de l’APE, il fallait avoir travaillé au moins deux ans au cours des dix dernières années. En outre, cette aide financière est calculée au prorata de la réduction d’activité et est versée pendant toute la durée du congé parental.
9Depuis sa création, l’APE a connu trois réformes majeures. Tout d’abord, en juillet 1994, l’APE est étendue aux parents donnant naissance à un deuxième enfant. Ensuite, en 2004, dans le cadre de la mise en place de la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje) regroupant tous les dispositifs ayant trait à cet accueil, le complément de libre choix d’activité (CLCA) remplace l’APE. La nouveauté prévue par le CLCA est alors d’étendre l’indemnisation aux mères dès le premier enfant, mais seulement pour une durée maximale de six mois. En outre, en vigueur depuis 2006, le complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA) permet aux parents donnant naissance à un troisième enfant ou plus et interrompant totalement leur activité professionnelle de bénéficier d’un congé parental plus court mais mieux rémunéré. En effet, par rapport au CLCA, l’aide financière est presque deux fois supérieure mais ne peut être perçue que jusqu’au premier anniversaire de l’enfant. Enfin, la Loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes du 4 août 2014 instaure la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE). Ce nouveau dispositif, initialement prévu pour le 1er octobre 2014, entre finalement en vigueur au 1er janvier 2015 (voir HCFEA [2019]) et remplace le CLCA. Alors que les réformes de 1994 et de 2004 s’inscrivaient dans une optique d’une meilleure indemnisation du congé parental, l’objectif annoncé de la PreParE est d’inciter les pères à prendre le congé parental pour un meilleur partage au sein du ménage. En effet, en France, les pères restent relativement indifférents à de tels dispositifs (Moss [2016]), puisqu’ils ne représentent qu’environ 4 % des parents qui prennent un congé parental (OCDE [2016]). Néanmoins, dans les faits, ce nouveau dispositif conduit à une réduction de la durée d’indemnisation de 36 à 24 mois pour les naissances de rang 2 et plus dès lors que le congé parental n’est pris que par un seul parent. Cette durée d’indemnisation ne peut être étendue à trois années que si elle est partagée entre les deux parents (dit autrement, c’est l’autre parent qui doit prendre l’année supplémentaire). Pour les naissances de rang 1, un partage de ce type est également mis en place mais sans réduction de la durée maximale d’indemnisation par parent pris isolément. En effet, la durée d’indemnisation peut être étendue à douze mois si les six mois supplémentaires sont pris par l’autre parent. En outre, la PreParE majorée se substitue au COLCA. Les familles monoparentales, pour lesquelles la condition de partage n’est pas réalisable, ne sont pas concernées par cette réforme.
10La PreParE simple ne se distingue du CLCA que par la réduction de la durée d’indemnisation d’une année si le congé parental n’est pas partagé entre les deux parents. En effet, les conditions qu’il est nécessaire de satisfaire pour pouvoir en bénéficier n’ont pas été modifiées. Il faut avoir validé au moins deux trimestres de cotisation vieillesse sur les deux dernières années pour une première naissance, sur les quatre dernières pour une deuxième naissance et sur les cinq dernières pour une troisième naissance ou plus. De même, le montant mensuel de l’aide financière accordée est resté inchangé et varie toujours en fonction des configurations. En 2018, il s’élève à 396,01 euros en cas de cessation d’activité totale, 256,01 euros pour une durée inférieure à un mi-temps et 147,67 euros pour une durée de travail comprise entre 50 % et 80 %. Le montant de la PreParE majorée s’élève, lui, à 647,31 euros par mois pour tous les bénéficiaires, comme le COLCA en vigueur jusqu’en décembre 2014.
11En résumé, avant la réforme de 2015, la France avait plutôt fait le choix d’un congé parental de longue durée et pouvant être indemnisé sur toute la période. Néanmoins, par rapport aux autres pays européens et plus particulièrement les pays scandinaves, son indemnisation mensuelle est relativement faible.
En Europe : des congés parentaux très différents
12Comme en France, de nombreux pays européens ont réformé à plusieurs reprises le congé parental depuis son instauration. Aujourd’hui, les dispositifs de congés parentaux et leurs caractéristiques varient fortement d’un pays à l’autre. C’est plus particulièrement la durée d’indemnisation et son montant qui diffèrent d’un pays à l’autre. En effet, à quelques exceptions près comme l’Allemagne et l’Espagne qui proposent, comme en France, des durées de protection pouvant durer trois années, cette durée de protection n’excède que très rarement 18 mois dans les autres pays.
13En termes de durée et de montant de l’indemnisation, ce sont les pays scandinaves qui se montrent les plus généreux. La Norvège est le pays dans lequel la période de congé parental allouant le plein salaire est la plus longue. Elle laisse en effet le choix aux parents entre 49 semaines rémunérées à 100 % du salaire ou 59 semaines rémunérées à 80 %. Parmi ces semaines, 15 sont réservées au père. Ces semaines sont perdues pour le couple si ce dernier ne les prend pas. Au Danemark, 32 semaines de congé parental avec maintien de salaire (indemnités journalières plafonnées à 100 euros) sont à partager entre les deux parents. Enfin, le système suédois actuel propose seize mois de congés indemnisés : 80 % du salaire sur les treize premiers mois (avec un plafond de 2 500 euros mensuels) et environ 500 euros sur les trois derniers. Ce système privilégie également le partage en instaurant des mesures incitatives pour pousser les hommes à davantage utiliser le congé. En effet, chaque parent est obligé de prendre au moins trois mois pour bénéficier du reste du congé parental.
14Concernant les autres pays européens, l’Allemagne présente, quant à elle, la particularité de proposer une durée de protection pouvant s’étendre jusqu’à 36 mois tandis que la durée d’indemnisation n’excède pas douze mois. Cette contrainte de durée permet d’avoir un système relativement généreux avec une indemnisation à hauteur de 67 % du dernier salaire perçu. L’Autriche offre deux possibilités. Dans le premier cas, le montant de l’indemnisation est forfaitaire et d’autant plus important que la durée du congé parental est courte (environ 33 euros par jour si congé jusqu’au premier anniversaire de l’enfant et environ 15 euros par jour si congé jusqu’au 30e mois de l’enfant). Dans le second cas, l’indemnisation dépend du revenu et peut s’étendre sur douze mois maximum. Le montant de l’indemnisation correspond à 80 % de l’indemnité maternité sans que ce montant ne puisse excéder 66 euros par jour [1]. En Italie, le congé parental peut durer au maximum dix mois, mais n’est indemnisé que pendant six mois à hauteur de 30 % du salaire. Enfin, l’Espagne et la Grande-Bretagne proposent un congé parental sans indemnisation. Il est de trois ans en Espagne mais de seulement douze semaines en Grande-Bretagne. Il faut néanmoins noter que la Grande-Bretagne se caractérise par un congé maternité de 52 semaines.
15À l’exception notable de la dernière réforme entrée en vigueur en France en janvier 2015, les réformes du congé parental adoptées au cours des dernières décennies au sein des différents pays européens ont visé soit à améliorer son indemnisation en termes de durée ou de montant, soit à rallonger sa durée de protection, soit les deux conjointement. Pour autant, il existe des partisans et des opposants au congé parental. Pour les partisans, cette mesure favorise le maintien en emploi des mères. En outre, en leur offrant la garantie de retrouver leur emploi au sein de la même organisation, le congé parental permet de conserver le capital humain spécifique accumulé, ce qui a des effets positifs sur les salaires. Un congé parental de longue durée est également susceptible d’avoir des effets bénéfiques sur la santé des mères et de leurs enfants. Enfin, il peut encourager la fécondité, car améliorer les conditions financières et matérielles autour de la naissance d’un enfant peut contribuer à inciter les familles à faire des enfants. En revanche, pour les opposants, cette mesure est considérée comme pénalisante pour la carrière des femmes qui prennent la décision de s’arrêter. Une interruption est effectivement perçue comme un frein à l’évolution de carrière et en particulier à l’évolution salariale, expliquant une part non négligeable des écarts de salaires entre hommes et femmes (voir, pour la France, Meurs, Pailhé et Ponthieux [2010], Lequien [2012] et Duvivier et Narcy [2015]). Un congé parental de longue durée peut également inciter certains employeurs, anticipant cette interruption, à moins recruter des femmes ou à leur offrir des salaires plus faibles.
16La validité empirique de certains arguments avancés peut être étudiée en analysant les répercussions des réformes du congé parental qui se sont traduites par des changements dans les durées de protection ou d’indemnisation sur et en dehors du marché du travail. Il est également possible de tester la pertinence de ces arguments en comparant les conséquences des congés parentaux entre pays ayant adopté des dispositifs différents.
Le congé parental et ses conséquences
Sur le marché du travail
17La plupart des études s’accordent sur le fait que le congé parental, en favorisant les interruptions de carrière des mères, a un effet négatif sur leur taux d’emploi et d’activité. Ainsi, l’étude de Lalive et al. [2013] ainsi que celle de Schönberg et Ludsteck [2014] évaluent les effets des réformes du congé parental survenues respectivement en Autriche et en Allemagne. Lalive et al. [2013] montrent qu’augmenter simultanément les durées de protection et d’indemnisation d’une année allonge la durée d’interruption de carrière de 7,8 mois. En revanche, une même hausse de la seule durée d’indemnisation n’augmente la durée d’interruption que de trois mois. Une réduction de six mois de cette durée d’indemnisation avance le retour en emploi de 3,4 mois. Le comportement d’activité des mères semble donc être plus sensible à une réduction qu’à une augmentation d’un même montant de la durée d’indemnisation. L’étude de Schönberg et Ludsteck [2014] révèle également qu’une augmentation simultanée des durées de protection et d’indemnisation se traduit par des interruptions de carrière plus longues sans que celles-ci ne se prolongent au-delà de la durée du congé parental. Par ailleurs, les auteurs ne mettent en évidence aucun effet significatif d’une hausse de la durée de protection, si celle-ci ne s’accompagne pas aussi d’une augmentation de la durée d’indemnisation.
