Notes
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LAPE, Université de Limoges. Correspondance : LAPE, Faculté de droit et des sciences économiques, 5 rue Félix Éboué, 87031 Limoges Cedex 1, France. Courriel :kevin.spinassou@unilim.fr
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[1]
Voir Basel Committee on Banking Supervision [2010] pour le texte d’origine des accords de Bâle III, et Basel Committee on Banking Supervision [2014] pour davantage de précisions concernant le ratio de levier actuellement en cours d’instauration, ainsi que Rugemintwari, Sauriat et Tarazi [2012] pour une note expliquant la motivation et la mise en œuvre de ce ratio de levier.
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[2]
Cette période a débuté le 1er janvier 2013 et doit se conclure le 1er janvier 2017. Pour marquer l’entrée dans la deuxième moitié de cette période, les banques doivent depuis le 1er janvier 2015 rendre publique la valeur de leur ratio de levier.
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[3]
Voir Allen et Gale [1999] pour une étude sur les particularités de chaque système financier.
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[4]
Pour une revue de la littérature des modèles théoriques analysant les effets des régulations antérieures, voir VanHoose [2007] et Freixas et Rochet [2008].
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[5]
Cette hypothèse, communément utilisée dans la littérature bancaire (par exemple Blum [2008] et Repullo et Suarez [2004]), n’affecte pas les résultats de notre modèle, mais doit néanmoins être prise en compte si l’on veut adapter ces résultats aux paramètres réels, comme cela sera fait dans la note de bas de page 13.
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[6]
Nous supposons ici que la banque peut investir dans les obligations d’un pays de référence qualifié de sûr tel que l’Allemagne ou les États-Unis. Néanmoins, même si cette hypothèse d’un projet sûr est classique dans la littérature existante, la crise des dettes souveraines a montré que le marché pouvait considérer à tort des obligations d’État comme sûres (l’exemple de la Grèce est le plus manifeste). Il serait alors intéressant de prendre en compte un tel aspect dans un futur modèle de théorie bancaire.
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[7]
Cette hypothèse est courante dans la littérature bancaire (voir par exemple Blum [2008] et Rugemintwari [2011]). Prescott [2008] utilise quant à lui une pénalité fixe, indépendante de l’ampleur de la sous-estimation du risque.
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[8]
Une telle hypothèse peut paraître inappropriée, étant donné les dommages que peut causer un excès de crédit dans une économie, et pourrait amener à penser que l’objectif du régulateur est d’atteindre une situation de « bulle de crédit ». Cette hypothèse, dont le but est de simplifier le modèle sans affecter nos résultats, peut alors être vue comme une cible à atteindre pour ce régulateur (dans l’esprit de Goodhart et Huang [1999]) et cette cible serait ici simplement fixée à N.
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[9]
Notons que nous aurions pu privilégier une hypothèse accordant plus de poids au financement du projet Y dans la fonction d’utilité du régulateur, car ce projet peut être vu comme un moyen efficace de stimuler l’activité économique. Seulement, étant donné que le projet X contribue lui aussi au financement de l’économie, nous choisissons de garder une hypothèse ne favorisant pas le financement de l’un des deux projets dans la fonction d’utilité du régulateur.
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[10]
Cette variable Z représente l’ensemble des coûts directs ou indirects d’une faillite. Nous pouvons, par exemple, y inclure le risque systémique présent dans le système bancaire, ou encore le coût social que représentent les licenciements engendrés par une faillite.
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[11]
Leur profit est défini par l’équation (5).
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[12]
C’est-à-dire lorsque f(ȳ)s ≥ (k – λ) / λ, où toutes les banques déclarent alors leur vrai risque quelle que soit leur valeur de y.
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[13]
Notons que cette valeur critique du retour du projet sûr est ici proche du taux de rendement des titres sans risque que nous pouvons observer actuellement. En effet, nous avons supposé dans ce modèle un taux d’intérêt des dépôts (considérés comme sans risque car totalement assurés) égal à 0 % et ce taux d’intérêt nul suppose implicitement une inflation nulle dans notre modèle. Le taux de rendement des titres étant lié au taux d’inflation de leur devise, nous devons prendre en compte le taux de rendement d’obligations souveraines émises dans une devise connaissant actuellement une inflation très faible et considérées comme sûres. Nous choisissons alors d’observer les obligations suisses et allemandes, dont le taux de rendement pour les obligations à dix ans de ces pays était respectivement de 0,32 % et 0,54 % au 1er janvier 2015. Le coût du capital étant communément évalué autour de 10 % et le ratio de levier suggéré par Bâle étant fixé à 3 %, nous obtenons avec ces paramètres une valeur de xc égale à 0,3 %. Cette valeur de xc reste donc compatible avec les valeurs actuellement présentes sur les marchés.
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[14]
En effet, rappelons qu’un ratio de levier inférieur à ŷ augmente l’incitation à déclarer un risque sous-estimé et réduit ainsi la stabilité bancaire.
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[15]
Voir par exemple Barth, Caprio et Levine [2013] pour une étude récente sur la question. Ces auteurs ont également construit une base de données sur le sujet, que Laeven et Levine [2009] utilisent pour établir un indice sur les capacités de chaque régulateur national à mener des audits sur le risque des banques et le capital qui en découle. Cet indice montre qu’il y a une forte disparité parmi les régulateurs concernant ce pouvoir.
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[16]
Rugemintwari, Sauviat et Tarazi [2012] reprennent une analyse de Standard & Poor’s (Dalmaz [2010]) pour expliquer qu’en 2009 le total des actifs de la Deutsche Bank était évalué à 891 milliards d’euros avec la méthode comptable américaine GAAP et à 1 501 milliards d’euros (soit presque 70 % de plus) avec la méthode IFRS alors appliquée en Europe. Notons également que les différences de méthodes comptables permettent aux banques américaines de sortir les prêts immobiliers de leur bilan, contrairement aux banques européennes.
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[17]
Voir Rochet [2008] pour une synthèse des imperfections du ratio de capital pondéré du risque.
« Banking supervision is an art, not a science. It cannot be, and should not be, failsafe. […] Its principal focus should be the wellbeing and safety of the system as a whole. »
Introduction
1La crise dite des subprimes, survenue en 2007-2008, incita les instances de régulation bancaire à établir de nouvelles règles en vue de corriger les imperfections des régulations antérieures, qui n’ont pas permis d’assurer la stabilité du système bancaire mondial. Ces accords, connus sous le nom de Bâle III, prévoient l’introduction de nouveaux ratios de capital à la régulation déjà existante, dont un ratio de levier [1]. Ces nouveaux accords ont été adoptés par un grand nombre de pays, notamment pour renforcer la crédibilité des régulateurs nationaux et, à travers eux, celle du système bancaire. En effet, nous avons assisté, à la suite de la crise des subprimes, à une forte méfiance des investisseurs à l’égard des banques, voire des banques entre elles. Dans ce contexte, l’adoption des nouvelles normes bancaires par un régulateur national fait alors office de garantie de la solidité des banques domestiques. Ces nouvelles normes de régulation sont en cours d’instauration en Europe et nous sommes actuellement à la moitié de la période de mise en place du ratio de levier [2], dont le niveau minimum a été fixé à 3 %.
2Cependant, depuis l’adoption des accords de Bâle III en Europe, le contexte économique a évolué avec une crise des dettes souveraines qui a succédé à la crise des subprimes ; il en résulte un ralentissement de l’économie, causé notamment par un manque d’investissement. Cette évolution souligne que la stabilité du système bancaire ne devrait peut-être pas être l’unique préoccupation des régulateurs, qui devraient, dans un tel contexte, prendre également en compte le niveau de l’offre de crédit des banques. En effet, ce paramètre est souvent ignoré dans la littérature existante analysant les impacts de la mise en place des accords de Bâle III (constat décrit par exemple par l’ancien membre du directoire bâlois de la Banque des règlements internationaux, Phillip M. Hildebrand, en 2008).
