Notes
-
[1]
J. Seoane, « Neoliberalismo y ofensiva extractivista. Actualidad de la acumulación por despejo, desafíos de Nuestra América », Theomai, n° 26, 2nd sem. 2012, p. 123-149.
-
[2]
Cf. M. Le Quang, « Le Bien Vivre, une alternative au développement en Équateur ? », Revue du MAUSS permanente, 4 octobre 2016, <www.jounraldumauss.net>.
-
[3]
M. Le Quang et T. Vercoutère, Ecosocialismo y Buen Vivir. Dialogo entre dos alternativas al capitalismo, Instituto de Altos Estudios Nacional, Quito, 2013.
-
[4]
Cf. aussi S. Jahan et J. Lamy, « Introduction. Pour une histoire de l’écosocialisme », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, n° 30, janv.-mars 2016, p. 11-32.
-
[5]
G. Azam, Le temps du monde fini, Les liens qui libèrent, Paris, 2010.
-
[6]
M. Deshaies, « Mines et environnement dans les Amériques : les paradoxes de l’exploitation minière », IdeAs, n° 8, automne-hiver 2016, <ideas.revues.org/1639>. Cf. aussi M. Bruckmann, Recursos naturales y la geopolítica de la integración sudamericana, Instituto de Altos Estudios Nacionales, Quito, 2012.
-
[7]
K. Marx, Critique du programme de Gotha, Les Éditions sociales, Paris, 2008, p. 61.
-
[8]
J. O’Connor, « La seconde contradiction du capitalisme : causes et conséquences », dans J.-M. Harribey et M. Löwy (dir.), Capital contre nature, PUF, Paris, 2003, p. 57-58.
-
[9]
F. Flipo, Nature et politique. Contribution à une anthropologie de la modernité et de la globalisation, Éditions Amsterdam, Paris, 2014, p. 198.
-
[10]
Ibid., p. 199.
-
[11]
B. Echeverría, La contradicción del valor y el valor de uso en El Capital, de Karl Marx, Editorial Itaca, Mexico, 1998.
-
[12]
A. Frémaux, La nécessité d’une écologie radicale. La pensée à l’épreuve des problèmes environnementaux, Sang de la Terre, Paris, 2011, p. 66.
-
[13]
R. Keucheyan, « La revolución de las necesidades vitales. Marx en la era de la crisis ecológica », Nueva Sociedad, n° 277, sept.-oct. 2018, p. 104.
-
[14]
J. Baudrillard, La société de consommation, Denoël, Paris, 1970.
-
[15]
R. Keucheyan, art. cité.
-
[16]
R. Ramírez Gallegos, La vida (buena) como riqueza de los pueblos. Hacia una socioecología política del tiempo, IAEN/INEC, Quito, 2012.
-
[17]
Cf. par exemple A. Acosta, « Extractivismo y neoextractivismo : dos caras de la misma maldición », dans M. Lang et D. Mokrani (dir.), Más allá del desarrollo (Grupo permanente de trabajo sobre alternativas al desarrollo), Fundación Rosa Luxemburgo/Abya Yala, Quito, 2011, p. 83-118 ; E. Gudynas, « Si eres tan progresista, ¿por qué destruyes la naturaleza? Neoextractivismo, izquierda y alternativas », Ecuador Debate, n° 79, avril 2010, p. 61-82.
-
[18]
Maristella Svampa utilise la définition suivante de commodities : « des produits de fabrication, disponibilité et demande mondiale, qui ont une gamme de prix internationale et ne demandent pas de technologie avancée pour leur fabrication et traitement » (« “Consenso de los Commodities” y lenguajes de valoración en América Latina », Nueva Sociedad, n° 244, 2013, p. 31).
-
[19]
H.-J. Burchardt, « Logros y contradicciones del extractivismo : bases para una fundamentación empírica y analítica », Nueva Sociedad, février 2014.
-
[20]
D. Harvey, « Le “Nouvel Impérialisme” : accumulation par expropriation », Actuel Marx, n° 35, 2004, p. 71-90.
-
[21]
R. Prebisch, El desarrollo económico de América Latina y algunos de sus principales problemas, CEPAL, Santiago de Chile, 1949.
-
[22]
J. Martinez Alier et J. Roca Jusmet, Economia ecologica y politica ambiental, Fondo de Cultura Económica, Mexico, 2013, 3e éd.
-
[23]
M. C. Vallejo, « Reflexiones sobre los límites del desarrollo en el marco del Sexto Congreso Iberoamericano sobre Desarrollo y Ambiente, FLACSO-Sede Ecuador », dans M. C. Vallejo et M. Aguado Caso (dir.), Reflexiones sobre los límites del desarrollo. Memorias del Sexto Congreso Iberoamericano sobre Desarrollo y Ambiente, FLACSO/Senplades, Quito, 2014, p. 18.
-
[24]
Le rapport de cette commission, intitulé Auditoria integral ciudadana de los tratados de protección recíproca de inversiones y del sistema de arbitraje en materia de inversiones en Ecuador, a été rendu public en mai 2017. Un résumé est disponible sur le site suivant : <www.caitisa.org>. Les informations qui suivent proviennent de ce rapport.
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[25]
Au total, les demandes des investisseurs contre l’État équatorien ont été de 21,2 milliards de dollars (environ 20 % du PIB du pays en 2017), dont 1 498 millions de dollars ont déjà été déboursés (1 342 millions d’amendes, notamment pour Oxy et Chevron, et 156 millions pour les arbitres et les avocats internationaux spécialisés dans ce genre de procès). Les demandes en cours s’élèvent à 13,4 milliards de dollars, soit 52 % du budget de l’État de 2017.
-
[26]
M. Löwy, « Les luttes écosociales des indigènes », Écologie & Politique, n° 46, 2013, p. 55-66 ; J. Martinez Alier, L’écologisme des pauvres. Une étude des conflits environnementaux dans le monde, Les Petits matins, Paris, 2014.
