Notes
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[1]
Architecte, docteure en urbanisme et aménagement du territoire de l’université de Paris-Est, professeure de soutenabilité à l’Universitat Oberta de Catalunya (UOC) (Barcelone) et membre de l’association d’études d’après-développement « La ligne d’horizon-Les amis de François Partant ». Pour approfondir les sujets traités ici, je renvoie à mon livre Ivan Illich. Pour une ville conviviale, publié en 2018 aux éditions Le Bord de l’eau.
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[2]
ONU-UNFPA, Fonds des Nations unies pour la population, « État de la population mondiale 2007. Libérer le potentiel de la croissance urbaine » : « D’ici 2030, les villes du monde en développement, grandes et petites, abriteront 81 % de la population urbaine de la planète. La plupart des nouveaux citadins seront pauvres. » Quand l’ONU dit « pauvres », il faut comprendre, avec Majid Rahnema, « misérables ».
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[3]
La contre-productivité est définie par Ivan Illich comme la perversion de l’outil devenu sa propre fin et dont les effets, au-delà d’un seuil, sont opposés à ceux qu’il prétendait obtenir. Ce concept a été amorcé dans La Convivialité (1973) et développé en profondeur, avec la collaboration de Jean-Pierre Dupuy, dans Némésis médicale (1975) où les deux auteurs précisent les trois niveaux de contre-productivité : technique, sociale et structurelle.
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[4]
Dès les années 1960-1970, il devint évident que le développement, mis en œuvre après le discours d’investiture au deuxième mandat du président des États-Unis Harry S. Truman, le 20 janvier 1949, était une nouvelle forme de colonialisme.
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[5]
« Les communaux étaient ces parties de l’environnement sur lesquelles tous les habitants d’une commune avaient des droits d’usage acquis, non pour en tirer des produits monnayables mais pour assurer la subsistance familiale. Les communaux étaient utilisées de façon différente par les différents groupes au sein d’une communauté pour assurer leur subsistance. Le droit coutumier garantissait leur jouissance et imposait des formes spécifiques de respect communautaire » [Illich, 2005 (1982b), p. 749].
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[6]
Voir les actes du colloque « Viv(r)e la gratuité », édition de la communauté d’agglomération les Lacs de l’Essonne avec Le Sarkophage, <http://carfree.free.fr/index.php/2011/05/06/vivre-la-gratuite/>, novembre 2010.
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[7]
Wolfgang Sachs dit que « l’art des cultures paysannes consistait à rendre aimables les limites ».
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[8]
Voir également la magnifique trilogie de Silvia Pérez-Vitoria [2005 ; 2010 ; 2015].
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[9]
Illich [2004 (1994), respectivement p. 234, 247, 239].
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[10]
Illich [2004 (1993)].
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[11]
Dans Communitas, Roberto Esposito rappelle que le mot « communaux » (« commons »), qui remonte au Moyen Âge, dérive du latin « munus », « qui désigne un élément essentiel de la séquence du don, telle que l’analysent Mauss et Benveniste » [Michéa, 2002, p. 77]. Illich les analyse en profondeur dans Le Genre vernaculaire [2005 (1983)], dans L’Art d’habiter [2005 (1984)] et dans « Le silence fait partie des communaux » [2005 (1982a)].
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[12]
Association pour le maintien d’une agriculture paysanne, <www.reseau-amap.org/>.
L’urbanisation totalisante
1« Le xxie siècle sera le siècle des villes », répètent comme un mantra les médias, les institutions internationales, les hommes politiques, les experts. Dans un contexte où l’économie est située au centre de la vie sociale et, favorisées par les technologies de l’information et la connaissance, l’hyperproductivité et la financiarisation des activités humaines assurent la multiplication des capitaux et donc la croissance. L’urbain devient un terrain privilégié : grands travaux (souvent inutiles et imposés), architecture-spectacle et marketing urbain ; gated communities et tourisme de masse, hyperconsommation, industries du logement, du transport, de l’éducation, de la santé et des soins, des loisirs et de la culture, hypertrophie législative et politiques de développement… Le discours dominant est celui de la compétitivité, du productivisme, de l’innovation, de l’efficacité, de la rentabilité, de la mobilité, de la connectivité, de la communication, de l’attractivité, de l’image, de la planification stratégique, de la concertation public-privé, de la participation, du marketing urbain, du développement durable, de la marque de ville et de l’urban design. La ville devient « ville événement », « ville créative », « ville globale », en concurrence sur le marché mondial pour attirer des projets, des capitaux et du talent.
