Notes
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[1]
Depuis 2011, près de cinq mille combattants européens auraient intégré des phalanges djihadistes, telles qu’Al Qaïda et l’État islamique en Syrie et en Irak.
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[2]
« Que nous apprennent les témoignages de djihadistes français “repentis” ? », Les Échos, 21 novembre 2015.
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[3]
La littérature sur la radicalisation islamique donne ainsi l’impression que « tout a été dit sur le sujet ». Les chercheurs se seraient engagés dans une « quête sans fin des causes de la violence ». Voir Isabelle Sommier [2012].
-
[4]
Michel Wieviorka [2015]. En langue anglaise, citons l’ouvrage d’Omar Ashour [2009], The De-radicalization of Jihadists. Transforming Armed Islamist Movements.
-
[5]
Voir à titre d’exemple les travaux d’Isabelle Sommier [2013].
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[6]
Voir également Olivier Fillieule [2012].
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[7]
Typologie reprise à Caroline Gachet. Voir son article, « Quitter le milieu évangélique » [Gachet, 2014]. On peut retrouver une typologie similaire dans l’ouvrage d’Omar Ashour [2009].
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[8]
Idée empruntée à Catherine Leclerc, voir son article, « Raisons de sortir. Le désengagement des militants du PCF » [Leclerc, 2005].
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[9]
Entretiens réalisés avec les auteurs.
- [10]
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[11]
Cette lecture semble être partagée par la justice belge qui semble être plus clémente que la justice française lorsqu’il s’agit de condamner des djihadistes de retour.
-
[12]
En décembre 2016, le Niger décide de mettre une politique d’amnistie pour les déserteurs de Boko Haram. Toutes proportions gardées, ces politiques d’amnistie ne sont pas sans rappeller la « doctrine Mitterrand », engagement verbal pris en 1985 de ne pas expulser vers l’Italie les militants des Brigades rouges ayant pris leur distance avec la violence politique. Cette politique a permis en partie de « siphonner » l’extrême gauche italienne.
-
[13]
Entretiens avec l’auteur.
- [14]
- [15]
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[16]
Farid Benyettou est considéré comme le cerveau de la filière des Buttes-Chaumont. Il aurait incité de nombreux jeunes à rejoindre les djihadistes irakiens en 2004. Il aurait été le mentor de Cherif Kouachi, l’un des auteurs de l’attentat contre Charlie Hebdo et proche de Dalil Boubakeur. Voir son ouvrage, coécrit avec Dounia Bouzar [Benyettou et Bouzar, 2017].
-
[17]
David Vallat a, dans les années 1990, rejoint les djihadistes en Bosnie avant d’intégrer le Groupe islamique armé algérien. Voir son ouvrage, Terreur de jeunesse [Vallat, 2016].
-
[18]
Observations réalisées en janvier et février 2016.
-
[19]
Entretien avec Antoine Mégie.
-
[20]
Thèse défendue par Robert Putnam [1994].
- [21]
-
[22]
Fondé par Fouad Belgacem, cette organisation entretenait des liens avec d’autres structures européennes (Sharia4UK, Sharia4Spain…). Prônant l’agit-prop et l’action directe, cette association aujourd’hui dissoute aurait envoyé sous sa houlette près de soixante-dix Belges sur les quatre cent cinquante partis en Syrie.
« Je crois que même les terroristes les plus chevronnés ignorent vraiment ce qu’il leur arrive. Et ça peut arriver à n’importe qui. Un déclic quelque part dans le subconscient, et c’est parti. […] À partir de là, tu ne peux plus faire marche arrière. […] T’es rien d’autre que l’instrument de tes propres frustrations. Pour toi, la vie, la mort, c’est du pareil au même. […] Tu attends juste le moment de franchir le pas. La seule façon de rattraper ce que tu as perdu ou de rectifier ce que tu as raté, en deux mots, la seule façon de t’offrir une légende, c’est de finir en beauté ».
1 Bien que les organisations prônant le djihad continuent à attirer dans leur sillage de nombreuses personnes, notamment d’Europe [1], leur capacité de recrutement ne doit pas masquer les difficultés qu’elles rencontrent actuellement. Face aux revers militaires de l’organisation du calife al-Baghdadi, les experts ont ainsi noté non seulement un tassement des départs vers les zones contrôlées par l’État islamique, mais également une difficulté à maintenir ses membres au sein de l’organisation. Force est de constater que nombre de ses partisans ont décidé de déserter, abandonnant la lutte armée.
2 Ce phénomène est confirmé par une étude du King’s College mené par Peter Neumann qui affirme qu’entre 20 % et 30 % des djihadistes décident de revenir dans leur pays d’origine. Le rapport s’appuie sur le témoignage de cinquante-huit « déserteurs » de l’État islamique, dont neuf originaires d’Europe occidentale et d’Australie, à avoir publiquement mis en récit les motivations de leur départ [Neumann, 2015]. En France, selon un rapport de la direction des affaires criminelles, plus de deux cents individus seraient revenus de Syrie et d’Irak [2]. Ce phénomène de défection djihadiste n’est pas nouveau. Il était déjà observable durant les années 1970-1990 au sein des groupes islamiques armés en Algérie (GIA, Armée islamique du salut-AIS, Groupe salafiste de prédication et de combat) [voir Martinez, 1998], au Maroc (la Shabiba islâmiyya) [Amghar et Boubekeur, 2006], ou en Égypte par exemple (le djihad islamique et la Gamâ’a islâmiyya) [Kepel, 1984].
