Notes
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[*]
Université Paris I, Centre d’Économie de la Sorbonne, Maison des Sciences Économiques. Correspondance : 106-112 boulevard de l’Hôpital, 75647 Paris Cedex 13. Courriel : couppey@univ-paris1.fr (auteur correspondant).
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[**]
equippe-Universités de Lille, Université Lille 1, Faculté des Sciences Économiques et Sociales, et Université Paris I, Centre d’Économie de la Sorbonne. Correspondance : equippe-Universités de Lille, Université Lille 1, Faculté des Sciences Économiques et Sociales, ustl – Cité Scientifique – Bât SH2, 59655 Villeneuve d’Ascq Cedex. Courriel : jerome.hericourt@univ-lille1.fr.
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[***]
Université Paris I, Centre d’Économie de la Sorbonne, Maison des Sciences Économiques. Correspondance : 106-112 boulevard de l’Hôpital, 75647 Paris Cedex 13. Courriel : ines.chaari@malix.univ-paris1.fr.
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[1]
Voir Chaari et Couppey-Soubeyran [2008] pour une application au cas de la Tunisie.
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[2]
Ces enquêtes sont disponibles sur : http://www.enterprisesurveys.org/.
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[3]
Nous avons notamment testé son remplacement par une variable managériale (indiquant si le manager est le propriétaire de l’entreprise) couramment utilisée dans la littérature (Deloof et Jegers [1999]). Cette variable permettrait d’inclure 41 entreprises libanaises des enquêtes 2007-2008 mais dans le même temps nous obligerait à exclure 68 entreprises des deux autres pays issues des enquêtes 2000-2004. Pour maximiser le nombre d’observations, il a donc été préférable d’y renoncer.
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[4]
Les entreprises publiques étaient très peu nombreuses dans la base de départ (moins de 1 % de l’effectif total, soit une trentaine de firmes). Il n’était donc pas possible de mener une analyse empirique solide sur ce seul sous-échantillon. Aussi a-t-on dû les retirer de la base.
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[5]
Cette définition alternative est toutefois testée dans la section 6 pour évaluer la robustesse de nos estimations.
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[6]
Voir, entre autres, Beck et al. [2000] et Beck [2002]. Fisman et Love [2003] utilisent également ce ratio comme indicateur de développement bancaire.
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[7]
Voir la revue de littérature proposée par Hubbard [1998].
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[8]
Voir notamment Delannay et Weill [2004] et Ge et Qiu [2007].
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[9]
Il s’agit des stocks de biens finis et en cours de production, d’intrants et de matières premières.
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[11]
Voir la sous-section suivante pour plus de détails.
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[12]
La spécification partielle avec effets fixes n’inclut évidemment pas de variables muettes industries, dans la mesure où celles-ci sont parfaitement colinéaires avec les effets fixes firmes.
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[13]
Ces données de dépendance financière externe ont été construites par Rajan et Zingales [1998] à partir de données américaines. Ils définissent la dépendance financière externe comme la fraction des dépenses d’investissement non financée par les cash flows issus de l’exploitation de l’entreprise. Comme le soulignent Berman et Héricourt [2010], le degré de dépendance financière des industries américaines peut être considéré comme optimal, dans un contexte de développement financier élevé et de faibles contraintes financières pour les firmes. Le niveau de dépendance financière externe de chaque industrie américaine devrait donc refléter la demande réelle de financement externe de la part de ces industries dans chaque pays considéré. Par conséquent, nous appliquons cette mesure de dépendance financière externe à toutes les industries de notre base de données.
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[14]
La validité des estimations est testée à l’aide de deux statistiques complémentaires. Robustes à l’hétéroscédasticité tant standard que groupée, les statistiques de Hansen (ou « J-stat »), qui portent sur les restrictions de suridentification, ne rejettent pas notre ensemble d’instruments. Nous présentons également la F-statistique de Kleibergen-Paap, version robuste à l’hétéroscédasticité standard et groupée de la statistique de Cragg-Donald, que Stock et Yogo [2005] présentent comme un test d’instrumentation faible. Toutes les statistiques se situent à des niveaux très confortables au regard des valeurs critiques, ce qui confirme que notre choix d’instruments est approprié. Enfin, nous présentons les résultats du test d’exogénéité des variables explicatives de Durbin-Wu-Hausman. L’hypothèse nulle d’exogénéité n’est jamais rejetée (cf. tableau 7, infra).
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[15]
Notamment, le coefficient de corrélation avec la variable prédite de dettes commerciales atteignait 79 %, significatif au seuil de 1 %.
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[16]
La violation de l’hypothèse d’homoscédasticité (ou de constance de la variance du résidu sur tout l’échantillon) est commune, notamment en données de panel. Dans ce cas, les écarts types issus des moindres carrés ordinaires sont sous-estimés, et l’évaluation des seuils de significativité devient par conséquent hasardeuse. La correction proposée par White permet d’ajuster les écarts types en tenant compte de ce phénomène. Froot [1989] propose une correction d’un type similaire, pour une forme particulière d’hétéroscédasticité, liée à la corrélation des caractéristiques observables et inobservables des firmes. La variance est alors instable d’un groupe d’entreprises à l’autre, d’où le terme d’hétéroscédasticité groupée.
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[17]
Les résultats complets de ces calculs de vif sont disponibles auprès des auteurs sur demande.
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[18]
Ces estimations sont donc effectuées sans variables muettes temporelles, puisque ces dernières sont parfaitement colinéaires avec le ratio crédit bancaire/pib.
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[19]
Ainsi, en dessous de la médiane, se trouvent les entreprises marocaines pour les années 2001 et 2002. Au-dessus de la médiane, se trouvent les entreprises égyptiennes pour l’année 2003, marocaines pour l’année 2000 et libanaises pour l’année 2004.
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[20]
Ces deux définitions se trouvent en parallèle dans la littérature (voir les analyses de Dietsch pour la première ; et, entre autres, Ge et Qiu [2007], pour la seconde).
1Le lien entre finance et croissance a fait l’objet d’un grand nombre d’études empiriques. Aghion [2007], à la suite de Levine [2005], en fait la synthèse et met en évidence deux résultats : i) la majorité de ces études concluent à une influence positive et significative du développement financier sur la croissance économique ; ii) cette influence s’explique par le fait que le développement financier réduit les contraintes qui pèsent sur le financement externe des entreprises.
2Dans l’étude que nous proposons, nous nous concentrons sur l’une des principales contraintes relatives au financement externe des entreprises dans les pays en développement ou émergents, celle concernant la difficulté d’accès au crédit bancaire. Les pays de la région Moyen-Orient Afrique du Nord (Middle-East North Africa, dite mena) fournissent, à cet égard, un excellent terrain d’application : le taux de bancarisation (pourcentage de la population détentrice d’au moins un compte bancaire) y est encore faible (de l’ordre de 30 % en moyenne) et la part du crédit bancaire ne dépasse guère 20 % [1] du financement externe des entreprises. Dans l’ensemble, hormis quelques pays de la région, tels que les Émirats arabes unis, le Qatar ou encore le Koweït, la plupart des économies du mena sont dotées de systèmes financiers assez peu développés et sont encore en phase de bancarisation. La base de donnée d’enquête de la Banque mondiale (World Bank’s Investment Climate Survey) confirme les difficultés d’accès au crédit bancaire des entreprises de cette zone : le pourcentage des entreprises qui détiennent un crédit bancaire est seulement de 24 % en 2009 (contre 48 % pour les entreprises des pays d’Asie de l’Est et Pacifique, 44 % pour celles des pays d’Europe de l’Est et d’Asie centrale, 45 % pour celles d’Amérique latine et des Caraïbes, 27 % pour celles d’Asie du Sud). Comment les entreprises ainsi contraintes dans l’accès au crédit bancaire se financent-elles ? À quelle forme alternative de financement externe recourent-elles, sachant qu’un développement financier faible signifie également que les financements de marché sont réduits ?
