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Article de revue

Discrimination résidentielle et origine ethnique : une étude expérimentale sur les serveurs en Île-de-France

Pages 55 à 69

Notes

  • [*]
    Université d’Évry Val d’Essonne, Epee (EA2177) et Tepp (FR3435).
    E-mail : pascale.petit@univ-evry.fr.
  • [**]
    Université Paris-Est, Erudite (EA 437), UPEC, UPEM, CEE, TEPP CNRS (FR 3435), Créteil.
  • [***]
    Université Paris-Est, Erudite (EA 437), UPEC, UPEM, TEPP CNRS (FR 3435), Marne-La-Vallée.
  • [1]
    Pour une revue de la littérature sur le spatial mismatch, voir Gobillon et alii, 2007.
  • [2]
    Il s’agit du programme GEODE (Groupe d’Évaluation de l’Origine des Discriminations à l’Embauche) de la fédération de recherche TEPP (FR3435).
  • [3]
    Cette dénomination inclut également les restaurants « tendance », les brasseries et les bars à vin.
  • [4]
    Les bacheliers en restauration sont tenus d’effectuer un stage de 6 semaines à l’étranger au cours de leur scolarité.
  • [5]
    Lorsque qu’un recruteur contactait un candidat pour lui proposer un entretien ou pour lui demander plus de précisions sur ses compétences ou sa situation, nous lui répondions que le candidat venait de trouver un emploi.
  • [6]
    Sur le bootstrap, voir Efron et Tibshirani (1994).

1 Les travaux d’économie urbaine mettent en avant l’influence du lieu de résidence sur les chances de trouver un emploi. De même, les recherches portant sur la discrimination sur le marché du travail montrent que les chances de trouver un emploi peuvent être influencées par l’origine des candidats. Cette étude présente la mise en œuvre et les résultats d’une expérience contrôlée visant à examiner ces deux dimensions simultanément, localisation et origine, sur les chances d’accéder à un entretien d’embauche. Pour ce faire, nous avons construit 8 candidatures fictives qui ont été envoyées sur les mêmes offres d’emploi. En comparant les taux de réussite de ces 8 candidatures nous obtenons une mesure sans biais des chances d’accéder à un entretien d’embauche. Les candidatures diffèrent uniquement selon les deux dimensions que nous étudions : l’origine et le lieu de résidence du candidat. Pour le lieu de résidence, nous avons choisi des communes équivalentes en termes de temps de transport mais une partie d'entre elles seulement comprend une zone urbaine sensible (ZUS). Les premières communes sont dites défavorisées, les secondes favorisées. Au sein de ces deux types de localisation, avec ou sans ZUS, nous définissons 4 profils de candidats en fonction de leur origine.

2 L’origine est signalée par trois éléments : la nationalité, le prénom et le nom. Nous mesurons l’origine étrangère de manière incrémentale, en changeant un seul de ces trois éléments à la fois, afin de pouvoir isoler les effets de la nationalité, de la consonance du prénom et du nom, sur les chances d’obtenir un entretien d’embauche. Le premier profil correspond au candidat de nationalité marocaine, dont le nom et le prénom sont à consonance maghrébine (par exemple, Abdallah Kaïdi) ; le deuxième profil est un candidat de nationalité française dont le nom et le prénom sont aussi à consonance maghrébine ; le troisième profil est un candidat de nationalité française, dont le prénom est à consonance française et le nom à consonance maghrébine (par exemple, François El Hadj). Le dernier candidat est de nationalité française, son prénom et son nom sont à consonance française (par exemple, Julien Dubois). En comparant les chances de succès de ces quatre candidats, on peut mesurer les effets de la nationalité, du prénom et du nom ; en comparant ces quatre candidats quand ils résident dans une commune défavorisée, aux quatre mêmes profils vivant dans une commune favorisée, on obtient l’effet du lieu de résidence pour chaque profil de candidature.

3 L’expérience a été réalisée en octobre et novembre 2006 sur la profession de serveur, en distinguant deux niveaux de qualification : le brevet d’enseignement professionnel (BEP) et le baccalauréat professionnel. Nous trouvons que la localisation et l’origine ont des effets importants sur les chances d’accéder à un entretien d’embauche. Toutes localisations confondues, les candidats de nom et prénom à consonance maghrébine, quelle que soit leur nationalité, ont le moins de chances d’accéder à un entretien d’embauche, autour de 5 %. Les candidats de prénom français et de nom maghrébin voient leurs chances augmenter à 11 %. Et les candidats de nom et prénom à consonance française, à 17 %. Toutes origines confondues, le fait de résider dans une commune favorisée augmente le taux de réussite. Globalement, il passe de 7 % à 12 %. Ce résultat est valable pour toutes les origines et pour les deux niveaux de qualification. Ainsi, un candidat de nom et prénom français résidant dans une commune favorisée a 21 % de chances d’être invité à un entretien d’embauche, alors que son taux de réussite est de 12 % quand il réside dans une commune défavorisée. Nous trouvons que le niveau de discrimination en raison du lieu de résidence est le plus élevé pour deux types de profils : les candidats les plus qualifiés (baccalauréat), dont le taux de réussite passe de 16 % à 9 %, et les candidats de nom et prénom à consonance française, dont le taux de réussite passe de 21 % à 12 %. Ces deux effets se cumulent pour les candidats d’origine française titulaires du baccalauréat : leur taux de réussite passe de 34 % quand ils résident dans une commune favorisée, à 15 % quand ils résident dans une commune défavorisée.

4 Une conséquence de ce résultat est de fournir une incitation aux candidats les plus qualifiés, et/ou d’origine française, à quitter les communes défavorisées pour aller s’installer dans une commune favorisée. La discrimination à l’embauche alimente donc une ségrégation urbaine. Si cette conclusion était généralisable, elle mènerait à une situation où l’on observerait une forte proportion de travailleurs d’origine maghrébine peu qualifiés dans les communes défavorisées, et une forte proportion de travailleurs d’origine française qualifiés dans les communes favorisées. À côté d’autres déterminants, la ségrégation urbaine peut ainsi avoir pour origine des comportements de discrimination à l’embauche.

5 L’un des messages essentiels de l’économie urbaine est que le lieu de résidence peut exercer un effet spécifique sur l’état de santé, la richesse ou encore le bien-être des populations. Cet effet du lieu de résidence s’exerce notamment au travers du comportement de recherche d’emploi et des chances de sortir du chômage. Plusieurs mécanismes sont à l’œuvre, qui peuvent être classés en trois ensembles si l’on suit la classification des interactions sociales proposée par Manski (2000). Tout d’abord, il y a le canal endogène, selon lequel la propension d’un individu à se comporter d’une certaine manière varie avec le comportement de ses voisins. Normes sociales, influence des pairs et action des réseaux sociaux appartiennent à ce type d’interactions endogènes de quartier. Ensuite, le lieu de résidence peut jouer au travers d’interactions contextuelles, selon lesquelles la propension d’une personne à se comporter d’une certaine manière varie selon les caractéristiques exogènes du quartier. Ces caractéristiques ne dépendent pas du choix individuel, comme par exemple, l’âge, l’ethnie ou l’origine, et ont néanmoins un effet sur les comportements individuels dans le quartier, principalement au travers d’effets de composition. Le troisième type de mécanisme est celui des effets corrélés, qui n’a pas à proprement parler de dimension sociale. Le lieu de résidence a des effets sur les comportements des habitants au travers de caractéristiques liées spécifiquement au quartier et indépendantes des caractéristiques de ses habitants. Nous pouvons regrouper dans cette catégorie les effets du voisinage liés à la présence d’aménités locales, ou à la distance aux entreprises et aux effets de spatial mismatch, dans la lignée de l’hypothèse de John Kain. Il semble important de distinguer entre les interactions endogènes, les effets contextuels et les effets corrélés, car ces canaux ont des implications différentes du point de vue de l’action publique.

6 Au travers de tous ces mécanismes théoriques, le lieu de résidence exerce un effet ceteris paribus sur les chances d’accéder à un emploi. Cet effet est toutefois très difficile à identifier empiriquement. Pour mettre en évidence de façon rigoureuse un impact causal du quartier sur les comportements individuels de recherche d’emploi, il faut pouvoir surmonter un problème de biais d’endogénéité. Pour l’individu, le lieu de résidence n’est pas une donnée exogène. Il a été choisi selon un ensemble de caractéristiques personnelles et certaines de ces caractéristiques peuvent affecter les chances d’accéder à un emploi. Afin de mesurer l’influence spécifique du lieu de résidence, il faut contrôler de ce biais d’endogénéité. Pour y parvenir, plusieurs stratégies empiriques sont mises en œuvre dans la littérature. On utilise i) des variables instrumentales, en suivant la voie ouverte par Cutler et Gleaser (1997), ii) des sous-échantillons de résidents qui ne choisissent pas leur lieu de résidence, le plus souvent des adolescents comme dans l’article fondateur de O’Regan et Quigley (1996), iii) des régressions sur données de panel qui contrôlent la sélection du quartier sur la base de caractéristiques individuelles non observées invariantes dans le temps, comme dans Weinberg et alii (2004) iv) des panels de frères ou de sœurs comme dans Plotnick et Hoffman (1999). Toutes ces stratégies empiriques tentent de reproduire artificiellement des données de qualité expérimentale. L’objectif est d’isoler l’effet propre du lieu de résidence, de celui de la distance physique à l’emploi (ou spatial mismatch) et de la contribution de la composition sociodémographique, qui conditionne les effets de voisinage [1].

7 Le meilleur moyen pour mettre en évidence un effet de voisinage serait d’effectuer directement une expérience contrôlée dans laquelle les personnes seraient distribuées de façon aléatoire dans l’espace. C’est la voie suivie par les études qui ont utilisé les résultats des deux grands programmes menés aux États-Unis pour lutter contre la ségrégation urbaine : le programme Gautreaux, à la fin des années soixante-dix, et le programme Moving to Opportunity, lancé en 1992. Ainsi, Kling, Liebman et Katz (2007) exploitent la dimension aléatoire de l’offre d’accès au logement au sein du programme Moving to Opportunity pour évaluer, quatre à sept ans après le début du programme, les effets du quartier de résidence sur la pauvreté des ménages avec enfants dont la personne de référence est une femme issue d’une minorité ethnique, au sein des logements sociaux de cinq villes américaines. En Europe, un autre bon exemple de ce type d’approche est le travail d’Åslund, Östh et Zenou (2010), qui exploite une politique suédoise de dispersion des localisations des réfugiés pour obtenir une variation exogène du lieu de résidence, et conclut que le fait d’avoir été placé au début des années 1990 dans un lieu avec un accès restreint à l’emploi a exercé un effet négatif sur la situation d’emploi atteinte à la fin de la décennie.

8 Dans cet article, nous utilisons une méthode expérimentale permettant de mesurer et d’identifier un effet de quartier spécifique, que nous appliquons à la région parisienne pour une profession donnée. Le type d’effet de quartier que nous mesurons est une discrimination à l’embauche à l’encontre des habitants d’une zone urbaine donnée, qui appartient à la catégorie des effets corrélés dans la typologie de Manski. La discrimination résidentielle est un effet de quartier particulièrement intéressant, car c’est un comportement d’employeur qui correspond donc à une décision prise par quelqu’un qui ne réside pas dans la zone discriminée.

9 Cet article s’inscrit dans un programme de recherche dont l’objet est de construire des protocoles expérimentaux afin de mesurer statistiquement l’ampleur des discriminations [2]. Trois originalités de ce programme peuvent être soulignées. La première réside dans le domaine qui est exploré : les discriminations à l’embauche en région parisienne. La seconde particularité réside dans le fait que plusieurs facteurs de discrimination sont analysés simultanément. Dans cet article, nous distinguons les effets du lieu de résidence de ceux de la nationalité et de l’origine. La méthodologie que nous utilisons permet d’évaluer finement dans quelle mesure ces facteurs de discrimination différents se combinent et se cumulent. La troisième originalité réside dans le fait qu’un protocole rigoureux de collecte des observations a été construit tout en ayant recours à des méthodes économétriques qui ont permis de tester la qualité des résultats. Afin de distinguer cet article des autres publications d’ores et déjà réalisées dans le cadre de ce programme, le tableau ci-dessous présente de façon synthétique les caractéristiques de l’ensemble de nos travaux précédents. Dans le présent article, nous exploitons une campagne de testing réalisée fin 2006 sur la profession de serveur qui mesure, pour un niveau de qualification intermédiaire, les effets simultanés du lieu de résidence, de la nationalité et de l’origine ethnique signalée par la consonance du nom et du prénom.

10 L’article est composé de trois parties. Dans la première partie nous présentons la méthodologie du testing que nous avons réalisé. Dans la deuxième partie nous présentons le protocole retenu pour la construction des CV et la collecte de données. Les résultats sont présentés dans la troisième partie.

L’apport du testing à la mesure des effets de quartiers

11 L’objectif du testing est de se prémunir contre un éventuel biais d’endogénéité tout en contrôlant de la composition sociodémographique de la zone urbaine. Il s’agit de mesurer un effet spécifique du lieu de résidence, indépendamment de l’inadéquation des qualifications des résidents ou de la distance physique à l’emploi, qui sont des canaux fréquemment avancés dans la littérature pour rendre compte de l’effet local. Il s’agit également d’éviter les problèmes d’agrégation et de réflexivité liés à l’externalité sociale et à l’interdépendance entre les comportements individuels et collectifs. Pour y parvenir, la méthode retenue est celle du testing qui, dans son principe, consiste à construire et à envoyer deux CV fictifs mais réalistes, similaires en tous points sauf sur une caractéristique non productive dont on cherche à mesurer l’influence, ici le lieu de résidence. Les CV des différents candidats sont envoyés simultanément en réponse aux mêmes offres d’emplois. Cette technique de collecte des données est un test d’accès aux entretiens d’embauche (« Correspondence Testing ») ; elle consiste à comparer l’accès des deux candidats aux entretiens d’embauche. Les méthodes de testing fournissent donc une mesure de la discrimination à l’embauche puisqu’elles permettent de comparer les taux de réussite de candidats toutes choses égales par ailleurs. En pratique, c’est la seule méthode qui permette de mesurer de façon rigoureuse des discriminations à l’embauche. Toutefois, cette mesure n’est valable qu’à un moment donné du temps, pour une profession particulière et dans un espace géographique donné (cf. encadré).

Tableau 1

les testings de discrimination à l’embauche. Une mise en perspective des études réalisées dans le cadre du programme “Groupe d’évaluation de l’origine des discriminations à l’embauche” (GEODE)

Référence Annales d’Économie et Statistique 2005 (78) Annales d’Économie et Statistique* 2010 (99-100) Économie et Statistique 2012 (447) Revue Française d’Économie 2012 (XXVI) Document de travail TEPP 11-5 Économie et Prévision* (Cette étude)
Auteurs Duguet et Petit Duguet, Léandri, L’Horty et Petit L’Horty, Duguet, Du Parquet, Petit et Sari Du Parquet, Duguet, L’Horty, Petit et Sari Petit, Duguet, L’Horty, Du Parquet et Sari Petit et Duguet, L’Horty
Campagne de testing Date Janvier à mars 2002 Octobre à novembre 2006 Décembre 2008 à janvier 2009 Octobre 2008 à mars 2009 Février à avril 2009 Octobre à novembre 2006
Nombre d’offres d’emploi testées 157 140 307 300 303 117
Nombre de CV envoyés 942 1 097 3 684 1 200 2 422 936
Profil des offres Secteur d’activité Banque et Assurance Comptabilité-Gestion Informatique Comptabilité-Gestion Informatique Restauration
Niveau de Qualification BAC/BAC+2 BAC/BAC+2 BAC+5 BAC+5 BAC+5 BEP/BAC
Profil des candidats Sexe H/F H H/F H/F H/F H
Origine France France, Maghreb France, Maghreb France France, Maghreb, Afrique Subsaharienne, Asie France, Maghreb
Lieu de résidence Non Oui Oui Non Non Oui
Enfants Oui Non Non Non Non Non
Permis de conduire Non Non Non Oui Non Non
figure im1

les testings de discrimination à l’embauche. Une mise en perspective des études réalisées dans le cadre du programme “Groupe d’évaluation de l’origine des discriminations à l’embauche” (GEODE)

(*) Les premiers résultats de ces deux campagnes de testing ont été diffusés sous la forme d’un rapport du Centre d'analyse stratégique (CAS) (Duguet et alii, 2007).
auteurs.

12 L’une des premières études mobilisant la méthodologie du testing dans le domaine des discriminations à l’embauche a été celle de Firth (1981), réalisée au Royaume-Uni entre octobre 1977 et mars 1978, qui examine la discrimination à l’encontre des étrangers dans les professions comptables et financières. Elle met en évidence une discrimination significative à l’encontre des étrangers.

13 De nombreux autres travaux ont suivi la même démarche mais très peu d’études ont analysé spécifiquement l’impact du lieu de résidence sur l’accès l’emploi. Bertrand et Mullainathan (2004) mesurent l’accès aux entretiens d’embauche pour les jeunes blancs et les jeunes candidats noirs pour des emplois administratifs et commerciaux. L’origine ethnique des candidats est signalée sur la candidature par un prénom et un nom à forte consonance anglo-saxonne ou afro-américaine. Leurs résultats mettent en évidence une importante discrimination à l’encontre des candidats noirs, d’une ampleur comparable sur les deux types d’emplois. Par ailleurs, une candidature de qualité plus élevée bénéficie davantage au candidat banc. En revanche, résider dans un quartier favorisé accroît les probabilités de succès des candidats noirs et blancs dans des proportions comparables. En France, L’Horty et alii (2012) mesurent l’accès à l’emploi des jeunes informaticiens qualifiés qui résident dans trois localités du Val d’Oise (Enghien les Bains, Sarcelles et Villiers le Bel), en distinguant les candidats à la fois selon leur sexe et selon leur origine ethnique (française ou maghrébine). Ils trouvent un effet significatif du lieu de résidence qui s’avère différencié selon le sexe et l’origine : habiter une localité défavorisée diminue davantage les chances d’accéder à l’emploi pour les femmes d’origine française.

Encadré : les limites du testing

La méthode du testing est la seule qui permette de prouver l’existence ou l’absence d’une discrimination à l’embauche. En effet, les données expérimentales issues d’un testing sont les seules à être dépourvues de biais d’auto-sélection et garantissent que les candidats à l’embauche ont exactement les mêmes caractéristiques (en particulier celles qui sont inobservables par les statisticiens dans les données d’enquête ou les données administratives). Il s’agit donc d’un outil performant pourvu qu’il soit utilisé à bon escient. Toutefois, la méthode du testing connaît certaines limites qu’il importe de souligner (Duguet, L’Horty et Petit, 2009).
Les données recueillies indiquent de façon fiable l’ampleur de la discrimination à l’embauche à un moment donné du temps, dans le champ couvert par l’expérience, c’est-à-dire pour une profession particulière dans un espace géographique donné. Les résultats d’un testing particulier ne peuvent donc pas fournir un indicateur synthétique de l’ampleur de la discrimination à l’embauche sur l’ensemble du marché du travail. Elle ne permet pas de constituer un échantillon représentatif. Toute agrégation et toute comparaison sectorielle, régionale voire internationale s’avère discutable si elle s’appuie sur un mélange de professions variées.

14 À distance domicile-travail donnée, le lieu de résidence est une caractéristique non productive individuelle qui peut fournir la base d’une discrimination au sens de Heckman (1998), pour lequel la discrimination du marché du travail apparaît lorsqu’une entreprise ne réserve pas les mêmes attributs (salaires, accès à l’emploi, à la formation, aux promotions, etc.) pour deux employés dont les caractéristiques productives sont totalement identiques et dont les caractéristiques non productives sont différentes. Toutefois, dans le cas de la France, le lieu de résidence n’est pas l’un des 18 motifs de discrimination prohibés par la loi (contrairement au sexe, à l’âge, l’origine, les opinions politiques, les convictions religieuses, etc.).

15 Il est intéressant de pouvoir distinguer la discrimination liée au lieu de résidence d’autres formes de discriminations, et en particulier selon l’origine. Comme le suggère Heckman (1998), il est possible que le moindre accès à l’emploi des jeunes issus de l’immigration résulte d’un signal négatif lié à leur quartier de résidence. Afin de tenir compte de cette possibilité et d’isoler un effet du lieu de résidence de l’origine, nous avons construit plusieurs types de CV. Le test a consisté à envoyer ces CV accompagnés de lettres de motivations fictives en réponse à un échantillon d’offres d’emploi de serveurs.

Le protocole de l’expérimentation

16 Le protocole est le même que celui suivi dans Duguet et alii (2010), qui porte sur une autre profession, celle des comptables. Nous avons testé trois types de variables individuelles indiquant l’origine française ou étrangère : la nationalité française ou marocaine du candidat, la consonance française ou maghrébine de son nom et la consonance française ou maghrébine de son prénom (cf. tableau 2). Ces trois caractéristiques sont les seuls éléments qui différencient les candidatures avec le type de localité (favorisée ou non). Ils permettent de construire quatre profils de référence localisés dans une banlieue réputée défavorisée ou une banlieue réputée favorisée. Les deux types de localisation ont été choisis à égale distance du centre de Paris, afin de neutraliser les effets potentiels de la distance à l’emploi. Au total, nous avons donc constitué huit types de candidatures. Le choix du Maroc pour la nationalité étrangère a été guidé par le fait que plusieurs études montrent que ce sont les immigrés et enfants d’immigrés d’origine maghrébine qui rencontrent le plus de difficultés dans l’accès à un emploi (Richard, 2006 ; Silberman et Fournier, 2006).

Tableau 2

quatre types de CV

CV Nationalité Nom de famille Prénom
MMM Marocaine Maghrébine Maghrébine
FMM Française Maghrébine Maghrébine
FMF Française Maghrébine Française
FFF Française Française Française
figure im2

quatre types de CV

auteurs.

17 Ces quatre types de candidatures nous permettent de constituer trois couples de candidats. Au sein de chacun de ces couples, les deux candidats sont similaires (même sexe, même âge, même expérience, même qualification, etc.). Une seule caractéristique les distingue et celle-ci est sans effet a priori sur la productivité. Le premier couple se distingue par la nationalité des candidats (MMM et FMM). L’un est de nationalité marocaine, l’autre est de nationalité française. Tous les deux portent des prénoms et des noms à consonance maghrébine. Comme ces deux candidats partagent par ailleurs les mêmes caractéristiques, tout écart d’accès aux entretiens d’embauche entre ces deux candidats peut s’interpréter comme une discrimination liée à la nationalité pour les candidats d’origine maghrébine. Un deuxième couple se distingue par la consonance du prénom des candidats (FMM et FMF). Les deux candidats sont de nationalité française et portent un nom à consonance maghrébine. La seule différence entre ces deux candidatures tient au fait que l’un des candidats a un prénom à consonance maghrébine alors que l’autre a un prénom à consonance française. Un écart d’accès aux entretiens d’embauche entre ces deux candidats rend compte de l’influence d’un prénom maghrébin sur l’invitation à un entretien d’embauche. Un troisième couple se distingue par la consonance du nom patronymique des candidats (FMF et FFF). Les deux candidats sont de nationalité française et portent un prénom à consonance française. Toutefois, l’un a un nom à consonance maghrébine alors que l’autre a un nom à consonance française. Un écart d’accès aux entretiens d’embauche entre ces deux candidats peut s’interpréter comme une discrimination liée à un nom à consonance maghrébine.

18 Nous évaluons la discrimination à l’embauche sur des postes peu qualifiés et des postes qualifiés dans le domaine du service en salle dans la restauration. La profession de serveur a été retenue parce qu’il existe un grand nombre d’offres d’emploi correspondantes en région parisienne ce qui permet de construire un échantillon de taille importante et de minimiser le risque de détection. Les serveurs ont un contact direct et régulier avec les clients ce qui les expose à un risque de discrimination à l’embauche lié aux préférences réelles ou supposées de la clientèle. Deux types d’établissements se distinguent dans le secteur de la restauration : les restaurants « gastronomiques » qui pratiquent des prestations et des tarifs élevés et les restaurants « traditionnels » qui pratiquent des tarifs plus faibles. Nous avons construit deux types de qualifications correspondant aux profils attendus dans ces deux types d’établissements. Les candidats peu diplômés sont dotés d’un brevet d’études professionnelles (BEP) « Métiers de la restauration et de l’hôtellerie ». Ce niveau est requis explicitement ou implicitement pour les emplois de commis de salle et de serveur dans les restaurants traditionnels [3]. Les candidats les plus diplômés sont, quant à eux, dotés du BEP et d’un baccalauréat professionnel « Restauration ». Ce niveau de diplôme est nécessaire pour occuper les emplois de commis de salle ou de serveur dans les restaurants gastronomiques et les emplois de demi-chef de rang et chef de rang dans les deux types d’établissements.

19 Pour chacun des deux niveaux de diplôme, huit candidatures ont été construites. Elles sont parfaitement similaires, sans toutefois être identiques pour limiter le risque de détection par les recruteurs. En effet, les huit candidatures sont appelées à être envoyées simultanément aux mêmes employeurs, en réponse aux mêmes offres d’emploi. Les huit candidats sont de sexe masculin et ont le même âge (18 ans pour les titulaires d’un BEP, 20 ans pour les titulaires d’un baccalauréat). Les huit CV sont par ailleurs identiques en termes de qualification et d’expérience. Les huit candidats ont les mêmes diplômes, obtenus en même temps (en juin 2005). Ils pratiquent l’anglais à un niveau scolaire ou professionnel [4]. Tous sont titulaires du permis de conduire et ont un véhicule. Leur expérience est d’une durée comparable (environ une année). Ils n’affichent aucune période de chômage : ils occupent actuellement un emploi similaire à celui auquel ils postulent. Ils ont occupé les mêmes types de postes lors de stages en cours d’étude et depuis leur insertion dans l’emploi au deuxième semestre 2006. Les tâches qu’ils effectuaient dans le cadre de leurs précédents postes sont similaires et décrites en détail dans les CV.

20 Les différences apparaissant entre ces huit candidatures sont les suivantes. La police d’écriture, la taille de la police et la mise en page des CV et des lettres de motivation sont distinctes, tout en demeurant standard. Les candidats ont travaillé dans des entreprises différentes, localisées dans des arrondissements de Paris différents. Les loisirs des candidats sont également différents, tout en étant très standard et impersonnels (sport, cinéma, lecture, musique, etc.). Des numéros de téléphone portable et des adresses électroniques ont également été attribués aux huit candidats.

21 La nationalité marocaine des candidats de type MMM apparaît explicitement sur leur CV. Toutefois, comme l’usage l’impose, les candidats de nationalité française (de type FMM, FMF et FFF) n’indiquent pas de nationalité ; celle-ci est donc suggérée. Il est possible que les candidats de type FMM envoient le signal d’une nationalité marocaine. La comparaison des résultats obtenus par les candidatures de types MMM et FMM permet d’examiner si la nationalité marocaine affichée explicitement ou suggérée induit un accès différent aux entretiens d’embauche.

22 Les huit candidats de chacun des deux niveaux de diplôme portent des prénoms et des noms différents qui affichent sans ambiguïté une consonance française ou maghrébine. Ils sont reproduits dans le tableau 3.

23 Les huit candidats de chacun des deux niveaux de diplôme habitent en Île-de-France. Leur lieu de résidence apparaît dans leur CV. Quatre d’entre eux, de types MMM, FMM, FMF et FFF, sont localisés dans des villes réputées « favorisées » ; les quatre autres, également de types MMM, FMM, FMF et FFF, sont localisés dans des villes réputées « défavorisées ». Au moins une zone urbaine sensible (ZUS) y est localisée d’après le décret n°96-1156 du 26/12/1996 (Atlas des ZUS : http://i.ville.gouv.fr). Les lieux de résidence des candidats sont reproduits dans le tableau 4. Ils ont été choisis sur la base de deux séries de critères. Premièrement, ces villes sont situées à égale distance du centre de Paris (environ 30 minutes en transports publics), ce qui neutralise l’effet possible du spatial mismatch. Deuxièmement, nous avons vérifié avec de nombreux indicateurs statistiques que les villes défavorisés présentaient effectivement des caractéristiques moins positives que les villes réputées favorisées (selon le taux de pauvreté, le revenu par habitant, la richesse par habitant).

24 Nous avons choisi de ne pas envoyer de candidat aux entretiens d’embauche, même lorsque les candidatures ont été retenues par les recruteurs. Nous sommes donc seulement en mesure de comparer l’accès des candidats aux entretiens d’embauche. Cette restriction méthodologique présente deux avantages (Riach et Rich, 1991). Premièrement, nous sommes en mesure de contrôler parfaitement le déroulement de l’étude. Ainsi, nous nous assurons que toutes les caractéristiques des candidats autres que leur nationalité, la consonance de leur prénom et de leur nom et la localisation de leur lieu de résidence demeurent semblables. Plus précisément, nos résultats sont dépourvus de biais liés à l’apparence physique et à la personnalité des candidats, puisque d’une part, les candidatures ne contiennent pas de photographie et que d’autre part, les recruteurs ne rencontrent pas les candidats. Deuxièmement, la procédure de collecte des données est allégée, de sorte qu’en un temps donné, nous sommes en mesure de constituer un échantillon de taille plus conséquente. Au total, 936 candidatures ont été envoyées sur une période de deux mois.

Tableau 3

identité des candidats

MMM et FMM FMF FFF
Emplois peu qualifiés KAIDI Abdallah
BELKACEM Youssuf
AAZOUZ Soufiane
BRAHIMI Karim
EL HADJ François
JLASSI Christophe
MARTIN Bruno
PAGE Frédéric
Emplois qualifiés HADDAD Nordine
CHETTOUH Mohamed
ZALEGH Mounir
BEN CHARGUI Medhi
MEKHLOUFI Nicolas
AIT OURAB Olivier
LECOMTE Thomas
DUBOIS Julien
figure im3

identité des candidats

auteurs.
Tableau 4

lieu de résidence des candidats

Villes réputées défavorisées Villes réputées favorisées
Bobigny (93)
Bondy (93)
Epinay-sur-Seine (93)
Stains (93)
Champigny-sur-Marne (94)
La Varenne Saint-Hilaire (94)
Nogent-sur-Marne (94)
figure im4

lieu de résidence des candidats

auteurs.

25 L’accès aux entretiens d’embauche ne fournit, en première analyse, qu’une approximation de l’accès à l’emploi mais l’organisation d’entretiens est coûteuse pour les entreprises, ce qui les incite à n’y inviter que les candidats qui ont effectivement une chance d’obtenir le poste. Qui plus est, le fait de refuser un candidat en entretien signifie que l’employeur potentiel ne veut même pas envisager son recrutement.

26 Pôle Emploi centralise la plupart des offres relatives à des postes d’employés dans le secteur des services. Nous avons donc régulièrement consulté des offres d’emploi diffusées et quotidiennement actualisées par l’Agence. Pour obtenir un échantillon représentatif d’autres sources d’offres d’emploi, nous avons également eu recours aux bases de données des sites Internet spécialisés dans les offres d’emploi (monster.fr ; jobtel.com, joob.fr) et à la presse spécialisée (Le marché du Travail et L’Hôtellerie Restauration). Aucune candidature spontanée n’a été envoyée. Les candidatures parvenaient aux recruteurs par voie postale quelques jours après la parution des offres.

27 Les candidatures ont été envoyées entre début octobre et fin novembre 2006, en réponse aux offres d’emploi correspondant à l’un des quatre profils. Les huit candidatures à un même emploi ont été postées simultanément, pour s’assurer qu’elles arriveraient le même jour à destination. Par ailleurs, elles ont été envoyées de bureaux de poste parisiens différents pour limiter le risque de détection de l’étude. Pour les candidatures par courrier électronique, les envois étaient effectués le même jour avec quelques minutes de battement entre chaque envoi pour limiter le risque de détection. Nous avons répondu à toutes les offres d’emploi en adéquation avec les diplômes et l’expérience des candidats qui répondaient aux critères suivants : emploi à temps complet, contrat à durée déterminée ou indéterminée (ce qui exclut le travail intérimaire), postes localisés dans toute l’Île-de-France et dans Paris intra muros pour les emplois dans la restauration (à l’exception de grands hôtels autour de Paris : La Défense, Roissy CDG).

28 En outre, pour éviter que le style ou le contenu d’une candidature particulière n’influence systématiquement le choix des entreprises pour un candidat particulier (et ce, malgré les précautions prises lors de la construction des candidatures), nous avons régulièrement permuté les CV. Les supports ont ainsi été alternés entre les candidats de chaque type vivant dans des banlieues favorisées ou défavorisées. Enfin, divers types d’enveloppes et de timbres ont été utilisés afin d’éviter la détection.

29 La réponse est considérée positive lorsque le recruteur convie le candidat à un entretien ou qu’il se manifeste pour obtenir plus de renseignements sur sa situation présente ou ses qualifications [5]. En revanche, la réponse est considérée comme négative si le recruteur rejette formellement la candidature ou s’il n’y répond pas.

Une discrimination significative

30 Globalement 31 % des offres d’emploi testées ont fait l’objet d’une réponse positive pour au moins l’un des 8 candidats fictifs. Les différences brutes de taux de succès entre les candidats sont présentées dans le tableau 5. L’origine ethnique semble exercer un effet très net sur la probabilité d’obtenir un rendez-vous pour un entretien d’embauche. Ce sont les candidats qui affichent une origine maghrébine qui ont la plus faible probabilité d’être invité à un entretien (5-6 %). Cette probabilité augmente fortement lorsque le candidat a un prénom à consonancefrançaise (10,7 %) et atteint son maximum pour les candidats avec un nom de famille et un prénom à consonance française (16,7 %). Cela confirme la conclusion de notre étude antérieure sur la profession de comptable (Duguet et alii, 2010). Nous constatons aussi qu’un niveau de diplôme supérieur (baccalauréat plutôt que BEP), double presque le taux de succès (12,7 % vs 6,4 %). Mais ce qui nous intéresse le plus ici est la différence de traitement entre les localités défavorisées et favorisées.

Tableau 5

taux de succès bruts

Échantillon Nombre de candidatures envoyées Taux de succès Nombre moyen de CV à envoyer pour obtenir une invitation
Faible diplôme (BEP) 472 6,4 % 16
Diplôme élevé (BAC) 464 12,7 % 8
Localité défavorisée 468 7,3 % 14
Localité favorisée 468 11,8 % 8
Origine apparente :
MMM 234 4,7 % 21
FMM 234 6,0 % 17
FMF 234 10,7 % 9
FFF 234 16,7 % 6
Part des offres avec au moins une réponse positive 30,8 %
figure im5

taux de succès bruts

Les t de Student ont été calculés par la méthode du bootstrap par bloc avec 100 000 tirages. Un bloc correspond à une offre d’emploi. MMM : nationalité marocaine, nom et prénom à consonance maghrébine, FMM : nationalité française, nom et prénom à consonance maghrébine, FMF : nationalité française, nom à consonance maghrébine et prénom à consonance françaie, FFF : nationalité, nom et prénom à consonance française.
Lecture : 472 candidatures de niveau BEP ont été envoyées, 6,4 % d’entre elles ont reçu une réponse positive. Le nombre moyen de candidatures qu’il faut envoyer pour obtenir un entretien d’embauche est donc égal à 1/0,064 =16.

31 Nous trouvons que le lieu de résidence exerce un effet d’une ampleur comparable à celui du niveau de diplôme : les candidats des villes défavorisés ont 7,3 % de chances d’accéder à un entretien, tandis que les chances des candidats des villes favorisées sont de 11,8 %. Cependant, ce premier résultat global peut cacher l’hétérogénéité des effets. Pour le vérifier, il est prudent d’examiner les différences selon la localité, et pour chaque type de candidat.

32 Le tableau 6 présente l’effet de la localité de résidence selon différents conditionnements en appariant les candidatures sur les mêmes offres d’emploi. L’effet global que nous avons déjà trouvé (11,8 % -7,3 % = 4,5 %) peut être décomposé de la manière suivante. Premièrement, les candidats peu diplômés sont confrontés à une moindre discrimination en raison du lieu de résidence (2,5 %) que les candidats plus diplômés (6,4 %). De telles différences constituent une incitation pour les candidats diplômés à déménager pour habiter dans des localités favorisées. Nous constatons aussi que l’effet de la localité ne joue pas de la même façon pour toutes les origines. Un résultat très intéressant est que les effets les plus forts se rencontrent pour les candidats ayant un nom ou un prénom à consonance française. Les candidats de nom et prénom à consonance française voient leurs chances d’obtenir un rendez-vous pour un entretien d’embauche passer de 12 % à 21,4 % (+9,4 %) lorsque l’on modifie le lieu de résidence indiqué sur le CV. Cela peut inciter fortement les candidats d’origine française à déménager dans une banlieue favorisée. Le deuxième type de candidat le plus discriminé quand il réside dans une commune défavorisée est le candidat avec un prénom français et un nom maghrébin (+4,3 %), mais l’écart n’est significatif que pour un test unilatéral au seuil de 10 % (valeur critique : 1,28).

33 Toutefois, il convient de nuancer ces résultats car nous montrons en annexe que les écarts minimum détectables avec nos tailles d’échantillons sont trop élevés pour que nous puissions nous prononcer sur les candidats de noms et prénoms à consonance maghrébine. Nous pouvons donc juste affirmer que les candidats ayant un nom et un prénom à consonance française perdent leur avantage sur le marché du travail dès lors qu’ils résident dans une commune défavorisée, mais nous ne sommes pas en mesure de conclure sur les autres candidats à cause d’une taille d’échantillon trop faible.

34 Nous avons également calculé les taux de succès en croisant plus finement origine et niveau de diplôme. C’est l’objet du tableau 7 où l’effet du lieu de résidence est mesuré de façon plus détaillée en comparant des candidats qui ont à la fois la même origine et le même niveau de diplôme. Nous constatons qu’il n’y aurait plus qu’un seul type de candidat qui subit une discrimination importante : le candidat le plus diplômé d’origine française. Ses chances d’obtenir un entretien d’embauche passent de 15,5 % à 34,5 % (+ 19 %) lorsqu’il déménage d’une localité défavorisée vers une localité favorisée, ce qui constitue une incitation puissante à quitter une banlieue défavorisée lorsque l’on y réside. Ici encore, nos tailles d’échantillons sont trop faibles pour conclure sur les autres candidats, ce qui constitue un avertissement pour les futurs testings. Toutefois, en utilisant les développements théoriques de l’annexe de cet article il est possible de déterminer la taille d’échantillon à utiliser pour ces futurs testings.

Tableau 6

effets du lieu de résidence pour différents sous-échantillons

Échantillon Taux de succès : localités favorisées (1) Taux de succès : localités défavorisées (2) Différence (1)- (2) Student
Toutes les observations 11,8 % 7,3 % 4,5 % 3,40
Peu diplômés (BEP) 7,6 % 5,1 % 2,5 % 1,75
Diplôme élevé (BAC) 15,9 % 9,5 % 6,4 % 2,95
Origine apparente :
MMM 6,0 % 3,4 % 2,6 % 1,36
FMM 6,8 % 5,1 % 1,7 % 0,83
FMF 12,8 % 8,5 % 4,3 % 1,52
FFF 21,4 % 12,0 % 9,4 % 2,73
figure im6

effets du lieu de résidence pour différents sous-échantillons

Les comparaisons sont faites sur les mêmes offres d’emploi. Les t de Student ont été calculés par la méthode du bootstrap par bloc avec 100 000 tirages. Un bloc correspond à une offre d’emploi. MMM : nationalité, nom et prénom d’origine maghrébine, FMM : nationalité française, nom et prénom d’origine maghrébine, FMF : nationalité française, nom à consonance maghrébine et prénom à consonance française, FFF : nationalité, nom et prénom à consonance française.
Lecture : les candidats de nationalité, nom et prénom à consonance française (FFF) ont un taux de succès de 21,4 % quand ils résident dans une localité favorisée et de 12,0 % quand ils résident dans une localité défavorisée. L’écart de ces taux de succès, 9,4 %, est statistiquement significatif au seuil de 5 % (T de Student de 2,73 pour une valeur critique de 2,00).
campagne de testing réalisée par les auteurs, calculs des auteurs.
Tableau 7

effets du lieu de résidence pour différents sous-échantillons selon le niveau de diplôme

Échantillon Diplôme Taux de succès : localités favorisées (1) Taux de succès : localités défavorisées (2) Différence (1)- (2) Student
Origine apparente :
MMM Faible (BEP) 5,1 % 3,4 % 1,7 % 0,46
Élevé (BAC) 6,9 % 3,4 % 3,5 % 0,84
FMM Faible (BEP) 5,1 % 1,7 % 3,4 % 1,03
Élevé (BAC) 8,6 % 8,6 % 0,0 % 0,00
FMF Faible (BEP) 11,9 % 6,8 % 5,1 % 0,95
Élevé (BAC) 13,8 % 10,3 % 3,5 % 0,57
FFF Faible (BEP) 8,5 % 8,5 % 0,0 % 0,00
Elevé (BAC) 34,5 % 15,5 % 19,0 % 2,42
figure im7

effets du lieu de résidence pour différents sous-échantillons selon le niveau de diplôme

Les comparaisons sont faites sur les mêmes offres d’emploi. Les intervalles t de Student ont été calculés par la méthode du bootstrap par bloc avec 100 000 tirages. Un bloc correspond à une offre d’emploi. MMM : nationalité, nom et prénom d’origine maghrébine, FMM : nationalité française, nom et prénom d’origine maghrébine, FMF : nationalité française, nomà consonance maghrébine et prénomà consonance française, FFF : nationalité, nom et prénom à consonance française.
Lecture : les candidats de nationalité, nom et prénom français (FFF) titulaires du baccalauréat ont un taux de succès de 34,5 % quand ils résident dans une localité favorisée, et de 15,5 % quand ils résident dans une localité défavorisée. L’écart de ces taux de succès, 19,0 %, est statistiquement significatif au seuil de 5 % (T de Student de 2,42 pour une valeur critique de 2,00).
campagne de testing réalisée par les auteurs, calculs des auteurs.

35 Il est important de confirmer ces premiers résultats à l’aide d’une estimation économétrique permettant de contrôler de l’ensemble des déterminants potentiels des discriminations présents dans les données. En particulier, le testing ne permet pas de contrôler les caractéristiques des recruteurs, mais seulement celles des demandeurs d’emploi, d’où l’intérêt de l’économétrie. Pour cela, nous effectuons une régression sur une mesure globale de la discrimination pour l’ensemble des réponses aux offres d’emploi. On prend comme groupe de référence la localité favorisée et on la compare à la localité défavorisée. Pour chaque offre d’emploi, nous disposons d’un certain nombre de réponses pour chacun des groupes de CV (FFF et les autres). Il est ainsi possible de calculer, pour chaque offre d’emploi, les taux de réussite de chaque groupe. La méthodologie employée est présentée en détail dans Duguet et alii (2010).

Tableau 8

coefficient de discrimination au point moyen

Échantillon Coefficient Student
Origine apparente :
MMM 2,6 % 1,36
FMM 1,7 % 0,82
FMF 4,3 % 1,52
FFF 9,4 % 2,76
figure im8

coefficient de discrimination au point moyen

Lecture : les candidats de nationalité française, de prénom à consonance marocaine et de nom à consonance française (FMF) ont, toutes choses égales par ailleurs, un taux de succès supérieur de +4,3 % quand ils résident dans une commune favorisée plutôt que dans une commune défavorisée. Cet écart n’est pas statistiquement significatif au seuil de 5 % (T de Student de 1,52 inférieur à la valeur critique de 2,00).
campagne de testing réalisée par les auteurs, calculs des auteurs.

36 Les variables de contrôle se répartissent en deux groupes. Le premier groupe est constitué des variables décrivant l’offre d’emploi : taille de l’entreprise, type d’entreprise (hôtel, café, restaurant), appartenance à un groupe, emploi situé à Paris intra muros, contrat à durée indéterminée, offre passant par Pôle Emploi. Le second groupe est constitué des variables accompagnant la candidature : temps de transport, type d’affranchissement et type de CV.

37 Puisque nous avons 117 offres d’emploi, nos régressions sont effectuées sur un petit nombre d’observations. C’est pourquoi nous devons prendre quelques précautions dans le calcul des écarts-types. Nous avons choisi de les calculer par la méthode du bootstrap par bloc [6]. Les résultats des régressions confirment nos conclusions précédentes.

38 Nous trouvons que les résultats, reportés dans le tableau 8, sont identiques à ceux obtenus par une comparaison directe des taux de succès des candidats (tableau 6). Par conséquent, aucune variable liée aux conditions de l’expérimentation ni aucune variable d’entreprise ne biaise nos résultats.

Conclusion

39 Afin de mesurer l’ampleur des pratiques d’embauche discriminatoires subies par les jeunes d’origine étrangère dans les banlieues d’Île-de-France, nous avons présenté dans cette étude les résultats d’une expérience contrôlée menée sur la profession de serveurs. Pour mener à bien cette expérience, nous avons construit 16 profils de demandeurs d’emploi et envoyé 936 réponses à 117 offres d’emploi publiées entre octobre et novembre 2006. Le but de l’expérience était de mesurer simultanément les effets sur les chances d’être invité à un entretien d’embauche du lieu de résidence (favorisé ou non), de la nationalité et de l’origine ethnique révélée par la consonance du nom et du prénom (française ou maghrébine). L’idée était d’analyser les effets croisés de facteurs de discriminations diverses, telles que le lieu de résidence, la nationalité et l’origine en utilisant une mesure fiable fondée sur un protocole rigoureux de collecte des observations et utilisant des techniques statistiques et économétriques permettant de vérifier la significativité et la robustesse des résultats.

40 Une première conclusion se dégage de cette étude. Elle concerne l’ampleur des discriminations à l’embauche qui s’exercent à l’encontre des jeunes d’origine maghrébine dans la banlieue parisienne. Lorsque l’on cherche un emploi comme garçon de café, les chances d’obtenir un rendez-vous pour un entretien d’embauche sont nettement plus élevées pour les candidats qui affichent une origine française que pour ceux qui signalent une origine maghrébine. Les maghrébins doivent, en moyenne, envoyer quatre fois plus de CV pour obtenir le même nombre de rendez-vous à des entretiens d’embauche que les candidats d’origine française. Ces différences considérables, présentes dans les données brutes, ont été confirmées par les tests statistiques et les régressions économétriques.

41 La deuxième conclusion principale de cette étude est l’existence d’une discrimination résidentielle par les employeurs. Nous trouvons des différences très importantes de taux de succès entre tous nos candidats selon leur lieu de résidence : les candidats des localités défavorisées de banlieue ont 7,3 % de chances d’obtenir un rendez-vous pour un entretien d’embauche, tandis que les chances des candidats des localités favorisées de banlieue atteignent 11,8 %. Lorsque nous comparons les candidats qui ont la même origine et le même niveau de diplôme, afin d’éviter les effets de composition, nous trouvons que la discrimination résidentielle ne concerne que les candidats les plus diplômés d’origine française. Leurs chances d’obtenir un rendez-vous pour un entretien passe de 15,5 % à 34,5 % (soit 19 points de hausse) en changeant uniquement le lieu de résidence. Ce résultat constitue une puissante incitation à quitter les localités les moins favorisées. Les décisions des employeurs contribuent ainsi à amplifier les ségrégations urbaines.


Annexe : taille de l’échantillon, erreur de première espèce et puissance des tests

42 Dans la pratique, la valeur de la statistique à partir de laquelle on décide qu’il existe une discrimination significative contient une part de convention. Plus précisément, le test se présente de la manière suivante :

43

  • hypothèse nulle : il n’existe pas de discrimination ;
  • hypothèse alternative : il existe une discrimination.

44 Il existe donc deux types d’erreur possibles :

45

  • erreur de première espèce : on rejette l’hypothèse nulle à tort. Ici, cela revient à conclure qu’il y a de la discrimination alors qu’il n’y en a pas. La probabilité de cette erreur est fixée a priori par le chercheur et est appelée seuil du test. La pratique la plus courante est de la fixer à 5 % ;
  • erreur de seconde espèce : on rejette l’hypothèse alternative à tort. Ici, on conclut qu’il n’y a pas de discrimination alors qu’il y en a bien une. Le complément à 1 de cette probabilité, appelée puissance du test, est la probabilité de conclure qu’il existe une discrimination alors que c’est bien le cas. La probabilité de cette erreur n’est pas contrôlée sur de petits échantillons. Toutefois, il est possible de l’évaluer avant de réaliser le testing, en se basant sur des résultats de testings antérieurs. La situation est résumée dans le tableau ci-dessous.

46 Le problème du choix du seuil vient du fait que l’abandon de tout contrôle sur l’erreur de seconde espèce peut être indésirable sur le plan social, car la discrimination se définit comme une injustice qui, souvent, concerne un grand nombre d’individus. En prenant un seuil faible pour le test, on augmente le risque de non détection de la discrimination quand elle existe bel et bien. Le seul moyen de réduire ce risque sur de petits échantillons consiste à augmenter le seuil du test par rapport au cas standard. On peut donc, sur la base de l’argument ci-dessus, justifier l’utilisation d’un seuil à 10 %. Notons également que si l’hypothèse nulle est l’absence de discrimination, il ne peut y avoir de sanction contre les entreprises dans le cas d’une erreur de première espèce, puisqu’aucune preuve ne peut exister. Ce second argument vient renforcer le premier.

47 On peut aller plus loin en calculant la taille d’échantillon requise pour obtenir un test d’un seuil et d’une puissance donnés, ou les écarts minimaux détectables pour une taille d’échantillon, un seuil et une puissance donnée.

Seuil, puissance, taille d’échantillon et écart détectable

48 Considérons le cas d’une comparaison entre deux proportions p1 (commune favorisée) et p0 (commune défavorisée), on souhaite effectuer le test suivant :

equation im9
H0 : p0 = p1

H1: p0p1

49 La statistique que l’on emploie le plus souvent pour réaliser ce test est celle de Student :

equation im10
| p̂1 − p̂0|
T=
V̂ (p̂1 − p̂0)

50 Remarquons ici que la variance au dénominateur tient compte de la corrélation des réponses qu’ont reçues les deux candidats. En utilisant l’approximation normale pour T, on rejette l’hypothèse nulle si :

51 T > zα/2

52zα/2 est le quantile d’ordre α / 2 de la loi normale centrée-réduite (1,96 pour α = 0,05 ou 1,645 pour α = 0,10) . L’erreur de première espèce est donc égale à :

equation im11
α = PH
[T > zα/2]
0

53 Pour déterminer la puissance du test, il faut commencer par écrire sa définition :

equation im12


̂̂
1 − β = PH1[T > zα/2]=PH1 ⎢ p1 − p0 > zα/2
⎢̂̂ ̂ ⎥
V (p1p0)


̂̂
+PH
p1 − p0 < − zα/2
1
⎢⎣ V̂ (p̂1 − p̂0) ⎥⎦

54 et sous l’hypothèse alternative p1> p0 (les quartiers favorisés ont des taux de succès supérieurs à ceux des quartiers défavorisés) la seconde probabilité tend vers 0. On peut donc se contenter d’utiliser l’approximation suivante :

equation im13


̂̂
1 − β ~− PHp1 − p0 > zα/2
1
⎢⎣ V̂ (p̂1 − p̂0) ⎥⎦

Erreurs de première et de seconde espèces

Conclusion du test
Pas de discrimination Discrimination
Réalité (« état de la nature ») Pas de discrimination Conclusion correcte Erreur de première espèce (fixée au seuil du test)
Discrimination Erreur de seconde espèce (non contrôlée sur petits échantillons) Conclusion correcte
figure im14

Erreurs de première et de seconde espèces

55 En posant :

equation im15
(p̂1 − p̂0) − (p1 − p0)
Z=
V(p̂1 − p̂0)

56 donc :

equation im16


̂
z V(p̂ − p̂) − (pp)
1 − β = PHZ >α/2 1 0 1 0 ⎥
⎢⎣ V(p̂1 − p̂0 ) ⎥⎦
1

57 D’autre part, en notant zβ la valeur que doit dépasser Z pour que l’on rejette l’hypothèse nulle, on a, en utilisant la symétrie de la loi normale :

equation im17
β = P(Z > zβ) ⇔1 − β = P(Z > − zβ)

58 En rapprochant cette définition de la précédente, on obtient :

equation im18
(p1 − p0) − zα/2 V̂ (p̂1 − p̂0)
zβ =
V(p̂1 − p̂0)

59 Cette relation permet de relier l’écart de probabilité détectable (p1 − p0), le seuil du test α, la puissance du test 1 − β et la taille de l’échantillon N via les variances. En admettant que equation im19 est suffisamment proche de la vraie valeur equation im20, on obtient l’approximation suivante :

equation im21
(p1 − p0)
zβ = − zα /2
V(p̂1 − p̂0)

60 avec :

equation im22
V(p̂1 − p̂0) = Δ
N
Δ = p1(1 − p1) + p0(1 − p0) − 2ρ p1(1− p1) p0(1− p0)

61N est le nombre de couples de candidatures et ρ le coefficient de corrélation linéaire entre les réponses aux deux candidatures. Le cas habituellement présenté est celui où ρ = 0 (chapitre 4 de Fleiss et alii, 2003). Ici, nous traitons le cas avec corrélation, car nous trouvons que, selon les comparaisons, le coefficient de corrélation est compris entre 0 et 0,8. Ce cas est présenté dans le chapitre 15 de Fleiss et alii (2003).

62 L’écart minimum détectable est donc donné par :

equation im23
p1 − p0 = (zβ + zα/2) V(p̂1 − p̂0)

63 Le tableau A1 donne les écarts minimum détectables des tests du tableau 6, et le tableau A2, ceux du tableau 7. Pour une analyse équivalente dans le cas des régressions, le lecteur pourra se reporter à Duflo et alii (2006).

Tableau A1

écart minimum détectable des tests du tableau 6

Test bilatéral Échantillon ρ̂ N Écart minimum détectable
α = 0,05 Tous 0,54 468 3,69 %
1 − β = 0,80 BEP 0,59 236 4,07 %
BAC 0,50 232 6,17 %
MMM 0,55 117 5,30 %
FMM 0,55 117 5,84 %
FMF 0,52 117 7,88 %
FFF 0,51 117 9,62 %
α = 0,10 Tous 0,54 468 3,27 %
1 − β = 0,80 BEP 0,59 236 3,61 %
BAC 0,50 232 5,47 %
MMM 0,55 117 4,71 %
FMM 0,55 117 5,18 %
FMF 0,52 117 6,99 %
FFF 0,51 117 8,54 %
figure im24

écart minimum détectable des tests du tableau 6

Tableau A2

écart minimum détectable des tests du tableau 7

Test bilatéral Échantillon ρ̂ N Écart minimum détectable
α = 0,05 MMM-BEP 0,38 59 8,23 %
1 − β = 0,80 MMM-BAC 0,69 58 6,75 %
FMM-BEP - 0,03 59 9,43 %
FMM-BAC 0,78 58 6,84 %
FMF-BEP 0,74 59 7,96 %
FMF-BAC 0,36 58 13,56 %
FFF-BEP 0,78 59 6,75 %
FFF-BAC 0,39 58 17,36 %
α = 0,10 MMM-BEP 0,38 59 7,31 %
1 − β = 0,80 MMM-BAC 0,69 58 5,99 %
FMM-BEP - 0,03 59 8,37 %
FMM-BAC 0,78 58 6,07 %
FMF-BEP 0,74 59 7,06 %
FMF-BAC 0,36 58 12,03 %
FFF-BEP 0,78 59 5,99 %
FFF-BAC 0,39 58 15,41 %
figure im25

écart minimum détectable des tests du tableau 7

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Mots-clés éditeurs : testing, expérimentation, effets de quartier, discrimination

Date de mise en ligne : 18/07/2016

https://doi.org/10.3917/ecop.206.0055

Notes

  • [*]
    Université d’Évry Val d’Essonne, Epee (EA2177) et Tepp (FR3435).
    E-mail : pascale.petit@univ-evry.fr.
  • [**]
    Université Paris-Est, Erudite (EA 437), UPEC, UPEM, CEE, TEPP CNRS (FR 3435), Créteil.
  • [***]
    Université Paris-Est, Erudite (EA 437), UPEC, UPEM, TEPP CNRS (FR 3435), Marne-La-Vallée.
  • [1]
    Pour une revue de la littérature sur le spatial mismatch, voir Gobillon et alii, 2007.
  • [2]
    Il s’agit du programme GEODE (Groupe d’Évaluation de l’Origine des Discriminations à l’Embauche) de la fédération de recherche TEPP (FR3435).
  • [3]
    Cette dénomination inclut également les restaurants « tendance », les brasseries et les bars à vin.
  • [4]
    Les bacheliers en restauration sont tenus d’effectuer un stage de 6 semaines à l’étranger au cours de leur scolarité.
  • [5]
    Lorsque qu’un recruteur contactait un candidat pour lui proposer un entretien ou pour lui demander plus de précisions sur ses compétences ou sa situation, nous lui répondions que le candidat venait de trouver un emploi.
  • [6]
    Sur le bootstrap, voir Efron et Tibshirani (1994).

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