Couverture de RECO_674

Article de revue

Réformes économiques et pauvreté monétaire en outre-mer : les apports d’un modèle EGC microsimulé

Pages 773 à 796

Notes

  • [*]
    CREDDI, Université des Antilles. Correspondance : UFR Sciences juridiques et économiques, Campus de Fouillole, BP 270, 97157 Pointe-à-Pitre. Courriel : smathour@univ-ag.fr
  • [1]
    Plusieurs d’entre eux sont recensés dans le rapport de l’Inspection générale des finances remis en 2012 sur les niches fiscales et sociales.
  • [2]
    Quelques rapports ont aussi traité de ces sujets, tels que les rapports Pêcheur, Mossé, Brard ou Laffineur, qui ont évalué le montant des surrémunérations des fonctionnaires, ou le rapport Hanotin-Vlody et celui du cabinet Louis Lengrand et Associés sur l’octroi de mer.
  • [3]
    L’appellation modèle de type macro-micro fait référence aux applications de modèles EGC avec un module microéconomique des ménages intégré ou non au module macro. Certains auteurs font aussi référence à la modélisation EGC-microsimulation. La première utilisation de ce terme est dans Bourguignon, Branson et De Melo [1989].
  • [4]
    Savard [2006], Boccanfuso, Missinhoun et Savard [2010], Hertel et Reimer [2005] ou encore Bourguignon et Spadaro [2006] proposent une présentation plus large.
  • [5]
    PEP (Poverty and Economic Policy) est un réseau de recherche.
  • [6]
    La concentration dans la distribution en outre-mer a été mise en évidence par un rapport de l’Autorité de la concurrence [2009].
  • [7]
    Des conventions collectives spécifiques ont été signées dans certains secteurs prévoyant une prime de vie chère. Par exemple, en Guadeloupe, c’est le cas de l’hôtellerie (+ 25 %), des entreprises du secteur pétrolier (+ 25 %), du secteur de la minoterie (+ 50 %) et de la cimenterie (+ 40 %).
  • [8]
    La crise de 2009 a mis en lumière l’existence de comportements collusifs dans les départements d’outre-mer, en l’occurrence des situations de monopole dans quelques secteurs clés de l’économie.
  • [9]
    En 2008, la direction générale du Trésor et de la Politique économique a estimé le taux de mark-up pour la France à 27 % sur la période 1982-1994. Le mark-up de l’ensemble de l’économie (activités non marchandes incluses) est passé à 26 % sur la période 1995-2002. L’étude d’Oliveira-Martins, Pilat et Scarpetta [1996] fournit des estimations du taux de marge et des coûts marginaux pour 36 industries manufacturières françaises sur la période 1970-1992. Les estimations s’appuient sur les techniques de Roeger [1995]. Les auteurs concluent que, dans l’ensemble, les taux de marge (qui en moyenne sont égaux à 17 %) sont moins élevés que ceux calculés dans d’autres études. Au vu de ces quelques éléments, le taux retenu est une hypothèse de travail qui a fait l’objet de tests de sensibilité. Par exemple, nous avons simulé l’abandon du protectionnisme pour des taux calibrés à 10 % et à 50 % du rendement du capital comme Cockburn, Decaluwé et Dostie [1998]. Les résultats apparaissent robustes.
  • [10]
    Cette distinction se justifie d’autant plus que, en 2005, les importations de biens se sont élevées à 2 204 millions d’euros et qu’en dix ans le montant des importations a progressé de 50,6 %, soit une croissance annuelle moyenne de 5 %.
  • [11]
    Cette probabilité est approximée par le rapport de la demande totale de travail privé sur l’offre totale de ce travail. Les travailleurs formulent donc un salaire anticipé correspondant au taux de salaire privé multiplié par la probabilité qu’ils ont de trouver un emploi dans le privé.
  • [12]
    Plus précisément, « Agriculture » concerne la banane, la canne à sucre, autre agriculture et la pêche. « Industrie » comprend le rhum, la viande et le lait, les autres industries agroalimentaires, l’industrie des biens de consommation, l’industrie de biens d’équipement, l’industrie des produits minéraux, les autres industries des biens intermédiaires, les combustibles, l’eau et l’électricité ainsi que la construction. Enfin, « Services » englobe le commerce, le transport, les activités financières, les activités immobilières, la poste et les télécommunications, les autres services aux entreprises, l’hôtellerie-restauration, les autres services aux particuliers, l’éducation-santé et les administrations.
  • [13]
    L’indice est calculé à partir des prix des produits consommés par les agents.
  • [14]
    Il n’en va pas de même dans tous les secteurs, car ceux qui sont moins protégés absorbent les travailleurs mis à pied dans ceux initialement protégés. Dans les secteurs où il y a un accroissement de la main-d’œuvre, le capital spécifique devient relativement plus rare, ce qui pousse le rendement du capital à la hausse.
  • [15]
    On entend par « offre de travail public espérée », les travailleurs ayant décidé ou désireux de rejoindre le secteur public. De même, on entend par « offre de travail privé espérée », les travailleurs ayant décidé ou désireux de rejoindre le secteur privé.
  • [16]
    Selon une étude de l’Insee [2013], en 2010 par exemple, le salaire moyen était inférieur de 9 % à celui de France métropolitaine. Si pour les ouvriers le différentiel de rémunération est défavorable (de l’ordre de 4 %), il est en revanche favorable aux DOM pour les plus qualifiés. Plusieurs éléments d’explication de ces écarts peuvent être avancés. Les DOM sont souvent en déficit de main-d’œuvre qualifiée et expérimentée. Pour Marie et Rallu [2004], les entreprises sont donc souvent contraintes de recruter sur le marché national plutôt que local et de proposer des rémunérations suffisamment attractives pour attirer des candidats. La régression estimée a montré une causalité significative entre les salaires privés qualifiés et les salaires publics.
  • [17]
    Notons que dans les modèles de type équilibre général calculable, tous les résultats observés, comme les baisses de salaire privé par exemple, sont des effets directement observés à long terme.
  • [18]
    Nous avons postulé qu’il existait un syndicat qui exerçait une certaine rigidité sur les salaires. Aussi, le mécanisme des négociations salariales à l’œuvre dans le modèle aboutit finalement à des variations de taux de salaires composites plus modérées dans la fonction publique que la baisse initiale de 28 %.
  • [19]
    Dans une simulation alternative, nous avons relâché cette règle de fermeture et le chômage est apparu à la hausse. L’État joue donc ici un rôle d’amortisseur social.

Introduction

1Historiquement, le développement des départements d’outre-mer doit beaucoup aux différentes politiques mises en œuvre au nom de la « solidarité nationale » pour atténuer leurs handicaps vis-à-vis des autres régions françaises. Ces régions bénéficient ainsi de tout un ensemble de dispositifs fiscaux et budgétaires [1] : réductions et exonérations de TVA, exonérations de charges patronales, défiscalisation des investissements productifs, du logement social, de la plaisance, abattement d’impôt sur le revenu, continuité territoriale, aide au fret, TVA non perçue récupérable, etc. Elles ont jusqu’ici contribué à une expansion économique plus rapide qu’en métropole, sur les quinze dernières années. Toutefois, le taux de pauvreté monétaire demeure toujours aussi élevé, notamment en raison d’un coût de la vie plus élevé. Cette question de « la vie chère » structure tous les débats économiques, politiques et sociaux qui animent ces départements, parfois de manière violente comme ce fut le cas avec la crise sociale de 2009.

2À notre sens, deux dispositifs jouent un rôle non négligeable sur l’économie et plus précisément sur le pouvoir d’achat des ménages : l’octroi de mer et les majorations de traitement des fonctionnaires. L’octroi de mer concerne plutôt le côté offre de l’économie. Il s’agit d’une taxe sur les produits au même titre que la TVA ou les droits de douane mais avec pour objectif de compenser les surcoûts de production des entreprises locales : les produits importés sont plus lourdement taxés. De leur côté, les surrémunérations des fonctionnaires (ou prime de vie chère) soutiennent la demande des ménages. Originellement, elles devaient favoriser l’attractivité de main-d’œuvre vers ces territoires. Grâce à cette politique salariale avantageuse, le secteur public est devenu plus attrayant sur le marché du travail, et ce, au détriment des autres secteurs moins rémunérateurs.

