Notes
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[*]
Departament d’Economia i d’Història Econòmica, code – Edifici B – Universitat Autònoma de Barcelona – 08193 Bellaterra, Cerdanyola del Vallès Barcelona, Spain. Courriel : Sebastian. Bervoets@ uab. es
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[**]
Crem, cnrs et Université de Caen. Adresse : Faculté de sciences économiques et de gestion, bureau eg 230, 19 rue Claude-Bloch, 14032 Caen cedex, France. Courriel : vincent. merlin@ unicaen. fr
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[1]
Cependant, les dernières élections anglaises et américaines ont vu fleurir des sites Internet proposant aux électeurs d’une juridiction d’échanger leurs votes avec des électeurs d’autres juridictions à des fins de manipulation. Voir, à ce sujet, l’article récent de Hartvigsen [2006].
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[2]
Une partie des résultats de Bervoets et Merlin est consignée dans la thèse de Sebastian Bervoets [2005].
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[3]
Voir la preuve de ce théorème dans Bervoets [2005] et Bervoets et Merlin [2006].
Introduction
1Le 11 septembre 2006, s’est ouvert au tribunal correctionnel de Paris le procès dit des faux électeurs. En effet, lors des élections municipales de 1989, Jacques Dominati fut élu maire du 3e arrondissement de Paris au premier tour avec seulement 20 voix d’avance. Il s’avère que 327 électeurs parisiens avaient été débauchés de leurs arrondissements de résidence pour s’incrire sur les listes du 3e arrondissement. En « déplaçant » artificiellement des électeurs d’une juridiction vers une autre, Jacques Dominati a ainsi réussi à manipuler avec succès une règle de vote.
2Cet exemple illustre une faille des procédures de vote indirectes, qui supposent que la décision collective est prise par une assemblée de représentants élus dans différentes juridictions. Ainsi, deux répartitions différentes des mêmes électeurs entre les circonscriptions électorales peuvent donner deux résultats différents. Un autre exemple est celui des élections américaines en 2000 : George W. Bush fut élu avec une avance de seulement 537 voix dans l’État clef de Floride, alors qu’il avait recueilli moins de suffrages que son adversaire au niveau national. Il aurait suffi que 538 électeurs démocrates décident de s’inscrire sur les listes de Floride pour qu’Al Gore remporte cet État et devienne président des États-Unis. Il est certes peu probable que les électeurs se déplacent d’eux-mêmes d’une juridiction vers une autre pour peser sur le résultat final [1], mais il est courant que les hommes politiques manipulent les élections en modifiant les frontières des circonscriptions électorales. La classe politique américaine est ainsi passée maître dans l’art du découpage électoral, puisque sur 435 circonscriptions législatives, seule une trentaine est jugée compétitive. Nous renvoyons le lecteur au livre récent de Michel Balinski [2004] et au site www. nationalatlas. org pour découvrir les formes étranges des circonscriptions américaines (entre autres, Arizona 2, Georgie 13, etc.).
3Les avantages du vote indirect sont cependant connus : l’élu est plus proche de ses électeurs, et contrairement aux élections à la proportionnelle, il ne doit pas son statut à sa capacité à négocier une bonne place dans une liste. Une question légitime concerne alors l’existence de modes de scrutin indirects qui garderaient ces avantages sans pour autant être manipulables par le jeu des découpages. L’approche axiomatique de la théorie du choix social semble être le cadre désigné pour tenter d’y répondre et cet article va l’utiliser pour illustrer la difficulté de concilier le principe du vote indirect avec le principe de non-manipulation.
4Après l’ouvrage pionnier d’Arrow [1963], May [1952] a obtenu un premier résultat positif consistant en la caractérisation axiomatique de la règle de la majorité entre deux options. C’est la seule méthode qui soit à la fois neutre (aucune option n’est privilégiée), anonyme (aucun votant n’est privilégié) et monotone (une voix supplémentaire pour un candidat au dépend de l’autre lui permet de briser en sa faveur une égalité). En abandonnant l’hypothèse d’anonymat, Murakami [1966], Fine [1972] et Fishburn [1973] ont décrit avec précision les règles neutres et monotones comme un emboîtement de décisions prises à la majorité. On doit les premiers résultats sur la non-manipulabilité du vote indirect aux travaux de Laffond et Lainé [1999, 2000], Chambers [2003], Bervoets et Merlin [2006] [2] et Perote Peña [2005]. En particulier, ces trois dernières contributions s’attachent à cerner avec des hypothèses différentes le conflit qui existe entre vote indirect et non-manipulabilité. En reprenant le cadre d’analyse de Bervoets et Merlin [2006], nous allons présenter un résultat nouveau dans cette littérature : une règle de vote indirect qui est stable face aux déplacements des électeurs, et qui vérifie le principe selon lequel ne peuvent être élus que des candidats ayant reçu au moins une voix, doit traiter les candidats selon un ordre de priorité particulier. Autrement dit, la non-manipulation n’est obtenue qu’en abandonnant d’une manière radicale le traitement égal entre les candidats.