18Cet effet négatif sur les taux d’activité et d’emploi se retrouve également en France. En effet, toutes les études ayant évalué les effets de l’extension de l’APE, à partir du 1er juillet 1994, à tous les parents d’un deuxième enfant, montrent que cette réforme s’est traduite par une forte hausse des congés parentaux pris par les mères de deux enfants. Ce recours massif aux congés parentaux est mis en évidence en comparant avant et après la réforme, les taux d’activité et d’emploi des mères de deux enfants dont le plus jeune est âgé de moins de 3 ans (Afsa [1996] ; Allain et Sédillot [1999] ; Bonnet et Labbé [1999] ; Piketty [1998]), ou leur probabilité d’interrompre leur carrière (Pailhé et Solaz [2006]) ou encore leur durée d’interruption (Lequien [2012]). Afsa [1996] montre, en exploitant les données issues des caisses d’allocations familiales, que la réforme a fortement réduit, à court terme, le taux d’activité des mères ayant un deuxième enfant âgé de 6 à 17 mois, puisqu’il s’élevait à 70 % en décembre 1994 et seulement à 44 % un an plus tard. En exploitant les données issues de différentes enquêtes Emploi, Allain et Sédillot [1998], Bonnet et Labbé [1999] et Piketty [1998] confirment cette forte réduction du taux d’activité des mères sur les trois années qui suivent l’entrée en vigueur de la réforme de l’APE. En outre, ces différentes études révèlent des profils de mères plus particulièrement affectées par cette réforme. Il s’agit tout d’abord de celles qui étaient au chômage au moment de la naissance de leur deuxième enfant, ce qui explique pourquoi la réforme a eu un effet moins négatif sur leur taux d’emploi que sur leur taux d’activité (Piketty [1998]). En effet, les chômeuses pouvaient trouver un avantage financier non négligeable à se retirer du marché du travail (Afsa [1996]). Le recours massif au congé parental a aussi davantage concerné les familles aux revenus modestes et les jeunes mères non qualifiées (Bonnet et Labbé [1999]). L’exploitation des données issues de l’enquête Familles et employeurs par Pailhé et Solaz [2006] confirme cet effet fortement positif de la réforme de l’APE sur la probabilité des mères d’interrompre ou de réduire leur activité professionnelle après une naissance. Cette probabilité s’élève à 35 % avant la réforme contre presque 50 % après.
19Lalive et Zweimüller [2009] montrent que l’effet négatif sur le taux d’activité des mères peut même s’étendre au-delà de la durée maximale du congé parental. Ils évaluent l’effet d’une réforme autrichienne visant à étendre les durées de protection et d’indemnisation du congé parental d’une à deux années pour les mères d’enfants nés après le 1er juillet 1990. Les auteurs mettent en évidence une baisse de la reprise d’activité après la fin du congé parental. Cette baisse serait de l’ordre de 10 % à court terme et de 3 % à long terme.
20À notre connaissance, seule l’étude de Joseph et al. [2013] menée pour la France met en évidence un effet positif de l’indemnisation du congé parental sur le taux d’emploi des mères d’un enfant au-delà du congé parental. Les auteurs cherchent en effet à déterminer dans quelle mesure s’est modifié le taux d’emploi des mères d’un enfant à la suite de l’introduction du CLCA en 2004. Ils montrent qu’après 2004, plus de mères s’interrompent après la naissance de leur premier enfant. Cependant, le taux d’emploi des mères d’un enfant à 12, 18 et 24 mois après la naissance est plus élevé après 2004 qu’avant. Cet effet positif du CLCA sur les taux d’emploi est plus prononcé pour les femmes faiblement éduquées que pour celles ayant des niveaux d’éducation élevés. Autrement dit, même si l’introduction d’un congé parental de courte durée rémunéré a incité davantage de mères à s’interrompre, il a néanmoins encouragé un retour à l’emploi plus précoce. Pour Joseph et al. [2013], cela s’expliquerait par le fait qu’un congé de courte durée donnerait suffisamment de temps aux mères pour, par exemple, trouver un système de garde pour leur enfant, leur permettant ensuite de revenir sur le marché du travail.
21Une des seules études à se pencher sur le cas des pères est celle d’Ekberg, Eriksson et Friebel [2013] évaluant une réforme de 1995 en Suède qui, parmi les 480 jours de congé parental, réserve un mois aux pères. Si ces derniers choisissent de ne pas prendre ce mois, la durée du congé parental est réduite d’autant. Les résultats qu’ils obtiennent révèlent un fort recours des pères au congé parental après l’entrée en vigueur de cette réforme. Cependant, cela n’a pas eu comme conséquence une plus grande implication des pères dans le soin apporté aux enfants, mesurée par leur probabilité de s’absenter lorsque leur enfant est malade.
22Les études mettent également en évidence un effet néfaste du congé parental sur les carrières salariales des mères. Ainsi, à partir d’un échantillon de neuf pays de l’OCDE sur la période 1969-1993, Ruhm [1998] montre que les femmes qui bénéficient de congés prolongés sont « pénalisées » par des salaires relativement plus bas que les autres. Thévenon et Solaz [2013] ont mené le même type d’analyse dans trente pays de l’OCDE. En plus de mettre en évidence un effet négatif sur le taux d’emploi des femmes, les auteurs montrent un effet négatif sur leur salaire, dans les pays pour lesquels les dispositifs excèdent deux années. Cet effet négatif tend à accroître les écarts de revenus entre hommes et femmes parmi les personnes embauchées à temps plein.
23De même, en France, des études ont montré que les réformes de 1994 et de 2004 ont eu un impact négatif sur la rémunération des mères. Lequien [2012] utilise ainsi l’extension de l’APE aux parents d’un deuxième enfant pour identifier l’effet causal de la durée d’interruption de carrière sur les salaires des mères. Il considère en effet comme exogène le changement dans la durée d’interruption occasionné par la réforme de l’APE. En exploitant le panel DADS, l’auteur montre que cette réforme a incité les mères ayant donné naissance à un deuxième enfant à interrompre leur carrière de 0,27 année supplémentaire et, par voie de conséquence, a engendré une progression salariale plus faible de l’ordre de 2,8 %. Il en conclut alors qu’interrompre sa carrière d’une année supplémentaire à la suite de la naissance d’un enfant conduirait les femmes à percevoir un salaire journalier inférieur de 10 %, après leur retour sur le marché du travail. Néanmoins, comme le souligne l’auteur, l’absence d’information sur le nombre d’heures travaillées l’empêche de contrôler pour le fait qu’à la suite de la réforme de l’APE, les mères pourraient également avoir réduit le nombre d’heures travaillées. Si tel est le cas, on observerait alors une baisse du salaire journalier sans qu’il y ait pour autant de baisse du salaire horaire.
24Joseph et al. [2013] montrent que l’introduction du CLCA a eu un impact négatif et significatif sur le salaire mensuel des mères moyennement ou hautement qualifiées à 12, 18 et 24 mois après la naissance. Comme cela ne concerne que les mères ayant bénéficié d’un « CLCA partiel », les auteurs estiment que ces mères, incitées par le CLCA à passer à temps partiel pendant les six mois suivant la naissance, le restent durablement même après l’arrêt du versement de l’allocation en considérant, finalement, que ce type d’horaire permet une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.
En dehors du marché du travail
25D’autres recherches se sont appuyées sur des réformes de dispositifs de congés parentaux pour en étudier les conséquences sur le développement et les performances scolaires des enfants de parents en bénéficiant. Elles ne s’accordent pas sur l’effet d’un allongement de la durée du congé parental sur la performance scolaire des enfants. Certaines études ne trouvent aucun effet significatif. Ainsi, Dustmann et Schönberg [2012] analysent les effets de trois expansions majeures du congé parental en Allemagne. Ils en concluent que ces réformes n’ont eu aucun impact sur la performance scolaire des enfants et sur leur situation professionnelle future. Ils montrent en effet que le niveau d’éducation, le nombre d’années d’éducation, le niveau de salaire et le fait d’occuper un emploi à temps plein à l’âge de 28 ans ne sont pas significativement différents selon que les enfants sont nés juste avant ou juste après chaque réforme. Le même type de résultat est mis en évidence dans d’autres pays. Au Canada, l’étude de Baker et Milligan [2010] montre qu’un allongement de la durée du congé parental de 25 à 50 semaines n’a eu aucune conséquence sur le développement des enfants mesuré jusqu’à leurs 3 ans. Il en va de même au Danemark où Rasmussen [2010] montre qu’à long terme le niveau d’éducation des enfants n’a pas été modifié par une hausse de 14 à 24 semaines du congé parental. Dans d’autres pays, il apparaît en revanche que les réformes allongeant la durée du congé parental ont eu un effet bénéfique sur les performances scolaires des enfants, mais cela dépend fortement du niveau d’éducation des parents. Liu et Nordström Skans [2010] se concentrent sur une réforme suédoise de 1988 qui étend la durée de ce congé de 12 à 15 mois. Cette réforme n’a pas eu d’effet significatif sur les performances scolaires des enfants à l’âge de 16 ans, excepté pour les enfants de mères hautement qualifiées. Danzer et Levy [2013] trouvent le même type de résultats en Autriche lorsqu’ils évaluent les effets d’un allongement de la durée du congé parental de 12 à 24 mois sur les résultats scolaires des enfants à l’âge de 15 ans. À la différence de ces deux études, celle de Carneiro, Løken et Salvanes [2015] montre qu’en Norvège, l’instauration d’un congé parental de quatre mois en 1977 a eu pour effet de faire baisser de façon significative le taux d’abandon scolaire pour les enfants des mères concernées (de l’ordre de 2 points de pourcentage). Mais cet effet semble particulièrement vérifié pour les mères avec un faible niveau d’éducation. Enfin, Cools, Fiva et Kirkebøen [2015], en s’appuyant sur une réforme norvégienne de 1993 incitant directement les pères à prendre le congé parental, trouvent que les performances scolaires des enfants se sont améliorées dans les familles au sein desquelles le père est plus éduqué que la mère.
26Une autre partie de la littérature s’est également attachée à vérifier les conséquences du congé parental sur la santé des mères et de leur enfant. Par exemple, Ruhm [2000] et Tanaka [2005] vérifient dans quelle mesure la prise d’un congé parental peut influer sur la santé des enfants. À partir d’échantillons respectifs de seize pays de l’OCDE sur la période 1969-1994 et de dix-huit pays sur la période 1969-2000, les auteurs mettent en avant une relation négative entre la durée du congé parental et la mortalité infantile. Chatterji et Markowitz [2005], quant à eux, étudient les effets du congé parental sur la santé mentale des mères. À partir d’un échantillon de données sur des femmes américaines ayant eu un enfant en 1988, les auteurs montrent notamment que bénéficier d’une période de congé parental tend à diminuer les risques de dépression. Bien que ces travaux ne constituent pas des exemples d’études visant à évaluer les effets de réformes du congé parental, ils permettent néanmoins de montrer l’importance du congé parental sur les bénéficiaires directs.
27Enfin, quelques études se sont intéressées à l’impact potentiel du congé parental sur la fécondité. Lalive et Zweimüller [2009] montrent que l’allongement d’un à deux ans des durées de protection et d’indemnisation du congé parental autrichien a eu un effet bénéfique sur la fécondité des mères d’un enfant. Selon les auteurs, deux mécanismes expliquent ce résultat. D’une part, la probabilité de pouvoir enchaîner deux congés parentaux successifs après une deuxième naissance est plus élevée. D’autre part, l’existence d’un congé parental plus généreux incite certaines mères à faire un deuxième enfant alors qu’elles ne l’auraient pas fait avec un congé parental plus court. Pour la France, Piketty [2005] s’est intéressé aux répercussions de la réforme de l’APE de 1994 sur la fécondité. Il montre que la réforme a eu seulement un effet bénéfique sur la fécondité des mères d’un enfant, mais aucun effet significatif sur celle des mères de deux enfants.
