Couverture de DRS1_116

Article de revue

Devenir victimes de l’État. La longue quête de réhabilitation des mineurs grévistes de 1948

Pages 117 à 137

Notes

  • [1]
    Je tiens à remercier Fabien Desage, Anne-Cécile Douillet et Christine Rothmayr Allison ainsi que les deux évaluateurs de ce texte pour leurs relectures attentives et leurs conseils.
  • [2]
    Marion Fontaine et Xavier Vigna, « La grève des mineurs de l’automne 1948 en France », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 121 (1), 2014, p. 21-34. DOI : https://doi.org/10.3917/ving.121.0021.
  • [3]
    Jean-Louis Vivens, Conflit social ou affrontement politique ? La grève des mineurs en France en 1948 sous les angles de la solidarité et de la répression, mémoire de recherche en histoire, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2015.
  • [4]
    Ibid.
  • [5]
    On emploie ici le terme « réintégration » à la manière de Nicolas Offenstadt, qui décrit par cette expression le fait d’inclure au sein de la mémoire collective nationale des actes jusqu’alors jugés indignes par les pouvoirs publics. Pour lui, l’acte de réintégration ne passe pas forcément par le vote d’une loi. Un changement de discours peut aussi être une forme de réintégration : Nicolas Offenstadt, Les Fusillés de la Grande Guerre et la mémoire collective (1914-2009), Paris : Odile Jacob, 2009.
  • [6]
    Par réhabilitation on entend une mesure judiciaire ou légale, émanant donc d’une autorité publique, qui vient effacer une punition – provenant elle aussi d’une autorité publique – et ses conséquences.
  • [7]
    Didier Fassin et Richard Rechtman, L’Empire du traumatisme. Enquête sur la condition de victime, Paris : Flammarion, 2010 ; Johann Michel, « L’institutionnalisation du crime contre l’humanité et l’avènement du régime victimo-mémoriel en France », Canadian Journal of Political Science / Revue canadienne de science politique, 44 (3), 2011, p. 663‑84.
  • [8]
    Janine Barbot et Nicolas Dodier, « Violence et démocratie au sein d’un collectif de victimes. Les rigueurs de l’entraide », Genèses, 81 (4), 2010, p. 84-103. DOI : 10.3917/gen.081.0084 ; Jean-Noël Jouzel et Giovanni Prete, « De l’exploitation familiale à la mobilisation collective. La place des conjointes dans un mouvement d’agriculteurs victimes des pesticides », Travail et emploi, 147, 2016, p. 77‑100. DOI : 10.4000/travailemploi.7146 ; Florian Pedrot, « Être ou devenir victime ? Le cas des surirradiés », Politix, 106 (2), 2014, p. 189-210. DOI : 10.3917/pox.106.0189 ; Sophie Baby, « Vérité, justice, réparation : de l’usage en Espagne de principes internationaux », Matériaux pour l'histoire de notre temps, 111-112 (3), 2013, p. 25-33. DOI : 10.3917/mate.111.0025 ; Marie-Claude Chaput et Allison Taillot, « Le franquisme face à la justice », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 111-112 (3), 2013, p. 39-48. DOI : 10.3917/mate.111.0039 ; Stéphane Latté, « Le choix des larmes. La commémoration comme mode de protestation », Politix, 110 (2), 2015, p. 7-34. DOI : 10.3917/pox.110.0007 ; Vincent-Arnaud Chappe et Narguesse Keyhani, « La fabrique d’un collectif judiciaire. La mobilisation des cheminots marocains contre les discriminations à la SNCF », Revue française de science politique, 68 (1), 2018, p. 7‑29. DOI : 10.3917/rfsp.681.0007 ; Sélim Smaoui, « Sortir du conflit ou asseoir la lutte ? Exhumer et produire des “victimes républicaines” en Espagne », Revue française de science politique, 64 (3), 2014, p. 435-458. DOI : 10.3917/rfsp.643.0435.
  • [9]
    Renaud Hourcade, « Militer pour la mémoire. Rapport au passé et luttes minoritaires dans deux anciens ports négriers », Politix, 110 (2), 2015, p. 63-83. DOI : 10.3917/pox.110.0063 ; Emmanuelle Comtat, « Du vote des pieds-noirs aux politiques mémorielles à l’égard des rapatriés. Étude du lien entre une opinion publique catégorielle et l’action publique », Pôle Sud, 45 (2), 2016, p. 119-135. DOI : 10.3917/psud.045.0119.
  • [10]
    Emmanuel Henry, Amiante : un scandale improbable. Sociologie d’un problème public, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2015. DOI : 10.4000/books.pur.12719 ; Yannick Barthe, « Cause politique et “politique des causes” », Politix, 23 (3), p. 77-102. DOI : 10.3917/pox.091.0077.
  • [11]
    Caroline Huyard, « Quand la puissance publique fait surgir et équipe une mobilisation protestataire. L’invention des “maladies rares” aux États-Unis et en Europe », Revue française de science politique, 61 (2), 2011, p. 183-200. DOI : 10.3917/rfsp.612.0183.
  • [12]
    Daniel Cefaï, « La construction des problèmes publics. Définitions de situations dans des arènes publiques », Réseaux, 75, 1996, p. 43‑66. DOI : 10.3406/reso.1996.3684.
  • [13]
    Yannick Barthe, « Cause politique et “politique des causes” », op. cit. ; Jean-Noël Jouzel et Giovanni Prete, « De l’exploitation familiale à la mobilisation collective », op. cit.
  • [14]
    Jeannine Barbot et Nicolas Dodier, « Violence et démocratie au sein d’un collectif de victimes », op. cit.
  • [15]
    Florian Pedrot, « Être ou devenir victime ? », op. cit.
  • [16]
    Jean-Noël Jouzel et Giovanni Prete, « Mettre en mouvement les agriculteurs victimes des pesticides. Émergence et évolution d’une coalition improbable », Politix, 111 (3), 2015, p. 175-196. DOI : 10.3917/pox.111.0175.
  • [17]
    Paul Pierson, « Review. When effect becomes cause: Policy Feedback and Political Change », World Politics, 44 (5), 1993, p. 595-628. DOI : 10.2307/2950710.
  • [18]
    Jean-Louis Vivens, Conflit social ou affrontement politique ?, op. cit.
  • [19]
    Olivier Fillieule, « Propositions pour une analyse processuelle de l’engagement individuel. Post scriptum », Revue française de science politique, 51 (1), 2001, p. 199-215. DOI : 10.3917/rfsp.511.0199.
  • [20]
    De nombreux documents conservés par la CGT Mineurs La Gohelle attestent du rapprochement initié par plusieurs mineurs licenciés suite au vote de la loi d’amnistie en 1981. On peut par exemple citer une lettre du responsable syndical M. Mariage, datant du 4 mai 1982, informant G. Carbonnier du transfert de son dossier au siège parisien de la Fédération « pour intervention auprès du ministère » (Archives de la CGT Mineurs La Gohelle, dossier « 1982 »). On peut également citer pour exemple une lettre des responsables syndicaux M. Mariage et É. Wazny datant du 7 décembre 1982 et convoquant les mineurs licenciés à une réunion ayant pour but d’organiser l’action pour la réhabilitation (Archives de la CGT Mineurs La Gohelle, dossier « 1982 »).
  • [21]
    Maurice Halbwachs, La Mémoire collective, Paris : Albin Michel, 1997.
  • [22]
    Marion Fontaine, Fin d’un monde ouvrier. Liévin, 1974, Paris : Éditions de l’EHESS, 2014. DOI : 10.4000/books.editionsehess.6576 ; Marc Lazar, « Le mineur de fond : un exemple de l’identité du PCF », Revue française de science politique, 35 (2), 1985, p. 190‑205. DOI : 10.3406/rfsp.1985.396183 ; Bruno Mattei, Rebelle, rebelle ! Révoltes et mythes du mineur, Paris : Éditions Champ, 1987.
  • [23]
    Michel Offerlé, Sociologie des groupes d’intérêts, Paris : Monchrestien, 1994.
  • [24]
    Georges Rey, « Les putschistes réhabilités. Les députés communistes expriment leur désaccord et protestent contre l’utilisation de l’article 49-ter », Liberté, 24 novembre 1982.
  • [25]
    Norbert Gilmez, « Lettre à Christine Lagarde (ministre de l’Économie) », Bully-les-Mines, 30 mai 2011 (Archives personnelles de Norbert Gilmez).
  • [26]
    Norbert Gilmez, « Il y a 61 ans, le 7 octobre 1948 à Merlebach. Premier bilan sanglant du terrorisme d’État contre les mineurs en grève », Liberté 62, 9 octobre 2009.
  • [27]
    Au sens de D. Cefaï, il s’agit d’» une arène sociale dont les acteurs visent des biens publics, se réfèrent à l’intérêt public, définissent leurs problèmes comme publics et sentent, agissent et parlent en conséquence » : Daniel Cefaï, « Publics, problèmes publics, arènes publiques… Que nous apprend le pragmatisme ? », Questions de communication, 30, 2016, p. 38. DOI : 10.4000/questionsdecommunication.10704.
  • [28]
    Daniel Cefaï, « La construction des problèmes publics », op. cit.
  • [29]
    Anne Revillard, « Entre arène judiciaire et arène législative : les stratégies juridiques des mouvements féministes au Canada », in Jacques Commaille et Martine Kaluszynski (dir.), La Fonction politique de la justice, Paris : La Découverte, p. 143-163.
  • [30]
    Olivier Fillieule, « Propositions pour une analyse processuelle de l’engagement individuel. Post scriptum », op. cit.
  • [31]
    Dominique Simonnot, Plus noir dans la nuit, op. cit., p. 233.
  • [32]
    Yves Le Maner, « LEGRAND Joseph », in Dictionnaire Le Maitron, 2010. https://maitron.fr/spip.php?article107811
  • [33]
    Joseph Legrand, « Lettre à Georges Carbonnier », Carvin, 30 septembre 1982 (Archives de la CGT Mineurs La Gohelle, dossier « 1982 »).
  • [34]
    Débats parlementaires Assemblée Nationale, Journal Officiel de la République française, n° 114, 1983, p. 6377-6378.
  • [35]
    Dominique Simonnot, Plus noir dans la nuit, op. cit., p. 236.
  • [36]
    Il s’agit de Jean-Alain Barrier, responsable de la Fédération Mines – Énergie CGT.
  • [37]
    D. Simonnot explique cette non-application de l’article 107 de la loi de finances pour 2005 au cas de N. Gilmez ainsi : « Norbert, lui, n’a rien eu, le décompte s’étant établi à dater de 1984, et puisqu’en 1975, en tant que représentant syndical, il avait eu, à nouveau, droit au chauffage et au loyer gratuits » : Dominique Simonnot, Plus noir dans la nuit, op. cit., p. 237.
  • [38]
    C’est N. Gilmez qui souligne. Il fait ici référence à un mail de J.-A. Barrier annonçant le vote de l’article 107 de la loi de finances pour 2005 qu’il qualifie de « sacrée victoire » (Archives de la CGT Mineurs La Gohelle, dossier « 2004 »).
  • [39]
    Norbert Gilmez, « La coupe est pleine », 2008 (Archives de la CGT Mineurs La Gohelle, dossier « 2004 »).
  • [40]
    C’est G. Carbonnier qui souligne.
  • [41]
    « Lettre de G. Carbonnier à R. Frackowiak », Dunkerque, 25 août 1999 (Archives de la CGT Mineurs La Gohelle, dossier « 1999 »).
  • [42]
    Daniel Gaxie, « Rétributions du militantisme et paradoxes de l’action collective », Swiss Political Science Review, 2005, p. 157‑88. DOI : 10.1002/j.1662-6370.2005.tb00051.x.
  • [43]
    « Lettre de G. Carbonnier à J. Bernard », Dunkerque, 11 août 1999 (Archives de la CGT Mineurs La Gohelle, dossier « 1999 »).
  • [44]
    Vincent-Arnaud Chappe, « Le cadrage juridique : une ressource politique ? La création de la Halde comme solution au problème de l’effectivité des normes anti-discriminations (1998-2005) », Politix, 94, 2011, p. 107-130. DOI : 10.3917/pox.094.0107.
  • [45]
    Ibid.
  • [46]
    Vincent-Arnaud Chappe, « Les discriminations syndicales saisies par le droit à PSA », La nouvelle revue du travail, 7, 2015. DOI : 10.4000/nrt.2324 ; Id., « Dénoncer en justice les discriminations syndicales : contribution à une sociologie des appuis conventionnels de l’action judiciaire », Sociologie du travail, 55 (3), p. 302-321. DOI : 10.4000/sdt.11538.
  • [47]
    Dominique Simonnot, Plus noir dans la nuit, op. cit., p. 254.
  • [48]
    Tiennot Grumbach, « Lettre à L. Ferrand, directeur juridique de la HALDE, le 3 juillet 2007 » (Archives de la CGT La Gohelle, dossier « 2007 »).
  • [49]
    Liora Israël, L’Arme du droit, Paris : Presses de Sciences Po, 2020. DOI : 10.3917/scpo.israe.2020.01.
  • [50]
    Camille Herlin-Giret et Aude Lejeune, Droit et inégalités. Approches sociologiques, Paris : De Boeck Supérieur, 2022, p. 72-78.
  • [51]
    Prud’hommes de Nanterre, Jugement de départage, 18 septembre 2009 (disponible au sein des archives de la CGT Mineurs La Gohelle, dossier « 2009 »).
  • [52]
    Dominique Simonnot, Plus noir dans la nuit, op. cit.
  • [53]
    Pour J. Michel, un régime mémoriel correspond à un ensemble de « “grammaires” prédominantes de la mémoire publique officielle où se joue une certaine conception de la nation, des personnages historiques, des gloires et des hontes nationales » : Johann Michel, « L’institutionnalisation du crime contre l’humanité et l’avènement du régime victimo-mémoriel en France », Canadian Journal of Political Science / Revue canadienne de science politique, 44 (3), 2011, p. 665. DOI : 10.1017/S0008423911000539.
  • [54]
    Marion Fontaine, Fin d’un monde ouvrier, op. cit. ; Marc Lazar, « Le mineur de fond : un exemple de l’identité du PCF », op. cit. ; Bruno Mattei, Rebelle, rebelle ! Révoltes et mythes du mineur, op. cit.
  • [55]
    Ibid.
  • [56]
    Michel Certeau (de), Dominique Julia et Jacques Revel, « La beauté du mort », in Michel Certeau (de), La Culture au pluriel, Paris : Christian Bourgois Éditeur, 1993, p. 45‑72.
  • [57]
    Fabien Desage, Le centre historique minier de Lewarde : ressorts et enjeux d’un lieu de mémoire en Bassin Minier, mémoire de recherche, Institut d’études politiques de Lille, 1998.
  • [58]
    John Kingdon, Agendas, Alternatives and Public Policies, New York : Longman, 1995.

