Revue du MAUSS
2020/1 n° 55
En matière d’horreur, l’imagination humaine est sans limites. Les grandes idéologies politiques modernes en donnent une explication économiciste : s’il y avait assez pour satisfaire les besoins de tous, la haine et les conflits disparaîtraient.
C’est oublier que le besoin est sans cesse alimenté par le désir. Désirons-nous ce que désire l’autre, dans l’envie et la jalousie ? Désirons-nous être reconnus en affirmant notre valeur ou bien à la hauteur de nos dons ? Est-ce de la rivalité pour être reconnu que vient le mal ? À moins qu’il ne procède de quelque chose de plus radical, le simple plaisir d’être en meute. Il est par ailleurs des colères, des violences légitimes ; on ne peut accepter l’inacceptable. Mais jusqu’où le sont-elles ?
Cette haine, ces désirs de meurtre, enfin, comment ont-ils été endigués et pourraient-ils l’être mieux ? Par le meurtre d’une victime émissaire transfiguré en sacrifice puis en religion (Girard) ? Par la réciprocité positive des dons ou celle, négative, des vengeances, peu à peu transformées en droit (Mauss) ? Par une démocratie enfin pleinement advenue ?
D’où vient le mal ? Comment l’apprivoiser ? N’est-ce pas la question des questions ?
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