Couverture de CRIEU_013

Article de revue

Le dernier mort de 1914-1918 n’est pas encore né

La pollution invisible des deux guerres mondiales

Pages 70 à 87

Le 7 septembre 2014 à 1 h 45 du matin, un obus français de 75 mm fabriqué en 1915 et enfoui sous le sable d’une plage de l’île de Groix, dans le Morbihan, explose, tuant un jeune homme de vingt-six ans, blessant grièvement un autre homme à peine plus âgé ainsi que neuf autres personnes plus légèrement. Aucune infraction n’ayant été relevée par le dossier d’instruction judiciaire ouvert au moment des faits, le Parquet de Lorient classe l’affaire en 2015.

1Bien que ce type d’accident mortel soit rarissime, il témoigne du fait que des munitions non explosées des deux conflits mondiaux restent à l’état d’abandon un peu partout en France, et pas seulement dans les régions où des combats ont eu lieu. Un quart du milliard d’obus tirés entre 1914 et 1918 par l’ensemble des belligérants sur le front ouest n’auraient pas explosé. Un chiffre qui ne concerne ni les munitions de mortiers, ni les grenades, ni les munitions aériennes. Ainsi, chaque année, ce sont environ cinq cents tonnes de munitions que les démineurs de la Sécurité civile collectent sur l’ensemble du territoire métropolitain, dont 10 % de munitions chimiques. En 2001, à l’occasion d’une audition au Sénat, les démineurs estimaient avoir déjà enlevé, depuis la création du service en 1945, plus de six cent soixante mille bombes, treize millions cinq cent mille mines et vingt-quatre millions d’obus ou autres engins explosifs – et précisaient qu’à ce rythme de collecte, six à sept siècles seraient encore nécessaires pour en finir avec ce singulier héritage explosif et toxique. Des chiffres et des faits divers qui laissent présager que le dernier mort de la Grande Guerre n’est peut-être pas encore né.

2Creuser, fouiller, travailler les sols… amène chaque jour son lot de découvertes fortuites : obus, bombes aériennes, grenades que l’on retrouve dans les champs cultivés, sur des chantiers, dans des zones industrielles et même dans les jardins de particuliers. Tel celui de ce propriétaire d’un pavillon situé dans une zone résidentielle à Beuvry, dans le Pas-de-Calais, qui eut la surprise de découvrir enfouis devant sa maison cent dix-neuf obus anglais, chacun pesant quarante-sept kilos et contenant cinq kilos d’explosifs.

3Si les deux guerres mondiales sont connues pour avoir été les premières guerres industrialisées de l’histoire, on ignore souvent quelles quantités de déchets elles ont laissé derrière elles et quels problèmes posent ces derniers aux autorités et aux populations directement concernées.

Vimy, Pas-de-Calais, 2013

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Vimy, Pas-de-Calais, 2013

Certaines zones des anciens champs de bataille n’ont jamais été nettoyées depuis l’armistice de 1918. De nombreuses munitions non explosées, toujours actives, restent donc encore enfouies dans les sols, comme ici au Mémorial canadien de Vimy. Afin d’éviter au personnel d’être exposé aux risques d’explosion et de maintenir le paysage de guerre tel qu’il était au moment de l’armistice, le Mémorial emploie des « tondeuses naturelles » : des moutons, qui sont parfois blessés ou même tués par la déflagration d’engins de guerre.