-
[27]
J. Martinez Alier, « Los conflictos ecológico-distributivos y los indicadores de sustentabilidad », Polis, n° 13, 2006, <polis.revues.org/5359>.
-
[28]
Ibid.
-
[29]
M. Deshaies, « Mines et environnement dans les Amériques : les paradoxes de l’exploitation minière », IdeAs, n° 8, automne-hiver 2016, <ideas.revues.org/1639>.
-
[30]
D. Harvey, art. cité.
-
[31]
D. Harvey, 17 contradicciones y el fin del capitalismo, Instituto de Altos Estudios Nacionales, Quito, 2014, p. 69.
-
[32]
Ibid., p. 70.
-
[33]
Pour le cas de l’exploitation minière en Équateur, cf. A. Carrión, « Extractivismo minero y estrategia de desarrollo : entre el nacionalismo de los recursos y los conflictos socioterritoriales », dans M. Le Quang (dir.), La Revolución Ciudadana en escala de grises: avances, continuidades y dilemas, Instituto de Altos Estudios Nacionales, Quito, 2016, p. 181-204.
-
[34]
F. Gaudichaud, « Ressources minières, “extractivisme” et développement en Amérique latine : perspectives critiques », IdeAs, n° 8, automne-hiver 2016, <ideas.revues.org/1684>.
-
[35]
Cf. <basedatos.conflictosmineros.net/ocmal_db/>.
-
[36]
A. Bebbington et D. Humphreys Bebbington, « Actores y ambientalismos : conflictos socio-ambientales en Perú », Íconos, n° 35, sept. 2009, p. 117-128.
-
[37]
Ibid., p. 119.
-
[38]
Ibid., p. 121.
-
[39]
Ibid., p. 121-122.
-
[40]
M. Svampa, art. cité, p. 41.
-
[41]
Ibid., p. 41.
1Les activités extractivistes et les condamnations de leurs conséquences sur les populations locales ne sont pas une nouveauté en Amérique latine. Historiquement, cette région dépend de l’exploitation et de l’exportation de ses ressources naturelles. L’extractivisme a été caractérisé comme un modèle de développement basé sur l’extraction et l’exportation de matières premières, qu’il s’agisse de minerais et de combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon, argent, or, etc.) ou de produits agricoles et forestiers cultivés en monoculture (palme africaine, soja, canne à sucre, etc.). Ce sont des activités qui appartiennent au secteur primaire de l’économie et qui ne créent pas de valeurs ajoutées.
2L’histoire de l’extractivisme en Amérique latine, fortement liée à la formation et à la configuration du capitalisme mondial, peut être divisée en trois périodes avec des acteurs différents pour chacune d’entre elles [1]. La première est la période coloniale, du xvie au xixe siècle, qui a consisté en l’exploitation des minéraux (or, argent, cuivre…) dont avaient besoin les pays européens colonisateurs, principalement l’Espagne et le Portugal. Cette exploitation minière a profité d’une main-d’œuvre nombreuse et gratuite, tout d’abord avec les indigènes, qui ont ensuite été renforcés ou remplacés par les esclaves venant d’Afrique. Cet extractivisme faisait partie d’une géopolitique particulière, le marché triangulaire au sein duquel la main-d’œuvre était importée d’Afrique sous forme d’esclavage pour exploiter, dans les pays latino-américains, des ressources naturelles qui étaient ensuite exportées vers l’Europe. C’est ce que Marx a qualifié d’accumulation originaire ou primitive au début du capitalisme.
3Avec les indépendances des pays latino-américains tout au long du xixe siècle, les nouvelles républiques ont consolidé un modèle primario-exportateur au sein duquel émergent deux nouveaux acteurs principaux : les oligarchies nationales et le nouvel impérialisme des États-Unis. Il s’agit à la fois des « républiques bananières » en Amérique centrale, exportant des produits agricoles sous le contrôle des entreprises états-uniennes, et des pays d’Amérique du Sud continuant d’exporter leurs ressources naturelles minières. La crise des années 1930 et la configuration de processus d’industrialisation hétérogènes selon les pays surtout dans les années 1950 et 1960, sous les lignes directives de la Commission économique pour l’Amérique latine (CEPAL), ouvrent une parenthèse dans l’extractivisme latino-américain qui reprendra à partir de la fin des années 1970, avec l’ouverture de la période néolibérale. Celle-ci marque la fin de la stratégie de substitution des importations et le début d’une reprimarisation des économies latino-américaines. Il s’agit du modèle extractiviste actuel, sur lequel nous allons nous concentrer dans cet article, dont les principaux acteurs sont les firmes transnationales, les États et les communautés et populations locales.
4À partir des années 1970, et surtout des années 1990, ce nouveau modèle extractiviste se confronte à la fois à l’émergence des mouvements indigènes en Amérique latine et à la montée des thématiques environnementales au sein des organisations internationales et des sociétés civiles latino-américaines. Un des apports de ces organisations est le concept de buen vivir (« bien vivre ») qui émerge dans les années 2000, surtout à partir des débats constitutionnels en Équateur et en Bolivie, remettant en question les modèles de développement qui se sont imposés dans ces pays et plus largement en Amérique latine [2]. Un des débats les plus importants entre les auteurs du buen vivir porte sur la question de l’exploitation des ressources naturelles et le post-extractivisme, c’est-à-dire sur le type de transition écosociale nécessaire pour passer d’une économie extractiviste exportatrice de matières premières à une société basée sur le buen vivir. Le débat porte ainsi sur le changement du modèle d’accumulation capitaliste.
