Notes
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[1]
Michael A. Wilkinson, Authoritarian Liberalism and the Transformation of Modern Europe, Oxford : Oxford University Press, 2021, p. 2 et 157.
-
[2]
Sur l’histoire intellectuelle de la notion et son évolution voir par exemple Luc Heuschling, État de droit, Rechtsstaat, Rule of law, Paris : LGDJ, 2002 ; Brian Z. Tamanaha, On the Rule of Law: History, Theory and Politics, Cambridge : Cambridge University Press, 2004 ; Éric Carpano, État de droit et droits européens, Paris : L’Harmattan, 2005.
-
[3]
Wojciech Sadurski, Poland’s Constitutional Breakdown, Oxford : Oxford University Press, 2019, p. 27-29.
-
[4]
Ibid., chap. 2.
-
[5]
Ibid., p. 14-20.
-
[6]
Sadurski avance cela explicitement, Sales non. La thèse ressort toutefois de la structure du livre, traversé de part en part par la dialectique juge attaqué / juge protecteur des droits et libertés individuels.
-
[7]
Wojciech Sadurski, Poland’s Constitutional Breakdown, op.cit., p. 7.
-
[8]
Éric Sales, La Turquie. Un État de droit en question, Paris : L’Harmattan, 2021, p. 103.
-
[9]
Wojciech Sadurski, Poland’s Constitutional Breakdown, op.cit., p. 112.
-
[10]
La Cour suprême et le Tribunal Constitutionnel sont à distinguer. La première est la juridiction de cassation dans toutes les matières sauf administrative, quand le second se concentre sur le contrôle de constitutionnalité.
-
[11]
Wojciech Sadurski, Poland’s Constitutional Breakdown, op.cit., p. 75.
-
[12]
Éric Sales, La Turquie. Un État de droit en question, op.cit., p. 103.
-
[13]
Wojciech Sadurski, Poland’s Constitutional Breakdown, op.cit., p. 75-79.
-
[14]
Les « Academics for Peace » se réfèrent à des universitaires signataires, en 2016, d’une pétition critiquant sévèrement la politique du gouvernement vis-à-vis des kurdes. Beaucoup ont ensuite perdu leur emploi, voire ont été emprisonnés : Éric Sales, op.cit., p. 161-164 ; dans ce numéro de Droit et Société, voir Benoit Bastard et Verda Irtis, « Condamner et punir. Des universitaires face à une justice à la dérive ».
-
[15]
Wojciech Sadurski, Poland’s Constitutional Breakdown, op.cit., p. 105-110.
-
[16]
Éric Sales, La Turquie. Un État de droit en question, op.cit., chap. 4.
-
[17]
Wojciech Sadurski, Poland’s Constitutional Breakdown, op.cit., chap. 8.
-
[18]
Franz L. Neumann, Behemoth: The Structure and Practice of National Socialism, 1933-1944, Chicago : Ivan R. Dee, 2009, p. 470.
-
[19]
Shucheng Wang, Law as an Instrument: Sources of Chinese Law for Authoritarian Legality, Cambridge : Cambridge University Press, 2022, p. 163-172.
-
[20]
Ibid. Voir aussi Baudouin Dupret et Jean-Louis Halpérin (dir.), State Law and Legal Positivism: The Global Rise of a New Paradigm, Leyden : Brill, 2022.
-
[21]
Denis Baranger, Penser la loi. Essai sur le législateur des temps modernes, Paris : Gallimard, 2018.
-
[22]
Shucheng Wang, Law as an Instrument, op.cit., p. 163-172.
-
[23]
Sharmani Patricia Gabriel et Bernard Wilson (eds.), Orientalism and Orientalism in Reverse, Londres : Routledge, 2021.
-
[24]
Shucheng Wang, Law as an Instrument, op.cit., chap. 2.
-
[25]
Ibid., p. 37-39.
-
[26]
L’idée d’un contrôle de constitutionnalité des lois a même été encouragée publiquement par Xi Jinping en 2017. Shucheng Wang, Law as an Instrument, op.cit., p. 69.
-
[27]
La Cour populaire suprême de Chine est l'instance judiciaire suprême pour juger de toute affaire civile, pénale ou administrative. Elle ne détient toutefois pas de compétences en matière de contrôle de légalité de l’action des organes politiques.