3L’objectif de cet article est alors d’analyser l’impact de la mise en place d’un ratio de levier combiné à un ratio pondéré du risque sur la stabilité du système bancaire mais également sur l’offre de crédit des banques. Cette question a d’autant plus d’importance en Europe où le mode de financement de l’activité réelle se distingue de celui d’autres régions. En effet, si l’économie américaine se tourne traditionnellement vers les marchés pour se financer, les pays européens (et notamment la France) ont, au contraire, recours essentiellement au système bancaire pour financer l’activité réelle [3]. Cette particularité joue un rôle majeur dans notre analyse, car une offre de crédit abondante des banques pourrait davantage influencer la reprise économique européenne que celle des États-Unis. Inversement, une offre de crédit restreinte va d’autant plus handicaper l’économie européenne par rapport à l’économie américaine. De plus, nous observons actuellement dans le contexte économique européen un rationnement du crédit, ce qui pose la question de l’opportunité de renforcer le cadre réglementaire existant avec l’imposition d’un ratio de levier, étant donné son impact potentiel sur l’offre de crédit des banques.
4À notre connaissance, nous pouvons noter deux modèles analysant l’impact de l’ajout d’un ratio de levier à un ratio de capital pondéré du risque [4]. Ces modèles utilisent des fonctions d’utilité particulières dont l’objectif est uniquement de maximiser la stabilité bancaire, par la minimisation de la probabilité de faillite des banques. Blum [2008] construit un modèle avec un problème de sélection adverse où les régulateurs peuvent auditer et sanctionner les banques ; il montre qu’un ratio de levier est l’outil adéquat pour les régulateurs qui n’ont pas suffisamment de pouvoir pour inciter les banques à déclarer leur véritable risque, et ainsi réduire l’instabilité bancaire. De la même façon, Rugemintwari [2011], en utilisant un modèle basé sur un problème de hasard moral où les banques créent leur portefeuille de prêts, montre que l’ajout d’un ratio de levier vient améliorer la stabilité du système bancaire.
5Notre modèle s’inscrit dans un cadre théorique similaire, mais en considérant un problème d’aléa moral ainsi qu’un problème de sélection adverse, où les banques peuvent choisir entre une activité risquée ou non, puis peuvent déclarer un risque volontairement sous-estimé auprès du régulateur national. Cet article contribue ainsi à la littérature existante en développant un modèle incluant la stabilité bancaire ainsi que l’offre de crédit dans la fonction d’utilité du régulateur ; il permet d’étudier l’impact de la mise en place de différentes régulations sur ces deux paramètres. De plus, ce modèle permet d’analyser les différentes conséquences de la mise en place d’un ratio de levier en plus d’un ratio de capital pondéré du risque lorsque les régulateurs se différencient par leur capacité à auditer et sanctionner les banques. Ce pouvoir du régulateur en matière d’audits et de sanctions influence le comportement des banques dans leur choix d’activité (risquée ou sûre) ainsi que leur décision de déclarer honnêtement ou non leur risque au régulateur. Nous pouvons alors obtenir les conditions permettant une augmentation de l’utilité du régulateur en termes de stabilité bancaire et d’offre de crédit lorsqu’un ratio de levier à la Bâle III vient s’ajouter à une régulation à la Bâle II.
6Nous montrons que la mise en place d’un ratio de levier constitue un coût social trop élevé quand le régulateur national bénéficie d’un pouvoir d’audit et de sanction suffisamment fort. Plus exactement, la mise en place de la régulation suggérée par le Comité de Bâle n’améliore pas forcément la stabilité bancaire, alors qu’en parallèle elle réduit inévitablement l’offre de crédit proposée par les banques en devenant trop contraignante pour celles qui sont les plus sûres (c’est-à-dire les banques finançant un projet non risqué ou peu risqué). En conséquence, nous montrons que les banques qui financent une activité sûre sous Bâle II sont incitées à se tourner vers des activités risquées après l’instauration du ratio de levier. Ces résultats nous amènent à conclure que l’instauration d’un tel ratio de levier désavantage inutilement les banques les plus solides (et/ou supervisées par un régulateur avec un fort pouvoir) et peu risquées, et peut alors mettre en danger l’économie réelle d’une région comme l’Europe, où l’offre de crédit des banques est primordiale pour financer l’économie et où l’investissement est déjà trop faible pour permettre une reprise de l’activité économique.
7Dans la section suivante, nous décrivons le modèle. Ensuite, nous analysons le comportement des banques ainsi que l’utilité du régulateur lorsque les banques ne sont pas contraintes en capital. Puis nous étudions l’impact sur le système bancaire d’une régulation à la Bâle II et d’une régulation à la Bâle III, avant de conclure.
Le modèle
8Considérons un système bancaire composé de N banques et d’un régulateur.
Les banques
9Chaque banque finance un projet de taille égale à 1. Nous considérons que ces banques sont dirigées par des manageurs neutres au risque n’ayant pas de ressources financières pour couvrir l’investissement de la banque. Pour cela, chaque manageur choisit un niveau de dépôts D et de capital K qui financera le projet de la banque, ainsi D + K = 1. Nous supposons que les actionnaires des banques sont protégés par une responsabilité limitée. Recourir au capital est coûteux pour les banques et le coût d’opportunité d’une unité de capital est noté k, avec k > 1. Nous supposons simplement que les actionnaires attendent leur retour sur investissement en laissant le contrôle de la banque au manageur : dans la suite de l’article, le comportement de la banque reflète celui du manageur. Les dépôts sont par ailleurs considérés comme entièrement assurés et le taux d’intérêt (sans risque) de ces dépôts est supposé égal à 0 %, avec une prime d’assurance dépôt nulle [5].
10Chaque banque choisit d’investir son passif soit dans un projet dit sûr [6] (appelé projet X) avec un retour positif certain x, ou dans un projet risqué, appelé projet Y. Le retour de ce projet Y est ainsi distribué :
12où et y ∈ [y, ȳ], avec 0 < y ≤ y ≤ ȳ < 1. Nous supposons que x ∈ [y, ȳ]. Le projet risqué Y conduit donc à une perte avec une probabilité (1 – λ). La valeur de y est choisie par la nature et est seulement observable par la banque elle-même. Cette hypothèse d’une valeur y exogène et non choisie par la banque nous permet d’avoir ainsi un continuum de projets avec différents niveaux de risque. Elle évite de laisser chaque banque choisir sa propre valeur de y, ce qui nous conduirait à un comportement unique dans un système bancaire où l’ensemble des banques choisirait un niveau de risque identique. Nous notons h(y) la fonction de probabilité de densité de y, tel que :
Le régulateur national
14Nous considérons un régulateur bénévole qui applique la réglementation du capital suggérée par une instance internationale. On suppose, par exemple, que ce régulateur national suit ces recommandations internationales dans le but d’accroître sa crédibilité, garantissant ainsi un certain degré de stabilité dans son système bancaire. Cette autorité internationale propose la mise en place de deux cadres réglementaires :
- une politique nécessitant l’adoption d’un ratio de capital pondéré du risque (avec un seuil minimum donné par l’autorité internationale) avec une approche dite IRB (internal ratings-based approach), autorisée par Bâle II pour permettre aux banques d’évaluer elles-mêmes leur risque selon leurs propres outils, puis de déclarer ce risque au régulateur).
- une politique combinant un ratio de capital pondéré du risque et un ratio de levier à la Bâle III, avec des seuils déterminés par l’autorité internationale et appliqués par les régulateurs nationaux.
15Pour simplifier, nous admettons que l’autorité internationale recommande un ratio pondéré du risque capable de couvrir entièrement la perte éventuelle de la banque, dans l’esprit de Blum [2008]. Le régulateur national connaît le niveau de capital adopté par une banque, mais sans savoir si ce niveau de capital est conforme au vrai risque encouru par la banque, c’est-à-dire si ce capital est égal à la perte potentielle y. L’information possédée par le régulateur vient alors de la banque, qui lui déclare son niveau de risque j. Puis le régulateur impose un niveau de capital égal à j. Comme j est supposé être égal à y, ce risque déclaré est tel que j ∈ [y, ȳ]. Cette réglementation du capital représente ici une réglementation à la Bâle II, où un ratio de capital pondéré du risque est combiné à une approche IRB.