5L’écosocialisme est l’une des théories politiques les plus prometteuses pouvant entrer en dialogue avec le buen vivir [3]. La prise en compte de la crise environnementale permet de renouveler la critique marxiste du capitalisme : en plus de la reproduction des inégalités sociales et de la pauvreté, ce modèle d’accumulation détruit les bases naturelles de la vie. Selon les écosocialistes, la quête de justice sociale et la nécessaire protection de l’environnement ne peuvent pas être pensées séparément et encore moins au sein du système capitaliste, celui-ci étant incompatible avec l’écologie. En affirmant cela, l’écosocialisme appelle à une écologie radicale et se distingue de certaines formes d’écologie politique qui ne questionnent pas le régime d’accumulation basé sur l’exploitation de la force de travail et des richesses naturelles. En plus de précurseurs comme André Gorz, les intellectuels de l’écosocialisme sont Michael Löwy, Joel Kovel, Jorge Riechmann, Elma Altvater, Daniel Tanuro, John Bellamy Foster, Andreas Malm, Jason Moore, Arno Münster ou encore, au niveau politique en France, Corinne Morel Darleux [4].
6Penser l’extractivisme à partir de l’écosocialisme nous semble fondamental dans le sens où le capitalisme thermo-industriel qui s’est développé depuis le xviiie siècle s’appuie sur l’exploitation de ressources naturelles non renouvelables et fossiles comme le charbon, le pétrole ou le gaz. L’essor de la société de consommation post-seconde guerre mondiale et la recherche de l’accumulation infinie donnant lieu à un productivisme énergivore n’auraient pu avoir lieu sans l’utilisation massive du pétrole, une énergie dont les coûts d’exploitation, de transport et de transformation sont faibles. On ne peut donc comprendre le capitalisme sans considérer l’extractivisme, et l’écosocialisme peut nous aider à enrichir la critique de ce dernier.
7L’objectif de cet article est d’analyser l’extractivisme en Amérique latine depuis une perspective écosocialiste. Pour cela, nous revenons sur le fait que l’extractivisme est la base de la société de consommation à travers l’exploitation et la consommation des ressources naturelles. Ici, l’écosocialisme peut donner les outils pour penser la transition écosociale nécessaire pour passer à une société post-extractiviste. Cet extractivisme s’appuie sur des règles internationales et une géopolitique qui conditionnent notamment l’insertion des États latino-américains dans la division internationale du travail et les rendent vulnérables à certains instruments néolibéraux comme les traités bilatéraux d’investissement. Enfin, aux niveaux national et local, des résistances apparaissent face aux conséquences sociales et environnementales de ce modèle de développement. Il s’agit ainsi d’étudier les principaux acteurs de l’extractivisme, avec la prédominance des firmes transnationales facilitée par l’action des États, dont découlent des conflits sociaux-environnementaux avec les populations locales.
L’extractivisme, base de la société de consommation
8L’écosocialisme montre qu’il existe une crise de valeurs au sein du capitalisme. L’insistance sur l’obligation de croissance, la soif d’accumuler chaque fois plus, la génération de besoins illusoires afin de maximiser les bénéfices, en résumé la primauté du capital et de sa multiplication sur tout autre type de valeur est confrontée au fait que nous vivons dans un monde fini [5]. La production d’objets et de matériels nécessitent l’utilisation de matières premières, de minéraux, d’eau, etc. Pour cela, l’Amérique latine est une zone fondamentale, car plus de la moitié de la valeur de la production mondiale de minerais métallifères vient du Nouveau Monde, en particulier l’or, l’argent et le cuivre [6].
9Pour les écosocialistes, la critique du mode de production est inséparable de celle du mode de consommation et ne doit pas se limiter à la lutte contre les inégalités de répartition des richesses, au contraire de Marx qui n’axa sa critique que sur celles-ci : « La répartition des moyens de consommation n’est jamais que la conséquence de la répartition des conditions de production elles-mêmes. Mais cette répartition est elle-même un caractère du mode de production. Le mode de production capitaliste, par exemple, consiste en ceci que les conditions objectives de production sont attribuées aux non-travailleurs sous la forme de la propriété du capital et du sol, tandis que la masse n’est propriétaire que de sa condition personnelle de production, la force de travail [7]. » Les écosocialistes vont, eux, aller plus loin et se concentrer sur les conditions de la production et de la consommation, et sur leurs effets sur la société et sur la nature.
10Les conditions d’existence du productivisme et de la société de consommation, principalement des pays du Nord mais aussi des strates moyennes et supérieures des pays du Sud, reposent sur le système extractiviste. Ce modèle basé sur la croissance, et donc l’accumulation infinie de capital, n’est possible qu’avec le recours à de grandes quantités de ressources naturelles renouvelables ou non. L’intensification de l’extraction de matières premières entre en conflit avec les limites physiques de la planète. C’est pour cela que James O’Connor ajoute une seconde contradiction à la première contradiction du capitalisme développée par Marx entre forces productives et rapports de production : il s’agit de la contradiction entre les forces de production et les conditions de production, ces dernières étant définies comme « tout ce qui peut être considéré comme marchandise sans être produit comme tel conformément à la loi de la plus-value ou à la loi du marché. Cette définition élargie nous permet de discuter de la force de travail, de la terre, de la nature, de l’espace urbain en utilisant la même catégorie générale [8] ».