L’analyse empirique
Données mobilisées et échantillon d’étude
28Nous mobilisons l’enquête Emploi en continu de l’Insee pour les années allant de 2013 à 2016 [2]. Cette enquête est réalisée chaque trimestre et un même logement est interrogé durant six trimestres consécutifs. Elle est donc renouvelée au 1/6e à chaque nouvelle vague d’interrogation. L’enquête Emploi présente plusieurs avantages pour évaluer l’effet de la réforme du congé parental de 2015. Tout d’abord, elle fournit l’information sur la date de naissance précise (jour, mois et année) de tous les enfants vivant dans le ménage. Ensuite, en raison à la fois de sa dimension longitudinale et de l’existence d’un calendrier rétrospectif [3], il est possible de connaître la situation sur le marché du travail de chaque enquêté mois par mois durant une période pouvant aller jusqu’à trente mois consécutifs. Enfin, depuis 2013, il est possible de savoir, pour chaque mois, si l’enquêté est en congé parental à temps plein. Cette information récente nous permet ainsi d’évaluer l’effet de la réforme sur la probabilité de prendre un congé parental à temps plein. Plus précisément, nous considérons la probabilité de prendre ce type de congé au cours de la première année suivant la naissance [4]. Ainsi, les mères choisissant de débuter un congé parental après le premier anniversaire de leur enfant ne sont pas considérées, dans notre étude, comme ayant pris un congé parental. Néanmoins, ces cas de figure sont très peu fréquents, car les mères qui optent pour un congé parental le font le plus souvent à la suite de leur congé maternité.
29La stratégie d’identification de l’effet causal de la réforme, mise en œuvre et détaillée dans la sous-section suivante, contraint notre analyse à se limiter aux seules mères ayant donné naissance à un deuxième enfant ou plus uniquement entre juillet 2013 et juin 2015. En effet, la réforme de 2015 ne modifie la durée d’indemnisation du congé parental que pour les familles ayant un deuxième enfant ou plus. En outre, l’analyse porte exclusivement sur les mères âgées entre 20 et 50 ans au moment de la naissance. Les mères ayant eu des naissances multiples (jumeaux ou triplés) n’ont pas été considérées, car elles bénéficient d’un congé maternité prénatal et surtout postnatal plus long que celles ayant eu une seule naissance, ce qui les rend difficilement comparables en termes de prise de congé parental. Enfin, les familles monoparentales ont été exclues de l’analyse parce qu’elles ne sont pas concernées par la réforme de 2015.
30Dans la construction de notre échantillon d’étude, nous tenons compte également du fait que la période potentielle au cours de laquelle une mère peut être enquêtée est d’autant plus longue que la date de naissance de son enfant est ancienne. Par exemple, comme les données ne sont disponibles que jusqu’au 4e trimestre 2016, les mères ayant donné naissance à un enfant au cours du 2e trimestre 2014 ont pu être interrogées au cours de onze trimestres (du 2e trimestre 2014 jusqu’au 4e trimestre 2016) alors que celles ayant donné naissance au cours du 2e trimestre 2015 n’ont pu être interrogées qu’au cours de sept trimestres (du 2e trimestre 2015 jusqu’au 4e trimestre 2016). Or, considérer des échantillons de mères ayant donné naissance à un enfant au cours de trimestres différents, mais dont le nombre potentiel de trimestres d’interrogation diffère, biaise leur comparaison, notamment en termes d’âge à la naissance. En effet, l’enquête Emploi est élaborée de telle manière que les nouveaux enquêtés ont en moyenne les mêmes caractéristiques, et plus particulièrement le même âge, que les individus réenquêtés. Ainsi, les mères enquêtées un an après la naissance de leur enfant ont « mécaniquement » un âge moyen à la naissance inférieur d’un an à celles enquêtées au moment de la naissance de leur enfant. Néanmoins, ce biais n’a aucune conséquence sur notre évaluation dès lors qu’il affecte de la même manière les mères quel que soit le trimestre de naissance de leur enfant. Pour cela, il suffit que le nombre de trimestres potentiels d’interrogation ne dépende pas du trimestre de naissance. Or, dans notre échantillon d’analyse, le nombre minimal de trimestres potentiels d’interrogation est de sept et concerne les mères ayant donné naissance à un enfant au 2e trimestre 2015. Par conséquent, nous avons restreint à sept le nombre de trimestres potentiels d’interrogation quel que soit le trimestre de naissance de l’enfant. Par exemple, pour les mères ayant donné naissance au cours du 4e trimestre 2014, nous n’avons considéré que celles interrogées entre le 4e trimestre 2014 et le 2e trimestre 2016 et avons donc exclu celles interrogées au cours des deux derniers trimestres de l’année 2016.
La stratégie d’identification
31Afin de déterminer l’effet causal de la réforme sur la probabilité de prendre un congé parental à temps plein l’année suivant la naissance, nous mettons en œuvre une stratégie d’identification plusieurs fois mobilisée dans la littérature ayant évalué l’effet des réformes du congé parental à l’étranger (Lalive et Zweimüller [2009] ; Dustmann et Schönberg [2012] ; Lalive et al. [2013] ; Guertzgen et Hank [2018]). Elle consiste à combiner la méthode de régression sur discontinuité et celle des doubles différences.
32Le principe général de la méthode de régression sur discontinuité repose sur l’existence d’une variable de sélection qui a un impact discontinu sur la probabilité d’être traité. Dans le contexte de notre étude, cette variable de sélection correspond à la date de naissance de l’enfant, notée T. La variable de traitement D prend la valeur 1 pour toutes les mères ayant donné naissance à un deuxième enfant ou plus après la date d’entrée en vigueur de la réforme et 0 pour toutes celles ayant donné naissance avant cette date. Notons t0 la date d’entrée en vigueur de la réforme. Comme l’éligibilité au traitement n’est pas manipulable, le fait de pouvoir bénéficier d’un congé parental dont la durée d’indemnisation maximale n’est que de deux ans dépend de manière déterministe de la date de naissance du deuxième enfant ou de l’enfant de rang supérieur. Comme le confirme le graphique 1 ci-après, on a donc E(D|T = t0 + ε) = 1 et E(D|T = t0 – ε) = 0. Si l’on note Y la variable de résultat, c’est-à-dire la proportion de mères en congé parental à temps plein l’année suivant la naissance, la méthode de régression sur discontinuité consiste à estimer la différence suivante :
34Pour un ε suffisamment petit, cette différence permet d’identifier l’effet causal de la réduction d’une année de la durée d’indemnisation du congé parental sur la probabilité de prendre un congé parental à temps plein l’année suivant la naissance. En effet, comparer des mères très proches dans le temps permet de considérer qu’elles possèdent sensiblement les mêmes caractéristiques observables et inobservables et que la seule chose qui les différencie est le fait que certaines aient donné naissance à un enfant avant la réforme et d’autres après. Par conséquent, s’il existe une différence significative dans la probabilité de prendre un congé parental, cette différence peut être considérée comme le résultat de la seule réforme. Dans notre analyse, nous avons choisi ε = 6 afin de pouvoir considérer un échantillon d’étude suffisamment grand. Autrement dit, nous comparons la probabilité de prendre un congé parental entre les mères ayant donné naissance à un deuxième enfant ou plus dans les six mois qui suivent l’entrée en vigueur de la réforme (soit de janvier à juin 2015) avec celles ayant donné naissance dans les six mois qui la précède (soit de juillet à décembre 2014).
35Toutefois, la différence 1 peut être biaisée en raison de l’existence d’éventuels effets saisonniers. En effet, selon que l’enfant naît en début ou en fin d’année, les conséquences ne sont pas les mêmes en termes de scolarisation et donc de problématiques de garde d’enfant. Par exemple, un enfant né en janvier entrera en petite section à l’âge de 3 ans et 9 mois tandis qu’un enfant né en décembre y entrera à l’âge de 2 ans et 9 mois environ. Si les problématiques d’organisation familiale diffèrent dans ces deux cas, les choix en termes de prise de congés parentaux et de durée peuvent être affectés. Pour tenir compte de ces éventuels effets saisonniers, nous calculons une deuxième différence en considérant un nouvel échantillon de mères ayant donné naissance à un deuxième enfant ou plus au cours des mêmes mois mais sans que ces mères ne soient concernées par la réforme, soit entre juillet d’une année et juin de l’année suivante. Plus précisément, nous comparons la probabilité de prendre un congé parental entre les mères ayant donné naissance entre juillet et décembre 2013 et celles ayant donné naissance entre janvier et juin 2014. L’effet causal de la réforme est alors mesuré en soustrayant cette deuxième différence à la première [5].
36Plus formellement, cet effet causal est évalué en estimant l’équation suivante sur l’échantillon de mères ayant donné naissance à un deuxième enfant ou plus entre juillet 2013 et juin 2015 :
38où Yi = 1 si la mère i a pris un congé parental à temps plein, 0 sinon ; Ti = 1 si la mère i est potentiellement concernée par la réforme (traitée), c’est-à-dire si elle a donné naissance à son enfant entre juillet 2014 et juin 2015, et Ti = 0 si la mère i n’est pas concernée par la réforme (non traitée), c’est-à-dire si elle a donné naissance à son enfant entre juillet 2013 et juin 2014 ; Ri = 1 si la mère i a donné naissance à son enfant entre janvier et juin d’une année et Ri = 0 si la mère i a donné naissance à son enfant entre juillet et décembre d’une année ; Xi correspond à un vecteur de caractéristiques observables ; α, β, γ, δ et θ sont des paramètres à estimer – en particulier, δ mesure l’effet causal de la réforme ; εi représente le terme d’erreur.
39Pour examiner s’il existe un profil de mères plus particulièrement touchées par la réforme, il est nécessaire de considérer l’effet d’un triple terme d’interaction. Plus formellement, si l’on souhaite évaluer si la réforme a affecté différemment le recours au congé parental selon que les mères présentent ou non la caractéristique X1, nous estimons le modèle suivant :
41Le coefficient δ2 mesure l’effet différencié de la réforme selon la caractéristique X1.
42Comme le montrent Ai et Norton [2003] ainsi que Cornelißen et Sonderhof [2009], dans un cas non linéaire, l’effet marginal d’un changement de plusieurs variables interagies ne correspond pas à l’effet d’un changement dans le terme d’interaction (contrairement au cas linéaire). Par conséquent, afin d’obtenir directement cet effet marginal, nous avons choisi d’utiliser un modèle de probabilité linéaire afin d’estimer les équations 2 et 3 en appliquant la méthode de correction de l’hétéroscédasticité de White. Ce type de modélisation offre une alternative robuste à l’estimation, dans un cas non linéaire, des effets marginaux associés à des termes d’interaction simples ou triples (voir Angrist et Pischke [2008], p. 107) [6].
Les conditions de validité
43Afin que la stratégie d’identification adoptée puisse permettre d’évaluer précisément l’effet causal de l’entrée en vigueur de la PreParE sur la probabilité de recourir à un congé parental à temps plein, plusieurs conditions doivent être satisfaites.