1 France, octobre 1948 [1]. À la suite de la signature des décrets Lacoste, la tension est à son comble dans la plupart des bassins miniers. Ces décrets, qui visent à lutter contre l’« absentéisme » en obligeant les mineurs silicosés à travailler, en restreignant les indemnités maladie ainsi qu’en menaçant les retraites, provoquent l’indignation de nombreux mineurs [2]. Ils débutent le 4 octobre 1948 une grève qui durera sept semaines. Cette grève est rapidement qualifiée d’insurrectionnelle par le gouvernement socialiste de l’époque, qui ordonne l’intervention des CRS et de l’armée pour y mettre fin. Cette intervention se traduit par la mort d’au moins quatre mineurs, par la condamnation de plus de 1 000 grévistes à des peines de prison ainsi que par des milliers de licenciements [3].

2 Ces licenciements ont de nombreuses conséquences sur la vie des mineurs concernés ainsi que sur celle de leur famille. Ils perdent par exemple la gratuité de leur logement, du chauffage ou encore de la médecine des mines. Des organisations comme le Secours Populaire se mobilisent dès 1948 pour que les mineurs licenciés soient réembauchés par Charbonnages de France. Cette mobilisation pour l’amnistie s’éteint toutefois progressivement à partir des années 1950 [4].

3 En 1981, alors que François Mitterrand accède au pouvoir, une mobilisation pour la réhabilitation des mineurs grévistes de 1948 émerge pourtant. Il faut attendre plus de trente ans et l’article 100 de la Loi de finances pour 2015 pour voir reconnu le caractère « abusif » du licenciement des mineurs grévistes de 1948. Cet article prévoit la mise en place de mesures de réintégration [5] visant à incorporer au sein de la mémoire collective nationale l’histoire de ces mineurs. Il réhabilite également ces derniers puisqu’il promet une réparation symbolique et matérielle du grief subi [6]. Plus précisément, il prévoit le versement d’une somme de 30 000 euros par mineur licencié et de 5 000 euros pour chaque enfant de ces mineurs. Il ouvre également la possibilité d’une reconstitution de carrière si la personne licenciée est encore vivante.

4 Plusieurs questions émergent à la lecture de cette histoire. Tout d’abord, comment expliquer l’émergence d’une mobilisation plus de trente ans après les faits décriés ? Comment expliquer ensuite sa persistance, et l’apparente victoire de 2014 ? Un tel questionnement n’est pas complètement nouveau. Il renvoie à la question des mobilisations dites de « victimes », étudiées selon au moins trois perspectives différentes en sciences sociales. La première de ces perspectives consiste à étudier l’émergence de la catégorie « victimes » elle-même et son imposition au sein de l’espace public [7]. La deuxième perspective consiste à analyser les mobilisations de et pour les victimes par le biais de la sociologie des mouvements sociaux [8]. La troisième perspective se concentre quant à elle sur les relations entre pouvoirs publics et mobilisations de ou pour les victimes. Certains travaux s’y inscrivant ont analysé l’impact des mobilisations sur les pouvoirs locaux et la mise à l’agenda de politiques mémorielles [9]. D’autres se sont attardés sur l’effet de telles mobilisations au niveau national [10]. D’autres encore se sont concentrés sur l’influence des pouvoirs publics dans l’émergence et la trajectoire de mobilisations dites de victimes [11].

5 En nous inspirant des travaux s’inscrivant dans cette troisième veine de la littérature, nous souhaitons soutenir l’idée que c’est l’(in)action des pouvoirs publics, hétérogènes et mouvants à travers le temps, qui fournit sur le temps long et de manière inconsciente et non coordonnée des armes à la mobilisation pour la réhabilitation des mineurs grévistes de 1948. Plus précisément, nous montrerons que l’action de certains acteurs publics a contribué à faire émerger la mobilisation pour la réhabilitation et la construction des mineurs grévistes de 1948 en victimes de l’État. Nous verrons ensuite que la réponse timorée des acteurs au pouvoir aux demandes de réhabilitation a encouragé les mineurs et leurs soutiens à se détourner de la scène parlementaire et gouvernementale au profit des scènes judiciaire et médiatique. Enfin, nous montrerons que l’investissement de ces nouvelles scènes publiques et les ressources s’y afférant sont primordiales pour comprendre la prise en charge du problème par les pouvoirs publics et donc la réhabilitation de 2014.

6 Pour mener à bien cette démonstration, nous nous appuierons sur les travaux de Daniel Cefaï [12] et notamment sur la notion d’arène publique. Nous serons en effet attentive à la reconfiguration ce cette arène à travers le temps, cette reconfiguration modifiant les ressources des acteurs mobilisés et donc leur capacité à influencer les pouvoirs publics. Afin d’éviter une analyse trop centrée sur les acteurs et leurs ressources, nous mobiliserons également des outils plus classiques issus du champ d’analyse des politiques publiques comme le concept de policy feedback ou celui de fenêtre d’opportunité pour mieux prendre en compte l’importance du contexte au sein duquel ces acteurs évoluent.