Manquements et impuissance de l’État

4Le cas des munitions chimiques est emblématique. Pendant très longtemps, celles-ci étaient « pétardées » dans la baie de Somme à marée basse. Les démineurs déposaient des palettes de munitions, attendant que la mer remonte et les submerge avant de les faire exploser sous l’eau. Cette solution pour le moins expéditive était alors perçue par les démineurs comme un moindre mal, la marée faisant office, selon eux, de gigantesque « machine à laver ». Pourtant, l’arrivée d’une colonie de phoques dans la baie, la proximité du parc ornithologique à Marquenterre et l’opiniâtreté de militants écologistes picards eurent presque raison de ces pratiques. Les démineurs s’acharnèrent encore quelques années avant que l’explosion du dépôt de stockage de ces munitions en 1996 ne force l’État à renoncer définitivement à ces pétardements. Les stocks de munitions qui n’avaient pas déflagré furent par la suite déplacés à Vimy, au nord d’Arras. En 2001, le stock, qui n’avait cessé de s’accroître, menaçait encore. Les plus hautes autorités de l’État, craignant une catastrophe, décidèrent leur transfert dans l’urgence et évacuèrent treize mille riverains de quatre villages situés aux alentours du dépôt. Une vaste opération militaire très médiatisée à l’époque emporta ce stock de munitions chimiques vers le camp militaire de Suippes, où elles attendent depuis lors, confinées dans les alvéoles réfrigérées des anciens missiles nucléaires Pluton et Hadès de l’armée de terre. L’adoption, le 3 septembre 1992, de la Convention internationale sur les armes chimiques et son entrée en vigueur, le 29 avril 1997, obligent les cent cinquante et un États membres, dont la France, à éliminer toutes les armes chimiques encore en leur possession. C’est ainsi que le programme Secoia (Site d’élimination des chargements d’objets identifiés anciens) vit le jour. En 2003, la Direction générale de l’armement attribuait un premier marché public à la société Thalès. Mais le contrat était entaché par des faits de corruption et la société perdit ce même marché deux ans plus tard. Le site industriel, qui devait être opérationnel en 2008, fut finalement construit en 2016 par une autre société, filiale d’EADS, dans un autre camp militaire situé à soixante-dix kilomètres du lieu de stockage des munitions. L’usine entièrement automatisée serait, selon des informations récentes, toujours en « phase d’essai » alors que les stocks d’engins de guerre continuent, eux, de s’accumuler au fur et à mesure des découvertes.

Calais, Pas-de-Calais, 2018

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Calais, Pas-de-Calais, 2018

Un groupe de plongeurs-démineurs de la Marine nationale en intervention sur une plage de Calais s’apprêtent à neutraliser des munitions de la Seconde Guerre mondiale retrouvées par hasard quelques jours auparavant par un promeneur. Malgré le déminage des plages après 1945, les découvertes d’engins de guerre restent très fréquentes. Les marées font ainsi remonter à la surface de nombreuses munitions oubliées ou immergées. Le déminage de l’estran et des eaux territoriales est à la charge de la Marine nationale.

Beine-Nauroy, Marne, 2013

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Beine-Nauroy, Marne, 2013

Des démineurs de la Sécurité civile se servent du treuil de leur véhicule tout-terrain pour extraire du sol des obus allemands de 210 mm, pesant chacun environ cent vingt kilos. Ce sont des ouvriers sylvicoles qui ont cette fois-ci donné l’alerte après des sondages sur une plantation de sapins. Ces obus enfouis à quelques dizaines de centimètres à peine de la surface du sol n’ont jamais été tirés et sont probablement les vestiges d’un dépôt de munitions oublié lors de la bataille de Champagne en 1915.

Camp militaire de Suippes, Marne, 2013

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Camp militaire de Suippes, Marne, 2013

Des démineurs de la Sécurité civile préparent un « fourneau » sur le camp militaire de Suippes dans la Marne afin d’y détruire des munitions des deux guerres mondiales collectées dans les régions de l’est de la France. L’armée de terre a pendant plusieurs décennies mis à disposition de la Sécurité civile des terrains lui appartenant et sur lesquels elle pouvait mener des campagnes de destruction mais, depuis quelques années, elle a interdit l’accès à ces mêmes terrains aux démineurs. Une décision qui semble motivée par la crainte que ces destructions ne causent des pollution des sols et des nappes phréatiques.

Une préoccupation déjà centenaire

5Ainsi ce stock d’obus à ypérite – ou gaz moutarde – « découvert » en 2014 dans une forêt à proximité de Moulins, dans l’Allier : six cents obus y seraient encore enfouis, en bordure d’une route départementale. Un stock d’obus oublié ? Pas vraiment. Il s’agirait en réalité d’un stock dissimulé par une société à qui l’État avait déjà confié, à la fin des années 1940, la tâche d’éliminer ces munitions chimiques. La société avait dû fermer, à la suite de nombreux accidents et en raison de graves manquements à la protection de ses ouvriers.