44Tout d’abord, la réforme et les modifications qu’elle a entraînées ne doivent pas avoir été anticipées par les parents, de telle manière qu’ils n’aient pu planifier la naissance de leur enfant en fonction de la date d’entrée en vigueur de la réforme. Cette hypothèse est réaliste pour au moins deux raisons. D’une part, la conception d’un enfant n’est pas un événement qui peut être totalement planifié par les futurs parents. D’autre part, cette réforme a été votée en août 2014, soit seulement cinq mois avant son entrée en vigueur. Par conséquent, à l’exception de ceux nés en mai et juin 2015, tous les enfants nés entre juillet 2014 et juin 2015 ont déjà été conçus à cette date. Bien que cette réforme ait commencé à être débattue à l’Assemblée nationale en janvier 2014, il est difficile de concevoir que des couples aient pu décider, dès le début de l’année 2014, d’anticiper cette réforme sans avoir de certitude, ni sur son effectivité ni sur sa date exacte d’entrée en vigueur. On peut dès lors considérer cette réforme comme une forme d’expérimentation naturelle dans laquelle le traitement est aléatoire pour les mères ayant donné naissance à un enfant entre juillet 2014 et juin 2015. Par conséquent, il est raisonnable de penser que ces mères possèdent sensiblement les mêmes caractéristiques observables et inobservables selon qu’elles ont donné naissance à leur enfant avant ou après la réforme.
45Le tableau 1 montre que ces mères sont effectivement très similaires, tant au niveau de leurs caractéristiques sociodémographiques qu’au niveau de certaines caractéristiques de l’emploi occupé au moment de la naissance. Il faut également vérifier que les mères sont sensiblement similaires selon qu’elles ont donné naissance à un deuxième enfant ou plus entre janvier et juin 2014 ou entre juillet et décembre 2013, car c’est en comparant ces deux groupes de mères que sont estimés les effets saisonniers. Le tableau 1 révèle que ces mères sont effectivement peu différentes les unes des autres. Seules deux différences apparaissent comme significativement différentes. Elles concernent l’âge de l’enfant le plus jeune au moment de la naissance et la part des mères de deux enfants ou plus diplômées du supérieur. Toutefois, comme les différentes estimations réalisées tiennent compte des différentes caractéristiques sociodémographiques et d’emploi qui sont donc incluses dans le vecteur X des modèles 2 et 3, les effets potentiels de ces différences sur l’estimation des différentiels de probabilité d’opter pour un congé parental à temps plein selon le moment de la naissance sont neutralisés.
46Ensuite, il est nécessaire de vérifier qu’aucune autre réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2015 n’ait pu également avoir un impact sur la décision de prendre un congé parental. En effet, si tel était le cas, un changement observé dans la probabilité d’opter pour un congé parental à partir de janvier 2015 ne pourrait être attribué avec certitude à la mise en place de la PreParE. En outre, afin de ne pas biaiser également l’estimation des effets saisonniers, le même type de condition doit être observé au 1er janvier 2014. Plus généralement, il faut s’assurer qu’aucune autre réforme majeure, notamment dans le domaine des politiques familiales ou de l’emploi, ne soit intervenue entre juillet 2013 et juin 2015 ayant pu influencer le coût d’opportunité de recourir à un congé parental à temps plein.
Caractéristiques sociodémographiques et d’emploi des mères selon le moment de la naissance
Naissance entre juillet 2014 et juin 2015 | Naissance entre juillet 2013 et juin 2014 | |||||
---|---|---|---|---|---|---|
Variables | 07-12 | 01-06 | Diff. | 07-12 | 01-06 | Diff. |
Salariée | 84,4 | 84,7 | – 0,3 | 84,6 | 82,3 | 1,3 |
Caract. sociodémographiques | ||||||
Âge | 32,4 | 32,8 | – 0,4 | 32,4 | 32,7 | – 0,3 |
Naissance d’un 3e enfant ou plus | 30,0 | 28,5 | 1,5 | 27,8 | 28,0 | – 0,2 |
Âge de l’enfant le plus jeune | 4,3 | 4,5 | – 0,2 | 4,3 | 4,7 | – 0,4** |
Niveau de diplôme : | ||||||
Diplôme supérieur | 29,5 | 31,8 | – 2,3 | 30,0 | 24,2 | 5,8* |
Bac +2 | 22,3 | 20,0 | 2,3 | 21,8 | 23,1 | – 1,3 |
Bac | 19,2 | 20,0 | – 0,8 | 18,7 | 22,9 | – 4,2 |
Moins que le bac | 29,0 | 28,2 | 0,8 | 29,5 | 29,8 | – 0,3 |
Unité urbaine (uu) du logement : | ||||||
Commune rurale | 26,1 | 23,0 | 3,1 | 24,0 | 25,7 | – 1,7 |
Uu de moins de 20 000 | 17,1 | 17,9 | – 0,8 | 16,0 | 14,4 | 1,6 |
Uu de 20 000 à moins de 200 000 habitants | 19,3 | 19,7 | – 0,4 | 17,1 | 17,0 | 0,1 |
Uu de 200 000 habitants ou plus | 22,1 | 22,9 | – 0,8 | 27,8 | 25,2 | 2,6 |
Agglomération parisienne | 15,4 | 16,5 | – 1,1 | 15,1 | 17,7 | – 2,6 |
Caractéristiques de l’emploi | ||||||
Temps partiel | 23,3 | 24,0 | – 0,7 | 29,7 | 23,6 | 6,1 |
Cadre | 37,5 | 32,9 | 4,6 | 34,7 | 32,3 | 2,4 |
Encadrement d’autres salariés | 11,9 | 14,6 | – 2,7 | 20,3 | 15,2 | 4,9 |
Salarié du public | 32,1 | 35,9 | – 3,8 | 33,6 | 31,9 | 1,7 |
Caractéristiques sociodémographiques et d’emploi des mères selon le moment de la naissance
Champs d’étude : Les caractéristiques sociodémographiques sont déterminées en considérant les mères identifiées comme actives (emploi ou chômage) au moment de la naissance. Les caractéristiques de l’emploi sont déterminées en considérant uniquement les mères salariées et occupant un emploi stable au moment de la naissance.Note : ***, ** et * renvoient aux seuils de significativité 1 %, 5 % et 10 % respectivement, pour les tests d’égalité de proportions et de moyennes.
47Sur le marché du travail, toute mesure contribuant à améliorer la rémunération des salariés augmente le coût d’opportunité du congé parental et peut in fine réduire la propension à y recourir. Le Smic est ainsi revalorisé le 1er janvier de chaque année. Toutefois, cette revalorisation annuelle ne paraît pas suffisante pour faire renoncer un nombre significatif de mères au congé parental. En outre, cette revalorisation a été quasi identique au 1er janvier 2014 (+ 1 %) et au 1er janvier 2015 (+ 0,9 %). Son éventuel effet sur la probabilité de renoncer au congé parental est donc neutralisé par la stratégie d’identification mise en œuvre. Au 1er janvier 2015 ont aussi été mis en place des allègements de cotisations sociales pour les salariés rémunérés entre 1 et 1,3 Smic (avec la mise en place du pacte de responsabilité). Cette réforme s’est traduite par une hausse de salaire de l’ordre de 4 % pour un salarié rémunéré à taux plein au Smic et de l’ordre de 1 % pour un salarié à plein temps percevant 1,2 Smic. Il est toutefois difficile de penser que cette réforme ait pu faire renoncer massivement les mères à opter pour un congé parental. D’une part, cette réforme ne concerne qu’une proportion limitée de mères ayant deux enfants ou plus. D’autre part, elle touche des mères pour lesquelles le coût d’opportunité du congé parental est le plus faible. Par conséquent, pour les inciter à y renoncer, ces hausses de salaire auraient dû être plus conséquentes.
48Outre des réformes augmentant le niveau de rémunération des salariés, d’autres relatives à l’assurance chômage sont également susceptibles d’affecter le recours au congé parental en le rendant moins intéressant que le chômage. Une réforme de l’assurance chômage a notamment eu lieu le 1er octobre 2014. Celle-ci a eu des répercussions sur les règles de cumul entre salaire et allocations chômage, sur le calcul de ces allocations ou sur les droits rechargeables ou non. En revanche, elle n’a pas affecté les règles ou la durée d’indemnisation. Comme les nouveautés mises en place dans le cadre de cette réforme ne concernent que les chômeurs reprenant un emploi au cours de leur période d’indemnisation, il est peu vraisemblable qu’elle ait pu inciter certaines mères à s’orienter davantage vers le chômage plutôt que vers le congé parental. Plus généralement, à notre connaissance, aucune création ou modification de dispositif de cessation d’activité pouvant rendre le chômage plus rémunérateur que le congé parental n’est survenue au cours de notre période d’observation.
49Concernant la politique familiale, des changements dans l’offre des modes d’accueil des jeunes enfants au cours de notre période d’observation peuvent potentiellement biaiser l’évaluation menée. En effet, si les parents ne parviennent pas à trouver un mode de garde satisfaisant pour leur enfant, le choix peut être fait de privilégier le congé parental pour remédier à cela. Toutefois, le suivi de l’offre des modes d’accueil des jeunes enfants sur la période 2013-2017 (HCFEA [2018]) révèle que, pour les années 2013 à 2015, il n’y a eu aucune modification majeure dans l’évolution de l’offre des modes d’accueil individuels ou collectifs.
50Ensuite, la décision de recourir ou non à un congé parental peut être influencée par des mesures modifiant, non seulement le montant de son indemnisation, mais également le montant des prestations familiales indexées sur le niveau de revenu des familles. En effet, les prestations familiales peuvent augmenter pendant la durée du congé parental en raison de la baisse de revenu engendrée par ce congé. Deux réformes entrées en vigueur le 1er avril 2014 ont contribué à modifier ces montants, mais uniquement pour les familles les plus aisées. La première réforme réduit le montant du CLCA et du COLCA du montant de l’allocation de base de la Paje [7] pour les familles non éligibles à cette allocation. Avant cette réforme, le CLCA et le COLCA étaient majorés du montant de cette allocation pour tous les bénéficiaires de telle sorte que toutes les familles percevaient le même montant global de prestation en cas de prise d’un congé parental [8]. La deuxième réforme divise par deux le montant de l’allocation de base pour les familles dépassant un certain plafond de revenus. Elle passe de 184,62 euros à 92,31 euros mensuels pour les ménages les plus aisés.
51Néanmoins, le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) évalue, dans son rapport de 2019, que ces réformes ont occasionné une perte de revenus uniquement pour les familles appartenant au dernier quartile de la distribution des revenus. Plus précisément, cette perte est évaluée à seulement 6 euros au troisième quartile et à 86 euros au dernier décile. En effet, en cas de congé parental à temps plein, les ressources prises en considération étant réduites (par un mécanisme d’abattement), le congé parental peut alors donner droit à un montant d’allocation de base plus important compensant ainsi une partie de la perte de revenus engendrée par cette interruption. Le graphique 1 ci-dessous confirme que ces réformes n’ont pas sensiblement affecté la probabilité de recourir à un congé parental à taux plein pour les mères ayant donné naissance à un deuxième enfant ou plus.