3De manière assez intuitive, ces deux dispositifs, aussi fondés qu’ils pouvaient être, participent à un accroissement du niveau général des prix : l’octroi de mer de manière très directe en étant grevé sur les prix de marché et la prime de vie chère en provoquant une inflation nominale. Plusieurs études ont déjà examiné les effets de ces dispositifs (Célimène [1987] ; Maurin, Meyer et Montauban [1994] ; Mathouraparsad, Maurin et Montauban [2007] ; Mathouraparsad [2012] ; Cogneau et Dumont [2000] ; Croissant [2003]) [2]. Cet article propose de quantifier ces effets en simulant les conséquences de leur réforme ou de leur suppression dans un cadre théorique adapté aux économies domiennes. La méthodologie est inspirée de Boccanfuso, Missinhoun et Savard [2010]. Elle combine un modèle en équilibre général calculable (MEGC) et un modèle de microsimulation pour apprécier les effets de réformes économiques sur la distribution des revenus et la pauvreté monétaire des ménages, en s’intéressant surtout aux plus pauvres.

4Se placer dans ce cadre d’analyse suppose de prendre en compte un certain nombre de spécificités des économies domiennes. En particulier, pour être assez fidèle, notre modèle doit intégrer plusieurs concepts qui sont autant de caractéristiques de ces régions. Ce sont des économies caractérisées comme des économies « de rente » (Poirine [2007]) ou « sous serre » (Naudet [2006]). Leur système productif est très concentré avec des situations de monopole ou de quasi-monopole. Leurs marchés internes sont étroits avec un degré d’élasticité- prix de la demande d’exportations faible, des rigidités de prix (prix du carburant fixé par les préfectures, prix de l’électricité fixé par l’État, taux de mark-up dans le commerce) et de salaires (salaire public majoré et fixé, différentiels de salaire négociés par les syndicats, salaire au voisinage du Smic et contraint pour les travailleurs non qualifiés). Ces territoires bénéficient d’une protection des marchés intérieurs et de spécificités fiscales (octroi de mer, recettes fiscales de la taxe spéciale de consommation de carburants perçues par les collectivités locales et absence de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, etc.) ainsi que de subventions à l’exportation (de bananes) et d’exonérations de charges dans certaines branches d’activité plus importantes qu’au niveau national. Ces économies sont en présence d’un sous-emploi avec un chômage d’attente sur le marché du travail et une courbe des salaires privés qualifiés quasi indexée sur le salaire public.

5À notre connaissance, l’application de cette approche aux économies domiennes, capable de prendre en considération ces spécificités dans la conduite des réformes, est originale. L’un des mérites des MEGC est de pouvoir tenir compte des éléments structurants de ces économies. L’avantage du couplage à un module de microsimulation est d’apprécier l’impact sur le revenu des ménages des scénarios envisagés.

6Dans la première partie de l’article, nous présentons le modèle. Les deuxième et troisième parties sont consacrées aux résultats des simulations des deux types de réforme envisagés, concernant successivement l’octroi de mer et les surrémunérations des fonctionnaires, d’abord sur le plan macroéconomique puis sur le plan de la pauvreté monétaire des ménages.

Le modèle

7La littérature distingue globalement trois grandes catégories [3] de modèles EGC de type macro-micro pour l’analyse de pauvreté. En premier lieu [4], on peut trouver les MEGC avec agents représentatifs qui n’utilisent que les variations de revenus et de dépenses des ménages représentatifs pour faire l’analyse de pauvreté et de distribution de revenus. Par conséquent, la variance des revenus (et donc des inégalités) des groupes de ménages est la même que celle des agents représentatifs, alors que la variation des inégalités intragroupes peut se révéler bien plus importante que la variation des inégalités intergroupes (Huppi et Ravallion [1991] ; Ravallion et Chen [1997] ; Savard [2005]). En deuxième lieu, il y a les modèles multiménages séquentiels. Dans cette approche, des variations de prix sont générées dans le MEGC et injectées dans un modèle de microsimulation. Le modèle de microsimulation peut prendre en compte des comportements microéconomiques qui peuvent être soit exogènes (Chen et Ravallion [2003]), soit endogènes. C’est notamment le cas de Bourguignon, Robilliard et Robinson [2002] qui ont proposé d’enrichir les comportements microéconomiques des ménages par rapport à la version de Chen et Ravallion [2003] en modélisant au niveau micro le choix d’occupation des ménages. Mais cette seconde approche ne prend pas en compte la façon dont ces comportements rétroagissent sur l’équilibre général, d’où une absence de cohérence entre les modules macro et micro. L’approche que nous retenons s’inscrit dans le courant des travaux de Cogneau et Robilliard [2007] et Savard [2006]. La méthode de ce dernier consiste à relier les modules EGC et microsimulation par des itérations successives de type « top-down » puis « bottom-up ». Elles permettent de prendre en compte les effets rétroactifs de chaque module et d’assurer in fine une cohérence entre les données des deux outils qui ne reposent pas sur les mêmes sources comptables.

8Le module d’équilibre général calculable pour l’outre-mer (appelé CloDyn) que nous avons construit est un instrument d’analyse conçu dans la tradition des modèles néoclassiques d’équilibre général à la Dervis, De Melo et Robinson [1982] et inspiré du modèle PEP-1-1 [5] (Decaluwé et al. [2012]). Il vise à retranscrire de manière fidèle les mécanismes économiques et les caractéristiques de ce territoire. Archipel isolé du fait de son éloignement du continent européen, c’est une région insulaire, caractérisée par des marchés internes exigus. Pour compenser les surcoûts de production auxquels fait face l’économie guadeloupéenne, la législation a prévu l’application d’une taxe qui grève plus fortement les prix des produits importés. Perçue par les administrations publiques locales, pour qui elle constitue une ressource financière substantielle, cette imposition pèse finalement sur le budget des ménages, lesquels sont inégalement armés face au niveau élevé des prix selon leur niveau de rémunération.

9De son côté, le système de surrémunérations dans le public et quelques secteurs privés accentue la bipolarisation de la société entre ceux qui ont les moyens et ceux qui ne les ont pas. Avec l’augmentation du pouvoir d’achat due aux majorations de salaire, les ménages ont tendance à chercher des biens de plus en plus sophistiqués (Dimou [2007]), ce qui entraîne une augmentation des importations, des produits importés « surtaxés » par l’octroi de mer sur le marché intérieur et distribués par un oligopole. Le pouvoir oligopolistique de la distribution [6] exercé sur le marché intérieur se nourrit donc de la prime de vie chère et renchérit à son tour les prix des produits.

10Par ailleurs, ce dispositif salarial a exercé un effet Todaro sur le marché du travail. Il a eu tendance à attirer beaucoup de personnes bien formées qui préféraient alors décrocher un travail surrémunéré dans la fonction publique où ils pouvaient bénéficier de la sécurité de l’emploi, plutôt que tenter de rejoindre les secteurs du privé.

11Le différentiel de salaire constaté dans le public, très supérieur à celui constaté en métropole, a constitué par conséquent un frein au développement de l’emploi dans le secteur marchand et a contribué à aviver des tensions sociales : les syndicats, observant une hausse du coût de la vie, exercent des pressions pour augmenter les salaires du privé de manière à améliorer le pouvoir d’achat, d’où un effet contagion des majorations de salaire [7]. Par conséquent, le coût du travail dans le secteur privé augmente, ce qui se répercute sur les prix et rend les économies d’outre-mer moins compétitives que les pays voisins.

Le module EGC

12Plusieurs types de structure de marché cohabitent dans les territoires domiens. Dans notre modèle, la plupart des secteurs d’activité génèrent de la valeur ajoutée de manière concurrentielle, en combinant les facteurs de production à l’aide d’une fonction CES. Toutefois, certains sont en situation de concurrence oligopolistique, voire monopolistique. On utilise dans leur cas des fonctions de production Cobb-Douglas. C’est en particulier le cas des secteurs du commerce, du carburant et des télécommunications [8]. Dans la pratique, le coût marginal de production, et donc le mark-up, n’est pas directement observable, à la différence du prix de vente. Nous avons retenu un taux de mark-up de 20 % [9]. Pour modéliser le comportement de ces secteurs, nous avons adopté un comportement à la Cournot (Cockburn, Decaluwé et Dostie [1998]). En situation de concurrence imparfaite, il y a une rigidité des prix spécifiée par une équation de Lerner qui intègre une élasticité-prix endogène de la demande pour le produit local sur le marché intérieur. Cette élasticité-prix de la demande découle de l’hypothèse d’Armington de substituabilité imparfaite entre les produits importés et les produits locaux. Elle dépend aussi du prix de ces différents produits. Ainsi, si le prix des produits importés diminue, l’élasticité-prix à laquelle fait face l’entreprise locale augmente. L’entreprise répond à une demande qui chute. Elle réduit alors sa marge, ce qui fait baisser son prix ; c’est un effet procompétitif.

