1 Archiviste, puis directeur du Service historique de la ville de Tourcoing de 1980 à 1990, maître de conférences en histoire moderne et archivistique à Mulhouse de 1990 à 1996, maître de conférences en histoire moderne à l’université de Besançon de 1996 à 2018, Paul Delsalle est non seulement un professeur qui a formé plusieurs promotions d’archivistes, enseigné l’histoire moderne, dirigé des maîtrises et des thèses, mais il est aussi un chercheur qui, depuis plusieurs décennies scrute l’histoire de sa région natale et celle de la Franche-Comté. Toutes ses activités ont donné lieu à la mise au point de travaux érudits, à l’organisation de colloques et de rencontres scientifiques. Paul Delsalle est aussi un homme de contacts qui n’hésite pas à s’engager pour faire partager son goût de l’histoire et de la géographie à un large public. Ses collègues, ses amis sont nombreux en France, au Canada, en Belgique, aux Pays-Bas, en Suisse, en Angleterre. Tous ont répondu à l’appel de Corinne Marchal pour lui offrir ces Mélanges. Cet hommage collectif qui ne compte pas moins de cinquante-six contributions et soixante auteurs est organisé selon ses grandes directions de recherches.
2 « Le pays de la Pévèle, la Flandre wallonne et les Pays-Bas » constituent une première direction explorée dans neuf contributions : l’étude du bail de la « cour de l’abbaye d’Anchin à Templeuve datant de 1212 apportant une pièce nouvelle au dossier des origines du fermage agricole (B. Delmaire) ; l’intérêt des milliers de chirographes conservés aux Archives municipales de Douai pour l’étude de ceux qu’on dit « pauvres » au xive siècle (C. Dhérent) ; la justice « extraordinaire » du duc d’Albe envoyé en Flandre flamingante au lendemain de la furie iconoclaste pour juger et sanctionner les présumés coupables d’opposition à la politique royale (H. De Schepper) ; la genèse et le fonctionnement du gouvernorat général des Pays-Bas sous Philippe II (J. Verselle) ; l’œuvre poétique d’Ambroise le Camp, chanoine de l’abbaye de Cysoing, dans les années 1637-1639 (C. Bodin) ; le confort domestique en Pévèle pendant la seconde moitié du xixe siècle à la lumière des inventaires après décès (J.-P. Barrière) ; l’histoire d’une rue de Lille, la rue des Étaques, restée dans la mémoire des Lillois comme le symbole de la surpopulation et de la misère (H. Lepée) ; les résultats des élections des 29 avril et 13 mai 1944 dans la Pévèle (P. Guignet) ; les limites territoriales de la Pévèle franco-belge et le sentiment d’appartenance à cet ensemble des 72 communes le composant (F. Verrier).
3 Avec onze contributions, « Les archives, l’archivistique, l’histoire des archives » constituent le second volet des Mélanges. Se succèdent la présentation du fonds 2 B de la gouvernance de Lille (1426-1792) conservé aux Archives départementales du Nord dont il a été établi un nouveau répertoire fort précieux pour les chercheurs (L. Delsaut) ; la bibliothèque du collège de Besançon au tournant des xvie et xviie siècles à travers les registres de comptabilité (M. Tramaux) ; ce qu’on dit de la guerre civile à Mulhouse de 1586 à 1587 en confrontant les archives, la mémoire et l’histoire (O. Kammerer) ; les procédés utilisés par Jean-Baptiste Boiset (1639-1694), collectionneur à ses heures, pour faire la « publicité » des archives de Perrenot de Granvelle qu’il avait acquises (C. Marchal) ; l’histoire riche et mouvementée des archives de la ville de Saint-Claude (V. Blanchet-Rossi) ; l’intérêt des archives de la pratique judiciaire pour le profond renouvellement de l’histoire de la justice au cours des cinquante dernières années (B. Garnot) ; la présentation du Comité d’histoire religieuse du Brabant wallon (CHIREL BW) créé en 1983 pour assurer la sauvegarde des archives conservées in situ par les paroisses et les églises du Brabant wallon (E. Bousmar) ; le projet-test de transcription électronique des sources manuscrites de l’évêché de Bâle (E. Paupe et J.-C. Rebetee) ; les problèmes posés par la traduction et l’adaptation en arabe d’Une histoire de l’archivistique du récipiendaire de Paul Delsalle (R. Bannouri) ; les influences françaises et allemandes sur les premiers développements de la formation des archivistes anglais dans les années 1890-1920 (M. Procter) ; la collaboration de Paul Delsalle avec un professeur d’archivistique de l’université du Québec à Montréal (C. Couture).