5Après avoir présenté les notations et les définitions du modèle, le cœur de l’article sera consacré à l’exposé de deux conditions normatives, la stabilité et la représentativité minimale, et à la caractérisation des règles de Priorité. Les preuves sont regroupées en annexe tandis que la section finale ouvre la discussion sur de possibles prolongements.
Notations et définitions
6L’ensemble fini des candidats est désigné par l’ensemble fini des électeurs est donné par avec et est l’ensemble fini des juridictions avec On supposera que
7On appelle ? une fonction de partition de N dans Formellement, avec et Dans ce qui suit, on considérera des fonctions de partition dans ?, défini comme l’ensemble de toutes les partitions telles que i.e. telles qu’aucune juridiction n’est vide. Puisque il y a au moins une juridiction qui contient deux électeurs.
8Les électeurs sont équipés d’une relation d’ordre linéaire Ri sur A, c’est-à-dire d’une relation binaire qui est transitive, complète et antisymétrique. Ils votent pour un candidat unique de A dans la juridiction dans laquelle ils résident et sont libres de choisir leur candidat favori ou non. En revanche, pour l’étude qui suit, on suppose que, lorsqu’ils changent de juridiction, les électeurs votent pour le même candidat. En effet, l’objectif de cet article n’est pas d’étudier la manipulation au sens de Gibbard [1973] et Satterthwaite [1975] (pour laquelle les électeurs changent de vote) mais bien les manipulations par mouvement des électeurs.
9L’expression désigne un profil de vote, qui est un vecteur de dimension n dont la ieme coordonnée indique le vote de l’individu i, que l’on notera De même, pour tout sous-ensemble S de N, désigne la restriction de ? à S.
10Lors d’une élection, la jeme juridiction Jj élit un vainqueur juridictionnel à travers la fonction de choix social fj :
12On notera que fj est définie pour des tailles de population quelconques mais réalisables (comprises entre 1 au minimum et au maximum). On impose la condition suivante sur les fonctions
13Définition 1. Souveraineté juridictionnelle. Si et alors
14Le résultat d’une élection dans la région Jj est ainsi indépendant de ce qui se passe dans les juridictions voisines. L’ensemble des fonctions de choix social satisfaisant la Souveraineté juridictionelle est noté
15Les m vainqueurs juridictionnels génèrent un profil de vote que l’on appelle un profil fédéral. La fédération élit ensuite son vainqueur final à l’aide de la fonction de choix social g définie comme suit :
17Une constitution fédérale est donnée par le -uplet avec Pour une constitution donnée, le vainqueur fédéral sera désigné par :
19Remarque 1. Bien que les fonctions fj et g sont des fonctions de choix social, leur combinaison dans une procédure en deux étapes ne génère pas une fonction de choix social. En effet, une fonction de choix social a pour seul argument les choix des électeurs tandis que la recherche du vainqueur pour une constitution fédérale requiert de connaître la partition des électeurs en plus de leurs choix.
20L’exemple suivant illustre la sensibilité des règles de vote des constitutions fédérales au découpage électoral. Posons et et Supposons de plus que la règle de la majorité soit appliquée pour f1, f2, f3 et g, et désigne toujours a comme vainqueur en cas d’égalité. Considérons le profil de vote où les individus 1 à 3 votent pour a, tandis que les individus 4 et 5 votent pour b. La partition ? est telle que et Ainsi, le vainqueur en J1 est a, tandis que le vainqueur en J2 et J3 est b, donc Ainsi, Considérons maintenant telle que et Dans ce cas, le vainqueur en J1 et J2 est a, tandis que b gagne en J3. Ainsi, et
Propriétés et résultats
21On définit ici quelques propriétés que l’on peut souhaiter imposer sur les différentes fonctions de choix social.