13Comme de tradition dans les modèles EGC, la consommation des ménages est un produit composite spécifié à l’aide d’une CES à la Armington dans laquelle les produits d’origine locale ou importée sont considérés comme des substituts imparfaits dans les préférences des consommateurs [10]. Le prix payé par les agents domestiques pour obtenir le produit importé est le prix international du produit, converti en monnaie locale, auquel s’ajoutent les tarifs douaniers dont l’octroi de mer, marges et taxes indirectes intérieures.

14L’octroi de mer est une taxe qui s’applique à la fois aux produits importés et aux produits locaux mais avec un différentiel nettement au bénéfice de la production locale afin de compenser les surcoûts de production supportés par les producteurs locaux. Nous avons adopté les hypothèses simplificatrices suivantes :

  • du point de vue de l’assiette, on peut le considérer comme un droit de douane pour les importations et une TVA non déductible pour les produits locaux ;
  • les consommations intermédiaires, les biens d’investissement et les dépenses publiques ne sont pas sujets à l’octroi de mer, qui est assis uniquement sur la consommation finale des ménages.

15Une autre grande distinction des économies domiennes vis-à-vis de l’Hexagone est certainement le fonctionnement du marché du travail. Affichant un taux de chômage d’environ 26 % en 2005, la structure du marché du travail est en réalité toute particulière puisque le secteur tertiaire concentre 72,3 % des emplois en 2005 (dont 40,9 % pour les services non marchands) et regroupe 63,4 % des demandes d’emploi.

16En premier lieu, le modèle considère deux types de main-d’œuvre dans chaque branche et plusieurs formes d’ajustement des salaires. On compte des travailleurs non qualifiés (ou à « bas salaires ») et des travailleurs qualifiés. Pour les travailleurs non qualifiés, nous retenons une wage curve à la Blanchflower et Oswald [2005]. La littérature a montré que cette approche empirique est compatible avec des théories microéconomiques de formation des salaires comme celle du salaire d’efficience, des négociations collectives ou des contrats implicites. Elle a en outre l’avantage d’éviter les hypothèses extrêmes de plein-emploi ou de rigidité complète des salaires.

17Mais il y a un processus de formation des salaires largement contraint par des règles exogènes. Il existe des salaires minimums et des sursalaires. Ainsi, l’hypothèse de formation des salaires des travailleurs qualifiés s’est appuyée sur plusieurs études et rapports, notamment ceux de Laffineur [2003] et Brard [2007]. Ils rappellent que, depuis leur mise en place, les surrémunérations du public se sont répandues aux secteurs semi-privés et privés (banques, assurance, services juridiques, médicaux et paramédicaux, hôtellerie, secteur pétrolier, électricité, secteur de la minoterie et de la cimenterie). Nous avons donc postulé une relation qui suggère que plus le salaire public augmente et plus le salaire privé des qualifiés augmente. Cette hypothèse d’effet contagion du salaire public sur le salaire privé des qualifiés a été testée économétriquement et s’est avérée significative.

18Par ailleurs, les travailleurs à bas salaires sont supposés être rémunérés au voisinage du Smic et leurs salaires sont donc rigides à la baisse.

19En second lieu, le processus de formation des salaires découle des choix sectoriels des travailleurs qui font face à des demandes de travail déterminées par des logiques différentes dans le public et le privé. Les agents comparent les salaires versés dans les deux compartiments du marché du travail pour émettre leur offre de travail. Nous supposons qu’ils ont une préférence pour rejoindre le secteur public en raison de la politique salariale pratiquée, ce qui renvoie à un modèle à la Harris-Todaro, leur embauche effective dans ce secteur dépendant ensuite de la demande de travail.

20Les agents peuvent aussi rejoindre le secteur privé. Ils ont une certaine probabilité d’y trouver un emploi [11] qui dépend du taux de chômage. Plus le chômage augmente, plus la probabilité de trouver un emploi dans le secteur privé diminue, plus leur salaire anticipé diminue et plus les chances de rejoindre le secteur privé diminuent. La part de main-d’œuvre qui n’a trouvé d’emploi ni dans le privé ni dans le public se retrouve au chômage. Les chômeurs perçoivent des prestations d’assurance chômage dont la masse globale dépend de façon endogène dans le modèle du taux de remplacement, du nombre de chômeurs et du taux de salaire du dernier emploi.

21Dans le même temps, dans le cas du privé, l’activité et la demande de travail dépendent des préférences des ménages, du degré de la concurrence et de l’octroi de mer. En définitive, cela conduit à des désajustements entre l’offre et la demande de travail qui rétroagissent partiellement sur la dynamique salariale.

Le module de microsimulation

22Un lien entre les modules EGC et de microsimulation doit être spécifié afin de capter les effets macroéconomiques obtenus dans le premier et de les injecter ensuite dans le second pour apprécier in fine les effets redistributifs au niveau des différentes catégories de ménages. L’approche monétaire de la pauvreté est presque imposée par la modélisation en équilibre général. Nous ne considérons que la dimension monétaire caractérisée par le vecteur revenu/dépenses totales des ménages supposé être l’indicateur de bien-être.

23Pour évaluer les impacts sur la pauvreté monétaire, nous avons conçu un module de microsimulation. Nous avons adopté l’approche de King [1983] qui propose une mesure cardinale de bien-être individuel. Dans notre approche, les revenus individuels ont été déflatés par des indices de prix personnalisés tenant compte de la structure de consommation propre à chaque ménage. Nous déterminons pour les ménages de la base une fonction d’utilité indirecte. Elle résulte de la maximisation de la fonction d’utilité soumise à une contrainte budgétaire donnée pour un vecteur de prix et un niveau de revenu pour le ménage. La variation du vecteur de revenu (et par conséquent du niveau de bien-être) est ainsi décomposée en un effet revenu qui stimule le revenu nominal et un effet prix qui corrige ce dernier pour obtenir le revenu réel après choc. Même si l’estimation du changement du revenu du ménage est basée sur des approximations de premier ordre, elle permet une estimation relativement fine puisqu’elle se base sur les préférences observées du ménage (ses parts de consommation) et ne nécessite pas de modéliser ses préférences. Le modèle utilisé dans l’analyse d’impact sur la pauvreté monétaire est le suivant :

24

equation im1

25où dyEj est la variation de revenu équivalent du ménage j avant et après réforme, pi est le prix du bien i et I est le nombre de biens, γj est l’élasticité du revenu équivalent (pris comme indice d’utilité) du ménage j au revenu monétaire, yj est le niveau de revenu du ménage j et xji est la consommation de produit i par le ménage j.

26Un point crucial de l’analyse microsimulée concerne la façon dont les résultats du module EGC affectent les données du module de microsimulation. Pour ce faire, nous avons effectué une analyse top-down/bottom-up qui procède en deux étapes qui composent une itération. Plusieurs itérations sont effectuées afin de converger vers le résultat final. Le mécanisme critique dans ce type de modèle se fait à travers les variations de prix des biens et des facteurs. Les prix des biens affectent le coût du panier de consommation alors que les variations des rémunérations des facteurs influencent directement le revenu des ménages. Notons que nous ne spécifions pas de fonction de densité des revenus. Nous retenons une approche discrète qui se base sur les données d’enquêtes.

27Présentons les mécanismes de la première itération. Dans la première étape, tout part du module EGC. Supposons, par exemple, un choc sur les salaires nominaux. Il va affecter les choix sectoriels d’offre de travail puisque ceux-ci dépendent, entre autres choses, compte tenu de la modélisation à la Harris-Todaro retenue, des taux de salaire. Il se produit alors une stimulation du revenu qui affecte la contrainte budgétaire du ménage. Ensuite, avec le nouveau budget, les agents ajustent leurs dépenses selon les variations de prix des produits consommables, des variations de prix issues elles-mêmes de la variation du coût salarial. Il en résulte un impact total issu d’un effet prix et d’un effet rémunération. À ce titre, notons qu’une désagrégation du module de microsimulation pour prendre en compte les choix sectoriels n’apporterait rien de plus puisqu’il est fait au niveau macro et que les variations de revenu en découlant sont injectées dans le module de microsimulation.

