Couverture de RDN_364

Article de revue

La noblesse dans la ville à la fin de l’Ancien Régime, l’exemple cambrésien

Pages 43 à 65

Notes

  • [*]
    Sylvain Vigneron, Agrégé d’Histoire, Docteur en Histoire, UMR 8529-IRHiS (Université de Lille 3), vigneron.sylvain@numericable.fr.
  • [1]
    J. Meyer, La noblesse bretonne au xviiie siècle, Paris, Éd. de l’EHESS, 1966, réédition 1985.
  • [2]
    M. Cubells, La Provence des Lumières. Les parlementaires d’Aix au xviiie siècle, Paris, Maloine, 1984.
  • [3]
    G. Duby (dir.), Histoire de la France urbaine. La ville classique de la Renaissance aux Révolutions, Paris, Le Seuil, 1981, p. 391-406.
  • [4]
    F.-J. Ruggiu, Les élites et les villes moyennes en France et en Angleterre (xviie-xviiie siècles), Paris, L’Harmattan, 1997.
  • [5]
    AD Nord, C 5650, État de population du département du Hainaut, 1785.
  • [6]
    B. Lepetit, Les villes dans la France moderne (1740-1840), Paris, Albin Michel, 1988, p. 450-451.
  • [7]
    D. Terrier, Les deux âges de la proto-industrie. Les tisserands du Cambrésis et du Saint-Quentinois, 1730-1880, Paris, Éd. de l’EHESS, 1996, p. 35-36.
  • [8]
    M. Figeac, L’automne des gentilshommes. Noblesse d’Aquitaine, noblesse française au siècle des Lumières, Paris, Honoré Champion éditeur, 2002, p. 225.
  • [9]
    Le Carpentier, Histoire généalogique des Pays-Bas ou histoire de Cambrai et du Cambrésis, Leide, 1664, t. III, p. 40.
  • [10]
    Cette évaluation est réalisée en affectant le coefficient 4,5 proposé par Guy Chaussinand-Nogaret au nombre total de cotes fiscales. G. Chaussinand-Nogaret, La noblesse au xviiie siècle. De la féodalité aux Lumières, Bruxelles, Complexe, 1984, p. 46-50.
  • [11]
    Le Cambrésis s’étend sur 874 kilomètres carré d’après la Statistique du département du Nord, Douai, Merlin, 1804, p. 13.
  • [12]
    La densité nobiliaire y atteint un talweg avec 0,11 noble par kilomètre carré. M. Nassiet, « Le problème des effectifs de la noblesse dans la France du xviiie siècle » dans Traditions et innovations dans la société française du xviie siècle. Actes du colloque de l’Association des Historiens modernistes de l’Université (Paris 1993), Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1995, p. 97-122.
  • [13]
    M. Figeac, op. cit., p. 50-59.
  • [14]
    Pour M. Figeac, « Noblesse et richesse rurale marchent de pair », ibid., p. 58.
  • [15]
    AD Nord, C État 257, Rôle de capitation de la ville et banlieue de Cambrai, 1777.
  • [16]
    AD Nord, C État 258, Rôle de capitation de la ville et banlieue de Cambrai, 1790.
  • [17]
    P. Bougard, « Dénombrement de la population du Cambrésis en 1778 », Hommage à Marcel Reinhard. Sur la population française au xviiie et au xixe siècles, Paris, Société de Démographie Historique, 1973, p. 71-91.
  • [18]
    F.-J. Ruggiu, « L’habitat nobiliaire dans les villes provinciales de la France du Nord-Ouest à la fin de l’Ancien Régime » dans C.-I. Brelot (dir.), Noblesses et villes (1789-1950). Actes du colloque de Tours (17-19 mars 1994), Université de Tours, Maison des Sciences de la ville, 1995, p. 17-29.
  • [19]
    M. Figeac, op. cit., p. 96-103.
  • [20]
    P. Denis du Péage, Mélanges généalogiques, 2e série, Lille, 1914, p. 403-425.
  • [21]
    AD Nord, 3 G 585, Archevêché de Cambrai, États de Cambrai et de Cambrésis, Rentes constituées, 1646-fin xviiie siècle.
  • [22]
    M. Figeac, op. cit., p. 225-226.
  • [23]
    Dans la petite ville d’Ussel résidaient seulement deux des cinq familles nobles ; les autres végétaient à la campagne, sauf le duc de Ventadour domicilié à Paris. N. Lemaitre, Un horizon bloqué. Ussel et la montagne limousine aux xviie et xviiie siècles, Ussel, Musée du pays d’Ussel, 1978, p. 177-179.
  • [24]
    G. Chaussinand-Nogaret, op. cit., p. 65-92.
  • [25]
    AD Nord, C 11240, Rôle de capitation de la noblesse de Cambrai, 1780.
  • [26]
    AD Nord, 5 G 366, Officialité de Cambrai, Tutelles et curatelles, 1657-1790.
  • [27]
    AD Nord, C 11240, Rôle de capitation de la noblesse de Cambrai, 1780.
  • [28]
    En Bretagne, Rennes fournit 15 % des 500 familles anoblies du xviiie siècle. P. Jarnoux, Les bourgeois et la terre. Fortunes et stratégies foncières à Rennes au xviiie siècle, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1996, p. 64.
  • [29]
    P. Guignet, Le pouvoir dans la ville. Pratiques politiques, notabilité et éthique sociale de part et d’autre de la frontière franco-belge, Paris, Éd. de l’EHESS, 1990, p. 349-350.
  • [30]
    Ibid., p. 367-371.
  • [31]
    Sur 170 familles recensées dans le catalogue des nobles de 1789, seulement quinze maisons (de Lannoy, Tenremonde, etc.) pouvaient prouver une noblesse antérieure à 1500. L. Trénard (dir.), Histoire de Lille. L’ère des révolutions (1715-1851), Toulouse, Privat, 1991, p. 71-72.
  • [32]
    P. Feuchère, « Histoire sociale et généalogie : la Noblesse du Nord de la France », Annales ESC, t. VI, n° 3, juillet-septembre 1951, p. 306-318.
  • [33]
    P. Denis du Péage, op. cit., p. 82.
  • [34]
    Du xvie siècle à la Révolution, au moins 24 % des dignitaires du chapitre étaient nobles. C. Leduc, Dignités et dignitaires du chapitre cathédral Notre-Dame-de-Grâce de Cambrai du xvie siècle à la Révolution française, Lille, DEA, 1993, p. 169-173.
  • [35]
    Les familles d’Herbais de Thun et Le Sart du Castelet ont été régulièrement députés des États du Cambrésis au cours du xviiie siècle. M.-L. Legay, Les États provinciaux dans la construction de l’État moderne aux xviie et xviiie siècles, Genève, Droz, 2001, p. 261-263.
  • [36]
    P. Denis du Péage, op. cit., p. 351-353.
  • [37]
    Les résidences de la noblesse florentine s’écartaient également du centre-ville. J. Boutier, Construction et anatomie d’une noblesse urbaine : Florence à l’époque moderne (xvie-xviiie siècles), EHESS, doctorat, 1988, p. 288-318.
  • [38]
    À Bordeaux, les implantations nobiliaires obéissaient à la même logique : l’aristocratie s’écartait des quais de la Garonne dont les rives étaient traditionnellement réservées aux marchands. M. Figeac, Destins de la noblesse bordelaise (1770-1830), Bordeaux, Fédération Historique du Sud-Ouest, 1996, p. 44-51.
  • [39]
    À Abbeville et Alençon, quelques « rues de prédilection » de la noblesse apparaissaient dans la complexe granulation sociale des rues. F.-J. Ruggiu, op. cit., p. 213-218 et p. 228-234.
  • [40]
    F.-J. Ruggiu indique en effet que « les rues à haute densité nobiliaire étaient donc généralement à basse densité marchande ou juridique ». Ibid., p. 233.
  • [41]
    À Paris, sur l’île Saint-Louis, l’élévation de la proportion des nobles d’épée s’accompagnait de celle des robins. Y. Carbonnier, « Le cœur de Paris à la veille de la Révolution. Étude de géographie sociale », Histoire Urbaine, n° 6, décembre 2002, p. 43-68.
  • [42]
    B. Garnot, Un déclin : Chartres au xviiie siècle, Paris, Éd. du CTHS, 1991, p. 73-74.
  • [43]
    N. Coquery, L’hôtel aristocratique. Le marché du luxe à Paris au xviiie siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 1998, p. 31-85.
  • [44]
    D’après l’enquête de 1790, plus de quatre habitants de Cambrai sur dix étaient indigents. C. Martin, Assistance et paupérisme à Cambrai et dans le Cambrésis (1750-1800), Université de Lille 3, maîtrise, 1985, p. 103.
  • [45]
    J. Langton, « Residential Pattern in Pre-Industrial Cities : Some case studies from seventeenth century Britain », dans J. Barry éd., Tudor and Stuart town, a reader in English history : 1530-1688, Londres, Longman, 1990, p. 181.