3 S’il existe une abondante littérature sur les facteurs expliquant les processus de radicalisation [3], rares sont les productions scientifiques en langue française qui se posent la question de savoir pourquoi et comment les groupes terroristes d’inspiration islamique sortent de l’action violente [4]. Cette dimension constitue un angle mort des recherches menées sur la violence politique, alors qu’elle se pose depuis des années dans les organisations terroristes (groupuscules d’extrême droite, organisations d’extrême gauche, mouvements séparatistes, etc. [5]). Ainsi, travailler sur la désaffiliation djihadiste offre une perspective intéressante en interrogeant de « manière inversée » la violence islamique elle-même. Pour reprendre Olivier Fillieule, l’étude du processus de défection dans les milieux djihadistes permet de comprendre en creux les conditions du basculement dans la radicalisation violente [6]. Pour cet auteur, « le désengagement militant est un révélateur des conditions de possibilité de l’engagement lui-même ou, plus exactement, un révélateur du tarissement de ses conditions. Et ce aux niveaux individuel et organisationnel » [Fillieule, 2005].
4 De plus, analyser la radicalisation islamique à travers une perspective dynamique et évolutive, c’est se départir de la définition essentialiste émanant des djihadistes eux-mêmes sur le caractère intemporel et universel de leur engagement, et ainsi éviter de figer d’anciens djihadistes dans des postures idéologiques et organiques qui ne sont plus forcément les leurs.
5 Souvent réduits à une « déradicalisation », les processus de sortie des logiques djihadistes, que nous nommerons par le terme de désaffiliation, sont complexes. Dès, lors, la désaffiliation peut être volontaire ou forcée, individuelle ou collective, brutale ou lente [Sommier, 2013]. Elle peut être subie individuellement à la suite d’une arrestation ou d’une condamnation ou imposée collectivement par l’organisation djihadiste [ibid.]. Elle renvoie à des réalités qui, même si elles se recoupent, sont différentes.
6 Lorsque l’individu décide de ne plus participer aux activités du groupe djihadiste, nous utiliserons la notion de désengagement (dimension comportementale de la désaffiliation). Lorsqu’il ne veut plus s’identifier au groupe, c’est le terme de désidentification qui sera mobilisé (dimension organisationnelle de la désaffiliation). Enfin, une désaffiliation sera qualifiée de « déradicalisation » quand l’individu ne veut plus adhérer au système de valeurs prôné par le djihad (dimension cognitive de la désaffiliation) [7].
7 Parce que les désaffiliations ont un caractère processuel, il ne s’agit pas d’identifier son élément déclencheur mais plutôt de montrer que son origine provient d’une imbrication de plusieurs variables qui viennent expliquer l’« équation de la désaffiliation » [Sommier, 2012]. L’hypothèse serait que les raisons de sortie sont le produit d’un « désenchantement djihadiste » se caractérisant par un désajustement entre les aspirations individuelles et leurs possibilités de réalisation au sein des mouvements djihadistes [Leclerc, 2005]. Un fossé se creuse entre les injonctions de l’organisation et ses propres inspirations. La satisfaction personnelle retirée de l’engagement diminue, conduisant ainsi à une défection [8]. Dans les processus de la désaffiliation, l’individu prend conscience que quelque chose ne lui convient pas ou plus. Au regard des premiers témoignages que nous avons pu récolter de « repentis » djihadistes français et belges, ces premiers doutes et remises en question quant à l’engagement doivent être analysés comme les déclencheurs de la désaffiliation. Il s’agit de facteurs à la fois macrosociologiques et microsociologiques qui conduisent l’individu à prendre conscience que quelque chose ne lui convient plus dans son engagement violent. Cela peut provenir d’un sentiment de décalage avec les valeurs et l’environnement djihadiste, de contingences politiques et/ou idéologiques, des conditions de vie, d’une réflexion personnelle ou encore de contingences extérieures au groupe, liées par exemple à des pressions communautaires mal vécues.
Facteurs idéologiques et politiques de la désaffiliation djihadiste
Involutions et aggiornamentos idéologiques
8 La désaffiliation djihadiste a pour point de départ « le déclin des justifications idéologiques et instrumentales de la violence » [Sommier, 2013], dans le « revirement » doctrinal de références intellectuelles qui justifiaient jusqu’alors l’engagement au sein des organisations prônant le djihad armé. En Algérie, nombre de membres des Groupes islamiques armés et de l’Armée islamique du salut affirment que leur décision de déposer les armes a trouvé son origine dans la diffusion, par des théologiens d’Arabie Saoudite, de fatwas appelant à cesser de combattre [9]. Sous l’impulsion de prédicateurs algériens d’obédience salafiste et proches d’Alger, comme les cheikhs algériens Abdelmalik Ramadani et Mohamed Ali Ferkous, des théologiens saoudiens ont publié des avis religieux reprochant à l’Armée islamique du salut et aux Groupes islamiques armés le caractère non islamique du combat qui les opposait au gouvernement algérien de l’époque. Ces condamnations ont achevé de consommer la rupture entre les djihadistes algériens et les clercs de la péninsule Arabique, qui constituaient pourtant des références doctrinales de premier ordre pour les combattants algériens [Ramdani, 1422]. Les prises de position de ces théologiens à l’encontre de l’islamisme et du terrorisme ont incité les gouvernements algérien et saoudien à favoriser le développement du courant salafiste piétiste. Encore aujourd’hui, le courant quiétiste du salafisme est mobilisé pour contrer l’influence du djihadisme. Pour s’en convaincre, il suffit de se rendre sur les sites salafistes qui multiplient les mises en garde contre les actions menées par l’État islamique, dont les membres sont qualifiés de « chiens de l’Enfer ».