16De plus, nous supposons que le régulateur peut auditer une banque une fois que le retour sur investissement a eu lieu, afin de connaître son vrai risque (ici, le terme « audit » fait davantage référence à un examen dit « sur place » qu’à un audit externe). Cet audit engendre un coût pour le régulateur, noté ν. Soit f(j) la probabilité pour une banque d’être auditée, avec f(j) ∈ [0,1]. Nous utilisons une probabilité stochastique d’être audité, relative à la valeur du risque déclaré par la banque, similairement à Prescott [2004]. Cette probabilité d’audit est une fonction convexe où f′(j) < 0 et f″(j) > 0. Une banque déclarant une valeur élevée de j conduit à une faible probabilité de se voir auditée, alors qu’une faible valeur de j va davantage inciter le régulateur à effectuer un audit. En plus de sa capacité à auditer, un régulateur peut également imposer des sanctions aux banques qui déclarent un niveau de risque sous-estimé. Cette sanction, notée S, peut prendre différentes formes (sanction financière, réputation dégradée auprès des marchés après un acte de tricherie révélé, etc.) et dépend de l’ampleur de la sous-estimation [7] :
18où s représente la capacité à sanctionner, avec s ∈ [0,1]. Cette sanction, qui suit chaque audit révélant une déclaration de la banque telle que j < y (alors que cet audit arrive une fois que le retour sur investissement a eu lieu), ne concerne donc que les banques qui dégagent un retour excessif du fait de leur risque sous-estimé et du faible niveau de capital qui en découle. En effet, une banque qui décide de mentir sur son risque réel afin de réduire le capital réglementaire va soit faire faillite (si le retour du projet est trop faible), soit au contraire dégager un bénéfice important (en cas de réussite du projet). Au moment de l’audit, les seules banques restantes sont donc des banques ayant déclaré honnêtement leur risque, ou des banques ayant dégagé un retour anormalement élevé à la suite de leur fausse déclaration. Une sanction ne peut alors pas mettre la banque concernée dans une situation financière délicate.
19Les valeurs f(j) et s sont connues par le régulateur ainsi que par les banques. En d’autres termes, les banques connaissent le pouvoir d’audit et de sanction de leur régulateur national. Suivant Blum [2008], nous supposons que le régulateur ne peut choisir ces valeurs, car elles répondent à des contraintes extérieures telles que des contraintes budgétaires ou des pressions politiques (sans cela le régulateur imposerait des sanctions exorbitantes et auditerait tous les établissements du système bancaire afin d’éliminer tout risque de fausse déclaration). Le produit f(j)s représente ainsi dans notre modèle le pouvoir du régulateur, c’est-à-dire sa capacité à auditer et à sanctionner : plus ce pouvoir sera proche de 1, plus les banques seront incitées à déclarer leur vrai risque et ainsi à détenir un niveau adéquat de capital.
20L’autorité internationale peut également suggérer d’utiliser un ratio de levier comme outil complémentaire, afin d’augmenter le niveau de capital des banques et ainsi obtenir un système bancaire plus sûr. Ce ratio de levier va contraindre les banques à détenir un niveau minimum de capital, noté K̃.
21Parallèlement à la stabilité du système bancaire, le régulateur national se préoccupe également de l’offre de crédit présente dans son système bancaire. Par souci de simplicité, nous supposons que l’offre de crédit fournie par une banque qui finance un projet est égale à 1 et qu’alors l’offre de crédit maximale est égale à N. L’objectif du régulateur est de minimiser la probabilité de faillite bancaire tout en maximisant l’offre de crédit des banques [8].
22La fonction d’utilité du régulateur, notée UR, est ainsi :
24où α et β sont les pondérations pour chaque objectif [9] du régulateur, avec α > 0 et β > 0. La séquence de ce modèle est décrite dans la figure 1.
Séquence du modèle
Séquence du modèle
Absence de réglementation du capital
25Nous analysons, tout d’abord, le comportement des banques et l’utilité du régulateur dans un contexte où aucun capital minimum n’est imposé.
Comportement des banques
26Comme le capital est plus coûteux que les dépôts, chaque banque choisit de lever exclusivement des dépôts pour se financer et ne détient aucun capital. Sachant que D + K = 1, le profit certain du projet X s’écrit alors :
28alors que le profit espéré du projet Y est :
30Les équations (5) et (6) montrent que les banques avec x / λ < y financent le projet Y qui conduit au profit le plus élevé ; sinon, lorsque x / λ > y, la banque finance le projet X.
Fonction d’utilité du régulateur
31Quand le régulateur n’impose pas de capital minimum, il sait alors que l’offre de crédit est égale à N, car l’ensemble des banques va financer un projet dans la mesure où les projets X et Y conduisent à un profit espéré positif. Néanmoins, une banque finançant le projet risqué Y sans capital fera faillite avec une probabilité (1 – λ) à la date 3, alors qu’une banque finançant le projet sûr X ne fera pas faillite, même si elle ne détient pas de capital. En nommant Z le coût social total engendré par une faillite [10], nous obtenons alors le coût social espéré d’une faillite en l’absence de régulation :
33L’utilité du régulateur national, donnée par l’équation (4), devient alors :
35Nous voyons que l’absence de régulation du capital conduit à une probabilité élevée de faillite, car les banques investissant dans le projet Y ne sont pas incitées à détenir du capital. Dans ce contexte, des exigences en termes de capital peuvent être utiles afin de réduire l’instabilité du système, à travers la réduction de cette probabilité de faillite.
Réglementation du capital à la Bâle II
36Dans cette section, le régulateur national suit les règles définies par l’autorité internationale et impose aux banques de détenir un niveau de capital suffisant par l’instauration d’un ratio de capital pondéré du risque. La menace d’audits et de sanctions va ici réduire l’incitation des banques à déclarer un risque en dessous de leur risque effectif (« faux » risque).
Incitation des banques
37Comme les banques finançant le projet X ne mettent pas en péril la stabilité du système bancaire, elles ne sont pas ici contraintes en capital [11]. Seules les banques finançant le projet incertain Y doivent détenir du capital, à un niveau permettant de couvrir les pertes éventuelles représentées par y. Nous avons vu, dans la section précédente, que les banques minimisent leur niveau de capital, ainsi le risque déclaré par chaque banque est tel que j ≤ y, car ce risque déclaré correspond au niveau de capital imposé. Cette absence de capital excédentaire implique qu’avec une probabilité (1 – λ), la banque ne pourra dégager de profit positif, car le capital détenu sera, au mieux, juste suffisant pour couvrir la perte de la banque. Sachant cela, le profit d’une banque finançant le projet Y et déclarant son vrai risque au régulateur est égal à :
39Avec désormais la présence d’audits et de sanctions, le profit espéré d’une banque finançant le projet Y en déclarant un risque sous-estimé devient :
41La combinaison des équations (9), (10) et de l’égalité entre le capital K exigé par le régulateur et le risque j déclaré par la banque donne l’espérance du profit du projet Y :
43Ce profit ΠY est une fonction de j, variable de décision à la disposition de la banque. À la date 2, en maximisant son profit, la banque choisit donc la valeur du risque à déclarer au régulateur, avec j ≤ y, sachant que j va déterminer la probabilité d’être audité à la date 4. Nous montrons qu’un contournement de la régulation (c’est-à-dire une sous-estimation du risque encouru pour diminuer le niveau de capital réglementaire) se produit pour un intervalle [ŷ, ȳ] des valeurs de y pour les banques finançant le projet Y ; cet intervalle augmente lorsque le pouvoir du régulateur f(j)s diminue.
44Proposition 1. Il existe un seuil ŷ tel quepour lequel chaque banque qui finance le projet Y va révéler son vrai risque au régulateur. Ce seuil diminue quand le régulateur a une faible capacité à auditer et à sanctionner les banques.