3Le recours au crédit commercial est l’une des solutions possibles. Le crédit commercial est un crédit de nature spécifique et de maturité souvent courte. Il correspond soit à un délai de paiement accordé par un fournisseur à son client, soit à un prêt consenti à une entreprise par une autre entreprise. Ce « crédit » permet à l’entreprise qui en bénéficie de financer ses besoins d’exploitation en gardant à sa disposition les liquidités (ou, en attendant, d’en disposer) qui seront transférées au fournisseur à l’échéance convenue. Même lorsqu’il s’agit d’un délai de paiement, il n’est pas sans coût, d’opportunité au moins, puisque les pratiques commerciales veulent qu’un paiement comptant s’accompagne généralement d’un escompte contractuel de l’ordre de 2 ou 3 % du prix d’achat. Néanmoins, il se révèle normalement plus facile d’accès que le crédit bancaire pour beaucoup d’entreprises. Beaucoup d’études se sont intéressées au lien entre crédit bancaire et crédit commercial, certaines pour conclure à une relation de substituabilité entre ces deux formes de financement, d’autres à une complémentarité. Par substituabilité, il faut entendre que le crédit commercial est utilisé en remplacement d’un crédit bancaire trop coûteux ou trop difficile d’accès. La complémentarité de ces deux modes de financement désigne au contraire leur utilisation conjointe : ces deux formes de crédit sont dites complémentaires lorsque la diminution de l’une (par exemple un accès au crédit bancaire plus difficile) n’entraîne pas nécessairement l’augmentation de l’autre (qui serait, dans ce cas, un plus grand recours au crédit commercial). La plupart des études sont, comme nous le rappellerons, appliquées aux pays avancés. Assez peu d’études s’intéressent au cas des pays émergents ou moins avancés ; elles font encore moins le lien avec le développement financier.
4Aucune étude, à notre connaissance, n’a encore été consacrée aux pays d’Afrique du Nord ou du Moyen-Orient, au sein desquels l’accès au crédit bancaire reste difficile en raison d’un développement financier encore modeste et où le crédit commercial représente une fraction significative du financement externe (Chaari et Couppey-Soubeyran [2008]). Or, la base de données de la Banque mondiale (World Bank’s Investment Climate Survey) fournit des données d’enquêtes menées auprès d’entreprises pour plusieurs pays de cette région. À partir de ces données, nous proposons de répondre à deux questions essentielles, la première au cœur de cette littérature, la seconde moins explorée : i) la difficulté d’accès au crédit bancaire favorise-t-elle le recours au crédit commercial ? ; ii) le développement financier, en améliorant l’accès au crédit bancaire, remet-il en question cette relation de substituabilité entre crédit bancaire et crédit commercial ? En répondant par l’affirmative à ces deux questions, nous montrons que la nature de la relation entre crédit commercial et crédit bancaire dépend du niveau de développement financier.
5L’article se poursuit de la manière suivante : la section 2 rappelle les principaux résultats de la littérature, la section 3 présente les données et les variables d’intérêt, la section 4 détaille la méthodologie empirique, la section 5 commente les résultats obtenus, la section 6 fournit des analyses complémentaires et la section 7 conclut.
Revue de la littérature
6Plusieurs revues détaillées de la littérature consacrée au crédit commercial existent déjà (Biais et Gollier [1997], Nilsen [2002], Frank et Maksimovic [2005]). Nous nous contenterons ici de rappeler les principaux résultats permettant de cerner les enjeux et les débats de cette littérature.
7L’étude de Meltzer [1960] est l’une des premières consacrée au crédit commercial et inter-entreprises. Meltzer s’intéresse aux incidences de l’argent rare (« tight money ») sur l’activité économique des entreprises et montre que, durant les périodes de rationnement du crédit bancaire, les petites entreprises, qui le subissent généralement plus que les grandes, substituent du crédit commercial au crédit bancaire. Bien qu’ancienne, l’étude de Meltzer conserve toute son actualité pour analyser l’évolution de la structure du financement au cours du cycle du crédit. En particulier, celle en cours dans les économies développées, les plus touchées par la crise financière et au sein desquelles les banques devront s’adapter à de plus fortes exigences prudentielles. S’il s’ensuit un crédit bancaire à la fois plus rare et plus cher, on peut s’attendre à un plus grand recours au crédit commercial. Meltzer relie donc l’utilisation du crédit commercial au cycle du crédit. Les études qui ont suivi se sont davantage intéressées au lien avec l’orientation (banque ou marché) du système financier et avec l’intensité de la relation banque-entreprise dans le financement de l’économie. Breig [1994] décrit ainsi le crédit commercial comme un type de financement plus répandu dans les systèmes « orientés-banques » que dans les systèmes « orientés-marché », auquel les entreprises recourent lorsqu’elles ne bénéficient pas d’une relation banque/entreprise suffisamment forte. Petersen et Rajan [1997] relient également la demande de crédits commerciaux à la difficulté d’accès au crédit bancaire. Niskanen et Niskanen [2006] concluent dans le même sens : l’intérêt des entreprises pour le crédit commercial est renforcé par les refus de prêts bancaires et, au contraire, réduit dans le cas d’une forte relation banque-entreprise.
8Wilner [2000] met en avant une autre explication selon laquelle les fournisseurs tendraient à assister les clients en détresse financière, afin de les fidéliser et de maintenir une relation commerciale de long terme. Demirgüc-Kunt et Maksimovic [2001] défendent plus explicitement l’idée d’une complémentarité entre crédit bancaire et crédit commercial dont l’offre s’expliquerait avant tout, selon eux, par l’avantage informationnel des fournisseurs : grâce aux relations commerciales qu’ils entretiennent avec leurs entreprises clientes, ceux-ci ont plus d’informations que les banques sur la santé des entreprises. Comme le montrent Biais et Gollier [1997], le crédit commercial peut, dans ce cas, constituer une sorte de signal positif permettant ensuite aux entreprises d’accéder au crédit bancaire, auquel cas les deux modes de financement deviennent complémentaires.
9Il faut noter que le crédit commercial n’est pas une forme de financement spécifique aux pays en développement ou émergents. Il représente une source de financement externe de court terme importante aux États-Unis et en Europe. La majorité des travaux empiriques consacrés à la question concernent d’ailleurs des pays développés, souvent à partir de données américaines (Elliehaussen et Wolken [1993] ; Petersen et Rajan [1994, 1997] ; Nilsen [2002]) ou européennes (Crawford [1992a, 1992b] ; Breig [1994] ; Deloof et Jegers [1996, 1999] ; Dietsch [1998] ; Marotta [1997, 2001] ; Wilson et al. [1999] ; Wilson et Summers [2002]), et mettent en avant tantôt des problèmes de contrainte financière, tantôt des avantages en termes de coûts de transaction, ou encore de liquidité, pour expliquer la demande de crédit commercial. L’étude de Bartholdy et Mateus [2008], portant sur seize pays d’Europe occidentale et 20 000 entreprises, montre que le recours au crédit commercial est plus fréquent dans les pays d’Europe du Sud. Les données relatives aux délais de paiement en Europe le confirment (voir Altares, statistiques détaillées, 1er trimestre 2011) : les délais de paiement moyens hors retards se situent généralement au-delà de 70 jours dans le Sud de l’Europe (jusqu’à 120 jours au Portugal et en Espagne) et entre 30 et 50 jours dans les autres pays (0 à 30 jours en Allemagne, par exemple). Cela suggère l’influence de déterminants culturels et institutionnels, ainsi que celle du niveau de développement économique et financier. D’où l’intérêt de faire porter l’analyse sur des pays émergents ou en développement.
10Quelques études se sont ainsi concentrées sur des pays émergents : en particulier sur ceux en transition d’Europe de l’Est et d’Europe centrale (Coricelli [1996] ; Cook [1999] ; Berglöf et Bolton [2002] ; Hammes [2003] ; Delannay et Weill [2004]), des pays asiatiques (Love et al. [2007]), sur la Chine (Ge et Qiu [2007]). Quelques autres se sont intéressées à des pays d’Afrique subsaharienne (Fafchamps et al. [1995] ; Biggs et al. [1996] ; Isaksson [2002]). Peu, cependant, font le lien avec le développement financier, hormis celle de Fisman et Love [2003], qui montre que les entreprises recourent davantage au crédit commercial dans les pays dont les systèmes bancaires sont peu développés, et celles déjà citées de Breig [1994] ou de Ge et Qiu [2007].
Données et choix des variables
Base de données : présentation générale
11La base de données d’enquêtes de la Banque mondiale auprès d’entreprises de pays en développement (Word Bank’s Investment Climat Survey [2]) est particulièrement propice à notre étude puisqu’elle permet de disposer d’informations à la fois sur le recours au crédit commercial, sur l’accès au crédit et sur la santé financière des entreprises. Dans chaque pays, les secteurs sont sélectionnés de façon non aléatoire, afin de centrer les enquêtes sur les secteurs les plus productifs. En revanche, au sein de chaque secteur, les entreprises retenues sont sélectionnées de façon aléatoire, de façon à ce que l’échantillon représente convenablement la population. Les données incluent des informations comptables telles que le chiffre d’affaires, les consommations intermédiaires, la masse salariale, le stock de capital, l’investissement et d’autres dépenses ; des informations plus générales sont également disponibles, concernant la structure actionnariale, les caractéristiques de la force de travail, les relations avec les concurrents, les clients et les fournisseurs, l’innovation et le climat des affaires, etc.