2En réalité, il s’agit d’une unique ville globale [Sassen, 1991], une construction immatérielle, abstraite. Elle est avant tout le lieu des flux (de données, de capitaux, de « ressources humaines » : autant de flux virtuels et désincarnés) qui rassemble et met en synergie les réseaux de pouvoir des plus puissants du globe, « mettant à l’épreuve la compétitivité économique des régions » [Castells, 2004], et qui n’est pas sans impact sur le monde physique et social. Pour le dire plus nettement, seule une petite partie de la population d’une grande métropole contemporaine, que l’on parle de Londres, de Paris ou de Tokyo, mais aussi de Djakarta, de Lagos ou de Buenos Aires, est partie prenante et active de la dite « ville globale ». En revanche, toute la population sans exception est affectée par ses effets et ses externalités – sur le travail, l’habitat, les transports, l’économie domestique, les modes de vie et les modèles de consommation… – par lesquels elle contribue à son tour à son déploiement et à son renforcement.
3La campagne, elle aussi, subit l’hégémonie du système techno-industriel. Selon les institutions internationales, « pour la première fois de son histoire, plus de la moitié de la population du globe réside déjà en milieu urbain [2] ». Dans la mesure où cette population urbaine continue de s’accroître pour des raisons systémiques, l’acte de décès des paysans et de la vie rurale peut être signé sans états d’âme, dans une compétition tacite dont ceux-ci seraient les perdants.
4L’urbanisation totalisante devient un impératif systémique, une véritable foi urbaine. Elle a pris le relais de la scolarité universelle et obligatoire comme emblème de civilisation et promesse d’équité à travers la liturgie du travail salarié, de la consommation accrue de biens et de services et de l’accès à un style de vie « moderne ». Cette urbanisation totalisante est le fruit de l’idéologie et du discours du développement, de cette illusion toujours fuyante, jamais atteinte, selon laquelle « la ville est le lieu des opportunités ». Et pourtant, partout, les inégalités se répandent et s’accentuent tandis que la planète s’épuise. Dans les mots de Vandana Shiva : « Sous le masque de la croissance se dissimule, en fait, la création de la pénurie. » Contre-productive [3] donc, l’urbanisation totalisante a franchi les seuils au-delà desquels elle contrarie les objectifs qu’elle prétend favoriser :
5– sur le plan technique, d’un côté, la crise climatique, les pollutions, l’érosion, la perte de biodiversité, les sécheresses, les inondations et les guerres de l’eau ; de l’autre, les pandémies associées à l’industrialisation (fumées ou pesticides…) et au style de vie urbain (accidents de la circulation et du travail, obésité, stress, allergies, hypersensibilités chimiques et magnétiques, focalisation pathologique sur l’esthétique du corps et la santé, nouvelles addictions au jeu, à la consommation, à Internet…), ainsi que les maladies alimentaires (anorexie, boulimie…) sont des symptômes d’un modèle frappé de démesure tant à l’égard de la planète que des hommes ;
6– sur le plan social, la technicisation, la financiarisation et la dépendance des services institutionnalisés déclenchent des processus d’expropriation des capacités d’agir des individus et des groupes (déracinement, infra-occupation, expansion des taudis, clientélisme politique, crime et délinquance locale et globale…) qui accroissent la frustration, l’angoisse et le soupçon, la fragmentation sociale et la ségrégation des classes. La distribution inéquitable des efforts nécessaires au soutien et au déploiement de l’urbanisation, la distribution inéquitable de la jouissance des services, des avantages et des privilèges ainsi que l’externalisation et la concentration scandaleuse des nuisances conforment la triple iniquité fondamentale de l’urbanisation totalisante ;
7– sur le plan structurel, le blocage de la capacité de concevoir la possibilité d’un changement et d’inventer des alternatives (un phénomène qu’Ivan Illich appelle la « paralysie de l’imagination ») ou, simplement, le renoncement à la prise de parole, font de la ville globale une véritable anti-polis.
8En même temps, une confluence de crises multiples (énergétique, financière, alimentaire, climatique, de civilisation), un « dérèglement du monde » selon Amin Maalouf [2009], une crise radicale puisque « ce qui est en jeu c’est la disparition de l’homme » [Illich, 2004 (1971), p. 338] sont les symptômes clairs qu’un paradigme, celui du développement, dépérit, tandis que l’émergence d’alternatives insolites (et également de résistances qui sont aussi des symptômes) annonce son remplacement par un autre.
Ivan Illich et la convivialité
9Dès les années 1960, Ivan Illich (1926-2002), entouré des intelligences les plus foisonnantes de l’époque, entama au Cif (Centre interculturel de formation), puis au Cidoc (Centre interculturel de documentation) de Cuernavaca, son épilogue de l’âge industriel et sa croisade contre le développement – « le plus pernicieux de tous les efforts missionnaires de l’Occident » [Illich, 2005 (1979), p. 801] –, qu’il définissait, dans la lignée de Polanyi et de Partant, comme « une guerre à la subsistance » par la destruction de toute synergie positive entre les modes de production autonome et hétéronome [4]. Il a écrit largement sur les effets sociaux de la technique (ce que les techniques font et ce que les techniques disent à une société) et sur les conséquences du dépassement de certains seuils (hubris qui appelle la nemesis).
10En 1973, il décrivait dans La Convivialité le processus d’homogénéisation à l’œuvre :
« Chaque ville a son histoire et sa culture, et pourtant aujourd’hui chaque paysage urbain subit la même dégradation. Toutes les autoroutes, tous les hôpitaux, toutes les salles de classe, tous les bureaux, tous les grands ensembles et tous les supermarchés se ressemblent. Les mêmes outils produisent les mêmes effets […]. À moins de réoutiller la société nous n’échapperons pas à la progressive homogénéisation de tous, au déracinement culturel et à la standardisation des relations personnelles » [Illich, 2004 (1973), p. 477, mes italiques].
12Plus tard, en 1988, dans son Histoire des besoins, Illich décrivait un monde encombré par le développement :
« Où que vous voyagiez, le paysage est reconnaissable partout à travers le monde encombré, ce ne sont que tours de refroidissement et parkings, agrobusiness et mégapoles. Mais maintenant que le développement touche à sa fin – la Terre n’était pas la bonne planète pour ce genre de construction –, les projets de croissance s’effondrent rapidement en ruines et en détritus au milieu desquels il nous faut apprendre à vivre » [Illich, 2004 (1988), p. 71].
14Si le développement est une guerre à la subsistance, l’urbanisation totalisante constitue une arme primordiale de cette guerre. Que signifie apprendre à vivre au milieu des ruines et des détritus des projets de croissance qui s’effondrent, selon un regard illichien ? Illich dénonçait la destruction de la société par le méga-outillage, et il proposait une méthode pour repérer la perversion de l’outil devenu à lui-même sa propre fin, pour favoriser l’émergence d’un « art de vivre contemporain » [Cayley, 1996, p. 245] dans lequel les hommes retrouvent « la joie de la sobriété et de l’austérité en réapprenant à dépendre de l’autre au lieu de se faire l’esclave de l’énergie et de la bureaucratie toute-puissante » [Illich, 2004 (1973), p. 474-475].
15Avec l’équité et l’autonomie créatrice de l’homme comme valeurs fondamentales, Illich propose un renversement des institutions pour parvenir à une conscience nouvelle de la propriété définie comme un bien véritablement public dans une société sans classes. C’est le paradigme de la convivialité illichienne.
16Illich ne propose pas d’utopie normative mais des procédures qui permettent à chaque communauté de choisir son utopie réalisable, encourageant une diversité de modes de vie dans le cadre de « nouvelles formes de participation politique » tenant « davantage de la mémoire, c’est-à-dire de l’héritage du passé, ou de l’invention, c’est-à-dire d’une création à nouveaux frais », car « la convivialité est multiforme » [ibid.].
17Convivialité : le mot est dans l’air du temps. Utilisé de nos jours avec une certaine légèreté, d’une manière parfois même banale, il vaut tout autant pour dénommer quelque chose de vaguement amical, une certaine ambiance où il fait bon vivre, que pour décrire des appareils techniques prétendument faciles à utiliser. Cependant la convivialité, telle qu’Illich la définit dans son ouvrage éponyme, est tout sauf un concept flou, et ses implications et les notions qui lui sont attachées nous fournissent des clés de compréhension du processus d’urbanisation totalisante à l’œuvre aussi bien que des leviers d’action pour des communautés ici ou là dans le monde. En somme, une méthode pour nourrir la réflexion sur ce que pourrait être ou devrait être une « ville convivialiste », le sujet qui nous convoque aujourd’hui.
Comment cette convivialité se traduit-elle dans l’espace habité ?
Maîtriser l’outil pour sortir de l’hubris urbaine : faire vs acheter
18Illich établit une distinction entre l’art d’habiter et le garage humain, le transit autonome et les transports contraignants, l’eau onirique qui anime l’imagination bachelardienne et l’H2O qui circule dans les tuyaux. Il établit une distinction entre les lieux vécus et l’espace économique abstrait. Il dénonce le véhicule surpuissant qui engendre lui-même la distance qui aliène et il souligne comment les notions contemporaines d’espace privé et d’espace public ne remplacent pas mais détruisent la distinction traditionnelle entre le chez-soi et les communaux [5] (commons) au-delà de la porte du foyer. Il dépeint ainsi l’hubris urbaine, puisque pour Illich « conviviale est la société où l’homme contrôle l’outil » [ibid., p. 456].
19Cette première condition de la convivialité dévoile une des fausses pistes de l’analyse urbaine contemporaine : Smart City, à savoir le désir et l’espoir d’une progression illimitée de l’incidence des techniques sur nos vies qui médiatisent et conditionnent la capacité de décision des individus et des collectivités car, comme l’explique Éric Sadin dans L’Intelligence artificielle ou l’Enjeu du siècle [2018, p. 43], les techniques ne se bornent déjà plus à informer mais, devenant prescriptives, elles sont vouées à orienter nos décisions, ce qui contrarie toute convivialité possible. Dans les mots d’Illich :
« En ce nouvel âge […] l’humain type est un individu qui, cueilli par une des tentacules du système social, a été avalé par lui. Comment prendrait-il encore part à l’avènement d’aucun espoir ? » [Illich et Cayley, 2007, p. 220].
21Une deuxième clé de lecture nous est fournie par Illich dans la mise en lumière du monopole de l’hétéronomie par rapport à l’autonomie, la substitution des valeurs d’usage par des valeurs d’échange, la transformation en services de toutes les activités humaines originaires et leur inscription subséquente dans la sphère économique. Définies dans le langage vernaculaire par des verbes : aller et venir, apprendre, se soigner, bâtir sa maison, de telles activités deviennent des concepts abstraits : le transport et les mobilités, la santé, l’éducation, le logement, des « besoins définis culturellement » [Illich, 2005 (1984), p. 757], institutionnalisés, transformés en ressources et affectés de rareté, si bien que les gens sont expropriés de leur capacité d’agir, de leurs nécessités et de leurs pouvoirs – sans parler des besoins incroyables d’argent qui s’ensuivent.
22Dans une grande ville, affirme Illich, « un enfant des rues n’y touche jamais rien qui n’ait été scientifiquement conçu, réalisé et vendu à quelqu’un » [Illich, 2004 (1971), p. 338]. Il n’y a pas très longtemps, dans les villes occidentales, nous pouvions encore voir coudre et tricoter, fabriquer des meubles, du beurre, des saucissons, des éléments de construction (portes et fenêtres, carrelages…), monter et démonter des voitures ou des appareils électroménagers, élever des poules et se régaler avec. Aujourd’hui, quels objets parmi ceux qui nous entourent au quotidien avons-nous effectivement vu fabriquer ? (Et la deuxième question est évidemment : d’où viennent-ils ? Dans un supermarché du petit pays au sol fertile et riche en eau mais sans pétrole de l’Uruguay, le maïs en boîte venait de Thaïlande et les haricots verts de France !).
23Dans la ville conviviale, les outils, les institutions et les lieux sont adaptés à l’action individuelle et collective en tenant compte du fait que « la productivité se conjugue en termes d’avoir, la convivialité en termes d’être » [Illich, 1973, p. 483].
La révolution par la gratuité et la common decency orwellienne
24La perte de la gratuité est pour Illich une conséquence de l’instrumentalité qui intensifie les notions de dessein et de but. Marcel Mauss, puis l’équipe d’Alain Caillé, ont montré qu’il y a une donation première dans la fondation de toute société qui fait tenir les hommes ensemble. De son côté, le politologue Paul Ariès, définissant la gratuité comme l’« interdit structurel de l’hypercapitalisme », proclame l’objectif d’« agiter l’idée de la gratuité pour bousculer la vie politique [6] » et restaurer ainsi la fragilité et le malaise civilisationnel causés par l’évacuation du principe du don.
25Par ailleurs, si nous acceptons la thèse d’Edward P. Thompson qui soutenait que l’économie est une science morale, la réintroduction de la notion de Bien pourrait aboutir à un contrôle collectif sur les conditions de la rareté, ce en quoi était fort compétente la culture vernaculaire [7] : c’est ce qu’Orwell appelait la common decency. Jean-Claude Michéa postule que les premiers travailleurs socialistes ont essayé « de protéger […] un certain nombre de formes d’existence communautaire (aussi bien urbaines que rurales) dont ils ont perçu intuitivement […] qu’elles constituaient l’horizon culturel indépassable de toute vie humaine digne de ce nom, […] – un monde commun selon l’expression d’Hannah Arendt – » [Michéa, 2006 (2002), p. 48-49] et qui continuent d’animer la vie des hommes ordinaires, ce qui explique, suivant toujours Marcel Mauss et ses continuateurs, « pourquoi et comment de vastes secteurs de l’humanité continuent de mener une vie réelle » [ibid., p. 38-39].
26Pour le formuler en des termes illichiens, cela signifie que le champ des possibles (tout ce qui fonctionne encore dans nos sociétés), en dépit du paradigme de la rareté et de l’accumulation de biens matériels et, en deçà, de la logique cybernétique du paradigme de l’information, peut très souvent être énoncé en termes vernaculaires. Ceci dans un contexte favorable à la confiance et donc à la solidarité pour une société « qui n’humilie pas ses citoyens », la « société décente » d’Avishai Margalit [1999 (1996)].
27En somme, la ville conviviale est une ville gratuite et décente, ouverte à la surprise, à la liberté d’aller vers son prochain, où les actes de gratuité et de don peuvent exister, libres des contraintes mais aussi de la honte que leur impose l’ethos technologique. Les essais de gratuité et partage ont toujours existé : accompagner les enfants du quartier à l’école, veiller sur les animaux ou les plantes du voisin, etc., étaient autant de pratiques vernaculaires aujourd’hui rebaptisées de manière plus moderne, en vue de les réapprendre. Désormais, le covoiturage, la banque du temps, le chemin scolaire accompagné, le couchsurfing, le home-exchange, les jardins partagés, l’échange de vêtements et de jouets des enfants, et même les TIC (les encyclopédies wiki, les blogs…) ouvrent de nouvelles possibilités et élargissent notre champ d’action. Des amitiés se tissent, et certaines habitudes qui, il y a peu, étaient réservées aux plus jeunes, s’étendent à tous les âges.
Hospitalité, (pro) socialité et survie des atmosphères
28Un lieu convivial est celui où sont à même de fleurir les conditions de l’hospitalité et de la socialité. L’hospitalité, opposée à l’hospitalisation industrialiste de l’espace par classes, par fonctions et par catégories, nous parle d’affirmation de sa propre identité fondée sur un profond respect de l’Autre et en accord avec un pluralisme radical [Esteva, 2000]. Les limites cessent de se présenter comme l’occasion de mesurer sa force. Elles apparaissent plutôt comme des conditions de possibilité du plus humain des gestes, celui de recevoir ou de donner, refuge de l’« accueil bienveillant » [Garrigós, 2002, p. 113-114]. La notion de seuil y retrouve toute sa signification.
29La (pro) socialité favorise « l’ensemble des comportements sociaux observables orientés vers le bénéfice d’autrui ou le partage de coûts et de bénéfices avec autrui » [Bouchard et al., 2006] pouvant intégrer l’altruisme et la réciprocité, comme ces relations fondées sur des rapports de confiance qu’Alain Caillé nomme « socialité primaire ». Pour Michel de Certeau [2002 (1990)], il s’agit « d’exhumer les formes subreptices que prend la créativité dispersée, tactique et bricoleuse des groupes ou des individus », que ce soit à travers des projets de dynamisation communautaire, d’activités de voisinage, de jeu, d’entraide ou de partage. Ces actions partagées, nouvelles ou recouvrées (déjeuners dans un parc, promenades littéraires, guerrilla gardening…) domestiquent l’espace, transformé de manière éphémère et collective en un lieu de vie où se tissent des liens nouveaux. Ces relations permettent en même temps de percevoir d’une autre manière les espaces de la ville, de repérer les lieux marqués par l’échec, l’abandon ou l’oubli, de parler de dialogue mais aussi de conflit.
30La survie des atmosphères d’amitié qui caractérisent un lieu unique, habité, vécu, « conspiratif » (dans le sens de respirer ensemble), radicalement opposé à l’espace homogène des biens de consommation et au (non-) espace virtuel du paradigme de l’information rend possibles de telles intersubjectivités. La ville conviviale est une ville conspirative où survivent les atmosphères dans lesquelles s’incarnent l’hospitalité et la socialité.
La porosité des lieux. Vers une restitution de la « complémentarité dissymétrique » ville-campagne
31Socialité et Hospitalité fleurissent dans les lieux poreux tels que l’ont toujours été les lieux vernaculaires, « où plusieurs cultures peuvent partager le même paysage » [Illich, 2005 (1983), p. 420]. Or, cette porosité, qui est une condition de sa fertilité, ajoute une dimension commensale : le discours est celui de l’autonomie, de la souveraineté alimentaire et de la redynamisation locale, de la reterritorialisation et de la relocalisation des activités humaines, il est celui de la ville conçue depuis les champs. Lors du débat sur le thème « Urbanisme agricole. La ville par la Terre. Inventer la ville du futur à partir des champs », à l’occasion de l’exposition « Capital agricole » au Pavillon de l’Arsenal à Paris, le 24 janvier 2019, il est apparu que de nombreux projets naissent chaque jour qui replacent l’homme au cœur des interactions ville-campagne-agriculture. L’agriculture paysanne est un moyen de redonner sa dignité à la personne à travers la fierté de se nourrir et de nourrir ses voisins tout en prenant soin de l’environnement, soit une désurbanisation des cœurs et sur un retour des paysans [8]. Les propos de José Bové [2002 (1979), p. 7] dans sa préface à la réédition de l’ouvrage « Que la crise s’aggrave ! » de François Partant, insistant sur la désurbanisation des cœurs et sur un retour des paysans, et sur une agriculture « au centre de la remise en cause radicale du système productiviste » ne sont pas étrangers à cette tendance. François Partant lui-même, souligne encore José Bové, a mis l’agriculture au centre de ses réflexions et ce n’est pas pour rien que La Via Campesina est aujourd’hui le fer de lance de la contestation.
Proportionnalité, pertinence et sensualité
32Suivant son ami Leopold Kohr, Illich nous invite également à retrouver quelque chose comme une oreille perdue ou une sensibilité abandonnée, le sens de la juste mesure, de ce qui est raisonnable, approprié ou qui convient à un certain endroit, le tonos des Grecs, la forme assortie à la taille, qui résonne au sein des métiers de la ville dans la notion d’échelle : « La vérité du beau et du bon n’est pas une affaire de taille, ni même de dimension ou d’intensité, mais de proportion. » Une proportion que la mondialisation, « monstrueux désir d’un accord global », signale Illich, « risque de faire voler en éclats [9] ».
33Cette soumission à la règle de la nécessité communautaire en un lieu et à une époque donnés fait que, dans cette vision, « susceptible d’être réalisée parce que restant dans les limites, demeurant à portée » [ibid. p. 235], la proportionnalité s’oppose à la fois à l’utopie et à l’hubris (la démesure). La notion d’échelle peut se décliner sur le plan symbolique dans le concept de pertinence : qualité de ce qui est approprié, judicieux, qui convient parfaitement. Que dire de la Grande Roue et de tout son outillage, installés au centre de la place de la Concorde à Paris pour Noël : est-elle une démesure ? est-elle une disproportion ? probablement. Mais ce qui gêne avant tout, c’est le grincement du sens, très voisin de la profanation : une impertinence.
34Kohr dévoile aussi un autre aspect important du lieu. Dans Beauty & Community [1973], il prônait la « contraction urbaine » à partir d’une relocalisation géographique de nos vies personnelles et professionnelles tendant à conformer une communauté de communautés à laquelle Kohr ajoute un élément fondamental : elle doit être une communauté de belles communautés, qui fassent appel aux sens.
35Illich se préoccupait de la dévalorisation du corps et de l’expérience sensible nécessaires au déploiement du monde de la technique. Si la simulation technogène de non-réalités dans le non-lieu inhabitable de l’écran qu’Illich appelle le « show [10] » est léthargique – le rêve cybernétique de Morris Berman –, l’espace habité est alors paradigmatique du processus de passage du virtuel au réel à travers le domaine du sensible, le lieu de toutes les correspondances, pour « rester en éveil ». Cette capacité de réalisation et d’actualisation du virtuel est une des vertus majeures du lieu, une de ses puissances fondamentales (et une de ses fonctions principales à l’« ère des systèmes »).
36Recouvrer la proportionnalité pour sortir de la démesure, la pertinence pour rester dans les limites du sens et les sens pour sortir du « show », seul un projet local, vif et présent, discret, intime et beau peut le faire.
Recouvrer et faire grandir les communaux. En deçà de l’espace public
37En 1970, dans Libérer l’avenir, Illich écrivait :
« Seule une révolution culturelle et institutionnelle qui redonne à l’homme le contrôle sur son milieu peut faire cesser la violence par laquelle une minorité impose le développement d’institutions conçues pour servir son propre intérêt » [Illich, 2004 (1970), p. 201-202].
39Et plus tard :
« Cette révolution doit tourner autour du recouvrement des communaux » [Illich, 2004 (1971), p. 287].
41Le « recouvrement des communaux », dont la disparition est une des caractéristiques de la modernité et la raison de la mesure dans laquelle notre monde est devenu à ce point inhabitable, est un enjeu environnemental, économique et social. C’est tout autant le recouvrement du sens commun que celui des espaces physiques et symboliques de la vie communautaire. Dans le contexte de la transformation des lieux en espace et de l’espace en matière par la société industrielle et des pulsions de virtualité qui émergent à l’« ère des systèmes », ce recouvrement excède le cadre du droit traditionnel qui régissait les terrains communaux [11] pour s’ouvrir à un champ beaucoup plus vaste et certainement plus suggestif : celui de la reconstruction d’une éthique à partir de l’interrogation sur ce qui reste du lot commun mais aussi sur ce qu’on peut y recréer dans chaque communauté, dans chaque ethos, pour reprendre la parole qui crée un lieu.
42Or la définition des communaux comme « l’inverse d’une ressource économique » fait que le concept chez Illich est forcément étendu. Il y inclut les rites, les mythes, les rêves et les savoirs, le silence nécessaire à la parole et la parole même. Une conception étendue des communaux conçus comme « l’ordinaire culturel traditionnel » d’une société [Illich, 2004 (1988), p. 93] pourrait, au-delà de son sens premier (l’art d’habiter et la subsistance), s’élargir au recouvrement par les gens ordinaires des Biens délégués ou expropriés. Le débat sur le sens de ce que nous allons faire dorénavant dans tous les domaines et dans quelles conditions, dans un nouvel engagement communautaire qui servirait de vaccin contre tous les privilèges, redonne à la polis son sens.
43Si, suivant François Partant, on peut parfaitement concevoir qu’une véritable démocratie limite certains droits et certaines libertés, la notion de communaux pourrait être à la base de l’articulation des issues politiques permettant de définir les limites de tolérance admissibles à l’intérieur de chaque communauté, la cohérence des libertés et des limitations qu’une communauté est disposée à se donner, par des proscriptions et jamais par des prescriptions, car la convivialité est multiforme. Mais Illich attire l’attention sur l’urgence de l’action, car « si les communaux peuvent exister sans police, les ressources ne le peuvent pas […], et une fois que cette défense leur est acquise, les recouvrer en tant que communaux devient de plus en plus difficile » [Illich, 2005 (1982a), p. 754].
44Les communaux sont un substrat fertile de pratiques démocratiques et sociales complexes où s’incarnent l’hospitalité, la socialité, l’amitié et la célébration. Entendus comme « l’inverse d’une ressource économique », les communaux sont les lieux conspiratifs où s’incarnent les pratiques vernaculaires qui limitent et la démesure et la rareté. À l’« ère des systèmes », les communaux sont les lieux où s’incarne la virtualité, se redécouvre la parole et se tisse chaque jour un nouveau contexte. Définis librement par chaque ethos, par chaque communauté en fonction de sa norme éthique propre, les communaux sont un projet ouvert : la base poreuse d’une société conviviale.
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Soyons vivants et célébrons
47Ivan Illich, de même que Jacques Ellul, François Partant et tant d’autres, est l’un des inspirateurs des mouvements après-développementalistes qui mettent en cause le productivisme, dénoncent les idéologies du progrès, du développement ou de la croissance, ainsi que les fausses pistes (l’État comme solution, la technique comme réponse aux problèmes qu’elle engendre…), et proposent une action par les gens eux-mêmes, ancrée dans le territoire. L’objectif est de créer un milieu, un environnement, un projet qui rendra possible la reconnaissance du visage de l’autre.
48Parier sur un « avenir convivial » signifie, pour Illich, « énoncer de manière politiquement efficace le recouvrement de la variété vernaculaire face aux prémisses homogénéisantes de la rareté systémique, un avenir dans lequel l’intensité de l’action l’emporterait sur la production » [2004 (1971), p. 287]. Les valeurs d’usage et d’échange, les modes de production autonome et hétéronome agiraient en synergie positive : l’avenir serait centré sur les capacités de l’acte productif personnel du don.
49En conséquence, que l’on parle du recouvrement de la rue telle que la voulait Jane Jacobs [1961] ou d’art urbain, d’Amap [12] ou de lectures en ville, de coopératives d’habitants ou de cohabitation intergénérationnelle, de cycle advocacy ou d’humanisation des HLM, la ville conviviale ne peut pas être décrite en termes de plan stratégique ou de projet mais plutôt d’atmosphère. Elle est éducatrice car elle favorise l’accès aux connaissances, l’enfantement de la conscience et la rencontre de l’autre. Elle est issue d’une transformation des cœurs, d’un projet non utilitariste, de l’expression d’une ascèse, d’une incarnation de l’amitié. Ce n’est pas un projet romantique ou sentimental, contre lequel Illich nous invite à résister, mais un projet hédoniste : une invitation à célébrer notre « être au monde ». Alors, « soyons vivants et célébrons » [Illich in Cayley, 1996, p. 350] !
Références bibliographiques
- Bouchard Caroline et al., 2006, « Différences garçons-filles en matière de prosocialité », Enfance, 58 (4). <www.cairn.info/revue-enfance-2006-4-page-377.htm>. Source : bpr/barcelona, Prosocialidad. Cohesionar la ciudad con algo más que infraestructuras, </www.laciudadviva.org /blogs/?p=10929>.
- Bové José, 2002 (1979), « Préface », in Partant François, Que la crise s’aggrave !, Parangon, Paris.
- Castells Manuel, 2004, UOC Doctoral Seminar : Interdisciplinar Analysis of the Information Society, UOC, Universitat Oberta de Catalunya, Barcelona.
- Cayley David, 1996, Entretiens avec Ivan Illich, Bellarmin, Québec.
- Certeau Michel de, 2002 (1990), L’Invention du quotidien. I. Arts de faire, Gallimard/Folio, Paris.
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- Garrigós Alfons, 2002, « Hospitality Cannot Be a Challenge », in Hoinacki Lee, Mitcham Carl, 2002, The Challenges of Ivan Illich, State University of New York Press, New York.
- Illich Ivan, 2005 (1984), « L’art d’habiter », Œuvres complètes. II. Dans le miroir du passé, Fayard, Paris.
- — 2005 (1983), « Le genre vernaculaire », Œuvres complètes. II, Fayard, Paris.
- — 2005 (1982a), « Le silence fait partie des communaux », Œuvres complètes. II. Dans le miroir du passé, Fayard, Paris.
- — 2005 (1982b), « Dans le miroir du passé », Œuvres complètes. II, Fayard, Paris.
- — 2005 (1979), « Les trois dimensions du choix public », Œuvres complètes. II. Dans le miroir du passé, Fayard, Paris.
- — 2004 (1994), « La sagesse de Leopold Kohr », La Perte des sens, Fayard, Paris.
- — 2004 (1993), « Surveiller son regard à l’âge du show », La Perte des sens, Fayard, Paris.
- — 2004 (1988), « L’Histoire des besoins »,La Perte des sens, Fayard, Paris.
- — 2004 (1971), « Une Société sans école »,Œuvres complètes. I, Fayard, Paris.
- — 2004 (1970), « Libérer l’avenir », Œuvres complètes. I, Fayard, Paris.