4 Le goût de Paul Delesalle pour la géographie, le patrimoine rural et le milieu se retrouve dans le troisième thème, « Cartes et plans, villes et campagnes, paysages et industries », avec onze contributions : comment la confrontation entre les textes et les données archéologiques livre l’histoire du château de Chevreaux (Jura) à l’époque moderne (J.-J. Schwien) ; l’évolution de la représentation topographique des villages entre Champagne et Comté du xvie au xixe siècle mettant en évidence une déprise démographique inévitable (S. Skora) ; la marque politique et économique des abbayes cisterciennes de Monthéron et de Mont-Sainte-Marie sur la ville d’Orbe située à mi-chemin de ces deux établissements (L. Auberson) ; le paysage de la ville industrielle qu’était déjà Tourcoing aux xvie et xviie siècles (P. Van De Zaal) ; le plan inédit d’un projet de ville nouvelle à Dôle établi en 1611 par l’ingénieur Pierre le Poivre originaire de Mons (Belgique) (M. Ferroli) ; les ouvriers et les ouvrières de la Saline franc-comtoise de Tourmont en 1515-1520 (C. Mottier) ; le négoce, l’indiennage et le paysage industriel à Mulhouse au xviiie siècle (I. Bernier) ; trois cartes en perspective cavalière de Montbéliard au début du xviie siècle peu connues, donnant de précieux renseignements sur la topographie de cette ville (A. Bouvard) ; les évolées (espaces de stockage de différents types de récoltes : foin, paille…) typiques de l’architecture rurale jurassienne (J. Rothenbühler) ; le retour de l’historien sur un riche laboureur de l’Île-de-France rencontré lors de la préparation de sa thèse (J.-M. Moriceau) ; les faux-semblants de la spéculation céréalière des grands fermiers à travers le cas d’un exploitant tenant une ferme de 148,5 ha à Ernage (à 30 km de Namur) dans les années 1815-1834 (F. Delleaux).
5 1993 est l’année où Paul Delsalle publie un article montrant l’intérêt du livret ouvrier d’un habitant de La Nouvelle-lès-Lute. C’est la première des nombreuses publications qu’il va consacrer à sa nouvelle « patrie », la Franche-Comté, objet du quatrième thème des Mélanges : « La Franche-Comté au cœur de l’Europe médiévale et moderne ». Dans les quinze contributions sont évoqués deux hommes d’Église, Henri de Vergy, chantre de Besançon et chanoine de Langres vers 1300 (J.-V. Jourd’heuil) et Henri de Faucogney († 1328), doyen du chapitre de Besançon, fondateur de son obit (L. Delobette) ; la noblesse des Marches dans le comté de Bourgogne à la fin du Moyen Âge (J. Paviot) ; le conflit entre deux membres de la noblesse du comté de Bourgogne dans les années 1338-1345 amenant à réfléchir sur le rôle du pouvoir étatique dans ce type d’affaire (S. Le Strat-Lelong) ; les tentatives d’enlèvement du chancelier Rolin à l’hiver 1432-1433 révélatrices d’une éthique chevaleresque en berne et d’une exacerbation des tensions politiques entre les hommes du roi Charles VII et ceux du duc de Bourgogne (E. Lecuppre-Desjardin) ; les marchands et rouliers de Pontarlier aux xive et xve siècles (J.