  • [46]
    À Millau, la plupart des résidences nobiliaires se pressaient dans la rue Peyrollerie à proximité de la Maison de Ville. J. Frayssenge, Millau, une ville du Rouergue sous l’Ancien Régime (1668-1789). Société catholique et société protestante, Millau, Libr. Trémolet, 1990, p. 297.
  • [47]
    P. Jarnoux, op. cit., p. 210.
  • [48]
    N. Coquery, op. cit., p. 216-218.
  • [49]
    Seulement 2/5e des capités à plus de 50 livres avaient changé de résidence. H. KnopVandambosse, « Distribution spatiale et mobilité résidentielle de la bourgeoisie lilloise au xviiie siècle », Revue du Nord, t. LXXIX, nos 320-321, avril-septembre 1997, p. 429-445.
  • [50]
    AD Nord, 4 G 2725, Chapitre métropolitain de Cambrai, rue des Blancs-Linceuls, 1420-1776.
  • [51]
    D.Vanneste, De pre-industriele Vlaamse Stad : een sociaal-economische survey. Interne differentiate te Gent en te Kortrijk op het einde van de 18de eeuw, Louvain, Acta Geographica Lovaniansia, vol. 28, 1987, p. 302-303.
  • [52]
    Ce double mouvement est également perceptible dans les choix résidentiels des parlementaires grenoblois. C. Coulomb, « Héritages familiaux, solidarités professionnelles et théâtre politique. L’habitat parlementaire à Grenoble dans la seconde moitié du xviiie siècle », Histoire Urbaine, n° 5, juin 2002, p. 5-25.
  • [53]
    La stratification sociale des logements se lit également sur le marché immobilier. Dans la petite ville de Sées, la majorité des achats les plus onéreux dépendait de la noblesse et du haut clergé. G. Béaur, « L’investissement immobilier dans une petite ville : Sées, à la fin de l’Ancien Régime » dans R. Plessix, J.-P. Poussou, Les petites villes françaises du xviiie au xxe siècle. Actes du Colloque de Mamers (Association d’Histoire des Petites Villes, 19-21 septembre 1991), Mamers, 1998, p. 289-300.
  • [54]
    À Rennes, l’hôtel de Robien fait se contraster un intérieur assez fastueux et un aspect extérieur sobre. G. Aubert, Le président de Robien. Gentilhomme et savant dans la Bretagne des Lumières, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2001, p. 129-134.
  • [55]
    F. Machelart, Naissance et développement de l’art baroque en Cambrésis. La vie artistique d’une province frontière aux xviie et xviiie siècles, Université de Lille 3, doctorat de 3e cycle, 1977, p. 176-178.
  • [56]
    En 1779, le Magistrat de Cambrai prenait note du mouvement de construction et d’agrandissement des hôtels et maisons canoniales existantes : en effet, « on incorpore comme on le fait depuis dix à vingt ans quantité de petites maisons dans des grandes et dans des monastères ». Nous remercions monsieur André Leblon de nous avoir confié la copie de ce texte. BM Cambrai, ms. B 1382, Mémoires et observations du Magistrat de Cambrai, 1779.
  • [57]
    F. Magny, Le Musée de Cambrai, Paris, Musées et Monuments de France, 1997, p. 8-12.
  • [58]
    Sur la période 1750-1790, le Tabellion de Cambrai ne rassemble que 55 inventaires après décès d’habitations de Cambrai ; aucun ne concerne le second ordre qui préférait recourir au seing privé. A. Krzemianoswski, « À la découverte de la vie intime des Cambrésiens de 1750 à 1790 ». Contribution sur la culture matérielle à Cambrai et dans le Cambrésis, Université de Lille 3, maîtrise, 2001.
  • [59]
    AD Nord, 1 Q 138, Réserves d’affiches, Biens d’émigrés, an II.
  • [60]
    Cette organisation spatiale des intérieurs de la noblesse de Cambrai est conforme aux exigences de l’aristocratie bordelaise dont les hôtels distinguaient nettement les lieux de la vie sociale et ceux de la vie privée. M. Figeac, op. cit., p. 115-145.
  • [61]
    AD Nord, Plan Cambrai 548, Registre aux plans des maisons canoniales du chapitre métropolitain de Cambrai, planche n° 34, 1780.
  • [62]
    Les dépenses de construction se sont élevées à plus de 17 000 florins, soit 21 250 livres. AD Nord, 4 G 4511, Chapitre métropolitain de Cambrai, Maisons canoniales classées par noms de possesseurs, 1695-1790.
  • [63]
    AD Nord, 4 G 792, Chapitre métropolitain de Cambrai, Architecte, 1780.
  • [64]
    AD Nord, 4 G 4512, Chapitre métropolitain de Cambrai, Maisons canoniales classées par noms de lieux, 1661-1789.
  • [65]
    Les maisons canoniales du chapitre Sainte-Croix n’étaient en général guère plus étendues : une enquête menée à partir des inventaires après décès des chanoines en 1700-1710 et 1735-1745 prouve qu’une habitation contenait en moyenne sept pièces, non compris la cave, le vestibule, le grenier et autres pièces annexes. V. Capron, Le chapitre collégial de Sainte-Croix à Cambrai au xviiie siècle, Lille 3, maîtrise, 1989, p. 147 sq.
  • [66]
    AD Nord, C supplément 401/479, Rôle de vingtième de la ville et banlieue de Cambrai, 1790.
  • [67]
    S. Vigneron, Les relations villes-campagnes dans la France du Nord de Louis XIV à la Révolution. Étude comparée des marchés fonciers et immobiliers dans le Cambrésis et la Flandre wallonne, Université de Lille 3, doctorat, 2001, p. 252-262.
  • [68]
    Chez les familles nobles de la Terre Ferme, la location d’un logement à Venise était très majoritaire au xviie siècle. J.-F. Chauvard, La propriété et l’échange. La circulation des biens immobiliers dans la Venise du xviie siècle, EHESS, doctorat, 2000, p. 486.
  • [69]
    C. Leduc, op. cit., p. 218-225.
  • [70]
    Un mémoire sur l’occupation des maisons canoniales témoigne de l’existence d’une opposition entre le chapitre métropolitain et certains chanoines à ce sujet. AD Nord, 4 G 4506, Chapitre métropolitain de Cambrai, Maisons canoniales, Droits des occupants, xviiie siècle.
  • [71]
    AD Nord, 3 G 3072, Archevêché de Cambrai, Séminaire, Biens, 1680-1767.
  • [72]
    Estimé 18000 livres, l’hôtel particulier de l’émigré Cordier de Caudry fut adjugé 18 800 livres par Pierre-Emmanuel-François-Roland Payen de Noyan, chef de la légion de la garde nationale de Cambrai. AD Nord, 13 J 195, Denis du Péage, répertoire Payen de Noyan, an III-1830.
  • [73]
    AD Nord, 4 G 2725, Chapitre métropolitain de Cambrai, Cambrai, rue des Blancs-Linceuls, 1420-1776.
  • [74]
    Abbé Thellier, « Inventaire des Archives du château de Sorval », Mémoires de la Société d’Émulation de Cambrai, t. LXXII, Cambrai, 1925, p. 378-541. L’acte de vente, daté du 4 mars 1783, est placé sous la cote AA bis 13-9.
  • [75]
    P. Denis du Péage, op. cit., p. 351-353.
  • [76]
    C’est bien peu si l’on considère l’exemple lillois où l’examen des actes de mutation après décès entre 1791 et 1801 révèle que près du quart des patrimoines nobiliaires est constitué de biens bâtis. A. Nieuviarts-Hysbergues, R. Thomas, Fortunes et groupes socioprofessionnels à Lille sous la Révolution (1791-1801), Lille 3, maîtrise, 1971, p. 67-85.
  • [77]
    AD Nord, 3 Q 132-5, Registre de formalités des bureaux de l’enregistrement, Cambrai, registre de succession, 1 germinal an VII-26 floréal an VIII.
  • [78]
    À Montpellier, les familles les plus prestigieuses boudaient aussi les investissements massifs. H. Michel, « Maisons et propriétaires montpelliérains au milieu du xviiie siècle », RHMC, octobredécembre 1983, p. 597-615.
  • [79]
    S. Vigneron, op. cit., p. 483-487.
  • [80]
    G. Chaussinand-Nogaret, La noblesse au xviiie siècle. De la Féodalité aux Lumières, Paris, Hachette, 1976.
  • [81]
    G. Chaussinand-Nogaret dans M. Marraud, La noblesse de Paris au xviiie siècle, Paris, Seuil, 2000, p. 10.