Les résultats
Un effet fortement négatif de la réforme sur le recours au congé parental à temps plein
52Le graphique 1 représente l’évolution de la proportion de mères en couple ayant pris un congé parental à taux plein selon le mois de naissance de l’enfant entre janvier 2014 et juin 2015. Ce graphique fait apparaître une nette discontinuité dans cette évolution au moment de l’entrée en vigueur de la réforme. La proportion de mères prenant un congé parental diminue en effet fortement à partir de janvier 2015. Ainsi, cette proportion s’élève en moyenne à 30,7 % si l’on considère les mères ayant donné naissance durant l’année 2014, alors qu’elle n’est que de 22,1 % parmi les mères ayant donné naissance au cours des six premiers mois de l’année 2015.
Proportion de mères en couple prenant un congé parental à temps plein au cours de la première année suivant la naissance selon le mois de naissance
Proportion de mères en couple prenant un congé parental à temps plein au cours de la première année suivant la naissance selon le mois de naissance
Champs d’étude : Analyse réalisée pour l’ensemble des mères vivant en couple et ayant eu un deuxième enfant ou plus, entre 20 et 50 ans, sur la période considérée. Seuls les congés parentaux à temps plein sont étudiés.53Le tableau 2 présente l’effet de la réforme sur la probabilité des mères de prendre un congé parental à temps plein durant l’année suivant la naissance de leur deuxième enfant ou plus. Par ailleurs, comme l’ont montré notamment Afsa [1996] et Piketty [2005] pour la réforme de l’APE entrée en vigueur en 1994, les réformes du congé parental peuvent affecter différemment le comportement des mères selon qu’elles sont au chômage ou en emploi au moment de la naissance de leur enfant. Par conséquent, nous avons estimé le modèle 3 en considérant, d’une part, les mères actives au moment de la naissance, c’est-à-dire salariées ou au chômage [9], et, d’autre part, uniquement les mères salariées occupant un emploi stable (CDI dans le privé et agents titulaires dans le public). Pour ces dernières, les données issues de l’enquête Emploi ne nous permettent de considérer l’effet que d’un nombre limité de caractéristiques de l’emploi qu’elles occupent au moment de la naissance de leur enfant. Il est effectivement nécessaire de les observer avant la naissance, car après elles sont susceptibles d’avoir été affectées par cet événement. Par conséquent, notre échantillon d’étude est restreint aux seules mères dont on peut observer les caractéristiques de l’emploi qu’elles occupaient durant l’année précédant la naissance. Pour ne pas réduire de manière trop importante notre échantillon d’étude, nous avons considéré, non seulement les mères enquêtées au cours de l’année précédant la naissance, mais également celles enquêtées après et pour lesquelles les questions posées relatives à la situation un an avant la date d’enquête décrivent leur emploi l’année avant la naissance. Néanmoins, les questions rétrospectives posées ne permettent de connaître que certaines caractéristiques de l’emploi occupé un an auparavant : la CSP de l’enquêtée, le type de secteur (public ou privé), le temps de travail (temps plein et différentes quotités de temps partiel) et si l’enquêtée encadre ou non d’autres salariés.
Effet de la réforme de 2015 sur la probabilité de prendre un congé parental à temps plein
Variables | Actives | Salariées en emploi stable |
---|---|---|
Constante | 0,386*** (0,091) | 0,616*** (0,130) |
T : naissance entre juillet 2014 et juin 2015 | 0,008 (0,032) | 0,015 (0,038) |
R : naissance entre janvier et juin | – 0,0004 (0,033) | 0,016 (0,039) |
T × R : effet de la réforme | – 0,086** (0,044) | – 0,103** (0,052) |
Âge à la naissance | – 0,003 (0,003) | – 0,007* (0,004) |
A donné naissance à un 3e enfant ou plus | 0,059** (0,027) | 0,101*** (0,034) |
Âge de l’enfant précédent | 0,005 (0,005) | – 0,001 (0,006) |
Niveau de diplôme : | ||
Moins que le bac | Réf. | Réf. |
Bac | 0,018 (0,035) | – 0,083* (0,047) |
Bac +2 | – 0,076** (0,034) | – 0,173*** (0,044) |
Diplôme supérieur | – 0,118*** (0,032) | – 0,168*** (0,045) |
Unité urbaine (uu) du logement : | ||
Commune rurale | Réf. | Réf. |
Uu de moins de 20 000 habitants | 0,009 (0,036) | 0,030 (0,040) |
Uu de 20 000 à moins de 200 000 habitants | – 0,075** (0,034) | 0,010 (0,042) |
Uu de 200 000 habitants ou plus | 0,043 (0,033) | 0,091** (0,039) |
Agglomération parisienne | 0,067** (0,038) | 0,106** (0,043) |
Cadre | - | – 0,028 (0,039) |
Supervision d’autres salariés | - | – 0,067* (0,037) |
Temps partiel | - | 0,084** (0,034) |
Salariée du public | - | – 0,120*** (0,028) |
Observations | 1 495 | 1 061 |
Effet de la réforme de 2015 sur la probabilité de prendre un congé parental à temps plein
Champs d’étude : Analyse réalisée pour l’ensemble des mères vivant en couple et ayant eu un deuxième enfant ou plus, entre 20 et 50 ans, sur la période considérée. Seuls les congés parentaux à temps plein sont étudiés.Note : Les résultats sont obtenus à partir de l’estimation d’un modèle de probabilité linéaire.
Lecture : La probabilité de prendre un congé parental s’est réduite de 8,6 points de pourcentage après la réforme pour les mères actives concernées.
54Les résultats présentés dans le tableau 2 révèlent que la réforme a eu un effet fortement négatif sur la probabilité de prendre un congé parental à temps plein. Cette probabilité s’est ainsi réduite de 8,6 points de pourcentage si l’on considère les mères actives au moment de la naissance et de 10,3 points de pourcentage si l’on considère celles salariées et occupant un emploi stable. En outre, il n’existe pas d’effets saisonniers. Afin de directement comparer l’effet de la réforme entre les mères salariées et celles au chômage, nous avons estimé le modèle 3 dans lequel la variable X1 prend la valeur 1 si la mère est salariée au moment de la naissance et 0 si elle est au chômage. Nous avons choisi de ne pas présenter les résultats détaillés de cette estimation, car les effets des différentes caractéristiques sociodémographiques incluses dans le vecteur X sont très similaires à ceux obtenus pour les femmes actives et présentés dans la première colonne du tableau 2 [10]. Concernant l’effet de la réforme selon la situation sur le marché du travail des mères au moment de la naissance, les résultats obtenus révèlent qu’à la différence des mères salariées pour lesquelles la réforme a réduit de 10,4 points de pourcentage leur probabilité de prendre un congé parental à temps plein, il n’y a pas eu de modification significative du comportement de celles au chômage (baisse non significative de 2,9 points de pourcentage mais non significativement différente de celle observée pour les mères salariées). Au chômage, prendre un congé parental est un calcul à faire entre renoncer aux allocations chômage (qui sont en effet suspendues pendant toute la durée du congé parental) et percevoir les indemnités associées au congé parental. Par conséquent, les mères au chômage qui optent pour un congé parental sont celles qui y trouvent un avantage financier. Elles sont, selon toute vraisemblance, peu nombreuses dans cette situation. C’est d’ailleurs pourquoi les résultats obtenus montrent que les mères au chômage ont une probabilité de recourir au congé parental de 12,5 points de pourcentage significativement inférieure (au seuil de 5 %) à celle des mères salariées. Les mères au chômage qui continuent à opter pour un congé parental après l’entrée en vigueur de la PreParE, alors même que la durée d’indemnisation est réduite d’une année, le font car il reste perçu comme financièrement plus avantageux.
55Les effets des caractéristiques sociodémographiques retenues sur la probabilité de prendre un congé parental à temps plein sont plutôt conformes à ceux déjà identifiés dans la littérature analysant les caractéristiques des mères interrompant leur carrière après une naissance (voir Pailhé et Solaz, [2006] pour la France). Ces effets sont peu différents que l’on considère les mères actives au moment de la naissance ou uniquement celles salariées occupant un emploi stable. Ainsi, on observe que donner naissance à un troisième enfant ou plus plutôt qu’à un deuxième augmente la probabilité de prendre un congé parental. En effet, une famille nombreuse nécessite davantage de disponibilités des parents mais aussi des frais plus importants liés à des placements en crèche (ou chez une assistante maternelle), au périscolaire ou en garderie lorsque les parents travaillent. En outre, les diverses prestations sociales et familiales conditionnées au revenu et liées au nombre d’enfants dans le ménage peuvent également partiellement compenser la perte de revenus qu’engendre la prise du congé parental.
56Concernant le niveau de diplôme, nous trouvons également que plus il est élevé et plus les chances de s’orienter vers le congé parental sont faibles. Dans les faits, le niveau de diplôme est fortement corrélé à la qualité de l’emploi ou encore au niveau de salaire de celui-ci. Or, en France, différents travaux ont montré que les femmes qui occupaient des emplois peu qualifiés ou dont les conditions de travail étaient jugées peu satisfaisantes avaient tendance à davantage s’orienter vers le congé parental (Afsa [1996] ; Bonnet et Labbé [1999]). De plus, pour des personnes très qualifiées et potentiellement bien rémunérées, la perte de revenus qui découle de la prise du congé parental est souvent brutale et peut constituer un frein à cette décision. Les mères résidant en agglomération parisienne semblent avoir davantage recours à ce congé. Cela peut s’expliquer par le fait que les conditions de vie, et notamment les temps de transport, font que ces mères ont davantage recours à des modes de garde de longue durée. Ananian et Robert-Bobée [2009] montrent en effet que les enfants de moins de 3 ans sont nettement plus fréquemment gardés en crèche en agglomération parisienne que partout ailleurs. On peut alors penser qu’en agglomération parisienne, la non-obtention d’une place en crèche peut davantage inciter un ménage à recourir au congé parental pour faire face à cette problématique de garde.
57Concernant l’effet des caractéristiques de l’emploi occupé, on peut observer que, lorsque les femmes occupent des postes dans lesquels elles encadrent d’autres salariés, elles s’arrêtent moins. Cela suggère que le recours au congé parental est négativement corrélé avec le degré de responsabilités dans l’emploi. Les mères à temps partiel ont une probabilité de prendre un congé parental à temps plein supérieure de 8,4 points de pourcentage à celles travaillant à plein temps. On peut supposer que leur perte de revenus engendrée par la prise du congé parental est moindre et rend ainsi leur décision financièrement moins compliquée. Il se peut également que ces mères se soient mises à temps partiel, car il ne leur était pas possible de concilier leur vie de famille avec un emploi à temps plein. Dans ce cas, l’arrivée d’un enfant supplémentaire complique encore davantage la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, ce qui peut se traduire par un recours au congé parental.