11En plus des limites physiques de la planète, la critique du productivisme et de la société de consommation chez les écosocialistes se concentre sur le moment de la « réalisation de la valeur », c’est-à-dire sur la « critique des besoins [9] » ; « la rationalité productiviste […] n’a que le quantitatif pour but (toujours plus vite, toujours plus loin, et toujours moins cher) et aucun égard pour les écosystèmes [10] ». Contrairement à cette rationalité, si l’on reprend les concepts marxistes de valeur d’usage et valeur d’échange, à partir des écrits de Bolívar Echeverría [11], la valeur d’usage, en tant que contenu matériel de la richesse de chaque société, permet une vision qualitative de la société alors qu’avec la valeur d’échange, seule l’accumulation de capital est recherchée. Pour arriver à cette fin, la valeur d’échange va contrôler la valeur d’usage, avec l’obligation de se multiplier et ainsi de se valoriser. Ou pour reprendre les mots d’Echeverría, la « valeur se valorisant » sans cesse, celle-ci sacrifie la valeur d’usage. La société capitaliste moderne peut se caractériser comme une société d’abondance relative dans laquelle la soumission de la valeur d’usage à la valeur d’échange aboutit à la reproduction artificielle de la rareté. Cette contradiction vient de la course à la consommation et elle conduit à un processus d’aliénation des individus, au développement de libertés négatives (notamment celle de pouvoir consommer ce que l’on veut) et ainsi à une « société de la frustration [12] ».
12Une question cruciale est alors celle des besoins : quels types de besoins sont essentiels pour l’émancipation des individus ? « Quels besoins devons-nous continuer à satisfaire et lesquels devrions-nous arrêter de satisfaire ? D’autre part, qui décide ? L’État, les citoyens, les villes, les organisations internationales [13] ? » Au-delà de l’aspect de la décision démocratique, fondamental pour ne pas avoir à subir la transition, on touche ici à l’une des caractéristiques de la société de consommation dans laquelle les individus ont un « besoin de différence [14] », c’est-à-dire un besoin social indéfini qui s’exprime dans la comparaison avec autrui. Au sein de la société de consommation, ces besoins sont assouvis à travers la consommation d’objets et de matériels mis à disposition par le marché.
13Pour Razmig Keucheyan, l’objectif de la transition écologique est de se concentrer sur d’autres types de besoins qu’il appelle « besoins qualitatifs ou radicaux » en s’appuyant sur les écrits d’André Gorz et Agnès Heller [15]. Les besoins humains vont au-delà de besoins vitaux comme l’alimentation, l’eau, la santé. Ils s’expriment aussi dans les relations sociales, la sociabilité avec les autres êtres humains, la participation politique, la contemplation, les loisirs, etc. René Ramírez, quant à lui, utilise le concept de « biens relationnels [16] » qui sont principalement des biens immatériels. Tout comme Keucheyan, il précise que leur satisfaction est conditionnée par les conditions matérielles de la société, c’est-à-dire lorsque les besoins matériels de base sont satisfaits. En s’appuyant sur une éthique aristotélicienne, Ramírez décrit quatre types d’activités pour la production et consommation de biens relationnels : le travail émancipateur, la contemplation (culture, art, récréation, sport, lecture, réflexion, contemplation de la nature, etc.), la création de société (les relations familiales, l’amitié, l’amour) et la vie publique (participation politique, associative, syndicale, activité sociale, etc.).
14La transition écosociale doit se réaliser en rupture avec l’idéologie productiviste et avec le mode de production capitaliste, et doit réorienter les habitus de consommation vers d’autres types d’activités et de valeurs. Cela nécessite le contrôle de son temps, notamment avec la réduction du temps de travail, car ces besoins présupposent d’avoir du temps pour la participation politique, l’émancipation, la contemplation, les relations interpersonnelles, etc. Cette rupture avec le consumérisme et le productivisme implique alors nécessairement une rupture avec l’extractivisme qui en est la base. L’écosocialisme se doit donc de se réapproprier les critiques des auteurs latino-américains qui ont analysé les conséquences négatives de ce modèle de développement sur l’économie, la justice sociale, l’environnement, les cultures des peuples indigènes et la démocratie des pays d’Amérique du Sud [17].
Géopolitique de l’extractivisme et ordre international néolibéral
15Le continent latino-américain connaîtrait un certaine tendance à la reprimarisation de ses économies qui serait l’une des conséquences du « consensus des commodities [18] » découlant de la demande croissante en matières premières dans le monde, stimulée par un système capitaliste global très énergivore. Cette augmentation de la demande entraîne une hausse des prix des matières premières, qui suscite alors un accroissement des investissements dans les secteurs extractivistes. Comme le rappelle Hans-Jürgen Burchardt, « le principal moteur de cette augmentation mondiale, ce sont les dépenses énormes et soutenues en ressources des pays industrialisés dans leur sphère de production et de consommation. À cela s’ajoute l’escalade économique de plusieurs “pays émergents”, en particulier la Chine, qui en 2010 a consommé 20 % de la production d’énergie d’origine fossile de la planète, 23 % des produits agricoles basiques les plus importants et 40 % des métaux communs [19] ».
16Pour maintenir de hauts niveaux de vie, qui se traduisent par une forte consommation et un gaspillage de produits, d’objets et d’aliments, les pays du Nord ont besoin de matières premières agricoles, fossiles et minières situées dans ceux du Sud. C’est ainsi que s’est établie une division internationale du travail au sein de laquelle les économies latino-américaines conservent leur rôle classique de fournisseurs de matières premières au reste du monde (principalement à la Chine ces dernières années). Les théories marxistes, depuis Lénine et Rosa Luxemburg, évoquent l’impérialisme comme trait spécifique du système de domination entre les États à l’échelle internationale. Le géographe David Harvey parle d’un « nouvel impérialisme [20] », caractérisé par des mécanismes d’« accumulation par expropriation », surtout à travers l’endettement sur les marchés financiers, mais aussi par l’occupation de nouveaux territoires : les firmes transnationales du Nord s’octroient, avec l’aide des États et des élites nationales du Sud, des concessions territoriales dans des zones où le capitalisme ne s’était pas encore implanté. En Amérique latine, cela s’est traduit par l’avancée de la frontière extractive en Amazonie ou sur des territoires indigènes, générant des résistances.