Ginchy, Somme, 2017

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Ginchy, Somme, 2017

Chaque marqueur jaune est un engin de guerre potentiel. Situé sur l’ancien champ de bataille de la Somme, ce chantier de dépollution pyrotechnique réalisé par la société Dianex est destiné à sécuriser les emprises d’un futur parc éolien à proximité de Longueval dans la Somme. Cent quatre-vingts munitions ont été retrouvées sur deux cent dix cibles.

6Cette découverte eut néanmoins le mérite de mettre en lumière une histoire méconnue, celle du « désobusage ». Si les munitions non explosées sont à considérer comme un problème déjà centenaire, les solutions envisagées pour y remédier, comme Secoia, sont tout aussi anciennes. Dans les périodes d’après-guerre, l’État avait en effet déjà largement recouru au secteur privé dans le but d’éliminer les faramineux stocks de munitions abandonnés par les armées. On sait désormais que le ramassage des munitions ne s’est d’ailleurs jamais interrompu depuis 1918. Ces déchets laissés par les guerres, puis par les sociétés chargées de s’en débarrasser, nous poursuivent toujours. Pire encore, ils ont produit des pollutions chimiques moins visibles et dont il est à craindre qu’elles ne soient plus graves que l’on ne le pensait.

Quels impacts environnementaux ?

7Peu à peu, les dépôts de munitions « sauvages » ou oubliés, qu’ils soient terrestres ou sous-marins, refont surface, comme au gouffre de Jardel dans le Jura, au Lac Bleu d’Avrillé dans l’agglomération d’Angers ou au Paardenmarkt en Belgique. Cette décharge située sur un banc de sable à quelques centaines de mètres d’une des plages les plus fréquentées de la côte belge contiendrait jusqu’à trente-cinq mille tonnes de munitions non explosées, dont une très grande part sont chimiques. Même si la Marine belge contrôle régulièrement cette décharge, la dégradation des munitions suscite une inquiétude justifiée parmi les populations locales. Leurs impacts environnementaux restent encore mal connus. Les pollutions des sols et des aquifères produites par les activités de démolition de munitions n’ont fait que récemment l’objet de découvertes.

8En 2011, une importante pollution aux perchlorates d’ammonium est détectée sur les nappes phréatiques et les eaux potables gérées par la Communauté urbaine de Bordeaux. En cause, les activités de l’une des plus anciennes poudreries de France, Saint-Médard-en-Jalles, connue pour produire le combustible de la fusée Ariane, mais aussi pour avoir fabriqué dès 1866 de la poudre sans fumée, dite poudre « B », destinée à la guerre d’artillerie. Cette pollution fait l’objet d’une alerte nationale parmi les agences régionales de santé et les différents opérateurs en charge de l’assainissement et de la distribution d’eau potable. Et des analyses de 2012 des captages d’eau potable de la région Nord-Pas-de-Calais révèleront que les nappes phréatiques sont polluées par des perchlorates, résidus d’explosifs et d’engrais utilisés afin de relancer les cultures après 1918.

Puisieux, Pas-de-Calais, 2014

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Puisieux, Pas-de-Calais, 2014

« Comment faites-vous pour reconnaître un obus explosif d’un obus chimique ? » Un agriculteur répond à cette question en joignant le geste à la parole : si l’on entend clapoter un liquide lorsque l’on agite l’engin, c’est un obus chimique.

Somme, 2014

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Somme, 2014

Un collectionneur de la Somme dans son « musée » privé. Il sillonne la campagne environnante à la recherche de tout objet qui se rapporte à l’histoire de la Première Guerre mondiale et à la bataille de la Somme en particulier.

Pas-de-Calais, 2014

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Pas-de-Calais, 2014

En théorie, les engins de guerre découverts ne doivent pas être déplacés. En pratique, il est impossible pour les agriculteurs de grever une parcelle en attendant le passage des démineurs.
Ils déposent donc, à leurs risques et périls, les munitions en bordures de champs afin que les démineurs de la Sécurité civile puissent les ramasser même en leur absence. Les munitions sont collectées en fonction de l’urgence relative à leur lieu de découverte. Il arrive qu’elles restent telles quelles plusieurs jours, voire plusieurs semaines, en rase campagne, disparaissant quelque fois, probablement emportées par des collectionneurs ou des amateurs de matériels militaires.