12Nous avons extrait de cette base les pays de la région mena pour lesquels les données d’entreprise dont nous avions besoin étaient toutes disponibles pour au moins une année. Les entreprises de trois pays de la région mena satisfont cette contrainte de disponibilité : l’Égypte, le Liban et le Maroc. Les périodes couvertes diffèrent d’un pays à l’autre, mais se situent toujours entre 2000 et 2004 : 2002-2003 pour l’Égypte, 2003-2004 pour le Liban et 2000-2002 pour le Maroc. Plus précisément (cf. tableau 4, infra), 324 entreprises égyptiennes, 69 entreprises libanaises et 79 entreprises marocaines sont renseignées pour une année ; 143 entreprises marocaines disposent de deux années consécutives, tandis que 517 entreprises présentent des observations pour les trois années 2000, 2001, 2002. Au total, l’analyse économétrique s’effectuera donc sur un panel non cylindré avec un maximum de trois années.
13De nouvelles enquêtes ont été conduites pour le Maroc (2007), l’Égypte (2008) et le Liban (2009). Malheureusement, celles-ci ne nous permettent pas d’étendre notre base. Pour l’Égypte et le Maroc manquent des données de bilans (plus aucune information comptable sur les passifs des entreprises enquêtées). Pour le Liban, les données de bilan restent disponibles mais manquent, en revanche, des données individuelles comme celle relative à la localisation des entreprises, indispensable pour construire l’une de nos variables caractéristiques. Le remplacement de cette dernière par une autre [3] serait contreproductif pour notre base puisqu’il s’ensuivrait pour les années précédentes une diminution du nombre d’observations exploitables. Au final, notre échantillon, restreint à trois pays et cinq années (2000-2004) avec un maximum de trois années consécutives par entreprise, est le meilleur qu’on puisse constituer pour représenter les pays du mena à partir de la base de données d’enquêtes de la Banque mondiale. Quoi qu’il en soit, cela ne compromet pas la portée de nos résultats dans la mesure où il n’y a pas eu de transformation majeure du système financier dans les pays concernés au cours de la dernière décennie, comme le soulignent les indicateurs macroéconomiques présentés dans le tableau 1. Sans préjuger de l’impact de la crise financière de 2008-2009, tant l’intermédiation bancaire que la capitalisation boursière demeurent dans les mêmes ordres de grandeur sur la période 2000-2009, à l’exception peut-être d’une tendance à la hausse un peu plus marquée au Maroc sur ces dernières années.
14Afin d’exclure les points aberrants de notre échantillon, nous n’avons conservé que les entreprises déclarant des montants strictement positifs de chiffres d’affaires et d’actifs, et des montants positifs ou nuls de dette et de paiements d’intérêt. Nous prenons soin également d’exclure le premier et le dernier percentile de la distribution des variables nécessaires à notre régression, afin là encore d’éliminer les points aberrants et les éventuelles erreurs de codage. Nous obtenons ainsi une base constituée de 1 132 entreprises privées [4] pour un maximum de 2 309 observations. Les données étant libellées en devises nationales, nous les convertissons en euros à l’aide de taux de change annuels extraits de la base International Financial Statistics (ifs) construite par le Fonds monétaire international.
Variables d’intérêt
15Notre objectif est d’expliquer les déterminants du crédit commercial. Notre variable endogène est construite en rapportant les dettes commerciales (dettes fournisseurs) des entreprises de l’échantillon au total de leur bilan. Les entreprises de notre échantillon ont renseigné ces informations comptables dans l’enquête de la Banque mondiale. Pour chaque entreprise, nous retenons donc le montant des dettes commerciales sans en déduire les créances du même type que l’entreprise détient. Retenir le montant net de dettes commerciales ne nous permettrait pas, en effet, d’évaluer l’influence du côté des variables explicatives des créances commerciales sur la part du crédit commercial obtenu. En bref, plutôt que d’expliquer directement la dette commerciale nette [5], nous relions la dette commerciale brute aux créances commerciales brutes.
16La dimension internationale de notre base nous permet d’étudier l’incidence du développement financier sur la nature de la relation entre crédit commercial et crédit bancaire. À cet égard, nous retenons comme indicateur de développement financier (en nous concentrant sur la dimension intermédiation bancaire) le ratio entre les crédits accordés au secteur privé et le pib, fourni par la base de la Banque mondiale « The Word Development Indicators » (cf. tableau 1 supra). Cet indicateur est le plus fréquemment utilisé dans la littérature [6].
Indicateurs macroéconomiques, 2000-2009
Indicateurs macroéconomiques, 2000-2009
17Les enquêtes utilisées ne comportent pas d’informations précises sur le volume de crédit bancaire au bilan des entreprises questionnées (seules sont mentionnées les dettes globales des entreprises). En revanche, une variable qualitative est disponible concernant la facilité d’accès au crédit bancaire, qui prend une valeur comprise entre 0 et 4 selon que la réponse à la question « L’accès au crédit bancaire représente-t-il un obstacle à l’activité de l’entreprise ? » a été « pas du tout » (0), « mineur » (1), « modéré » (2), « majeur » (3) ou « sévère » (4). En tant que donnée d’enquête, cette variable reflète la difficulté d’accès au crédit bancaire telle que l’entreprise la ressent. Cette réponse qui, par définition, comporte une part importante de subjectivité ne pourrait refléter qu’imparfaitement la capacité de l’entreprise à obtenir du financement et son réel besoin en la matière. Nous vérifions que cela n’est pas le cas, en calculant les coefficients de corrélation entre la variable d’accès au crédit, d’une part, et des mesures de productivité (Chiffre d’affaires rapporté au nombre d’employés) et de santé financière (Fonds propres/Actifs, ou Cash Flow/Actifs), d’autre part. Les coefficients de corrélation que nous obtenons sont significatifs à 5 % : la difficulté ressentie d’accès au crédit est reliée positivement à la productivité de l’entreprise et négativement aux variables de santé financière. En bref, ce sont donc bien les entreprises les plus productives et les moins en capacité de s’autofinancer (donc les plus en besoin de financement externe) qui ressentent une plus grande difficulté d’accès au crédit. Nous avons donc tout lieu de penser que la variable d’accès au crédit, construite à partir des réponses fournies par les entreprises au questionnaire de la Banque mondiale, fournit une mesure pertinente de l’accès plus ou moins contraint des entreprises au crédit bancaire.
18La littérature consacrée à l’impact des contraintes financières sur le comportement de l’entreprise (en règle générale, sur ses décisions d’investissement) s’intéresse à des mesures de financement interne (« cash flow ») ou externe (le plus souvent, la dette). Un impact significatif est généralement attribué aux imperfections des marchés financiers et suggère alors la présence de contraintes financières [7]. Nous utilisons, en premier lieu, le ratio « Cash Flow/Actifs », qui peut s’interpréter comme le volume de trésorerie mobilisable par l’entreprise à très court terme. Cet indicateur est largement utilisé dans la littérature (Kashyap et al. [1993]). En second lieu, nous nous appuyons sur le ratio « Fonds propres/Actifs », qui peut s’interpréter comme la capacité de l’entreprise à absorber des pertes, et s’apparente donc davantage à un indicateur de solidité financière sur le long terme. Un accroissement de chacun de ces deux ratios doit s’interpréter comme une amélioration de la santé financière de l’entreprise.
19À la suite d’autres travaux portant sur la question du crédit commercial, ayant eux aussi recours à des données de firmes [8], nous incluons également l’âge de l’entreprise (mesuré par le logarithme de l’âge de l’entreprise plus 1), sa présence dans la capitale du pays (variable binaire, prenant la valeur 1 si l’entreprise est installée dans la capitale, 0 sinon) et sa taille (mesurée par le logarithme de son chiffre d’affaires). Ayant un accès limité au crédit bancaire (du fait de problèmes d’asymétrie d’information), les jeunes entreprises auraient tendance à utiliser plus de crédit commercial (Berger et Udell [1995, 1998]). La présence dans la capitale est une autre variable représentative des coûts de recherche de l’information et des problèmes d’asymétrie d’information : les entreprises installées dans la capitale sont plus proches d’un plus grand nombre de banques (particulièrement dans les pays en développement, où les banques sont concentrées dans les villes principales), et ont donc plus de facilité pour accéder au crédit bancaire. Si ce dernier et le crédit commercial sont substituables, les entreprises devraient alors recourir de façon moindre aux dettes fournisseurs.