28Dans la deuxième étape, ces vecteurs de prix et de rémunérations sont introduits dans le module de microsimulation sous la forme d’un choc exogène, ce qui permet d’obtenir la consommation de chaque ménage. Nous réestimons ensuite à partir du module de microsimulation la valeur réelle des dépenses des ménages à la suite du choc, en utilisant les variations de prix et de revenu du chef de ménage selon le secteur dans lequel il travaille. On obtient alors un nouveau revenu déterminé par l’équation définie ci-dessus.

29Au terme de cette première itération, la différence entre l’ancienne (celle obtenue à partir du module EGC) et la nouvelle valeur de la consommation (celle obtenue à partir du module de microsimulation) correspond à une variation qui est alors introduite dans le module EGC sous la forme d’un choc exogène.

30À partir de là, une deuxième itération démarre. Le module EGC redétermine de nouveaux prix et rémunérations des facteurs qui sont à nouveau réintroduits dans le module de microsimulation. Le processus se poursuit jusqu’à obtenir une convergence des variables de consommation des ménages des deux modules. Finalement, on obtient une cohérence entre les données des deux modules et par conséquent un nouvel équilibre de la matrice de comptabilité sociale (MCS), cadre comptable du modèle.

31Ce modèle est utilisé pour évaluer les impacts sur la pauvreté monétaire à l’aide des indices FGT (Foster, Greer et Thorbecke [1984]) qui sont les plus couramment utilisés pour mesurer la pauvreté monétaire. L’une des propriétés de ces indices est de pouvoir être décomposables en contributions de groupes de populations. Les indices FGT ont la forme générale suivante :

32

equation im2

33n est l’effectif total de la population, q le nombre d’individus de revenu situé sous le seuil de pauvreté z, yj le revenu de ces individus et α le paramètre d’aversion à l’inégalité au sein du groupe pauvre. L’indice calcule l’écart de revenu de chaque ménage pauvre par rapport à la ligne de pauvreté et l’élève à la puissance α. Plus le paramètre α est élevé, plus l’indice accorde de l’importance à la situation des plus pauvres.

34Nous utiliserons trois versions de cet indice. La première consiste à prendre α = 0, ce qui revient tout simplement à calculer la proportion P0 = q / n de personnes de revenu inférieur à z. Cet indice n’est pas sensible au niveau du revenu du ménage par rapport à la ligne de pauvreté.

35On retient ensuite la valeur α = 1. L’indice FGT correspond alors à l’étendue ou à la profondeur de la pauvreté. Il s’écrit :

36

equation im3

37et il équivaut à la moyenne des écarts de revenus des ménages exprimés en fraction du seuil de pauvreté. Il nous indique le montant moyen de revenus qu’il serait nécessaire de donner aux ménages pauvres pour les tirer de cette condition, exprimé en fraction de z.

38Si cette profondeur de la pauvreté s’intéresse aux revenus des pauvres par rapport à la ligne de pauvreté, elle le fait néanmoins sans tenir compte des inégalités au sein des pauvres ou de la situation des plus pauvres : si un ménage très pauvre verse une unité monétaire aux ménages relativement moins pauvres, cela n’affecte pas l’indice, alors que la situation des plus pauvres par rapport aux moins pauvres se détériore considérablement. Un troisième indice, celui de la sévérité de la pauvreté, tient compte de cet élément en accordant plus de poids aux plus pauvres. Il s’obtient en posant α = 2 et s’écrit :

39

equation im4

40Enfin, dans l’analyse de l’impact sur la distribution des revenus, nous avons recouru également à la courbe d’incidence de la croissance (CIC) qui mesure la croissance du revenu entre deux dates pour chaque percentile de la distribution de revenus. Elle a l’avantage de pouvoir identifier en termes relatifs si la croissance a favorisé ou non chaque percentile de revenus des ménages et de fournir une information visuelle très rapide.

Conséquences d’une réforme de l’octroi de mer

41Dans cette section, nous discutons l’impact de la réforme de l’octroi de mer. Les résultats sont d’abord présentés en termes de variation par rapport à la situation de référence fournie par la MCS. Ils concernent les variables macroéconomiques et quelques résultats sectoriels du module EGC. Nous présentons ensuite les effets sur les divers indicateurs de pauvreté et d’inégalités obtenus à partir du module de microsimulation et évaluons le caractère pro-pauvre de cette politique.

42Le choc qui est simulé consiste en une suppression totale du différentiel de taxation de l’octroi de mer en diminuant le taux sur les produits importés. Dans la MCS, le différentiel moyen de taxation de l’octroi de mer est de 13,6 %. Les recettes de cette taxe sont perçues par les administrations publiques locales et constituent ainsi une ressource financière importante pour ces institutions.

43Intuitivement, le choc provoqué par l’arrêt de la compensation des surcoûts de production devrait avoir principalement deux canaux de transmission dans le module EGC : la demande des ménages et l’investissement public.

44Côté demande des ménages, on s’attend à ce que la baisse des tarifs fasse baisser les prix à l’importation et entraîne un accroissement de la demande en faveur des produits importés, au détriment des achats de produits locaux avec des conséquences sur l’activité des entreprises locales. Cela devrait se traduire par une réallocation des facteurs de production qui quitteraient des secteurs initialement très protégés pour rejoindre des secteurs initialement moins protégés. Par conséquent, les branches qui dépendent fortement du marché intérieur souffriraient de la pression qu’exercent les importations sur les prix du marché local (et ce, d’autant plus que le taux de pénétration des importations dans la demande finale est élevé). L’importance de l’impact dépend donc de la réunion de certaines conditions : un niveau initial de protection élevé, un taux de pénétration des importations dans la demande finale important et un degré de substituabilité élevé entre produits locaux et importés. En outre, la composition en produits importés des consommations et les effets d’équilibre général sur les prix sont des facteurs importants pour comprendre les résultats.

45Côté investissement public, la suppression du différentiel de taxation générerait une diminution substantielle des ressources fiscales des collectivités locales pour qui les recettes fiscales d’octroi de mer sont importantes. Cela pèserait sur leurs capacités financières et briderait la commande publique.

46Qu’elle soit privée ou publique, la plus faible demande de biens et services locaux pousserait les prix à la baisse sur le marché intérieur et pourrait créer des incitations à accroître les exportations pour les producteurs. Cet effort de compétitivité-prix pourrait affecter à la baisse les prix de la valeur ajoutée et la rémunération des facteurs de production.

47Dans le module de microsimulation, la suppression du différentiel de taxation devrait affecter négativement les revenus des agents (facteur de récession). Elle devrait également réduire les prix des produits et le coût des biens d’investissement (facteur de croissance). En définitive, les effets revenu et prix peuvent donc causer soit une récession, soit une croissance. L’importance relative de ces deux facteurs est finalement une question empirique, et c’est pourquoi il est important de considérer ces deux canaux de transmission dans le module.

48Nous procédons d’abord à une analyse des principaux agrégats sous forme d’une fiche de PIB avant d’examiner les résultats de manière plus fine. Pour cela, nous les étudions au travers de trois grands secteurs et produits : l’agriculture, l’industrie et les services [12].

Impacts sur le plan macroéconomique

49Dans l’ensemble, les résultats obtenus sont conformes aux effets décrits à l’instant. La suppression du différentiel de taxation produit des effets négatifs avec un PIB en recul de 2,2 % à prix constants (tableau 1).

Tableau 1

Fiche de PIB – effets d’une diminution du différentiel de taxation de l’octroi de mer

Tableau 1
Données de base avant réforme (en milliards d’euros) Après réforme (en milliards d’euros) Évolution en % Volume Prix Valeur PIB 7,39 6,89 – 2,2 – 4,6 – 6,8 Consommation des ménages 5,01 4,88 4,3 – 6,9 – 2,6 Investissement 1,65 1,21 – 13,1 – 13,3 – 26,4 Importations 2,38 2,36 7,1 – 8,3 – 1,2 Exportations 0,23 0,23 1,8 – 2,7 0,9 Dépenses des touristes 0,29 0,29 2,7 – 2,7 0 Consommation des administrations publiques 2,61 2,61 0,3 – 0,3 0 Chômage 27,3 % 27,57 % 1,0

Fiche de PIB – effets d’une diminution du différentiel de taxation de l’octroi de mer

50Les principaux déterminants de la récession sont la chute de l’investissement et la hausse des importations : l’investissement chute de 13 % en raison de la diminution des recettes fiscales douanières. Cette chute contribue pour – 2,9 % à l’évolution du PIB. Les importations en biens et services augmentent de 7,1 %, ce qui contribue pour – 2,3 % à la baisse du PIB.