1Si la ville fut longtemps perçue par la noblesse comme un piège corrompant l’ancienne hiérarchie, le creuset urbain s’est manifestement imposé au second ordre au siècle des Lumières au point que l’absence de résidence en ville est vécue comme un signe de marginalisation. Certes, l’ensouchement terrien du second ordre n’est nullement remis en cause, la terre gardant ses avantages, à commencer par l’honorabilité qu’elle confère. Pourtant, ce modèle reste surtout vérifié dans les principales métropoles provinciales dont certaines, à l’instar de Rennes [1] et d’Aix [2], ont été classées parmi les « cités de sang bleu » par Emmanuel Le Roy Ladurie [3]. C’est pourquoi dans la lignée de la vaste enquête menée par François-Joseph Ruggiu [4], l’auteur souhaite déplacer l’analyse des résidences nobiliaires dans le cadre des villes moyennes.

2Dominée par ses clochers, la ville de Cambrai, qui constitue le cadre de cette enquête, n’a pourtant pas la réputation d’une ville fortement marquée par la présence noble. Il est vrai que ses avantages ne paraissaient pas assez nombreux pour attirer une élite nombreuse. Située au centre d’une vaste et riche plaine limoneuse, elle était médiocrement positionnée dans l’échelle de fonctionnalité des villes françaises. Forte de 17 401 habitants recensés en 1785 [5], la capitale de la province cambrésienne n’occupait en effet que le 93e rang de la hiérarchie administrative établie par Bernard Lepetit [6]. Pourtant, elle était le siège d’institutions secondaires, en l’occurrence un bailliage, une subdélégation soumise après 1754 à l’autorité de l’intendance de Valenciennes ; s’y réunissaient aussi une fois par an, sur convocation royale, les États du Cambrésis dont l’assemblée se composait de seize membres du clergé, des nobles disposant d’une terre à clocher et du Magistrat de la ville de Cambrai. Surtout, l’archevêché constituait une institution puissante et prestigieuse rayonnant sur un vaste diocèse débordant largement du territoire français vers les provinces « belges » ; duc de Cambrai et comte du Cambrésis, l’archevêque avait renforcé son autorité politique en 1766, nommant la moitié des échevins du Magistrat de la ville, dominant les États qu’il présidait et dirigeant de nombreux villages où il avait la justice. La place de l’Église était encore renforcée par la médiocrité du négoce cambrésien dont le volume d’affaire était loin d’être aussi étoffé qu’à Valenciennes et Saint-Quentin où transitait la majeure partie de la production de toiles fabriquées dans la campagne, la ville de Cambrai ne marquant annuellement que 16 000 à 17 000 toiles, soit 9 % de la production de la province [7].

3Les circonstances particulières de cette ville quasiment théocratique donnent donc à l’étude de la noblesse cambrésienne à la fin de l’Ancien Régime un intérêt particulier. Quelle place celle-ci occupe-t-elle dans la société et l’espace de Cambrai ? Certes, les sources, amenuisées par les disparitions désastreuses du fonds municipal pendant la première guerre mondiale, sont dispersées : rôles de capitation et déclarations pour le vingtième royal, qui forment l’essentiel de la documentation, ont été complétés par les sources habituelles de l’histoire nobiliaire. Après avoir mesuré le poids de la noblesse urbaine, cette enquête cherchera à définir ses choix résidentiels à Cambrai et d’en déterminer les comportements face à la pierre qui lui offre souvent un éclat et une importance particulière dans la société de la ville.

La « passion urbaine de la noblesse » [8] cambrésienne

Le tropisme de la capitale provinciale sur la noblesse du Cambrésis

4Auteur d’une Histoire généalogique des Pays-Bas, Le Carpentier pouvait affirmer en 1664 que la province du Cambrésis comptait un nombre non négligeable de familles de la noblesse précisant même que ce petit pays proportionnellement à son estendue a produit plus de noblesse que toutes les autres qui l’avoisinaient[9]. Pourtant, un simple comptage à partir des rôles de capitation, établis sur la base du lieu de domicile, montre plutôt une présence assez médiocre du second ordre.

Tableau 1

Les chefs de famille de la noblesse dans la province du Cambrésis à la fin de l’Ancien Régime

Tableau 1

Les chefs de famille de la noblesse dans la province du Cambrésis à la fin de l’Ancien Régime

5Si l’on affecte le nombre total de nobles [10] à la superficie de la province [11], leur présence ne s’élève pas au-delà de 0,24 unité par kilomètre carré. Certes les nobles ne sont pas aussi rares qu’en Alsace, mais ils sont bien moins nombreux qu’en Normandie [12] et même que dans les élections aquitaines de Condom et d’Agen [13]. Pourtant, le Cambrésis répond à un des critères favorables à la forte présence nobiliaire qu’a défini Michel Figeac, à savoir la richesse du terroir [14]. En outre, si Cambrai ne peut présenter d’institutions de première importance, ses chapitres et sa place militaire attiraient tout de même quelques familles de la noblesse. Partant, il y a lieu de croire que la forte présence ecclésiastique dans la province dont la plupart des seigneuries sont contrôlées par le premier ordre, en tête duquel se plaçaient l’archevêché, les chapitres métropolitains et Saint-Géry et quelques abbayes comme Saint-Aubert, asséchait les possibilités offertes à la noblesse de fleurir.

6Les rôles de capitation de la noblesse sont communément utilisés pour comptabiliser les familles de sang bleu ayant choisi la ville de Cambrai comme cadre de vie permanent ou saisonnier dans la mesure où l’impôt se paie ordinairement au domicile du capité. Pourtant, les données qu’ils fournissent se distinguent assez nettement des indications portées sur les rôles de capitation de la ville de Cambrai de 1777 [15] et 1790 [16], ainsi que sur le dénombrement des chefs de famille effectué sur les ordres de l’archevêque Henri de Rosset de Fleury en 1778 [17]. En 1777, les chefs de famille noble étaient cinquante à se presser en ville, quarante-huit en 1778 ; deux années plus tard, il ne serait que trente-deux. Manifestement, les rôles spécifiques de la noblesse minorent le poids du second ordre. Il est vrai que les militaires en activité y échappaient puisque leur impôt était retenu dans leur régiment. En outre, certaines familles du plat pays ne se retrouvent pas dans le rôle de Cambrai en dépit d’une résidence. Toujours est-il que, malgré les difficultés de recensement, ces chiffres demeurent inférieurs aux données fournies pour les villes d’Alençon et d’Abbeville dont le poids démographique était pourtant assez comparable à notre site : là, on comptait une soixantaine de cotes fiscales dévolues au second ordre [18]. C’est dire que la noblesse est un groupe très minoritaire au sein de la société urbaine de Cambrai. Sur la base du dénombrement de 1778, on peut l’estimer entre 0,9 et 1,5 % de la population totale de la ville.

7Si l’on s’en tient aux rôles de la noblesse, leur nombre eut par ailleurs tendance à diminuer dans les dernières décennies de l’Ancien Régime, mais cette évolution s’inscrit dans un contexte de disparition de patronymes nobiliaires [19]. Les raisons en sont par ailleurs connues. Démographique : l’épuisement des lignages n’a pas épargné la noblesse cambrésienne au sein de laquelle le célibat était d’autant plus fréquent que la carrière ecclésiastique, en particulier dans le canonicat, était recherchée pour les cadets de famille. Le malheur n’épargna pas la famille de Francqueville de Chantemelle dont le nom s’éteint avec les enfants de Frédéric-Joseph de Francqueville, tous décédés sans progéniture [20]. Économique aussi : à une époque où les familles désœuvrées pouvaient difficilement ambitionner de vivre noblement, la pauvreté poussait une partie des membres de la noblesse en dehors de ses rangs. Ainsi peut-on rendre compte de l’état de difficultés dans lequel se trouvait placé le sieur Delaplace de Sorval qui, pour avoir exercé publiquement le commerce de tordre du fil en détail, avait perdu la jouissance des privilèges et prérogatives de son rang en 1774 [21].

8Pour peu nombreuse qu’elle fût dans la ville de Cambrai, la noblesse urbaine n’en représentait pas moins une part importante de la noblesse provinciale. Pas moins de 69,5 % des chefs de famille disposaient d’un pied-à-terre dans la capitale provinciale en 1780, pourcentage par ailleurs très stable depuis le milieu du siècle. Ce taux important, au regard des données recueillies pour les villes moyennes de l’Aquitaine [22], témoigne ainsi du fort mouvement d’urbanisation de la noblesse cambrésienne à la fin de l’Ancien Régime. L’attraction exercée par cette ville moyenne est assurément plus forte que celle des petites villes où résidaient de rares familles, souvent marginalisées dans leur groupe [23].

Toutes les noblesses se retrouvent en ville

9La noblesse ayant adopté la ville de Cambrai comme lieu de résidence s’inscrit assurément dans l’élite de la ville. En dépit de quelques réussites au sein du tiers état du négoce et de l’office, les principaux capités appartenaient souvent au second ordre. Cette position primatiale se remarque d’autant mieux que l’élite de cette ville moyenne touchée par la paupérisation, consécutive aux difficultés de l’activité textile, reste étriquée. Du coup, les familles nobles soulignent leur aisance par l’emploi de domestiques. Leur recensement en 1790 met l’accent sur leur présence dans presque toutes les maisons nobles, et l’absence de gros bataillons de serviteurs, la mieux pourvue, celle du sieur de Francqueville d’Abancourt, employant six domestiques. Si deux à trois domestiques servent en moyenne une même maison, leur nombre varie avec la fortune. Ainsi, toute la noblesse de la ville était loin de pouvoir adopter un mode de vie en adéquation avec le prestige de son nom. Partant, son profil montre un ordre composé de plusieurs groupes économiques que permet de signaler la ventilation imitée de Guy Chaussinand-Nogaret [24].

Tableau 2

Capitation des nobles résidant dans la ville de Cambrai en 1780[25]

Tableau 2

Capitation des nobles résidant dans la ville de Cambrai en 1780[25]

10La noblesse de Cambrai ne se manifeste pas par l’éclat de sa richesse ; seulement deux de ses membres appartiennent même à la riche noblesse provinciale, le premier, à savoir le marquis de Wargnies, étant capité à 250 livres. Si l’on s’en tient au rapport habituel de 1 % entre la cote de capitation et le revenu annuel, on peut estimer que près de 47 % des maisons nobles de Cambrai disposaient de revenus somme toute moyens, compris entre 1 000 et 4 000 livres de rente. Une majorité d’entre elles, cotisant pour une somme inférieure à 25 livres d’impôt, appartient même à une couche modeste, voire plébéienne du second ordre. Le sieur de Dion, chevalier de l’ordre de Saint-Louis, semble en être l’archétype : décédé en 1790, il laisse peu de biens à sa succession et surtout des dettes ; le mont-de-piété lui tient même une montre à gage et deux autres effets pour 93 livres 3 sols [26]. Mais la plupart des nobles désargentés sont des veuves et des filles à marier dont la solitude se répercute sur l’état des finances : la dame Charlotte Suzanne Thérèse de Wanervas, veuve de Charles Vincent Legros de Fleuron vit ainsi « on ne peut plus misérablement, allant elle-même acheter les choses les plus communes pour sa subsistance. On ignore si elle place de l’argent, ce serait le fruit de l’avarice la plus sordide » [27]. Dès lors, on peut estimer à seulement un tiers la part des familles nobles disposant de moyens financiers leur permettant de vivre au moins dans le bien-être, sinon dans le luxe. Partant, il est difficile de considérer que la ville de Cambrai a d’abord concentré le meilleur de la noblesse ; elle a en fait attiré tous les groupes du second ordre, les bonnes familles provinciales comme les cadets de la petite noblesse désargentée.

