Face au désastre écologique en cours, l’impuissance des courants politiques en place est criante. Le Mémo proposé par Bruno Latour et Nikolaj Schulz propose une remise en route de l’agir politique autour de l’écologie en repensant le pouvoir et en redéfinissant un horizon politique crédible. À cette fin, ils suggèrent de réactiver l’ancienne notion de classe afin de mettre l’écologie en ordre de bataille en « simplifiant et en unifiant les mobilisations ». La classe dont il s’agit ici est la « classe écologique » qui prolonge et élargit le refus historique de la gauche d’autonomiser l’économie aux dépens des sociétés, sans partager en quoi que ce soit leur idéal productiviste. Si les préoccupations écologiques sont désormais omniprésentes, la multiplicité des conflits n’a pas, pour l’instant, pris la forme d’une mobilisation générale comme ont pu le faire par le passé les transformations dues au libéralisme ou au socialisme. Si elle veut s’autonomiser, « l’écologie doit accepter de donner un sens nouveau au terme de classe ». Et si elle souhaite hériter de la tradition matérialiste, il lui faut assumer qu’il ne s’agit plus de la même matérialité que celle de Marx pour qui il s’agissait de la matérialité des humains, car le nouveau régime climatique nous oblige aujourd’hui à redéfinir les processus par lesquels les sociétés « se reproduisent et continuent d’exister ». Or la direction de l’action s’est elle-même inversée. Naguère en effet, les énergies se mobilisaient lorsqu’il s’agissait d’accroître la production ; alors qu’il s’agit aujourd’hui de prendre conscience que la production est elle-même encastrée par d’exiguës limites planétaires…
Date de mise en ligne : 23/05/2022