9Cette détection a donc obligé les préfectures à appliquer le principe de précaution. Cinq cent quarante-quatre communes de deux départements furent alors frappées d’un arrêté de restriction de consommation de l’eau de robinet. La cartographie des communes concernées par cette pollution ressemblait étrangement à celle de la ligne de front entre 1914 et 1918. Pourtant, certaines zones problématiques étaient être très éloignées de cette ligne. Après enquête, les archives ont montré que ces zones correspondaient en réalité à des sites de démolition de munitions. Les services de l’État recoururent alors au Bureau des recherches géologiques et minières afin d’en savoir plus sur la nature et l’étendue de ces pollutions. C’est ainsi qu’en 2015, ce dernier exhuma des archives départementales de la Meuse un vaste complexe industriel de désobusage à une trentaine de kilomètres au nord-est de Verdun : Clère & Schwander.

10Pourtant, sur place, l’usine de désobusage de la société Clère & Schwander, active de 1920 à 1924, avait totalement disparu de ce paysage agricole. Seuls quelques obus entassés en bordures de champs rappellaient qu’ici l’armée avait entreposé, dès la fin de la Première Guerre mondiale, des centaines de milliers d’obus. En 1919, un document faisait état d’un million et demi d’obus toxiques et de trois cent mille explosifs. Les analyses de surface des sols montrent une très forte présence de métaux lourds et de poisons : arsenic, zinc, plomb et résidus de TNT. Ici, la société brûlait et vidangeait les chargements chimiques et explosifs des munitions pour en récupérer les métaux : cuivre, laiton, zinc, aluminium, acier, etc. Informée, la préfecture appliqua là encore le fameux principe de précaution qu’impose la loi Barnier de 1995 et décida dans la précipitation de mettre sous séquestre, au mois de juillet 2015, sept exploitations agricoles des environs de Spincourt ainsi qu’une centaine d’hectares de terres agricoles. Les récoltes furent détruites et une partie des troupeaux de ces élevages laitiers envoyés à l’équarrissage. Les populations locales accusèrent le choc.

Douaumont, Meuse, 2016

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Douaumont, Meuse, 2016

Une promenade dans la forêt domaniale de Verdun impose de bien regarder où l’on pose le pied au risque de piétiner l’un des innombrables obus non explosés encore présents à la surface du sol. Soixante millions d’obus ont été tirés pendant la bataille de Verdun : un quart n’aurait pas explosé.

Gremilly, Meuse, 2013

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Gremilly, Meuse, 2013

La clairière dite de la « place à gaz », située dans la forêt domaniale de Spincourt, n’a rien de naturel. Elle a été formée suite au brûlage de deux cent mille obus chimiques allemands dans les années 1920. La place à gaz fut pourtant utilisée pendant plus de vingt ans par les personnels forestiers de l’ONF afin d’y déjeuner et de s’abriter avant de leur être interdite d’accès en 2004. Des analyses du sol de la clairière ont révélé une importante pollution aux métaux lourds : 17 % du volume du sol est composé uniquement d’arsenic.

Entamer un long chantier de dépollution

11Suite à ces découvertes, le ministère de l’Environnement, sous l’égide de Ségolène Royal, décida au courant de l’été 2015 de mandater le BRGM afin de procéder à un inventaire de tous les sites ayant servi à la destruction de munitions en France depuis la Première Guerre mondiale. La méthode employée était la même que dans le cas de Spincourt : rechercher ces sites à partir des archives départementales. L’inventaire est à l’heure actuelle terminé, sans que l’on sache ce qu’il contient ni s’il sera finalement publié. Des annonces contradictoires et de nombreux reports laissent penser qu’il pourrait soulever de graves problèmes de pollution, encore ignorés des principaux concernés. Plus de trois cents sites à risque auraient d’ores et déjà été inventoriés en France métropolitaine.