11L’urbanisation de la noblesse tient au fait que la ville est devenue le centre exclusif du pouvoir. La ville fournit ainsi à nombre de citadins ambitieux des opportunités de quitter la roture définitivement et participe ainsi activement au processus d’anoblissement [28]. Appartenir au Magistrat est souvent pour les familles anciennement implantées à Cambrai la première étape pour accéder à la noblesse [29]. Nombreux sont en effet les nobles des villes de la France du Nord à présenter une ascendance de marchands opulents ayant, par des mariages avantageux, des revirements de carrière judicieux dans l’échevinage et des achats réfléchis de seigneuries et fiefs, été consacré dans le second ordre. L’une des plus illustres familles, celle des Francqueville présente à Cambrai depuis au moins le xve siècle, ne se départit pas de ce modèle, la plupart de ses membres abandonnant le monde de la marchandise dès les dernières années du xviie siècle pour rechercher l’office, en particulier l’échevinage [30]. Cette noblesse est en quelque sorte née en ville, et y est restée, mais à la lumière de l’exemple lillois qui ne se distingue guère de la cité archiépiscopale [31], cette situation n’est pas une spécificité de la noblesse urbaine, mais bien une caractéristique de l’ensemble du second ordre dans la France du Nord massivement constitué de « tard venus » [32].

12Les emplois offerts par la ville attirent également la noblesse provinciale venue participer au commandement. Ce mouvement migratoire vers la ville concerne aussi bien quelques maisons d’ancienneté immémoriale que des familles plus récentes. Mais qu’y cherchaient ces nobles ? Ville de garnison et de gouvernement placée par Vauban sur les lignes du « pré carré », Cambrai recrutait une nombreuse noblesse d’épée dont la tradition militaire perdurait souvent par-delà les générations. Bourguignon, Jean-Jacques-Charles de Pommerol de Granmont était capitaine au régiment de Belzunce ; trois de ses fils gardèrent l’épée, le quatrième choisissant la carrière canoniale [33]. Ce parcours familial n’est du reste guère original tant l’Église offrait également des postes intéressants, en particulier dans l’univers des chanoines du chapitre cathédral Notre-Dame de Grâce [34]. D’autres institutions comme les états provinciaux du Cambrésis ont formé un vivier important de nobles attirés par la ville de Cambrai. Certes, les assemblées ne se tenaient que quelques jours dans l’année, mais cela suffisait pour s’obliger à disposer d’un logement digne de son rang d’autant que la députation s’inscrivait souvent dans une certaine tradition familiale de service [35].

13C’est pourquoi résidaient à Cambrai des familles dont les origines géographiques débordent largement la province du Cambrésis. La plupart proviennent des provinces voisines de l’Artois, de Flandre et du Hainaut, mais certaines familles portant des patronymes espagnols et italiens se sont installées dans la province à l’époque de la domination espagnole. Ce sont surtout les armes qui ont porté ces étrangers jusqu’à Cambrai : la famille de Villavicencio, originaire d’Andalousie, s’installa dans la province au début du xviie siècle par l’intermédiaire de Dom Laurent de Villavicencio, maréchal de camp ; détentrice de la seigneurie d’Escaudœuvres, située à quelques lieues au nord de la capitale provinciale, elle se fit confirmer sa noblesse en 1696 alors que la province avait changé de souveraineté. Mais pour beaucoup, un simple mariage leur permit de faire souche dans la province dans laquelle ils participèrent ensuite activement à la vie publique : lieutenant général civil et criminel de la châtellenie de Bouchain où il résidait, Louis Martin Delaplace eut, de son union avec Marie-Marguerite Dubreuil qui lui apporta la seigneurie de Sorval en Cambrésis, deux fils, André François et Jean-Baptiste, qui pénétrèrent le Magistrat de Cambrai comme échevin [36].

14En définitive, la ville de Cambrai est parvenue à attirer en son sein une proportion importante de la noblesse provinciale intéressée par les opportunités qui s’y présentaient. S’y croisaient des noblesses très différentes ; pourtant, la noblesse la plus fortunée, qui préférait les métropoles plus importantes pour résidence, y était le plus souvent absente, abandonnant du coup l’espace de la ville à des familles aux revenus souvent moyens, parfois modestes.

L’espace de la noblesse dans la ville

Distribution de la noblesse dans l’espace urbain

15Quoique minoritaire, la noblesse était présente dans toute la ville au point que, sur un total de huit paroisses, seule la petite paroisse Saint-Géry ignorait totalement son existence. En 1790, sa présence était même repérée dans vingt-six rues, soit près d’une sur cinq. C’est dire que ce groupe élitaire ne se cachait pas dans la ville qu’il investissait assez ouvertement par des choix résidentiels marqués par une relative dispersion. Pourtant, la distribution spatiale des familles nobles dans la ville de Cambrai montrait des zones fortes et des espaces en creux.

16Deux paroisses ont été la terre d’élection des nobles de la ville de Cambrai, Sainte-Marie-Madeleine et Saint-Nicolas qui accueillent à elles seules près de la moitié des résidences nobiliaires. Ailleurs, la distribution spatiale est équilibrée. Pourtant, eu égard à la population capitée totale, les nobles étaient mieux représentés à Saint-Nicolas et plus encore à Sainte-Élisabeth où ils formaient plus de 5 % des ménages imposés. Dans le reste de la ville, leur présence tombait à peu de chose, en particulier dans la populeuse paroisse Saint-Martin. En ce sens, on ne peut pas considérer les choix résidentiels de la noblesse de Cambrai comme étant le résultat d’un véritable zonage social des quartiers : même si quelques paroisses ont une coloration nobiliaire un peu plus marquée que d’autres, les nobles vivent parmi la foule. Du reste, il n’existe pas un lien évident entre la présence de ménages nobles et l’imposition moyenne d’une paroisse. Certes, les nobles sont absents dans la paroisse la plus populaire, Saint-Géry, mais, à l’inverse, ils se font rares à Saint-Georges et Saint-Martin où les cotes de capitation sont parmi les plus élevées de la ville.

Tableau 3

Distribution des familles nobles par paroisse à Cambrai en 1777

Tableau 3

Distribution des familles nobles par paroisse à Cambrai en 1777

17La ventilation des résidences par rue fait apparaître la faible propension des nobles à approcher le centre de la ville [37] ; les deux principales places de Cambrai sont ainsi totalement désertées par les ménages de « sang bleu ». La noblesse tournait donc le dos aux axes les plus marchands [38]. Au-delà de cet espace central en creux, la distribution spatiale des logements était marquée par la dispersion et la polynucléarité en ce sens que quelques rues attiraient préférentiellement les familles nobles. Sur six axes se concentrait la moitié des ménages ; six chefs de famille noble se pressaient même sur la seule rue Saint-Georges. Dans ces rues à haute densité nobiliaire, cette visibilité était parfois accentuée par la mitoyenneté des domiciles du second ordre. Cette aspiration à l’agrégation des résidences nobiliaires était plus forte auprès des familles les plus fortunées. Ainsi, les nobles les plus capités se rassemblaient sur quelques axes préférentiels [39] ; les familles moins aisées se dispersaient dans la ville.

18Minoritaires dans la rue, les nobles se mêlaient de fait à une population bigarrée. La chose est entendue dans les rues où on ne compte qu’une ou deux résidences nobles : le plus gros contribuable de la ville, François de la Woestine, baigne ainsi au milieu d’une population nombreuse, composée de marchands, de cabaretiers-aubergistes et de juristes. Cependant, la situation est différente là où la densité nobiliaire augmente. Ainsi la présence de la marchandise rebutait franchement cette noblesse d’où pourtant une partie provenait : dans la courte rue de l’Épée, dominée par les hôtels des sieurs de Francqueville et de Pommerol de Grammont, on ne compte même aucun négociant. En revanche, à la différence des constats effectués à Abbeville et Alençon [40], les professions juridiques étaient fréquemment représentées dans les rues réputées aristocratiques [41] : dans la rue Saint-Georges, avocats, procureurs et notaires pouvaient côtoyer le sieur Mallet de Chauny. Cette proximité géographique ne doit pas surprendre : non seulement la présence robine était à Cambrai, comme à Chartres, « quasi-pathologique » [42] et multiple à cause des besoins en droit de la clientèle ecclésiastique, mais en plus l’anobli a souvent été un officier. Partout, les artisans, plus nombreux, partageaient également le flégard avec les membres du second ordre. Certes, on peut croire que certains échoppiers s’inscrivaient dans un rapport de fourniture envers une clientèle nobiliaire délicate mais recherchée ; le marché de consommation aristocratique, défini par N. Coquery, profitait donc à quelques boutiquiers œuvrant dans les métiers du textile ou de l’alimentation [43]. Pourtant, mulquiniers et filetiers, peu en rapport avec la clientèle aristocratique, se mêlaient aussi à la noblesse dans ces rues : la rue des Scachebeuvons où sont érigés de nobles hôtels particuliers, demeurait un centre important d’activité mulquinière. En ce sens, les choix résidentiels de la noblesse de Cambrai s’inscrivent dans une logique de ventilation des groupes sociaux dans la ville marquée par le « vivre ensemble » ; dans une ville où le peuple, et même les pauvres [44], étaient partout, cette proximité géographique était même inévitable.