Encadré 1. Enquêter en 2018-2019 sur la réhabilitation des mineurs grévistes de 1948

Pour retracer la trajectoire de la mobilisation pour la réhabilitation des mineurs grévistes de 1948, dix-neuf entretiens semi-directifs ont été réalisés avec des acteurs clefs de la politisation du problème (un licencié des mines, un fils de mineur licencié, cinq hommes politiques locaux, trois avocat·es, deux journalistes, une historienne, trois acteurs syndicaux et/ou associatifs, deux hauts fonctionnaires ainsi qu’un réalisateur). Seul un enquêté, Norbert Gilmez, fut témoin et acteur direct de toute l’histoire. L’entretien réalisé avec cet ancien employé des mines licencié en 1948 n’a d’ailleurs pas été aisé. La reconstitution a posteriori d’une trajectoire sociale par les enquêtés est une limite rencontrée par tout·e chercheur·e utilisant la méthode de l’entretien, mais elle est ici aggravée par l’âge de l’enquêté – N. Gilmez avait 97 ans lors de notre rencontre – et les pertes de mémoire qui l’accompagnent.
Ces limites ont rendu d’autant plus nécessaire un travail d’archives. Tout d’abord, une recherche dans les archives de la CGT-mineurs La Gohelle et celles de N. Gilmez a permis de retracer la mobilisation année par année, notamment grâce à la consultation des différents courriers adressés aux élus locaux et parlementaires, aux ministres ou encore entre militants. Une recherche par mots-clés dans les bases de données de La Voix du Nord, de L’Humanité et du Monde a permis d’objectiver la médiatisation variable du problème au sein de la presse régionale, militante et nationale. Les débats parlementaires au sujet de la réhabilitation des mineurs grévistes de 1948 ont également été analysés.

I. Le rôle des pouvoirs publics dans la construction des mineurs grévistes de 1948 en victimes de l’État

7 La plupart des travaux s’intéressant à l’émergence d’une mobilisation de victimes insistent sur le rôle joué par certains soutiens dans la construction d’un statut de victime et la formation d’un collectif. Il s’agit tantôt de journalistes [13], tantôt de médecins [14], tantôt d’avocats [15], tantôt d’associations déjà existantes qui perçoivent un intérêt militant dans la formation d’un tel collectif [16]. Le cas des mineurs licenciés de 1948 diffère quelque peu sur ce point. Le processus est bien alimenté par des acteurs extérieurs au groupe des mineurs mais autour d’enjeux qui ne concernent pas spécifiquement la grève de 1948. De plus, le statut de ces acteurs extérieurs au groupe est particulier puisqu’il s’agit d’acteurs publics. En effet, l’arrivée au pouvoir de F. Mitterrand et sa décision de mettre en place une politique d’amnistie large et sociale, réhabilitant des personnes licenciées ou condamnées pour activité syndicale, apparaît déterminante. Par-delà cette décision politique, c’est la socialisation militante des mineurs qui créent les conditions du développement d’un ensemble d’arguments positionnant l’État en coupable, cet ensemble d’arguments ayant par la suite été involontairement renforcés par l’action et les déclarations isolées de certains acteurs publics.

Encadré 2. Qui sont les acteurs mobilisés ?

Les acteurs mobilisés pour la réhabilitation des mineurs licenciés de 1948 relèvent de trois groupes distincts :
1) Le premier est constitué des mineurs licenciés eux-mêmes. Les deux figures de proue de ce groupe sont Norbert Gilmez et Georges Carbonnier. Le premier est un ancien employé des mines, licencié durant la grève ; le second était mineur de fond, également licencié en 1948. Ils ont tous les deux participé à la Résistance lors de la Seconde Guerre mondiale et milité au PCF et à la CGT. C’est d’ailleurs en passant par les réseaux militants de la CGT-mineurs qu’ils reconstituent un groupe de mineurs licenciés militant pour leur réhabilitation. Ce groupe est très restreint – seul Daniel Amigo, un ancien mineur de fond licencié, s’est joint durablement à N. Gilmez et à G. Carbonnier – et se limite au bassin minier lensois. Alors que G. Carbonnier et D. Amigo sont décédés respectivement dans les années 2000 et 2010, seul N. Gilmez a poursuivi la lutte jusqu’à son décès en octobre 2022.
2) Le deuxième groupe est constitué de proches de mineurs licenciés, notamment d’épouses et d’enfants, ayant également souffert des répercussions de la répression étatique.
3) Le troisième groupe est constitué de soutiens syndicaux, parlementaires, judiciaires ou encore médiatiques que les mineurs mobilisés et leurs proches ont pu rencontrer au fil de leur mobilisation.

I. 1. Les policy feedbacks de la politique d’amnistie de 1981

8 Par sa notion de policy feedbacks, P. Pierson [17] avance l’idée que les politiques publiques – policies – peuvent influencer la politique – politics – de différentes manières. Elles agissent par exemple sur les perceptions, ressources et comportements d’acteurs publics ou privés. En ce qui concerne la réhabilitation des mineurs grévistes de 1948, c’est l’action des pouvoirs publics qui semble ainsi expliquer en partie l’émergence d’une mobilisation pour la réhabilitation. C’est en tout cas ce que suggère N. Gilmez en entretien :

9

Justement, après la grève et votre licenciement, à partir de quand vous vous êtes dit « c’est une injustice et je dois obtenir réparation » ?

10

En 1981, c’est ça, la loi d’amnistie de 81. C’était une loi d’amnistie générale. Il y a eu des gars qui avaient fait des vols peut-être, toute sorte de… Bon, il y avait une amnistie. Et il y avait la partie pour les, les licenciés des grèves hein. Il y avait cette partie-là. Alors nous, l’amnistie générale on la voyait… On disait il va y avoir des choses importantes, on va avoir des indemnisations.

11

Entretien avec Norbert Gilmez, décembre 2018.

12 Dans une logique de policy feedbacks, la politique d’amnistie initiée par le gouvernement socialiste en 1981 encourage ainsi les mineurs licenciés de 1948 à demander réparation en s’appuyant sur un nouvel outil juridique. Cette politique d’amnistie est d’ailleurs d’autant plus bienvenue que ces mineurs ont alors atteint l’âge de la retraite et que la revendication d’une réintégration dans leur emploi, utilisée au tournant des années 1950 [18], est devenue inadéquate depuis plusieurs années.

13 Toutefois, pour comprendre pleinement l’émergence de cette mobilisation pour la réhabilitation, il est également important de prendre en compte les carrières militantes [19] des mineurs licenciés qui se lancent dans une telle lutte. En effet, nombre d’entre eux sont ou ont été des militants cégétistes et/ou communistes. Ils ont d’ailleurs gardé l’habitude de s’informer des avancées syndicales et ont facilement pu réactiver leur réseau militant après avoir pris connaissance du vote de la loi d’amnistie [20].

I. 2. Une « scandalisation » qui se renforce au gré de l’(in)action et des dires de certains acteurs publics

14 La CGT n’a pas seulement aidé certains mineurs grévistes de 1948 à structurer leur action pour la réhabilitation suite au vote de la loi d’amnistie de 1981, elle leur a également inculqué une certaine mémoire collective [21] de cet événement, cette mémoire reposant sur l’image d’une « Grande Grève » et s’articulant avec le mythe du mineur communiste luttant contre des adversaires tels que le patronat ou encore l’« État-patron » [22]. Ce cadrage mémoriel s’est par la suite peaufiné en réaction aux (in)actions et aux dires isolés de certains acteurs publics, tous ces éléments ayant contribué à construire cette histoire en scandale, processus que nous nommerons dans la lignée de M. Offerlé [23] « scandalisation ».

15 C’est le cas par exemple en 1982 lorsque le gouvernement socialiste décide de réhabiliter les généraux putschistes de la Guerre d’Algérie, information relatée dans le journal communiste du Nord-Pas-de-Calais Liberté[24] et dont l’extrait est soigneusement conservé au sein des archives personnelles de N. Gilmez. Cet événement est d’ailleurs mobilisé à plusieurs reprises par ce dernier pour justifier sa demande de réhabilitation :

16

Et comme je l’ai déjà mentionné au regard de la situation faite aux généraux factieux de la guerre d’Algérie : nous sommes indignés de voir la France privilégier la félonie sur le dévouement, le courage le patriotisme, la solidarité humaine. [25]

17 Après la réhabilitation des généraux putschistes, d’autres déclarations d’acteurs publics ont contribué à renforcer ce cadrage. Ainsi, bien des années après, le recours à une expression comme celle de « terrorisme d’État » est liée aux propos d’un procureur général à la Cour d’assise de Douai comme le relate N. Gilmez en 2009 dans un article de presse :

18

Dans un récent courrier à Madame Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, j’ai rappelé que j’avais pris conscience de la véritable nature des interventions policières, brutales, meurtrières lorsque j’ai appris que le 15 décembre 2005 une personnalité du monde juridique, le procureur général de la Cour d’assises de Douai, au procès de Lionel Dumont avait déclaré s’adressant à l’accusé : « Monsieur, vouloir imposer ses idées par la force cela s’appelle du terrorisme ».

19

C’est par la force que Jules Moch [ministre de l’Intérieur SFIO de l’époque] voulait briser la grève, par la peur, semant la terreur avec des brutalités amenant la mort atroce de Jansek. Par la force, par la mort pour imposer ces circulaires et décrets légaux de Lacoste. […] Oui, c’était bien du terrorisme et l’utilisation de l’appareil d’État, fait que c’est bien un terrorisme d’État. [26]

20 À l’image de cette déclaration d’un procureur général concernant une affaire bien éloignée de l’histoire des mineurs grévistes de 1948, on peut dire que le processus de scandalisation a été alimenté au fil du temps et involontairement par l’(in)action et les dires de certains acteurs identifiés par les mineurs mobilisés comme incarnant l’État mais ne formant pourtant pas dans les faits un groupe homogène et coordonné.