9 Si, en Algérie, il a fallu faire appel à des références religieuses saoudiennes pour inciter à la défection, en Égypte ce sont des responsables appartenant à la mouvance djihadiste qui ont donné un cadre religieux à l’abandon de la lutte armée. En effet, le rejet du djihad de certains militants d’Al Qaïda, le cessez-le-feu du Jihad islamique et de la Gamâ’a islâmiyya, signé à la fin des années 1990, se sont produits à la suite, notamment, de la parution de l’ouvrage de la référence intellectuelle de l’organisation d’Oussama Ben Laden, Imam al-Sharif, plus connu sous le nom de docteur Fadl. Ce compagnon de route d’Oussama Ben Laden et d’Aymen al-Zawahiri, s’il est méconnu, n’en demeure pas moins l’un des fondateurs d’Al Qaïda, en 1988, et le chef de l’organisation djihadiste, le Jihad islamique en Égypte qui a commis de nombreux attentats durant la décennie 1990. Après le 11 septembre 2001, il est arrêté au Yemen et transféré en Égypte où il est condamné à la prison à perpétuité. Lors de son incarcération, il écrit un ouvrage de plus de deux cents pages Wathiqat tarshîd al-‘aml al-jihadî fî-l Misr (Document d’orientation sur l’activité djihadiste dans le monde et en Égypte), dans lequel il estime que l’assassinat d’innocents s’oppose aux valeurs islamiques. Il affirme : « Chaque goutte de sang qui a été versée ou est versée en Afghanistan et en Irak est la responsabilité de Ben Laden, Zawahiri et leurs partisans », ajoutant : « Les attentats terroristes du 11 septembre [2001] sont immoraux, et ils se sont révélés contre-productifs. Attaquer les États-Unis de front est désormais le chemin le plus court menant à la gloire et au pouvoir chez les Arabes et les musulmans. Mais quel intérêt y a-t-il à détruire un des édifices de votre ennemi si celui-ci anéantit ensuite un de vos pays ? Quel intérêt y a-t-il à tuer l’un des siens si, en retour, il élimine un millier des vôtres ? Voilà, en bref, quelle est mon analyse du 11 septembre. » Il se montre tout aussi critique à l’égard des musulmans qui s’installent en Occident, puis commettent des actes terroristes. « S’ils vous ont donné la permission d’entrer chez eux, de vivre avec eux, s’ils vous ont apporté la sécurité, à vous et à votre argent, s’ils vous ont offert la possibilité de travailler ou d’étudier, ou vous ont accordé l’asile politique », explique le docteur Fadl, « alors il est “contraire à l’honneur” de “les trahir par la mort et la destruction” [10]. »
10 Ces retournements idéologiques s’accompagnent d’un changement dans la manière dont les militants vont percevoir leur lutte armée. Après avoir été des « combattants de la liberté et de la justice divine » s’opposant au taghût (idolâtrie), ils deviennent des terroristes. Cette transformation diminue à n’en pas douter la rétribution symbolique de leurs engagements : ils ne sont plus dorénavant les acteurs d’une volonté divine [Sommier, 2013]. Ces revirements doctrinaux, outre le fait qu’ils délégitiment religieusement le recours à la violence, prennent également l’aspect d’un bilan critique du djihad. Ils s’appuient sur l’idée que la violence seule ne paie pas, bien au contraire, celle-ci peut être contre-productive au regard de l’objectif initial de renverser le pouvoir impie et de créer un État islamique.
Les effets des politiques publiques
11 Pour expliquer les processus d’exit, il est certes important de mettre en avant les justifications religieuses visant à délégitimer le djihad, mais il convient également de souligner le rôle des stratégies étatiques visant à rendre plus coûteux et moins justifié le recours à l’action armée [Sommier, 2012]. Les recherches sur les effets des politiques publiques, qu’elles soient répressives ou préventives, tendent à montrer le caractère ambivalent de leurs conséquences [ibid.]. Pour les tenants des différentes versions de la théorie de la frustration, la répression tend à radicaliser les contestataires et donc à freiner, voire empêcher, leur désengagement [11]. Pour les tenants de la théorie de la mobilisation des ressources, ces politiques auraient un effet démobilisateur et incitatif au désengagement, en raison du déséquilibre entre coûts, risques et avantages de l’action violente [ibid.]. Stephen Mullin estime que les politiques d’amnistie et de réhabilitation de djihadistes incarcérés ont un effet sur leur rapport à la radicalité [12]. Exemples à l’appui, il montre que la libération de djihadistes a conduit ses derniers à abandonner la lutte armée [Mullin, 2010]. En effet, les politiques d’amnistie menées en Algérie ont contribué aux démobilisations djihadistes. En 1999, deux mois après l’élection du président Abdelaziz Bouteflika, l’Armée islamique du salut proclamait un cessez-le-feu unilatéral à la suite de négociations avec le pouvoir, suivi le mois d’après du pardon accordé lors de la fête de l’Indépendance par le président Bouteflika à deux mille trois cents militants islamistes emprisonnés. Dans le même temps, le président algérien défendait devant le Parlement sa loi de « réconciliation nationale » accordant l’amnistie aux membres et sympathisants de l’AIS. Cette loi, adoptée à une écrasante majorité dans les deux chambres (288 votes « pour » sur 380 à l’Assemblée nationale et 131 votes « pour » sur 150 au Conseil de la Nation), a été entérinée par référendum le 16 septembre 1999, et plusieurs milliers de prisonniers supplémentaires ont été rapidement libérés. Objectivement, cette politique a incité de nombreux djihadistes à déposer les armes, convaincus qu’ils ne seraient plus inquiétés par la justice algérienne [13].