51Après la suppression du différentiel de taxation de l’octroi de mer, les prix des produits importés diminuent et conduisent à une chute du niveau des prix de près de 7 %. Il en résulte un gain de pouvoir d’achat pour les ménages dont la consommation augmente de 4,3 % à prix constants, ce qui contribue pour 2,9 % à la variation du PIB.

52Les exportations augmentent de 0,9 % en valeur. Ces exportations incluent les dépenses des touristes : elles sont supposées inchangées en valeur (flux de visiteurs exogène) mais la baisse des prix les fait augmenter de 2,7 % en volume. Toutefois, la hausse globale des exportations ne contribue que très faiblement au PIB, à hauteur de seulement 0,1 %.

53Face à la concurrence accrue des produits importés, le marché du travail se dégrade. Il enregistre une hausse du taux de chômage de 1 point. Le chômage des travailleurs qualifiés diminue (– 1,1 %) en raison de l’expansion de l’activité du secteur des services plus intensifs en travailleurs qualifiés. Mais le chômage des travailleurs non qualifiés grimpe de 3,2 %.

Impacts au niveau sectoriel

54À l’examen plus fin des résultats, on constate que la suppression de la compensation des surcoûts de production entraîne tout d’abord une baisse du prix des produits importés (– 8,3 %). La réduction la plus importante s’observe pour le secteur industriel, qui était initialement le secteur le mieux protégé (dans ce secteur, ce sont en particulier les produits rhum et agroalimentaires qui sont actuellement les plus taxés avec des taux de 25 % et 18 % respectivement). La baisse des prix à l’importation, le taux de pénétration des importations et le degré de substituabilité entre produits locaux et produits importés sont les trois facteurs qui conditionnent les augmentations importantes dans la demande sectorielle d’importation (+ 12,8 %).

55Face à la concurrence accrue du produit étranger, le producteur local s’adapte en baissant son prix pour rester compétitif (baisse de 3,6 %). Si cette stratégie s’avère bénéfique pour les produits agricoles et les services dont la demande augmente mais faiblement (+ 0,2 %), il n’en va pas de même pour les produits industriels locaux dont la demande diminue (– 2,1 %) face à des produits importés qui leur sont préférés par les agents. Les secteurs agricoles et les services connaissent ainsi une légère expansion et le secteur industriel, antérieurement très protégé, fait face à une réduction de son activité (– 1,8 %).

56L’impact sur la production est le résultat des variations dans les prix à la valeur ajoutée, les prix des facteurs de production et les prix des consommations intermédiaires. Avec un indice de prix composite [13] qui diminue de 6,9 %, les ménages ont tendance à consommer une plus grande quantité de ce produit composite (+ 4,5 %). La demande composite augmente surtout pour les produits industriels (+ 7,4 %) qui connaissent la plus forte baisse de prix. Ces mouvements de prix rendent les achats sur le marché local plus attrayants. Et, dans l’ensemble, les ménages portent leur préférence sur les produits importés (+ 12 %) plutôt que des produits locaux (+ 1,3 %), compte tenu de la baisse des prix étrangers plus importante.

57Consécutivement à la baisse des prix au producteur, les prix à la valeur ajoutée diminuent, surtout dans le secteur industriel (– 17,7 %). Cette pression à la baisse se répercute finalement sur le taux de rendement des facteurs de production [14]. Il est important de rappeler que la main-d’œuvre est parfaitement mobile entre les branches tandis que le capital est immobile. Le capital étant captif dans le modèle, il ne peut être réalloué et souffre alors plus sévèrement de la chute de la production des branches : son rendement baisse par exemple de 17 % dans l’industrie, contre 5,4 % en moyenne.

58Les résultats montrent que la main-d’œuvre est essentiellement réallouée vers le secteur agricole (+ 1,1 %) et les services (0,2 %). La demande de main-d’œuvre décroît dans le secteur industriel (– 3,7 %). Les salaires nominaux moyens des deux types de travailleurs diminuent (– 6,3 % pour les travailleurs qualifiés et – 2 % pour les non qualifiés). L’activité des secteurs administratifs n’est pas suffisante pour absorber toute l’offre totale de travail public espérée [15] qui augmente (+ 2 % pour les travailleurs qualifiés et + 5,5 % pour les non qualifiés) alors que l’offre de travail privé espérée diminue (– 3 % pour les travailleurs qualifiés et – 1,2 % pour les non qualifiés).

59Au total, les revenus des ménages diminuent (– 2,6 %) en raison d’une diminution des revenus salariaux de 4,9 % et des revenus du capital de 4,1 %. Cette réduction cause la baisse de l’investissement privé (– 9,6 %). Par conséquent, et en dépit de la hausse de la demande des ménages, grâce à un effet prix suffisamment fort, la demande intérieure diminue (– 0,3 %) provoquant alors une contraction de la production (– 0,3 %).

60L’effet récessif de cette baisse de la demande est amplifié par celui de la baisse des revenus des administrations. La diminution des recettes de l’octroi de mer (– 14,9 %) a un impact direct sur les dépenses courantes des administrations et sur l’investissement public total qui baisse de 29 %. En outre, la contraction de l’activité des secteurs réduit les recettes des impôts sur la production (– 4,8 %) mais aussi les recettes fiscales directes (baisse de 2,6 % des impôts sur le revenu et de 6,3 % des impôts sur les bénéfices des sociétés), puisqu’elle affecte également les revenus des agents privés. Compte tenu du poids relatif de l’investissement public dans la demande intérieure, sa diminution participe également à la contraction de la production et affecte plus particulièrement le secteur de la construction (– 3,9 %).

61Il y a lieu de rappeler ici que notre simulation est faite en postulant que le solde du compte courant est fixe. En d’autres mots, nous analysons les conséquences d’une suppression du différentiel de taxation de l’octroi de mer en émettant l’hypothèse que cette politique ne peut raisonnablement être soutenue à long terme si elle entraîne une détérioration de l’équilibre externe. Dès lors, et compte tenu de cette contrainte, une augmentation des importations devra être compensée par une augmentation des exportations. Celle-ci ne pourra se réaliser que par le biais d’une baisse des prix à l’exportation, afin d’améliorer la position compétitive des exportateurs vis-à-vis de leurs compétiteurs. Puisque la demande mondiale pour les exportations est à pente négative, les prix franco à bord (FOB) pour les exportations devront baisser d’autant plus fortement que l’élasticité-prix de cette demande est faible. La baisse du prix des produits sur le marché local affecte le prix des produits exportés et rend relativement plus intéressant pour les producteurs d’exporter leur production. En conséquence, il est observé dans tous les secteurs, et surtout dans le secteur des services, une baisse des prix FOB pour les exportations. Cela sous-entend que l’économie devient relativement plus compétitive du fait de la suppression du différentiel de taxation de l’octroi de mer. La baisse des prix FOB (d’environ 1 %) permet une légère augmentation globale des exportations de 1,8 %.

Impacts sur la pauvreté monétaire et la répartition des revenus

62Quels seraient les effets sur la pauvreté de cette réforme de l’octroi de mer ? Répondre à cette question n’est pas trivial compte tenu des effets macroéconomiques négatifs et de l’impact ambigu sur les ménages.

63Pour intégrer les résultats du module EGC dans le module de microsimulation, nous avons calculé plusieurs indices de prix et de salaire (tableaux 2 et 3) selon la nomenclature retenue dans l’enquête Ménages. Ils constituent les variables de lien permettant de propager le choc du module EGC vers le module de microsimulation.

Tableau 2

Taux de salaire par secteur – suppression du différentiel de taxation de l’octroi de mer

Tableau 2
Secteurs Variation Agriculture – 1,9 % Industrie – 19,7 % Services marchands – 4,7 % Services non marchands 0,0 % Source : Résultats de simulation.