II. Une arène publique qui se reconfigure au fil des interactions entre acteurs publics et mouvement pour la réhabilitation

21 Ce sont également les interactions entre acteurs mobilisés pour la réhabilitation et acteurs publics qui amènent les mineurs licenciés à investir différentes scènes publiques et à reconfigurer ainsi l’arène publique[27] au sein de laquelle ils évoluent. Selon D. Cefaï [28], une arène publique est en constante reconfiguration en fonction des scènes publiques investies. Les acteurs mobilisés peuvent ainsi investir de manière synchronique ou diachronique les scènes parlementaire, ministérielle, judiciaire ou encore médiatique pour imposer leur vision du problème et pousser les pouvoirs publics à s’en saisir. L’investissement de ces différentes scènes publiques ne se fait cependant pas dans le cadre d’un plan d’action anticipé et construit de manière rationnelle, mais bien en fonction de la trajectoire et du profil sociologique des acteurs, du contexte au sein duquel ils évoluent, des opportunités sous-tendant ce dernier ainsi que du (re)cadrage de la cause [29]. Ainsi, si les mineurs licenciés ont investi les scènes parlementaire et gouvernementale du fait de leur trajectoire militante et des ressources s’y afférant, plusieurs facteurs les encouragent ensuite à investir la scène judiciaire.

II. 1. L’investissement de la scène gouvernementale et parlementaire

22 Le choix d’investir dans un premier temps la scène parlementaire et gouvernementale s’explique par le cadrage de la cause – « il faut appliquer la loi d’amnistie de 1981 » – mais aussi et peut-être avant tout par la carrière militante des acteurs mobilisés [30]. N. Gilmez et G. Carbonnier, les deux leaders de la lutte pour la réhabilitation, ont tous deux milité au sein de la CGT-mineurs avant leur licenciement en 1948. Leurs carrières militantes ont toutefois pris des trajectoires différentes après cet accident biographique. Alors que N. Gilmez profite de son réseau cégétiste pour se reconvertir comme journaliste au sein de la presse syndicale, G. Carbonnier est recruté comme fossoyeur à Avion, dont le maire communiste, André Parent, n’est autre que son beau-père. Il quitte cependant rapidement cet emploi pour se reconvertir dans les assurances. Cette reconversion l’éloigne progressivement du militantisme cégétiste, ses camarades le percevant comme un « traitre à la classe ouvrière [31] ». Toutefois, lorsqu’il prend connaissance de la politique d’amnistie du gouvernement socialiste en 1981, il se tourne de nouveau vers la CGT-mineurs pour obtenir son appui dans ses démarches pour la réhabilitation, comme l’attestent plusieurs courriers conservés par la CGT-mineurs La Gohelle. N. Gilmez et d’autres mineurs licenciés se rapprochent également de la CGT mineurs, qui rassemble alors différents dossiers de mineurs licenciés pour les présenter au gouvernement socialiste de l’époque. Le député communiste Joseph Legrand – lui-même secrétaire du syndicat des mineurs CGT du Pas-de-Calais, puis secrétaire de la Fédération nationale des mineurs CGT avant de devenir député [32] – épaule l’organisation syndicale dans ses démarches et accompagne par exemple une délégation au ministère du Travail en 1982 [33].

23 L’investissement de la scène parlementaire et gouvernementale via le soutien de la CGT et du PCF semble encourager le vote de la loi du 2 janvier 1984 garantissant, par son article 12, une revalorisation de la retraite des mineurs grévistes licenciés en 1948. Le vote de cet article n’est pourtant pas perçu comme une victoire par les mineurs licenciés et leurs soutiens syndicaux et parlementaires. Dans une longue intervention [34] lors du débat préalable à l’adoption de cette loi, J. Legrand dénonce l’insuffisance de cette mesure. Ce député communiste réclame, dans « l’esprit de la loi d’amnistie », une ré-affiliation des mineurs licenciés au régime minier, ce qui leur permettrait de bénéficier à nouveau du chauffage et du logement gratuits ou encore de la médecine des mines. Il dénonce également le fait que seuls les mineurs de 1948 sont concernés par une telle mesure, alors que d’autres mineurs ont également été licenciés abusivement pour avoir participé à d’autres grèves. Cette dernière critique est entendue et l’article 12 de la loi du 2 janvier est modifié pour inclure ces mineurs licenciés lors d’autres mouvements sociaux. Toutefois, aucune ré-affiliation au régime minier n’est accordée. La loi d’amnistie n’est pas appliquée.

II. 2. Une action publique timorée qui alimente les mécontentements

24 La prise en charge du problème par les pouvoirs publics de l’époque est alors jugée inadéquate par les acteurs mobilisés pour la réhabilitation des mineurs grévistes de 1948. Cela semble avoir pour effet d’affaiblir la lutte pour la réhabilitation de façon durable. Ce n’est qu’en 1998 qu’on retrouve des traces d’une mobilisation pour la réhabilitation, une nouvelle fois au sein de la scène gouvernementale et parlementaire. En effet, alors que la gauche plurielle est au pouvoir depuis 1997, une motion est adressée à Lionel Jospin, Premier ministre, lors du Congrès de Gardanne de la CGT-Mineurs. Des courriers sont également adressés par ce syndicat à différents ministres susceptibles de se saisir du dossier.

25 En parallèle et en coordination avec ces soutiens cégétistes, les mineurs licenciés tentent encore une fois d’investir la scène parlementaire et gouvernementale, en demandant aux élus faisant partie de leurs réseaux d’intervenir auprès du gouvernement. Des élus communistes du Nord, comme Georges Hage ou Alain Bocquet, vont ainsi les soutenir, notamment par l’envoi de courriers. La mobilisation de ces soutiens, qui semble s’inscrire dans la continuité des engagements antérieurs de la CGT ou du PCF, se poursuit même après la défaite de la gauche en 2002. C’est d’ailleurs une discussion entre syndicalistes de la CGT Mine-Énergie et Nicolas Sarkozy, alors ministre des Finances, qui relance le dossier comme l’explique la journaliste Dominique Simonnot :

26

L’année d’après, ils se retrouvent pour une visite d’importance à Bercy, avec des conseillers du ministre des Finances Nicolas Sarkozy. Leur rendez-vous avait été fixé après une discussion entre le futur président de la République et un des patrons de la CGT-Mine Énergie, à propos du chauffage et des loyers perdus par les licenciés de 1948, et Norbert m’a mimé la scène, telle qu’on la lui avait rapportée : « Mouais, ça va me coûter dans les combien tout ça ? », s’inquiète Sarkozy, « Hein ? Environ 70 bâtons ? Ça veut dire quoi ? » Le syndicaliste rectifie, il parlait en francs et traduit, 106 000 euros par famille, soit 3,4 millions en tout. « Bon, s’il n’y a que ça… » répond le ministre. Il promet de faire « quelque chose » et il l’a fait. Une disposition de la loi de finances rétablit leurs avantages, mais réduit à 15 000 euros, pour chaque foyer, soit 14 % de leur dû. [35]

27 Il est difficile a posteriori de comprendre clairement ce qui a poussé N. Sarkozy à prendre en charge le dossier et à apporter une forme de réparation aux mineurs licenciés – si ce n’est son caractère peu coûteux. Il est cependant important de noter que le vote de l’article 107 de la Loi de finances pour 2005 visant à rembourser la perte des prestations chauffage-logement garanties par le statut de mineur a été rapidement considéré comme insuffisant par les mineurs licenciés et leurs proches :

28

Tout de suite, quand on m’a soumis le texte, j’ai dit à Alain [36] il faut ajouter quelque chose car dès le départ je suis exclu. « Non non, je vais voir tu vas être repris » a-t-il dit. Hélas je ne l’ai pas été [37] et Mme Rebouillat est dans le même cas.

29

Et pourquoi ne pas nous avoir réuni comme il l’avait promis ?

30

Pourquoi avoir considéré que c’était « une sacrée victoire, on l’attend depuis 25 ans ». [38]

31

C’est parce qu’ils ont estimé le contraire que les camarades se sont retrouvés à la HALDE. [39]

32 Cette déception quant à l’article 107 de la Loi de finance pour 2005 alimente d’ailleurs un ressentiment qui couvait depuis un certain temps chez les mineurs licenciés à l’égard de leurs soutiens syndicaux et politiques, comme en témoigne ce courrier de G. Carbonnier adressé au responsable de la CGT Mineur La Gohelle, Raymond Frackowiak, en 1999 :

33

En ce qui me concerne, je considère cette démarche comme très « molle », sans conviction, rien n’apparait comme une affaire qui a connu des circonstances douloureuses, suite aux combats qu’ont menés des dizaines et des dizaines de militants pendant les fameuses grèves de 48 et 52.

34

À mon avis et je pense ne pas me tromper, la page me parait être tournée, on présente les choses sur les bouts des doigts, aucun rappel n’est relaté sur les licenciements abusifs et les emprisonnements des camarades militants. Il n’est pas question de réparations, d’indemnités, et de dédommagements[40], et pourtant c’est là-dessus qu’il faut mettre l’accent. Pourquoi ce mutisme ? [41]

35 Le sentiment de déception et le manque de rétributions étant une source potentielle de désengagement [42], on aurait pu s’attendre à ce que les différents échecs rencontrés par les mineurs au fil de leur mobilisation encouragent les mineurs licenciés à abandonner la lutte pour la réhabilitation. Cet abandon n’a pas eu lieu puisque les mineurs et leurs soutiens décident de se tourner vers la scène judiciaire par la saisine de la Haute Autorité de lutte contre les discrimination et pour l’égalité (Halde).

II. 3. Une reconfiguration de l’arène publique source de nouveaux soutiens

36 On peut d’ailleurs noter un intérêt ancien pour l’action contentieuse chez certains mineurs licenciés. G. Carbonnier avait en effet déjà envisagé d’ester en justice lorsque les démarches du syndicat et des élus auprès du gouvernement Jospin, à la fin des années 1990 et au début des années 2000, restaient sans suites :

37

Dans l’éventualité d’un refus émanant d’un gouvernement de gauche plurielle, je vous demande d’envisager un recours auprès de la Cour européenne des droits de l’Homme dont le siège est à Strasbourg. [43]

38 Cet extrait de correspondance entre Georges Carbonnier et Jacky Bernard, secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs du sous-sol (CGT), montre que l’action en justice était mentionnée dès 1999 mais qu’elle n’avait pas été envisagée très sérieusement. Avant de pouvoir saisir la Cour européenne des droits de l’Homme, il est par exemple nécessaire d’avoir épuisé tous les recours possibles au niveau national, ce que semble ignorer G. Carbonnier.