17Dans les années 1950 et 1960, d’autres théoriciens, ceux de la dépendance, ont analysé ces inégalités au sein des échanges économiques et commerciaux. Réunis au sein de la CEPAL, ils expliquaient les problèmes de l’Amérique latine par le fait que ces pays périphériques exportaient des biens primaires vers le centre dont les prix étaient inférieurs à ceux des biens avec valeur ajoutée qu’ils importaient depuis le centre [21]. À ces inégalités économiques, les auteurs venant de l’économie écologique ont ajouté les inégalités environnementales [22]. Selon María Cristina Vallejo, « bien que, dans les années récentes, le boom des prix internationaux des commodities paraît avoir déréglé cette relation d’échange inégale, plusieurs pays du Sud maintiennent des inégalités structurelles dans leurs conditions d’échange économique [23] ». Les pays latino-américains doivent exporter plus de tonnes qu’ils n’en importent pour réaliser des échanges commerciaux dans les termes économiques du marché global.
18Cette position périphérique constitue un obstacle important au moment d’engager une transition vers un post-extractivisme et entraîne une dépendance aux marchés centraux et à la fluctuation des prix des commodities conditionnés par la demande mondiale et autres spéculations financières. Sortir de cette dépendance est d’autant plus difficile au cours d’une période de hausse des prix des commodities, surtout quand cette hausse a des effets sur la réduction de la pauvreté, comme on peut le voir dans la majorité des pays latino-américains, et que cela peut aider les différents gouvernements dans leur objectif à court terme qui est de gagner les élections afin de rester au pouvoir.
19La géopolitique mondiale de l’extractivisme s’appuie aussi sur des règles néolibérales qui bénéficient aux firmes transnationales si celles-ci entrent en conflit avec les États. Un des outils de cette domination est le traité bilatéral d’investissement (TBI). Les TBI sont des instruments juridiques internationaux signés entre deux États visant à protéger réciproquement des investissements au niveau international. L’objet de la protection est l’investissement privé d’une personne ou une entreprise d’un pays dans un autre pays, face aux changements possibles des lois nationales, à travers des dispositions qui limitent l’action étatique face aux possibilités d’administrer et de contrôler l’investissement étranger en fonction de ses intérêts légitimes et souverains. Par exemple, si un État décide de renforcer les normes sociales ou environnementales, les firmes transnationales peuvent dénoncer l’État au sein du système d’arbitrage international dont le principal tribunal, le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), appartient à la Banque mondiale.
20Pour comprendre les relations entre extractivisme, pouvoir des firmes transnationales et TBI, prenons le cas de l’Équateur qui, depuis l’approbation de la nouvelle Constitution en 2008, avait pour objectif de dénoncer ces TBI. Pour cela, il a mis en place, en mai 2013, une Commission pour l’audit intégral citoyen des traités de protection réciproque des investissements et du système d’arbitrage international en matière d’investissement (CAITISA), en prenant exemple sur la commission citoyenne qui avait permis l’audit de la dette et sa dénonciation en 2008 [24].
21En Équateur, la grande majorité des TBI ont été signés entre 1992 et 2002, à l’apogée du néolibéralisme dans ce pays. En raison de son économie extractiviste, les plus gros investissements étrangers se font dans ce secteur. Sur les vingt-huit demandes internationales dont a fait l’objet l’État équatorien, 57 % viennent d’entreprises pétrolières, 18 % du secteur de l’énergie électrique et 11 % du secteur minier, c’est-à-dire que l’extractivisme est responsable de plus des deux tiers des demandes internationales [25]. Le rapport de la CAITISA a démontré que ces investissements étrangers, en plus de ne pas avoir contribué au développement économique et social national et local, ont affecté la vie communautaire, le régime foncier et la sécurité alimentaire, et ont généré des déplacements et des conflits dans les zones où ces investissements ont été réalisés.
22L’écosocialisme, en tant que théorie anticapitaliste, se doit de penser la transformation radicale de la géopolitique internationale, en commençant par déconstruire le système juridique des échanges commerciaux internationaux qui favorise le libre-échange et surtout les investissements des firmes transnationales, et qui représente un obstacle contre tout changement qui irait contre ces règles, en raison du risque de coût économique pour l’État. Nous allons voir que les entreprises transnationales bénéficient aussi du soutien des États où elles décident d’investir.
L’écologie politique de l’extractivisme en amérique latine
23Les résistances écosociales face aux projets extractivistes en Amérique latine sont des formes de convergence entre justice sociale et justice écologique. Ces résistances ne développent pas forcément un langage écologiste et ne se reconnaissent pas comme des luttes écologistes [26]. Toutefois, leurs luttes pour leurs territoires, contre la pollution des eaux et de leurs terres, pour la reconnaissance de leurs modes de vie, sont traversées par des revendications de protection de la nature.
24Dans cette partie, nous définirons l’écologie politique comme un champ théorique qui étudie les « conflits écologico-redistributifs [27] » en analysant les différents acteurs en conflit, leurs stratégies et intérêts ainsi que les rapports de forces entre eux. Ces conflits génèrent donc des luttes et des négociations au cours desquelles s’expriment différents « langages de valorisation [28] ». Ces valeurs peuvent être très différentes suivant les acteurs et les types de conflits écologiques. Selon Joan Martinez Alier, dans le cas de l’extractivisme, un des langages les plus fréquents est l’écologisme indigène qui fait appel à la défense du territoire et des droits collectifs qui y sont attachés. Tandis que s’étend la frontière extractive (agricole, pétrolière, minière), beaucoup de communautés indigènes et paysannes se trouvent confrontées à des firmes transnationales et à l’État dans leur résistance à la dépossession de leurs terres ou territoires. Nous avons ici trois des principaux acteurs de l’écologie politique de l’extractivisme.