22Axiome 1. Représentativité minimale (rm). Pour tout ?, ? et tel que et tel que
23Autrement dit, pour chacune des règles de vote, il est impossible que le vainqueur n’ait reçu aucune voix. L’axiome rm implique l’axiome d’unanimité à la fois sur les fonctions fj et sur g (l’axiome d’unanimité impose qu’un candidat recevant l’unanimité des voix soit élu).
24Définition 2. Manipulabilité individuelle. tels que et
25La Manipulabilité individuelle dit qu’il existe une situation électorale telle qu’un électeur isolé, en choisissant une juridiction plutôt qu’une autre, peut changer, en sa faveur et à lui seul, le résultat de l’élection. Cette propriété est évidemment extrêmement indésirable puisqu’elle permet de concentrer beaucoup de pouvoir entre les mains d’un électeur. On demandera donc par la suite à ce qu’une constitution fédérale soit non individuellement manipulable.
26Axiome 2. Stabilité.
27L’axiome de Stabilité traduit une idée très forte de la non-manipulabilité. En effet, celui-ci requiert non seulement qu’un individu isolé ne puisse pas changer le résultat de l’élection, il requiert également que ce soit vrai pour toute coalition d’électeurs qui souhaiteraient se déplacer. Enfin, la stabilité est une condition toujours plus forte puisqu’elle ne considère pas seulement des changements de vainqueurs qui seraient bénéficiaires aux électeurs de la coalition, mais tout changement quel qu’il soit. Par définition, cet axiome implique que le résultat de l’élection devrait être indépendant de la partition des individus. Ainsi la condition de Stabilité fait coïncider la composée de deux fonctions de choix social avec une fonction de choix social (cf. Rq. 1).
28Théorème 1. Pour tout ensemble de candidats A, une constitution C est instable si et seulement si elle est individuellement manipulable [3].
29Il peut sembler indésirable qu’une coalition d’électeurs qui ne changent pas leur vote, mais changent de juridiction, puisse inverser le résultat d’une élection. Cependant, si cette idée peut être acceptée dans certaines circonstances, il paraît en revanche plus difficile d’accepter l’idée que le résultat de cette élection ne dépende que de la localisation d’un seul individu. Le théorème 1 dit que ces deux implications sont en fait équivalentes. Pour cette raison, nous nous attarderons uniquement sur la condition de stabilité qui est plus simple à manier.
30Soit tels que l’ensemble des options présentes dans le profil ?. On définit de la même manière et
31Définition 3. On dit que a domine b, que l’on notera si pour tout profil de vote ? tel que
32Lorsque a domine b, b ne peut jamais remporter l’élection dès que a reçoit au moins une voix.
33Proposition 1. C satisfait Stabilité et Représentativité minimale (rm) si et seulement si pour toute paire d’options ou
34Proposition 2. Si C satisfait Stabilité et rm, alors ? est transitive, i.e. si et alors
35D’après les propositions 1 et 2 (voir les preuves en annexe), la relation ? est transitive et complète. Elle est par ailleurs antisymétrique. Par conséquent ? est un ordre linéaire, nous permettant de classer les différentes options par ordre de priorité, dès lors qu’une constitution fédérale satisfait à la fois Stabilité et rm. Ainsi par la suite nous supposerons que
36Définition 4. Pour tout .
37 est l’option de A qui possède la plus haute priorité d’après la relation ?.
38Définition 5. Une constitution fédérale C est une règle de Priorité si, et seulement si, il existe un ordre linéaire ? sur X et
39–
40– .
41Une règle de Priorité est donc une règle qui détermine le vainqueur de l’élection uniquement en sélectionnant, parmi tous les candidats ayant reçu au moins une voix, celui qui a la plus haute priorité.
42Théorème 2. C’est une Constitution satisfaisant Stabilité et rm si et seulement si c’est une règle de Priorité, i.e. il existe un ordre ? sur X tel que
43Comme nous l’indique ce théorème (voir la preuve en annexe), dès lors que l’on souhaite associer des procédures de vote indirectes revêtant des caractéristiques démocratiques minimales à des propriétés de non-manipulation, on se trouve confronté à une impossibilité. En effet, pour assurer la non-manipulabilité des règles de vote, il est nécessaire de renoncer soit à la représentativité minimale, soit à la neutralité par rapport aux candidats.