39 La donne change cependant avec la création de la Halde en 2005 :

40

Et en fait quand la Halde a été créée, la Halde c’est l’ancêtre du Défenseur des droits. C’est la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité qui a été créée en 2004-2005 de mémoire. Et donc quand elle a été créée, l’obstination de Monsieur Carbonnier ça a été d’obtenir une réunion avec la Halde… Par l’intermédiaire de la Halde avec les mines, les Charbonnages de France, pour obtenir la réparation de ce qui s’était passé.

41

Entretien téléphonique avec Savine Bernard, avocate ayant participé à la défense des mineurs licenciés, mai 2019.

42 Il est d’ailleurs à noter que la création de la Halde s’inscrit plus largement dans le développement d’un droit contre les discriminations, ce développement s’enracinant dans des dynamiques à la fois européennes et nationales [44]. La Halde est en effet le produit d’une obligation européenne transposée et adaptée au contexte français. Les acteurs publics en charge de la lutte contre les discriminations ont notamment pris soin d’universaliser cette lutte et de ne pas la cantonner aux discriminations basées sur la racialisation des individus, ce qui a ainsi favorisé – entre autres – le développement et l’institutionnalisation d’un droit contre les discriminations syndicales en France [45]. Le développement de ce droit a également été favorisé par la multiplication à partir des années 1990 de contentieux mobilisant ce cadrage de la discrimination syndicale. Un avocat, Tiennot Grumbach, a d’ailleurs joué un rôle important dans ce processus [46]. Les mineurs grévistes de 1948 mobilisés pour leur réhabilitation rencontrent ce dernier lors de la saisine de la Halde et cela s’annonce également capitale pour la suite de la mobilisation :

43

En 2005, les pas de Georges l’amènent à la Halde, où, enfin, il est reçu dignement et où quelqu’un lui souffle de contacter M. Tiennot Grumbach, le seul à même, lui dit-on, de résoudre le conflit. Cette rencontre va tout changer, comme cela a déjà été dit. Soudés comme deux compères se fréquentant depuis toujours, Georges et Tiennot se complètent à merveille. L’avocat voit dans ce dossier « toute la poésie du droit ». L’ancien mineur, des heures durant, lui narre leur histoire. Au fil des révélations de Georges, l’âme militante de Tiennot s’emballe, s’enthousiasme, s’indigne. [47]

44 Alors que les négociations menées par T. Grumbach avec Charbonnages de France par le biais de la Halde échouent, l’avocat encourage les mineurs licenciés à attaquer l’entreprise nationalisée en justice, comme le montre cet extrait de lettre qu’il adresse à Luc Ferrand, directeur juridique de la Halde, en juillet 2007 :

45

J’ai contacté plusieurs avocats susceptibles d’assurer la défense de ces demandeurs devant la juridiction prud’homale. Il appartiendra aux anciens réclamants, s’ils le souhaitent, de me contacter pour que je leur fasse connaitre le nom du collectif de confrères qui est susceptible d’assurer leur défense, y compris dans le cadre de l’aide juridictionnelle, s’ils en expriment la volonté. [48]

46 Le choix des mineurs licenciés d’investir la scène judiciaire peut ici être analysé à l’aune des quatre grandes raisons de mobiliser « l’arme du droit [49] » identifiées par A. Lejeune et C. Herlin-Giret [50]. En effet, nous avons pu observer que les mineurs font face à un manque d’opportunités politiques (1) à la suite de leur désillusion de 2004. Au contraire, de nouvelles opportunités juridiques (2) s’ouvrent à eux, notamment avec le développement d’un droit contre les discriminations. Ils bénéficient également de ressources militantes (3) par le biais de leur réseau comme le montre leur rencontre avec T. Grumbach. Enfin, ils ont pu, justement grâce à leurs avocats et au développement d’un droit contre les discriminations syndicales, recadrer leur cause en langage juridique (4). Les avocats se saisissent en effet de la loi d’amnistie de 1981, de la loi du 2 janvier 1984 et de la Loi de finances pour 2005 pour soutenir que ces dernières « constituent la révélation légale de la discrimination [51] » et qu’il n’y a donc pas prescription.

47 L’investissement de la scène judiciaire donne d’ailleurs accès à d’autres scènes publiques comme la scène médiatique. Chaque audience provoque par exemple la publication de plusieurs articles, notamment dans la presse locale et la presse militante. Plus important encore, les avocats, et notamment T. Grumbach, mobilisent leur propre réseau pour publiciser le problème au niveau national. C’est ce que laisse entendre D. Simonnot, journaliste au Canard Enchainé et autrice d’un livre [52] revenant sur l’histoire des mineurs grévistes, lorsqu’elle nous explique comment elle a découvert cette histoire :

48

C’est Tiennot Grumbach un avocat hélas disparu, très militant, qui m’a appelée un jour et qui m’a dit « eh bah Dominique j’ai un truc pour toi ». Donc j’ai prévu un rendez-vous pas trop long mais en fait on a parlé pendant, je sais pas, quatre heures, où il m’a raconté toute l’histoire.

49

Entretien avec Dominique Simonnot, mars 2019.

50 T. Grumbach n’encourage pas seulement D. Simonnot à s’intéresser à la mobilisation des mineurs grévistes de 1948. Il intervient également pour aider à la réalisation et la diffusion à grande échelle d’un documentaire sur cette histoire :

51

Les Gueules noires, ça s’est très bien passé avec la chaine, avec France 3. Parce que celui qui s’occupait de la case documentaire connaissait Tiennot Grumbach. Il avait fait partie de cette génération post-soixante-huitarde. Et donc il avait… D’ailleurs je suppose que ça a dû jouer dans le fait qu’ils ont pris le film, ce que j’ignorais.

52

Entretien avec Jean-Luc Raynaud, réalisateur du film L’honneur des Gueules noires, avril 2019.

53 L’arène publique se reconfigure donc considérablement lorsque les mineurs prennent la décision de poursuivre leur mobilisation par le biais de la justice à la suite des réponses timorées des pouvoirs publics. Ils continuent cependant d’interagir avec ces derniers, ces interactions influençant en retour leur mobilisation et l’action publique. Par exemple, alors que les mineurs connaissent une victoire inattendue devant la Cour d’Appel de Versailles en se voyant accorder une compensation de 30 000 euros par requérant, la ministre de l’Économie d’alors, Christine Lagarde, représentante des Charbonnages de France, se pourvoit en Cassation. En 2012, la Cour de cassation casse le jugement d’appel, obligeant les mineurs à rembourser les 30 000 euros perçus et les amenant à investir une nouvelle fois la scène parlementaire et gouvernementale.

III. User de ressources accumulées tout au long de la lutte pour être reconnus victimes de l’État

54 Nous souhaitons ici défendre l’idée que les pouvoirs publics ont involontairement contribué à fournir aux acteurs mobilisés des ressources leur permettant in fine d’être reconnus victimes de l’État. Plus précisément, c’est l’action timorée d’acteurs publics qui, en encourageant les mineurs et leurs soutiens à investir de nouvelles scènes publiques, les a amenés à accumuler de nouvelles ressources qu’ils ont su mobiliser de manière adéquate dans un contexte mémoriel et politique favorable.

III. 1. La réparation de 2014 : une mobilisation coordonnée de soutiens issus de différentes scènes publiques

55 Alors que les mineurs et leurs proches ont épuisé tous les recours juridiques possibles et qu’ils sont sommés en 2012 de rembourser les 30 000 euros perçus à la suite du jugement de la Cour d’appel de Versailles, ils décident de réinvestir la scène parlementaire et gouvernementale, tout d’abord pour ne pas avoir à rembourser la somme perçue. Ce réinvestissement se fait, comme auparavant, par le biais de cadres syndicaux et d’élus communistes. Toutefois, de nouveaux soutiens issus de la scène judiciaire et médiatique se coordonnent également pour porter cette revendication au plus haut niveau de l’État. Cette mobilisation porte ses fruits puisque D. Simonnot, en accord avec les avocats, parvient à accéder aux hautes sphères du ministère de l’Économie grâce à son statut de journaliste au Canard Enchainé :

56

Quand la Cour de cassation a déclaré c’est prescrit, donc les 30 000 euros par famille normalement ils devaient les rendre. Et là je me suis mis d’accord avec les avocats, j’ai appelé le ministère [de l’Économie]. À force d’appeler, d’appeler, d’appeler et de dire… et de dire « mais enfin qu’est-ce que vous allez faire ? C’est honteux ! Vous allez… » Donc finalement ils ont dit « on les reprend pas ». Et j’ai dit « oui bah il faudrait une lettre ». Et il a envoyé la lettre.

57

Entretien avec Dominique Simonnot, mars 2019.

58 Forts de cette victoire issue de la coordination des soutiens qu’ils ont pu rencontrer tout au long de leur carrière militante, les anciens mineurs mobilisés pour leur réhabilitation continuent à demander de l’aide à leurs différents réseaux – syndical, parlementaire, journalistique – pour continuer à investir la scène parlementaire et gouvernementale. C’est d’ailleurs l’action coordonnée de ces soutiens qui explique, en partie, la mise en place d’une politique de réparation en 2014. L’action d’élus communistes, et notamment celle du sénateur du Pas-de-Calais, Dominique Watrin, apparaît déterminante. Ce dernier profite en effet d’un débat parlementaire autour d’une loi d’amnistie plus large portée par le groupe CRC (Communiste, Républicain, Citoyen) pour sensibiliser la ministre de la Justice, Christiane Taubira, à l’histoire des mineurs licenciés :

59

Donc peu de temps après, le groupe communiste et citoyen, CRC, du Sénat – à cette époque c’était CRC seulement – a déposé une proposition de loi d’amnistie au Sénat visant à amnistier, comme son nom l’indique, notamment des syndicalistes, des responsables associatifs, des donneurs d’alerte, etc. qui auraient pu être victimes, et on en connaissait quelques dizaines voire quelques centaines, de sanctions à notre avis injustifiées ou disproportionnées, du fait de leurs activités. Et donc j’ai proposé au groupe, puisqu’on a toujours un débat au groupe avant que la proposition de loi soit déposée sur le bureau de l’Assemblée, en l’occurrence le Sénat. J’ai proposé au groupe d’y ajouter un article dont vous avez le texte forcément, précis, qui est très simple et justement qui ne rentrait pas dans ce débat loi d’amnistie ou pas loi d’amnistie en disant que c’est un décret qui préciserait les modalités d’indemnisation afin de… On va dire de susciter un débat au plus haut niveau de l’État sur cette question alors que les courriers restaient sans réponse satisfaisante tout au moins, avoir un ministre ou une ministre qui réponde, en l’occurrence c’était Madame Taubira, et d’avoir ce débat et après on verrait.