-Yante) ; un contrat de Maximilien Ier pour l’armurerie d’Arbois en 1495. Quatre contributions témoignent de la richesse des cultures citadines en Franche-Comté : l’Université de Dôle en 1524 et le rectorat de Pierre Phoenix (D. Ducout et J. Theurot) ; comment on écrivait l’histoire de Baume-les-Messieurs au xvie siècle (R. Locatelli et G. Moyse) ; un recueil d’emblèmes assortis de commentaires sous la forme de sonnet vers 1622 dont l’approche littéraire ne doit pas dissimuler des enjeux politiques (A. Duru) ; le salon Préclin, pièce d’apparat d’un hôtel parlementaire, témoin de la société et de l’histoire bisontines aux xviiie et xixe siècles (A. Ferrer). L’histoire politique est présente avec une étude sur les frères Koenig, membres de l’oligarchie fribourgeoise qui se sont efforcés au temps de la guerre de Trente Ans de resserrer les liens existant entre Fribourg et la Franche-Comté (V. Verena Villiger et J. Steinauer) ; une réflexion sur la notion de démocratie à partir du cas bisontin (D. Bonnamy) ; une lecture des cahiers de doléances des baillages de Franche-Comté mettant en lumière le jugement porté par les Francs-Comtois sur la situation créée par leur rattachement au royaume de France en 1678 (H. Moreau). L’histoire judiciaire de la Franche-Comté n’est pas laissée de côté avec une présentation du « Registre des sentences » du baillage de Gray de 1738 à 1751, témoignage de la violence et de la criminalité dans cette ville, mais aussi source pour d’autres investigations : le pardon royal, les relations sociales, la procédure judiciaire, le personnel du bailliage (A. Follain).
6 Les neuf contributions de la dernière partie donnent quelques exemples des « Liens entre la Franche-Comté et les Pays-Bas » : le fonctionnement et les dysfonctionnements de l’artillerie princière dans les Bourgognes sous Charles le Hardi (1467-1477) (M. Depreter) ; les ingénieurs envoyés d’Italie, des Pays-Bas méridionaux et pour quelques-uns de la Péninsule ibérique pour travailler aux fortifications des villes de la Franche-Comté entre 1530 et 1674 (Ph. Bragard) ; l’hivernage au pays de Cassel (décembre 1582 – mars 1583) du marquis de Varambon, noble franc-comtois, proche d’Alexandre Farnèse, gouverneur des Pays-Bas espagnols, riche d’informations sur un des épisodes de la guerre aux Pays-Bas (C. Depauw) ; la diffusion du culte de Notre-Dame des Sept Douleurs des Pays-Bas à la Franche -Comté (L Garcia Almeida) ; le séjour de Françoise Richardot, baronne de Hoboque, à la cour d’Angleterre où son époux, le baron de Hoboken, a été nommé ambassadeur permanent par les Archiducs (L. Duerloo) ; le miracle eucharistique survenu dans l’abbaye de Faverney sous l’abbatiat de Dom Alphonse Doresmieux (1608-1630), symbole de la lutte contre le protestantisme et élément de valorisation du culte marial dans le comté de Bourgogne (B. Gaulard) ; le « contrat de Turnhout » (1612), étape décisive de l’acquisition des salines de Salins par la couronne d’Espagne (F. Stevens) ; la procédure d’enfermement pour correction familiale exercée par les magistrats de Besançon et de Lille au xviiie siècle (J.-M. Jandeaux).
7 En conclusion, le lecteur découvrira quelques pages sur l’univers historique de Georges Colomb (1856-1945), plus connu sous le nom de Christophe qui fait naître le sapeur Camenber à Gleux-lès-Lure, village imaginaire du département de la Saône Supérieure, et la famille Fenouillard à Saint-Rémy-sur-Deule, village tout aussi imaginaire de la Somme-Inférieure, « les deux pôles de la carrière de Paul Delsalle » (G. Bischoff). On l’aura compris, ces Mélanges, superbement illustrés, comprenant un index sélectif des noms de lieux, un index des noms de personnes, une tabula gratulatoria, les repères biographiques et professionnels de Paul Delsalle et la liste de ses publications, constituent un bel ensemble qui doit retenir l’attention de tous ceux qui sont curieux du passé des Flandres et de la Franche-Comté.