25Le modèle actuel néolibéral d’extractivisme a pour acteur central les firmes transnationales. Depuis les années 1980, l’exploitation minière connaît une nouvelle phase de développement dans la région, notamment avec les nouvelles techniques d’extraction des minerais qui permettent d’extraire de plus grandes quantités plus rapidement et à plus grande échelle. Par exemple, « au Pérou, près de 90 % des surfaces ayant fait l’objet de concessions minières l’ont été depuis 1990 et pour l’essentiel après 2000. En 2009, les concessions minières couvraient près de 14 000 km2, soit 11 % de la superficie du pays [29] ». Sans oublier l’exploitation pétrolière qui, depuis les années 1970, suit son cours, notamment au Venezuela, détenteur des plus grandes réserves de pétrole conventionnel, au Mexique ou en Équateur ; tout comme le gaz, en particulier en Bolivie. Et le début du xxie siècle a vu l’expansion des monocultures dans toute la région (palme africaine, soja, etc.) ainsi que des cultures transgéniques, par exemple en Uruguay et en Argentine.
26Le concept d’« accumulation par expropriation [30] » peut caractériser ce nouvel extractivisme en tant qu’accaparement des terres par des États ou des firmes transnationales au détriment des populations indigènes ou paysannes, pour l’exploration et l’exploitation de ressources naturelles. David Harvey signale que cette dépossession des terres, et donc des moyens de production et de survie des populations locales et paysannes, n’est que la suite de l’accumulation primitive décrite par Marx et que « ces formes de dépossession ont été fondamentales dans la création du capital, mais le plus important c’est qu’elles n’ont pas disparu [31] ». Dans cette nouvelle période de dépossession, et surtout au sein de l’extractivisme, l’alliance entre le capital privé et l’État est primordiale, non seulement pour faciliter l’expropriation, mais surtout « comme une légitimation et une rationalisation institutionnelles post facto des résultats de cette violence de dépossession [32] ». L’État dispose de différents instruments pour faciliter les investissements privés dans les secteurs liés à l’extractivisme : la priorisation des politiques publiques, le droit constitutionnel basé sur les principes des libertés individuelles et de la propriété privée, les réformes législatives, les incitations fiscales, etc. Dans de nombreuses occasions, en tant qu’institution détenant le monopole de la violence « légitime », l’État utilise aussi la répression à travers ses forces armées (police et militaires) et la criminalisation avec la judiciarisation des conflits socio-environnementaux. Cette alliance contradictoire entre le capital privé et les institutions publiques qui devraient veiller à l’intérêt général de la population, s’appuie sur des réseaux complexes entre État central, entreprises transnationales et élites politiques locales, sans lesquels la pénétration des entreprises extractivistes dans certains territoires serait plus difficile.
27Même en Équateur, en Bolivie ou au Venezuela, pays dans lesquels les gouvernements progressistes ont mis en place une politique nationaliste en essayant de diminuer le contrôle international des exploitations, les réseaux n’ont pas disparu. Une régulation des secteurs extractivistes a été promue, en cherchant à garantir la mainmise publique sur ces secteurs stratégiques de l’économie nationale, sans toutefois remettre en cause l’expansion capitaliste de l’exploitation minière et pétrolière [33]. Avec l’extension de la frontière extractiviste, la justice environnementale a été sacrifiée pour une meilleure justice sociale au nom du développement et de la lutte contre la pauvreté. Toutefois, « la nouvelle régulation étatique sur l’extraction minière et pétrolière, la négociation de nombreux contrats avec des entreprises étrangères porteuses de technologies avancées et l’investissement dans l’éducation n’auraient de ce fait pas signifié un dépassement réel du modèle économique rentier, inégalitaire et dépendant “historique” [34] ».
28Les autres acteurs fondamentaux des conflits écologico-redistributifs sont les communautés et les populations affectées. En novembre 2017, l’Observatoire des conflits miniers en Amérique latine qui, avec l’aide de nombreuses ONG dans les différents pays latino-américains, recense les conflits liés à l’exploitation minière, en comptabilise 219 dans vingt pays. Près de 75 % des conflits sont situés au Pérou (39), Mexique (37), Chili (37), Argentine (27) et Brésil (20) [35]. Ces résistances regroupent différents types d’acteurs et de revendications et, selon Anthony Bebbington et Denise Humphreys Bebbington, il existe diverses manières de résoudre ces conflits [36]. S’il s’agit d’une dispute sur les rentes, c’est-à-dire sur la compensation des acteurs pour les « externalités négatives » (pollutions ou expropriation des terres) et sur la distribution et redistribution des excédents de l’exploitation, il sera plus facile de négocier pour les entreprises ou l’État. Si le conflit porte sur « des contradictions entre des manières distinctes de comprendre le développement, la démocratie et la société désirée [37] », la négociation sera beaucoup plus difficile, voire impossible.
29En suivant la réflexion des Bebbington, au cours des conflits socio-environnementaux, on peut observer cinq types d’environnementalisme qui développent des relations société-nature différentes. Le premier est l’« environnementalisme conservationniste » qui cherche à protéger les écosystèmes de tout usage humain afin de les conserver. Cet environnementalisme s’accommode des négociations avec les entreprises afin de protéger l’environnement et, pour atteindre cet objectif, offre ses conseils et ses services. Le deuxième est l’« environnementalisme national-populiste » qui pourrait caractériser les gouvernements progressistes équatorien, bolivien et vénézuélien. En effet, cet environnementalisme cherche un plus grand contrôle national sur les ressources naturelles afin de redistribuer la rente au peuple. Il ne s’oppose pas à l’extractivisme, et les conflits peuvent être résolus avec des nationalisations ou des réformes fiscales et des systèmes de collecte des royalties.
