Couverture de DRS_088

Article de revue

Le traitement pénal aujourd'hui : juger ou gérer ?

Présentation du dossier

Pages 579 à 590

Notes

  • [1]
    Virginie Gautron, « L’impact des préoccupations managériales sur l’administration locale de la justice pénale », Champ pénal/Penal field, XI, 2014, mis en ligne le 21 janvier 2014, <http://champpenal.revues.org/8715> ; DOI : 10.4000/champpenal.8715 ; Cécile Vigour, « Justice : l’introduction d’une rationalité managériale comme euphémisation des enjeux politiques », Droit et Société, 63-64, 2006, p. 425-455 ; Christine Rothmayr Allison, « Le droit et l’administration de la justice face aux instruments managériaux », Droit et Société, 84, 2013, p. 277-288.
  • [2]
    Benoit Bastard et Christian Mouhanna, Une justice dans l’urgence. Le traitement en temps réel des affaires pénales, Paris : PUF, 2007.
  • [3]
    Virginie Gautron, « La coproduction locale de la sécurité en France : un partenariat interinstitutionnel déficient », Champ pénal/Penal field, VII, 2010, mis en ligne le 27 janvier 2010, <http://champpenal.revues.org/7719> ; Anne Wyvekens, L’insertion locale de la justice pénale. Aux origines de la justice de proximité, Paris : L’Harmattan, 1997 ; Jacques Donzelot et Anne Wyvekens, La magistrature sociale. Enquêtes sur les politiques locales de sécurité, Paris : La documentation française, 2004.
  • [4]
    Robert Cario, La justice restaurative. Principes et promesses, Paris : L’Harmattan, 2005.
  • [5]
    Françoise Digneffe et Thierry Moreau (dir.), La responsabilité et la responsabilisation dans la justice pénale, Bruxelles : Larcier, De Boeck, 2006.
  • [6]
    Jean-Pierre Bonafé-Schmitt, La médiation, une justice douce, Paris : Syros, 1992.
  • [7]
    Loïc Wacquant, Punir les pauvres. Le nouveau gouvernement de l’insécurité, Marseille : Agone, 2004 ; Laurent Mucchielli, Violences et insécurité. Fantasmes et réalités dans le débat français, Paris : La découverte, 2001.
  • [8]
    Guy Casadamont et Pierrette Poncela, Il n'y a pas de peine juste, Paris : Odile Jacob, 2004.
  • [9]
    Jean-Noël Retière, « Magistrat : un métier “choisi et passionnant”… au risque du désenchantement ? », Les Cahiers de la justice, 4,2013.
  • [10]
    Dan Kaminski, Pénalité, management, innovation, Namur : Presses universitaires de Namur, 2009.
  • [11]
    Alain Supiot, L’esprit de Philadelphie. La justice sociale face au marché total, Paris : Seuil, 2010.
  • [12]
    Ibid., p. 40.
  • [13]
    Antoine Garapon, La raison du moindre État. Le néolibéralisme et la justice, Paris : Odile Jacob, 2010, p. 24.
  • [14]
    Dan Kaminski, Pénalité, management, innovation, op. cit., p. 40.
  • [15]
    Marie-Sophie Devresse, « La gestion de la surpopulation pénitentiaire : perspectives politiques, administratives et juridictionnelles », Droit et société, 84, 2013, p. 349.
  • [16]
    Élodie Pinsard, Les pratiques des magistrats en matière de répression de la délinquance routière : les cas des TGI de Lyon, Roanne et Saint-Étienne, thèse de science politique, Saint-Étienne : universités de Saint-Étienne-Lyon 2, 2012.
  • [17]
    Claudine Perez-Diaz, Jeux avec des règles pénales : le cas des contraventions routières, Paris : L’Harmattan, 1998 ; Michèle Guilbot, Analyse de la gestion judiciaire des délits routiers. Étude comparative dans deux départements, Arcueil : INRETS, 1990 ; Id., Le contrôle pénal de la circulation routière. Contraventions de cinquième classe et délits routiers : infractions constatées et poursuites pénales, Arcueil : INRETS, 1994.
  • [18]
    Luc Boltanski et Ève Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Paris : Gallimard, 1999.
  • [19]
    Les baromètres santé, créés en 1992 par le Comité français d’éducation pour la santé (CFES), devenu Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) en 2002, avec le soutien, notamment, de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), la direction de la Recherche, de l’Évaluation et des Études statistiques du ministère de la Santé et des Solidarités (Drees) et de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) procèdent d'enquêtes déclaratives relatives aux pratiques relevant, notamment, du tabagisme, de l’alcoolisation, des consommations de drogues illicites, de la nutrition, du sommeil, etc.
  • [20]
    Jacques Revel (dir.), Jeux d’échelles : la micro-analyse à l’expérience, Paris : EHESS, Gallimard, 1996.
  • [21]
    Jean Danet (coord.), La réponse pénale, Rennes : PUR, 2013 ; dossier « Dix ans d’évolution de la justice pénale », AJ Pénal, 11, 2013, p. 571-590 ; dossier « Dix ans de traitement des délits (2000-2010) », Les Cahiers de la justice, 4, 2013.
English version

1 Au nom de la sécurité, érigée en demande sociale depuis la fin des années 1990, la régulation pénale suscite l’attention médiatique et génère des attentes polymorphes, qu’elles soient citoyennes ou politiques. Pour dissuader et réprimer les comportements d’écart aux normes réputés nourrir le sentiment d’insécurité, les incriminations et les sanctions pénales ont été multipliées. Inspirées par la doctrine anglo-saxonne de « tolérance zéro », les politiques pénales nationales et locales ont initié de nouveaux modes de traitement des délits, adaptés à la culture processuelle française mais visant à systématiser, à accélérer et à graduer la répression des infractions, notamment celles de faible gravité, naguère classées sans suite, commises par des délinquants primaires : alternatives aux poursuites (rappel à la loi, médiation pénale, classement sous condition, etc.), composition pénale, ordonnance pénale délictuelle (OPD), comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Cet arsenal procédural confère désormais aux parquets une capacité d’action stratégique au stade du choix de l’orientation des affaires, dont l’incidence sur la nature et la sévérité des sanctions prononcées s’avère déterminante.