58Conformément à l’étude de Duvivier et Narcy [2015] qui montre que les interruptions de carrière à la suite d’une naissance sont significativement moins fréquentes dans le secteur public que dans le secteur privé, les mères titulaires de la fonction publique optent moins souvent pour le congé parental que les mères salariées du secteur privé. Ce moindre recours s’explique notamment par l’existence d’un plus grand nombre de mesures de conciliation dans le public que dans le privé (Lanfranchi et Narcy [2015]). Il apparaît que le fait d’être cadre ne détermine pas significativement la probabilité de choisir le congé parental. Si son influence a déjà été montrée dans un certain nombre de travaux sur ces questions, la non-significativité s’explique par le fait que nous considérons déjà le niveau de diplôme de la mère et le fait qu’elle encadre ou non d’autres salariés dans notre modèle. Ainsi, si ces deux variables ne sont plus prises en compte dans la spécification, les mères cadres ont une probabilité de prendre un congé parental à temps plein significativement inférieure de 8,3 points de pourcentage aux mères non cadres.
59La réduction de la durée d’indemnisation du congé parental de 36 à 24 mois lorsque ce dernier n’est pris que par un seul parent s’est traduite par un renoncement très important à ce dispositif. En outre, d’après les données de l’enquête Emploi, avant l’entrée en vigueur de la PreParE, environ une mère sur deux en congé parental après avoir donné naissance à un deuxième enfant ou plus envisage de le prendre pour une durée supérieure à deux ans [11]. Il apparaît donc que, parmi les mères qui auraient souhaité prendre un congé parental jusqu’au troisième anniversaire de leur enfant, il y a un très fort comportement de « trois ans ou rien ». En d’autres termes, pour ces mères, l’intérêt majeur du congé parental résidait dans sa durée d’indemnisation qui permettait de garder son enfant jusqu’à sa scolarisation. Plusieurs éléments viennent étayer cette hypothèse.
60Tout d’abord, force est de constater que cette réforme n’a pas eu l’effet escompté concernant un meilleur partage du congé parental entre les deux parents. En effet, selon les chiffres de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), seuls 2 % des bénéficiaires de la PreParE à taux plein en 2015 ont partagé cette prestation avec leur conjoint en janvier 2018. Autrement dit, cette réforme n’a pas incité davantage de pères à opter pour un congé parental, et notamment au cours de l’année précédant la scolarisation.
61Ensuite, une très grande majorité des parents ne souhaite pas changer de mode de garde entre la fin du congé maternité et le début de la scolarisation. En effet, selon l’enquête Embleme sur les besoins latents d’accueil du jeune enfant menée par la Cnaf en 2017, 69 % des parents ayant connu une naissance en 2016 considèrent la continuité du mode d’accueil jusqu’à l’entrée à l’école comme l’un des critères les plus importants dans le choix du mode de garde. L’étude de Francou, Panico et Solaz [2017] confirme cette volonté puisque seuls 9 % des enfants connaissent des parcours avec plusieurs changements de mode d’accueil de la naissance à l’école maternelle.
62Dans une société dans laquelle l’offre actuelle de modes de garde est très loin de couvrir la demande pour une cohorte de naissances donnée, il est vraisemblable que trouver un mode de garde (individuel ou collectif) pour son enfant est plus aisé directement à la fin du congé maternité qu’après son deuxième anniversaire. À notre connaissance, il n’existe pas d’enquête ayant interrogé les familles sur les raisons pour lesquelles elles ont renoncé totalement au congé parental après l’entrée en vigueur de la PreParE. Toutefois, la Cnaf a réalisé une enquête auprès des familles bénéficiaires de la PreParE au titre de leur enfant né en 2015 et n’en bénéficiant plus en janvier 2018. Les résultats de cette enquête suggèrent de plus grandes difficultés à trouver un mode de garde à partir du deuxième anniversaire de l’enfant. Ainsi, alors que 51 % des familles estiment que la crèche est le mode d’accueil le plus adapté pour faire garder un enfant âgé entre 24 et 36 mois (Boyer et Crépin [2018]), seuls 5 % des familles sortant de la PreParE à taux plein bénéficient de ce mode de garde contre 13 % des familles ayant un enfant de moins de 3 ans. Ce constat est partagé par le HCFEA ([2019], p. 19) : « L’accès aux places en crèche est pratiquement impossible à cet âge, et les jardins d’enfants, mieux adaptés à des enfants de deux ans, sont actuellement en nombre très insuffisant pour répondre à cette demande. » De même, à la suite des deux années de perception de la PreParE à taux plein, 17 % des familles bénéficient du complément de libre choix du mode de garde (Cmg) [12]. Cette proportion est similaire à celle observée parmi les familles sortantes du CLCA au bout de trois années, alors que la nécessité de recourir à ce mode de garde est plus importante aux 2 ans de l’enfant qu’à ses 3 ans (une partie des enfants de cet âge étant scolarisée). Ces chiffres illustrent les difficultés rencontrées par les familles ayant néanmoins opté pour un congé parental. Ils sous-estiment vraisemblablement l’ampleur des difficultés véritablement anticipées par les familles ayant fait le choix de renoncer au congé parental après l’entrée en vigueur de la PreParE.
63Enfin, le HCFEA [2019] estime que, si une mère en couple et travaillant à temps plein (comme son conjoint) avant un congé parental ne trouve pas de mode de garde à la fin du versement de la PreParE et reste inactive pour garder son enfant, les pertes du ménage vont de 125 euros pour le premier décile des salaires [13] à 396 euros pour des niveaux de revenu plus élevés, par rapport à une mère percevant le CLCA durant la 3e année.
64En résumé, les mères qui renoncent au congé parental lorsque ce dernier n’est plus indemnisé durant l’année précédant la scolarisation sont celles qui anticipent les plus grandes difficultés à trouver un mode de garde aux 2 ans de leur enfant. Ce sont également celles ne disposant pas des ressources suffisantes pour faire face à la perte de revenu engendrée par le fait de rester inactives la dernière année du congé parental sans solution de garde et sans indemnités. Par conséquent, le renoncement total au congé parental ne concerne vraisemblablement pas toutes les mères de manière homogène.
Existe-t-il des mères plus particulièrement affectées par la réforme ?
65Pour examiner s’il existe un profil de mères plus particulièrement touchées par la réforme, nous restreignons l’analyse aux seules mères salariées et occupant un emploi stable au moment de la naissance de leur enfant. Ce choix nous permet de vérifier si la réforme produit des effets différenciés, non seulement selon certaines caractéristiques sociodémographiques des mères, mais également selon certaines caractéristiques de l’emploi qu’elles occupent.
66Le tableau 3 présente les effets différenciés de la réforme selon les différentes caractéristiques sociodémographiques et d’emploi considérées. Les résultats sont obtenus à partir de l’estimation du modèle 3. Les deux premières lignes présentent les effets de la réforme pour chacune des modalités de la caractéristique retenue. La dernière ligne affiche, elle, la différence entre les deux précédentes et permet d’obtenir l’effet différencié de la réforme entre les deux types de mères. Un signe positif (respectivement négatif) implique que la réforme a moins (respectivement plus) fortement affecté les mères ayant la caractéristique X1 que celles ne l’ayant pas.
Effet différencié de la réforme sur la probabilité de prendre un congé parental à temps plein pour les mères salariées en emploi stable au moment de la naissance
Selon certaines caractéristiques sociodémographiques
Rang de naissance | Niveau de diplôme | Lieu de résidence | |
---|---|---|---|
X1 = 1 | 3e enfant ou plus | > bac +2 | Commune rurale |
X1 = 0 | 2e enfant | ≤ bac +2 | Agglomération |
Effet de la réforme si X1 = 1 | – 0,148 (0,114) | 0,045 (0,086) | – 0,067 (0,100) |
Effet de la réforme si X1 = 0 | – 0,090 (0,062) | – 0,180*** (0,069) | – 0,120* (0,065) |
Différence | – 0,058 (0,130) | 0,225** (0,110) | 0,053 (0,084) |
Selon certaines caractéristiques sociodémographiques
Selon certaines caractéristiques de l’emploi
Secteur | Encadre des salariés | Temps de travail | CSP | |
---|---|---|---|---|
X1 = 1 | Public | Oui | Temps partiel | Cadre |
X1 = 0 | Privé | Non | Temps plein | Non-cadre |
Effet de la réforme si X1 = 1 | 0,041 (0,083) | 0,036 (0,128) | – 0,214* (0,117) | 0,027 (0,116) |
Effet de la réforme si X1 = 0 | – 0,177*** (0,068) | – 0,132** (0,060) | – 0,060 (0,059) | – 0,133** (0,061) |
Différence | 0,218** (0,109) | 0,168 (0,141) | – 0,144 (0,132) | 0,160 (0,132) |
Selon certaines caractéristiques de l’emploi
Champs d’étude : Analyse réalisée pour les mères salariées et occupant un emploi stable au moment de la naissance du deuxième enfant ou plus, entre 20 et 50 ans, sur la période considérée (N = 1 061). Seuls les congés parentaux à temps plein sont étudiés.Note : Les résultats sont obtenus à partir de l’estimation d’un modèle de probabilité linéaire.
Lecture : La probabilité de prendre un congé parental s’est réduite de 14,8 points de pourcentage après la réforme pour les mères ayant donné naissance à un troisième enfant ou plus alors que cette probabilité n’a diminué que de 9 points de pourcentage pour les mères ayant donné naissance à un deuxième enfant. La réforme a donc été moins pénalisante pour ces dernières de 5,8 points de pourcentage.
Effet différencié de la réforme sur la probabilité de prendre un congé parental à temps plein pour les mères salariées en emploi stable au moment de la naissance
67Les résultats obtenus révèlent que la réforme a réduit significativement la probabilité de prendre un congé parental à temps plein l’année suivant la naissance pour certaines catégories de mères. Si l’on se réfère à leurs caractéristiques sociodémographiques, il s’agit des mères peu diplômées et celles vivant en agglomération. Si l’on se réfère aux caractéristiques de l’emploi qu’elles occupent au moment de la naissance, il s’agit des mères salariées du secteur privé, de celles travaillant à temps partiel, de celles n’encadrant pas d’autres salariés et de celles n’occupant pas un emploi de cadre.