-
[28]
C’est l’organe permanent de l’Assemblée nationale populaire, l’organe politique suprême de la Constitution « étatique » de 1982.
-
[29]
Shucheng Wang, Law as an Instrument, op. cit., chap. 6.
-
[30]
Ibid., chap. 5.
-
[31]
Wang souligne également, dans une moindre mesure, et dans une perspective plus structurelle, que cette formalisation et positivisation de l’activité juridictionnelle est destinée à sécuriser les paramètres d’action des investisseurs locaux et étrangers conformément à la dynamique « d’ouverture économique » initiée en 1978 par Deng Xiaoping.
-
[32]
Michael A. Wilkinson, Authoritarian Liberalism and the Transformation of Modern Europe, op.cit., p. 26-30.
-
[33]
Voir la contribution de Marie Goupy à ce numéro : « La dictature et l’autoritarisme en tant que spectres. Retour sur la théorie des pouvoirs de crise d’Eric Posner et d’Adrian Vermeule ».
-
[34]
Michael A. Wilkinson, Authoritarian Liberalism and the Transformation of Modern Europe, op.cit., chap. 5.
-
[35]
Ibid., p. 15.
-
[36]
Ibid., p. 7.
-
[37]
Ibid., p. 251-257.
-
[38]
Ran Hirschl, Towards Juristocracy. The Origins and Consequences of New Constitutionalism, Boston : Harvard University Press, 2004.
-
[39]
Michael A. Wilkinson, Authoritarian Liberalism and the Transformation of Modern Europe, op. cit., p. 165.
-
[40]
Ibid., p. 110-117.
-
[41]
Ibid., p. 191.
-
[42]
Stéphanie Hennette Vauchez, La Démocratie en état d’urgence. Quand l’exception devient permanente, Paris : Le Seuil, 2022, p. 142-143.
-
[43]
Ibid., p. 72-73.
-
[44]
Voir par exemple, Michel Foucault, Archéologie du savoir, Paris : Gallimard, 1969, p. 10-12.
-
[45]
Giorgio Agamben, Homo sacer. Le pouvoir souverain et la vie nue, Paris : Le Seuil, 1997.
-
[46]
Stéphanie Hennette Vauchez, La Démocratie en état d’urgence op.cit., p. 17-19.
-
[47]
Ibid., p. 65.
-
[48]
Stéphanie Hennette-Vauchez utilise le terme à plusieurs reprises. Elle n’y a toutefois pas recours pour qualifier le régime politique français globalement, mais le style des gouvernants à l’occasion de ces états d’urgences. Ibid., p. 26, 134, 135, 139.
-
[49]
Ibid., p. 55-60.
-
[50]
Ibid., p. 97.
-
[51]
Ibid., p. 101-103.
-
[52]
Ibid., p. 79.
-
[53]
Ibid., p. 125-126 et 154-156.
-
[54]
Ibid., p. 117-131.
-
[55]
Ibid., p. 119.
-
[56]
Wojciech Sadurski, Poland’s Constitutional Breakdown, op.cit., p. 70-75.
-
[57]
Stéphanie Hennette Vauchez, La Démocratie en état d’urgence, op. cit., p. 119.
-
[58]
Shucheng Wang, Law as an Instrument, op.cit., chap. 2.
-
[59]
Stéphanie Hennette Vauchez, La Démocratie en état d’urgence, op.cit., p. 62.
-
[60]
Le terme apparaît 31 fois dans le livre.
-
[61]
Voir à ce sujet, Éric Millard, « L’État de droit. Idéologie contemporaine de la démocratie », in Jean-Marc. Février et Patrick Cabanel, Question de démocratie, Toulouse : Presses universitaires du Mirail, 2001, p. 415-443.
-
[62]
Wojciech Sadurski, Poland’s Constitutional Breakdown, op.cit., p. 19 ; Éric Sales, La Turquie. Un État de droit en question, op.cit., p. 18 ; Shucheng Wang, Law as an Instrument,op.cit., p. 172.
-
[63]
Voir par exemple Nathalie Bernard-Maugiron, « Les amendements constitutionnels de 2019 en Égypte : vers une consécration de la dérive autoritaire du régime », Revue française de droit constitutionnel, 121, 2020, p. 3-19. DOI : 10.3917/rfdc.121.0003 ; Gabor Halmai, « Dismantling Constitutional Review in Hungary », Rivista di diritti comparati, 1, 2019.