45Preuve. Voir l’annexe I.
46Quand la variable y est supérieure à ŷ, la banque ne dévoile pas son vrai risque au régulateur ; pour la suite nous appelons banques malhonnêtes ce type d’établissements. Le seuil ŷ dépend du coût du capital k, de la probabilité de succès λ, de la capacité f(j) du régulateur à détecter les banques malhonnêtes et de sa capacité s à les sanctionner. Les banques avec y < ŷ déclarent leur véritable risque au régulateur national et nous les nommons banques honnêtes dans le reste de l’article. En résumé, sous cette régulation à la Bâle II, le pouvoir du régulateur conduit les banques les plus sûres (celles avec une faible perte potentielle y) à dévoiler leur vrai risque, alors que les banques les plus risquées (avec une perte potentielle élevée) sont incitées à sous-estimer le risque qui sera déclaré. Néanmoins, le nombre de banques malhonnêtes diminue quand le pouvoir du régulateur augmente.
47Une analyse de l’incitation des banques à financer le projet Y conduit au corollaire suivant :
48Corollaire 1. La mise en place d’une réglementation du capital à la Bâle II diminue la prise de risque des banques : elles sont davantage incitées à financer le projet sûr X plutôt que le projet incertain Y.
49Preuve. Voir l’annexe II.
50Ce corollaire nous montre comment évolue le financement de chaque projet, mais cela ne reflète pas l’évolution de la stabilité bancaire, car celle-ci dépend uniquement du nombre de banques qui ne détiennent pas le niveau adéquat de capital. Cette évolution de la stabilité bancaire est analysée dans la sous-section suivante, ainsi que ses effets sur l’utilité du régulateur.
Utilité du régulateur
51À moins que le régulateur national ne bénéficie d’une très forte capacité à détecter et à sanctionner les banques malhonnêtes [12], il existe un intervalle de y pour lequel certaines banques ne détiennent pas le capital nécessaire pour couvrir leur perte et vont alors faire faillite à la date 3, avec une probabilité (1 – λ). Quand cette capacité est faible, cet intervalle de y est large et la stabilité bancaire est alors menacée.
52Cependant, la mise en place d’un ratio de capital pondéré du risque réduit le nombre de banques détenant un niveau trop faible de capital. De plus, comme au moins un projet permet d’avoir un profit positif, l’ensemble des banques finance un projet et l’offre de crédit reste égale à N. Notons que l’apparition des audits va engendrer un coût supplémentaire pour le régulateur ; cependant nous supposons ici que les coûts d’audits ne peuvent pas égaler les bienfaits en termes de stabilité bancaire de cette régulation. En effet, dans un souci de réalisme, une hypothèse spécifiant que le régulateur préférerait laisser son système bancaire sans régulation sous prétexte que les audits sont trop coûteux ne peut être retenue.
53Le corollaire 2 reprend ces résultats et présente l’impact de cette régulation à la Bâle II sur l’utilité du régulateur.
54Corollaire 2. Le ratio de capital pondéré du risque conduit à une baisse de l’instabilité bancaire et par ce biais augmente l’utilité du régulateur national.
55Preuve. Voir l’annexe III.
56Cette section a montré qu’une réglementation du capital à la Bâle II constitue un cadre plus efficace qu’une politique de non-régulation. Nous voulons désormais déterminer si l’ajout d’un ratio de levier à la Bâle III améliore ou détériore l’utilité du régulateur national.
Ajout d’un ratio de levier à la Bâle III
57Nous considérons ici que l’autorité internationale propose qu’un ratio de levier soit mis en place en complément du ratio de capital pondéré du risque, avec pour objectif de réduire davantage l’instabilité bancaire. Avec ce nouveau ratio, chaque banque détient un niveau minimum de capital même si la banque prétend que le risque auquel elle s’expose est très faible. La valeur de ce ratio de levier est exogène et notée K̃. Le régulateur instaure ce nouveau ratio de capital dans le système bancaire national et les banques sont obligées de détenir un niveau de capital supérieur ou égal K̃, quelle que soit la valeur de leur risque déclaré j.
Comportement des banques et stabilité bancaire
58Cette nouvelle réglementation du capital va modifier le profit des banques finançant le projet X. Comme son profit est une fonction décroissante du capital, une banque finançant ce projet va choisir de détenir un montant de capital égal au ratio de levier K̃ :
60Le profit associé au projet certain X est alors réduit après l’instauration de ce ratio de levier. Notons que quand ce ratio est relativement élevé, l’équation (12) conduit à un profit négatif ; cela se produit lorsque le retour du projet X est inférieur à xc, avec :
62En d’autres termes, une réglementation du capital associant un ratio de capital pondéré du risque à un ratio de levier à la Bâle III peut devenir trop contraignante pour les banques finançant le projet X [13]. Le profit de ce projet devient négatif sitôt que :
64Le projet Y peut conduire à différents états de la nature qui dépendent de la valeur du ratio de levier. Tout d’abord, les banques avec y ∈ [y, K̃] déclarent leur véritable niveau de risque et détiennent un capital égal K̃. Une fausse déclaration telle que j ∈ [y, K̃] devient en effet inutile, car le capital requis pour toute déclaration dans cet intervalle est identique et égal à K̃.
65Comme nous avons vu plus haut que les banques avec y < max{ŷ, K̃} révèlent leur vrai risque, nous analysons maintenant le comportement des banques avec y > max{ŷ, K̃}.
66La proposition 2 montre le rôle du pouvoir du régulateur, à travers l’influence du seuil ŷ sur le comportement de la banque :
67Proposition 2. Parmi les banques finançant le projet Y, nous constatons une baisse du nombre de banques malhonnêtes après l’instauration du ratio de levier si et seulement si ce ratio est tel que ŷ < K̃.
68Preuve. Voir l’annexe IV.
69Autrement dit, un ratio de levier instauré dans un système bancaire supervisé par un régulateur avec un fort pouvoir (amenant alors une valeur élevée de ŷ, comme décrit dans la proposition 1) ne réduit pas l’instabilité bancaire. Un ratio de levier tel que ŷ < K̃ est une condition nécessaire pour réduire le nombre de banques malhonnêtes et cette condition sera davantage satisfaite si le régulateur est doté d’un faible pouvoir d’audits et de sanctions.
70Nous pouvons, dans ce nouveau contexte, évaluer l’incitation des banques à déclarer un risque sous-estimé lorsque la condition présentée dans la proposition 2 est satisfaite. Le calcul de chaque état de la nature selon la valeur du pouvoir du régulateur et celle du ratio de levier instauré conduit à la proposition 3 :
71Proposition 3. La condition nécessaire et suffisante permettant une amélioration de la stabilité bancaire après l’ajout d’un ratio de levier à une réglementation du capital à la Bâle II est l’instauration d’un ratio de levier tel que. Sinon, le nombre de banques honnêtes est réduit.
72Preuve. Voir l’annexe V.
73La proposition 3 montre que l’incitation à financer le projet Y avec une fausse déclaration plutôt que financer le projet X augmente quand un ratio de levier est rajouté, car le projet X devient trop contraignant sous cette nouvelle régulation sauf si .
74Seul un ratio de levier compris dans l’intervalle
76conduit à une réduction du nombre de banques malhonnêtes.
Prise de risque
77Nous connaissons ici les valeurs de y incitant les banques à choisir le projet Y et nous déterminons maintenant comment l’ajout d’un ratio de levier à la Bâle III affecte la prise de risque des banques.
78Nous pouvons voir avec l’équation (14) que les banques ne vont pas financer le projet sûr quand le ratio de levier est supérieur à x / (k – 1). En faisant pour l’instant abstraction du cas particulier où le ratio de levier empêche le financement du projet X, nous examinons l’incitation à sélectionner le projet Y quand le ratio de levier est inférieur à ŷ et lorsque K̃ ∈ [ŷ, x / (k – 1)]. Cette comparaison conduit à la proposition suivante :
79Proposition 4. Une augmentation de la prise de risque des banques se produit quand le régulateur impose un ratio de levier supérieur ou égal à ŷ. Lorsque K̃ < ŷ, seule une constellation particulière des valeurs de chaque paramètre (voir la démonstration) parvient à éviter cette augmentation de la prise de risque.