19Ces choix résidentiels répondaient à la recherche de « facilités stratégiques » [45]. Contrairement à la ville de Millau [46], l’hôtel de ville n’attire guère les familles de la noblesse cambrésienne : une seule résidence, celle du sieur Paris, hobereau désargenté, est recensée à proximité des Magistrats. Sans doute cette situation enregistre le fait qu’à Cambrai, le vrai pouvoir est ailleurs ; dans cet important centre de la Contre Réforme, le prestige de l’Église, ajouté à sa puissance temporelle, attire ceux qui inscrivent leur stratégie de développement social et politique à l’abri des clochers. Ainsi, la rue de l’Épée, où résident quatre familles de la noblesse, parmi les plus capitées, est située à proximité immédiate du quartier ecclésiastique, non loin de l’ancien collège des Jésuites à l’est, tout proche de la rue de Vaucelette où l’abbaye de Vaucelles a laissé un refuge près duquel vivent de nombreux chanoines ; dans le prolongement de cette dernière, se trouvait même l’une des principales institutions hospitalières de la ville, l’hôpital Saint-Julien. Fréquemment, les domiciles de la noblesse jouxtent des établissements religieux ou des maisons canoniales : le sieur Parigot de Santenay, installé dans la rue Saint-Géry, voisine en fait avec le chapitre du même nom et les maisons qu’il met à la disposition de ses chanoines. Mais il est un autre lieu de pouvoir qui a pu attirer quelques chefs de famille, l’hôtel du Gouverneur, occupé par le sieur Desgaudières sur la Place au Bois ; non loin de là, dans la rue de la Madeleine, vivaient quatre familles de la noblesse.

Fig. 1

Distribution des résidences de la noblesse dans la ville de Cambrai en 1790

Fig. 1

Distribution des résidences de la noblesse dans la ville de Cambrai en 1790

Sédentarité et mobilité résidentielle de la noblesse

20La noblesse partage avec le reste de la société des « habitudes de déménagement » [47]. Or, pour mesurer cette mobilité, les choses se compliquent : compte tenu de la disparition des fonds municipaux de Cambrai, les sources ne sont pas exhaustives pour repérer dans le temps long les résidences nobiliaires. Cependant, l’opération est possible grâce à trois états connus à partir des déclarations de propriété de 1750 et des rôles de capitation de 1777 et de 1790 qui laissent apparaître au moins deux fois 35 personnages.

21Sédentaires et nobles mobiles se partagent équitablement dans le second xviiie siècle. Les rues où la pérennité des résidences est la mieux assurée sont au nombre de cinq : Marché aux Poissons, Capucins, Épée, Saint-Georges et Scachebeuvons où déjà les nobles étaient nombreux. Le prestige des hôtels particuliers qui dessinent ces rues où les nobles sont anciennement présents crée ainsi un « attachement aux lieux » [48] où se constitue une société ayant ses habitudes. Pourtant, les déménagements n’en sont pas moins nombreux ; la noblesse cambrésienne, dont la moitié a changé de domicile, semble même plus mobile que la riche bourgeoisie lilloise [49]. La multiplicité des résidences semble constituer une singularité de la noblesse ; son habitat urbain est de fait mouvant.

Fig. 2

Sédentarité et mobilité résidentielle de la noblesse de Cambrai dans la seconde moitié du xviiie siècle

Fig. 2

Sédentarité et mobilité résidentielle de la noblesse de Cambrai dans la seconde moitié du xviiie siècle

22Les déplacements de la noblesse dénotent une prise de conscience de l’écologie urbaine en ce sens qu’ils marquent une concentration assez forte vers les quartiers de l’Est et du Sud-Est de la ville, à l’intérieur d’un triangle correspondant aux rues de l’Épée, de la Madeleine et Saint-Georges. À l’intérieur de cet espace, quelques rues périphériques semblent soulever une plus grande attention de ceux qui souhaitent démontrer leur puissance : installé entre 1748 et 1774 dans l’active rue des Blancs-Linceuls [50], le sieur Le Mayeur de Simencourt, prévôt de la ville de Cambrai, anobli depuis peu, préféra la rue de Noyon où il côtoyait le marquis de Dion et la dame de Sucre. Au-delà de cette zone, seules quelques rues isolées marquées par une forte emprise ecclésiastique étaient encore attractives : près du chapitre Saint-Géry étaient venus s’installer le baron d’Ostrel et le sieur Parigot de Santenay. En revanche, rares étaient les figures comme le marquis de la Woestine qui se rapprochait de la Grande Place après avoir abandonné son hôtel de la rue de l’Épée à sa fille qui venait d’épouser le comte Alexandre O’Fagan. Ainsi l’exemple cambrésien confirme, à l’aune des constats effectués à Courtrai et Gand, la « diminution incontestable de la position sociale du centre vers la périphérie » [51].

23L’agrégation résidentielle des élites nobiliaires rend donc compte d’une attitude plus distante à l’égard du peuple dans le second xviiie siècle, mais cette attitude n’empêche nullement le maintien d’une logique de proximité avec les lieux de pouvoir que forment les clochers [52]. Toutefois, plus que les logiques spatiales, la qualité de l’habitat affirme le rang de la noblesse au sein de la société urbaine.

Résidence nobiliaire et propriété

Les formes de l’habitat nobiliaire

24Les revenus locatifs fournissent un indicateur intéressant de l’état des habitations dont le prix du loyer devait pour le moins rendre compte de la superficie habitable disponible et de la vétusté du bâti. Sur la base des déclarations remises par les propriétaires aux contrôleurs du vingtième royal en 1750, l’habitat nobiliaire montre ses spécificités par rapport au reste du maisonnage cambrésien.

25Les logements de la noblesse se démarquaient aisément de l’ensemble bâti de la ville de Cambrai caractérisé par une grande médiocrité des niveaux locatifs. En effet, alors que 82,5 % des loyers étaient inférieurs à 100 livres, cette proportion chutait à 25 % sur les logements nobiliaires [53]. De fait, la majorité des logements des membres du second ordre coûtait de 50 à 250 livres par an ; le plus cher, en l’occurrence l’hôtel particulier des Francqueville d’Abancourt dans la rue de l’Épée, était évalué à 400 livres. Partant, au-delà d’un revenu locatif de 150 livres, leur logement se repérait aisément dans la rue par ses dimensions et son apparence d’autant que les maisons voisines ne pouvaient pas présenter les mêmes avantages physiques. La rue des Scachebeuvons, dont la réputation aristocratique n’est pourtant pas à faire, faisait voisiner quelques belles maisons à porte cochère principalement occupées par des familles de la noblesse, en particulier celle du chevalier Gaspard Joseph de Bourchault, et une multitude de logements plus modestes occupés par des veuves et des artisans.

Graphique 1

Ventilation des revenus locatifs des logements de la noblesse de Cambrai en 1750

Graphique 1

Ventilation des revenus locatifs des logements de la noblesse de Cambrai en 1750

26Pourtant, tous les nobles n’étaient pas en mesure de participer à l’ostentation architecturale. En effet, les disparités sont grandes entre les logements nobiliaires. Un quart de ces résidences, coûtant moins de 100 livres par an, correspondait effectivement à des habitations dépourvues de tout luxe apparent ; le chevalier Charles François de Sars, qui ne devait que 48 livres par an de loyer, vivait même dans une modeste habitation de la Grande rue Aubenche dans laquelle les artisans, par ailleurs nombreux dans ce quartier, étaient parfois mieux logés. Cette vie dans l’espace recroquevillé d’une maison sans style ne tenait pas seulement à la médiocrité des moyens de son occupant, mais aussi à son style de vie, celui d’un chevalier ayant fait le choix de la carrière des armes qui lui imposait de fréquents déplacements.

27L’hôtel particulier constitue un moyen de montrer au commun son état ; il est une vitrine de la position sociale de son occupant. Pourtant, comme dans la plupart des villes provinciales, ces demeures négligent les aspects trop majestueux pour leur préférer la sobriété [54]. Habituellement, elles présentent une façade sur rue, disposée au vu de tous sur la voie publique, qui ne s’élève pas au-delà d’un étage ; derrière la cour intérieure se dresse une seconde aile invisible de la rue, donnant donc à l’ensemble architectural une forme en équerre. L’utilisation de la pierre et de la brique, fréquente dans les hôtels les plus anciens, crée juste des contrastes chromatiques à peine enrichis par une ornementation discrète [55]. Or, ces hôtels ne sont pas tous hérités du xviie siècle ; la majorité des constructions neuves, dont l’élan débute dès les années 1760 [56], reprend cette configuration même si elles adoptent quelques nouveautés architecturales comme le balcon richement décoré. Ainsi, dans cette cité marquée par le message de la Contre Réforme, les façades se doivent d’être un manifeste de la simplicité. Pourtant, certains, souvent fraîchement entrés dans le second ordre, s’éloignent de cette habitude, préférant exhiber leur fortune à travers de beaux hôtels particuliers à l’architecture plus proche des canons modernes. Ainsi, Jean-Baptiste de Francqueville, seigneur de Bourlon, installé dans la rue de l’Épée, introduisait à Cambrai l’hôtel à la mode parisienne, entre cour et jardin, construit entre avril 1719 et décembre 1720 ; il manifestait alors par la pierre sa qualité récente de conseiller secrétaire du roi [57].