Conclusion
44Dans cet article, nous avons montré qu’interdire les manipulations par mouvement des électeurs conduisait à une impasse. Les seules règles stables et représentatives sont les règles de Priorité, qui violent un certain nombre de principes démocratiques. Chambers [2003] a également proposé une caractérisation des règles de Priorité, avec cependant des hypothèses plus fortes que les nôtres. D’abord, il suppose que les règles fj sont toutes identiques à g. Ensuite, il impose l’anonymat sur ces fonctions. Enfin, ses preuves utilisent abondamment le fait que le nombre de votants comme le nombre de circonscriptions sont variables, tandis qu’ils sont fixes ici.
45Nos analyses présentent cependant deux limites. Premièrement, l’expression des préférences se limite au vote pour une seule option. Que se passe-t-il lorsque les individus peuvent inscrire sur leur bulletin de vote l’ensemble de leurs préférences ? Perote-Peña [2006] montre alors que le conflit entre anonymat et neutralité persiste dans un cadre un peu différent. Deuxièmement, nous n’imposons aucune contrainte sur les tailles des différentes juridictions. L’intérêt des travaux de Laffond et Lainé [1999, 2000] est justement de contraindre la taille des juridictions en supposant que deux circonscriptions ont au plus deux votants d’écart. Leur résultat d’impossibilité s’applique alors aux règles de type Condorcet et aux classements par points. Là aussi, la difficulté de concilier non-manipulation et vote indirect s’impose.
46Une solution serait alors d’affaiblir les conditions de Représentativité minimale et de Stabilité. L’affaiblissement de l’axiome rm est abondamment discuté dans Bervoets et Merlin [2006]. Ne considérer le principe d’unanimité que sur les règles fj, ou même ne l’appliquer que lorsqu’une juridiction ne comporte qu’un candidat, permet certes de décrire de nouvelles règles stables, mais aucune n’est satisfaisante. Reste alors la question de l’affaiblissement de la stabilité, qui est une condition forte dans la mesure où elle suppose que, pour tout profil de vote, toute répartition des votants doit être un équilibre de Nash dans un jeu pour lequel les stratégies consistent en un choix de juridiction où voter. On pourrait se contenter de chercher le nombre de profils et de partitions qui sont stables pour des constitutions données, de manière à les classer selon leur degré décroissant de stabilité ; c’est l’approche par la probabilité des paradoxes des votes (pour une présentation, voir le livre de Gehrlein [2006]). Une autre piste serait d’étudier des critères de stabilité moins contraignants. Si la stabilité requiert que toutes les partitions sont des équilibres de Nash pour tout profil, il suffirait qu’il existe au moins une partition stable pour chaque profil pour qu’un planificateur bienveillant puisse l’imposer et assurer ainsi une forme limitée de stabilité au système politique.
47Il semble que l’élection de Georges W. Bush, ainsi que les débats sur la constitution européenne aient créé une incitation à s’intéresser aux propriétés normatives des élections indirectes. Les premiers résultats, dans la tradition des recherches en théorie du choix social, sont des théorèmes d’impossibilité ou s’en approchent. Il reste cependant de nombreuses études à mener, pour mieux comprendre les différents modes de scrutin indirects qui sont utilisés de par le monde.
48Preuve de la Proposition 1. Soient ?0 le profil unanime pour a, et ?1, ?2, … une suite de profils pour lesquels les individus changent un à un leur préférence en faveur de b jusqu’à ?n, le profil unanime pour b. Par rm, et
49Supposons maintenant que pour un ? donné. Par Stabilité, b est le vainqueur pour toute partition ?. En particulier, soit telle que les premières juridictions sont remplies des électeurs de a, et la dernière est composée de l’individu votant pour b. Alors Soit telle que les premières juridictions sont formées de électeurs de a tandis que la dernière est formée d’un électeur de a et de l’électeur de b. Par rm, puisque le vainqueur final est b, il est nécessaire que
50Soit le profil ?2 et la même partition , telle que la dernière juridiction est formée des deux électeurs de b. Alors Par Stabilité, pour tout ?. En particulier, soit tel que les premières juridictions sont remplies par électeurs votant pour a, la juridiction est un singleton d’un électeur de b et la juridiction m est formée par un a et un b. Comme Ainsi, le profil fédéral avec deux b seulement donne aussi b comme vainqueur.