-
[64]
Stéphanie Hennette Vauchez, La Démocratie en état d’urgence,op.cit., chap. 6.
-
[65]
Tamer Moustafa, The Struggle for Constitutional Power: Law, Politics and Economic Development in Egypt, Cambridge : Cambridge University Press, 2009.
-
[66]
Jacques Chevallier, L’État de droit, Paris-La Défense : LGDJ, 2023 [7e édition].
-
[67]
Voir par exemple Éric Carpano, « La crise de l’État de droit en Europe : de quoi parle-on ? », Revue des droits et libertés fondamentaux, 29, 2019. Éric Sales énonce également ce type de définition dans l’introduction, sans pour autant qu’il en tire complètement les conséquences dans la suite. Éric Sales, La Turquie. Un État de droit en question, op.cit., p. 15
-
[68]
Commission de Venise, « Rapport sur la prééminence du droit », 26 mars 2011. <https://www.venice.coe.int> Romain Le Bœuf, « Lecture internationale : l’ONU », Colloque L’État de droit face aux crises, L’État de droit en crise, 7 décembre 2023, notes personnelles.
-
[69]
Jean Philippe Desrosiers la qualifie même d’« allo-synthétique ». Jean-Philippe Desrosiers, « The Uselessness of an Allo-Synthetic Concept: “Rule of Law” and “État de Droit” from a French Public Law Perspective », Hungarian Journal of Legal Studies, 57, 2016, p. 1-9. DOI : 10.1556/2052.2016.57.1.1.
-
[70]
Le terme figure dans l’intitulé de la Commission de Venise.
-
[71]
Pour Raz, cité par Sales, l’État de droit doit uniquement être associé aux vertus d’un système juridique d’un point de vue formel (légalité, séparation des pouvoirs, sécurité juridique, justiciabilité, etc.) Joseph Raz, « The Authority of Law », Oxford : Clarendon Press, 1979, p. 210-229.
-
[72]
Voir à ce sujet, Thomas Hochmann, « Cinquante nuances de démocrature », Pouvoir, 169, 2019, p. 19-32. DOI : 10.3917/pouv.169.0019.
-
[73]
Voir la contribution de Marie Goupy à ce numéro.
-
[74]
La démocratie peut être alors définie en miroir vis-à-vis du phénomène autoritaire tel que défini dans l’introduction. Elle est un régime où l’accès au pouvoir étatique et à son exercice seraient ouvert aux individus spécialement dès lors qu’il leur consacre des droits et libertés individuels.
■ Stéphanie Hennette Vauchez, La Démocratie en état d’urgence. Quand l’exception devient permanente, Paris : Le Seuil, 2022, 224 p.
■ Wojciech Sadurski, Poland’s Constitutional Breakdown, Oxford : Oxford University Press, 2019, 304 p.
■ Éric Sales, La Turquie. Un État de droit en question, Paris : L’Harmattan, 2021, 230 p.
■ Shucheng Wang, Law as an Instrument: Sources of Chinese Law for Authoritarian Legality, Cambridge : Cambridge University Press, 2022, 310 p.
■ Michael A. Wilkinson, Authoritarian Liberalism and the Transformation of Modern Europe, Oxford : Oxford University Press, 2021, 352 p.
1 Le titre « En finir avec l’État de droit » revêt, ici, une dimension à la fois conceptuelle et empirique. Premièrement, cet « À propos » interroge la valeur heuristique de la notion d’État de droit pour caractériser et appréhender les régimes politiques contemporains. Deuxièmement, les cinq études de cas, portant sur la Turquie, la Pologne, la Chine, l’Union européenne et la France, reposent sur l’autoritarisme, et la fin de l’État de droit est un dessein communément prêté aux gouvernants autoritaires. L’autoritarisme y caractérise les régimes de manière structurelle (UE, Chine) ou désigne une « zone sombre » vers laquelle les gouvernants, dans une période critique, orienteraient leurs régimes (France, Pologne, Turquie). Tous ces travaux ont également en commun d’inscrire le droit au cœur de leur méthode. Cette centralité renvoie, avec plus ou moins d’intensité, au matériel mobilisé dans l’analyse, c’est-à-dire le droit positif, mais également aux concepts mobilisés pour appréhender le pouvoir politique. L’exemple le plus frappant est celui de Michael A. Wilkinson qui appréhende ce que recouvre un régime politique par la notion de constitution matérielle. Il définit cette dernière largement comme une configuration de pouvoir centrée sur la relation entre institution (supra)étatique et société, une relation également définie, en surplomb, par des paramètres mondiaux [1].