Taux de salaire par secteur – suppression du différentiel de taxation de l’octroi de mer

Tableau 3

Indices de prix par catégorie de produit – suppression du différentiel de taxation de l’octroi de mer

Tableau 3
Produits Indices de prix Agriculture – 3,9 % Alimentaire – 12,8 % Pêche, viande, lait – 5,8 % Alcool, sucre – 3,7 % Équipement – 22,5 % Énergie 0,1 % Hôtellerie-restauration – 0,2 % Immobilier – 6,5 % Transports – 0,6 % Services – 3,3 % Poste, télécommunications – 1,1 % Éducation-santé 0,0 % Source : Résultats de simulation.

Indices de prix par catégorie de produit – suppression du différentiel de taxation de l’octroi de mer

64Douze grands postes de produits et cinq catégories de ménages sont considérés dans le module de microsimulation. D’une part les indices de prix à la consommation diminuent, d’autre part les taux de salaire des chefs de ménage connaissent également une baisse. L’effet procompétitif joue dans le secteur industriel : les entreprises vont réduire les salaires pour ne pas perdre trop de profit et pratiquer des prix plus bas. Les services non marchands, étant non soumis à l’octroi de mer initialement et connaissant une légère expansion de leur activité, vont attirer davantage de main-d’œuvre. Les chômeurs perçoivent une allocation fonction des rémunérations de leur dernier emploi qui sont toutes en baisse.

65Selon la convention habituelle, le seuil de pauvreté est fixé à 60 % du revenu annuel médian local par unité de consommation. Pour la Guadeloupe, il était égal à 6 806 euros en 2006 et 18 % des ménages guadeloupéens disposaient d’un revenu inférieur à ce seuil. Cette proportion aurait été de 46 % en retenant le seuil de pauvreté de la métropole.

66Ce seuil de pauvreté est un seuil relatif. Mais, dans la lignée traditionnelle des analyses de ce type, nous l’utilisons ensuite comme seuil absolu : la pauvreté est mesurée par rapport au même seuil avant et après réforme.

67Selon nos calculs, il s’avère que la politique a globalement tendance à réduire la pauvreté monétaire, à seuil de pauvreté inchangé de 6 806 euros. L’effet prix l’emporte sur l’effet revenu et provoque une baisse de la proportion de ménages en dessous du seuil de pauvreté qui passe de 18 % à 16,5 % (tableau 4).

Tableau 4

Incidence de la pauvreté – suppression du différentiel de taxation de l’octroi de mer

Tableau 4
Taux de pauvreté Intervalle de confiance à 95 % Borne inférieure Borne supérieure Avant choc 0,182 0,169 0,195 Après choc 0,165 0,152 0,178

Incidence de la pauvreté – suppression du différentiel de taxation de l’octroi de mer

Source : Résultats de simulation.

68Une analyse plus fine de l’incidence de la pauvreté par secteur économique dont est issu le chef de famille nous montre que la pauvreté monétaire diminue pour tous les types de ménages (tableau 5).

Tableau 5

Incidence de la pauvreté par profession et catégorie sociale – suppression du différentiel de taxation de l’octroi de mer

Tableau 5
Types de profession et catégorie sociale retenus Avant choc Après choc Agriculteurs 0,32 0,32 Ouvriers 0,181 0,164 Autres agents du secteur privé 0,231 0,199 Agents de la fonction publique 0,034 0,024 Chômeurs 0,224 0,206 Retraités 0,034 0

Incidence de la pauvreté par profession et catégorie sociale – suppression du différentiel de taxation de l’octroi de mer

Source : Résultats de simulation.

69La profondeur de la pauvreté (P1) baisse également à la suite de la réforme, passant de 6,7 % à 5,4 % du seuil de pauvreté. Il y a aussi une baisse de la sévérité de la pauvreté qui prend en compte l’inégalité des revenus au sein du groupe des personnes pauvres : elle passe de 3,8 % à 2,8 %.

70Les changements observés dans les trois mesures témoignent donc d’une certaine amélioration de la situation des plus pauvres, que confirme l’examen de la courbe d’incidence de la croissance (figure 1) qui donne la variation du revenu en fonction du percentile de revenu avant réforme.

Figure 1

Différence entre les distributions par percentile de revenus avant et après suppression du différentiel de taxation de l’octroi de mer

Figure 1

Différence entre les distributions par percentile de revenus avant et après suppression du différentiel de taxation de l’octroi de mer

Source : Résultats de simulation.

71Globalement, on enregistre une baisse du revenu moyen à laquelle les ménages peu aisés sont moins sensibles compte tenu de la structure de leurs revenus. En effet, les ménages les plus pauvres sont essentiellement composés de chômeurs et de retraités. Dans nos résultats, le chômage des travailleurs non qualifiés augmente. En réalité, deux effets jouent ici sur le pouvoir d’achat et, par voie de conséquence, sur la pauvreté monétaire des ménages. En premier lieu, les chômeurs, relativement importants dans cette économie (taux de chômage de 27 %), bénéficient de politiques redistributives d’assurance chômage compensant l’absence ou la perte de revenus salariaux. Le taux de chômage augmentant, il y a alors une plus forte compensation par des prestations d’assurance chômage (qui, rappelons-le, sont endogènes dans le modèle). En second lieu, l’économie enregistre une baisse des prix. Ces deux effets conjugués permettent à cette catégorie de ménages de voir leur pouvoir d’achat relativement augmenter.

72Dans le même temps, du côté des ménages aisés, l’ensemble des travailleurs qualifiés subissent une variation négative de leurs rémunérations (– 6,3 %). Les revenus du capital, qui sont perçus par cette catégorie de ménages, sont aussi en diminution (– 4,1 %). Les ménages aisés font alors face à une baisse de leur pouvoir d’achat, et ce, malgré la baisse des prix.

73Il ressort que les effets inhérents à l’élimination des tarifs profitent davantage aux ménages les moins aisés. L’analyse graphique permet de voir qu’à peu près 35 % de la population (zone du point d’intersection de la courbe de pro-pauvre absolue avec l’axe des abscisses) voient leurs situations s’améliorer avec la réforme fiscale. Il s’agit surtout des plus pauvres.

Réforme des majorations de salaire des fonctionnaires

74Dans cette seconde simulation, nous reprenons la démarche de la section précédente, dans le cas d’une diminution des salaires publics de 28 %. Ce taux correspond à l’écart observé par l’Insee [2012] entre les salaires publics moyens des fonctionnaires travaillant en Guadeloupe et ceux des fonctionnaires exerçant en métropole. Nous supposons dans le modèle que l’État se réserve la possibilité d’accompagner la diminution du salaire public par une embauche de travailleurs.

75Intuitivement, on s’attend à ce que la diminution des rémunérations des fonctionnaires provoque une baisse du coût salarial et par conséquent une amélioration de la compétitivité-prix de la production locale. Plus précisément, en raison d’une quasi-indexation des salaires privés qualifiés sur le salaire public [16], la compétitivité-prix des entreprises devrait s’améliorer et la demande de travail augmenter, à coût salarial moindre.

76Les effets directs devraient donc se faire ressentir d’abord sur le marché du travail, compte tenu de la diminution du coût salarial, avec une réallocation de la main-d’œuvre vers les activités les plus rentables, offrant de meilleurs salaires. L’hypertrophie du secteur tertiaire pourrait alors cesser et laisser place à une industrialisation de l’économie si l’État ne décide pas d’augmenter ses effectifs. Avec la baisse des salaires publics, les individus pourraient abaisser leur salaire de réserve entraînant ainsi une baisse du chômage local.

Impacts sur le plan macroéconomique

77Les résultats de la simulation portant sur la réduction des salaires publics et présentés dans le tableau 6 montrent que la réforme de la prime de vie chère des fonctionnaires va effectivement dans ce sens. Le PIB baisse en valeur mais il augmente de 1,2 % à prix constants.

Tableau 6

Fiche de PIB – diminution des salaires des fonctionnaires

Tableau 6
Données de base Résultats Évolution en % Volume Prix Valeur PIB 7 388 239 7 358 686 1,2 – 1,6 – 0,4 Consommation des ménages 5 006 312 4 986 287 – 0,2 – 0,2 – 0,4 Investissement 1 648 284 1 647 790 – 0,1 0,07 – 0,03 Importations 2 383 844 2 383 129 0,1 – 0,13 – 0,03 Exportations 230 656 230 887 0,1 0 0,1 Touristes 288 941 288 941 0,2 – 0,2 0 Dépenses publiques 2 605 317 2 605 317 2,7 – 2,7 0 Chômage 27,3 % 26,7 % – 2,2

Fiche de PIB – diminution des salaires des fonctionnaires

78La baisse des salaires des fonctionnaires annule l’effet Todaro en redynamisant les activités des secteurs privés grâce à la baisse du coût salarial qui améliore la compétitivité-prix de la production locale (+ 0,2 %). La main-d’œuvre devenant moins coûteuse, les branches sont incitées à embaucher plus ce qui pousse finalement le chômage à la baisse (– 2,2 %).