- — 1973, La Convivialité, traduit de l’anglais par Ivan Illich, Luce Giard et Vincent Bardet, Seuil, Paris (1re éd. : 1973, Tools for Conviviality, Harper & Row, New York).
- Illich Ivan, Cayley David, 2007, La corruption du meilleur engendre le pire, Actes Sud, Arles.
- Jacobs Jane, 1961, The Death and Life of Great American Cities, Random House, New York (trad. fr., Déclin et survie des grandes villes américaines, avec une postface de Thierry Paquot, Parenthèses, Marseille, 2012).
- Kohr Leopold, 1973, « Beauty and Community », The San Juan Review, <www.iongroup.com/blog/beauty-community-by-leopold-kohr/>, juin 1973.
- Maalouf Amin, 2009, Le Dérèglement du monde. Quand nos civilisations s’épuisent, Grasset, Paris.
- Margalit Avishai, 1999 (1996), La Société décente, Climats, Castelnau-le-Lez.
- Michéa Jean-Claude, 2006 (2002), Impasse Adam Smith. Brèves remarques sur l’impossibilité de dépasser le capitalisme sur sa gauche, Climats/Flammarion, Paris.
- Pérez-Vitoria Silvia, 2015, Manifeste pour un xxe siècle paysan, Actes Sud, Arles.
- — 2010, La Riposte des paysans, Actes Sud, Arles.
- — 2005, Les Paysans sont de retour, Actes Sud, Arles.
- Sadin Éric, 2018, L’Intelligence artificielle ou l’Enjeu du siècle. Anatomie d’un antihumanisme radical, L’échappée, Paris.
- Sassen Saskia, 1991, The Global City. New York, London, Tokyo, Princeton University Press, Princeton.
Notes
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[1]
Architecte, docteure en urbanisme et aménagement du territoire de l’université de Paris-Est, professeure de soutenabilité à l’Universitat Oberta de Catalunya (UOC) (Barcelone) et membre de l’association d’études d’après-développement « La ligne d’horizon-Les amis de François Partant ». Pour approfondir les sujets traités ici, je renvoie à mon livre Ivan Illich. Pour une ville conviviale, publié en 2018 aux éditions Le Bord de l’eau.
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[2]
ONU-UNFPA, Fonds des Nations unies pour la population, « État de la population mondiale 2007. Libérer le potentiel de la croissance urbaine » : « D’ici 2030, les villes du monde en développement, grandes et petites, abriteront 81 % de la population urbaine de la planète. La plupart des nouveaux citadins seront pauvres. » Quand l’ONU dit « pauvres », il faut comprendre, avec Majid Rahnema, « misérables ».
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[3]
La contre-productivité est définie par Ivan Illich comme la perversion de l’outil devenu sa propre fin et dont les effets, au-delà d’un seuil, sont opposés à ceux qu’il prétendait obtenir. Ce concept a été amorcé dans La Convivialité (1973) et développé en profondeur, avec la collaboration de Jean-Pierre Dupuy, dans Némésis médicale (1975) où les deux auteurs précisent les trois niveaux de contre-productivité : technique, sociale et structurelle.
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[4]
Dès les années 1960-1970, il devint évident que le développement, mis en œuvre après le discours d’investiture au deuxième mandat du président des États-Unis Harry S. Truman, le 20 janvier 1949, était une nouvelle forme de colonialisme.
-
[5]
« Les communaux étaient ces parties de l’environnement sur lesquelles tous les habitants d’une commune avaient des droits d’usage acquis, non pour en tirer des produits monnayables mais pour assurer la subsistance familiale. Les communaux étaient utilisées de façon différente par les différents groupes au sein d’une communauté pour assurer leur subsistance. Le droit coutumier garantissait leur jouissance et imposait des formes spécifiques de respect communautaire » [Illich, 2005 (1982b), p. 749].
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[6]
Voir les actes du colloque « Viv(r)e la gratuité », édition de la communauté d’agglomération les Lacs de l’Essonne avec Le Sarkophage, <http://carfree.free.fr/index.php/2011/05/06/vivre-la-gratuite/>, novembre 2010.
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[7]
Wolfgang Sachs dit que « l’art des cultures paysannes consistait à rendre aimables les limites ».
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[8]
Voir également la magnifique trilogie de Silvia Pérez-Vitoria [2005 ; 2010 ; 2015].
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[9]
Illich [2004 (1994), respectivement p. 234, 247, 239].
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[10]
Illich [2004 (1993)].
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[11]
Dans Communitas, Roberto Esposito rappelle que le mot « communaux » (« commons »), qui remonte au Moyen Âge, dérive du latin « munus », « qui désigne un élément essentiel de la séquence du don, telle que l’analysent Mauss et Benveniste » [Michéa, 2002, p. 77]. Illich les analyse en profondeur dans Le Genre vernaculaire [2005 (1983)], dans L’Art d’habiter [2005 (1984)] et dans « Le silence fait partie des communaux » [2005 (1982a)].
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[12]
Association pour le maintien d’une agriculture paysanne, <www.reseau-amap.org/>.