20Le rôle de la taille est, lui, plus ambigu. D’un côté, les grandes entreprises offrent de meilleures garanties (en terme de collatéraux) aux banques et ont plus facilement accès que les petites aux financements de marché, ce qui réduit leur besoin de crédit commercial (Berger et Udell [1998, 2002] ; Delannay et Weill [2004] ; Ge et Qiu [2007]). Mais, d’un autre côté, pour les mêmes raisons (garanties plus élevées, plus grande surface financière), les fournisseurs peuvent être incités à offrir plus de crédit aux grandes entreprises (Brennan et al. [1988] ; Mian et Smith [1992]). Par exemple, Petersen et Rajan [1997], Summers et Wilson [2002] ou encore Gama et al. [2008], pour des pays développés, Fafchamps et al. [1995], Biggs et al. [1996] et Isaksson [2002] pour des pays en développement d’Afrique subsaharienne montrent que l’utilisation du crédit commercial augmente avec la taille de la firme. Nos statistiques descriptives semblent aussi montrer que les entreprises de notre échantillon qui recourent au crédit commercial sont de plus grande taille que celles qui n’y recourent pas. Cela va dans le sens des statistiques plus générales publiées par l’Observatoire français des délais de paiement (2011) : les entreprises de plus grande taille tendent à obtenir de plus longs délais de paiement tout comme elles peuvent aussi se permettre d’en accorder davantage. Concernant ceux qu’elles demandent, les entreprises de plus petite taille n’ont apparemment guère les moyens de les leur refuser. Les petites entreprises recourraient donc au crédit commercial pour pallier un moindre accès au crédit bancaire et les grandes entreprises y recourraient aussi mais pour une autre raison tenant à la pression qu’autorisent leur taille et les délais de paiement qu’elles-mêmes octroient.
21Nous incluons également deux variables représentatives du volume de transactions, le ratio « Stock [9]/Actifs » d’une part et le ratio « Créances commerciales/Actifs » d’autre part. Tant les stocks que les crédits commerciaux accordés aux clients croissent avec le volume de transactions, ce qui devrait exercer une influence positive sur la part des dettes commerciales. La seconde variable est cruciale dans la mesure où elle nous permet de mesurer l’influence des crédits commerciaux consentis sur ceux obtenus et, par là même, de capturer des motifs plus commerciaux que financiers.
Analyse descriptive de l’échantillon
22Le tableau 2 présente la répartition des entreprises de l’échantillon en fonction de leurs secteurs d’activité (défini au niveau 2-digit de la Classification industrielle standard [10]) ; en outre, le tableau distingue entre les entreprises qui ont recours au crédit commercial (83 % du total de l’échantillon) et celles qui n’y ont pas recours (17 % du total). Grosses consommatrices de dettes commerciales, les entreprises des secteurs du vêtement au sens large (« Vêtements et cuirs », « Textile et habillement ») représentent plus de la moitié de l’échantillon (52 %). Viennent ensuite les entreprises du secteur « Produits plastiques, chimiques, pharmaceutiques » et des secteurs « Agroalimentaires »/« Alimentation », avec respectivement 13,5 et 11,8 % du total. Les autres secteurs ont une contribution plus modeste, comprise entre 0,4 et 6,5 % de l’échantillon.
Composition sectorielle de l’échantillon
Composition sectorielle de l’échantillon
23Le tableau 3 présente des statistiques descriptives, d’abord sur l’échantillon total puis sur les entreprises n’ayant pas recours au crédit commercial et, enfin, sur celles y ayant recours. Les résultats des tests d’égalité de moyenne, présentés dans la colonne « Différence », souligne la pertinence de cette partition : l’hypothèse nulle d’égalité est rejetée, quelle que soit la variable considérée. De façon peu surprenante, les entreprises ne recourant pas aux dettes commerciales accordent elles-mêmes peu de créances de même nature : deux fois moins que le reste de l’échantillon, et seulement le dernier quartile. Les entreprises ayant recours au crédit commercial sont approximativement deux fois plus grandes que celles n’y ayant pas recours, tant en termes du nombre d’employés que du chiffre d’affaires. Pour l’échantillon retenu, il semble donc, à ce stade, que l’hypothèse d’une corrélation positive entre taille et recours au crédit commercial l’emporte. Au plan financier, elles affichent également en moyenne des ratios de cash flow et de fonds propres sur actifs nettement inférieurs (respectivement, 0,32 vs 5,27, et 0,43 vs 1,49), ce qui va dans le sens d’une moindre santé financière rendant plus difficile l’accès au crédit bancaire. La distribution de la variable qualitative d’accès au crédit bancaire est également révélatrice : les entreprises ayant recours au crédit commercial font état de difficultés d’accès au crédit bancaire nettement plus importantes que les autres. Ceci tendrait à soutenir l’hypothèse d’une substitution entre crédit commercial et crédit bancaire, ce que notre analyse économétrique confirmera dans un premier temps. Dans un second temps, lorsque nous ferons interagir difficulté d’accès au crédit bancaire et développement bancaire, nous montrerons que le développement bancaire, en relâchant la contrainte d’accès au crédit, change la nature de la relation entre crédit commercial et crédit bancaire.
Statistiques descriptives (Echantillon total)
Statistiques descriptives (Echantillon total)
24Le tableau 4, enfin, présente les mêmes statistiques descriptives que le tableau 3, pour chacun des pays de l’échantillon. Il détaille également la répartition des entreprises en fonction du nombre d’années disponibles pour chacune d’entre elles : 472 entreprises disposent d’observations pour une seule année, tandis que 143 sont renseignées pour deux années consécutives et 517, pour trois années consécutives. Les faits stylisés qui en ressortent sont cohérents avec ceux tirés du tableau 3. Ainsi, les entreprises marocaines, les plus grandes de l’échantillon, sont également celles qui : (a) ont le plus recours aux dettes commerciales (ratio de 0,24, contre 0,22 pour l’ensemble de l’échantillon ; (b) déclarent un accès au crédit particulièrement difficile, compris entre « assez difficile » et « très difficile » ; (c) ont la situation financière la plus précaire au regard des ratios de cash flow (0,04 vs 0,79 sur l’ensemble de l’échantillon) et de fonds propres (0,38 vs 0,53). À l’opposé se situent les entreprises égyptiennes, plus petites, déclarant un accès au crédit nettement plus aisé (les trois quarts ne font état d’aucune difficulté en la matière) et affichant des ratios financiers très supérieurs à la moyenne de l’échantillon (4,82 contre 0,79) pour le cash flow, 1,44 contre 0,53 pour les fonds propres). La situation des entreprises libanaises, enfin, se situe à mi-chemin entre ces deux cas polaires. L’échantillon fait donc apparaître une hétérogénéité de situation louable au plan national, qui vient renforcer la variabilité globale au niveau des entreprises. Ceci est un atout précieux pour l’analyse empirique à venir.
Statistiques descriptives par pays
Statistiques descriptives par pays
Méthodologie
Modèle estimé
25Nous cherchons à évaluer l’impact de l’accès au crédit et de la structure financière sur la part de dette commerciale au bilan des entreprises. En utilisant le ratio des Dettes commerciales (dc) sur Actifs comme variable expliquée, la forme réduite que nous retenons est une équation linéaire standard qui prend la forme générale suivante :
27où Di correspond à la présence de l’entreprise dans la capitale, Ai à son âge et Si,t au logarithme du chiffre d’affaires, comme variable représentative de la taille de l’entreprise ; Ci est l’indicateur d’accès au crédit, tandis que Ti,t est un vecteur contenant les variables de transaction (Créances commerciales/Actifs et Stocks/Actifs). ?i,t, enfin, correspond, alternativement, à l’une des deux variables reflétant la santé financière de la firme, respectivement, « Cash Flow/Actifs » et « Fonds propres/Actifs ». Enfin, ?i, ?k et ?t sont des variables muettes destinées à capter les caractéristiques inobservables au niveau, respectivement, de l’entreprise, du secteur industriel et de l’année. Il est particulièrement important de neutraliser l’influence du secteur dans la mesure où certains secteurs sont réputés pour être de gros utilisateurs de crédits commerciaux. L’inclusion de ces variables muettes dans l’équation (1) et leur spécification varieront selon la méthodologie retenue [11]. Cette formulation s’inscrit dans la continuité des travaux de Elliehausen et Wolken [1993] et de Summers et Wilson [2002], et prolonge d’autres travaux empiriques sur le sujet (cf. Delannay et Weill [2004], Ge et Qiu [2007]).