80Preuve. Voir l’annexe VI.
81À moins que le régulateur ne bénéficie d’un pouvoir relativement fort combiné à certaines valeurs (calculées dans la démonstration de la proposition 4) des paramètres exogènes présents dans ce modèle, l’incitation des banques à financer le projet risqué Y à la place du projet sûr X est renforcée par l’arrivée d’un ratio de levier en complément d’un ratio de capital pondéré du risque.
82Toutefois, nous avons vu que sans réglementation du capital, les banques avec y > x / λ choisissent de financer le projet Y, alors que sous une régulation alliant ratio de levier et ratio pondéré du risque, les banques avec ne financent pas ce projet risqué (voir la démonstration de la proposition 2). La mise en place de cette régulation réduit donc l’incitation des banques à financer le projet risqué plutôt que le projet sûr, en comparaison d’un contexte où aucun capital n’est imposé. Ce résultat est résumé dans le corollaire suivant.
83Corollaire 3. La prise de risque des banques atteint son niveau le plus élevé en l’absence de régulation et son niveau le plus faible avec l’instauration d’un unique ratio de capital pondéré du risque. Quand nous y ajoutons un ratio de levier à la Bâle III, la prise de risque se situe entre ces deux limites.
Impact sur l’offre de crédit
84Les profits espérés du projet Y (calculés dans la démonstration de la proposition 3) montrent que le ratio de levier peut conduire à un profit espéré négatif pour ce projet risqué. Une banque avec y < yc ne finance pas le projet Y, où yc est la valeur critique de y pour laquelle le profit espéré est nul :
86Nous avons vu auparavant que l’incitation à financer le projet X disparaît lorsque x / (k – 1) ≤ K̃ et ces résultats montrent que tous les projets (et leur profit) sont affectés par l’ajout de ce ratio de levier à la régulation à la Bâle II déjà existante. Il est alors intéressant de noter que si y < yc et xc < x, le ratio de levier inciterait les banques avec de faibles valeurs de y à financer le projet X. Seulement, comme xc = K̃(k – 1) et , nous pouvons voir que yc > xc. En d’autres termes, quand le projet Y conduit à un profit espéré négatif à cause du ratio de levier, alors le profit du projet sûr X est lui aussi négatif. Dans ce cas, la banque n’exerce pas son activité. En résumé, les banques avec ne sont pas incitées à financer un projet à la date 2 et nous obtenons le corollaire suivant :
87Corollaire 4. Alors que le nombre de banques actives n’est pas affecté par une absence de régulation du capital ou par une régulation à la Bâle II, l’ajout d’un ratio de levier à la Bâle III incite les banques les plus sûres (c’est-à-dire les banques finançant le projet Y avec une faible valeur de y ou le projet X) à stopper leur activité. L’offre de crédit augmente quand la valeur du ratio de levier diminue.
L’arbitrage du régulateur
88Nous avons vu que la stabilité du système bancaire est renforcée seulement lorsque le ratio de levier est supérieur à et inférieur à x / (k – 1). La contrainte x / (k – 1) ne dépend pas du pouvoir du régulateur, contrairement à . Cela signifie qu’un fort pouvoir du régulateur en matière d’audits et de sanctions conduisant à ŷ > x / (k – 1) rend le ratio de levier inefficace pour augmenter la stabilité bancaire. De la même façon, lorsque le pouvoir du régulateur augmente, l’intervalle se réduit et l’effet positif du ratio de levier sur les banques malhonnêtes diminue. Cet effet positif est une fonction décroissante du pouvoir du régulateur et une fonction croissante de la valeur du ratio de levier K̃ (tant que K̃ reste inférieur à la limite x / (k – 1)). C’est pourquoi un régulateur avec peu de pouvoir va davantage être incité à instaurer un ratio de levier, en vue de réduire l’instabilité bancaire due à son faible pouvoir qui incite un grand nombre de banques à sous-estimer leur risque sous Bâle II.
89Néanmoins, nous avons montré que l’effet négatif de ce ratio de levier est la diminution inéluctable de l’offre de crédit. Cela conduit alors le régulateur national à un arbitrage entre l’effet potentiellement positif de l’ajout d’un ratio de levier à la Bâle III sur la stabilité bancaire, et son effet négatif sur l’offre de crédit. De plus, cet arbitrage doit prendre en compte la variation de l’espérance du coût total des audits. En effet, le risque déclaré par la banque (qui détermine la probabilité d’audit) est désormais situé dans l’intervalle [K̃, ȳ], alors que cette déclaration était située auparavant dans l’intervalle [y, ȳ] en l’absence de ratio de levier. Suivant Prescott [2004], nous avons supposé au départ de ce modèle que les déclarations de risque les plus faibles conduisent aux probabilités d’audit les plus fortes et donc à une espérance du coût total des audits plus élevée. Comme les audits tels que j ∈ [y, K̃] deviennent inutiles quand le ratio de levier est mis en place, la nouvelle espérance des coûts d’audits est égale à :
91Cependant, lorsque K̃ < ȳ, nous ne pouvons pas raisonnablement considérer que la diminution du coût total des audits peut compenser la réduction de l’offre de crédit et la réduction de la stabilité bancaire [14].
92En résumé, la première condition pour l’augmentation de l’utilité du régulateur après l’ajout d’un ratio de levier est l’instauration d’un seuil tel que :
94Quand cette première condition est satisfaite, le ratio de levier conduit à l’augmentation de l’utilité du régulateur si :
96La condition (18) indique que la réduction de l’espérance du coût social de faillite et du coût total des audits doit compenser la réduction de l’offre de crédit (selon les pondérations que le régulateur accorde à la stabilité bancaire d’une part et à l’offre de crédit d’autre part) pour que l’utilité totale augmente.
97Corollaire 5. L’utilité d’un régulateur qui attache une importance relativement élevée à l’offre de crédit va diminuer après l’instauration d’un ratio de levier, même dans le cas où ce nouveau ratio parviendrait à améliorer la stabilité bancaire.
Discussions
98Notre modèle montre que l’impact de l’ajout d’un ratio de levier à un ratio de capital pondéré du risque dépend du pouvoir du régulateur, mais aussi des paramètres présents dans le système bancaire (tels que le coût du capital, la probabilité de réussite des projets et leur rentabilité), ainsi que de l’importance qu’accorde le régulateur à l’offre de crédit et à la stabilité bancaire. Quand un régulateur national a déjà suffisamment de pouvoir pour inciter les banques à dévoiler leur véritable risque, l’ajout d’un ratio de levier s’avère trop coûteux. Au contraire, un régulateur avec peu de pouvoir doit faire face à un grand nombre de banques malhonnêtes sous Bâle II et dans ce cas un ratio de levier constitue un outil complémentaire capable d’améliorer l’utilité du régulateur par la diminution de l’instabilité bancaire, surtout si le coût social d’une faillite est élevé.
99Cela implique, premièrement, que la mise en place d’un ratio de levier dont le seuil minimum serait identique pour l’ensemble des pays serait alors insuffisante pour les pays avec un régulateur doté d’un faible pouvoir (c’est-à-dire peu de moyens pour auditer les banques, fortes pressions politiques, etc.). Alors qu’en termes d’offre de crédit, le même ratio serait inutile et socialement trop coûteux pour les régulateurs avec un pouvoir assez fort pour inciter suffisamment de banques à ne pas contourner la régulation. L’objectif de cet article n’est cependant pas de déterminer quels sont les pays qui auraient besoin d’un ratio de levier pour pallier un manque de pouvoir d’audit et de sanction. Une telle analyse constituerait néanmoins une intéressante extension empirique au modèle théorique présenté ici, d’autant plus que la littérature existante permet déjà d’évaluer les différents pouvoirs des régulateurs nationaux [15].