68Néanmoins, la réforme a eu un effet significativement différencié uniquement pour les mères peu diplômées et pour celles travaillant dans le secteur privé. De manière assez logique, ces catégories de mères correspondent à celles les plus potentiellement concernées par la réforme. En effet, ce sont celles qui, avant la réforme, avaient les interruptions de carrière consécutivement à une naissance les plus longues. La littérature consacrée aux déterminants des interruptions de carrière à la suite d’une naissance met en évidence un effet négatif du niveau de diplôme, non seulement sur la probabilité d’interruption, mais également sur sa durée. Duvivier et Narcy [2015] ont également montré que ces interruptions sont moins fréquentes et moins longues au sein du secteur public qu’au sein du secteur privé. On peut penser que ces interruptions de carrière plus courtes s’expliquent par la prise d’un congé parental de plus courte durée. Les données de l’enquête Emploi nous permettent de confirmer cette hypothèse. Nous montrons ainsi qu’au cours des années avant l’entrée en vigueur de la réforme, les mères diplômées du supérieur et celles salariées du secteur public sont effectivement significativement moins nombreuses à opter pour un congé parental d’une durée maximale de trois ans que leurs contreparties. Néanmoins, les raisons pour lesquelles ces catégories de mères avaient davantage tendance, avant la réforme, à prendre un congé parental de trois ans nous éclairent sur les types de difficultés que les mères peuvent désormais rencontrer avec un congé parental indemnisé sur deux ans, contraignant certaines d’entre elles à y renoncer.
69Concrètement, avant la réforme, les mères les moins diplômées avaient vraisemblablement un coût d’opportunité d’interruption de carrière moindre que leurs contreparties, en raison notamment d’une plus faible rémunération perçue se traduisant par un taux de remplacement supérieur. Après la réforme, cette plus faible rémunération leur est préjudiciable pour financer la perte de revenus engendrée par la non-reprise d’une activité professionnelle durant l’année précédant la scolarisation en cas de non-obtention d’un mode de garde. En outre, même si certaines familles ont à leur disposition un mode de garde après le deuxième anniversaire de leur enfant, ce dernier peut s’avérer plus coûteux que celui qu’ils auraient pu obtenir à la fin du congé maternité étant donné que l’offre de modes de garde est de plus en plus restreinte à mesure que les enfants grandissent. Par conséquent, les ménages aux revenus modestes peuvent assumer le coût mensuel du mode de garde sur trois années mais pas celui qui résulte d’un mode de garde pris uniquement durant la dernière année avant la scolarisation.
70Le fait que seules les mères du secteur privé soient affectées par la réforme et pas leurs homologues du secteur public confirme l’hypothèse selon laquelle l’absence d’un mode de conciliation alternatif au congé parental durant la dernière année avant la scolarisation incite certaines mères à opter pour un congé parental. En effet, anticiper de ne pas pouvoir trouver un mode de garde durant l’année non couverte par l’indemnisation et ne pas avoir la possibilité d’adapter sa vie professionnelle en conséquence (en passant, par exemple, à temps partiel) constitue une raison supplémentaire de ne pas prendre du tout de congé parental. Comme Lanfranchi et Narcy [2015] l’ont montré, le secteur public offre davantage de mesures de conciliation que le secteur privé, et notamment une plus grande facilité à passer à temps partiel. Par conséquent, les mères fonctionnaires peuvent adapter plus facilement leur vie professionnelle à leur vie familiale, notamment si elles ont des difficultés à trouver un mode de garde. Duvivier et Narcy [2015] montrent d’ailleurs que la naissance d’un enfant engendre des passages à temps partiel bien plus fréquents dans le secteur public que dans le secteur privé.
La réforme a-t-elle eu un effet bénéfique sur le taux d’emploi des mères ?
71L’entrée en vigueur de la PreParE le 1er janvier 2015 a eu pour conséquence une réduction très importante (d’environ 10 points de pourcentage) de la probabilité des mères de deux enfants ou plus de prendre un congé parental à temps plein l’année suivant la naissance. Une question importante se pose alors : qu’ont fait les mères ayant renoncé à prendre un congé parental à temps plein ?
72Pour répondre à cette question, nous avons examiné la situation sur le marché du travail à la fin du congé maternité des catégories de mères pour lesquelles la réforme a eu un impact négatif et significatif sur leur probabilité d’opter pour un congé parental à temps plein (cf. tableau 3). Nous avons considéré quatre situations possibles à la fin du congé maternité pour les mères salariées et occupant un emploi stable au moment de la naissance : en congé parental à temps plein, en emploi, au chômage ou en inactivité (mère au foyer essentiellement). Les résultats obtenus sont présentés dans le tableau 4. Ils tiennent compte des éventuels effets saisonniers pouvant influencer les transitions sur le marché du travail selon le mois de naissance ainsi que des caractéristiques socio- démographiques et d’emploi des mères.
Effet de la réforme sur la situation du travail à la fin du congé maternité pour les mères salariées en emploi stable au moment de la naissance
Peu diplômées | Vit en ville | Salariées du privé | Temps partiel | Non-cadres | Pas d’encadrement | |
---|---|---|---|---|---|---|
En congé parental | – 0,180*** (0,069) | – 0,120* (0,065) | – 0,177** (0,070) | – 0,214* (0,117) | – 0,133** (0,061) | – 0,132** (0,059) |
En emploi | 0,131* (0,072) | 0,115* (0,067) | 0,121* (0,073) | 0,267** (0,122) | 0,113* (0,063) | 0,113* (0,062) |
Au chômage | 0,035* (0,020) | 0,012 (0,022) | 0,030 (0,024) | – 0,010 (0,039) | 0,022 (0,020) | 0,008 (0,017) |
Inactive | 0,014 (0,028) | – 0,007 (0,025) | 0,026 (0,028) | – 0,043 (0,048) | – 0,002 (0,023) | 0,011 (0,023) |
Effet de la réforme sur la situation du travail à la fin du congé maternité pour les mères salariées en emploi stable au moment de la naissance
Champs d’étude : Analyse réalisée pour les mères salariées et occupant un emploi stable au moment de la naissance du deuxième enfant ou plus, entre 20 et 50 ans, sur la période considérée (N = 1 061). Seuls les congés parentaux à temps plein sont étudiés.Note : Les résultats sont obtenus à partir de l’estimation d’un modèle de probabilité linéaire.
Lecture : Pour les mères peu diplômées, la réforme a réduit la probabilité de prendre un congé parental de 18 points de pourcentage. En revanche, elle a augmenté la probabilité d’être en emploi à la fin du congé maternité de 13,1 points de pourcentage.
73Pour chaque catégorie de mères ayant significativement renoncé au congé parental à la suite de la réforme, les résultats obtenus montrent que ce renoncement s’est très largement traduit par un effet positif sur leur taux d’emploi. En d’autres termes, la réforme a eu pour principale conséquence de réduire les interruptions de carrières des mères après la naissance d’un deuxième enfant ou plus. En outre, nous ne constatons aucun effet de la réforme sur le passage à temps partiel. En effet, même après l’entrée en vigueur de la PreParE, les mères de deux enfants ou plus occupant un emploi à temps plein avant la naissance sont toujours environ 3 sur 10 à passer à temps partiel après la naissance.
Conclusion
74Depuis son instauration, le congé parental a été réformé à plusieurs reprises en France comme dans la plupart des pays développés. La très grande majorité de ces réformes a eu pour objectif de le rendre plus généreux en augmentant, soit sa durée, soit sa période d’indemnisation. Toutefois, en France, la dernière réforme du congé parental entrée en vigueur en janvier 2015 s’est traduite, pour les deuxièmes naissances ou celles de rang supérieur, par une réduction d’une année de sa durée d’indemnisation dès lors que ce congé n’est pris que par un seul des deux parents. À notre connaissance, la recherche menée dans cet article est la première à évaluer les conséquences de cette réforme sur la probabilité pour les mères ayant donné naissance à un deuxième enfant ou plus de prendre un congé parental à temps plein.
75Pour identifier l’effet causal de cette réforme, la démarche empirique adoptée consiste à associer méthode de régression sur discontinuité et méthode des doubles différences. Les résultats obtenus révèlent que la réforme a conduit un très grand nombre de mères à renoncer à prendre un congé parental à temps plein après la naissance d’un deuxième enfant ou plus. La probabilité d’opter pour ce congé durant l’année suivant la naissance s’est en effet réduite d’environ 10 points de pourcentage si l’on considère les mères salariées et occupant un emploi stable au moment de la naissance. Ce fort renoncement au congé parental, dès lors qu’il n’est plus indemnisé jusqu’à l’entrée à l’école maternelle de l’enfant, s’explique par le fait que les difficultés liées à la garde des enfants s’accroissent à mesure que les enfants grandissent. Par conséquent, les mères renonçant à prendre un congé parental sont celles anticipant les plus grandes difficultés à pouvoir trouver un mode de garde leur permettant de concilier vie familiale et vie professionnelle durant l’année précédant la scolarisation, et qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour prendre une troisième année de congé parental sans indemnité. Cela explique pourquoi il existe un profil de mères plus particulièrement touchées par la réduction de la durée d’indemnisation du congé parental. Il s’agit, d’une part, des moins diplômées dont les revenus ne sont pas suffisants pour financer une dernière année de congé parental sans indemnité. Cela concerne, d’autre part, les salariées du secteur privé qui, comparativement au secteur public, offre moins de mesures de conciliation (comme notamment la possibilité de passer à temps partiel) permettant une reprise de l’activité professionnelle tout en conciliant sa vie familiale l’année précédant la scolarisation.
76Les données mobilisées ne nous permettent pas de considérer un nombre important de caractéristiques d’emploi (plus particulièrement le niveau de rémunération perçue par les mères) et, plus généralement, du ménage, au moment de la naissance. Une description plus détaillée du ménage et notamment des caractéristiques du père s’avérerait également utile. En effet, cela permettrait d’encore mieux caractériser les familles dans lesquelles la mère renonce totalement au congé parental à la suite de la réforme.
77Les conséquences d’une telle réforme, d’un point de vue de la politique publique, sont difficiles à appréhender. Comme l’objectif annoncé d’un meilleur partage du congé parental n’a pas été atteint, la réforme a eu non seulement pour conséquence une réduction de la durée du congé parental pris [14], mais également un fort taux de non-recours à ce dispositif, ce qui le rend mécaniquement moins coûteux d’un point de vue des dépenses publiques. Cependant, de nombreuses études ont déjà montré qu’une extension du congé parental pouvait avoir des effets positifs sur la santé des mères, mais également sur le bien-être et le développement des enfants. Dès lors, cette réforme pourrait désormais laisser place à des effets plus négatifs et éventuellement induire des dépenses supplémentaires dans les domaines de l’éducation, de la santé, etc. Une analyse coûts-bénéfices d’une telle réforme prenant en compte les retombées diverses de la réduction de la durée du congé parental semble donc nécessaire pour savoir si les gains en termes de dépenses publiques l’emportent sur les diverses conséquences négatives évoquées. En outre, il sera intéressant d’examiner à plus long terme les conséquences de cette réforme en termes d’inégalités sur le marché du travail entre les femmes et les hommes. En effet, bien que cette réforme ait contraint les femmes à s’interrompre moins fréquemment et moins longtemps après la naissance d’un deuxième enfant ou plus, il est néanmoins possible que cela ait un effet bénéfique à moyen ou long terme sur leurs perspectives de carrière et de rémunération.