28Concernant les variables de contrôle au niveau de l’entreprise, on s’attend à ce que la présence dans la capitale et l’âge aient un impact négatif sur le recours au crédit commercial (?, ? < 0) ; l’influence de la taille (?), quant à elle, reste à déterminer. Les dettes commerciales devraient également croître avec le volume de transactions (?i > 0), et à l’inverse décroître (? < 0) avec les variables de structure financière : si la liquidité de court terme (Cash Flow/Actifs) ou l’assise financière à long terme (Fonds propres/Actifs) de l’entreprise s’améliorent, la nécessité d’obtenir des délais de paiement se fait moins pressante. Quant à l’impact de la variable d’accès au crédit bancaire, il devrait être positif (? > 0) si l’hypothèse de substituabilité l’emporte : les dettes commerciales augmentent à mesure que la difficulté d’accès au crédit s’accroît.
29Enfin, dans la lignée des travaux de Beck et al. [2006], nous estimons également l’équation (1) en incluant des termes d’interaction entre la taille de l’entreprise et l’accès au crédit. L’évaluation de l’influence jointe de ces deux variables doit notamment permettre d’évaluer dans quelle mesure l’impact de la difficulté d’accès au crédit peut être relié à la taille de la firme.
Questions économétriques
30La spécification empirique que nous avons retenue contient plusieurs variables explicatives qui ont été renseignées de façon identique pour toutes les années dont nous disposons : la présence dans la capitale, l’âge de l’entreprise et l’accès au crédit. Au plan statistique, ces variables sont donc invariantes dans le temps. Par ailleurs, la modélisation de l’hétérogénéité individuelle inobservée nous impose de choisir entre effets fixes et effets aléatoires au niveau de la firme. Le premier choix entraîne un problème de multicolinéarité parfaite avec tous les régresseurs invariants dans le temps. Le choix des effets aléatoires, quant à lui, n’induit pas ce problème mais suppose l’orthogonalité entre effets individuels et variables explicatives. Nous choisissons alors de procéder comme suit : chaque spécification fera l’objet d’une double estimation. La première contiendra des effets fixes firmes (estimateur within), et s’appuiera donc sur une spécification partielle, basée uniquement sur les variables explicatives variantes dans le temps et des variables muettes années. Faisant l’hypothèse d’effets aléatoires, la seconde estimation, effectuée au moyen des moindres carrés généralisés (Generalized Least Squares, gls), s’appuiera sur une version complète de l’équation (1), avec, outre les variables muettes années, des variables muettes secteurs [12].
31Néanmoins, les estimations précédentes peuvent être affectées par un biais de sélection quant à l’usage même de crédit commercial, en raison d’un facteur absent de notre estimation. Ce problème peut être résolu au moyen d’une procédure en deux étapes à la Heckman. La variable de sélection que nous construisons s’appuie sur l’indicateur de dépendance financière sectorielle défini par Rajan et Zingales [1998]. Cette variable prend la valeur 1 si l’entreprise appartient à un secteur très dépendant du financement externe (au-dessus de la médiane de l’indicateur défini par Rajan et Zingales [1998]), 0 sinon (en dessous de cette même médiane) [13]. Nous avons vérifié que cette variable n’influençait pas le volume de dettes commerciales (équation (1)), mais seulement la décision d’avoir recours au crédit commercial (Wooldridge [2002]), que l’on peut représenter par une variable binaire (DC/Actifs)bin i,t, prenant la valeur 1 si l’entreprise a des dettes commerciales, 0 sinon. Un modèle Probit est alors approprié, et l’équation de sélection prend alors la forme suivante :
33Formellement, cette équation ne diffère de l’équation (1) que par la présence de la variable de sélection DEBINi,k,t (l’indicateur de dépendance financière sectorielle de Rajan et Zingales [1998]), et l’absence d’effets individuels au niveau de la firme. En effet, l’estimation (au moyen du maximum de vraisemblance) dans le cadre d’un modèle de type Probit interdit le recours aux effets fixes individuels (Wooldridge [2002]).
34L’éventualité d’un problème d’endogénéité entre la variable explicative et certaines variables de droite constitue une seconde source potentielle de biais. En effet, si l’exogénéité de l’âge et de la présence dans la capitale ne fait pas de doute, l’hypothèse d’une causalité inverse pour les variables de taille, de transaction, de structure financière et d’accès au crédit n’est pas à négliger. Ce problème ne peut néanmoins pas être traité simultanément pour toutes les variables. En effet, le recours à une méthode linéaire basée sur les variables instrumentales, s’il convient à des régresseurs quantitatifs/continus, peut être plus discutable pour une variable qualitative telle que l’accès au crédit. De façon plus générale se pose la question du sens de la causalité entre l’accès au crédit bancaire et le recours au crédit commercial. Nous décidons donc de traiter ce problème d’endogénéité en deux temps.
35Dans un premier temps, l’équation (1) est estimée au moyen des doubles moindres carrés (Two-Stage Least Squares, 2sls), en utilisant deux retards des variables explicatives (de taille, de transaction, de structure financière) comme instruments [14]. La dimension temporelle limitée du panel restreint alors l’estimation à une seule année. Dans un second temps, nous estimons un modèle à équations simultanées dans la lignée de celui proposé par Maddala [1983] afin d’étudier les sens de la causalité entre l’accès au crédit et le recours au crédit commercial. Cette méthode est adaptée au cas où l’une des variables dépendantes est une variable binaire et l’autre, une variable continue standard (Two-Stage Probit Least squares, 2spls). Dans ce contexte, nous créons une variable binaire d’accès au crédit, qui prend la valeur 1 si l’accès au crédit présente des difficultés majeures ou sévères (niveaux 3 et 4 de la variable qualitative), 0 sinon (niveaux 0, 1, 2 de la variable qualitative), et le système d’équations estimé prend la forme suivante :
37L’estimation en deux étapes requiert l’ajout de variables supplémentaires, afin de rendre l’identification possible. Nous ajoutons donc, dans les deux équations, une variable muette prenant la valeur 1 si l’entreprise dispose d’un crédit à court terme, 0 sinon. Nous ajoutons également deux autres variables instrumentales dans l’équation (4) : un indicateur qualitatif se rapportant aux difficultés liées au coût du crédit (étalonné de 0 à 4, il s’interprète donc de la même façon que l’indicateur d’accès au crédit) d’une part, et un terme d’interaction entre le degré de dépendance au financement externe au niveau sectoriel et le développement financier au niveau national, d’autre part. Ces trois variables ont été choisies pour leur rôle significatif dans l’accès au crédit bancaire, ce que notre analyse empirique confirmera. Des questions de multicolinéarité [15] nous ont également conduits à retirer le ratio des créances commerciales sur Actifs dans l’équation (4) de l’ensemble des variables de transaction (Ti,t).
38La structure de nos données pose le problème de la corrélation intragroupe des termes d’erreurs. En plus de la correction habituelle de White pour l’hétéroscédasticité, nous appliquons également la correction de Froot (1989) pour l’hétéroscédasticité groupée [16].
39Enfin, afin d’évaluer l’étendue de la multicolinéarité entre nos variables explicatives, nous calculons le vif (Variance Inflation Factor, ou facteur d’accroissement de la variance) pour chacune d’entre elles. Le vif évalue dans quelle mesure la variance d’un estimateur est accrue du fait de la présence de multicolinéarité. En d’autres termes, le vif croît avec le degré de colinéarité entre les variables explicatives. Il est communément admis qu’un vif excédant une valeur de 10 indique la présence d’une colinéarité très élevée entre les variables explicatives (Gujarati [2004]). Concernant notre spécification empirique, le vif global ne dépasse pas 2,48, soulignant ainsi que nos estimations ne souffrent d’aucun problème de multicolinéarité [17].
Résultats
Impact de la difficulté d’accès au crédit et de la santé financière
40Le tableau 5 présente les résultats des estimations de base de l’équation (1), c’est-à-dire de l’impact de variables de contrôle propres à la firme (âge, présence dans la capitale, taille), de variables de transaction et de qualité de la structure financière, et de l’accès au crédit. Les colonnes (a), (c) et (e) reportent les résultats issus de l’estimation de la forme partielle de l’équation (1) au moyen de l’estimateur Within, tandis que les colonnes (b), (d) et (f) reportent les estimations de sa forme complète avec effets aléatoires. Les R2, très faibles pour les estimations Within, sont nettement plus élevés pour les estimations gls, et soulignent le fort pouvoir explicatif des régresseurs invariants dans le temps (âge, localisation dans la capitale, accès au crédit).