100Le second point mis en lumière par ce modèle est l’importance des objectifs de chaque régulateur pour évaluer les effets, positifs ou négatifs, de la mise en place de ce ratio de levier. En transposant le modèle au contexte actuel associé à l’offre de crédit, nous pouvons affirmer qu’en Europe la valeur α de la fonction d’utilité présentée dans l’équation (4) est relativement élevée, car les banques jouent un rôle déterminant dans le financement de l’économie réelle. De plus, nous pouvons supposer que la valeur de ces pondérations varie avec le temps et qu’en conséquence la pondération α est actuellement plus importante qu’auparavant en Europe, où le niveau d’investissement est trop faible pour permettre une reprise de l’activité économique. Nous pouvons aussi analyser la probabilité de faillite des banques européennes et la comparer, par exemple, à son équivalent américain : la littérature existante montre que les systèmes comptables présentent de grandes différences entre ces deux continents, avec notamment des normes comptables plus complaisantes aux États-Unis [16]. En résumé, la fonction d’utilité d’un régulateur européen devrait être plus affectée par l’introduction d’un ratio de levier que celle du régulateur américain, car les paramètres spécifiques à l’Europe rendent cette nouvelle régulation socialement plus coûteuse.
101La volonté du Comité de Bâle d’instaurer un ratio de levier est motivée par les imperfections du ratio de capital pondéré du risque constatées durant la crise des subprimes. Nous pouvons répertorier plusieurs types d’imperfections. Tout d’abord, le ratio de capital pondéré du risque et les modèles qui en découlent se focalisent sur des événements passés pour calculer le risque encouru dans le futur. D’autre part, dès leur mise en place, ils conduisent à un nouveau comportement de la part des agents, qui vont s’adapter aux nouvelles normes de régulation et les niveaux de risque existant jusqu’alors sont modifiés. Aussi, le ratio de capital pondéré du risque instauré par Bâle II était jugé trop faible car il prenait en compte le risque microprudentiel plutôt que macroprudentiel, ignorant alors le risque systémique [17]. Dans ces conditions, plus l’information est imparfaite, moins un ratio de capital pondéré du risque est efficace et plus un ratio de levier se révèle utile en tant qu’outil supplémentaire pour le régulateur. Nous ne pouvons pas ici modéliser tous les aspects de l’imperfection de l’information et à travers elle l’imperfection du ratio de capital pondéré du risque, cependant ces imperfections peuvent être représentées dans notre modèle par le pouvoir du régulateur. En effet, plus le pouvoir du régulateur est faible, moins le régulateur a accès à l’information, comme le montrent nos résultats, menant ainsi à davantage de contournement de la régulation et à un besoin plus important d’un ratio de levier.
102Notons que cet article analyse uniquement l’impact de l’ajout d’un ratio de levier et non l’ensemble des nouvelles mesures suggérées par Bâle III. À notre connaissance, il existe peu d’articles étudiant l’impact des autres contraintes en capital (telles que le coussin de conservation ou le coussin contracyclique) qui seront instaurées en même temps que le ratio de levier analysé ici, mais nous pouvons toutefois citer Buncic et Melecky [2014] et Aikman, Nelson et Tanaka [2015] pour une étude respectivement empirique et théorique de l’impact du ratio de capital contracyclique, dépendant du PIB.
Conclusions
103Nous étudions l’impact de l’ajout d’un ratio de levier à la Bâle III à un ratio de capital pondéré du risque sur le comportement des banques, l’offre de crédit et la stabilité bancaire. Nous établissons un modèle théorique combinant un problème d’aléa moral et un problème de sélection adverse, dans lequel les banques peuvent choisir entre une activité risquée ou non, puis peuvent déclarer un risque volontairement sous-estimé auprès du régulateur national. Le comportement de ces banques est influencé par la réglementation du capital, et affecte alors l’utilité du régulateur. Cette utilité dépend principalement ici de deux paramètres : la stabilité du système bancaire et l’offre de crédit.
104Nous montrons, tout d’abord, que l’instauration d’une régulation à la Bâle II permet de réduire l’instabilité bancaire sans altérer l’offre de crédit dans l’économie. L’instabilité bancaire se caractérise dans notre modèle par le nombre de banques détenant un niveau de capital trop faible pour couvrir ses pertes éventuelles, et nous montrons que cette instabilité est causée par les banques finançant les projets les plus risqués. En effet, ce type de banques est incité à sous-estimer son risque dans le but de se voir imposer un capital réglementaire moins contraignant. Avec une régulation à la Bâle II et les possibilités d’audits et de sanctions qu’elle implique, cette incitation à sous-estimer le risque encouru pour contourner la régulation est réduite, augmentant alors la stabilité bancaire. De plus, le nombre de banques détenant un niveau adéquat de capital augmente lorsque le régulateur bénéficie d’un fort pouvoir en matière d’audits et de sanctions, car un tel pouvoir décourage davantage la sous-estimation du risque.
105En revanche, l’ajout d’un ratio de levier à cette régulation à la Bâle II réduit l’offre de crédit sans nécessairement améliorer la stabilité bancaire. Plus exactement, ce ratio de levier contraint davantage les banques les plus sûres (c’est-à-dire celles finançant un projet pas ou peu risqué) au point d’en inciter certaines à ne plus exercer leur activité, réduisant alors l’offre de crédit dans l’économie. Cependant, la stabilité du système bancaire peut être renforcée par la mise en place d’un ratio de levier, mais uniquement si le pouvoir du régulateur est trop faible pour inciter suffisamment de banques à détenir un niveau adéquat de capital sous une régulation à la Bâle II. Dans ce cas, un ratio de levier constitue un bon outil complémentaire pour améliorer la stabilité bancaire et le régulateur doit alors faire un arbitrage entre la réduction de l’offre de crédit et l’augmentation de la stabilité bancaire. Le résultat de cet arbitrage dépend de l’importance qu’accorde le régulateur à chacun de ces deux objectifs. Quand, au contraire, le régulateur a assez de pouvoir pour inciter un nombre suffisamment élevé de banques à détenir un montant adéquat de capital, l’ajout d’un ratio de levier ne permet pas d’accroître la stabilité bancaire, il devient alors socialement trop coûteux car il est trop contraignant et conduit à une baisse de l’offre de crédit.
106Cet article montre ainsi qu’il est nécessaire de prendre en compte l’offre de crédit dans les préoccupations du régulateur, en mettant en lumière que l’intérêt pour un régulateur d’instaurer un ratio de levier dépend de l’importance relative qu’il accorde à l’offre de crédit et à la stabilité de son système bancaire. Dans une région comme l’Europe où l’offre de crédit joue un rôle primordial dans le financement de l’activité économique et où l’économie souffre actuellement d’un manque d’investissement, l’ajout d’un ratio de levier à la régulation existante peut sembler inadéquat et défavorable à la reprise économique.
I – Preuve de la proposition 1
107Le programme permettant la maximisation du profit espéré pour une banque finançant le projet Y peut être écrit :
109ce qui donne :
111où :
113et :
115Nous obtenons deux solutions possibles : (i) y = j et μ ≥ 0, ou (ii) y > j et μ = 0. Dans la première situation, la banque finançant Y est honnête et révèle son vrai risque et l’équation (21) conduit à :
117Dans la seconde situation, la banque est incitée à déclarer un risque sous-estimé et l’équation (21) se réécrit :
119Comme f′(j) < 0, nous obtenons f(j) > f(y) quand y > j. En comparant l’équation (23) et l’équation (24), nous voyons que :
121Comme f(j) est une fonction décroissante de j, l’équation (25) montre que la banque est incitée à révéler son vrai risque, soit y = j, quand :
123Dans le cas contraire, la banque déclare une fausse valeur de son risque et y > j. Notons que :
125ce qui implique que les conditions de second ordre sont satisfaites si :
127Comme f(j) est supposée convexe et f′(j) < 0, ces conditions de second ordre sont satisfaites.