12 Au Maroc, les principaux idéologues du courant djihadiste, qui ont été condamnés à trente ans de prison pour avoir été les cerveaux des attentats du 16 mai 2003 à Casablanca, ont quasiment tous été libérés au bout de quelques années. Cette libération anticipée, décidée par le pouvoir, a été négociée entre la monarchie marocaine et les doctrinaires du djihad, avec pour contrepartie leur cessation de tout appel à la violence et leur opposition à l’action armée au nom de l’islam. Le plus connu et le plus médiatisé de ces idéologues est sans conteste Muhammad al-Fizazi, longtemps considéré comme l’un des prédicateurs les plus virulents du courant djihadiste marocain, jusqu’à son incarcération [14]. Bénéficiant d’une grâce royale, il affiche, depuis, un soutien sans faille au roi Muhammed VI et s’oppose frontalement aux départs de Marocains pour le djihad en Syrie. Un autre leader du djihad, Abu Hafs, condamné également pour avoir eu une responsabilité dans les attentats de Casablanca de 2003, et libéré en 2011, est devenu l’un des opposants à l’État islamique en appelant de ses vœux une réforme libérale du droit musulman pour mieux le contrer. Selon ses dires, il s’est lui-même « déradicalisé » en détention et considère aujourd’hui qu’il faut réviser le « patrimoine islamique » pour lutter contre Daech [15].
13 Souvent présenté comme incubateur de la radicalisation en renforçant l’individu dans l’idée que seule la violence paie, la prison peut avoir aussi un effet inverse. Ainsi, Farid Benyettou [16] et David Valla [17], condamnés respectivement à six et cinq ans d’incarcération, affirment s’être « déradicalisés » en prison. À l’instar de John Rawls selon qui la prison sert à punir et à protéger la société, il est possible d’affirmer que, pour le cas des « radicalisés » djihadistes, elle contribue en théorie à faire comprendre aux individus qu’ils risquent de subir une sanction en cas de nouveaux faits de terrorisme [Sommier, 2012]. Si un séjour en détention a pu avoir un effet curatif, il a surtout un effet dissuasif en faisant prendre « conscience » à certains que l’option violente revêt un coût trop élevé au regard des bénéfices induits de ce type d’engagement. Kamel Daoudi, Franco-Algérien condamné à six ans de prison pour avoir eu l’intention de commettre un attentat devant l’ambassade des États-Unis en France, témoigne lors d’une émission de télévision sur France 4 : « Je ne peux renier mon passé. Il fait partie intégrante de ma vie. À l’époque, je pensais que la violence pouvait arranger les choses. Je me rends compte qu’elle est contre-productive. Cette période est derrière moi. Je ne demande qu’à reprendre ma vie là où je l’ai laissée… » Il est même possible que, pour le cas des prévenus djihadistes, la peur de la prison ait un effet démobilisateur, plus que l’incarcération elle-même. Lors des premiers procès auxquels nous avons assistés en France, il a été frappant de constater que les prévenus mis en examen pour terrorisme ont, dans la grande majorité, affirmé qu’ils avaient pris leurs distances avec les idées de l’État islamique [18]. S’il est difficile de juger de la sincérité de ces déclarations, elles sont en tout cas bien différentes de celles des prévenus issus des milieux séparatistes corses, basques, d’extrême gauche ou d’extrême droite qui continuent à revendiquer haut et fort devant les magistrats la légitimité de leur lutte [19].