79La diminution de la masse salariale permet, d’une part, aux administrations publiques de dégager un peu plus de capacités d’investissement (hausse de l’investissement public de + 0,4 %) et érode, d’autre part, l’investissement privé (– 0,2 %). En définitive, l’investissement total baisse de 0,1 %. Il contribue pour – 0,02 point à la croissance du PIB.

80De pair avec la hausse de la commande publique, les dépenses publiques augmentent à prix constants (+ 2,7 %). Parmi les différents agrégats, c’est le seul qui est en hausse. Il contribue le plus fortement à la croissance du PIB en volume (1 point).

81On observe une baisse du niveau des prix de près de 0,2 % consécutive à la réduction de la rémunération des fonctionnaires qui tire les prix des produits à la baisse. Les ménages subissent une baisse de leurs revenus (– 0,35 %), aboutissant à une réduction de leur consommation de 0,2 % à prix constants qui contribue pour – 0,1 point à la croissance du PIB.

82Les importations en biens et services tout comme les exportations augmentent modérément de 0,1 %. Les importations et les exportations contribuent à l’évolution du PIB respectivement à hauteur de – 0,03 et 0,001 point.

Impacts au niveau sectoriel

83En analysant les résultats plus finement, on note, sur le marché du travail, que la baisse du salaire public désincite les travailleurs à rejoindre ce secteur (baisse de 4,9 % pour les travailleurs qualifiés et de 7,3 % pour les non qualifiés) et les pousse plutôt à adresser leur offre de travail au secteur privé (hausse de 5 % pour les travailleurs qualifiés et 2,6 % pour les non qualifiés) dont le salaire est plus élevé, toutes choses égales par ailleurs.

84Ce supplément d’offre accroît la compétition sur le marché du travail et pousse à la baisse les salaires du privé [17] (de – 1,4 % pour les travailleurs qualifiés et de – 0,7 % pour les non qualifiés), compte tenu de l’alignement des salaires du privé sur celui du public qui diminue. La main-d’œuvre devient ainsi moins coûteuse, incitant les branches intensives en facteur travail qualifié à embaucher plus. C’est le cas du secteur public, intensif en travailleurs qualifiés, qui, étant donné le mode de bouclage adopté dans le modèle, demande un peu plus de ces travailleurs devenus moins chers [18]. Cela contribue fortement à la baisse du taux de chômage des travailleurs qualifiés (– 3,1 %) et des non qualifiés (– 1 %). Il en résulte que si l’État accompagne sa politique de réduction du coût salarial des fonctionnaires par une hausse de ses effectifs, les effets macroéconomiques négatifs seraient amortis par une baisse du chômage [19], favorisant surtout les emplois hautement qualifiés qui sont quasi indexés sur le salaire public surrémunéré.

85Compte tenu de la baisse du coût salarial, le niveau de production des branches d’activités augmente, bien que légèrement (la production du secteur industriel augmente de 0,03 % et celle des services de 0,9 %, alors que celle du secteur agricole stagne). Ce sont essentiellement les secteurs très intensifs en travailleurs qualifiés qui profitent de cette baisse du coût salarial, ce qui n’est pas le cas du secteur agricole. En annulant l’effet Todaro, il semble ainsi se produire une certaine industrialisation de l’économie. Par ailleurs, il se produit un effet en cascade de la baisse du coût du travail qui se répercute sur les prix de la valeur ajoutée (– 0,1 %) puis sur les prix au producteur et donc sur les prix de marché (– 0,3 %). La baisse du salaire public participe ainsi à la baisse des prix de marché.

86Les variations négatives des coûts de production et donc des rémunérations factorielles expliquent à leur tour la diminution des revenus des ménages constatée. Les ménages ont trois types de revenus : les revenus du travail, les revenus du capital et les revenus des transferts entre agents (dividendes, loyers, allocations, etc.). La baisse des revenus du travail est la plus importante (– 0,49 %). Avec la baisse du chômage, le montant des allocations chômage versées par les administrations diminue (– 0,22 %).

87Si les ménages profitent de la baisse des prix (baisse du prix composite de 0,15 %), ils souffrent en revanche d’une perte de revenu (– 0,35 %) traduisant ainsi un moindre pouvoir d’achat avec pour conséquence une diminution de leur consommation (– 0,2 %) : la baisse des prix des produits locaux ne parvient donc pas à être suffisamment forte pour qu’augmente la demande des ménages.

88Du côté du commerce extérieur, alors que les exportations ne varient presque pas, on observe une augmentation des importations qui peut avoir deux explications : le taux de pénétration des importations sur le marché intérieur et le degré de substituabilité entre produits locaux et produits importés. Tout part de la baisse des prix des produits importés qui les rend beaucoup plus attractifs et entraîne alors une augmentation de la majorité des importations (+ 0,1 %).

Impacts sur la pauvreté monétaire et la distribution des revenus

89Les revenus des ménages dans le module de microsimulation sont affectés à la fois par les revenus et par les prix. Tous les indices de salaire et de prix qui relient les deux modules diminuent (tableaux 7 et 8).

Tableau 7

Taux de salaire par secteur – suppression des majorations de salaire des fonctionnaires

Tableau 7
Secteurs Variation Agriculture – 0,1 % Industrie – 0,2 % Services marchands – 0,1 % Services non marchands – 4,4 %

Taux de salaire par secteur – suppression des majorations de salaire des fonctionnaires

Source : Résultats de simulation.
Tableau 8

Indices des prix par catégorie de produit – suppression des majorations de salaire des fonctionnaires

Tableau 8
Produits Indices de prix Alimentaire – 0,0 % Pêche, viande, lait – 0,0 % Alcool, sucre – 0,1 % Équipement – 0,1 % Énergie 0,0 % Hôtellerie-restauration – 0,2 % Immobilier – 0,2 % Transports – 0,2 % Services – 0,0 % Poste, télécommunications – 0,1 % Éducation-santé – 0,1 %

Indices des prix par catégorie de produit – suppression des majorations de salaire des fonctionnaires

Source : Résultats de simulation.

90En premier lieu, la diminution du salaire public tire à la baisse les salaires des travailleurs qualifiés du privé. Dans le même temps, compte tenu de la baisse de revenus consécutive au choc, la demande des ménages diminue, ce qui a tendance à exercer une pression à la baisse sur les prix.

91Selon nos calculs, la suppression des majorations de salaire des fonctionnaires a globalement tendance à augmenter la pauvreté monétaire en raison de la baisse de la masse salariale dans l’économie : l’effet revenu l’emporte sur l’effet prix et la proportion de ménages en dessous du seuil de pauvreté augmente bien que très légèrement, passant de 18,20 % à 18,27 %.

92Toutefois, une analyse plus fine de l’incidence de la pauvreté nous montre que la pauvreté monétaire n’augmente pas pour tous les types de ménages (tableau 9).

Tableau 9

Incidence de la pauvreté par profession et catégorie sociale – suppression des majorations de salaire des fonctionnaires

Tableau 9
Types de profession et catégorie sociale retenus Avant choc Après choc Agriculteurs 0,32 0,31 Ouvriers 0,181 0,181 Autres agents du secteur privé 0,231 0,229 Agents de la fonction publique 0,034 0,04 Chômeurs 0,224 0,234 Retraités 0,034 0,038

Incidence de la pauvreté par profession et catégorie sociale – suppression des majorations de salaire des fonctionnaires

Source : Résultats de simulation.

93La situation se détériore surtout pour les ménages de type fonctionnaire. Ce résultat n’a rien de surprenant puisque la simulation porte sur la diminution du revenu de ce type de travailleur. Le taux de salaire des travailleurs qualifiés étant affecté par le taux de salaire du public par effet contagion, les ménages aisés souffriront davantage de la baisse des revenus salariaux.

Figure 2

Différence entre les distributions par percentile de revenus avant et après suppression des majorations de salaire des fonctionnaires

Figure 2

Différence entre les distributions par percentile de revenus avant et après suppression des majorations de salaire des fonctionnaires

Source : Résultats de simulation.