128L’équation (25) conduit à un seuil de y : soit ŷ ∈ [y, ȳ] la valeur de y telle que :
130Ce seuil sépare les banques qui mentent sur leur risque (avec des valeurs de y élevées) et les banques honnêtes (avec de faibles valeurs de y).
II – Preuve du corollaire 1
131Nous pouvons séparer le profit d’une banque honnête, égal à :
133avec K = y et le profit d’une banque malhonnête, égal à :
135où K = j < y.
136Les équations (5) et (30) montrent que lorsque la nature donne à une banque une valeur de y inférieure à ŷ, elle ne finance pas le projet Y si le retour certain du projet X est suffisamment élevé, plus exactement si y(2λ – k) < x. Ce résultat signifie que la banque choisit le projet Y seulement si la valeur de y satisfait la condition suivante :
138De la même manière, une banque avec y > ŷ choisit d’ignorer le projet X si :
140Ces résultats signifient qu’une banque finance le projet Y seulement si et , quand les paramètres autorisent l’existence de ces intervalles. Dans le cas contraire, la banque finance le projet X. Néanmoins, les banques avec :
142déclarent un faux risque pour contourner la régulation.
143Comme démontré dans la troisième section, les banques avec y < x / λ financent le projet X en absence de régulation de capital. Quand un ratio de capital pondéré du risque est instauré dans le système bancaire, chaque banque avec sélectionne donc le projet certain. Comme , la mise en place d’un tel ratio de capital réduit le nombre de banques finançant le projet Y.
III – Preuve du corollaire 2
144Nous vons vu que toutes les banques avec déclarent un faux risque ; l’espérance du coût social d’une faillite est ainsi égale à :
146L’espérance du coût social d’une faillite est égale à ZN(1 – λ) · Pr[x / λ < y] quand le régulateur national n’instaure pas de régulation de capital, comme indiqué dans l’équation (7). Ici, ; l’instabilité bancaire est alors réduite par une régulation à la Bâle II, à travers la baisse de la probabilité de faillite et de son coût social espéré.
147De plus, comme au moins un projet conduit à un profit positif, l’ensemble des banques finance un projet et l’offre de crédit reste égale à N, comme en l’absence de régulation.
148Les résultats précédents permettent d’écrire l’utilité du régulateur, en tenant compte des coûts d’audits :
150Avec la mise en place de ce ratio de capital pondéré du risque, l’instabilité bancaire est réduite (même si les banques les plus risquées contournent la régulation), l’offre de crédit est inchangée et le régulateur doit maintenant supporter des coûts d’audits. À moins que le régulateur n’accorde une faible importance à la stabilité bancaire et ne doive faire face à des coûts d’audits élevés, son utilité est augmentée par la mise en place du ratio de capital pondéré du risque.
IV – Preuve de la proposition 2
151Après la mise en place d’un ratio de levier à la Bâle III, la valeur j déclarée par une banque malhonnête est située dans l’intervalle [K̃, y], à la place de l’intervalle [y, y] sous une régulation à la Bâle II. Notons Δj le capital excédentaire, détenu en plus du capital imposé par le régulateur, tel que j = Δj + K̃. Nous pouvons réécrire le profit présenté dans l’équation (11) :
153Une banque malhonnête maximise son profit sous la contrainte suivante :
155Cela conduit à :
157où :
159et :
161Comme dans la proposition 1, il existe deux situations possibles : (i) y = Δj + K̃ et μ > 0, ou (ii) y ≥ Δj + K̃ = j et μ = 0.
162Dans la première situation, chaque banque finançant le projet Y révèle son vrai risque (i.e. y = Δj + K̃) et l’équation (39) conduit au même résultat que l’équation (23) :
164Dans la seconde situation, la banque déclare un faux risque et l’équation (21) devient :
166En procédant comme dans la démonstration de la proposition 1, la comparaison de l’équation (41) et de l’équation (42) pour tout y ≥ Δj + K̃ donne :
168et nous obtenons la même condition trouvée dans l’équation (26) incitant les banques à révéler leur vrai risque :
170donc le seuil de y qui sépare les banques honnêtes des banques malhonnêtes est encore égal à :
172En résumé, la mise en place du ratio de levier en plus d’un ratio de capital pondéré du risque n’améliore pas la stabilité bancaire quand le régulateur a un fort pouvoir en termes d’audits et de sanctions. Seul un ratio de levier tel que K̃ > ŷ peut conduire à une amélioration de cette stabilité.
V – Preuve de la proposition 3
173Comme dans la proposition 2, nous devons distinguer les incitations à financer le projet Y, selon que ŷ < K̃ ou K̃ ≤ ŷ. De plus, nous analysons aussi le cas particulier où x / (k – 1) ≤ K̃.
174Premièrement, lorsque K̃ < ŷ (c’est-à-dire quand la condition de la proposition 2 n’est pas respectée), le ratio de levier ne réduit pas l’instabilité bancaire. Un tel ratio conduit à trois états de la nature :
176respectivement pour y < K̃, y ∈ [K̃, ŷ] et y > ŷ. Connaissant le profit du projet X, donné par l’équation (12), l’équation (46) permet de calculer les valeurs de y incitant les banques à financer le projet Y quand le ratio de levier K̃ est inférieur à ŷ. Dans ce contexte, une banque choisit le projet Y quand la nature donne une valeur de y telle que :
178Deuxièmement, lorsque ŷ < K̃ < x / (k – 1), l’espérance du profit du projet Y dépend de la valeur du risque y par rapport à la valeur du ratio de levier K̃. Dans cette situation, l’espérance des profits avec y < K̃ et avec K̃ < y est respectivement :
180Quand le ratio de levier est tel que K̃ ∈]ŷ, x / (k – 1)[, les profits décrits dans l’équation (48) conduisent à de nouveaux intervalles de y incitant la banque à financer le projet Y plutôt que le projet X (quand ces intervalles existent). Désormais, une banque finance le projet Y si la nature lui donne une valeur de y telle que :
182Troisièmement, dans la situation particulière où le ratio de levier est supérieur à x / (k – 1), le seul projet financé est le projet Y (comme mentionné ci-dessus) et les banques maximisent leur profit avec une fausse déclaration pour tout y > max{K̃, ŷ}. Ces résultats montrent un point important : quand le ratio de levier est inférieur à x / (k – 1), une banque sous-estime son risque lorsque , alors que nous avons vu que les banques déclarent un faux risque en l’absence de ratio de levier si .
183Comme , cette nouvelle régulation réduit la stabilité bancaire à travers l’incitation à financer le projet Y avec une fausse déclaration plutôt que financer le projet X (devenu trop contraignant après l’arrivée du ratio de levier) pour les banques avec :
185excepté lorsque le ratio de levier compense cet effet, c’est-à-dire quand :
187L’équation (51) représente la condition nécessaire et suffisante permettant une amélioration de la stabilité bancaire après l’ajout du ratio de levier. Quand le régulateur national bénéficie d’un fort pouvoir tel que K̃ < ŷ, la mise en place de ce ratio de levier augmente le nombre de banques malhonnêtes et lorsque ŷ < K, seul un ratio de levier supérieur à amène une réduction du nombre de banques malhonnêtes.
VI – Preuves de la proposition 4
188Les valeurs de y incitant une banque à financer le projet Y à la place du projet X (sous une régulation à la Bâle II aussi bien qu’avec un ratio de levier à la Bâle III) sont connues. Avec un ratio de levier, ces valeurs de y dépendent de la valeur du ratio de levier K̃. Nous savons qu’un ratio de levier supérieur à x / (k – 1) implique que seul le projet Y est financé et il est alors clair que dans ce cas le ratio de levier augmente la prise de risque. Nous analysons ici comment cette prise de risque des banques est affectée par la mise en place d’un ratio de levier inférieur à x / (k – 1) et nous distinguons deux catégories de ratio de levier : d’abord un ratio de levier tel que x / (k – 1) > K̃ > ŷ, puis lorsque K̃ ≤ ŷ.