L’entrée en politique des djihadistes : de la révolution à l’intégration
14 Dans certains cas, la radicalisation d’organisations islamiques provient de la fermeture du champ politique et d’une impossibilité pour celles-ci de défendre leur projet politique « pacifiquement ». Cette radicalisation peut s’accroître avec la répression de leurs membres qui voient dans le pouvoir un tyran qu’il faut absolument abattre par la force [Crettiez, 2016]. Les justifications du recours à la violence chez le Frère musulman Sayyid Qutb peut en partie s’expliquer par son exclusion du champ politique [Burgat, 1995]. De la même façon, l’interdiction du Front islamique du salut et l’emprisonnement de ses responsables en 1991 ont provoqué le basculement dans la violence de ses membres, pour lesquels c’était le seul moyen de répondre à la répression et d’établir un État islamique. Inversement, il est possible d’affirmer que la « déradicalisation » et le désengagement peuvent procéder d’une (ré)intégration dans le champ politique. Dès lors, la « déradicalisation » des djihadistes est avant tout liée au degré d’institutionnalisation et à leurs opportunités politiques [Schwedler, 2011 ; également Amghar, 2008]. Plus les opportunités politiques se présentent à eux, plus ils auront tendance à abandonner la lutte armée. Progressivement, des mouvements tels que la Gamâ’a islâmiyya en Égypte ou la Shabiba islâmiyya au Maroc, qui mettaient en avant la dimension révolutionnaire de leur activisme, renoncent à la violence et optent pour l’action légale au fur et à mesure qu’ils intègrent de manière officielle le paysage politique. Dans les années 1970 et 1980, ils s’engageaient dans l’action violente, voulant détruire de l’intérieur les institutions qu’ils considéraient comme anti-islamiques, mais ils étaient trop faibles pour y parvenir. Il faut également ajouter, à la clarification définitive de leur rapport à la violence ces dernières années, l’expérience internationale du 11 septembre 2001 ou des attentats de Casablanca en 2003, ayant eu une sorte d’effet « régulateur » pour la majorité des mouvements islamistes du monde arabe pour éviter une répression. Peu à peu, leurs dirigeants se sont pris au jeu politique [Amghar et Boubekeur, 2006].
15 D’un discours révolutionnaire, ils sont passés à des revendications contestataires avant de se muer en piliers conservateurs de la société et de l’État. Le modèle d’intégration politique de ces djihadistes mobilise, avec l’aval des différents gouvernements, un subtil jeu d’auto-inclusion et d’auto-exclusion du système parlementaire dont le but, tout en voulant apparaître aux yeux des autres partis et du système politique comme des acteurs fréquentables et un facteur de stabilisation, est de rassurer sa base, séduite par la dimension contestataire de l’idéologie du parti. L’objectif est de se constituer en force politique de stabilisation, non perturbatrice, tout en conservant un potentiel contestataire. Une large part de ceux qui se réclament aujourd’hui de l’islamisme modéré au Maghreb et en Égypte étaient des militants de l’action violente et radicale dans les années 1970 et 1980, moyen qu’ils estimaient être le seul capable d’établir un État islamique dans un contexte de fermeture et de répression politique de toute forme d’opposition [20]. L’Algérien Mahfoud Nahnah, fondateur du mouvement Hamas, s’est illustré par des opérations de sabotage. L’actuel Premier ministre marocain Abdelilah Ben Kirane, qui fut à l’origine du Parti de la justice et du développement (PJD), a fait ses premières armes au sein de la Shabiba islâmiyya que l’on estime être responsable de plusieurs assassinats politiques.
Facteurs microsociologiques et personnels
À l’épreuve de la réalité, la déception
16 Les logiques de désaffiliation djihadiste puisent aussi dans l’épuisement des grands récits et des grandes constructions totalisantes du sens islamique qui ont largement constitué la matrice idéologie du djihad. Le slogan « l’islam est la solution », fondant l’utopie des djihadistes à travers laquelle la référence religieuse était présentée comme un cadre global apportant la réponse à toutes les questions concernant l’organisation de la vie sociale, a désormais le « souffle court » [Haenni, 2005]. Cette formule se nourrissait de l’idée qu’une réponse totale, formulée à partir du religieux, pouvait résoudre l’ensemble des problèmes posés aux musulmans [Roy, 1992]. Si cette expression a connu ses heures de gloire dans les rangs des djihadistes à chaque début de soulèvements révolutionnaires, créant l’espoir d’un renouveau islamique à même de fonder une nouvelle société et alimentant une littérature en langue arabe sur les réponses islamiques aux défis des sociétés musulmanes contemporaines, elle montre ses limites à l’épreuve de la réalité. En effet, après trois années d’espoir de voir dans l’État islamique l’incarnation d’un État reproduisant à l’identique la fraternité et la solidarité de la cité idéale de Médine, de plus en plus de djihadistes européens viennent grossir les rangs des déserteurs en invoquant l’échec et les promesses non tenues du calife de Daech, al-Baghdadi, d’une vie meilleure grâce à l’islam. Cette approche totalisante s’épuise, non seulement par son décalage avec le vécu concret des djihadistes, mais également parce que l’idée d’une panacée islamique comme solution aux problèmes des musulmans, où qu’ils soient, se révèle inefficace. Ainsi, le désenchantement djihadiste se caractériserait par des situations de désajustement entre les aspirations individuelles et leurs possibilités de réalisation au sein des mouvements djihadistes. La satisfaction retirée de l’engagement diminue [voir Leclerc, 2005].