Crédit commercial, accès au crédit et structure financière
Crédit commercial, accès au crédit et structure financière
Niveaux de significativité : * 10 %, ** 5 %, *** 1 %. Constante non reportée. Correction de Froot (1989) pour l’hétéroscédasticité groupée au niveau de la firme. Toutes les spécifications incluent des variables muettes années, les colonnes (b), (d) et (f) incluant en outre des variables muettes sectorielles.41Les coefficients de nos indicateurs de qualité de la structure financière sont négatifs et significatifs dans toutes les estimations. Ceci reflète le fait qu’une meilleure santé financière diminue la nécessité de recourir au crédit commercial. Les coefficients estimés sur les contrôles invariants dans le temps ont les signes attendus : l’âge de l’entreprise et sa localisation dans la capitale influencent significativement et négativement le recours au crédit commercial. Cela est cohérent avec l’idée que la réputation acquise avec l’âge relâche la contrainte financière des entreprises en raison notamment de moindres problèmes d’asymétrie d’information entre prêteurs et emprunteurs. De même, la localisation dans la capitale, synonyme d’un meilleur accès au crédit bancaire, semble diminuer le recours au crédit commercial ; ce résultat constitue ainsi une première indication de la substituabilité entre dettes commerciales et crédit bancaire. La taille de l’entreprise (mesurée par son chiffre d’affaires) influence significativement et positivement le recours au crédit commercial dans les estimations gls. Cela peut s’interpréter en termes de volume d’activité : plus l’entreprise est de grande taille, plus elle est en relation avec de nombreux fournisseurs auprès desquels elle obtient des délais de paiement. On s’attend à ce que nos variables de transaction jouent dans le même sens. Mais une seule des deux a une influence significative : à la différence de la variable « Stock sur actifs », la variable « Créances commerciales sur actifs » a une forte influence significative et positive sur le recours au crédit commercial. Le facteur le plus déterminant du recours au crédit commercial réside ainsi tout simplement dans le fait pour une entreprise d’être elle-même détentrice d’une créance commerciale sur une entreprise cliente (l’effet marginal mesuré est de loin le plus élevé). Notre estimation gls nous permet enfin de vérifier l’influence positive et significative de la difficulté d’accès au crédit sur le recours au crédit commercial, confortant l’idée d’une relation de substituabilité entre crédit bancaire et crédit commercial. Plus le crédit bancaire est difficile d’accès et plus les entreprises recourent au crédit commercial. En première approche, il ressort donc de nos résultats que le crédit commercial peut s’interpréter comme une sorte de palliatif aux difficultés d’accès au crédit bancaire, un « substitut » au crédit bancaire, mais naturellement imparfait étant donné l’échéance courte des crédits commerciaux comparée à celle du crédit bancaire, beaucoup mieux adapté au financement de l’investissement.
42Le tableau 6 évalue la robustesse des résultats précédents dans le cadre d’un modèle de sélection en deux étapes à la Heckman. La non-significativité du ratio de Mills dans l’équation d’intérêt (colonnes (a), (c), (e)) souligne l’absence de preuve empirique en faveur d’un biais de sélection, confirmant donc que les estimations présentées dans le tableau 5 sont, à cet égard, fiables.
Crédit commercial et accès au crédit : modèle de sélection
Crédit commercial et accès au crédit : modèle de sélection
Niveaux de significativité : * 10 %, ** 5 %, *** 1 %. Constante non reportée. Correction de Froot (1989) pour l’hétéroscédasticité groupée au niveau de la firme. Toutes les spécifications incluent des variables muettes secteurs et années.43L’estimation de l’équation de sélection (équation (2)) révèle, en revanche, des différences intéressantes entre les déterminants de la décision de recourir aux dettes commerciales, et ceux influençant le volume de ces dettes (équation (1)). Si l’accès au crédit influence le niveau de dette commerciale auquel les entreprises ont recours, il n’influence manifestement pas la probabilité d’y recourir. Autrement dit, une entreprise aura d’autant plus besoin de crédit commercial qu’elle accède difficilement au crédit bancaire. En revanche, la difficulté d’accès au crédit bancaire n’augmente pas la probabilité qu’elle puisse y recourir. On trouve également une différence d’effet en ce qui concerne l’âge de l’entreprise et la localisation dans la capitale. Tant l’âge que la localisation dans la capitale influencent négativement le volume de crédit commercial demandé mais pas la probabilité d’y recourir (comme pour la difficulté d’accès au crédit bancaire). La santé financière de court terme (Cash flow/Actifs) influence la probabilité de recourir au crédit commercial, tandis que la santé financière de long terme (Fonds propres/Actifs) n’apparaît plus significative. Notre principale variable de transaction (Créances commerciales/Actifs) reste déterminante dans tous les cas, qu’il s’agisse du volume de crédit commercial utilisé ou de la probabilité d’y recourir. Enfin, une forte dépendance financière sectorielle réduit la probabilité de recourir au crédit commercial, ce qui peut s’interpréter comme le résultat d’un accès au crédit bancaire mieux organisé au sein des secteurs les plus dépendants du financement externe (dans le prolongement de l’idée, avancée entre autres par Allen et al. [2007], que le système financier se développe en réponse aux besoins financiers de l’appareil productif).
Robustesse à la causalité double
44Le tableau 7 présente les estimations issues de la méthode des doubles moindres carrés (colonnes (a), (d), (g)) et celles découlant du modèle à équations simultanées de Maddala (colonnes (b)/(c), (e)/(f) et (h)/(j)).
Robustesse à l’endogénéité
Robustesse à l’endogénéité
Niveaux de significativité : * 10 %, ** 5 %, *** 1 %. Correction de Froot (1989) pour l’hétéroscédasticité groupée au niveau de la firme. Effets marginaux calculés à la moyenne pour les régresseurs continus dans le cas du modèle Probit d’accès au crédit (colonnes (c), (f) et (i)). Toutes les spécifications incluent des variables muettes années et industries. Les premiers et seconds retards des variables explicatives sont utilisées comme instruments pour les spécifications estimées au moyen des 2SLS. Dans ce dernier cas, l’estimation a donc lieu sur une seule année, et ne peut donc intégrer d’effets individuels au niveau de la firme, faute de degrés de liberté suffisants. Les valeurs critiques pour la statistique de Kelibergen Paap sont basées sur un biais potentiel des 2SLS à 5 %, aux seuils de risque de 5 et 10 %, pour trois régresseurs endogènes (cf. Stock et Yogo 2005). Le modèle à équation simultanées, estimé au moyen de la méthode Maddalla (1983), inclut en outre les variables instrumentales suivantes dans l’équation non linéaire : une variable de détention de crédit à court terme, de difficulté liée au coût du crédit et sur une variable d’interaction entre dépendance financière externe au niveau sectoriel (cf. Rajan et Zingales [1998]) et le ratio crédit bancaire/pib.45De façon générale, les statistiques de Hansen et de Kleibergen-Paap confortent largement nos choix d’instruments (cf. supra). Les résultats du test d’exogénéité de Durbin-Wu-Hausman concordent également pour conclure que l’hypothèse d’exogénéité ne peut être rejetée à aucun des seuils conventionnels. Ceci conduit à privilégier les estimations présentées dans le tableau 5 pour l’interprétation économique, car elles sont plus efficientes (Pagan [1984]). Ceci posé, on notera que ces estimations sont qualitativement très similaires à celles présentées dans le tableau 5. On retrouve l’effet négatif de l’âge de l’entreprise et de sa localisation dans la capitale, l’effet positif de la difficulté d’accès au crédit, de la taille (chiffre d’affaires) et des créances commerciales. Seul le ratio des cash flows sur actifs apparaît non significatif, tandis que le ratio de fonds propres conserve un fort impact négatif et significatif.
46L’estimation simultanée des équations (3) et (4) au moyen des 2spls révèle un certain nombre d’éléments intéressants. Aucune de nos variables d’intérêt n’influence de manière significative l’accès au crédit. Cela nous permet de vérifier que les influences mises en évidence précédemment vont bien de la difficulté d’accès au crédit bancaire vers le crédit commercial et non l’inverse, des créances commerciales détenues et du chiffre d’affaires vers le crédit commercial et non l’inverse. Les variables qui influencent l’accès au crédit bancaire ne sont donc pas celles qui influencent le recours au crédit commercial, ce qui nous affranchit d’éventuels problèmes d’endogénéité ou de causalité inverse. Les variables d’identification retenues pour expliquer l’accès au crédit montrent l’importance du coût du crédit, qui accroît la difficulté d’accès au crédit, l’importance également d’être détenteur d’un crédit de court terme pour pouvoir accéder au crédit de long terme, ainsi que celle de l’interaction entre dépendance financière sectorielle et développement de l’intermédiation bancaire (plus le développement bancaire est important et moins les entreprises appartenant à un secteur fortement dépendant du financement externe auront de difficultés à accéder au crédit bancaire).