60

Entretien avec Dominique Watrin, juin 2019.

61 En parallèle, N. Gilmez et D. Simonnot envoient des lettres au ministère de la Justice pour réclamer l’application de la loi d’amnistie du 4 août 1981, ce qui intrigue un membre du cabinet de la ministre :

62

Pour commencer est-ce que vous pouvez me raconter comment vous avez découvert cette histoire des mineurs grévistes de 1948 ?

63

Eh bien par une lettre adressée par Monsieur Gilmez, c’est bien le nom hein ? Norbert. [Lettre] qu’il avait adressée à la ministre, que le directeur de cabinet m’a confiée et donc… En me demandant de voir ce qui, comment il était possible de régler ce dossier. Donc j’ai sollicité les services compétents, donc en l’espèce la direction des Affaires criminelles et des grâces du ministère puisqu’il s’agissait des effets d’une loi d’amnistie. Et à cette occasion je me suis rendu compte qu’il y avait un fond de dossier, puisque la demande avait déjà été présentée depuis de nombreuses années. Je n’ai plus les dates mais voilà. Donc j’ai étudié ce fond de dossier. Et puis est survenue en outre une demande mais alors je ne me souviens plus de sa forme exacte, de Madame Simonnot. Son ouvrage n’était pas encore paru me semble-t-il. Mais elle voulait savoir s’il y avait eu un suivi de données, etc. Donc j’ai étudié le sujet. J’ai fait des propositions à la ministre, notamment une analyse de la loi d’amnistie. Alors j’ai plus les termes en tête hein, parce que tout ça, ça date et puis dans un cabinet on fait beaucoup de choses. Mais en tout état de cause, enfin mon analyse juridique permettait de… Enfin en tout cas visait à donner, enfin elle ne visait pas mais elle était de nature à… Considérer qu’il fallait appliquer la loi d’amnistie dès lors qu’il y avait eu une décision d’amnistie. Il fallait remettre la situation en état.

64

Entretien avec un ancien membre du cabinet de Christiane Taubira, mai 2019.

65 Ce membre du cabinet de la Garde des Sceaux spécifie d’ailleurs un peu plus tard dans l’entretien son analyse du dossier :

66

La déclaration de principe de l’amnistie devait être ensuite suivie par des actes administratifs qui doivent avoir des supports juridiques. Alors en 1981 est-ce qu’il aurait fallu passer par la loi de finances à l’époque, je saurais pas vous dire hein parce que peut-être que… Les organismes gérant les carrières des mineurs étaient encore suffisamment opérationnels pour voir, je saurais pas vous dire. Mais en tout cas oui il aurait fallu qu’il y ait ensuite une décision du ministre, alors soit de la Justice, soit de Bercy, probablement les deux d’ailleurs pour continuer à… Enfin pour faire que la décision aboutisse à des effets concrets.

67

Entretien avec un ancien membre du cabinet de Christiane Taubira, mai 2019.

68 Alors que C. Taubira avait répondu au sénateur Watrin que les mineurs avaient déjà été réhabilités par la loi d’amnistie de 1981, l’expertise juridique fournie par ce conseiller renverse son jugement :

69

Et donc j’ai profité de la venue de Madame Taubira, donc c’était quelques semaines après le débat en séance, pour lui dire « écoutez, vous aviez dit que vous alliez regarder et est-ce que vous avez regardé ? ». Et donc ça m’a permis de relancer une nouvelle fois le sujet et celle-ci m’a dit que, effectivement, il y avait des choses à… Encore à faire pour arriver à la justice et à réhabiliter complètement ces mineurs.

70

Entretien avec Dominique Watrin, juin 2019.

71 Dès lors, c’est bien la mobilisation de soutiens issus de scènes publiques différentes – en l’occurrence la scène parlementaire et la scène médiatique – qui favorise la prise en charge du problème de la réhabilitation des mineurs licenciés de 1948 par les pouvoirs publics. Toutefois, la sensibilisation de C. Taubira à la cause ne signifie pas pour autant que la bataille est gagnée, comme le rappelle un ancien membre du cabinet de la Garde des Sceaux en entretien :

72

Une fois ça posé, quelle effectivité a cette analyse et quelle effectivité donner à la décision d’amnistie ? Ça c’était beaucoup plus compliqué parce que c’était des organismes ou des administrations qui ne dépendaient pas du ministère de la Justice. Alors si mes souvenirs sont bons, il y avait Bercy parce qu’il fallait quand même financer. Il y avait notamment le ministère du Travail parce qu’il y avait une caisse de retraite des mineurs qui sont en perte d’activité compte tenu du fait qu’il y a de moins en moins de mineurs. Donc voilà le contexte.

73

Entretien avec un ancien membre du cabinet de Christiane Taubira, mai 2019.

74 Pour convaincre les autres ministères concernés et la Présidence de la République, les membres du cabinet de la ministre de la Justice suggèrent aux mineurs licenciés de continuer à mobiliser leur réseau d’élus :

75

Et puis voilà on a mis en place une stratégie pour qu’eux aussi interviennent là où ils pouvaient le faire… Politiquement, au niveau des élus locaux, les liens avec les ministères. Enfin voilà, on a un peu orchestré les choses pour que ça remonte dans tous les sens et que tout ça s’organise pour aboutir à une décision favorable.

76

Et donc la stratégie elle consistait en quoi précisément ?

77

Eh bien [à]… C’est vieux hein mais enfin si c’était à refaire aujourd’hui je dirais la même chose, je pense, mais [à], via les élus locaux… à la fois Parlement, Sénat et éventuellement les gens dans les cabinets ministériels qui pouvaient avoir des carrières politiques dans le Nord, [à] faire connaitre la démarche, exposer qu’ils avaient besoin d’un suivi, bien indiquer les acteurs essentiels pour que ça fonctionne, voilà, des rendez-vous au cabinet, au ministère du travail, Bercy…

78

Entretien avec un ancien membre du cabinet de Christiane Taubira, mai 2019.

79 Pour attirer de plus en plus de soutiens, les productions documentaires de D. Simonnot et de J.-L. Raynaud sont aussi utilisées, comme en témoigne un autre conseiller de C. Taubira :

80

Le livre a été important pour la loi, il a été important pour sensibiliser… La Garde des sceaux, elle y était déjà sensibilisée mais pour sensibiliser les autres acteurs institutionnels donc les autres ministres, la mairie de Paris qui a été… Anne Hidalgo, il y a eu un événement organisé à la Mairie de Paris et Anne Hidalgo a été là aussi un relai efficace. Et les autres acteurs institutionnels aussi dans les territoires, les départements, la Région, le maire de Grenay, Monsieur Champiré, qui était très investi aussi. Et donc pour mobiliser tous ces acteurs, l’audience et la couverture médiatique qui a été quand même relativement importante autour de l’ouvrage de Dominique Simonnot, tout ça était très utile. C’était un travail documenté, d’enquête journalistique. En effet Dominique Simonnot ne cachait pas ses convictions dans l’ouvrage, mais surtout il y avait là la restitution d’une histoire, des témoignages et ça en effet ça a contribué évidemment à faire émerger dans le débat public le sujet.

81

Entretien avec un ancien membre du cabinet de Christiane Taubira, mai 2019.

82 C’est donc la mobilisation de réseaux de soutiens divers et à différents niveaux de pouvoir, construits involontairement et inconsciemment via l’investissement de différentes scènes publiques tout au long de leur mobilisation, qui permet aux mineurs grévistes de 1948 d’accéder au ministère de la Justice, de gagner son soutien et d’être réhabilités par l’article 100 de la Loi de finances pour 2015.

III. 2. Un contexte mémoriel et politique favorable à la réhabilitation des mineurs grévistes

83 Ces soutiens et leurs ressources ont toutefois eu un effet car le contexte mémoriel et politique de l’époque est alors favorable à une telle politique de réhabilitation. Au niveau du contexte mémoriel, il est ainsi important de noter qu’à partir de la fin du xxe siècle le régime victimo-mémoriel [53] a supplanté le régime mémoriel d’unité nationale. Alors que pendant longtemps les mineurs de fond étaient célébrés – notamment par les communistes – pour leur héroïsme et leur dévouement au pays dans la logique du régime mémoriel d’unité nationale [54], ils peuvent à la fin du xxe siècle être perçus comme victimes grâce à l’instauration du régime victimo-mémoriel.

84 Le contexte mémoriel devient également favorable à la réhabilitation des mineurs grévistes de 1948 du fait de l’évolution des représentations collectives accolées à la figure du mineur de fond. En effet, alors que dans l’après-guerre il était représenté, notamment par le PCF, comme une force vive, sociale et politique [55], il est à partir de la fermeture des mines dans les années 1980 peu à peu relégué dans le domaine de la mémoire collective, notamment régionale. Son sort peut alors être associé à la « beauté du mort [56] » dans la mesure où son histoire est d’autant plus facile à célébrer qu’il appartient au passé et n’est plus considéré comme dangereux politiquement ou socialement, notamment aux yeux des pouvoirs publics [57].