28Compte tenu des lacunes du tabellion de Cambrai [58] et de l’absence d’inventaires de biens des émigrés, il est bien difficile de se faire une idée précise des intérieurs de la noblesse cambrésienne ; seules les informations lapidaires imprimées sur quelques affiches appelant à la vente des hôtels des nobles émigrés ont été exploitées [59]. Partagés entre espace utilitaire, lieu de sociabilité et univers de l’intime, ces hôtels particuliers offraient à leurs occupants un agencement propre à assurer une vie mondaine tant par l’abondance des pièces que par leur variété et leur spécificité. Les chambres réparties au rez-de-chaussée et à l’étage y sont nombreuses, en général sept pièces sur la dizaine que comptent les plus beaux hôtels. Pourtant, toute l’attention se portait sur les pièces de réception, salles et salles à manger, disposées au rez-de-chaussée. Obéissant à une ségrégation de l’espace habitable, les pièces vouées à la cuisine ou au lavage étaient isolées du reste de l’habitation dans l’aile secondaire. L’une des plus belles demeures de Cambrai estimées 22 000 livres en l’an II, l’hôtel de Thun, occupé par les d’Herbais dans la rue du Marché aux Poissons, suit cette configuration. Sur l’aile donnant sur la rue, trouée par une porte cochère, s’assemblaient, autour du vestibule de l’escalier monumental, neuf places vouées au repos et à la sociabilité. L’aile invisible depuis la rue regroupe la cuisine, le four, la lavanderie et l’écurie ; à l’étage, deux chambres pouvaient recevoir le personnel de service [60].

Fig. 3

Maison canoniale dite de « l’Homme armé » occupée par Louis Parigot de Santenay en 1780 au coin de la rue de l’Aiguille (AD Nord, cliché Jean-Luc Thieffry) [61]

Fig. 3

Maison canoniale dite de « l’Homme armé » occupée par Louis Parigot de Santenay en 1780 au coin de la rue de l’Aiguille (AD Nord, cliché Jean-Luc Thieffry) [61]

29Le sieur Louis Parigot de Santenay, qui, à compter de 1766, a trouvé à se loger dans la maison canoniale de « l’Homme armé » détenue par le chapitre métropolitain, bénéficie d’un confort moins assuré : reconstruit en 1763 [62], l’espace habitable, seulement composé de sept chambres visitées en 1780 par l’architecte Houssart [63], est relativement limité, mais marbres et boiseries sculptées en chêne enrichissent cet intérieur [64] séparé de l’écurie par une cour au milieu de laquelle se trouve le puits [65].

Appropriation et location de l’habitat nobiliaire

30Conformément à l’image d’une noblesse née dans la ville, la majorité des familles du second ordre étaient propriétaires de leur logement. La confrontation des rôles de capitation et de vingtième [66] de 1790 montre que trente des cinquante familles capitées vivaient dans leurs propres murs ; pas moins de 60 % des ménages de la noblesse possédaient donc son logement à la fin de l’Ancien Régime. Ce score est du reste remarquable par sa stabilité puisqu’il était déjà atteint en 1750. Bref, la noblesse se distingue du reste de la société par son goût prononcé pour l’appropriation de son logement dans une cité où seulement 28 % des ménages étaient dans ce cas de figure [67]. Pourtant, il ne montre pas les inégalités qui traversent cet ordre.

31La location était le mode d’habiter le plus fréquent parmi les familles dont les niveaux de capitation inférieurs à dix livres témoignent de la médiocrité, voire de la pauvreté. Célibataires et veuves préféraient ce genre d’occupation plus compatible avec leurs capacités financières, sans doute trop justes pour investir dans un immeuble cossu ; en attente de mariage et d’héritage, les plus jeunes avaient aussi intérêt à patienter, en attendant que leur situation s’éclaircisse. Toujours est-il que la location intéressait également les plus aisés au sein de la noblesse. Ce choix tenait au mode de vie marqué par la double résidence entre la ville et la campagne, les voyages réguliers entre le château, souvent considéré comme la résidence principale, et la maison urbaine n’encourageant pas à immobiliser une partie de son capital en ville [68]. Sans doute, dans l’éventail de biens immobiliers locatifs, certains ont occupé une maison canoniale : la dame Chatelain s’installa dans l’une d’elle sur la rue du Temple, proche de l’hôpital Saint-Julien. Certes, ces habitations cossues sont théoriquement destinées aux personnels des chapitres cambrésiens qui versaient un loyer [69], mais peu à peu les chanoines qui ne souhaitaient pas occuper ces demeures ont pris l’habitude de les sous-louer [70]. D’autres, par leur profession, bénéficiaient d’un logement de fonction : ainsi, le sieur Desgaudières, commandant de la place de Cambrai, logeait, avec six domestiques, dans l’hôtel du gouverneur sis sur la Place au Bois.

Tableau 4

Propriétaires et locataires de logement selon le niveau de capitation en 1790

Tableau 4

Propriétaires et locataires de logement selon le niveau de capitation en 1790

32En revanche, l’appropriation du logement était de règle pour les ménages imposés au-delà de dix livres. L’hôtel particulier était donc un enjeu symbolique pour la plupart des ménages dont l’aisance autorisait un tel placement immobilier. Le plus souvent, ces demeures ont été héritées et se transmettent à l’intérieur du circuit familial. Par le biais du mariage, un hôtel changeait de nom : ainsi, l’hôtel de Hercq fut transmis à la famille Watier à la suite du mariage de Marie-Joseph-Amélie de Hercq avec Jean-Baptiste Watier, trésorier des États de Cambrai. Bref, l’hôtel particulier est fortement attaché au principe de patrimonialité, ce qui implique des pratiques successorales visant à maintenir à tout prix cette demeure dans le réseau familial proche ; l’une des principales clauses inscrites en 1767 dans l’acte d’achat de l’hôtel de Thun par Antoine-Lamoral de Herbaix est que après son décès (l’hôtel doit) être compéter et appartenir aux trois enfans qu’il a retenu de dame Marie Catherine Joseph de Sucre de Bellaing[71]. Cependant, même si le marché des maisons nobles est étriqué, certains nobles sont entrés dans leurs murs en s’en portant acquéreur. Souvent, l’achat entérine l’ascension sociale d’une famille qui peut dès lors tirer profit de circonstances favorables si jamais elles se présentent. Locataire de la Portelette, maison canoniale de la rue des Blancs Linceuls, la famille Payen de Noyan profita de l’occasion offerte par l’adjudication à bas prix des hôtels particuliers des émigrés pour se porter acquéreur en vendémiaire an III d’une belle demeure située dans l’une des rues les plus recherchées de la ville, la rue de Noyon [72] ; par la même occasion, il défalquait 480 florins de ses dépenses annuelles [73]. Pourtant, l’investissement coûteux s’accompagne irrémédiablement de l’endettement auprès de catégories issues souvent de la roture : rachetant une grande maison à porte cochère au sieur Pradeau, Auguste François Bouchelet de Neuville, qui a du débourser 11 500 livres, emprunte 8 050 livres sous forme de constitutions de rente [74].

33Pour symbolique d’un certain mode de vie et de l’identité lignagère, la demeure nobiliaire ne forme qu’une partie souvent minoritaire du patrimoine de la noblesse de Cambrai. La succession de la veuve Marie-Anne Pingard, décédée en ventôse an VII à l’âge de 82 ans [75], permet de le constater. De petite noblesse, elle abandonne un capital de 12 400 francs. La demeure qu’elle possède dans le fonds Saint-Georges est estimée à 700 francs correspondant à 5,6 % de ses biens propres [76]. L’orientation en faveur des biens fonciers est nettement marquée puisque ses 21 hectares de terres répartis dans les villages proches de Cambrai concentrent pas moins de 95 % de sa fortune [77]. Par-delà sa propre demeure, le second ordre, concentrant moins de 3 % du bâti en 1790, n’était donc guère un rassembleur de pierre à Cambrai [78]. Nombreux étaient les nobles à ne disposer que d’une seule habitation, celle dont ils avaient fait choix pour leur propre logement. Partant, seuls quelques-uns étaient parvenus à concentrer trois demeures et plus. Ainsi, la noblesse participait peu à l’économie de la rente immobilière, son patrimoine étant surtout destiné à sa propre jouissance et moins à procurer un profit direct. Il est vrai que l’immobilier urbain, peu rentable, constitue une lourde charge pour le propriétaire obligé de l’entretenir régulièrement. Plus sûrement, la pierre ne constitue pas un investissement de tout premier plan pour la noblesse cambrésienne dont l’ambition patrimoniale est tout entière tendue vers la campagne. Fort de 16 % du sol du Cambrésis, le second ordre détenait terres, fermes et seigneuries dont le rapport lui permettait d’assumer son train de vie [79].

34* * *

35En définitive, la ville de Cambrai a exercé un pôle d’attraction pour la noblesse de la province qui pouvait y profiter d’une qualité de vie conforme aux nouvelles normes sociales du siècle des Lumières ; ce mouvement était du reste facilité par le poids quasi monopolistique de la cité archiépiscopale, peu gênée par la petite ville du Cateau dont la position géographique était en outre excentrée dans la province. En ville, la puissance nobiliaire s’inscrit dans la pierre, encore qu’une partie relativement importante de l’ordre ignore les beaux immeubles. La noblesse se distingue également du reste de la société urbaine par sa propension à habiter dans ses propres murs.