78Enfin, comme le souligne le HCFEA [2019], la réduction de la durée d’indemnisation du congé parental de trois à deux ans peut mettre en difficultés financières certains ménages dans lesquels la mère, sans solution de garde au cours de l’année précédant la scolarisation, a été contrainte de rester inactive. Cette réforme du congé parental devrait donc s’accompagner de mesures permettant de développer les modes d’accueil pour les enfants de 2 ans, et plus particulièrement les modes collectifs (jardins d’enfants, jardins d’éveil, classes passerelles), car permettant une meilleure socialisation des enfants avant leur entrée à l’école maternelle. Renforcer la préscolarisation à 2 ans est aussi une piste à explorer pour pallier aux effets néfastes de cette réforme.
Bibliographie
Références bibliographiques
- Afsa C. [1996], « L’activité féminine à l’épreuve de l’allocation parentale d’éducation », Recherches & Prévisions, 46, p. 1-8.
- Ai C. et Norton E. [2003], « Interaction Terms in Logit and Probit Models », Economics Letters, 80, p. 123-129.
- Allain L. et Sédillot B. [1999], « L’effet de l’allocation parentale d’éducation sur l’activité des femmes », dans B. Majnoni D’Intignano (dir.), Égalité entre femmes et hommes : aspects économiques, Paris, La Documentation française, p. 177-184.
- Ananian S. et Robert-Bobée I. [2009], « Modes de garde et d’accueil des enfants de moins de 6 ans en 2007 », Études et résultats, 678, février.
- Angrist J. D. et Pischke J. S. [2008], Mostly Harmless Econometrics: An Empiricist’s Companion, Princeton, Princeton university press.
- Baker M. et Milligan K. [2010], « Evidence from Maternity Leave Expansions of the Impact of Maternal Care on Early Child Development », Journal of Human Resources, 45 (1), p. 1-32.
- Bonnet C. et Labbé M. [1999], « L’activité des femmes après la naissance du deuxième enfant », Recherches & Prévisions, 59, p. 9-23.
- Boyer D. et Crépin A. [2018], « Baromètre d’accueil du jeune enfant 2017 », L’e-ssentiel, 179.
- Carneiro P., Løken K. et Salvanes K. [2015], « A Flying Start? Maternity Leave Benefits and Long-Run Outcomes of Children », Journal of Political Economy, 123 (2), p. 365-412.
- Chatterji P. et Markowitz S. [2005], « Does the Length of Maternity Leave Affect Maternal Health? », Southern Economic Journal, 72 (1), p. 16-41.
- Collombet C. [2016], « Historique des congés parentaux en France. Une lente sortie du modèle de rémunération de la mère au foyer », Revue des politiques sociales et familiales, 122, p. 111-122.
- Cools S., Fiva J. et Kirkeben L. [2015], « Causal Effects of Paternity Leave on Children and Parents », The Scandinavian Journal of Economics, 117 (3), p. 801-828.
- Cornelißen T. et Sonderhof K. [2009], « Partial Effects in Probit and Logit Models with a Triple Dummy-Variable Interaction Term », Stata Journal, 9 (4), p. 571-583.
- Danzer N. et Lavy V. [2013], « Parental Leave and Children’s Schooling Outcomes: Quasi-Experimental Evidence from a Large Parental Leave Reform », IZA Discussion Paper, 7626.
- Dustmann C. et Schönberg U. [2012)], « Expansions in Maternity Leave Coverage and Children’s Long-Term Outcome », American Economic Journal: Applied Economics, 4 (3), p. 190-224.
- Duvivier C. et Narcy M. [2015], « The Motherhood Wage Penalty and Its Determinants: A Public-Private Comparison », Labour: Review of Labour Economics and Industrial Relations, 29 (4), p. 415-443.
- Ekberg J., Eriksson R. et Friebel G. [2013], « Parental Leave: A Policy Evaluation of the Swedish “Daddy-Month” Reform », Journal of Public Economics, 97, p. 131-143.
- Francou Q., Panico L. et Solaz A. [2017], « De la naissance à l’école maternelle : des parcours de mode d’accueil diversifiés », Revue française des affaires sociales, 2, p. 123-147.
- Guertzgen N. et Hank K. [2018], « Maternity Leave and Mothers’ Long-Term Sickness Absence: Evidence from West Germany », Demography, 55 (2), p. 587-615.
- HCFEA [2018], L’accueil des enfants de moins de trois ans, Paris, Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge.
- HCFEA [2019], Voies de réforme des congés parentaux dans une stratégie globale d’accueil de la petite enfance, Paris, Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge.
- Joseph O., Pailhé A., Recotillet I. et Solaz A. [2013], « The Economic Impact of Taking Short Parental Leave: Evaluation of a French Reform », Labour Economics, 25, p. 63-75.
- Lalive R., Schlosser A., Steinhaueur A. et Zweimüller S. [2013], « Parental Leave and Mothers’ Careers: The Relative Importance of Job Protection and Cash Benefits », The Review of Economic Studies, 81 (1), p. 219-265.
- Lalive R. et Zweimüller S. [2009], « How Does Parental Leave Affect Fertility and Return to Work? Evidence from Two Natural Experiments », The Quarterly Journal of Economics, 124 (3), p. 1364-1402.
- Lanfranchi J. et Narcy M. [2015], « What Are the Factors that Lead so Many Women to Choose a Job in Public and Nonprofit Sectors? Evidence from a French National Survey », Nonprofit and Voluntary Sector Quarterly, 44 (1), p. 47-74.
- Lequien L. [2012], « The Impact of Parental Leave Duration on Later Wages », Annals of Economics and Statistics, 107/108, p. 267-285.
- Liu Q. et Nordström Skans O. [2010], « The Duration of Paid Parental Leave and Children’s Scholastic Performance », The B.E. Journal of Economic Analysis & Policy, 10 (1), p. 1935-1682.
- Meurs D., Pailhé A. et Ponthieux S. [2010], « Enfants, interruptions d’activité des femmes et écart de salaire entre les sexes », Revue de l’OFCE, 114 (3), p. 113-133.
- Moss P. [2016], « Les pères dans les politiques de congés parentaux. Retour sur les données européennes de l’International Network on Leave Policies and Research », Revue des politiques sociales et familiales, 122, p. 103-110.
- OCDE [2016], « Parental Leave: Where Are the Fathers? Men’s Uptake of Parental Leave Is Rising but Still Low », OECD Policy Brief, mars.
- Pailhé A. et Solaz A. [2006], « Vie professionnelle et naissance: la charge de la conciliation repose essentiellement sur les femmes », Population et sociétés, 426, p. 1-4.
- Piketty T. [1998], « L’impact des incitations financières au travail sur les comportements individuels : une estimation pour le cas français », Économie & prévision, 132 (1), p. 1-35.
- Piketty T. [2005], « Impact de l’Allocation parentale d’éducation sur l’activité féminine et la fécondité en France », dans C. Lefèvre et A. Filhon (dir.), Histoires de familles, histoires familiales. Les résultats de l’enquête Famille de 1999, Paris, Institut national d’études démographiques, p. 79-109.
- Rasmussen A. W. [2010], « Increasing the Length of Parents’ Birth-Related Leave: The Effect on Children’s Long-Term Educational Outcomes », Labour Economics, 17 (1), p. 91-100.
- Ruhm C. [1998], « The Economic Consequences of Parental Leave Mandates: Lessons from Europe », The Quarterly Journal of Economics, 113 (1), p. 285-317.
- Ruhm C. [2000], « Parental Leave and Child Health », Journal of Health Economics, 19, p. 931-960.
- Schönberg U. et Ludsteck J. [2014], « Expansions in Maternity Leave Coverage and Mothers’ Labor Market Outcomes after Childbirth », Journal of Labor Economics, 32 (3), p. 469-505.
- Tanaka C. [2005], « Parental Leave and Child Health across OECD Countries », The Economic Journal, 115 (501), p. 7-28.
- Thévenon O. et Solaz A. [2013], « Labour Market Effects of Parental Leave Policies in OECD Countries », OECD Social, Employment and Migration Working Paper, 141.
Notes
-
[1]
Dans les deux systèmes, la durée est majorée si les deux parents interrompent leur activité avec un partage du congé entre eux.
-
[2]
Au moment de la réalisation de cette recherche, les données de l’enquête Emploi n’étaient disponibles que jusqu’en 2016.
-
[3]
Lors de leur première interrogation, on demande aux enquêtés de décrire leur situation sur le marché du travail au cours des douze derniers mois précédant l’enquête. Lors de leurs autres interrogations, cette information leur est demandée pour tous les mois écoulés depuis leur précédente interrogation.
-
[4]
Toute mère pour laquelle il est possible d’observer au moins un mois de congé parental au cours de l’année suivant la naissance est considérée comme ayant pris un congé parental.
-
[5]
La validité de la méthode des doubles différences est basée sur l’hypothèse importante dite de « parallélisme ». Dans le contexte de notre étude, cela revient à supposer que le groupe de mères observé entre juillet 2014 et juin 2015 (le groupe « traité ») aurait eu le même comportement que celui observé entre juillet 2013 et juin 2014 (le groupe de « contrôle ») en l’absence de cette réforme. L’estimation d’un modèle économétrique de type 2 plutôt qu’un calcul direct des différences permet d’assouplir cette hypothèse de « parallélisme » en ajoutant d’autres variables qui peuvent affecter la variable d’intérêt et qui pourraient changer entre les deux groupes.
-
[6]
Pour vérifier ce point, les analyses présentées dans le tableau 2 ont également été effectuées en estimant des modèles Probit et en calculant ensuite les effets marginaux associés aux variables interagies. Les résultats obtenus sont identiques à 10–3 près à ceux présentés dans le tableau 2.
-
[7]
Cette allocation est versée mensuellement jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant.
-
[8]
Pour les ménages les plus aisés concernés, le CLCA passait alors de 576,83 euros mensuels pour les enfants nés avant avril 2014 à 390,92 euros pour ceux nés à partir d’avril 2014. Le COLCA, lui, passait de 824,88 euros à 638,96 euros.
-
[9]
En raison de leur faible nombre, nous avons choisi d’exclure les mères indépendantes au moment de la naissance. Elles sont en effet seulement 3 % dans cette situation.
-
[10]
Ces résultats sont néanmoins disponibles sur simple demande auprès des auteurs.
-
[11]
Dans l’enquête Emploi, il est en effet demandé aux enquêtés en congé parental à temps plein au moment de l’enquête d’en préciser sa durée.
-
[12]
Le complément de libre choix du mode de garde de la Paje est versé par la Caisse d’allocations familiales (Caf). Il comprend la prise en charge partielle de la rémunération d’une assistante maternelle agréée. Son montant varie selon le nombre d’enfants à charge, l’âge de l’enfant et les ressources du ménage. Un minimum de 15 % de frais reste à la charge des familles.
-
[13]
La perte de la PreParE est partiellement compensée par la prime d’activité dont le père peut alors bénéficier.
-
[14]
Selon les données de l’enquête Emploi, seulement 14 % des mères ayant opté pour un congé parental à temps plein après la réforme envisagent de le prolonger au-delà du deuxième anniversaire de l’enfant alors qu’elles étaient presque une sur deux à l’envisager avant la réforme.