85 Coupler les notions de régime victimo-mémoriel et de « beauté du mort » c’est ainsi mieux comprendre comment des changements au niveau du contexte mémoriel ont été propices à la réhabilitation des mineurs grévistes de 1948. Ces changements étant à prendre en compte, ils n’expliquent pourtant qu’en partie ce qui s’est joué en 2014. Il reste en effet à comprendre pourquoi la réhabilitation n’a eu lieu qu’au milieu des années 2010. En plus de l’accumulation de ressources au fil de la mobilisation, déjà évoquée, l’arrivée au pouvoir des socialistes en 2012 et l’installation de C. Taubira au ministère de la Justice est ici à analyser comme l’ouverture d’une fenêtre d’opportunité [58].

86 En effet, si le problème de la réhabilitation des mineurs grévistes de 1948 a été porté au sein de l’arène publique dès les années 1980 par différents acteurs (problem stream) et si la solution de l’application de la loi d’amnistie de 1981 y a souvent été rattachée (policy stream), nous pouvons ici émettre l’hypothèse que c’est l’arrivée au pouvoir des socialistes en 2012 qui a permis l’alignement du political stream avec les deux autres courants et donc l’ouverture d’une fenêtre d’opportunité. C’est ainsi la présence de C. Taubira au sein du gouvernement et sa volonté de défendre le dossier qui semblent réellement peser sur le vote de l’article 100 de la Loi de finances pour 2015. D’ailleurs, le départ de C. Taubira du gouvernement freine la mise en œuvre de la réhabilitation –  la reconstitution de carrière de N. Gilmez n’est pas entamée et l’application de la loi aux descendants de mineurs est à nouveau contestée – comme en témoigne D. Watrin :

87

Une fois que Monsieur Urvoas est arrivé au ministère comme Garde des sceaux, j’ai bien sûr relancé le dossier en disant « voilà les engagements qui ont été pris, les pistes qui ont été envisagées pour régler ce problème parce qu’il y a discrimination et ça c’est pas tolérable aux yeux de la République ». Et donc Monsieur Urvoas n’a jamais répondu à mes courriers, je l’ai relancé téléphoniquement via son cabinet et j’ai profité de la venue à Boulogne. […] Il est venu à Boulogne dans le cadre, pour les questions de… Justice liées au problème migratoire, de fonctionnement de la justice lié au problème migratoire. Et donc j’ai profité de ma présence à cette visite ministérielle pour donner un dossier complet à son directeur de cabinet, en main propre, qui réexpliquait tout l’historique, qui donnait les dossiers les plus nécessaires pour une bonne compréhension du sujet et en lui disant que je souhaitais ardemment avoir une réponse. Je n’ai jamais eu de réponses, même après cette démarche qui m’avait fait quand même faire un déplacement assez long et… Bon j’espérais plus et mieux que ça mais bon ça n’a pas non plus abouti.

88

Entretien avec Dominique Watrin, juin 2019.

89 La fenêtre d’opportunité qui s’est ouverte lorsque C. Taubira était à la tête du ministère de la Justice se referme lorsque cette dernière démissionne et laisse place à J.-J. Urvoas. La fermeture de cette fenêtre d’opportunité a pour conséquence de freiner la mise en œuvre de la décision de réhabiliter les mineurs grévistes de 1948. Ces derniers ont donc été reconnus victimes de l’État mais pour un temps seulement.

Conclusion

90 L’étude du mouvement pour la réhabilitation des mineurs grévistes de 1948 a permis de comprendre comment les interactions entre acteurs mobilisés et acteurs publics impactent à la fois la trajectoire d’une mobilisation et les politiques publiques s’y afférant. Nous avons tenté de montrer que la reconfiguration de l’arène publique par l’investissement de différentes scènes publiques a involontairement permis aux mineurs mobilisés d’accumuler différentes ressources, notamment relationnelles. Cette accumulation de ressources n’explique toutefois pas entièrement la réhabilitation des mineurs grévistes de 1948. Pour comprendre pleinement cette dernière il a fallu faire discuter la notion d’arène publique avec des outils plus classiques de l’analyse des politiques publiques. Ce dialogue a permis de produire une analyse prenant à la fois en compte les acteurs, leurs ressources mais également le contexte institutionnel, mémoriel et politique au sein duquel ils ont évolué.

91 Pour rendre intelligible la réhabilitation des mineurs grévistes de 1948 nous avons d’ailleurs choisi d’adopter une analyse chronologique de ce phénomène. L’inconvénient de cette approche est toutefois de contribuer à présenter la réhabilitation des mineurs grévistes de 1948 comme plus simple qu’elle ne l’est. Il convient donc pour conclure de mettre en garde sur plusieurs points. Tout d’abord, il serait dangereux de considérer les pouvoirs publics comme un groupe d’acteurs homogène et coordonné. L’hétérogénéité des acteurs composant l’État et leur renouvellement à travers le temps est ainsi un élément important à prendre en compte pour comprendre le phénomène étudié. Une mise en garde similaire peut être exprimée au sujet des acteurs mobilisés et de leurs soutiens. Ce sont d’ailleurs cette complexité et cette dynamique des jeux d’acteurs dans un contexte institutionnel et politique particulier qui doivent être retenues pour comprendre pleinement la réhabilitation des mineurs grévistes de 1948.


Mots-clés éditeurs : arène publique, mobilisation de victimes, problème public., policy feedback, politiques de réparation