2 L’extension des marges de manœuvre des procureurs rencontre cependant ses limites. Depuis l’entrée en vigueur de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), ceux-ci doivent s’approprier une nouvelle « culture de résultat » qu’insuffle un management par objectifs [1], le premier d’entre eux étant l’accroissement du taux de réponse pénale. Les magistrats sont invités à poursuivre un triple objectif d’efficience, fondée sur un emploi optimal des ressources disponibles (humaines, matérielles et financières), d’effectivité, par la systématisation d’une réaction judiciaire, et d’efficacité, par le choix de sanctions pénales adaptées aux caractéristiques des diverses formes de délinquance et propres à prévenir la récidive. Au niveau local, le ministère public se retrouve, par le fait, dans l’obligation d’ajuster sa politique pénale à ce credo en dépit de référentiels d’action peu concordants voire partiellement contradictoires. Comment soutenir que l’efficience reste toujours compatible avec l’effectivité ou que l’une ou l’autre offre le meilleur gage d’une plus grande efficacité ? Quoi qu’il en soit, il appartient désormais au ministère public de mettre en œuvre une logique d’action non plus binaire (poursuite/classement), mais ternaire (poursuite/alternatives/classement). Ces innovations procédurales ont eu pour effet de transformer l’organisation, le fonctionnement des parquets et les usages des magistrats grâce, notamment, à la mise en place du traitement en temps réel [2].

3 Au-delà du parquet, véritable cheville ouvrière des politiques locales de sécurité, c’est tout un ensemble d’acteurs qui se retrouvent mobilisés dans la mise en œuvre des nouveaux modes de traitement des délits et/ou pèsent sur la définition des politiques pénales locales : officiers de police judiciaire (OPJ), associations sociojudiciaires et du champ sanitaire et social, élus locaux, préfectures, etc. [3]. Sous l’influence d’approches dites « restauratrices » [4], « réparatrices » et de « responsabilisation » [5], victimes et mis en cause sont également appelés à endosser un rôle accru, au travers d’une « participation consensuelle » aux nouveaux modes de traitement des délits. Leurs promoteurs entendent revaloriser le rôle de la victime dans le processus pénal, rendre le système judiciaire plus humain et plus crédible dès lors qu’il donne une réponse effective et rapide aux infractions de faible gravité. Au carrefour des multiples courants de philosophie pénale, la doctrine de la « responsabilisation » poursuit un équilibre prétendument idoine entre éducation, prévention et punition, au service d’une adaptation dite qualitative de la réponse pénale aux infractions de faible gravité. Les pouvoirs publics attendent de ces nouvelles réponses pénales qu’elles encouragent l’auteur à mesurer l’impact de son acte, à en assumer la responsabilité et à comprendre le sens de la sanction, tout en l’incitant à adopter des comportements plus conformes aux normes légales, sinon sociales.