51On peut continuer à faire changer les électeurs un par un et en choisissant deux partitions adéquates, on montre que ces profils de vote donnent aussi b comme vainqueur. Après itérations, on obtient Enfin, on a que
52Ainsi, si la présence d’un seul b dans le profil de vote donne b comme vainqueur (c’est le cas en ?1), tous les profils de vote autres que ?0 donnent b comme vainqueur.
53On a montré que
55Par contraposée,
57Ainsi, s’il existe un profil contenant au moins un a et un b qui donne a comme vainqueur, alors tous les profils contenant au moins un a donnent a comme vainqueur. On peut donc conclure que soit soit ?
58Corollaire 1. Si alors pour tout
59Preuve de la Proposition 2. Soit Puisque Considérons ? telle que la dernière juridiction contient un électeur de c et l’électeur de b. Cette partition donne Par rm Soit maintenant Avec la même partition, Mais puisque , Changeons la partition en tel que les premières juridictions sont remplies de électeurs de a, la juridiction est un singleton de l’électeur de c et la dernière est donc composée d’un électeur de a et un électeur de b. Alors Mais implique Ainsi, Par Stabilité, Finalement, ce dernier profil fédéral peut être généré par le profile de vote et la partition adéquate . Puisque et la proposition 1 nous dit que ?
60Avant de démontrer le théorème 2, une dernière proposition est nécessaire. Celle-ci dit que tous les profils de vote qui contiennent les mêmes options (mais en nombre potentiellement différent) donnent le même résultat.
61Proposition 3. Si C est une constitution fédérale qui satisfait Stabilité et rm, et si ? et sont tels que alors
62Preuve de la proposition 3. Il y a deux cas à distinguer : et
63Si il existe au moins, dans le profil ?, deux individus qui votent pour le même candidat. Considérons maintenant le profil ?1 issu de ? avec pour tout et mais tel que Ainsi, un seul électeur a changé de candidat, mais les deux profils contiennent toujours autant de candidats distincts. On va montrer que pour deux tels profils, forcément Cela permettra de conclure le cas puisque tout profil tel que peut être obtenu à partir de ? par une suite finie de changements d’un seul vote (passant donc de ? à ?1, de ?1 à ?2, etc. jusqu’à ).
64Ainsi, et Sélectionnons dans ? l’option ayant la plus haute priorité (puisque C satisfait Stabilité et rm, il existe un ordre linéaire de priorité sur les options) et appelons-la a1. Il existe au moins un individu j, autre que k tel que Soit la partition telle que Ainsi, et comme les autres juridictions ne connaissent aucun changement entre ? et ?1, on peut en conclure que et ceci reste vrai pour tout ? par stabilité.
65Revenons maintenant au cas Soient ? et tels que et supposons Puisque la stabilité est satisfaite, cela implique que Pour ?, choisissons ? telle que pour j de 2 à et enfin Choisissons pour de la même manière. Par stabilité, et nous savons plus particulièrement que puisque Considérons maintenant les profils ?1 et pour lesquels les individus ayant respectivement voté pour an dans ?1 et votent maintenant pour a1, les autres votes restant inchangés. On obtient toujours d’où et Or, nous savons que et donc Ainsi, ce qui est une contradiction. ?
66Preuve du Théorème 2. La règle de Priorité satisfait à la fois Stabilité et rm. La partie nécessaire de la preuve est faite en deux parties. La première partie est faite par récurrence et montre que si C satisfait rm et Stabilité, alors La deuxième partie nous permettra de montrer que C est de cette forme, alors forcément les fj et g le sont aussi et l’ordre ? est le même pour tous les fj et g. C est ainsi une règle de priorité.
67D’après les propositions 1 et 2, on sait que si C satisfait Stabilité et rm, alors il existe une relation d’ordre linéaire ? sur les options de X. Supposons que cette relation est donnée par
68Définition 6. On dit que a domine si pour tout profil de vote ? tel que et
69Lorsque a domine un ensemble de candidats A, aucun candidat de A ne peut remporter l’élection dès lors que a reçoit au moins une voix. Nous allons montrer alors que a1 domine comme initialisation de la récurrence, puis nous montrerons que si a1 domine alors a1 domine Notons que, pour que cette étape de la récurrence ait un sens, il est nécessaire que Par conséquent, Le raisonnement qui sera ainsi fait pourra être reconduit avec n’importe quelle permutation sur les options concluant ainsi la preuve.