30Avec les trois autres environnementalismes, les négociations sont presque impossibles, car, de leur point de vue, la société et la nature sont indissociables l’une de l’autre. L’« écologisme des moyens de subsistance » peut se définir comme « un environnementalisme qui se préoccupe de la qualité de, et de l’accessibilité à, ces ressources naturelles qui soutiennent les moyens de vie de secteurs de la population distincts [38] ». Il met l’accent sur des formes de vie qui ont besoin d’un territoire pour s’exprimer et donc d’avoir accès aux ressources se trouvant sur ce territoire. Le quatrième environnementalisme, la « justice socio-environnementale », insiste sur les droits humains fondamentaux. La critique porte sur le modèle économique inégalitaire et discriminant pour certains groupes sociaux quant aux coûts, risques et bénéfices des activités extractivistes. Il défend les populations historiquement exclues et, contrairement au « national-populisme » qui pourrait être « plus disposé à sacrifier les droits de certains groupes pour le bien du “peuple” », il « valorise les droits humains comme sacrés et donc exige des pratiques comme le consentement préalable, libre et informé, la zonification écologique socio-économique, la pleine participation des populations aux décisions qui les affectent [39] », revendications historiques des mouvements indigènes. Le dernier environnementalisme, l’« écologisme profond », donne une plus grande valeur aux écosystèmes et à l’environnement et insiste sur les droits de la nature. Il s’oppose à toute expansion extractiviste, car ces activités détruisent nécessairement la nature. Tout type de négociation est impossible avec cet environnementalisme.
31Au sein d’un même mouvement ou conflit, il est possible de trouver plusieurs de ces environnementalismes, ce qui représente à la fois un avantage, puisqu’il est possible de réunir un grand nombre d’acteurs, mais aussi une faiblesse, au sens où les négociations peuvent diviser ces acteurs selon leurs intérêts, visions et stratégies face à l’État ou aux entreprises. Toutefois, ces dernières années, on peut observer une augmentation des demandes de démocratisation des décisions collectives de la part des communautés et populations affectées. De plus, les mouvements sociaux latino-américains opéreraient un certain « tournant écoterritorial [40] » en défense des biens naturels, de la biodiversité et de la mise en valeur d’une territorialité. Ils questionnent la vision dominante du développement et de la démocratie. Même s’il est « possible de parler de cadres communs de l’action collective, qui fonctionnent […] comme des producteurs d’une subjectivité collective [41] », l’un des obstacles pour la convergence de ces différentes luttes et résistances est la fragmentation territoriale produite par les projets extractivistes.
Conclusion
32Après quasiment cinq siècles d’exploitation des richesses naturelles de l’Amérique latine, abandonner le modèle extractiviste est irréaliste, aujourd’hui, pour ces pays dont les économies dépendent de ces secteurs. Toutefois, il devient de plus en plus urgent de remettre en cause cette dépendance sous peine d’aggraver plus encore les conséquences sociales, environnementales et politiques de ce modèle. L’urgence économique de lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales ne doit pas être pensée en confrontation avec la nécessaire protection de la nature. Le changement de la matrice productive des pays latino-américains est complexe, mais la dichotomie entre redistribution et écologie doit être critiquée. C’est notamment à cela que s’emploie l’écosocialisme.
33Ce qui est sûr, c’est que repousser les frontières de l’exploration et de l’exploitation pétrolières et minières ainsi que celles de l’exploitation agricole des monocultures met en danger la possibilité d’une transition écosociale soutenable vers un autre modèle de société basé sur la justice sociale et écologique. Enfin, il est délicat de changer de modèle d’accumulation dans un seul pays sans prendre en compte les enjeux géopolitiques et les rapports de forces internationaux. L’hégémonie idéologique néolibérale s’exprime dans une certaine vision de la société et du progrès, mais aussi par des contraintes politiques et commerciales pour les États qu’un seul pays peut difficilement affronter sans construire certaines alliances régionales et internationales.
Mots-clés éditeurs : capitalisme, Extractivisme, écologie politique, Amérique latine, écosocialisme
Mise en ligne 31/01/2020
https://doi.org/10.3917/ecopo1.059.0057Notes
-
[1]
J. Seoane, « Neoliberalismo y ofensiva extractivista. Actualidad de la acumulación por despejo, desafíos de Nuestra América », Theomai, n° 26, 2nd sem. 2012, p. 123-149.
-
[2]
Cf. M. Le Quang, « Le Bien Vivre, une alternative au développement en Équateur ? », Revue du MAUSS permanente, 4 octobre 2016, <www.jounraldumauss.net>.
-
[3]
M. Le Quang et T. Vercoutère, Ecosocialismo y Buen Vivir. Dialogo entre dos alternativas al capitalismo, Instituto de Altos Estudios Nacional, Quito, 2013.
-
[4]
Cf. aussi S. Jahan et J. Lamy, « Introduction. Pour une histoire de l’écosocialisme », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, n° 30, janv.-mars 2016, p. 11-32.
-
[5]
G. Azam, Le temps du monde fini, Les liens qui libèrent, Paris, 2010.
-
[6]
M. Deshaies, « Mines et environnement dans les Amériques : les paradoxes de l’exploitation minière », IdeAs, n° 8, automne-hiver 2016, <ideas.revues.org/1639>. Cf. aussi M. Bruckmann, Recursos naturales y la geopolítica de la integración sudamericana, Instituto de Altos Estudios Nacionales, Quito, 2012.
-
[7]
K. Marx, Critique du programme de Gotha, Les Éditions sociales, Paris, 2008, p. 61.
-
[8]
J. O’Connor, « La seconde contradiction du capitalisme : causes et conséquences », dans J.-M. Harribey et M. Löwy (dir.), Capital contre nature, PUF, Paris, 2003, p. 57-58.
-
[9]
F. Flipo, Nature et politique. Contribution à une anthropologie de la modernité et de la globalisation, Éditions Amsterdam, Paris, 2014, p. 198.
-
[10]
Ibid., p. 199.