4 L’interprétation de ces mutations donne lieu à d’amples controverses dans le champ scientifique. Alors que les uns voient, au travers des nouvelles formes de réponse pénale, l’émergence d’une justice plus « douce » [6], plus humaine et mieux appropriée pour sanctionner les infractions de faible gravité, d’autres perçoivent ces transformations comme la marque d’un processus de sur-pénalisation [7]. Cette recomposition de la justice pénale manifesterait une extension du filet pénal à des comportements qui échappaient précédemment au contrôle des institutions régaliennes. Au niveau procédural, les nouveaux modes de traitement des délits ne viseraient pas tant la recherche de sanctions ad hoc que l’adaptation prosaïque à l’injonction d’apporter une réponse pénale rapide et incontournable. Par le truchement du management par objectifs s’insinuerait une nouvelle culture gestionnaire de répression. La politique pénale se définirait désormais moins par la seule volonté de contenir la délinquance en s’efforçant de donner, fusse illusoirement [8], un sens à la peine que par l’ajustement de ces fins aux moyens : tout se passerait comme si les principes d’action (la détermination du nombre d’affaires à poursuivre et le choix de la procédure) se forgeaient désormais en fonction des capacités logistiques des juridictions. On ne peut effectivement qu’être frappé par la rapidité avec laquelle ces logiques de pénalisation ont progressivement façonné un nouvel esprit procédural, que le langage indigène ne cherche même plus à dissimuler (gestion, flux, stocks… relèvent désormais du lexique commun des magistrats [9]). En définitive, on assisterait bien à un mouvement de rationalisation mais, pour le dire en termes webériens, guidé par des considérations autant comptables qu’axiologiques. Dès lors, comment concilier la dépersonnalisation inhérente au traitement de masse des dossiers avec le principe de l’individualisation des peines (prise en compte de la singularité des affaires, circonstances de l’infraction mais aussi trajectoire et personnalité du délinquant, etc.) ? Si l’hypothèse de sa bureaucratisation devait être confirmée, la visée d’une amélioration qualitative de la réponse pénale, au travers de l’adhésion, de la participation et de l’implication de l’auteur et de la victime, ne manquerait pas d’être compromise. L’effet pédagogique escompté par le recours à certaines procédures instaurées au cours de ces dix dernières années pourrait bien rester lettre morte en raison des usages maintenant routiniers dont elles font l’objet. Au bout du compte, celles-ci pourraient bien ne conserver qu’une dimension punitive. Manifestant la réorientation de la philosophie pénale dominante autour de la théorie du libre-arbitre, il s’agirait bien plus de réaffirmer la responsabilité des délinquants que de favoriser leur responsabilisation par des sanctions d’un type renouvelé. Dans cette optique, la participation d’acteurs extérieurs, notamment celle des associations socio­judiciaires, tendrait moins à l’humanisation d’une réponse pénale, assortie aux particularités de certaines infractions et de leurs auteurs, qu’à sa systématisation au moindre coût. Sous l’emprise d’une gouvernance par les statistiques, les logiques d’efficience et d’effectivité prenant tendanciellement le pas sur la recherche d’effi­cacité participeraient d’une véritable « définalisation » de l’action publique [10]. Très concrètement, « la faculté de jugement [des magistrats, fondée] sur des opérations de qualification juridique et d’interprétation de textes » [11], résisterait mal à l’injonction de quantifier et de programmer leurs conduites. Sous l’influence des préceptes néolibéraux, le discours de la modernisation n’offrirait qu’une « promesse de progrès sans orientation » [12], en congédiant « tout horizon externe, toute raison de surplomb, toute vision d’ensemble (considérés comme idéologiques) » [13], en transformant « la performance sociale d’un appareillage en performance interne, en vertu de laquelle l’im­portant est de faire bien les choses et non de faire les bonnes choses » [14]. Dès lors, les décisions des magistrats s’inscriraient dans une « dynamique autoréférentielle » [15], bien plus en phase avec un ethos comptable et gestionnaire qu’avec des principes guidés par le sens de l’intervention pénale.

5 Plusieurs travaux de recherche s’efforcent de donner du crédit aux interprétations que nous venons d’évoquer. Mais force est de constater que les études empiriques menées pour les étayer sont peu nombreuses. Il demeure délicat de mesurer l’intensité des phénomènes de normalisation en cours. Quand certains travaux concluent à une homogénéisation des usages procéduraux condamnant à terme les particularismes juridictionnels [16], d’autres insistent sur l’autonomie relative des politiques pénales locales dont témoignerait, par-delà les logiques top down, leur résistance à l’unifi­cation des modes de traitement des délits [17]. Ces recherches reposent, par ailleurs, sur des investigations généralement circonscrites (le traitement en temps réel, les diverses alternatives aux poursuites, la CRPC, la coproduction de la politique pénale, etc.) qui exposent souvent leurs conclusions au risque de synecdoque, un risque classique en sciences sociales ; de sorte qu’une mise bout à bout des recherches embrassant le sujet permet difficilement d’appréhender, pour paraphraser Luc Boltanski et Ève Chiapello, « le nouvel esprit de la politique judiciaire » [18].

6 Des interrogations similaires subsistent quant aux transformations affectant les jeux d’acteurs qui, à un titre ou à un autre, interviennent dans le processus pénal. Nombre d’analyses tendent à assimiler ces derniers à des réceptacles passifs de réformes pensées par l’État central, en faisant très souvent fi de leur marge de manœuvre, de leurs stratégies propres voire des ratés de la synergie souhaitée. Présupposant l’obéissance aux prescriptions, de telles interprétations risquent fort de scotomiser les différentes figures de mise en œuvre oscillant, plus vraisemblablement, de l’accommodement à une dissidence plus ou moins franche. De fait, les décisions formelles, prises en amont par les instances gouvernementales ou les échelons hiérarchiques, sont susceptibles de se transformer suivant les représentations, les valeurs, les intérêts et les contraintes respectives de leurs agents. Les magistrats, du siège comme du parquet, conservent au niveau local une autonomie certes relative, mais néanmoins réelle, dans leurs manières de satisfaire aux exigences du management par objectifs, de choisir les réponses pénales qui leur paraissent idoines aux divers types d’infraction ou encore dans leur façon de conduire les partenariats locaux avec les acteurs extrajudiciaires. Face aux magistrats, les associations sociojudiciaires et les partenaires locaux disposent de latitudes plus ou moins étendues leur permettant de peser, même à la marge, sur la définition et la nature des réponses pénales apportées aux diverses infractions ; de sorte que les nouvelles formes de sanction introduites ces dix dernières années peuvent considérablement varier suivant les particularités de chaque configuration locale. Ces variations peuvent affecter la nature des infractions sanctionnées, la finalité et les formes des sanctions (dimension punitive, éducative, etc.), l’implication des victimes et des auteurs, comme les garanties procédurales assurées au justiciable.

7 Des enjeux de connaissance que nous venons de décliner ont découlé l’objet et la démarche adoptée dans une recherche collective et pluridisciplinaire financée par l’Agence nationale de la recherche, consacrée à l’évolution des modes de traitement des délits dans cinq juridictions du Grand Ouest dont émanent les cinq contributions qui nourrissent le dossier du présent numéro.

I. Une démarche monographique et diachronique

8 Seule une approche comparative, diachronique et localement située, qui plus est structurale, des modalités concrètes de recours aux différents dispositifs de traitement des délits pouvait permettre de vérifier la pertinence de certaines interprétations, trop souvent univoques et désindexées de tout contexte. Pour décrire le traitement des délits au plus près des usages en cours dans une juridiction, nous avons donc réalisé cinq monographies comparées.

9 Les cinq juridictions étudiées présentent des caractéristiques morphologiques particulières et suffisamment contrastées au regard de leur taille, de leur environnement sociodémographique, du volume et de la nature de leurs contentieux, enfin de la cour d’appel de rattachement. Elles appartiennent à trois cours d’appel différentes, de sorte qu’il est possible d’analyser les différences de traitement pénal entre cours d’appel et au sein d’une même cour pour trois d’entre elles. Deux juridictions rayonnent sur un environnement rural (nommées DIVE et BARI) et traitent chaque année un volume d’affaires pénales peu élevé (entre 15 000 et 20 000). Deux autres se situent dans des agglomérations de taille moyenne (ARNO, ÉTUC) et traitent annuellement entre 30 000 et 45 000 affaires. La cinquième juridiction (CARD) se situe dans une agglomération de plus de 500 000 habitants et traite plus de 60 000 affaires par an. DIVE, ÉTUC et CARD relèvent de la même cour d’appel. Toutes sont situées dans l’Ouest de la France, dans deux départements bretons (DIVE et ÉTUC) et trois départements des Pays de la Loire (ARNO, BARI et CARD) encore marqués par une faible proportion d’immigrés dans leurs populations respectives. Aucune de ces juridictions n’appartient aux 35 premières villes classées par leur part d’immigrés dans la liste des 42 villes françaises comptant, en 2008, plus de 90 000 habitants. Trois d’entre elles (ÉTUC, CARD et ARNO) se trouvent en queue de liste avec des taux respectivement de 7,7 %, 7,3 % et 6,7 %. Ajoutons que, dans leur ressort, la dépaysannisation et la désouvriérisation y ont été moins prononcées que dans le reste du pays et que plusieurs indicateurs, en premier lieu le taux de chômage, y révèlent, au moins jusqu’en 2010, une situation sociale moins dégradée qu’en d’autres régions. En revanche, alors que le baromètre santé [19] souligne une baisse tendancielle de la consommation ponctuelle importante d’alcool à l’échelle du pays tout entier, l’Ouest, et plus particulièrement la Bretagne et les Pays de la Loire, se distinguent par une consommation fréquente et des ivresses plus répandues, avec pour effet une part plus conséquente de conduites en état alcoolique parmi les contentieux traités au sein des juridictions de l’étude.

10 Dans une perspective diachronique, l’objectif consistait à rendre compte, sur une dizaine d’années, des évolutions des modes d’agir locaux. L’intérêt de cette démarche tient à la possibilité de mener des études « intensives », en contrôlant autant que possible les particularismes de contexte qui peuvent peser lourd sur les jeux d’acteurs à diverses échelles [20], l’institution (la juridiction) et la scène locale dont procèdent les destinées judiciaires des affaires : culture régionale, morphologie de la juridiction (taille, partenariat, etc.), facteurs liés aux positions et aux dispositions personnelles des magistrats, à leur habitus et à leur carrière (ancienneté, postes successivement occupés, etc.). Si l’objectivation de ces destinées, constatées et non plus seulement légales ou virtuelles, repose essentiellement sur la saisie statistique des dossiers pénaux, et dans une moindre mesure sur l’analyse des statistiques produites par le ministère de la Justice, la compréhension des logiques présidant à leur orientation ainsi qu’à leurs justifications réclamait aussi des investigations de type ethnographique.

I.1. Une approche statistique des destinées judiciaires des affaires

11 Le volume annuel d’affaires traitées en chacun des terrains choisis autorisait, sans perte de validité scientifique, de procéder par échantillonnage. Quatre années jalon (2000, 2003, 2006, 2009) et, pour chacune, l’activité accomplie durant la première quinzaine d’octobre nous ont servi de bases raisonnées de saisie. Si on postule, en effet, qu’une réforme législative produit des effets visibles dans les pratiques quotidiennes des acteurs de la justice dans un délai de deux à trois ans, ces quatre années s’imposaient. L’année 2000 est une année « zéro » qui donne à voir la masse et la nature du contentieux, ainsi que la façon dont les juridictions s’en saisissent, dans une période où la diversification des canaux procéduraux n’en est qu’à ses balbutiements. Si la médiation pénale existe depuis la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993, c’est en effet la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 qui inaugura véritablement la diversification des canaux procéduraux, avec l’instauration de nombreuses alternatives aux poursuites à l’article 41-1 du Code de procédure pénale (CPP). L’année 2003 permet d’apprécier, avec une bonne distance, les effets de la rupture opérée par la loi du 23 juin 1999 et, avec une moindre distance, les premiers effets de l’extension de l’ordonnance pénale délictuelle aux délits au Code de la route par la loi du 9 septembre 2002. Elle constitue également une année « zéro » avant l’introduction de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité par la loi du 9 mars 2004. Deux années après l’entrée en vigueur de la CRPC, l’année 2006 donne une première idée de l’engouement comparatif des juridictions en faveur de ce nouveau mode de jugement. Enfin, a été logiquement retenue la dernière année à laquelle il était possible d’accéder au regard du programme calendaire de la recherche, à savoir 2009.

12 Au bout du compte, ont été dépouillés, toutes juridictions confondues, environ 7 500 dossiers pénaux qui peuvent être distingués ainsi : 6 252 dossiers de poursuites pénales (poursuites « classiques », OPD et CRPC), 426 dossiers de composition pénale, 753 dossiers de rappel à la loi et 131 dossiers de médiation pénale. Pour mieux connaître cette nouvelle procédure, un sort particulier a cependant été réservé aux dossiers de CRPC. En parallèle de notre échantillon représentatif de poursuites (N = 3 537), nous avons procédé à une saisie exhaustive des CRPC pour les années 2006, 2009 et le premier semestre 2010 (N = 2 903).

13 Pour chaque dossier, nous avons enregistré dans un logiciel de traitement statistique (Modalisa) une centaine de variables portant sur les faits (les trois premières infractions reprochées aux trois premiers prévenus apparaissant dans chaque affaire, circonstances aggravantes, date des faits), les actes de procédure (date de saisine du service de traitement en temps réel, nature de la procédure, date du jugement ou du prononcé de la sanction alternative, ouverture d’information, décision de placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire, appel, etc.), la nature du jugement (contradictoire, contradictoire à signifier, par défaut, etc.), le profil des victimes (sexe, lien avec l’auteur, constitution de partie civile, etc.) et des auteurs (antécédents judiciaires – récidive et nombre de condamnations antérieures–, âge, sexe, lieu de naissance, domiciliation, niveau de diplôme, situation au regard de l’emploi, profession, revenus), les réquisitions des parquets et les peines prononcées, etc. Il arrive que les informations dites de « personnalité », dont le degré de fiabilité oblige à une exploitation prudente, s’avèrent par trop lacunaires. À s’en tenir aux « données » relatives à la situation professionnelle, au revenu, à l’ancienne activité socioprofessionnelle et au diplôme, on se convainc rapidement, en consultant les dossiers, que celles-ci sont obtenues le plus souvent auprès de l’intéressé, sur un mode déclaratif, par un fonctionnaire de police ou de gendarmerie plus ou moins zélé, et parfois auprès de témoins. Les enquêtes sociales et les expertises psychiatriques sont rares (moins de 3 % des affaires pour chaque type). De temps en temps, mais de temps en temps seulement, des notes d’audience griffonnées sur papier libre viennent attester l’intérêt manifesté par le juge, à l’occasion des débats, dans le but de mieux évaluer les situations sociale et pécuniaire du prévenu avant de délibérer. Au cours de l’audience, les contributions des avocats, soucieux d’exciper des attestations (bulletins de salaire, contrats de travail, certificats de toutes sortes) à l’appui de la défense de leurs clients, viennent parfois pallier les lacunes de l’enquête. Malheureusement, le dossier papier ne garde pas toujours la trace de ces échanges. Nonobstant ces réserves, l’analyse statistique permet d’objectiver les trajectoires et destinées judiciaires des affaires, les évolutions du traitement pénal des délits au fil du temps, les convergences et les spécificités locales des pratiques d’orientation et de sanction.

I.2. Une ethnographie des pratiques judiciaires

14 Si l’objectivation des trajectoires judiciaires, constatées et non plus seulement légales ou virtuelles, repose sur la saisie statistique des dossiers pénaux, la compréhension des logiques présidant à leur orientation ainsi qu’à leurs justifications exigeait d’armer l’approche quantitative par une ethnographie fondée tout à la fois sur des entretiens et des observations. Une soixantaine d’entretiens, menés auprès de l’ensemble des professionnels impliqués (policiers, magistrats du parquet et du siège, acteurs associatifs, municipaux, préfectoraux, etc.) ont permis d’appréhender les représentations que ces divers opérateurs avaient des pratiques juridictionnelles effectives ainsi que des formes locales de réception et d’appropriation de la politique pénale ministérielle. À cela s’ajoutent des observations directes de divers lieux et instances : des audiences classiques du tribunal correctionnel, des réunions de concertation entre acteurs (Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance [CLSPD], etc.), des dispositifs de traitement en temps réel du côté policier et du côté des magistrats, des procédures de traitement et de sanction. S’agissant des entretiens auprès des magistrats, nous avons adopté un protocole original, éprouvé lors de recherches précédentes, qui consistait à soumettre à ces derniers une grille scénarisée composée de quatre cas de dossiers idéal-typiques des infractions les plus fréquemment traitées (vol, conduite sous l’emprise d’un état alcoolique [CEA], infraction à la législation sur les stupéfiants [ILS], violences), construits à partir des données collectées dans notre base statistique et comprenant diverses informations sur les faits, les antécédents de l’auteur, sa situation familiale, économique et professionnelle.

15 Il leur était demandé de se prêter à l’épreuve du traitement de chacune des affaires en indiquant, selon eux, comment celle-ci se trouvait traitée dans le passé, comment l’était-elle présentement au sein de la juridiction et quelle option retiendraient-ils s’ils jouissaient du loisir d’obéir à leur seule conviction. Des relances modifiant certaines variables (antécédents judiciaires ou policiers, profession, quantité ou nature des stupéfiants, etc.) permettaient d’évaluer l’incidence plus ou moins forte de chacune d’entre elles. Nous souhaitions ainsi mettre en tension les principes de réalité et les principes de valeurs personnelles, dégager la critériologie mobilisée par chacun, repérer la hiérarchie des variables (profil socioéconomique du prévenu, casier, infraction commise, etc.) influençant les modes d’évaluation des dossiers. Ce procédé aura favorisé un contournement de l’écueil auquel le chercheur s’expose fréquemment quand la situation d’entretien classique le condamne à ne recueillir le plus souvent qu’un discours autorisé sur les pratiques les plus légitimes. Ces entretiens semi-directifs ont également permis d’interroger ces magistrats de façon plus générale sur les mutations des pratiques judiciaires et de collecter des renseignements relatifs à leurs propres trajectoires professionnelles, éventuellement sociales (déroulement de carrière, postes occupés, conceptions du métier, âge, etc.).

Grille scénarisée des cas fictifs soumis aux magistrats

Sexe : un homme
Age : 30 ans
Contenu du casier judiciaire : néant
Taux : 0,75 mg/litre d’air expiré
Activité professionnelle : chauffeur-livreur
Revenu du ménage disponible : 2 100 €
Situation familiale : marié, deux enfants
Heure et circonstances du contrôle : 4 h du matin, sortie de boîte de nuit dans un véhicule personnel à l’occasion d’un contrôle systématique.
Association avec un autre délit : pas d’autre délit.
Comportement face aux forces de police ou de gendarmerie : a reconnu les faits sans protestation.
Sexe : un homme
Age : 32 ans
Contenu du casier judiciaire : casier (faits anciens)
Situation d’insertion :
Activité professionnelle : chômeur
Revenus : sans revenus
Situation familiale : célibataire
Sujet connu pour sa toxicomanie (casier en ce sens).
Suivi en psychiatrie (expertise psychiatrique ordonnée au cours de l’enquête : responsable)
Circonstances de l’infraction : tentative de vol de la caisse d’une boulangerie par un homme seul avec exhibition d’un couteau (sans cran d’arrêt) ; il demande la caisse, le boulanger a réagit, l’intéressé a pris la fuite.
Pas de constitution de partie civile.
Sexe : un homme
Age : 22 ans
Contenu du casier judiciaire : néant
Situation d’insertion :
Activité professionnelle : étudiant à la faculté de sciences
Revenus : à la charge de ses parents
Situation familiale : célibataire
— Interpellation un jeudi soir en centre ville d’un jeune homme qui fumait un joint. Après la fouille, découverte de 10 grammes d’herbe sur lui.
— Déclare que c’est pour sa consommation personnelle
Sexe : un homme
Age : 45 ans
Contenu du casier judiciaire : néant
Situation d’insertion :
Activité professionnelle : chef d’équipe dans le bâtiment et travaux publics
Situation familiale : marié, trois enfants à charge
En centre-ville, un homme est avec sa femme, en voiture. Deux jeunes filles (22 ans) traversent la route brutalement en dehors du passage piéton, obligeant le véhicule à freiner brusquement. La passagère avant du véhicule est blessée par la violence du freinage. Le conducteur du véhicule invective les deux jeunes filles. L’une d’entre elles répond par un « doigt d’honneur ». Le conducteur sort de son véhicule et assène une gifle violente à la jeune fille qui est assommé par le coup reçu (incapacité totale de travail [ITT] de 10 jours).

Grille scénarisée des cas fictifs soumis aux magistrats

16 Une approche résolument pluridisciplinaire fut au cœur de notre démarche. Nous n’avons pas les uns et les autres travaillé de façon isolée, sur des aspects tenant à nos disciplines respectives. L’élaboration de la grille de saisie statistique, la consultation des dossiers, la collecte et l’analyse des données et la fabrication du guide d’entretien ont été effectués collectivement, en la présence systématique de juristes, de sociologues et psychosociologues. À l’identique, les entretiens et les observations participantes ont le plus souvent été réalisés par des binômes représentatifs de nos diverses disciplines. Après quatre années de débats collectifs, de confrontations des matériaux progressivement recueillis, d’échanges sur nos interprétations respectives et de mutualisation de nos connaissances et savoir-faire, nous sommes unanimes à penser que ce regard croisé est essentiel pour éclairer la complexité des processus à l’œuvre.

II. Des conduites pénales à l’épreuve du management judiciaire

17 L’objectif n’est pas, dans le cadre de ce dossier, de procéder à une restitution synthétique des principaux enseignements de la recherche, déjà exposés dans plusieurs publications [21]. Nous avons plutôt fait le choix, ici, de présenter des contributions qui offrent l’opportunité, à partir de focales inédites, de dégager les enjeux d’ordres divers (juridiques, professionnels, sociaux) que ne manque pas de soulever la pénétration dans l’institution judiciaire de logiques managériales et d’usages procéduraux renouvelés. Virginie Gautron et Audrey Lenoir explorent ainsi les pratiques des parquets, en s’intéressant plus particulièrement aux répliques à l’injonction politique de plus en plus pressante de limiter les classements sans suite. Elles démontrent que les parquetiers, confrontés à des rationalités pénales et managériales plus souvent concurrentielles que complémentaires, ont certes multiplié les alternatives aux poursuites, mais aussi mobilisé quelques stratagèmes pour conserver des marges d’autonomie décisionnelle malgré de fortes pressions hiérarchiques. Pour éviter d’asphyxier plus encore les filières alternatives tout en présentant des résultats flatteurs, plus rarement pour contenir les manifestations d’une réelle sur-pénalisation, ceux-ci jouent des biais de leur nomenclature statistique et évacuent ainsi discrètement des affaires.

18 En concentrant son attention sur l’ordonnance pénale délictuelle (OPD), Gildas Roussel souligne en quoi cette procédure rapide, standardisée et non contradictoire, s’est imposée comme la procédure de poursuite la plus appropriée au traitement des délits de masse, notamment les délits routiers. L’OPD, dont le champ d’application, excluant désormais la récidive, a été élargi à d’autres infractions permet, de fait, de désengorger de manière très importante les juridictions en évitant pragmatiquement de renvoyer beaucoup d’affaires à l’audience. Requérant des dispositions à la synergie, elle suppose tout à la fois des ententes négociées entre le parquet et le siège ainsi que le concours de la police par le truchement de barèmes d’orientation utilisés lors du traitement direct. En outre, elle produit deux effets importants sur la répression. D’abord, elle conduit à une prédominance de la peine d’amende sur les autres types de sanction. Ensuite, en augmentant le nombre de personnes condamnées, elle crée mécaniquement de la récidive. Procédure peu judiciarisée, l’OPD illustre bien la transformation de la justice pénale en une administration de la répression, qui pourrait souffrir d’une pédagogie moins assurée. Emblématique d’une nouvelle culture procédurale, elle garantit néanmoins des gains de productivité qui la rendent, en dépit de ses travers, particulièrement attractive. Mais si l’OPD semble désormais privilégiée pour traiter les dossiers de délinquance routière, elle ne constitue ni la seule orientation légale, ni l’orientation obligée de ce type d’infraction. En effet, la répression pénale de la conduite sous l’emprise d’un état alcoolique, étudiée par Jean-Noël Retière et Camille Trémeau, découvre un spectre d’issues plus ou moins probables selon les juridictions, ce qui d’ailleurs témoigne tant des freins au processus d’uniformisation que de la survivance de particularismes juridictionnels. Après avoir rappelé l’ampleur de ce contentieux et précisé les caractéristiques sociologiques de cette délinquance, les auteurs se sont appuyés sur les justifications produites par les magistrats rendant compte de leurs traitements effectif et idéalement souhaité de cette infraction singulière pour mettre au jour des postures distinctes (volontaristes, fatalistes, vindicatives, etc.) oscillant entre engagement et accommodement, largement tributaires des fonctions occupées et des valeurs investies dans le métier. Fortement contraints par des nécessités productivistes, les usages procéduraux sont ainsi appréciés à partir de plusieurs registres de contentement ou d’achoppement qui dessinent les lignes de clivage liées aux convictions et au sens donné à la mission. Il en est ainsi du processus de bureaucratisation de la répression, cautionné au nom du principe d’égalité des justiciables ou bien décrié pour ruiner définitivement toute chance de juger en équité. On comprend, dans ces conditions, que la nature de la peine, et notamment le degré d’individualisation dont elle procède, soit devenu un enjeu qui se retrouve au cœur des tensions, comme le révèle Claire Saas, qui se penche sur la détermination des peines et, plus précisément, de l’une d’entre elles, le sursis avec mise à l’épreuve (SME). Plutôt que d’individualisation qui constitue au demeurant un horizon inaccessible, il serait désormais plus pertinent de parler d’une personnalisation par grands groupes de délinquants. Selon le canal procédural envisagé et selon les groupes auxquels les infracteurs peuvent être rattachés, le privilège accordé à un type de sanction traduit très concrètement la standardisation de la réponse pénale. Ce processus de catégorisation processuelle et substantielle apparaît clairement pour l’emprisonnement assorti du sursis avec mise à l’épreuve, qui est l’une des sanctions pénales les plus prononcées, toutes procédures et toutes infractions confondues. Le recours à l’emprisonnement avec SME est principalement motivé par la mise en place d’un encadrement dans un but de normalisation du comportement du condamné, même si celle-ci butte sur les défaillances du système d’exécution des peines. Enfin, sans prétendre à une saisie exhaustive des métamorphoses du système pénal, il convenait de réserver une place au statut accordé à la victime en tant que figure majeure des recompositions de la justice pénale délictuelle dans le procès répressif. La contribution de Sylvie Grunvald répond à l’intention d’éclairer les modalités actuelles d’intervention de la victime, encouragées par le législateur depuis maintenant une trentaine d’années, dans le but de répondre tant aux demandes d’indemnisation du préjudice subi, qu’aux aspirations à trouver, dans la procédure pénale, une véritable réparation du traumatisme causé. Alors que les procédures pénales en matière délictuelle se diversifiaient au nom d’impératifs de célérité et d’efficacité pour réagir à l’infraction commise, dans le même temps, semblait s’imposer un droit des victimes d’infractions pour une reconnaissance de leur place en obligeant à « trianguler » le procès pénal entre l’auteur, le ministère public et la victime. Lorsque s’est enclenché ce mouvement de diversification de la réponse pénale, la victime s’est vue immédiatement concernée, avec l’apparition de la médiation pénale, première forme d’alternative aux poursuites mise en œuvre en 1993. Mais, ultérieurement, la consécration de la notion de réponse pénale fondée sur une systématisation de la réaction de l’institution judiciaire à chaque acte infractionnel, ainsi que sur la gestion des flux des dossiers dans les circuits procéduraux, a eu tendance à reléguer les intérêts de la victime sur le seul terrain indemnitaire. Tout se passe comme si la célérité et l’efficacité de la justice pénale délictuelle, sur lesquelles veille un ministère public maître de la phase cruciale qu’est devenue l’orientation, pouvaient souffrir de l’incursion par trop affirmée d’une victime parfois perçue comme une intruse dans ce nouvel ordonnancement procédural.


Date de mise en ligne : 22/12/2014

https://doi.org/10.3917/drs.088.0579

Notes

  • [1]
    Virginie Gautron, « L’impact des préoccupations managériales sur l’administration locale de la justice pénale », Champ pénal/Penal field, XI, 2014, mis en ligne le 21 janvier 2014, <http://champpenal.revues.org/8715> ; DOI : 10.4000/champpenal.8715 ; Cécile Vigour, « Justice : l’introduction d’une rationalité managériale comme euphémisation des enjeux politiques », Droit et Société, 63-64, 2006, p. 425-455 ; Christine Rothmayr Allison, « Le droit et l’administration de la justice face aux instruments managériaux », Droit et Société, 84, 2013, p. 277-288.
  • [2]
    Benoit Bastard et Christian Mouhanna, Une justice dans l’urgence. Le traitement en temps réel des affaires pénales, Paris : PUF, 2007.
  • [3]
    Virginie Gautron, « La coproduction locale de la sécurité en France : un partenariat interinstitutionnel déficient », Champ pénal/Penal field, VII, 2010, mis en ligne le 27 janvier 2010, <http://champpenal.revues.org/7719> ; Anne Wyvekens, L’insertion locale de la justice pénale. Aux origines de la justice de proximité, Paris : L’Harmattan, 1997 ; Jacques Donzelot et Anne Wyvekens, La magistrature sociale. Enquêtes sur les politiques locales de sécurité, Paris : La documentation française, 2004.
  • [4]
    Robert Cario, La justice restaurative. Principes et promesses, Paris : L’Harmattan, 2005.
  • [5]
    Françoise Digneffe et Thierry Moreau (dir.), La responsabilité et la responsabilisation dans la justice pénale, Bruxelles : Larcier, De Boeck, 2006.
  • [6]
    Jean-Pierre Bonafé-Schmitt, La médiation, une justice douce, Paris : Syros, 1992.
  • [7]
    Loïc Wacquant, Punir les pauvres. Le nouveau gouvernement de l’insécurité, Marseille : Agone, 2004 ; Laurent Mucchielli, Violences et insécurité. Fantasmes et réalités dans le débat français, Paris : La découverte, 2001.
  • [8]
    Guy Casadamont et Pierrette Poncela, Il n'y a pas de peine juste, Paris : Odile Jacob, 2004.
  • [9]
    Jean-Noël Retière, « Magistrat : un métier “choisi et passionnant”… au risque du désenchantement ? », Les Cahiers de la justice, 4,2013.
  • [10]
    Dan Kaminski, Pénalité, management, innovation, Namur : Presses universitaires de Namur, 2009.
  • [11]
    Alain Supiot, L’esprit de Philadelphie. La justice sociale face au marché total, Paris : Seuil, 2010.
  • [12]
    Ibid., p. 40.
  • [13]
    Antoine Garapon, La raison du moindre État. Le néolibéralisme et la justice, Paris : Odile Jacob, 2010, p. 24.
  • [14]
    Dan Kaminski, Pénalité, management, innovation, op. cit., p. 40.
  • [15]
    Marie-Sophie Devresse, « La gestion de la surpopulation pénitentiaire : perspectives politiques, administratives et juridictionnelles », Droit et société, 84, 2013, p. 349.
  • [16]
    Élodie Pinsard, Les pratiques des magistrats en matière de répression de la délinquance routière : les cas des TGI de Lyon, Roanne et Saint-Étienne, thèse de science politique, Saint-Étienne : universités de Saint-Étienne-Lyon 2, 2012.
  • [17]
    Claudine Perez-Diaz, Jeux avec des règles pénales : le cas des contraventions routières, Paris : L’Harmattan, 1998 ; Michèle Guilbot, Analyse de la gestion judiciaire des délits routiers. Étude comparative dans deux départements, Arcueil : INRETS, 1990 ; Id., Le contrôle pénal de la circulation routière. Contraventions de cinquième classe et délits routiers : infractions constatées et poursuites pénales, Arcueil : INRETS, 1994.
  • [18]
    Luc Boltanski et Ève Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Paris : Gallimard, 1999.
  • [19]
    Les baromètres santé, créés en 1992 par le Comité français d’éducation pour la santé (CFES), devenu Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) en 2002, avec le soutien, notamment, de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), la direction de la Recherche, de l’Évaluation et des Études statistiques du ministère de la Santé et des Solidarités (Drees) et de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) procèdent d'enquêtes déclaratives relatives aux pratiques relevant, notamment, du tabagisme, de l’alcoolisation, des consommations de drogues illicites, de la nutrition, du sommeil, etc.
  • [20]
    Jacques Revel (dir.), Jeux d’échelles : la micro-analyse à l’expérience, Paris : EHESS, Gallimard, 1996.
  • [21]
    Jean Danet (coord.), La réponse pénale, Rennes : PUR, 2013 ; dossier « Dix ans d’évolution de la justice pénale », AJ Pénal, 11, 2013, p. 571-590 ; dossier « Dix ans de traitement des délits (2000-2010) », Les Cahiers de la justice, 4, 2013.

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