70Initialisation de la récurrence. a1 domine et ap, mais aussi domine ap. Par le corollaire 1, cela implique que Considérons le profil de vote et la partition ? telle que tandis que les autres juridictions sont remplies d’électeurs de a1. Alors mais puisque on obtient Il existe donc un profil ? tel que et Par la proposition 3, on a donc que tel que Cela nous conduit à la dominance de a1 sur
71Hypothèse de la récurrence. Supposons que a1 domine Considérons (ce profil peut être construit car ) et la partition ?1 telle que Puisque par l’hypothèse de récurrence Soit le profil qui est le même que ?1 sauf pour l’individu qui était dans J1 qui choisit maintenant au lieu de ai. Puisque on sait que le résultat en J1 sera a1, exactement comme avec ?1. Puisque les autres individus n’ont changé ni de vote ni de juridiction, on peut conclure que produira le même profil fédéral ? et par conséquent, La proposition 3 permet de conclure cette première partie.
72On a donc Par ailleurs, si C est une Constitution satisfaisant Stabilité et Représentativité minimale, alors les règles fj et g sont telles que et En effet, soit ? l’ordre de priorité pour C. Pour chaque sous-ensemble d’options A, considérons un profil pour lequel un seul individu i choisit l’alternative a qui a la plus haute priorité selon ? dans Par rm, une seule juridiction peut et doit élire a. Donc, quelle que soit la juridiction j dans laquelle i se trouve et quelles que soient les autres options de a est choisi par fj. Ce raisonnement est valide si on met plusieurs électeurs de a ensemble, ainsi De plus, si a est élu, c’est qu’au moins une juridiction a élu a, par conséquent ?
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
- Arrow K.J. [1963], Social Choice and Individual Values, 2e éd., New Haven, Yale University Press.
- Balinski M. [2004], Le suffrage universel inachevé, Paris, Belin.
- Bervoets S. [2005], Freedom of Choice and Democracy, thèse de doctorat, Université de la Méditerranée.
- Bervoets S. et Merlin V. [2006], « Stability and manipulation in representative democracies », ufae and iae Working Paper 669.06.
- Chambers C. [2003], « Consistent representative democracy », Caltech hss Working Paper 1217.
- Fine K. [1972], « Some necessary and sufficient conditions for representative decision on two alternatives », Econometrica, 40, p. 1083-1090.
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- Gehrlein W.V. [2006], Condorcet’s Paradox, Springer, Berlin, Heidelberg.
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- Laffond G. et Laine J. [1999], « A general impossibility theorem on representative democracy », dans de Swart H. (ed.), Logic, Game Theory and Social Choice, proceedings of the international conference LGS99, p. 504-521, Tilburg University Press.
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- May K.O. [1952], « A set of independent necessary and sufficient conditions for simple majority decisions », Econometrica 20, p. 680-684.
- Murakami Y. [1966], Logic and Social Choice, Dover Publications Inc, New York.
- Perote Peña J. [2006], « Gerrymendering proof social welfare functions », Mimeo, Universidad de Zaragoza.
- Satterthwaite M. [1975], « Strategy proofness and Arrow’s conditions », Journal of Economic Theory, 10, p. 187-217.
Notes
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Departament d’Economia i d’Història Econòmica, code – Edifici B – Universitat Autònoma de Barcelona – 08193 Bellaterra, Cerdanyola del Vallès Barcelona, Spain. Courriel : Sebastian. Bervoets@ uab. es
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Crem, cnrs et Université de Caen. Adresse : Faculté de sciences économiques et de gestion, bureau eg 230, 19 rue Claude-Bloch, 14032 Caen cedex, France. Courriel : vincent. merlin@ unicaen. fr
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Cependant, les dernières élections anglaises et américaines ont vu fleurir des sites Internet proposant aux électeurs d’une juridiction d’échanger leurs votes avec des électeurs d’autres juridictions à des fins de manipulation. Voir, à ce sujet, l’article récent de Hartvigsen [2006].
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Une partie des résultats de Bervoets et Merlin est consignée dans la thèse de Sebastian Bervoets [2005].
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Voir la preuve de ce théorème dans Bervoets [2005] et Bervoets et Merlin [2006].