-
[11]
B. Echeverría, La contradicción del valor y el valor de uso en El Capital, de Karl Marx, Editorial Itaca, Mexico, 1998.
-
[12]
A. Frémaux, La nécessité d’une écologie radicale. La pensée à l’épreuve des problèmes environnementaux, Sang de la Terre, Paris, 2011, p. 66.
-
[13]
R. Keucheyan, « La revolución de las necesidades vitales. Marx en la era de la crisis ecológica », Nueva Sociedad, n° 277, sept.-oct. 2018, p. 104.
-
[14]
J. Baudrillard, La société de consommation, Denoël, Paris, 1970.
-
[15]
R. Keucheyan, art. cité.
-
[16]
R. Ramírez Gallegos, La vida (buena) como riqueza de los pueblos. Hacia una socioecología política del tiempo, IAEN/INEC, Quito, 2012.
-
[17]
Cf. par exemple A. Acosta, « Extractivismo y neoextractivismo : dos caras de la misma maldición », dans M. Lang et D. Mokrani (dir.), Más allá del desarrollo (Grupo permanente de trabajo sobre alternativas al desarrollo), Fundación Rosa Luxemburgo/Abya Yala, Quito, 2011, p. 83-118 ; E. Gudynas, « Si eres tan progresista, ¿por qué destruyes la naturaleza? Neoextractivismo, izquierda y alternativas », Ecuador Debate, n° 79, avril 2010, p. 61-82.
-
[18]
Maristella Svampa utilise la définition suivante de commodities : « des produits de fabrication, disponibilité et demande mondiale, qui ont une gamme de prix internationale et ne demandent pas de technologie avancée pour leur fabrication et traitement » (« “Consenso de los Commodities” y lenguajes de valoración en América Latina », Nueva Sociedad, n° 244, 2013, p. 31).
-
[19]
H.-J. Burchardt, « Logros y contradicciones del extractivismo : bases para una fundamentación empírica y analítica », Nueva Sociedad, février 2014.
-
[20]
D. Harvey, « Le “Nouvel Impérialisme” : accumulation par expropriation », Actuel Marx, n° 35, 2004, p. 71-90.
-
[21]
R. Prebisch, El desarrollo económico de América Latina y algunos de sus principales problemas, CEPAL, Santiago de Chile, 1949.
-
[22]
J. Martinez Alier et J. Roca Jusmet, Economia ecologica y politica ambiental, Fondo de Cultura Económica, Mexico, 2013, 3e éd.
-
[23]
M. C. Vallejo, « Reflexiones sobre los límites del desarrollo en el marco del Sexto Congreso Iberoamericano sobre Desarrollo y Ambiente, FLACSO-Sede Ecuador », dans M. C. Vallejo et M. Aguado Caso (dir.), Reflexiones sobre los límites del desarrollo. Memorias del Sexto Congreso Iberoamericano sobre Desarrollo y Ambiente, FLACSO/Senplades, Quito, 2014, p. 18.
-
[24]
Le rapport de cette commission, intitulé Auditoria integral ciudadana de los tratados de protección recíproca de inversiones y del sistema de arbitraje en materia de inversiones en Ecuador, a été rendu public en mai 2017. Un résumé est disponible sur le site suivant : <www.caitisa.org>. Les informations qui suivent proviennent de ce rapport.
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[25]
Au total, les demandes des investisseurs contre l’État équatorien ont été de 21,2 milliards de dollars (environ 20 % du PIB du pays en 2017), dont 1 498 millions de dollars ont déjà été déboursés (1 342 millions d’amendes, notamment pour Oxy et Chevron, et 156 millions pour les arbitres et les avocats internationaux spécialisés dans ce genre de procès). Les demandes en cours s’élèvent à 13,4 milliards de dollars, soit 52 % du budget de l’État de 2017.
-
[26]
M. Löwy, « Les luttes écosociales des indigènes », Écologie & Politique, n° 46, 2013, p. 55-66 ; J. Martinez Alier, L’écologisme des pauvres. Une étude des conflits environnementaux dans le monde, Les Petits matins, Paris, 2014.
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[27]
J. Martinez Alier, « Los conflictos ecológico-distributivos y los indicadores de sustentabilidad », Polis, n° 13, 2006, <polis.revues.org/5359>.
-
[28]
Ibid.
-
[29]
M. Deshaies, « Mines et environnement dans les Amériques : les paradoxes de l’exploitation minière », IdeAs, n° 8, automne-hiver 2016, <ideas.revues.org/1639>.
-
[30]
D. Harvey, art. cité.
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[31]
D. Harvey, 17 contradicciones y el fin del capitalismo, Instituto de Altos Estudios Nacionales, Quito, 2014, p. 69.
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[32]
Ibid., p. 70.
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[33]
Pour le cas de l’exploitation minière en Équateur, cf. A. Carrión, « Extractivismo minero y estrategia de desarrollo : entre el nacionalismo de los recursos y los conflictos socioterritoriales », dans M. Le Quang (dir.), La Revolución Ciudadana en escala de grises: avances, continuidades y dilemas, Instituto de Altos Estudios Nacionales, Quito, 2016, p. 181-204.
-
[34]
F. Gaudichaud, « Ressources minières, “extractivisme” et développement en Amérique latine : perspectives critiques », IdeAs, n° 8, automne-hiver 2016, <ideas.revues.org/1684>.
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[35]
Cf. <basedatos.conflictosmineros.net/ocmal_db/>.
-
[36]
A. Bebbington et D. Humphreys Bebbington, « Actores y ambientalismos : conflictos socio-ambientales en Perú », Íconos, n° 35, sept. 2009, p. 117-128.
-
[37]
Ibid., p. 119.
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[38]
Ibid., p. 121.
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[39]
Ibid., p. 121-122.
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[40]
M. Svampa, art. cité, p. 41.
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[41]
Ibid., p. 41.