Mise en ligne 27/05/2024

https://doi.org/10.3917/drs1.116.0117

Notes

  • [1]
    Je tiens à remercier Fabien Desage, Anne-Cécile Douillet et Christine Rothmayr Allison ainsi que les deux évaluateurs de ce texte pour leurs relectures attentives et leurs conseils.
  • [2]
    Marion Fontaine et Xavier Vigna, « La grève des mineurs de l’automne 1948 en France », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 121 (1), 2014, p. 21-34. DOI : https://doi.org/10.3917/ving.121.0021.
  • [3]
    Jean-Louis Vivens, Conflit social ou affrontement politique ? La grève des mineurs en France en 1948 sous les angles de la solidarité et de la répression, mémoire de recherche en histoire, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2015.
  • [4]
    Ibid.
  • [5]
    On emploie ici le terme « réintégration » à la manière de Nicolas Offenstadt, qui décrit par cette expression le fait d’inclure au sein de la mémoire collective nationale des actes jusqu’alors jugés indignes par les pouvoirs publics. Pour lui, l’acte de réintégration ne passe pas forcément par le vote d’une loi. Un changement de discours peut aussi être une forme de réintégration : Nicolas Offenstadt, Les Fusillés de la Grande Guerre et la mémoire collective (1914-2009), Paris : Odile Jacob, 2009.
  • [6]
    Par réhabilitation on entend une mesure judiciaire ou légale, émanant donc d’une autorité publique, qui vient effacer une punition – provenant elle aussi d’une autorité publique – et ses conséquences.
  • [7]
    Didier Fassin et Richard Rechtman, L’Empire du traumatisme. Enquête sur la condition de victime, Paris : Flammarion, 2010 ; Johann Michel, « L’institutionnalisation du crime contre l’humanité et l’avènement du régime victimo-mémoriel en France », Canadian Journal of Political Science / Revue canadienne de science politique, 44 (3), 2011, p. 663‑84.
  • [8]
    Janine Barbot et Nicolas Dodier, « Violence et démocratie au sein d’un collectif de victimes. Les rigueurs de l’entraide », Genèses, 81 (4), 2010, p. 84-103. DOI : 10.3917/gen.081.0084 ; Jean-Noël Jouzel et Giovanni Prete, « De l’exploitation familiale à la mobilisation collective. La place des conjointes dans un mouvement d’agriculteurs victimes des pesticides », Travail et emploi, 147, 2016, p. 77‑100. DOI : 10.4000/travailemploi.7146 ; Florian Pedrot, « Être ou devenir victime ? Le cas des surirradiés », Politix, 106 (2), 2014, p. 189-210. DOI : 10.3917/pox.106.0189 ; Sophie Baby, « Vérité, justice, réparation : de l’usage en Espagne de principes internationaux », Matériaux pour l'histoire de notre temps, 111-112 (3), 2013, p. 25-33. DOI : 10.3917/mate.111.0025 ; Marie-Claude Chaput et Allison Taillot, « Le franquisme face à la justice », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 111-112 (3), 2013, p. 39-48. DOI : 10.3917/mate.111.0039 ; Stéphane Latté, « Le choix des larmes. La commémoration comme mode de protestation », Politix, 110 (2), 2015, p. 7-34. DOI : 10.3917/pox.110.0007 ; Vincent-Arnaud Chappe et Narguesse Keyhani, « La fabrique d’un collectif judiciaire. La mobilisation des cheminots marocains contre les discriminations à la SNCF », Revue française de science politique, 68 (1), 2018, p. 7‑29. DOI : 10.3917/rfsp.681.0007 ; Sélim Smaoui, « Sortir du conflit ou asseoir la lutte ? Exhumer et produire des “victimes républicaines” en Espagne », Revue française de science politique, 64 (3), 2014, p. 435-458. DOI : 10.3917/rfsp.643.0435.
  • [9]
    Renaud Hourcade, « Militer pour la mémoire. Rapport au passé et luttes minoritaires dans deux anciens ports négriers », Politix, 110 (2), 2015, p. 63-83. DOI : 10.3917/pox.110.0063 ; Emmanuelle Comtat, « Du vote des pieds-noirs aux politiques mémorielles à l’égard des rapatriés. Étude du lien entre une opinion publique catégorielle et l’action publique », Pôle Sud, 45 (2), 2016, p. 119-135. DOI : 10.3917/psud.045.0119.
  • [10]
    Emmanuel Henry, Amiante : un scandale improbable. Sociologie d’un problème public, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2015. DOI : 10.4000/books.pur.12719 ; Yannick Barthe, « Cause politique et “politique des causes” », Politix, 23 (3), p. 77-102. DOI : 10.3917/pox.091.0077.
  • [11]
    Caroline Huyard, « Quand la puissance publique fait surgir et équipe une mobilisation protestataire. L’invention des “maladies rares” aux États-Unis et en Europe », Revue française de science politique, 61 (2), 2011, p. 183-200. DOI : 10.3917/rfsp.612.0183.
  • [12]
    Daniel Cefaï, « La construction des problèmes publics. Définitions de situations dans des arènes publiques », Réseaux, 75, 1996, p. 43‑66. DOI : 10.3406/reso.1996.3684.
  • [13]
    Yannick Barthe, « Cause politique et “politique des causes” », op. cit. ; Jean-Noël Jouzel et Giovanni Prete, « De l’exploitation familiale à la mobilisation collective », op. cit.
  • [14]
    Jeannine Barbot et Nicolas Dodier, « Violence et démocratie au sein d’un collectif de victimes », op. cit.
  • [15]
    Florian Pedrot, « Être ou devenir victime ? », op. cit.
  • [16]
    Jean-Noël Jouzel et Giovanni Prete, « Mettre en mouvement les agriculteurs victimes des pesticides. Émergence et évolution d’une coalition improbable », Politix, 111 (3), 2015, p. 175-196. DOI : 10.3917/pox.111.0175.
  • [17]
    Paul Pierson, « Review. When effect becomes cause: Policy Feedback and Political Change », World Politics, 44 (5), 1993, p. 595-628. DOI : 10.2307/2950710.
  • [18]
    Jean-Louis Vivens, Conflit social ou affrontement politique ?, op. cit.
  • [19]
    Olivier Fillieule, « Propositions pour une analyse processuelle de l’engagement individuel. Post scriptum », Revue française de science politique, 51 (1), 2001, p. 199-215. DOI : 10.3917/rfsp.511.0199.
  • [20]
    De nombreux documents conservés par la CGT Mineurs La Gohelle attestent du rapprochement initié par plusieurs mineurs licenciés suite au vote de la loi d’amnistie en 1981. On peut par exemple citer une lettre du responsable syndical M. Mariage, datant du 4 mai 1982, informant G. Carbonnier du transfert de son dossier au siège parisien de la Fédération « pour intervention auprès du ministère » (Archives de la CGT Mineurs La Gohelle, dossier « 1982 »). On peut également citer pour exemple une lettre des responsables syndicaux M. Mariage et É. Wazny datant du 7 décembre 1982 et convoquant les mineurs licenciés à une réunion ayant pour but d’organiser l’action pour la réhabilitation (Archives de la CGT Mineurs La Gohelle, dossier « 1982 »).
  • [21]
    Maurice Halbwachs, La Mémoire collective, Paris : Albin Michel, 1997.
  • [22]
    Marion Fontaine, Fin d’un monde ouvrier. Liévin, 1974, Paris : Éditions de l’EHESS, 2014. DOI : 10.4000/books.editionsehess.6576 ; Marc Lazar, « Le mineur de fond : un exemple de l’identité du PCF », Revue française de science politique, 35 (2), 1985, p. 190‑205. DOI : 10.3406/rfsp.1985.396183 ; Bruno Mattei, Rebelle, rebelle ! Révoltes et mythes du mineur, Paris : Éditions Champ, 1987.
  • [23]
    Michel Offerlé, Sociologie des groupes d’intérêts, Paris : Monchrestien, 1994.
  • [24]
    Georges Rey, « Les putschistes réhabilités. Les députés communistes expriment leur désaccord et protestent contre l’utilisation de l’article 49-ter », Liberté, 24 novembre 1982.
  • [25]
    Norbert Gilmez, « Lettre à Christine Lagarde (ministre de l’Économie) », Bully-les-Mines, 30 mai 2011 (Archives personnelles de Norbert Gilmez).
  • [26]
    Norbert Gilmez, « Il y a 61 ans, le 7 octobre 1948 à Merlebach. Premier bilan sanglant du terrorisme d’État contre les mineurs en grève », Liberté 62, 9 octobre 2009.
  • [27]
    Au sens de D. Cefaï, il s’agit d’» une arène sociale dont les acteurs visent des biens publics, se réfèrent à l’intérêt public, définissent leurs problèmes comme publics et sentent, agissent et parlent en conséquence » : Daniel Cefaï, « Publics, problèmes publics, arènes publiques… Que nous apprend le pragmatisme ? », Questions de communication, 30, 2016, p. 38. DOI : 10.4000/questionsdecommunication.10704.
  • [28]
    Daniel Cefaï, « La construction des problèmes publics », op. cit.
  • [29]
    Anne Revillard, « Entre arène judiciaire et arène législative : les stratégies juridiques des mouvements féministes au Canada », in Jacques Commaille et Martine Kaluszynski (dir.), La Fonction politique de la justice, Paris : La Découverte, p. 143-163.
  • [30]
    Olivier Fillieule, « Propositions pour une analyse processuelle de l’engagement individuel. Post scriptum », op. cit.
  • [31]
    Dominique Simonnot, Plus noir dans la nuit, op. cit., p. 233.
  • [32]
    Yves Le Maner, « LEGRAND Joseph », in Dictionnaire Le Maitron, 2010. https://maitron.fr/spip.php?article107811
  • [33]
    Joseph Legrand, « Lettre à Georges Carbonnier », Carvin, 30 septembre 1982 (Archives de la CGT Mineurs La Gohelle, dossier « 1982 »).
  • [34]
    Débats parlementaires Assemblée Nationale, Journal Officiel de la République française, n° 114, 1983, p. 6377-6378.
  • [35]
    Dominique Simonnot, Plus noir dans la nuit, op. cit., p. 236.
  • [36]
    Il s’agit de Jean-Alain Barrier, responsable de la Fédération Mines – Énergie CGT.
  • [37]
    D. Simonnot explique cette non-application de l’article 107 de la loi de finances pour 2005 au cas de N. Gilmez ainsi : « Norbert, lui, n’a rien eu, le décompte s’étant établi à dater de 1984, et puisqu’en 1975, en tant que représentant syndical, il avait eu, à nouveau, droit au chauffage et au loyer gratuits » : Dominique Simonnot, Plus noir dans la nuit, op. cit., p. 237.
  • [38]
    C’est N. Gilmez qui souligne. Il fait ici référence à un mail de J.-A. Barrier annonçant le vote de l’article 107 de la loi de finances pour 2005 qu’il qualifie de « sacrée victoire » (Archives de la CGT Mineurs La Gohelle, dossier « 2004 »).
  • [39]
    Norbert Gilmez, « La coupe est pleine », 2008 (Archives de la CGT Mineurs La Gohelle, dossier « 2004 »).
  • [40]
    C’est G. Carbonnier qui souligne.
  • [41]
    « Lettre de G. Carbonnier à R. Frackowiak », Dunkerque, 25 août 1999 (Archives de la CGT Mineurs La Gohelle, dossier « 1999 »).
  • [42]
    Daniel Gaxie, « Rétributions du militantisme et paradoxes de l’action collective », Swiss Political Science Review, 2005, p. 157‑88. DOI : 10.1002/j.1662-6370.2005.tb00051.x.
  • [43]
    « Lettre de G. Carbonnier à J. Bernard », Dunkerque, 11 août 1999 (Archives de la CGT Mineurs La Gohelle, dossier « 1999 »).
  • [44]
    Vincent-Arnaud Chappe, « Le cadrage juridique : une ressource politique ? La création de la Halde comme solution au problème de l’effectivité des normes anti-discriminations (1998-2005) », Politix, 94, 2011, p. 107-130. DOI : 10.3917/pox.094.0107.
  • [45]
    Ibid.
  • [46]
    Vincent-Arnaud Chappe, « Les discriminations syndicales saisies par le droit à PSA », La nouvelle revue du travail, 7, 2015. DOI : 10.4000/nrt.2324 ; Id., « Dénoncer en justice les discriminations syndicales : contribution à une sociologie des appuis conventionnels de l’action judiciaire », Sociologie du travail, 55 (3), p. 302-321. DOI : 10.4000/sdt.11538.
  • [47]
    Dominique Simonnot, Plus noir dans la nuit, op. cit., p. 254.
  • [48]
    Tiennot Grumbach, « Lettre à L. Ferrand, directeur juridique de la HALDE, le 3 juillet 2007 » (Archives de la CGT La Gohelle, dossier « 2007 »).
  • [49]
    Liora Israël, L’Arme du droit, Paris : Presses de Sciences Po, 2020. DOI : 10.3917/scpo.israe.2020.01.
  • [50]
    Camille Herlin-Giret et Aude Lejeune, Droit et inégalités. Approches sociologiques, Paris : De Boeck Supérieur, 2022, p. 72-78.
  • [51]
    Prud’hommes de Nanterre, Jugement de départage, 18 septembre 2009 (disponible au sein des archives de la CGT Mineurs La Gohelle, dossier « 2009 »).
  • [52]
    Dominique Simonnot, Plus noir dans la nuit, op. cit.
  • [53]
    Pour J. Michel, un régime mémoriel correspond à un ensemble de « “grammaires” prédominantes de la mémoire publique officielle où se joue une certaine conception de la nation, des personnages historiques, des gloires et des hontes nationales » : Johann Michel, « L’institutionnalisation du crime contre l’humanité et l’avènement du régime victimo-mémoriel en France », Canadian Journal of Political Science / Revue canadienne de science politique, 44 (3), 2011, p. 665. DOI : 10.1017/S0008423911000539.
  • [54]
    Marion Fontaine, Fin d’un monde ouvrier, op. cit. ; Marc Lazar, « Le mineur de fond : un exemple de l’identité du PCF », op. cit. ; Bruno Mattei, Rebelle, rebelle ! Révoltes et mythes du mineur, op. cit.
  • [55]
    Ibid.
  • [56]
    Michel Certeau (de), Dominique Julia et Jacques Revel, « La beauté du mort », in Michel Certeau (de), La Culture au pluriel, Paris : Christian Bourgois Éditeur, 1993, p. 45‑72.
  • [57]
    Fabien Desage, Le centre historique minier de Lewarde : ressorts et enjeux d’un lieu de mémoire en Bassin Minier, mémoire de recherche, Institut d’études politiques de Lille, 1998.
  • [58]
    John Kingdon, Agendas, Alternatives and Public Policies, New York : Longman, 1995.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.14.90

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions