Notes
-
[1]
Maddison A. (2006). The World Economy , OCDE, Paris.
-
[2]
Findlay R. et O’Rourke K.H. (2001). “Commodity Market Integration 1500-2000”, NBER Working Paper n° 8579, November. Maddison A. (2001). The World Economy, a Millennial Perspective, OCDE, Paris.
-
[3]
Baldwin R.E. et Martin P. (1999). “Two Waves of Globalization : Superficial Similarities, Fundamental Differences”, NBER Working Paper, n° 6904, January.
-
[4]
Feenstra R. C. (1998). “Integration of Trade and Disintegration of Production in the Global Economy”, Journal of Economic Perspectives, vol.12, n° 4, pp. 31-50.
-
[5]
Le commerce intra-branche désigne l’échange de produits similaires, mais non nécessairement homogènes, le prix et la qualité des produits pouvant différer. Sur l’internationalisation du processus de production, voir Feenstra (1998), référence précisée en note (4).
-
[6]
Les chiffres cités pour 2009 sont ceux de l’Organisation mondiale du commerce. Ceux cités pour 1913 sont issus de Bairoch P. et Kozul-Wright R. (1996). “Globalization Myths : Some Historical Reflections on Integration, Industrialization and Growth in the World Economy”, CNUCED Discussion Paper n° 113.
-
[7]
Les dominions britanniques (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande) adoptèrent également des mesures protectionnistes à partir de la fin du XIXème siècle, sans toutefois remettre en cause le principe de la préférence impériale. Au Canada, si la hausse des droits à l’importation adoptée entre 1878 et 1887 n’épargnait pas les importations britanniques, celles-ci bénéficiaient d’un taux préférentiel. En Australie, l’adoption d’un nouveau tarif protectionniste en 1908 s’accompagna d’un maintien des préférences accordées aux produits britanniques.
-
[8]
Bairoch P. (1993). Mythes et paradoxes de l’histoire économique, Paris, La Découverte.
-
[9]
L’Inde était ainsi exportatrice nette de textile (coton) à destination de l’Europe au XVIIIème siècle, tandis qu’à la fin du XIXème siècle, elle importait les deux tiers de sa consommation de textile, principalement du Royaume-Uni. Après l’abolition en 1813 du monopole commercial octroyé à la Compagnie des Indes Orientales, qui interdisait l’importation de produits textiles en Inde, des produits textiles produits à moindre coût par les pays développés affluèrent sur le marché indien, accélérant le déclin de l’industrie textile locale.
-
[10]
Les flux nets de capitaux sont utilisés à défaut des flux bruts pour évaluer les flux de capitaux, faute de données de flux bruts sur cette période. Les flux nets sont approximés par la balance courante. Cette approximation, communément employée dans la littérature consacrée à l’histoire économique, s’appuie sur l’identité comptable selon laquelle la somme du compte des transactions courantes, du compte du capital, du compte financier et du poste “erreurs et omissions” est nulle. Elle suppose donc l’absence d’accumulation de réserves.
-
[11]
Bordo M.D., Eichengreen B. et Irwin D.A. (1999). “Is Globalization Today Really Different than Globalization a Hundred Years Ago ?”, NBER Working Paper n° 7195, June.
-
[12]
Bairoch P. (1997). Victoires et déboires, histoire économique et sociale du monde du XVIe siècle à nos jours, Tome II, Folio histoire, Éditions Gallimard, 1997.
-
[13]
Bordo M.D., Eichengreen B. et Kim J. (1998). “Was there Really an Earlier Period of Financial Integration Comparable to Today ?”, NBER Working Paper n° 6738, September.
-
[14]
Eichengreen B. et Bordo M.D. (2002). “Crises Now and Then : What Lessons from the Last Era of Financial Globalization”, NBER Working Paper n° 8716, January.
-
[15]
Le “paradoxe de Lucas” s’applique dans une certaine mesure à la première mondialisation. Robert Lucas (1990), observant l’absence d’investissements américains à destination de l’Inde, riche en main-d’œuvre, remarquait l’inexistence de transferts de capitaux des pays riches vers les pays dépourvus de capital, alors même que la théorie économique suggère que le capital, s’il était parfaitement mobile, devrait être investi là où sa productivité marginale est la plus forte (c’est-à-dire dans les pays abondants en facteur travail mais pauvres en capital). Ce constat s’applique en partie à la première mondialisation : avant 1914, 75 % des investissements internationaux du Royaume-Uni allaient vers le Canada, l’Australie, l’Argentine et les États-Unis, où vivait 10 % de la population mondiale, tandis que seul le quart des investissements britanniques allait vers l’Asie et l’Afrique, qui représentaient respectivement 55 % et 7 % de la population mondiale, selon les estimations de Maddison (2003) (cf. tableau A1 en annexe). De même, avant 1914, l’Allemagne et la France exportaient la majorité de leurs capitaux vers l’Europe, les États-Unis, le Canada, l’Australie et l’Argentine, et moins du tiers vers l’Asie et l’Afrique. L’étude économétrique de Clemens et Williamson (2000) suggère que ces choix d’investissements étaient dictés par la recherche d’une main-d’œuvre qualifiée et de ressources naturelles, ainsi que par la possibilité de bénéficier de coûts de transport limités. Le capital allait donc là où la productivité globale des facteurs était potentiellement élevée.
Lucas R.E. Jr. (1990). “Why Doesn’t Capital Flow from Rich to Poor Countries ?”, The American Economic Review, vol. 80, n° 2, Papers and Proceeding of the Hundred and Second Annual Meeting of the American Economic Association, May, pp. 92-96.
Clemens M.A. et Williamson J.G. (2000). “Where did British Foreign Capital Go ? Fundamentals, Failures and the Lucas’ Paradox, 1870-1913”, NBER Working Paper n° 8028, December.
Maddison A. (2003). The World Economy : Historical Statistics, OCDE, Paris. Les données tirées de Maddison (2003) sont accessibles en ligne (www.ggdc.net/maddison/historicalstatistics/horizontal-file03_2007.xls). -
[16]
Taylor A.M. et Wilson J.L.F. (2008). « International Trade and Finance under the Two Hegemons : Complementaries in the United Kingdom 1870-1913 and the United States 1920-30", NBER Working Paper n° 12543, September.
-
[17]
Avant 1871, le Portugal et l’Empire britannique utilisaient l’étalon or. Les États allemands, l’Autriche-Hongrie, les Pays-Bas et les pays scandinaves étaient adossés à l’argent. La France, la Belgique, la Suisse et l’Italie, au sein de l’Union latine, disposaient d’un système monétaire bimétallique, fondé sur l’acceptation conjointe de l’or et de l’argent. Le système monétaire de l’Union latine reposait sur le Franc, défini comme contenant 4,5 grammes d’argent et 0,29 grammes d’or. Le ratio entre prix de l’or et prix de l’argent était stabilisé autour de 15,5 dans l’Union latine, ce qui permettait l’utilisation conjointe de pièces d’or et d’argent. L’abandon du bimétallisme au profit du seul étalon or dans les années 1870 a été précipité par la réforme monétaire allemande entre 1871 et 1873 : le passage de l’Allemagne à l’étalon or en 1871 et le versement en or des réparations dues par la France suite à la guerre franco-prussienne avaient en effet favorisé la dépréciation de l’argent par rapport à l’or.
-
[18]
Meissner C.M. (2002). “A New World Order : Explaining the Emergence of the Classical Gold Standard”, NBER Working Paper n° 9233, September.
-
[19]
Lindert P. (1969). “Key Currencies and Gold”, Princeton Studies in International Finance n° 24, Princeton University.
-
[20]
Eichengreen B. (2008). Globalizing Capital : A History of the International Monetary System, Princeton University Press.
-
[21]
Entre 1860 et 1914, 60 % du commerce mondial était libellé en sterlings. Cf. Eichengreen B. (2005), “Sterling’s Past, Dollar’s Future : Historical Perspective on Reserve Currency Competition”, NBER Working Paper n° 11336, May.
-
[22]
Obstfeld M. et Taylor A.M. (2002). “Sovereign Risk, Credibility and the Gold Standard : 1870-1913 Versus 1925-1931”, NBER Working Paper n° 9345, November.
-
[23]
Bordo M.D. et Rockoff H. (1996). “The Gold Standard as a Good Housekeeping Seal of Approval”, NBER Working Paper n° 5340, November.
-
[24]
Jusqu’au Gold Standard Act de 1900, le dollar était défini à la fois en argent et en or. À partir de 1861, la découverte de mines d’argent et d’un procédé d’extraction plus efficace de l’argent ont déprécié l’argent et bouleversé le prix relatif des deux métaux. Dans un contexte de dépréciation de l’argent, le bimétallisme américain induisait alors un “risque argent” pour les créditeurs.
-
[25]
Dans le contexte de changes fixes du système de l’étalon or, la dépréciation pouvait passer par une dévaluation ou par un abandon de la parité or, ce qui accélérait la dépréciation réelle.
-
[26]
Bordo M.D., Cavallo A.F. et Meissner C.M. (2007). “Sudden Stops : Determinants and Output Effects in the First Era of Globalization, 1880-1913”, NBER Working Paper n° 13489, October.
-
[27]
L’ouverture commerciale, autorisant l’ajustement rapide des déséquilibres courants, était aussi un facteur diminuant la probabilité de crise financière.
-
[28]
Des parallèles peuvent être dressés entre le mode d’ajustement des déséquilibres extérieurs des pays attachés à la parité or avant 1914 et celui de la Chine aujourd’hui, dont la devise est ancrée au dollar. Selon le rapport que le Comité Cunliffe, chargé d’étudier la faisabilité d’un retour à l’étalon or, a publié en 1919, avant 1914, lorsqu’un pays connaissait un déficit courant, impliquant une sortie de devises convertibles en or, les autorités monétaires, pour éviter le déclin des réserves en or et maintenir la parité, devaient théoriquement contracter la base monétaire, via une hausse des taux d’intérêt. L’ajustement attirait les capitaux extérieurs, limitait l’investissement, le revenu et le niveau général des prix. La demande d’importations se trouvait réduite, tandis que les exportations étaient stimulées, ce qui favorisait par conséquent la résorption des déficits courants. En pratique, ces “règles du jeu” étaient violées : les ajustements se faisaient souvent davantage par des interventions de change stérilisées plutôt que par des variations de taux, les autorités monétaires poursuivant des objectifs de politique intérieure (stabilité de la production, du niveau des prix et des taux d’intérêt) plutôt que des objectifs de convertibilité. La situation de la Chine aujourd’hui présente certaines similarités avec le système de l’étalon or, les ajustements se faisant par des contrôles sur les capitaux et la stérilisation des flux entrants. Le rapport final du Comité Cunliffe a été publié dans le Federal Reserve Bulletin de février 1920 (http://fraser.stlouisfed.org/docs/publications/FRB/pages/1920-1924/29667_1920-1924.pdf).
-
[29]
Baldwin R.E. et Martin P. (1999). “Two Waves of Globalization : Superficial Similarities, Fundamental Differences”, NBER Working Paper n° 6904, January.
-
[30]
Certains auteurs présentent aujourd’hui les États-Unis comme le “banquier du monde” se finançant à court terme et investissant à long terme dans des actifs risqués. Cf. Gourinchas P.O. et Rey H. (2005). “From World Banker to World Venture Capitalist : US External Adjustment and the Exorbitant Privilege”, NBER Working Paper n°11563, August.
- La mondialisation actuelle, amorcée dans les années 1970, n’est pas sans précédent : entre 1870 et 1914, l’ouverture des économies a été associée à une expansion rapide du commerce et de l’investissement au-delà des frontières nationales. Elle s’est aussi accompagnée de crises financières comparables à celles de la fin du XXème siècle et du début du XXIème siècle.
- Sur les marchés de biens, la première mondialisation a été caractérisée par la croissance des échanges commerciaux, en dépit de l’adoption de mesures protectionnistes dans la plupart des pays avancés. Des leçons ont été tirées de l’absence de réciprocité et de coordination des politiques commerciales de la fin du XIXème siècle, qui avait induit une exposition trop précoce au commerce international de certains pays en développement. La mise en place d’organisations internationales garantit désormais une ouverture progressive et une meilleure coordination des politiques commerciales de pays à différents stades de développement.
- Sur les marchés de capitaux, la première mondialisation a vu l’intégration croissante des marchés financiers des pays avancés. Cette intégration financière a été favorisée par la stabilité des changes qu’autorisait le système de l’étalon or. Les destinataires des flux de capitaux présentent des caractéristiques communes d’une vague de mondialisation à l’autre : les investissements se dirigent vers les pays riches en ressources naturelles, disposant d’une main-d’œuvre formée et bénéficiant de coûts de transport limités et d’un cadre institutionnel favorable au recouvrement des créances. Lors de la première mondialisation, les flux de capitaux internationaux ont été favorisés par la baisse du risque de change et des coûts de transaction liée à l’étalon or.
- Lors de la première mondialisation, l’internationalisation des marchés financiers et, dans une moindre mesure, l’intégration internationale du secteur bancaire, se sont accompagnées de crises financières auxquelles les crises contemporaines font écho. Ce précédent souligne notamment les avantages liés à l’endettement des pays émergents en monnaie locale et au rééquilibrage des balances courantes, qui limitent la vulnérabilité des économies à des arrêts soudains de flux de capitaux.
Poids des exportations dans le PIB
20
18
16
14
12
10
8
6
4
2
0
1820 1832 1844 1856 1868 1880 1892 1904 1916 1928 1940 1952 1964 1976 1988
Poids des exportations dans le PIB
2 Entre 1870 et 1914, l’ouverture des économies des pays développés et des pays moins avancés a été associée à une expansion rapide du commerce, de l’investissement et du financement au-delà des frontières nationales. Cette période, qualifiée de première mondialisation, présente des similarités avec la seconde mondialisation, amorcée dans les années 1970. Des enseignements peuvent être tirés de la première mondialisation en matière de politiques commerciales et de mesures de politiques économiques susceptibles de limiter la vulnérabilité aux crises financières.
1. Bien que la première mondialisation ait été caractérisée par d’importants flux commerciaux, les différences de nature et d’intensité de ces flux rendent l’intégration commerciale de la seconde mondialisation sans précédent
1.1 La baisse des coûts de transport et de communication, favorable à l’intégration commerciale, est à l’origine des deux vagues de mondialisation
3 Les deux vagues de mondialisation, celle de la fin du XIXème siècle et celle de la fin du XXème siècle, se sont caractérisées par l’intégration croissante des marchés de biens, favorisée par la baisse des coûts de transport et de communication.