36Pourtant, cet ancrage dans la ville est relatif : non seulement la noblesse ne participe guère au jeu de l’accumulation immobilière, mais en plus elle reste fortement tournée vers la campagne qui lui procure l’essentiel de ses revenus. Ce groupe élitaire, qui fusionnait toutes les noblesses sauf la haute aristocratie provinciale, ne vivait pas à l’écart du peuple de la ville dont certaines catégories répondaient à ses besoins consuméristes. Certes, la noblesse de Cambrai n’échappe pas à la tentation ségrégative constatée dans la plupart des villes françaises, l’agrégation de ses membres s’effectuant au profit de quelques axes périphériques et de quelques pôles de fixation organisés autour des principaux lieux de pouvoir politique et ecclésiastique, mais, même dans ces rues à forte densité nobiliaire, le « vivre ensemble » subsiste. Partant, la rue se présente comme un assemblage compliqué de maisons de formes différentes, les hôtels particuliers dans lesquels réside une partie des nobles voisinant avec des demeures plus modestes.

37Ainsi, comme l’ont démontré les travaux de G. Chaussinand-Nogaret, la noblesse n’apparaît pas comme cet ordre gras et barricadé derrière ses murs, mais plutôt comme une classe ouverte sur le monde qui l’entoure et traversée par de profondes inégalités sociales [80]. L’urbanisation d’une partie de la noblesse provinciale constitue en effet une profonde révolution dans son identité. Non seulement le second ordre perd en ville son autorité sur les populations qui l’entoure, mais en plus il se fond dans un groupe élitaire qui le déborde ; en ville, il n’est plus qu’un « bourgeois de sang bleu » [81]. Au moment où allait souffler le vent de la Révolution, une partie de la noblesse devait profiter de sa relative timidité dans la ville de Cambrai pour maintenir son autorité politique au sein de la première municipalité dirigée par un de ses membres, Watier d’Aubencheul.


Mots-clés éditeurs : hôtel, siècle, e, ville, Cambrai (59), xviii, logement, propriété, noblesse