L’impact du développement financier
47Jusqu’à présent, nos résultats ont montré qu’une meilleure santé financière tendait à diminuer le recours aux dettes commerciales, tandis que ces dernières augmentaient avec les difficultés d’accès au crédit. Dans ce contexte, la réduction des contraintes financières au niveau national, au travers par exemple de l’élévation du niveau de développement financier, devrait réduire à la fois le rôle de la santé financière et de la difficulté d’accès au crédit bancaire dans la détermination du recours au crédit commercial.
48Afin d’évaluer la pertinence et l’ampleur de ces effets, le tableau 8 présente des estimations de l’équation (1) incluant l’indicateur de développement financier retenu [18] (Crédit bancaire/pib ; cf. supra) et des termes d’interactions entre ce dernier et les variables de santé financière et d’accès au crédit bancaire (colonnes (a), (b), (c)). Par la suite, nous approfondissons l’analyse en divisant l’échantillon autour de la médiane du développement financier (colonnes (d) à (o)) [19].
Structure financière et développement financier
Structure financière et développement financier
Niveaux de significativité : * 10 %, ** 5 %, *** 1 %. Constante non reportée. Correction de Froot (1989) pour l’hétéroscédasticité groupée au niveau de la firme. Toutes les spécifications incluent des variables muettes années et industries. Haut et Bas signifient, respectivement, au dessus et en dessous de la médiane du ratio Crédit bancaire/pib.49Le développement bancaire tend à réduire, mais modestement, le volume utilisé de crédit commercial (le coefficient associé à la variable crédit/pib est significatif et négatif mais très faible). En revanche, l’introduction de cette variable réduit de manière significative et plus conséquente l’influence des déterminants qui ressortaient de nos estimations précédentes, en particulier celle de la difficulté d’accès au crédit et celle de la santé financière. En effet, l’influence positive de la difficulté d’accès au crédit sur le recours au crédit commercial n’est plus significative quand on introduit le développement bancaire parmi les variables explicatives. Elle n’est plus significative non plus quand on fait interagir accès au crédit bancaire et développement bancaire. En outre, lorsqu’on départage les entreprises en deux sous-échantillons (l’un « haut » au-dessus de la médiane du développement bancaire, le second « bas » en dessous de cette même médiane), on confirme que la difficulté d’accès au crédit bancaire exerce son influence significative sur le recours au crédit commercial des entreprises des pays les moins financièrement développés mais que cette influence n’est plus significative en ce qui concerne le recours au crédit commercial des entreprises des pays les plus financièrement développés de l’échantillon. Cela revient à dire que le crédit commercial se substitue au crédit bancaire lorsque le niveau de développement financier est faible mais que cette relation de substituabilité ne tient plus lorsque le développement financier est plus important. Au-delà d’un certain niveau de développement financier, crédit commercial et crédit bancaire tendraient donc à devenir des modes de financement plutôt complémentaires, le principal déterminant du crédit commercial demeurant la variable de créances commerciales détenues, laquelle traduit dans une large mesure l’intensité des relations commerciales avec les entreprises partenaires.
50Autre effet intéressant, celui que nous mettons en évidence au niveau de la taille des entreprises : l’influence positive de cette dernière sur le recours au crédit commercial semble en fait tenir au faible niveau du développement financier, puisque dans nos estimations cet effet disparaît pour les entreprises des pays dont le niveau de développement financier se situe au-dessus de la médiane. Enfin, au niveau des variables de santé financière (Cash Flow/Actifs et Fonds propres/Actifs), on constate qu’une amélioration de la santé financière diminue le recours au crédit commercial quand le développement financier est faible mais n’exerce plus d’influence significative quand le développement financier est élevé (ce que nous montrons lorsque l’échantillon est divisé autour de la médiane de développement financier), voire même renforce l’utilisation du crédit commercial (ce que nous montrons en faisant interagir la santé financière de long terme et le développement bancaire). Ceci tend à montrer que le niveau de développement financier induit une relation non linéaire entre santé financière et crédit commercial : les entreprises dont la santé financière est faible recourent d’autant plus au crédit commercial que le faible développement bancaire leur rend déjà difficile l’accès au crédit ; en revanche, une amélioration de la santé financière ne réduit pas le recours au crédit commercial dans les pays financièrement développés car les entreprises y recourent probablement pour d’autres raisons que la difficulté d’accès au crédit bancaire.
Analyses complémentaires
Taille, accès au crédit et santé financière
51Comme le soulignent Beck et al. [2006], la taille est un déterminant majeur des contraintes financières subies par l’entreprise. Afin de vérifier la pertinence de ces conclusions dans le cadre de notre échantillon, le tableau 9 présente les résultats d’estimations de l’équation (1) incluant des termes d’interaction entre la taille d’une part, et nos variables d’accès au crédit (colonne (b)) et de santé financière (colonnes (d) et (f)) d’autre part. Pour faciliter la comparaison, les colonnes (a), (c) et (e) présentent les résultats de l’estimation de l’équation (1), tels que déjà présentés dans le tableau 5.
Le rôle de la taille dans le recours au crédit commercial
Le rôle de la taille dans le recours au crédit commercial
Niveaux de significativité : * 10 %, ** 5 %, *** 1 %. Constante non reportée. Correction de Froot (1989) pour l’hétéroscédasticité groupée au niveau de la firme. Toutes les spécifications incluent des variables muettes années et secteurs.52Les résultats sont cohérents avec ceux de Beck et al. [2006]. Les termes d’interaction sont significatifs, hormis celui faisant intervenir le ratio Cash Flow/Actifs, et affichent les mêmes signes que les variables d’accès au crédit et de santé financière (Fonds propres/Actifs) en l’absence d’interactions. Cela signifie que la taille a un effet amplificateur des contraintes financières sur le recours aux dettes commerciales. Autrement dit, les entreprises de grande taille recourront de façon proportionnellement plus importante au crédit commercial en cas de difficultés d’accès au crédit bancaire et/ou de problèmes de capitalisation. Ainsi, la faculté de fournir du collatéral, représentée par la taille, est un élément facilitant l’accès au crédit commercial, permettant, par là même, de relâcher la contrainte de financement externe (accès au crédit bancaire) ou interne (fonds propres insuffisants).
Position nette en termes de crédit interentreprises, accès au crédit et santé financière
53Certaines analyses, comme celles de Dietsch [1998], mettent en avant l’utilité de considérer la position nette en termes de crédit interentreprises (c’est-à-dire l’écart entre créances clients et dettes commerciales) lors de l’étude des déterminants de ce dernier. Dans notre cas néanmoins, ceci soulève un problème de cohérence interne : il conviendrait, pour être tout à fait rigoureux, de prendre en compte dans les variables explicatives la dette bancaire nette (des dépôts) de l’entreprise. Or, comme cela a été indiqué précédemment (section 3.1), les enquêtes de la Banque mondiale ne fournissent ni les dettes bancaires, ni a fortiori les dépôts des entreprises.
54À titre de comparaison, le tableau 10 présente cependant les résultats d’estimations alternatives de l’équation (1), dans lesquelles la variable dépendante a été remplacée alternativement par deux définitions de la position nette en termes de crédit interentreprises, à savoir : 1) (créances commerciales + stocks – dettes fournisseurs)/actifs (colonnes (a) à (d)) et 2) (créances commerciales – dettes fournisseurs)/actifs (colonnes (e) à (h)) [20]. On notera que les signes attendus sont évidemment les opposés de ceux observés jusqu’ici, puisque c’est désormais une capacité nette de financement qui est expliquée. Une exception, néanmoins, avec la taille : cette dernière influençant également les créances commerciales dans un sens inconnu a priori, le sens de l’impact de la taille sur la position nette n’est pas non plus évident ex ante.
Position nette sur le crédit commercial, accès au crédit et structure financière
Position nette sur le crédit commercial, accès au crédit et structure financière
Niveaux de significativité : * 10 %, ** 5 %, *** 1 %. Constante non reportée. Correction de Froot (1989) pour l’hétéroscédasticité groupée au niveau de la firme. Toutes les spécifications incluent des variables muettes années, les colonnes (b), (d), (f) et (h) incluant en outre des variables muettes sectorielles.55De façon générale, les résultats obtenus sont qualitativement proches de ceux présentés dans le tableau 5, avec une significativité néanmoins moindre lorsque la première définition de la position nette est utilisée. Dans tous les cas de figure, l’accès au crédit n’est plus significatif, ce qui est peu surprenant, étant donné les difficultés pratiques évoquées ci-dessus.
Tests de robustesse
56Enfin, nous avons testé la robustesse de nos résultats à différentes spécifications alternatives. Nos conclusions sont identiques lorsque : (i) nous utilisons des définitions alternatives pour la variable dépendante, telles que le logarithme des dettes commerciales ou le ratio de ces dernières sur les ventes ; (ii) nous incluons des variables de contrôle supplémentaires au niveau macroéconomique, comme le taux de croissance du pib, le pib par tête, le taux d’investissement (soit la formation brute de capital fixe rapportée au pib) et le taux d’épargne ; (iii) nous ajoutons d’autres variables de contrôle au niveau de la firme (relatives à la structure actionnariale ou à sa nationalité) ; (iv) nous introduisons le poids des dettes, en distinguant entre dettes à court et long terme.
Conclusion
57Dans cette étude réalisée à partir de données de firmes issues de la base de données d’enquêtes de la Banque mondiale (Word Bank’s Investment Climat Survey), nous nous sommes interrogés sur les déterminants du recours au crédit commercial des entreprises de la région mena. En particulier, nous testons l’influence des difficultés d’accès au crédit bancaire, la question étant de savoir si le crédit commercial peut s’interpréter comme un substitut au crédit bancaire. Nous montrons que la difficulté d’accès au crédit bancaire influence positivement le recours au crédit commercial des entreprises dans les pays dont le niveau de développement financier est relativement le plus faible. En revanche, pour les entreprises des pays dont le niveau de développement financier est relativement le plus élevé, la difficulté d’accès au crédit n’apparaît plus comme un déterminant significatif du recours au crédit commercial. Dans ce cas, la relation entre crédit bancaire et crédit commercial semble changer de nature. Le crédit commercial ne constitue plus un substitut, aussi imparfait soit-il, du crédit bancaire mais tendrait plutôt à le compléter. L’influence de la santé financière sur le recours au crédit commercial apparaît également dépendante du niveau de développement financier : une amélioration de la santé financière réduit l’utilisation du crédit commercial des entreprises dans les pays dont le développement financier est relativement faible, mais n’a pas le même impact si le développement financier est relativement élevé (cet impact disparaît). De manière générale, l’apport de notre étude réside dans la démonstration que les déterminants du recours au crédit commercial sont largement dépendants du niveau de développement financier du pays auquel les entreprises appartiennent. Cela ne signifie pas pour autant que le recours au crédit commercial soit caractéristique des situations de faible développement financier, mais plutôt que les déterminants du crédit commercial ne soient pas les mêmes selon que le développement financier (dans sa composante bancaire en particulier) est faible ou élevé. L’importance des déterminants financiers (accès au crédit, santé financière) tend à s’effacer avec le développement financier, au profit des déterminants plus strictement commerciaux.
Bibliographie
Références bibliographiques
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Notes
-
[*]
Université Paris I, Centre d’Économie de la Sorbonne, Maison des Sciences Économiques. Correspondance : 106-112 boulevard de l’Hôpital, 75647 Paris Cedex 13. Courriel : couppey@univ-paris1.fr (auteur correspondant).
-
[**]
equippe-Universités de Lille, Université Lille 1, Faculté des Sciences Économiques et Sociales, et Université Paris I, Centre d’Économie de la Sorbonne. Correspondance : equippe-Universités de Lille, Université Lille 1, Faculté des Sciences Économiques et Sociales, ustl – Cité Scientifique – Bât SH2, 59655 Villeneuve d’Ascq Cedex. Courriel : jerome.hericourt@univ-lille1.fr.
-
[***]
Université Paris I, Centre d’Économie de la Sorbonne, Maison des Sciences Économiques. Correspondance : 106-112 boulevard de l’Hôpital, 75647 Paris Cedex 13. Courriel : ines.chaari@malix.univ-paris1.fr.
-
[1]
Voir Chaari et Couppey-Soubeyran [2008] pour une application au cas de la Tunisie.
-
[2]
Ces enquêtes sont disponibles sur : http://www.enterprisesurveys.org/.
-
[3]
Nous avons notamment testé son remplacement par une variable managériale (indiquant si le manager est le propriétaire de l’entreprise) couramment utilisée dans la littérature (Deloof et Jegers [1999]). Cette variable permettrait d’inclure 41 entreprises libanaises des enquêtes 2007-2008 mais dans le même temps nous obligerait à exclure 68 entreprises des deux autres pays issues des enquêtes 2000-2004. Pour maximiser le nombre d’observations, il a donc été préférable d’y renoncer.
-
[4]
Les entreprises publiques étaient très peu nombreuses dans la base de départ (moins de 1 % de l’effectif total, soit une trentaine de firmes). Il n’était donc pas possible de mener une analyse empirique solide sur ce seul sous-échantillon. Aussi a-t-on dû les retirer de la base.
-
[5]
Cette définition alternative est toutefois testée dans la section 6 pour évaluer la robustesse de nos estimations.
-
[6]
Voir, entre autres, Beck et al. [2000] et Beck [2002]. Fisman et Love [2003] utilisent également ce ratio comme indicateur de développement bancaire.
-
[7]
Voir la revue de littérature proposée par Hubbard [1998].
-
[8]
Voir notamment Delannay et Weill [2004] et Ge et Qiu [2007].
-
[9]
Il s’agit des stocks de biens finis et en cours de production, d’intrants et de matières premières.
- [10]
-
[11]
Voir la sous-section suivante pour plus de détails.
-
[12]
La spécification partielle avec effets fixes n’inclut évidemment pas de variables muettes industries, dans la mesure où celles-ci sont parfaitement colinéaires avec les effets fixes firmes.
-
[13]
Ces données de dépendance financière externe ont été construites par Rajan et Zingales [1998] à partir de données américaines. Ils définissent la dépendance financière externe comme la fraction des dépenses d’investissement non financée par les cash flows issus de l’exploitation de l’entreprise. Comme le soulignent Berman et Héricourt [2010], le degré de dépendance financière des industries américaines peut être considéré comme optimal, dans un contexte de développement financier élevé et de faibles contraintes financières pour les firmes. Le niveau de dépendance financière externe de chaque industrie américaine devrait donc refléter la demande réelle de financement externe de la part de ces industries dans chaque pays considéré. Par conséquent, nous appliquons cette mesure de dépendance financière externe à toutes les industries de notre base de données.
-
[14]
La validité des estimations est testée à l’aide de deux statistiques complémentaires. Robustes à l’hétéroscédasticité tant standard que groupée, les statistiques de Hansen (ou « J-stat »), qui portent sur les restrictions de suridentification, ne rejettent pas notre ensemble d’instruments. Nous présentons également la F-statistique de Kleibergen-Paap, version robuste à l’hétéroscédasticité standard et groupée de la statistique de Cragg-Donald, que Stock et Yogo [2005] présentent comme un test d’instrumentation faible. Toutes les statistiques se situent à des niveaux très confortables au regard des valeurs critiques, ce qui confirme que notre choix d’instruments est approprié. Enfin, nous présentons les résultats du test d’exogénéité des variables explicatives de Durbin-Wu-Hausman. L’hypothèse nulle d’exogénéité n’est jamais rejetée (cf. tableau 7, infra).
-
[15]
Notamment, le coefficient de corrélation avec la variable prédite de dettes commerciales atteignait 79 %, significatif au seuil de 1 %.
-
[16]
La violation de l’hypothèse d’homoscédasticité (ou de constance de la variance du résidu sur tout l’échantillon) est commune, notamment en données de panel. Dans ce cas, les écarts types issus des moindres carrés ordinaires sont sous-estimés, et l’évaluation des seuils de significativité devient par conséquent hasardeuse. La correction proposée par White permet d’ajuster les écarts types en tenant compte de ce phénomène. Froot [1989] propose une correction d’un type similaire, pour une forme particulière d’hétéroscédasticité, liée à la corrélation des caractéristiques observables et inobservables des firmes. La variance est alors instable d’un groupe d’entreprises à l’autre, d’où le terme d’hétéroscédasticité groupée.
-
[17]
Les résultats complets de ces calculs de vif sont disponibles auprès des auteurs sur demande.
-
[18]
Ces estimations sont donc effectuées sans variables muettes temporelles, puisque ces dernières sont parfaitement colinéaires avec le ratio crédit bancaire/pib.
-
[19]
Ainsi, en dessous de la médiane, se trouvent les entreprises marocaines pour les années 2001 et 2002. Au-dessus de la médiane, se trouvent les entreprises égyptiennes pour l’année 2003, marocaines pour l’année 2000 et libanaises pour l’année 2004.
-
[20]
Ces deux définitions se trouvent en parallèle dans la littérature (voir les analyses de Dietsch pour la première ; et, entre autres, Ge et Qiu [2007], pour la seconde).