Camp de Suippes, Marne, 2013

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Camp de Suippes, Marne, 2013

Portail d’entrée du Centre de coordination des chargements chimiques dit « C4 », situé dans le camp militaire de Suippes. Le portail est orné de fers à cheval trouvés dans les sucreries des régions de l’est de la France par les démineurs de la Sécurité civile. Ce site militaire, qui abritait au temps de la guerre froide les missiles nucléaires sol-sol Hadès de l’armée de terre, est depuis 2001 utilisé comme dépôt de stockage de toutes les munitions chimiques collectées en France. Des munitions destinées à être détruites ensuite dans l’usine Secoia située sur le camp militaire de Mailly dans l’Aube, à soixante-dix kilomètres de là.

Vaudoncourt, Meuse, 2018

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Vaudoncourt, Meuse, 2018

Un éclat d’obus de très gros calibre est retrouvé lors de sondages en profondeur menés par le Bureau des recherches géologiques et minières et le service de déminage de la Sécurité civile. Cette usine de démontage d’obus chimiques et explosifs située sur des terres agricoles nécessite l’emploi de combinaisons de protection intégrales et de masques respiratoires. Le risque pyrotechnique est grand et les sols sont fortement pollués par des toxiques de guerre.

Avrillé, Maine-et-Loire, 2014

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Avrillé, Maine-et-Loire, 2014

Le Lac Bleu d’Avrillé est une ancienne carrière d’ardoise noyée par les eaux à proximité d’Angers. Profond de trente-cinq mètres, ce lac dissimule une pyramide de plus de trente mètres de haut de différents types de munitions immergées après les deux guerres mondiales. Pendant une dizaine d’années, la Sécurité civile a mené avec la municipalité d’Avrillé deux campagnes annuelles d’extraction de munitions avant d’y renoncer en 2017. L’interdiction aux démineurs d’accéder aux terrains militaires a mis un terme à ces campagnes d’extraction.

Chaffois, Doubs, 2014

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Chaffois, Doubs, 2014

Le gouffre de Jardel, situé sur la commune de Chaffois dans le Doubs, est une cavité naturelle profonde de cent vingt-huit mètres. C’est au début des années 1970 que des spéléologues de la région eurent la surprise de découvrir que ce gouffre avait servi de décharge sauvage afin de faire disparaître plusieurs centaines de tonnes de munitions après la Première Guerre mondiale. Face à l’impossibilité d’extraire ces munitions prises dans une gangue de calcaire, les autorités ont décidé de les y laisser, bien qu’au fond de ce gouffre coule l’une des sources de la Loue, affluent du Doubs.

12Tout ceci montre que nous sommes loin d’en avoir terminé avec les deux conflits mondiaux et leurs déchets. Ceux-ci n’ont de cesse de se rappeler à nous. Le gouffre de Jardel en est un bon exemple : le choix de se débarrasser de plusieurs centaines de tonnes de munitions dans ce gouffre naturel, profond de cent vingt-huit mètres, paraissait idéal aux contemporains de l’après-guerre. Inaccessible, car d’une configuration et d’une profondeur défiant toute intrusion, il était vu comme le lieu idéal où « oublier » ces munitions. Personne n’avait imaginé que cinquante ans plus tard, le développement de la spéléologie sportive et l’apparition de spéléo-clubs entraîneraient la découverte cette décharge sauvage. Enfouir les déchets et vouloir oublier jusqu’à l’acte même de l’enfouissement ne garantit en rien que ceux-ci ne se rappelleront un jour à nous sous une forme ou sous une autre. Et rien ne garantit non plus que les solutions apportées aujourd’hui comme hier au traitement de ces déchets n’entraîneront pas, à leur tour, de nouvelles pollutions.

13Ces déchets de guerres, ces pollutions environnementales sont pourtant déjà anciennes. Mais il semble que nous ne les ayons pas vues, ou plutôt que nous n’ayons pas voulu les voir. Comme se plaisent à le répéter les agriculteurs des anciens champs de bataille, nous aussi avons d’une certaine manière appris « à vivre avec ». Nous sommes donc en ce sens loin d’être sortis de guerre : on peut redouter que les guerres industrielles soient devenues des catastrophes industrielles, toujours en cours.

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