Mise en ligne 01/01/2017

https://doi.org/10.3917/rdn.364.0043

Notes

  • [*]
    Sylvain Vigneron, Agrégé d’Histoire, Docteur en Histoire, UMR 8529-IRHiS (Université de Lille 3), vigneron.sylvain@numericable.fr.
  • [1]
    J. Meyer, La noblesse bretonne au xviiie siècle, Paris, Éd. de l’EHESS, 1966, réédition 1985.
  • [2]
    M. Cubells, La Provence des Lumières. Les parlementaires d’Aix au xviiie siècle, Paris, Maloine, 1984.
  • [3]
    G. Duby (dir.), Histoire de la France urbaine. La ville classique de la Renaissance aux Révolutions, Paris, Le Seuil, 1981, p. 391-406.
  • [4]
    F.-J. Ruggiu, Les élites et les villes moyennes en France et en Angleterre (xviie-xviiie siècles), Paris, L’Harmattan, 1997.
  • [5]
    AD Nord, C 5650, État de population du département du Hainaut, 1785.
  • [6]
    B. Lepetit, Les villes dans la France moderne (1740-1840), Paris, Albin Michel, 1988, p. 450-451.
  • [7]
    D. Terrier, Les deux âges de la proto-industrie. Les tisserands du Cambrésis et du Saint-Quentinois, 1730-1880, Paris, Éd. de l’EHESS, 1996, p. 35-36.
  • [8]
    M. Figeac, L’automne des gentilshommes. Noblesse d’Aquitaine, noblesse française au siècle des Lumières, Paris, Honoré Champion éditeur, 2002, p. 225.
  • [9]
    Le Carpentier, Histoire généalogique des Pays-Bas ou histoire de Cambrai et du Cambrésis, Leide, 1664, t. III, p. 40.
  • [10]
    Cette évaluation est réalisée en affectant le coefficient 4,5 proposé par Guy Chaussinand-Nogaret au nombre total de cotes fiscales. G. Chaussinand-Nogaret, La noblesse au xviiie siècle. De la féodalité aux Lumières, Bruxelles, Complexe, 1984, p. 46-50.
  • [11]
    Le Cambrésis s’étend sur 874 kilomètres carré d’après la Statistique du département du Nord, Douai, Merlin, 1804, p. 13.
  • [12]
    La densité nobiliaire y atteint un talweg avec 0,11 noble par kilomètre carré. M. Nassiet, « Le problème des effectifs de la noblesse dans la France du xviiie siècle » dans Traditions et innovations dans la société française du xviie siècle. Actes du colloque de l’Association des Historiens modernistes de l’Université (Paris 1993), Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1995, p. 97-122.
  • [13]
    M. Figeac, op. cit., p. 50-59.
  • [14]
    Pour M. Figeac, « Noblesse et richesse rurale marchent de pair », ibid., p. 58.
  • [15]
    AD Nord, C État 257, Rôle de capitation de la ville et banlieue de Cambrai, 1777.
  • [16]
    AD Nord, C État 258, Rôle de capitation de la ville et banlieue de Cambrai, 1790.
  • [17]
    P. Bougard, « Dénombrement de la population du Cambrésis en 1778 », Hommage à Marcel Reinhard. Sur la population française au xviiie et au xixe siècles, Paris, Société de Démographie Historique, 1973, p. 71-91.
  • [18]
    F.-J. Ruggiu, « L’habitat nobiliaire dans les villes provinciales de la France du Nord-Ouest à la fin de l’Ancien Régime » dans C.-I. Brelot (dir.), Noblesses et villes (1789-1950). Actes du colloque de Tours (17-19 mars 1994), Université de Tours, Maison des Sciences de la ville, 1995, p. 17-29.
  • [19]
    M. Figeac, op. cit., p. 96-103.
  • [20]
    P. Denis du Péage, Mélanges généalogiques, 2e série, Lille, 1914, p. 403-425.
  • [21]
    AD Nord, 3 G 585, Archevêché de Cambrai, États de Cambrai et de Cambrésis, Rentes constituées, 1646-fin xviiie siècle.
  • [22]
    M. Figeac, op. cit., p. 225-226.
  • [23]
    Dans la petite ville d’Ussel résidaient seulement deux des cinq familles nobles ; les autres végétaient à la campagne, sauf le duc de Ventadour domicilié à Paris. N. Lemaitre, Un horizon bloqué. Ussel et la montagne limousine aux xviie et xviiie siècles, Ussel, Musée du pays d’Ussel, 1978, p. 177-179.
  • [24]
    G. Chaussinand-Nogaret, op. cit., p. 65-92.
  • [25]
    AD Nord, C 11240, Rôle de capitation de la noblesse de Cambrai, 1780.
  • [26]
    AD Nord, 5 G 366, Officialité de Cambrai, Tutelles et curatelles, 1657-1790.
  • [27]
    AD Nord, C 11240, Rôle de capitation de la noblesse de Cambrai, 1780.
  • [28]
    En Bretagne, Rennes fournit 15 % des 500 familles anoblies du xviiie siècle. P. Jarnoux, Les bourgeois et la terre. Fortunes et stratégies foncières à Rennes au xviiie siècle, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1996, p. 64.
  • [29]
    P. Guignet, Le pouvoir dans la ville. Pratiques politiques, notabilité et éthique sociale de part et d’autre de la frontière franco-belge, Paris, Éd. de l’EHESS, 1990, p. 349-350.
  • [30]
    Ibid., p. 367-371.
  • [31]
    Sur 170 familles recensées dans le catalogue des nobles de 1789, seulement quinze maisons (de Lannoy, Tenremonde, etc.) pouvaient prouver une noblesse antérieure à 1500. L. Trénard (dir.), Histoire de Lille. L’ère des révolutions (1715-1851), Toulouse, Privat, 1991, p. 71-72.
  • [32]
    P. Feuchère, « Histoire sociale et généalogie : la Noblesse du Nord de la France », Annales ESC, t. VI, n° 3, juillet-septembre 1951, p. 306-318.
  • [33]
    P. Denis du Péage, op. cit., p. 82.
  • [34]
    Du xvie siècle à la Révolution, au moins 24 % des dignitaires du chapitre étaient nobles. C. Leduc, Dignités et dignitaires du chapitre cathédral Notre-Dame-de-Grâce de Cambrai du xvie siècle à la Révolution française, Lille, DEA, 1993, p. 169-173.
  • [35]
    Les familles d’Herbais de Thun et Le Sart du Castelet ont été régulièrement députés des États du Cambrésis au cours du xviiie siècle. M.-L. Legay, Les États provinciaux dans la construction de l’État moderne aux xviie et xviiie siècles, Genève, Droz, 2001, p. 261-263.
  • [36]
    P. Denis du Péage, op. cit., p. 351-353.
  • [37]
    Les résidences de la noblesse florentine s’écartaient également du centre-ville. J. Boutier, Construction et anatomie d’une noblesse urbaine : Florence à l’époque moderne (xvie-xviiie siècles), EHESS, doctorat, 1988, p. 288-318.
  • [38]
    À Bordeaux, les implantations nobiliaires obéissaient à la même logique : l’aristocratie s’écartait des quais de la Garonne dont les rives étaient traditionnellement réservées aux marchands. M. Figeac, Destins de la noblesse bordelaise (1770-1830), Bordeaux, Fédération Historique du Sud-Ouest, 1996, p. 44-51.
  • [39]
    À Abbeville et Alençon, quelques « rues de prédilection » de la noblesse apparaissaient dans la complexe granulation sociale des rues. F.-J. Ruggiu, op. cit., p. 213-218 et p. 228-234.
  • [40]
    F.-J. Ruggiu indique en effet que « les rues à haute densité nobiliaire étaient donc généralement à basse densité marchande ou juridique ». Ibid., p. 233.
  • [41]
    À Paris, sur l’île Saint-Louis, l’élévation de la proportion des nobles d’épée s’accompagnait de celle des robins. Y. Carbonnier, « Le cœur de Paris à la veille de la Révolution. Étude de géographie sociale », Histoire Urbaine, n° 6, décembre 2002, p. 43-68.
  • [42]
    B. Garnot, Un déclin : Chartres au xviiie siècle, Paris, Éd. du CTHS, 1991, p. 73-74.
  • [43]
    N. Coquery, L’hôtel aristocratique. Le marché du luxe à Paris au xviiie siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 1998, p. 31-85.
  • [44]
    D’après l’enquête de 1790, plus de quatre habitants de Cambrai sur dix étaient indigents. C. Martin, Assistance et paupérisme à Cambrai et dans le Cambrésis (1750-1800), Université de Lille 3, maîtrise, 1985, p. 103.
  • [45]
    J. Langton, « Residential Pattern in Pre-Industrial Cities : Some case studies from seventeenth century Britain », dans J. Barry éd., Tudor and Stuart town, a reader in English history : 1530-1688, Londres, Longman, 1990, p. 181.
  • [46]
    À Millau, la plupart des résidences nobiliaires se pressaient dans la rue Peyrollerie à proximité de la Maison de Ville. J. Frayssenge, Millau, une ville du Rouergue sous l’Ancien Régime (1668-1789). Société catholique et société protestante, Millau, Libr. Trémolet, 1990, p. 297.
  • [47]
    P. Jarnoux, op. cit., p. 210.
  • [48]
    N. Coquery, op. cit., p. 216-218.
  • [49]
    Seulement 2/5e des capités à plus de 50 livres avaient changé de résidence. H. KnopVandambosse, « Distribution spatiale et mobilité résidentielle de la bourgeoisie lilloise au xviiie siècle », Revue du Nord, t. LXXIX, nos 320-321, avril-septembre 1997, p. 429-445.
  • [50]
    AD Nord, 4 G 2725, Chapitre métropolitain de Cambrai, rue des Blancs-Linceuls, 1420-1776.
  • [51]
    D.Vanneste, De pre-industriele Vlaamse Stad : een sociaal-economische survey. Interne differentiate te Gent en te Kortrijk op het einde van de 18de eeuw, Louvain, Acta Geographica Lovaniansia, vol. 28, 1987, p. 302-303.
  • [52]
    Ce double mouvement est également perceptible dans les choix résidentiels des parlementaires grenoblois. C. Coulomb, « Héritages familiaux, solidarités professionnelles et théâtre politique. L’habitat parlementaire à Grenoble dans la seconde moitié du xviiie siècle », Histoire Urbaine, n° 5, juin 2002, p. 5-25.
  • [53]
    La stratification sociale des logements se lit également sur le marché immobilier. Dans la petite ville de Sées, la majorité des achats les plus onéreux dépendait de la noblesse et du haut clergé. G. Béaur, « L’investissement immobilier dans une petite ville : Sées, à la fin de l’Ancien Régime » dans R. Plessix, J.-P. Poussou, Les petites villes françaises du xviiie au xxe siècle. Actes du Colloque de Mamers (Association d’Histoire des Petites Villes, 19-21 septembre 1991), Mamers, 1998, p. 289-300.
  • [54]
    À Rennes, l’hôtel de Robien fait se contraster un intérieur assez fastueux et un aspect extérieur sobre. G. Aubert, Le président de Robien. Gentilhomme et savant dans la Bretagne des Lumières, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2001, p. 129-134.
  • [55]
    F. Machelart, Naissance et développement de l’art baroque en Cambrésis. La vie artistique d’une province frontière aux xviie et xviiie siècles, Université de Lille 3, doctorat de 3e cycle, 1977, p. 176-178.
  • [56]
    En 1779, le Magistrat de Cambrai prenait note du mouvement de construction et d’agrandissement des hôtels et maisons canoniales existantes : en effet, « on incorpore comme on le fait depuis dix à vingt ans quantité de petites maisons dans des grandes et dans des monastères ». Nous remercions monsieur André Leblon de nous avoir confié la copie de ce texte. BM Cambrai, ms. B 1382, Mémoires et observations du Magistrat de Cambrai, 1779.
  • [57]
    F. Magny, Le Musée de Cambrai, Paris, Musées et Monuments de France, 1997, p. 8-12.
  • [58]
    Sur la période 1750-1790, le Tabellion de Cambrai ne rassemble que 55 inventaires après décès d’habitations de Cambrai ; aucun ne concerne le second ordre qui préférait recourir au seing privé. A. Krzemianoswski, « À la découverte de la vie intime des Cambrésiens de 1750 à 1790 ». Contribution sur la culture matérielle à Cambrai et dans le Cambrésis, Université de Lille 3, maîtrise, 2001.
  • [59]
    AD Nord, 1 Q 138, Réserves d’affiches, Biens d’émigrés, an II.
  • [60]
    Cette organisation spatiale des intérieurs de la noblesse de Cambrai est conforme aux exigences de l’aristocratie bordelaise dont les hôtels distinguaient nettement les lieux de la vie sociale et ceux de la vie privée. M. Figeac, op. cit., p. 115-145.
  • [61]
    AD Nord, Plan Cambrai 548, Registre aux plans des maisons canoniales du chapitre métropolitain de Cambrai, planche n° 34, 1780.
  • [62]
    Les dépenses de construction se sont élevées à plus de 17 000 florins, soit 21 250 livres. AD Nord, 4 G 4511, Chapitre métropolitain de Cambrai, Maisons canoniales classées par noms de possesseurs, 1695-1790.
  • [63]
    AD Nord, 4 G 792, Chapitre métropolitain de Cambrai, Architecte, 1780.
  • [64]
    AD Nord, 4 G 4512, Chapitre métropolitain de Cambrai, Maisons canoniales classées par noms de lieux, 1661-1789.
  • [65]
    Les maisons canoniales du chapitre Sainte-Croix n’étaient en général guère plus étendues : une enquête menée à partir des inventaires après décès des chanoines en 1700-1710 et 1735-1745 prouve qu’une habitation contenait en moyenne sept pièces, non compris la cave, le vestibule, le grenier et autres pièces annexes. V. Capron, Le chapitre collégial de Sainte-Croix à Cambrai au xviiie siècle, Lille 3, maîtrise, 1989, p. 147 sq.
  • [66]
    AD Nord, C supplément 401/479, Rôle de vingtième de la ville et banlieue de Cambrai, 1790.
  • [67]
    S. Vigneron, Les relations villes-campagnes dans la France du Nord de Louis XIV à la Révolution. Étude comparée des marchés fonciers et immobiliers dans le Cambrésis et la Flandre wallonne, Université de Lille 3, doctorat, 2001, p. 252-262.
  • [68]
    Chez les familles nobles de la Terre Ferme, la location d’un logement à Venise était très majoritaire au xviie siècle. J.-F. Chauvard, La propriété et l’échange. La circulation des biens immobiliers dans la Venise du xviie siècle, EHESS, doctorat, 2000, p. 486.
  • [69]
    C. Leduc, op. cit., p. 218-225.
  • [70]
    Un mémoire sur l’occupation des maisons canoniales témoigne de l’existence d’une opposition entre le chapitre métropolitain et certains chanoines à ce sujet. AD Nord, 4 G 4506, Chapitre métropolitain de Cambrai, Maisons canoniales, Droits des occupants, xviiie siècle.
  • [71]
    AD Nord, 3 G 3072, Archevêché de Cambrai, Séminaire, Biens, 1680-1767.
  • [72]
    Estimé 18000 livres, l’hôtel particulier de l’émigré Cordier de Caudry fut adjugé 18 800 livres par Pierre-Emmanuel-François-Roland Payen de Noyan, chef de la légion de la garde nationale de Cambrai. AD Nord, 13 J 195, Denis du Péage, répertoire Payen de Noyan, an III-1830.
  • [73]
    AD Nord, 4 G 2725, Chapitre métropolitain de Cambrai, Cambrai, rue des Blancs-Linceuls, 1420-1776.
  • [74]
    Abbé Thellier, « Inventaire des Archives du château de Sorval », Mémoires de la Société d’Émulation de Cambrai, t. LXXII, Cambrai, 1925, p. 378-541. L’acte de vente, daté du 4 mars 1783, est placé sous la cote AA bis 13-9.
  • [75]
    P. Denis du Péage, op. cit., p. 351-353.
  • [76]
    C’est bien peu si l’on considère l’exemple lillois où l’examen des actes de mutation après décès entre 1791 et 1801 révèle que près du quart des patrimoines nobiliaires est constitué de biens bâtis. A. Nieuviarts-Hysbergues, R. Thomas, Fortunes et groupes socioprofessionnels à Lille sous la Révolution (1791-1801), Lille 3, maîtrise, 1971, p. 67-85.
  • [77]
    AD Nord, 3 Q 132-5, Registre de formalités des bureaux de l’enregistrement, Cambrai, registre de succession, 1 germinal an VII-26 floréal an VIII.
  • [78]
    À Montpellier, les familles les plus prestigieuses boudaient aussi les investissements massifs. H. Michel, « Maisons et propriétaires montpelliérains au milieu du xviiie siècle », RHMC, octobredécembre 1983, p. 597-615.
  • [79]
    S. Vigneron, op. cit., p. 483-487.
  • [80]
    G. Chaussinand-Nogaret, La noblesse au xviiie siècle. De la Féodalité aux Lumières, Paris, Hachette, 1976.
  • [81]
    G. Chaussinand-Nogaret dans M. Marraud, La noblesse de Paris au xviiie siècle, Paris, Seuil, 2000, p. 10.
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