17 À la lecture et à l’écoute des récits des désaffiliés, on constate qu’au contact de la réalité djihadiste ils ont tous ressenti de forts désaccords à l’égard du milieu et, plus précisément, du mode de fonctionnement et des choix politiques des organisations djihadistes auxquelles ils appartenaient. Quelle que soit la forme prise par ces désaccords, ils ont provoqué chez ces personnes des sentiments relativement forts, de déception ou de désillusion, les poussant à quitter les organisations djihadistes. En établissant des droits d’entrée élevés [Hirschman, 1995], les organisations djihadistes ont ab ovo, encouragé l’allégeance au mouvement de façon à restreindre la prise de parole ou la défection. Alors que les djihadistes européens ont rejoint les rangs de l’État islamique avec la conviction de participer à un front islamique contre l’impiété de Bachar al-Assad, nombre d’entre eux les ont quittés pour avoir été témoin de querelles intestines entre les différentes factions djihadistes. Pour Peter Neumann [2015] : « De nombreux déserteurs soutiennent que les affrontements contre les autres groupes sunnites sont mauvais, contre-productifs et même illégitimes sur le plan religieux. » Parce que l’État islamique tue les musulmans au lieu de les protéger, les djihadistes ne font que diviser et affaiblir l’opposition islamique. La brutalité à l’égard des civils ou la corruption de ses responsables choque aussi les recrues. Les déserteurs racontent que leurs supérieurs montraient peu de considération à l’égard des possibles victimes collatérales, notamment les femmes et les enfants. Ils s’offusquent également des exécutions arbitraires d’otages ou encore des mauvais traitements infligés aux populations locales. « La principale raison qui m’a poussé à partir, c’est que je ne faisais pas ce que j’étais venu faire, c’est-à-dire aider sur le plan humanitaire le peuple syrien », expliquait en février 2015 Ibrahim à un journaliste de la CBS.
18 Les pratiques de l’ancien régime de Saddam Hussein sont toujours d’actualité : « Dans l’armée, on vous traite comme un chien. Ce n’est pas une organisation islamique au sens propre, où tout est islamique du début à la fin, ce sont seulement ses membres qui se revendiquent de l’islam. Mais les institutions, les pratiques n’ont rien à voir avec ça. Ce sont plutôt les pratiques de l’ancien régime baasiste », dit-il, évoquant le mouvement auquel adhérait, entre autres, Saddam Hussein. Il dépeint son quotidien au sein du « califat » comme une période affligeante : « Je n’ai jamais vécu l’humiliation, l’injustice, la ségrégation comme à Dawla. » Toutefois, l’étude de Peter Neumann rappelle que c’est uniquement la violence à l’égard des autres sunnites qui choquent les recrues. Ces derniers ne s’indignent pas du sort réservé aux minorités religieuses comme les Yezidis.
Peur de mourir
19 De nombreuses études montrent la fascination des djihadistes européens pour la mort. Mourir en martyr semble pour certains être le seul objectif qu’ils assignent à leur engagement violent. Ils seraient mués par un nihilisme mortifère [Khosrokhavar, 2002]. Il est clair que les nombreux attentats qui sont survenus en Europe ou dans le monde arabe semblent conforter cette analyse. D’ailleurs, l’une des figures de l’engagement djihadiste au sein de l’État islamique est celle de l’inghimasi, littéralement celui qui se plonge ou se fond dans un élément. À la différence du kamikaze, autre figure du militantisme djihadiste, l’inghimasi combat les armes à la main tout en portant une ceinture explosive autour de son corps qui est actionnée seulement lorsqu’il n’a plus de munitions ou qu’il se sent piégé. Même si cela reste assez rare, il arrive qu’un inghimasi revienne vivant d’une mission, ce qui n’est jamais le cas du kamikaze, qui est tué ou capturé en cas d’échec [21].
20 Pour autant, il serait faux de penser que l’ensemble des djihadistes de l’État islamique combattent dans l’objectif de rechercher systématiquement la mort. En effet, au regard des premiers témoignages de « revenants » [Thomson, 2016], force est de constater que la peur de mourir ou d’avoir vu mourir des « frères d’armes » a été l’un des éléments déclencheurs de la prise de distance avec la violence. L’un explique qu’il a décidé de revenir en France suite à une blessure lors d’un combat, un autre qu’il a été dépité par les décisions du commandement de l’État islamique d’abandonner des coreligionnaires français à une mort certaine sans leur envoyer de renforts. Pour Isabelle Sommier [2013], « lorsque la mort se présente concrètement, ses effets sont semblables dans tous les cas, freiner l’élan guerrier ». Des quelques témoignages que nous avons pu recueillir, il ressort que la peur de mourir pour une cause qui, au final, dépasse l’individu, l’incite à quitter le djihad. Outre la mort, le quotidien de vies perçues comme difficiles par les djihadistes peut être un déclencheur de la désaffiliation. L’absence d’eau chaude, d’aliments de base ou encore les bombardements de la coalition internationale sur les villes tenues par l’État islamique sont mis en avant par les désaffiliés. « En Syrie ou en Irak, aucun imam, aucune école coranique ne t’accueille quand tu arrives. En fait, dans les villes, près des zones de combat, rien n’est prévu pour les gars comme moi qui débutent dans la religion. Ce n’est pas leur priorité », relate Sofiane, vingt ans, sur France 2.