189Quand un ratio de levier tel que x / (k – 1) > K̃ > ŷ est imposé aux banques, les intervalles de y menant à la sélection du projet Y sont et , à la place de, respectivement, et avec une régulation à la Bâle II. Une augmentation de la prise de risque se produit donc si :
191et :
193Comme k > 1 et que la probabilité de succès du projet Y respecte 0,5 < λ < 1, alors nous obtenons 2λ – k < 2λ – 1 < 1 et la condition (52) ainsi que la condition (53) sont respectées. Notons que est la différence entre et . En résumé, un ratio de levier supérieur à ŷ (c’est-à-dire un ratio de levier instauré dans un système bancaire avec un régulateur bénéficiant d’un fort pouvoir d’audit et de sanction) augmente la prise de risque.
194Quand le régulateur national impose aux banques un ratio de levier au moins égal à ŷ, les intervalles de y conduisant au financement du projet Y sont identiques à ceux précédemment trouvés lorsque x / (k – 1) > K̃ > ŷ, excepté que nous avons désormais un autre intervalle de y tel que le projet X est financé. En d’autres termes, l’incitation à financer le projet Y est plus faible quand le ratio de levier est tel que K̃ ≤ ŷ plutôt que quand K̃ > ŷ, sauf si K̃(2λ – 1) ≥ x. Dans ce dernier cas, cette incitation à financer le projet Y est identique pour tout K̃ < x / (k – 1) et la mise en place de ce ratio de levier augmente inévitablement la prise de risque. D’un autre côté, quand K̃(2λ – 1) < x, nous ne pouvons pas déterminer si une augmentation de la prise de risque se produit, car un tel effet va dépendre de la distribution de y. Plus exactement, quand le ratio de levier est inférieur ou égal à ŷ, la prise de risque est réduite si la probabilité d’obtenir est supérieure à la probabilité d’obtenir et . Cette condition se traduit par un ratio de levier relativement faible combiné à un retour élevé du projet X et à une probabilité de succès du projet Y relativement faible. Dans le cas contraire, l’augmentation de la prise de risque suivant l’ajout d’un ratio de levier à un ratio de capital pondéré du risque est établie.
Bibliographie
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Notes
-
[*]
LAPE, Université de Limoges. Correspondance : LAPE, Faculté de droit et des sciences économiques, 5 rue Félix Éboué, 87031 Limoges Cedex 1, France. Courriel :kevin.spinassou@unilim.fr
-
[1]
Voir Basel Committee on Banking Supervision [2010] pour le texte d’origine des accords de Bâle III, et Basel Committee on Banking Supervision [2014] pour davantage de précisions concernant le ratio de levier actuellement en cours d’instauration, ainsi que Rugemintwari, Sauriat et Tarazi [2012] pour une note expliquant la motivation et la mise en œuvre de ce ratio de levier.
-
[2]
Cette période a débuté le 1er janvier 2013 et doit se conclure le 1er janvier 2017. Pour marquer l’entrée dans la deuxième moitié de cette période, les banques doivent depuis le 1er janvier 2015 rendre publique la valeur de leur ratio de levier.
-
[3]
Voir Allen et Gale [1999] pour une étude sur les particularités de chaque système financier.
-
[4]
Pour une revue de la littérature des modèles théoriques analysant les effets des régulations antérieures, voir VanHoose [2007] et Freixas et Rochet [2008].
-
[5]
Cette hypothèse, communément utilisée dans la littérature bancaire (par exemple Blum [2008] et Repullo et Suarez [2004]), n’affecte pas les résultats de notre modèle, mais doit néanmoins être prise en compte si l’on veut adapter ces résultats aux paramètres réels, comme cela sera fait dans la note de bas de page 13.
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[6]
Nous supposons ici que la banque peut investir dans les obligations d’un pays de référence qualifié de sûr tel que l’Allemagne ou les États-Unis. Néanmoins, même si cette hypothèse d’un projet sûr est classique dans la littérature existante, la crise des dettes souveraines a montré que le marché pouvait considérer à tort des obligations d’État comme sûres (l’exemple de la Grèce est le plus manifeste). Il serait alors intéressant de prendre en compte un tel aspect dans un futur modèle de théorie bancaire.
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[7]
Cette hypothèse est courante dans la littérature bancaire (voir par exemple Blum [2008] et Rugemintwari [2011]). Prescott [2008] utilise quant à lui une pénalité fixe, indépendante de l’ampleur de la sous-estimation du risque.
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[8]
Une telle hypothèse peut paraître inappropriée, étant donné les dommages que peut causer un excès de crédit dans une économie, et pourrait amener à penser que l’objectif du régulateur est d’atteindre une situation de « bulle de crédit ». Cette hypothèse, dont le but est de simplifier le modèle sans affecter nos résultats, peut alors être vue comme une cible à atteindre pour ce régulateur (dans l’esprit de Goodhart et Huang [1999]) et cette cible serait ici simplement fixée à N.
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[9]
Notons que nous aurions pu privilégier une hypothèse accordant plus de poids au financement du projet Y dans la fonction d’utilité du régulateur, car ce projet peut être vu comme un moyen efficace de stimuler l’activité économique. Seulement, étant donné que le projet X contribue lui aussi au financement de l’économie, nous choisissons de garder une hypothèse ne favorisant pas le financement de l’un des deux projets dans la fonction d’utilité du régulateur.
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[10]
Cette variable Z représente l’ensemble des coûts directs ou indirects d’une faillite. Nous pouvons, par exemple, y inclure le risque systémique présent dans le système bancaire, ou encore le coût social que représentent les licenciements engendrés par une faillite.
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[11]
Leur profit est défini par l’équation (5).
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[12]
C’est-à-dire lorsque f(ȳ)s ≥ (k – λ) / λ, où toutes les banques déclarent alors leur vrai risque quelle que soit leur valeur de y.
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[13]
Notons que cette valeur critique du retour du projet sûr est ici proche du taux de rendement des titres sans risque que nous pouvons observer actuellement. En effet, nous avons supposé dans ce modèle un taux d’intérêt des dépôts (considérés comme sans risque car totalement assurés) égal à 0 % et ce taux d’intérêt nul suppose implicitement une inflation nulle dans notre modèle. Le taux de rendement des titres étant lié au taux d’inflation de leur devise, nous devons prendre en compte le taux de rendement d’obligations souveraines émises dans une devise connaissant actuellement une inflation très faible et considérées comme sûres. Nous choisissons alors d’observer les obligations suisses et allemandes, dont le taux de rendement pour les obligations à dix ans de ces pays était respectivement de 0,32 % et 0,54 % au 1er janvier 2015. Le coût du capital étant communément évalué autour de 10 % et le ratio de levier suggéré par Bâle étant fixé à 3 %, nous obtenons avec ces paramètres une valeur de xc égale à 0,3 %. Cette valeur de xc reste donc compatible avec les valeurs actuellement présentes sur les marchés.
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[14]
En effet, rappelons qu’un ratio de levier inférieur à ŷ augmente l’incitation à déclarer un risque sous-estimé et réduit ainsi la stabilité bancaire.
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[15]
Voir par exemple Barth, Caprio et Levine [2013] pour une étude récente sur la question. Ces auteurs ont également construit une base de données sur le sujet, que Laeven et Levine [2009] utilisent pour établir un indice sur les capacités de chaque régulateur national à mener des audits sur le risque des banques et le capital qui en découle. Cet indice montre qu’il y a une forte disparité parmi les régulateurs concernant ce pouvoir.
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[16]
Rugemintwari, Sauviat et Tarazi [2012] reprennent une analyse de Standard & Poor’s (Dalmaz [2010]) pour expliquer qu’en 2009 le total des actifs de la Deutsche Bank était évalué à 891 milliards d’euros avec la méthode comptable américaine GAAP et à 1 501 milliards d’euros (soit presque 70 % de plus) avec la méthode IFRS alors appliquée en Europe. Notons également que les différences de méthodes comptables permettent aux banques américaines de sortir les prêts immobiliers de leur bilan, contrairement aux banques européennes.
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[17]
Voir Rochet [2008] pour une synthèse des imperfections du ratio de capital pondéré du risque.