94L’indice de profondeur de la pauvreté montre qu’il faudrait désormais transférer un peu plus de revenus, soit en moyenne 6,8 % de la ligne de pauvreté au lieu de 6,7 % initialement. L’indice de sévérité de la pauvreté ne bouge pas. Globalement, la politique n’a donc que peu d’effets sur la situation des plus pauvres. La courbe d’incidence de la croissance (figure 2) montre que c’est la situation des plus riches qui se détériore, beaucoup plus que celle des plus pauvres. Cela est dû à l’effet revenu qui domine l’effet prix, effet revenu auquel sont plus sensibles les fonctionnaires et les travailleurs qualifiés du privé dans la simulation.

Conclusion

95Les résultats obtenus sont spécifiques à la structure de cette région où la cherté de la vie est une problématique centrale et montrent que la mise en œuvre de politiques de réforme doit tenir compte des contextes particuliers et s’adapter aux spécificités et particularités des économies. Une réforme des deux dispositifs d’octroi de mer et de majorations des salaires publics causerait, selon nos résultats, une diminution du PIB en valeur mais une hausse du PIB réel en cas d’abandon des majorations de salaires des fonctionnaires. Ces réformes s’accompagneraient de deux effets : un effet revenu et un effet prix. En agissant principalement sur les prix, la suppression du différentiel de taxation de l’octroi de mer permettrait aux ménages les plus pauvres de voir leur situation s’améliorer relativement. Quant à la diminution des salaires publics, elle détériorait surtout la situation des ménages de type fonctionnaire.

96Notre article montre ainsi que cette approche bimodulaire modèle EGC-microsimulation peut apparaître comme une complémentarité intéressante. Elle peut être forte d’enseignements en termes d’impact des politiques économiques sur le plan macroéconomique, tout en en mesurant les retombées en termes de pauvreté monétaire dans un cadre microéconomique.

Je tiens à remercier vivement Bernard Decaluwé ainsi que deux rapporteurs anonymes pour leurs commentaires et remarques m’ayant permis d’améliorer cet article.

Bibliographie

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Notes

  • [*]
    CREDDI, Université des Antilles. Correspondance : UFR Sciences juridiques et économiques, Campus de Fouillole, BP 270, 97157 Pointe-à-Pitre. Courriel : smathour@univ-ag.fr
  • [1]
    Plusieurs d’entre eux sont recensés dans le rapport de l’Inspection générale des finances remis en 2012 sur les niches fiscales et sociales.
  • [2]
    Quelques rapports ont aussi traité de ces sujets, tels que les rapports Pêcheur, Mossé, Brard ou Laffineur, qui ont évalué le montant des surrémunérations des fonctionnaires, ou le rapport Hanotin-Vlody et celui du cabinet Louis Lengrand et Associés sur l’octroi de mer.
  • [3]
    L’appellation modèle de type macro-micro fait référence aux applications de modèles EGC avec un module microéconomique des ménages intégré ou non au module macro. Certains auteurs font aussi référence à la modélisation EGC-microsimulation. La première utilisation de ce terme est dans Bourguignon, Branson et De Melo [1989].
  • [4]
    Savard [2006], Boccanfuso, Missinhoun et Savard [2010], Hertel et Reimer [2005] ou encore Bourguignon et Spadaro [2006] proposent une présentation plus large.
  • [5]
    PEP (Poverty and Economic Policy) est un réseau de recherche.
  • [6]
    La concentration dans la distribution en outre-mer a été mise en évidence par un rapport de l’Autorité de la concurrence [2009].
  • [7]
    Des conventions collectives spécifiques ont été signées dans certains secteurs prévoyant une prime de vie chère. Par exemple, en Guadeloupe, c’est le cas de l’hôtellerie (+ 25 %), des entreprises du secteur pétrolier (+ 25 %), du secteur de la minoterie (+ 50 %) et de la cimenterie (+ 40 %).
  • [8]
    La crise de 2009 a mis en lumière l’existence de comportements collusifs dans les départements d’outre-mer, en l’occurrence des situations de monopole dans quelques secteurs clés de l’économie.
  • [9]
    En 2008, la direction générale du Trésor et de la Politique économique a estimé le taux de mark-up pour la France à 27 % sur la période 1982-1994. Le mark-up de l’ensemble de l’économie (activités non marchandes incluses) est passé à 26 % sur la période 1995-2002. L’étude d’Oliveira-Martins, Pilat et Scarpetta [1996] fournit des estimations du taux de marge et des coûts marginaux pour 36 industries manufacturières françaises sur la période 1970-1992. Les estimations s’appuient sur les techniques de Roeger [1995]. Les auteurs concluent que, dans l’ensemble, les taux de marge (qui en moyenne sont égaux à 17 %) sont moins élevés que ceux calculés dans d’autres études. Au vu de ces quelques éléments, le taux retenu est une hypothèse de travail qui a fait l’objet de tests de sensibilité. Par exemple, nous avons simulé l’abandon du protectionnisme pour des taux calibrés à 10 % et à 50 % du rendement du capital comme Cockburn, Decaluwé et Dostie [1998]. Les résultats apparaissent robustes.
  • [10]
    Cette distinction se justifie d’autant plus que, en 2005, les importations de biens se sont élevées à 2 204 millions d’euros et qu’en dix ans le montant des importations a progressé de 50,6 %, soit une croissance annuelle moyenne de 5 %.
  • [11]
    Cette probabilité est approximée par le rapport de la demande totale de travail privé sur l’offre totale de ce travail. Les travailleurs formulent donc un salaire anticipé correspondant au taux de salaire privé multiplié par la probabilité qu’ils ont de trouver un emploi dans le privé.
  • [12]
    Plus précisément, « Agriculture » concerne la banane, la canne à sucre, autre agriculture et la pêche. « Industrie » comprend le rhum, la viande et le lait, les autres industries agroalimentaires, l’industrie des biens de consommation, l’industrie de biens d’équipement, l’industrie des produits minéraux, les autres industries des biens intermédiaires, les combustibles, l’eau et l’électricité ainsi que la construction. Enfin, « Services » englobe le commerce, le transport, les activités financières, les activités immobilières, la poste et les télécommunications, les autres services aux entreprises, l’hôtellerie-restauration, les autres services aux particuliers, l’éducation-santé et les administrations.
  • [13]
    L’indice est calculé à partir des prix des produits consommés par les agents.
  • [14]
    Il n’en va pas de même dans tous les secteurs, car ceux qui sont moins protégés absorbent les travailleurs mis à pied dans ceux initialement protégés. Dans les secteurs où il y a un accroissement de la main-d’œuvre, le capital spécifique devient relativement plus rare, ce qui pousse le rendement du capital à la hausse.
  • [15]
    On entend par « offre de travail public espérée », les travailleurs ayant décidé ou désireux de rejoindre le secteur public. De même, on entend par « offre de travail privé espérée », les travailleurs ayant décidé ou désireux de rejoindre le secteur privé.
  • [16]
    Selon une étude de l’Insee [2013], en 2010 par exemple, le salaire moyen était inférieur de 9 % à celui de France métropolitaine. Si pour les ouvriers le différentiel de rémunération est défavorable (de l’ordre de 4 %), il est en revanche favorable aux DOM pour les plus qualifiés. Plusieurs éléments d’explication de ces écarts peuvent être avancés. Les DOM sont souvent en déficit de main-d’œuvre qualifiée et expérimentée. Pour Marie et Rallu [2004], les entreprises sont donc souvent contraintes de recruter sur le marché national plutôt que local et de proposer des rémunérations suffisamment attractives pour attirer des candidats. La régression estimée a montré une causalité significative entre les salaires privés qualifiés et les salaires publics.
  • [17]
    Notons que dans les modèles de type équilibre général calculable, tous les résultats observés, comme les baisses de salaire privé par exemple, sont des effets directement observés à long terme.
  • [18]
    Nous avons postulé qu’il existait un syndicat qui exerçait une certaine rigidité sur les salaires. Aussi, le mécanisme des négociations salariales à l’œuvre dans le modèle aboutit finalement à des variations de taux de salaires composites plus modérées dans la fonction publique que la baisse initiale de 28 %.
  • [19]
    Dans une simulation alternative, nous avons relâché cette règle de fermeture et le chômage est apparu à la hausse. L’État joue donc ici un rôle d’amortisseur social.
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