Un engagement djihadiste pesant
21 Le ressort de la désaffiliation dans ce cadre réside dans le fait que l’engagement est désormais perçu comme lourd et contraignant, d’autant plus qu’il a souvent été vécu comme un sacrifice (de la vie professionnelle, de la vie familiale ou encore du cursus universitaire) ou une « carrière déviante » [Becker, 1985]. S’il existe un régime de rétribution du militantisme chez les djihadistes, à la fois immatériel (satisfaction de servir la cause de l’islam, sentiment d’appartenir à une avant-garde éclairée et à une aristocratie religieuse) [Atran, 2016 ; Gaxie, 1977] et matériel (soldes par exemple), il a du mal à satisfaire un membre qui voit autour de lui se multiplier les coûts. Ainsi, les gratifications ad honores et symboliques [Gaxie, 1977] ne suffisent plus à maintenir les engagements face à la multiplicité des risques encourus par les djihadistes. Si, pour citer Albert Hirschman, le militant peut se satisfaire d’une situation dans laquelle « le bénéfice individuel de l’action collective [n’est pas] la différence entre le résultat espéré et l’effort fourni, mais la somme de ces deux grandeurs » [Hirschman, 1983, p. 151], il attend néanmoins que ce sacrifice soit rétribué par une promotion. Or, les revenants affirment que les postes à responsabilité sont accaparés par des Irakiens et que les francophones sont cantonnés à des tâches subalternes et souvent considérés comme de la chair à canon. Cette assertion semble être confirmée par le témoignage d’Abou Omar al-Faransi, qui affirme, dans une vidéo publiée sur Internet : « C’est la loi du plus fort. L’Irakien est au-dessus de tout le monde. Après, ce sont les émirs. Ensuite, c’est l’homme au-dessus de la femme et le musulman au-dessus de l’esclave […]. Tout ce qui n’est pas arabe et sunnite ne les intéresse pas. Ils sont dans une démarche nationaliste, rien à voir avec ce pour quoi on est venu. Donc, en fait, on meurt pour rien. […] C’est une entreprise tribale irakienne. » D’autres dénoncent une forme de racisme. Un Indien confiait dans le Times of India avoir récuré les toilettes pendant six mois.
22 L’engagement élevé, vécu en termes de contraintes par ces personnes, finit rapidement par poser d’autres questions, notamment celle de la liberté laissée aux individus. Plusieurs vont ainsi interpréter leur ancien engagement, ou l’engagement des djihadistes en général, sous l’angle de la privation de liberté. Dès lors, la pesanteur de la vie au sein de l’État islamique (les privations, le rigorisme moral, la discipline militaire, etc.), s’opposant à toute autonomie de l’individu (cette même autonomie qui a conduit l’individu à rejoindre l’État islamique), peut être un facteur de défection parce que la communauté est vécue comme une prison.
Vers une typologie des désaffiliés djihadistes
23 À partir de ces éléments, il est possible de proposer une typologie des différentes figures du désaffilié. Il y a, d’abord, la figure du désengagé (dimension comportementale de la désaffiliation). De façon volontaire, à la suite d’un processus individuel d’autocritique de son militantisme, ou de façon contrainte (arrestation, incarcération…), le désengagé ne veut plus participer aux activités du groupe djihadiste auquel il appartenait. Il n’a pas pour autant abandonné le système de valeurs prôné par le djihad. Michaël Younes Delefortrie [2016], ancien membre de Sharia4Belgium [22], explique, dans son ouvrage J’ai été djihadiste en Syrie, avoir rejoint la Syrie fin 2013 pour intégrer durant six semaines les rangs de l’État islamique. Il affirme qu’il continue à partager son idéologie et qu’il repartirait en Syrie s’il ne risquait pas la prison.
24 Vient ensuite la figure du désidentifié (dimension organisa-tionnelle de la désaffiliation). Cette figure est souvent incarnée par des individus qui sortent déçus de leur engagement dans des organisations djihadistes. Ils ont, certes, rompu avec telle organisation ou tel mouvement, mais cela ne signifie pas pour autant qu’ils ont abandonné l’idéal du djihad. Il n’est pas rare, et l’enquête de David Thomson tend à le confirmer, que les revenants, bien que critiques à l’égard de l’appareil de l’État islamique, n’aient pas pour autant abandonné l’idée que la violence puisse être légitime pour construire une société islamique. Ces mêmes revenants ne cachent pas leur volonté de rejoindre d’autres terrains du djihad qu’ils vont considérer comme légitimes. Dans son livre, David Thomson fait référence à une jeune femme, rentrée à l’été 2015, qui affirme que l’attentat contre Charlie Hebdo était le plus beau jour de sa vie et qu’elle rêve qu’une femme puisse un jour commettre un attentat en France, tout en racontant son expérience désastreuse durant son séjour au sein de l’État islamique.
25 Enfin, la figure du déradicalisé. Un désaffilié sera qualifié ainsi, quand l’individu ne veut plus adhérer au système de valeurs prôné par le djihad (dimension cognitive de la désaffiliation). C’est la figure la plus connue de la désaffiliation djihadiste, mais ce n’est pas pour autant celle que l’on rencontre le plus souvent, du moins chez les djihadistes européens qui reviennent de Syrie et d’Irak. C’est l’objectif ultime des programmes de « déradicalisation » en cours dans de nombreux pays européens, qui tentent de déconstruire le système de représentation et les valeurs pour leur en substituer d’autres [El Difraoui et Uhlmann, 2015, p. 171-182]. En Allemagne, la composante idéologique est un élément important des programmes de « déradicalisation ». Celle-ci inclut la déconstruction des concepts de l’idéologie djihadiste [ibid.]. En Grande-Bretagne, l’Active Change Foundation (ACF), créée par des anciens islamistes en 2003, s’est fixée pour objectif de déconstruire et de « délégitimer » les discours djihadistes extrémistes à travers des ateliers de réflexion sur l’islam.