4 Les coûts de transport se sont significativement réduits dans la seconde moitié du XIXème siècle, avec le développement des chemins de fer et des bateaux à vapeur. Le prix réel du fret entre États-Unis et Royaume-Uni a par exemple baissé de 40 % entre 1870 et 1913. La réduction des coûts de transport a favorisé l’augmentation du commerce international. La croissance annuelle moyenne des exportations mondiales est ainsi estimée à 3,4 % entre 1870 et 1913, soit une croissance supérieure à celle du PIB mondial sur la période (2,1 %) [1]. En Europe (cf. graphique 1), la part des exportations dans le PIB (en volume) [2] a crû de 10 à 16 % entre 1870 et 1913, tandis qu’au niveau mondial, elle est passée de 4,6 à 8,0 % sur la période (cf. graphique en première page de ce rapport). La progression de l’ouverture a été plus marquée pour l’Allemagne, tandis que le Royaume-Uni et la France, dont l’industrialisation a été plus précoce, avaient déjà réalisé une partie de leur ouverture dès 1860 (cf. graphique A1 en annexe).
5 La baisse des coûts de transport a aussi contribué à la réduction des écarts de prix entre pays développés dans certains secteurs. Une convergence partielle du prix des matières premières alimentaires s’est ainsi opérée pour les États-Unis et le Royaume-Uni : entre 1870 et 1913, l’écart de prix a été divisé par cinq, mais restait de 10,6 % en 1913. La seconde mondialisation se distingue de la première par l’accélération des innovations technologiques, favorables à la baisse des coûts de transaction [3].
poids des exportations dans le PIB
40
35
30
25
20
15
10
5
0
France Allemagne Royaume- Russie Australie États- Argentine Chine Inde Japon
Uni Unis
1870 1913 1929 1950 1973 1998
poids des exportations dans le PIB
6 La croissance des échanges commerciaux a par ailleurs coïncidé pour chacune des périodes de mondialisation avec l’affirmation d’une nouvelle puissance, les États-Unis à la fin du XIXème siècle, la Chine aujourd’hui. L’affirmation des États-Unis au début du XXème siècle s’est accompagnée du creusement progressif du déficit commercial de l’Europe, tandis que les États-Unis connaissaient un excédent croissant. En Europe, le montant des importations dépassait ainsi de 7 % celui des exportations en 1830, contre 20 % en 1910. Les États-Unis, protectionnistes, achetaient peu d’articles manufacturés européens, en dépit de la croissance de leurs exportations à faible valeur ajoutée (produits primaires). La situation de la Chine aujourd’hui, qui importe peu de produits manufacturés en provenance des pays industrialisés à des fins de consommation finale, fait écho à celle des États-Unis au début du XXème siècle.
1.2 L’intégration commerciale de la seconde mondialisation demeure cependant sans précédent
7 L’intensité élevée des échanges commerciaux de 1914 n’a été retrouvée puis dépassée qu’à partir des années 1970, après le déclin de l’entre-deux-guerres. La forte croissance du poids du commerce international dans les secteurs échangeables à partir des années 1970 rend néanmoins l’intégration commerciale de la seconde mondialisation sans précédent.
8 Le poids des exportations dans le PIB a peu augmenté dans certains pays entre les deux vagues de mondialisation : ainsi, pour l’Inde (cf. graphique 1), le poids des exportations de marchandises dans le PIB à prix constants était proche à la fin du XXèmesiècle (2,4 % en 1998) de son niveau de la seconde moitié du XIXème siècle (2,6 % en 1870).
9 La pertinence d’une comparaison historique sur la base du ratio commerce international sur PIB est toutefois limitée sur le long terme, la composition du PIB s’étant fortement modifiée entre les deux vagues de mondialisation : la part des services dans le PIB a crû au cours du XXème siècle, impliquant une baisse de la part des biens échangeables dans le PIB. Aussi est-il plus pertinent de comparer la part du commerce international de biens échangeables (biens primaires et secondaires) dans la valeur ajoutée de biens échangeables (cf. graphique 2). Aux États-Unis, l’augmentation modérée de la part des exportations dans la valeur ajoutée totale entre 1870 et la fin du XXème siècle masque la croissance plus forte de la part du commerce international au sein du secteur échangeable sur la période. Le poids du commerce international de marchandises (demi-somme des importations et des exportations) dans la valeur ajoutée américaine totale passe ainsi de 5,6 % en 1890 à 8 % en 1990, tandis que celui du commerce international dans la valeur ajoutée échangeable passe de 14,3 % en 1890 à 35,8 % en 1990 [4].
part du commerce international de biens échangeables dans la valeur ajoutée de biens échangeables
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Australie Canada France Allemagne Italie Japon Royaume- États-Unis
Uni
1890 1913 1960 1970 19801990
part du commerce international de biens échangeables dans la valeur ajoutée de biens échangeables
10 Si le poids du commerce dans la production de biens échangeables a crû pendant la première mondialisation, les niveaux atteints à la fin du XXème siècle sont sans précédent. De tels niveaux s’expliquent par la libéralisation commerciale, la baisse des coûts de transport et l’internationalisation croissante du processus de production, associée à une hausse du commerce intra-branche [5].
11 Les différences de composition des flux commerciaux et le renforcement du poids des pays émergents dans le commerce international rendent également l’intégration commerciale de la seconde mondialisation plus poussée. Alors que le commerce entre pays industrialisés dominait avant 1914 (cf. tableau A1.2), la seconde mondialisation se caractérise par le poids croissant du commerce entre pays à différents stades de développement. La part des échanges entre pays industrialisés dans le commerce mondial a ainsi décliné entre les deux vagues de mondialisation, passant de 60 % en 1913 à 41 % en 2009 [6].
12 Comme le commerce de services s’effectue aujourd’hui majoritairement entre pays développés, le rôle croissant des pays émergents est plus visible lorsque l’analyse se restreint aux biens manufacturés : 6 % des exportations mondiales de biens manufacturés étaient réalisées par les pays en développement en 1914, contre 40 % en 2009. La nature des biens échangés diffère également d’une vague de mondialisation à l’autre, les produits échangés étant davantage diversifiés aujourd’hui : en 1914, le commerce de biens primaires constituait l’essentiel des échanges internationaux (68 % du commerce total en 1890 et 62,5 % en 1913), contre moins du tiers en 2009.
1.3 La première mondialisation a été marquée par l’absence de réciprocité des politiques commerciales, mais les leçons de ces écueils semblent avoir été tirées avec la création du General Agreement on Trade and Tariffs (GATT) (puis de l’Organisation mondiale du commerce, OMC)
13 Lors de la première mondialisation, la croissance des échanges commerciaux entre pays développés s’est paradoxalement réalisée dans un contexte relativement protectionniste. Bien que les années 1870-1914 soient généralement perçues comme une période de laissez-faire, l’expansion du commerce mondial avait alors coïncidé avec la mise en place d’importantes barrières tarifaires destinées à favoriser les industries nationales naissantes. Après une période de libre échange entre 1860 et 1879, les principaux pays européens étaient protectionnistes en 1913, à l’exception du Royaume-Uni. La période 1879-1892 a vu le retour progressif du protectionnisme en Europe, inauguré par la modification de la politique douanière de l’Allemagne en 1879, destinée à protéger les industries naissantes de la concurrence internationale. En France, l’ère libérale s’est achevée avec l’adoption du tarif Méline en 1892. Les États-Unis n’avaient pas effectué de désarmement tarifaire sur la période : le tarif en vigueur entre 1866 et 1883 fixait un taux de prélèvement douanier de 25 à 60 % sur les biens manufacturés. Malgré un changement d’orientation de la politique commerciale en octobre 1913 (tarif Underwood), les tarifs américains restaient parmi les plus élevés du monde avant la guerre.
14 La première mondialisation a également été caractérisée par l’absence de réciprocité et de coordination des politiques commerciales. Dans les pays sous domination coloniale, les produits en provenance de la métropole étaient ainsi favorisés au détriment des autres marchandises [7] (principe de la “préférence impériale” britannique). En Europe, les années 1892-1914 ont été marquées par des révisions non coordonnées des tarifs douaniers. Si les britanniques poursuivaient une politique de libre-échange, leurs produits manufacturés se voyaient refuser l’entrée libre sur les marchés européens. Cette absence de réciprocité a favorisé l’émergence de mouvements d’opinion dits du fair trade, qui militaient pour l’adoption de représailles tarifaires vis-à-vis des pays imposant des droits à l’importation sur les produits britanniques.
15 Certaines leçons ont été tirées de l’exposition trop précoce au commerce internationnal de certains pays en développement lors de la première mondialisation. L’exposition des secteurs manufacturiers des pays en développement à la concurrence d’économies plus matures avait alors coïncidé avec l’effondrement de la production manufacturière de certains pays en développement [8]. Les produits de la métropole accédaient en effet librement aux marchés coloniaux, tandis que les traités de commerce conclus entre le Royaume-Uni et les pays indépendants (Amérique latine, Chine, Thaïlande, Moyen-Orient) prévoyaient la suppression des droits de douane ou le plafonnement des droits à l’importation dans les pays en développement à de faibles niveaux (généralement, 5 % de la valeur des importations). L’afflux de produits britanniques et européens produits à moindre coût a coïncidé avec l’effondrement de la production manufacturière de l’empire ottoman, de l’Inde [9] et, dans une moindre mesure, de la Chine à la fin du XIXème siècle. La mise en place d’organisations internationales garantit désormais une ouverture progressive et une meilleure coordination des politiques commerciales de pays à différents stades de développement. La clause de sauvegarde de l’OMC autorise ainsi les pays en développement à appliquer des droits de douane élevés pour protéger leurs industries naissantes, tout en s’assurant que ces droits de douane ne perdurent pas au-delà de ce qui est légitime.
2. L’intégration financière de la première mondialisation était importante, mais limitée à un nombre restreint d’actifs du fait de barrières informationnelles et technologiques
2.1 Au cours de la première mondialisation, les marchés de capitaux ont connu un fort niveau d’intégration, qui a vraisemblablement décliné dans l’entre-deux-guerres
16 La première mondialisation a aussi été caractérisée par l’essor des flux financiers internationaux. L’importance des flux de capitaux sur la période 1870-1913 peut être appréhendée par une approximation des flux nets de capitaux fondée sur la valeur absolue de la balance courante [10]. Selon cette approximation (cf. tableau 1), les flux de capitaux connaissaient des niveaux élevés entre 1870 et 1913, avant de décliner dans de nombreux pays pendant l’entre-deux-guerres. Au niveau agrégé, la croissance des investissements internationaux dépassait celle du commerce : entre 1825 et 1913, les exportations mondiales ont été multipliées par 20 (en valeur), tandis que le volume du stock brut de capitaux à l’étranger a été multiplié par 50.
17 Cette intégration financière, forte, se limitait cependant aux pays développés avant 1914 (cf. encadré 1). Les pays industrialisés européens fournissaient la principale source de financement, le Royaume-Uni étant l’investisseur le plus important. En 1913, 40 % du stock de capitaux investis à l’étranger était d’origine britannique et 86 % d’origine européenne. Entre 1870 et 1913, les investissements à l’étranger (approximés par l’opposé du compte courant) représentaient en moyenne 5 % du PIB britannique, avec un pic à 9 % en fin de période. L’adoption de l’étalon or a rendu possible l’augmentation des flux de capitaux et la place de Londres a joué un rôle majeur dans le fonctionnement du système financier international.
flux de capitaux (moyenne de la valeur absolue de la balance courante en % du PIB, prix courants)
Royaume-Uni | États-Unis | Argentine | Australie | Canada | France | Allemagne | Italie | Japon | |
1870-1913 | 4,6 | 0,9 | 12,5 | 6,2 | 7,0 | 1,9 | 1,6 | 1,5 | 1,5 |
1919-1939 | 1,9 | 0,9 | 3,4 | 3,9 | 2,6 | 1,7 | 1,7 | 2,1 | 1,2 |
flux de capitaux (moyenne de la valeur absolue de la balance courante en % du PIB, prix courants)
mesure de l’intégration des marchés financiers
La faible corrélation observée entre les taux d’épargne et les taux d’investissement nationaux entre 1860 et 1910 témoigne du fort degré d’intégration des marchés financiers : selon Feldstein et Horioka (1980)a, si les marchés internationaux de capitaux sont bien intégrés, la corrélation entre taux d’investissement et taux d’épargne domestiques devrait être faible, l’investissement domestique pouvant être financé par les flux de capitaux étrangers. La faible corrélation entre 1860 et 1890 semble cohérente avec la forte mobilité des capitaux sur la période, destinés aux colonies de peuplement européen (Australie, Canada, Argentine…) et au développement des chemins de fer en Europe.
corrélation entre taux d’investissement et d’épargne nationaux dans les pays développés
0,9
0,8
0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0,0
corrélation entre taux d’investissement et d’épargne nationaux dans les pays développés
Lecture : une faible corrélation entre épargne nationale et investissement national suggère un bon accès aux marchés de capitaux et, par conséquent, une forte intégration financière. Les deux taux rapportent des grandeurs exprimées en valeur.a. Feldstein M. et Horioka C. (1980). “Domestic Saving and International Capital Flows”, Economic Journal, vol. 90, n° 358, pp. 314-329.
2.2 La nature des flux de capitaux diffère fortement entre les deux vagues de mondialisation en raison des évolutions technologiques et informationnelles
18 Contrairement à la phase actuelle de mondialisation, la première mondialisation n’a pas été caractérisée par l’internationalisation du processus de production. En 1913, les entreprises multinationales représentaient 3 à 6 % de la production mondiale. Selon Bordo et alii (1999) [11], l’activité à l’étranger ne contribuait pas substantiellement aux profits des entreprises américaines. Les investissements directs à l’étranger (IDE) représentaient seulement 10 à 20 % des investissements à l’étranger, les investissements de portefeuille étant alors prépondérants. Les poids relatifs des IDE et des investissements de portefeuille sont en revanche plus équilibrés aujourd’hui.
19 En 1914, les IDE visaient davantage à favoriser l’accès aux matières premières qu’à internationaliser le processus de production. Les principaux destinataires d’IDE étaient les États-Unis et la Russie, riches en matières premières : 55 % du stock mondial des IDE se dirigeait vers le secteur primaire, 15 % vers le manufacturier et 10 % vers le secteur bancaire. Si l’introduction de mesures protectionnistes en Europe à partir de 1879 avait favorisé la relocalisation des unités de production dans les pays où la pénétration des marchés était entravée par les barrières douanières [12] (c’était notamment le cas des entreprises textiles suisses relocalisées en Italie suite à l’adoption de tarifs protectionnistes), ces pratiques de contournement ne constituaient pas à proprement parler une internationalisation du processus de production.
20 Les obstacles technologiques et l’imperfection de l’information restreignaient les flux de capitaux à un nombre limité d’actifs sur lesquels les asymétries d’information pesaient le moins. Les investisseurs se concentraient sur les actifs tangibles (matières premières, chemins de fer) et transparents (financement des gouvernements), ainsi que sur les obligations plutôt que sur les actions. Le financement des gouvernements, des sociétés de chemins de fer et des secteurs des matières premières attirait l’essentiel des investissements : 40 % des investissements de portefeuille britanniques étaient destinés aux chemins de fer, 30 % à la dette souveraine, 10 % aux matières premières (cf. graphique 4). Les contraintes technologiques et informationnelles limitaient à l’époque les possibilités d’investissement de court terme. Le moindre développement des institutions financières internationales pouvait également restreindre les possibilités de contrôle de l’information et du respect des contrats [13]. Ces contraintes sont aujourd’hui levées.
70
60
50
40
30
20
10
0
États-Unis Canada Argentine Australie Inde Brésil Russie Mexique Total
Gouvernement Chemins de fer Services publics
Secteur financier Matières premièresMines
IndustrieSecteur manufacturier
destination des investissements internationaux du Royaume-Uni par secteurs (1885-1914)
[14]2.3 Les destinataires des flux de capitaux présentent des caractéristiques communes d’une vague de mondialisation à l’autre : les capitaux vont là où la productivité globale des facteurs est élevée et le cadre institutionnel favorable au recouvrement des créances
21 Les investissements internationaux étaient géographiquement très concentrés à la fin du XIXème siècle. Ils se dirigeaient essentiellement vers les pays développés riches en ressources naturelles, disposant d’une main-d’œuvre formée et bénéficiant de faibles coûts de transport [15]. Lors de la première mondialisation, les flux de capitaux ont facilité l’industrialisation et les transferts de technologie vers les pays de peuplement européen, et favorisé l’affirmation des États-Unis comme puissance mondiale. Un quart des flux se dirigeait ainsi vers l’Amérique du nord, principalement les États-Unis (cf. graphique 5), tandis que les investissements en Amérique latine étaient majoritairement destinés aux pays les plus développés du continent : 60 % des flux à destination de l’Amérique latine se dirigeaient vers l’Argentine et l’Uruguay.
destinataires des investissements internationaux en 1913
35
30
25
20
15
10
5
0
Europe Amériquelatine Amérique Asie Afrique-Océanie
du Nord
% du total des investissements à l'étranger % du total des IDE
destinataires des investissements internationaux en 1913
22 La stratégie actuelle de la Chine, destinataire d’IDE mais également exportatrice de capitaux en vue de s’assurer l’accès aux matières premières, fait écho à celle des États-Unis au début du XXème siècle. L’affirmation des États-Unis s’était ainsi accompagnée d’IDE (cf. graphique 6) à destination des pays riches en matières premières : en 1914, 40 % des IDE des États-Unis étaient destinés aux mines et au pétrole, tandis que les IDE destinés aux services et au secteur manufacturier ne représentaient chacun que 20 % du total des IDE américains.
principaux pays émetteurs d’investissements internationaux en 1913
50
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
Royaume-Uni France Allemagne États-Unis Autres
% du total des investissements à l'étranger % du total des IDE
principaux pays émetteurs d’investissements internationaux en 1913
23 Les flux de capitaux s’orientaient vers les pays dont le cadre institutionnel était favorable au recouvrement des créances. Entre 1865 et 1914, les investissements britanniques étaient principalement destinés aux États-Unis (20,5 %), à l’Australie (8,3 %), au Canada (10,0 %) et à l’Inde (7,8 %). Cette concentration géographique peut s’expliquer par la proximité culturelle et juridique entre le Royaume-Uni et ses dominions ou ex-colonies. L’assurance du respect des droits de propriété au sein de l’Empire britannique était ainsi favorable au recouvrement des créances. De même, la stabilité monétaire du Canada et de l’Australie (stabilité de la parité or) favorisait les investissements. L’établissement de bonnes relations commerciales facilitait également l’intégration financière : la bonne réputation acquise en commerçant rassurait les investisseurs sur la soutenabilité des relations financières de plus long terme [16].
3. L’expérience de la première mondialisation souligne les avantages liés à la stabilité des changes et au rééquilibrage des balances courantes pour favoriser l’intégration financière et limiter la vulnérabilité aux crises
3.1 La stabilité des changes au sein du système de l’étalon or a favorisé l’intégration financière
24 L’intégration financière de la première mondialisation a été favorisée par la stabilité des changes qu’autorisait le système de l’étalon or. La stabilité des changes limitait les coûts de transaction et le risque de change. L’étalon or offrait en outre une sécurité aux prêteurs, qui pouvaient recouvrer leurs créances en or. Entre 1853 et 1900, la plupart des pays développés ont abandonné le bimétallisme [17] ou l’étalon argent au profit de l’étalon or : l’Allemagne, le Danemark et la Suède l’ont adopté en 1873, suivis des pays de l’Union latine (Belgique, France, Italie, Grèce et Suisse) en 1878, de l’Autriche-Hongrie (1892), de la Russie (1897) et des États-Unis (1900). L’étalon or fournissait une externalité de réseau : son adoption était d’autant plus rapide qu’un pays commerçait avec des économies l’ayant adopté [18]. L’adoption de l’étalon or signalait également l’engagement d’un État à poursuivre des politiques budgétaires et monétaires neutres, puisque le respect de la parité fixe avec l’or limitait la création monétaire et la possibilité de monétiser la dette publique. La subordination des autres objectifs de politique économique au maintien de la stabilité des taux de change avec l’or et, par conséquent, avec le sterling, fournissait un gage de crédibilité, qui facilitait l’accumulation de créances libellées en sterlings et l’accès aux marchés internationaux.
25 L’intégration financière des pays développés peut être illustrée par la croissance des réserves officielles en devises, favorisée par l’augmentation des flux de capitaux et des prêts internationaux libellés en devises. La détention de devises par les banques centrales est en effet relativement récente et a coïncidé avec l’émergence du système international de l’étalon or avant 1914. Selon les estimations de Lindert (1969) [19], la part des devises dans les réserves des banques centrales en or et devises est passée de 10 % à 20 % entre 1880 et 1914. Cette proportion croissante tient à la généralisation du système de l’étalon or. En rendant possible la conversion des devises en or, cette généralisation a favorisé la diversification des actifs en faveur des devises, qui présentaient l’avantage d’être rémunérées. Ainsi, les réserves de change du Japon, de la Russie et de l’Inde étaient en partie constituées de titres souverains britanniques et de dépôts dans les banques de Londres [20], aisément convertibles en or, le marché en sterlings étant extrêmement liquide. En niveau, le montant des réserves de change a été multiplié par quatre entre 1900 et 1913, en lien avec la monétisation de l’économie et le développement des échanges et prêts internationaux. En 1913, les réserves en sterling représentaient la moitié du total des réserves en devises, ce qui souligne la crédibilité de l’ancrage du sterling sur l’or et le rôle central de la place financière de Londres [21]. Toutefois, le poids des réserves en sterlings dans le total des réserves de change a diminué entre 1890 et 1913, avec l’affirmation d’autres places financières (Paris, Berlin). En 1913, un tiers des réserves de devises étaient des francs, ce qui s’explique notamment par les prêts libellés en francs consentis à la Russie (emprunts russes). Le dollar était inexistant dans les réserves : avant la création de la Fed en 1913, aucune institution centralisée n’assurait la liquidité du marché en dollars (cf. graphique 7).
composition des réserves officielles de change
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Sterling Francs Marks Autres devises Dollars
1899 1913 1973
composition des réserves officielles de change
26 Sur le marché des obligations souveraines, la crédibilité de l’engagement à respecter la parité or ouvrait l’accès à la place de Londres, tandis que les fondamentaux macroéconomiques (dette publique, inflation) importaient moins [22]. L’appartenance à l’Empire britannique n’était ni une condition nécessaire ni une condition suffisante pour accéder au marché des capitaux de Londres avant 1914. Les pays adhérant à l’étalon or présentaient un risque pays moins élevé, qui se traduisait par des écarts de taux obligataires contenus vis-à-vis du Royaume-Uni. En revanche, les prêts aux pays ayant des étalons monétaires fluctuants étaient associés à des taux d’intérêt significativement plus élevés [23] (cf. graphique 8). Les incertitudes liées au régime monétaire bimétallique américain [24] et les craintes d’inconvertibilité du dollar en or au début des années 1880 ont par exemple conduit les investisseurs britanniques à liquider leurs titres américains en faveur d’obligations coloniales et entraîné une hausse de la prime sur les obligations américaines et sur le change. La prime exigée de l’emprunteur était majorée lorsque la dette était libellée en devises nationales : un étalon monétaire fluctuant ne garantissait pas le créancier contre le risque de dépréciation, contrairement à une parité or fixe. Le taux obligataire moyen de la dette américaine libellée en dollars s’élevait ainsi à 4 %, contre 3 % pour celle en or.
rendements reconstitués des bons du Trésor remboursés en or (1870-1914)
7
6 Étalon or
5
4
3
2
1
0
Royaume- Canada Australie États-Unis Italie Argentine Brésil Chili
Uni
rendements reconstitués des bons du Trésor remboursés en or (1870-1914)
3.2 Comme aujourd’hui, un faible déficit courant, des réserves importantes et une faible dette libellée en devises limitaient la vulnérabilité des pays destinataires de capitaux aux crises financières
27 Les épisodes de chutes brutales des flux entrants de capitaux (sudden stops) observés ces dernières décennies font écho à ceux du début des années 1890 (cf. tableau 2). Pendant les années 1880, alors que l’Europe traversait une dépression, la conjonction de taux faibles en Europe et de perspectives de rendements élevés dans les pays émergents avait favorisé un afflux de capitaux vers ces pays. Le déclin des réserves en or de la Banque d’Angleterre, reflétant d’importantes sorties de capitaux, et l’amélioration des conditions économiques européennes avaient par la suite conduit la Banque d’Angleterre à augmenter ses taux (de 2,5 à 4 %) à la fin des années 1880. La hausse des taux d’intérêt du principal exportateur de capitaux, imité par d’autres puissance européennes, avait brutalement réduit les flux de capitaux destinés aux pays émergents, qui avaient alors rencontré des difficultés pour financer leur déficit courant. La chute des flux entrants de capitaux rendait en effet nécessaire un rééquilibrage du solde externe, qui ne pouvait s’effectuer que par une contraction de la demande intérieure et/ou une dépréciation réelle du taux de change [25]. Pendant la première mondialisation, les épisodes de chutes brutales des flux entrants de capitaux [26] débouchaient dans 40 % des cas sur des crises financières.
épisodes de sudden stops
Argentine | 1891, 1899 | Inde | 1902, 1910 |
Australie | 1891 | Italie | 1888 |
Autriche | 1899 | Japon |
1891, 1899, 1901, 1908 |
Brésil | 1906 | Nouvelle- Zélande | 1883, 1887 |
Canada | 1891, 1908 | Norvège | 1902 |
Chili | 1885, 1893, 1904 | Portugal | 1892 |
Finlande | 1901 | Russie | 1885, 1888, 1899 |
Grèce |
1883, 1886, 1892, 1900, 1906 | Suède | 1886, 1911 |
épisodes de sudden stops
28 Comme aujourd’hui, la part de la dette libellée en devises (sterling) ou en or dans la dette totale, ainsi que d’importants déficits courants, associés à une forte dépendance aux capitaux étrangers, accroissaient significativement la probabilité de subir une chute brutale des flux entrants de capitaux.
29 À l’inverse, la capacité d’un pays à honorer ses dettes était associée à une faible probabilité de subir une crise financière [27] : un niveau élevé de réserves en or rapportées à la masse monétaire était de nature à alimenter la confiance des investisseurs dans le système monétaire du pays endetté et à limiter le risque de panique. Certains pays ont ainsi pu échapper à des crises, tels que le Canada, l’Australie et les pays scandinaves, notamment grâce à la crédibilité de leur système monétaire et financier. Le Canada a par exemple connu une baisse des flux de capitaux à la fin des années 1890 bien moindre que celle qu’a connue à l’époque l’Argentine, dont la politique budgétaire laxiste avait abouti à un abandon de la parité or à plusieurs reprises (1876, 1885). La capacité à assurer la parité or, la stabilité du système bancaire et l’absence de dette excessive expliqueraient ainsi le maintien de la confiance des marchés financiers au Canada.
30 La première mondialisation permet donc de mettre en perspective la mondialisation actuelle. Des similarités sont observables : la baisse des coûts de transport et de communication est à l’origine des deux périodes de mondialisation. Aujourd’hui comme à la fin du XIXème siècle, les flux de capitaux se dirigent vers les pays offrant un cadre institutionnel et monétaire stable, riches en ressources naturelles et disposant d’une main-d’œuvre formée. Le développement commercial actuel de la Chine présente des points communs avec celui des États-Unis avant 1914. Les États-Unis se sont affirmés comme puissance commerciale via une croissance portée par les exportations, soutenue par une offre de travail abondante et les transferts de technologie, tout en investissant à l’étranger en vue de s’assurer l’accès aux ressources naturelles [28]. Les crises contemporaines rappellent également les crises financières de la première mondialisation : la stabilité monétaire, des déficits courants limités et une faible part de la dette libellée en devises ont contribué à limiter l’ampleur de ces crises pendant les deux périodes de mondialisation.
31 Des différences majeures [29] dans l’organisation de la production et la composition des flux commerciaux rendent cependant l’intensité de la mondialisation actuelle sans précédent. Bien que le commerce entre pays industrialisés ait été significatif lors de la première mondialisation, le commerce intra-branche est propre à la mondialisation actuelle. En outre, le rôle des entreprises multinationales était limité au début du XXe siècle, alors qu’elles jouent dorénavant un rôle prépondérant dans les IDE aujourd’hui. L’intégration financière diffère également entre les deux mondialisations : les obligations étaient prépondérantes en 1914, tandis que la répartition entre actions et obligations est aujourd’hui plus équilibrée, ce qui pourrait avoir des conséquences en termes de partage du risque au niveau international [30]. L’équilibre entre investissements de portefeuille et IDE s’est également modifié : les investissements de portefeuille dominaient pendant la première mondialisation, tandis que les poids relatifs sont globalement équivalents aujourd’hui. La première mondialisation a ainsi été limitée par l’existence de contraintes informationnelles et technologiques, qui a restreint l’intégration financière aux secteurs sur lesquels l’asymétrie d’information pesait le moins et limité les possibilités d’investissements de court terme.
Annexe : l’économie mondiale entre 1870 et 1914
poids dans le PIB et la population du monde en 1913 (en %)
Poids dans le PIB mondial (prix constants de 1990) | Poids dans la population mondiale | |
Allemagne | 9,7 | 3,6 |
France | 5,3 | 2,3 |
Italie | 3,5 | 2,1 |
Royaume-Uni | 8,2 | 2,6 |
Autres pays d’Europe occidentale* | 7,8 | 4,2 |
États-Unis | 18,9 | 5,5 |
Afrique | 2,9 | 7,0 |
Asie | 24,9 | 54,6 |
poids dans le PIB et la population du monde en 1913 (en %)
Lecture : en 1913, l’Allemagne produisait 9,7 % du PIB mondial et sa population représentait 3,6 % de la population mondiale.* Champ : 25 pays d’Europe occidentale hors Allemagne, France, Italie et Royaume-Uni.
composition des échanges internationaux en 1913 (en %)
Poids dans les exportations mondiales | Part du commerce avec les pays développés | Part des exportations de produits manufacturés dans les exportations totales | Part des exportations de produits manufacturés vers les pays industrialisés dans les exportations totales | |
Allemagne | 21,4 | 53,4 | 71,7 | 53,5 |
France | 12,1 | 68,2 | 57,9 | 63,8 |
Royaume-Uni | 22,8 | 37,9 | 76,6 | 31,8 |
Autres pays d’Europe occidentale | 15,0 | 70,3 | 49,4 | 62,0 |
États-Unis | 22,1 | 74,5 | 34,1 | 63,2 |
composition des échanges internationaux en 1913 (en %)
Lecture : en 1913, les exportations allemandes représentaient 21,4 % des exportations mondiales. L’Allemagne réalisait 53,4 % de ses échanges internationaux avec les autres pays développés. Ses exportations se composaient en majorité de ventes de produits manufacturés vers des pays industrialisés (à hauteur de 53,5 %) ou moins avancés (18,2 %), soit un total de 71,7 % d’exportations manufacturières.développements économiques selon Rostow (1990)
Royaume-Uni
États-Unis
France
Allemagne
Suède
Japon
Russie-URSS
Italie
Canada
Australie
Argentine
Turquie
Brésil
Mexique
Iran
Inde
Chine
Taiwan
Thaïlande
Corée du Sud
take-off ("décollage" de la croissance) maturité technologique
développements économiques selon Rostow (1990)
Mots-clés éditeurs : étalon or, commerce international, mondialisation
Date de mise en ligne : 04/11/2014
https://doi.org/10.3917/ecop.200.0217Notes
-
[1]
Maddison A. (2006). The World Economy , OCDE, Paris.
-
[2]
Findlay R. et O’Rourke K.H. (2001). “Commodity Market Integration 1500-2000”, NBER Working Paper n° 8579, November. Maddison A. (2001). The World Economy, a Millennial Perspective, OCDE, Paris.
-
[3]
Baldwin R.E. et Martin P. (1999). “Two Waves of Globalization : Superficial Similarities, Fundamental Differences”, NBER Working Paper, n° 6904, January.
-
[4]
Feenstra R. C. (1998). “Integration of Trade and Disintegration of Production in the Global Economy”, Journal of Economic Perspectives, vol.12, n° 4, pp. 31-50.
-
[5]
Le commerce intra-branche désigne l’échange de produits similaires, mais non nécessairement homogènes, le prix et la qualité des produits pouvant différer. Sur l’internationalisation du processus de production, voir Feenstra (1998), référence précisée en note (4).
-
[6]
Les chiffres cités pour 2009 sont ceux de l’Organisation mondiale du commerce. Ceux cités pour 1913 sont issus de Bairoch P. et Kozul-Wright R. (1996). “Globalization Myths : Some Historical Reflections on Integration, Industrialization and Growth in the World Economy”, CNUCED Discussion Paper n° 113.
-
[7]
Les dominions britanniques (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande) adoptèrent également des mesures protectionnistes à partir de la fin du XIXème siècle, sans toutefois remettre en cause le principe de la préférence impériale. Au Canada, si la hausse des droits à l’importation adoptée entre 1878 et 1887 n’épargnait pas les importations britanniques, celles-ci bénéficiaient d’un taux préférentiel. En Australie, l’adoption d’un nouveau tarif protectionniste en 1908 s’accompagna d’un maintien des préférences accordées aux produits britanniques.
-
[8]
Bairoch P. (1993). Mythes et paradoxes de l’histoire économique, Paris, La Découverte.
-
[9]
L’Inde était ainsi exportatrice nette de textile (coton) à destination de l’Europe au XVIIIème siècle, tandis qu’à la fin du XIXème siècle, elle importait les deux tiers de sa consommation de textile, principalement du Royaume-Uni. Après l’abolition en 1813 du monopole commercial octroyé à la Compagnie des Indes Orientales, qui interdisait l’importation de produits textiles en Inde, des produits textiles produits à moindre coût par les pays développés affluèrent sur le marché indien, accélérant le déclin de l’industrie textile locale.
-
[10]
Les flux nets de capitaux sont utilisés à défaut des flux bruts pour évaluer les flux de capitaux, faute de données de flux bruts sur cette période. Les flux nets sont approximés par la balance courante. Cette approximation, communément employée dans la littérature consacrée à l’histoire économique, s’appuie sur l’identité comptable selon laquelle la somme du compte des transactions courantes, du compte du capital, du compte financier et du poste “erreurs et omissions” est nulle. Elle suppose donc l’absence d’accumulation de réserves.
-
[11]
Bordo M.D., Eichengreen B. et Irwin D.A. (1999). “Is Globalization Today Really Different than Globalization a Hundred Years Ago ?”, NBER Working Paper n° 7195, June.
-
[12]
Bairoch P. (1997). Victoires et déboires, histoire économique et sociale du monde du XVIe siècle à nos jours, Tome II, Folio histoire, Éditions Gallimard, 1997.
-
[13]
Bordo M.D., Eichengreen B. et Kim J. (1998). “Was there Really an Earlier Period of Financial Integration Comparable to Today ?”, NBER Working Paper n° 6738, September.
-
[14]
Eichengreen B. et Bordo M.D. (2002). “Crises Now and Then : What Lessons from the Last Era of Financial Globalization”, NBER Working Paper n° 8716, January.
-
[15]
Le “paradoxe de Lucas” s’applique dans une certaine mesure à la première mondialisation. Robert Lucas (1990), observant l’absence d’investissements américains à destination de l’Inde, riche en main-d’œuvre, remarquait l’inexistence de transferts de capitaux des pays riches vers les pays dépourvus de capital, alors même que la théorie économique suggère que le capital, s’il était parfaitement mobile, devrait être investi là où sa productivité marginale est la plus forte (c’est-à-dire dans les pays abondants en facteur travail mais pauvres en capital). Ce constat s’applique en partie à la première mondialisation : avant 1914, 75 % des investissements internationaux du Royaume-Uni allaient vers le Canada, l’Australie, l’Argentine et les États-Unis, où vivait 10 % de la population mondiale, tandis que seul le quart des investissements britanniques allait vers l’Asie et l’Afrique, qui représentaient respectivement 55 % et 7 % de la population mondiale, selon les estimations de Maddison (2003) (cf. tableau A1 en annexe). De même, avant 1914, l’Allemagne et la France exportaient la majorité de leurs capitaux vers l’Europe, les États-Unis, le Canada, l’Australie et l’Argentine, et moins du tiers vers l’Asie et l’Afrique. L’étude économétrique de Clemens et Williamson (2000) suggère que ces choix d’investissements étaient dictés par la recherche d’une main-d’œuvre qualifiée et de ressources naturelles, ainsi que par la possibilité de bénéficier de coûts de transport limités. Le capital allait donc là où la productivité globale des facteurs était potentiellement élevée.
Lucas R.E. Jr. (1990). “Why Doesn’t Capital Flow from Rich to Poor Countries ?”, The American Economic Review, vol. 80, n° 2, Papers and Proceeding of the Hundred and Second Annual Meeting of the American Economic Association, May, pp. 92-96.
Clemens M.A. et Williamson J.G. (2000). “Where did British Foreign Capital Go ? Fundamentals, Failures and the Lucas’ Paradox, 1870-1913”, NBER Working Paper n° 8028, December.
Maddison A. (2003). The World Economy : Historical Statistics, OCDE, Paris. Les données tirées de Maddison (2003) sont accessibles en ligne (www.ggdc.net/maddison/historicalstatistics/horizontal-file03_2007.xls). -
[16]
Taylor A.M. et Wilson J.L.F. (2008). « International Trade and Finance under the Two Hegemons : Complementaries in the United Kingdom 1870-1913 and the United States 1920-30", NBER Working Paper n° 12543, September.
-
[17]
Avant 1871, le Portugal et l’Empire britannique utilisaient l’étalon or. Les États allemands, l’Autriche-Hongrie, les Pays-Bas et les pays scandinaves étaient adossés à l’argent. La France, la Belgique, la Suisse et l’Italie, au sein de l’Union latine, disposaient d’un système monétaire bimétallique, fondé sur l’acceptation conjointe de l’or et de l’argent. Le système monétaire de l’Union latine reposait sur le Franc, défini comme contenant 4,5 grammes d’argent et 0,29 grammes d’or. Le ratio entre prix de l’or et prix de l’argent était stabilisé autour de 15,5 dans l’Union latine, ce qui permettait l’utilisation conjointe de pièces d’or et d’argent. L’abandon du bimétallisme au profit du seul étalon or dans les années 1870 a été précipité par la réforme monétaire allemande entre 1871 et 1873 : le passage de l’Allemagne à l’étalon or en 1871 et le versement en or des réparations dues par la France suite à la guerre franco-prussienne avaient en effet favorisé la dépréciation de l’argent par rapport à l’or.
-
[18]
Meissner C.M. (2002). “A New World Order : Explaining the Emergence of the Classical Gold Standard”, NBER Working Paper n° 9233, September.
-
[19]
Lindert P. (1969). “Key Currencies and Gold”, Princeton Studies in International Finance n° 24, Princeton University.
-
[20]
Eichengreen B. (2008). Globalizing Capital : A History of the International Monetary System, Princeton University Press.
-
[21]
Entre 1860 et 1914, 60 % du commerce mondial était libellé en sterlings. Cf. Eichengreen B. (2005), “Sterling’s Past, Dollar’s Future : Historical Perspective on Reserve Currency Competition”, NBER Working Paper n° 11336, May.
-
[22]
Obstfeld M. et Taylor A.M. (2002). “Sovereign Risk, Credibility and the Gold Standard : 1870-1913 Versus 1925-1931”, NBER Working Paper n° 9345, November.
-
[23]
Bordo M.D. et Rockoff H. (1996). “The Gold Standard as a Good Housekeeping Seal of Approval”, NBER Working Paper n° 5340, November.
-
[24]
Jusqu’au Gold Standard Act de 1900, le dollar était défini à la fois en argent et en or. À partir de 1861, la découverte de mines d’argent et d’un procédé d’extraction plus efficace de l’argent ont déprécié l’argent et bouleversé le prix relatif des deux métaux. Dans un contexte de dépréciation de l’argent, le bimétallisme américain induisait alors un “risque argent” pour les créditeurs.
-
[25]
Dans le contexte de changes fixes du système de l’étalon or, la dépréciation pouvait passer par une dévaluation ou par un abandon de la parité or, ce qui accélérait la dépréciation réelle.
-
[26]
Bordo M.D., Cavallo A.F. et Meissner C.M. (2007). “Sudden Stops : Determinants and Output Effects in the First Era of Globalization, 1880-1913”, NBER Working Paper n° 13489, October.
-
[27]
L’ouverture commerciale, autorisant l’ajustement rapide des déséquilibres courants, était aussi un facteur diminuant la probabilité de crise financière.
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[28]
Des parallèles peuvent être dressés entre le mode d’ajustement des déséquilibres extérieurs des pays attachés à la parité or avant 1914 et celui de la Chine aujourd’hui, dont la devise est ancrée au dollar. Selon le rapport que le Comité Cunliffe, chargé d’étudier la faisabilité d’un retour à l’étalon or, a publié en 1919, avant 1914, lorsqu’un pays connaissait un déficit courant, impliquant une sortie de devises convertibles en or, les autorités monétaires, pour éviter le déclin des réserves en or et maintenir la parité, devaient théoriquement contracter la base monétaire, via une hausse des taux d’intérêt. L’ajustement attirait les capitaux extérieurs, limitait l’investissement, le revenu et le niveau général des prix. La demande d’importations se trouvait réduite, tandis que les exportations étaient stimulées, ce qui favorisait par conséquent la résorption des déficits courants. En pratique, ces “règles du jeu” étaient violées : les ajustements se faisaient souvent davantage par des interventions de change stérilisées plutôt que par des variations de taux, les autorités monétaires poursuivant des objectifs de politique intérieure (stabilité de la production, du niveau des prix et des taux d’intérêt) plutôt que des objectifs de convertibilité. La situation de la Chine aujourd’hui présente certaines similarités avec le système de l’étalon or, les ajustements se faisant par des contrôles sur les capitaux et la stérilisation des flux entrants. Le rapport final du Comité Cunliffe a été publié dans le Federal Reserve Bulletin de février 1920 (http://fraser.stlouisfed.org/docs/publications/FRB/pages/1920-1924/29667_1920-1924.pdf).
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Baldwin R.E. et Martin P. (1999). “Two Waves of Globalization : Superficial Similarities, Fundamental Differences”, NBER Working Paper n° 6904, January.
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Certains auteurs présentent aujourd’hui les États-Unis comme le “banquier du monde” se finançant à court terme et investissant à long terme dans des actifs risqués. Cf. Gourinchas P.O. et Rey H. (2005). “From World Banker to World Venture Capitalist : US External Adjustment and the Exorbitant Privilege”, NBER Working Paper n°11563, August.