En France, une femme sur sept et un homme sur vingt-cinq déclarent avoir été victime de violences sexuelles au moins une fois au cours de leur vie. Des chiffres probablement sous-estimés étant donné le tabou persistant autour de ce crime perfide qui emmure les victimes dans un implacable silence. Aujourd’hui encore minimisé, parfois perçu de la même manière qu’un banal vol de vélo n’entraînant qu’une colère et une tristesse passagères, le viol n’est évidemment pas un événement anodin dont on se relève sans égratignure.
Dans une conversation avec la journaliste Annick Cojean retranscrite dans l’ouvrage Une farouche liberté, Gisèle Halimi expliquait : « Le viol est comme une mort inoculée aux femmes un jour de violence. Elle coexiste avec leur vie en une sorte de parallélisme angoissant. » Cette phrase révèle un profond impensé : les victimes de viol ne peuvent poursuivre leur chemin de vie comme si cet événement n’avait absolument rien fait vaciller. Comment peut-on croire en effet que ce cataclysme, même dissimulé, enfoui, refoulé dans une réalité « parallèle », restera sans incidence sur leur santé, leurs projets, leur vie affective, amicale et professionnelle ?
Sortir du déni nécessite donc d’interroger l’après. Que devient-on quand on doit vivre avec cette blessure invisible que l’on est parfois seul·e à connaître et que l’on doit soigner par soi-même ? Si chaque parcours de vie est unique, si chaque victime se reconstruit à sa manière, il faut prendre conscience que le viol provoque d’innombrables répercussions…