26 Certains djihadistes optent pour une forme dépolitisée et « pacifique » de l’islam : le salafisme quiétiste, qui partage néanmoins un fond doctrinal commun avec le djihadisme. Cette « déradicalisation » par substitution se fonde sur l’idée que la stratégie militaire prônant l’action directe et l’agit-prop ne sont pas les meilleures options pour asseoir la souveraineté de Dieu sur Terre. Les ex-djihadistes devenus salafistes quiétistes sont désormais convaincus que l’avènement du règne d’Allah sur la Terre passera par une série d’étapes, notamment par la formation religieuse, afin d’insuffler une conscience islamique. Par la prédication, ils espèrent un renversement total de l’organisation hiérarchique et sociale du monde qui leur accordera collectivement la prééminence, non plus par la violence mais par la formation religieuse. Ils sont dans l’attente d’une révolution d’ordre politique et social. Ainsi, le retour au vrai islam fera émerger un mouvement social qui permettra l’instauration d’un État islamique. Si la radicalité de cette lecture de l’islam ne s’incarne pas dans la violence, qu’elle condamne par ailleurs, elle prend corps dans un radicalisme religieux, voire sectaire au sens wébérien du terme, dans la mesure où celle-ci semble répondre à une fonction précise : délégitimer toute forme d’autorité en proclamant théologiquement hors la loi le système de croyances des parents et l’ordre social en tant que ce dernier se fonde sur un mode d’agencement inégalitaire entre les jeunes et les sociétés non musulmanes. Dans ce cadre, la radicalité religieuse et les imprécations anti-occidentales des militants agissent comme une « soupape de sécurité » qui détournent le militant de l’action directe [Amghar, 2008, 2011 ; Adraoui, 2013].
Bibliographie
Références bibliographiques
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- Wieviorka Michel, 2015, « Sortir de la violence », Socio (en ligne), 6 novembre.
Notes
-
[1]
Depuis 2011, près de cinq mille combattants européens auraient intégré des phalanges djihadistes, telles qu’Al Qaïda et l’État islamique en Syrie et en Irak.
-
[2]
« Que nous apprennent les témoignages de djihadistes français “repentis” ? », Les Échos, 21 novembre 2015.
-
[3]
La littérature sur la radicalisation islamique donne ainsi l’impression que « tout a été dit sur le sujet ». Les chercheurs se seraient engagés dans une « quête sans fin des causes de la violence ». Voir Isabelle Sommier [2012].
-
[4]
Michel Wieviorka [2015]. En langue anglaise, citons l’ouvrage d’Omar Ashour [2009], The De-radicalization of Jihadists. Transforming Armed Islamist Movements.
-
[5]
Voir à titre d’exemple les travaux d’Isabelle Sommier [2013].
-
[6]
Voir également Olivier Fillieule [2012].
-
[7]
Typologie reprise à Caroline Gachet. Voir son article, « Quitter le milieu évangélique » [Gachet, 2014]. On peut retrouver une typologie similaire dans l’ouvrage d’Omar Ashour [2009].
-
[8]
Idée empruntée à Catherine Leclerc, voir son article, « Raisons de sortir. Le désengagement des militants du PCF » [Leclerc, 2005].
-
[9]
Entretiens réalisés avec les auteurs.
- [10]
-
[11]
Cette lecture semble être partagée par la justice belge qui semble être plus clémente que la justice française lorsqu’il s’agit de condamner des djihadistes de retour.
-
[12]
En décembre 2016, le Niger décide de mettre une politique d’amnistie pour les déserteurs de Boko Haram. Toutes proportions gardées, ces politiques d’amnistie ne sont pas sans rappeller la « doctrine Mitterrand », engagement verbal pris en 1985 de ne pas expulser vers l’Italie les militants des Brigades rouges ayant pris leur distance avec la violence politique. Cette politique a permis en partie de « siphonner » l’extrême gauche italienne.
-
[13]
Entretiens avec l’auteur.
- [14]
- [15]
-
[16]
Farid Benyettou est considéré comme le cerveau de la filière des Buttes-Chaumont. Il aurait incité de nombreux jeunes à rejoindre les djihadistes irakiens en 2004. Il aurait été le mentor de Cherif Kouachi, l’un des auteurs de l’attentat contre Charlie Hebdo et proche de Dalil Boubakeur. Voir son ouvrage, coécrit avec Dounia Bouzar [Benyettou et Bouzar, 2017].
-
[17]
David Vallat a, dans les années 1990, rejoint les djihadistes en Bosnie avant d’intégrer le Groupe islamique armé algérien. Voir son ouvrage, Terreur de jeunesse [Vallat, 2016].
-
[18]
Observations réalisées en janvier et février 2016.
-
[19]
Entretien avec Antoine Mégie.
-
[20]
Thèse défendue par Robert Putnam [1994].
- [21]
-
[22]
Fondé par Fouad Belgacem, cette organisation entretenait des liens avec d’autres structures européennes (Sharia4UK, Sharia4Spain…). Prônant l’agit-prop et l’action directe, cette association aujourd’hui dissoute aurait envoyé sous sa houlette près de soixante-dix Belges sur les quatre cent cinquante partis en Syrie.