2 Ces travaux seront mis en perspective au prisme de la notion d’État de droit. Elle est ici définie à partir d’une approche lexicale en la caractérisant par ce vers quoi semblent converger la plupart des usages politiques et académiques contemporains du terme État de droit [2]. La notion renvoie alors à un État où le pouvoir des gouvernants et de leur administration est limité par le droit, grâce au contrôle effectif de la légalité de leur action par des juges autonomes d’eux. Cette définition répond à la thématique générale du dossier et à sa volonté de situer les juges au cœur de l’enquête sur le pouvoir autoritaire. En outre, elle correspond aux cinq ouvrages car leurs auteurs, en l’associant explicitement ou non au terme État de droit, y recourent comme outil d’analyse ou décrivent ses usages par les acteurs. En dépit de ce point commun, leurs perspectives sur la relation entre État de droit et régimes politiques apparaissent contradictoires. Sales, Sadurski et Wang considèrent l’État de droit consubstantiellement avec les régimes politiques (I). L’État de droit constituerait l’expression juridique principale de la démocratie, quand l’antithèse de l’État de droit serait celle de l’autoritarisme. En revanche, les analyses de Hennette Vauchez et Wilkinson situent l’État de droit au cœur des phénomènes autoritaires étudiés (II).
3 Par-delà cette contradiction, les ouvrages se recoupent sur certains points. Le principal renvoie à la caractérisation de l’autoritarisme, entendu comme restriction de l’accès au pouvoir étatique et son exercice en même temps que s’opèrent des atteintes aux droits et libertés individuelles. Cette contradiction ne doit surtout pas, par ailleurs, dénier à l’ensemble des ouvrages leur grande qualité. Tous sont extrêmement informés, clairs, percutants et contribuent franchement à la compréhension de leur cas d’étude. Les divergences dans le cadre d’analyse répondent sans doute aux particularités géographiques des matériaux travaillés, qui contribuent dialectiquement à forger le premier. Toutefois, la mise en perspective de ces travaux invite à une réflexion consolidant la portée générale du travail de Stéphanie Hennette Vauchez et amenuisant celle des autres. La conclusion s’appuiera dessus pour répondre, plutôt par la négative, à la question de la valeur heuristique (et morale) de la notion d’État de droit.
I. Le régime autoritaire comme anti-État de droit
4 Wang, Sales et Sadurski ne posent pas des diagnostics aussi tranchés sur les régimes qu’ils étudient. Pour le premier, la Chine est un régime nettement autoritaire, tandis que pour les seconds, le rattachement à l’un des pôles de la dichotomie démocratie/autoritarisme n’est pas définitif. En Pologne et en Turquie existerait, en effet, une crise de régime, renvoyant à des phénomènes mettant en tension les deux pôles de la dichotomie. En dépit de cette différence, Wang partage avec les deux autres auteurs une conception similaire des rapports entre régime politique et droit. Cette similarité tient à ce que l’État de droit constituerait l’enjeu principal de définition du régime politique, désignant le cœur des crises turques et polonaises (I. 1), quand sa négation serait, elle, le caractère principal du régime chinois (I. 2).
I. 1. L’État de droit au cœur des crises de régime
5 Sadurski et Sales axent leurs analyses sur l’action au pouvoir des partis polonais Droit et justice (PIS) et turc Justice et développement (AKP), de, respectivement, 2016 à 2018 et 2010 à 2021. Les deux auteurs relèvent des points communs frappants : adhésion au néo-libéralisme économique, usages fréquents de la référence religieuse, personnalisation de leur logique de fonctionnement qui se traduit par la domination, informalisée, de Jarosław Kaczyński (président du PIS) et, formalisée, de Erdogan. Au-delà de ces convergences dans leurs cas d’étude, Sadurski et Sales partagent un ton libéralo-critique, plus marquée chez Sadurski, et un constat sur l’état des régimes. Ces derniers seraient en crise du fait de l’action des partis sus-évoqués. Sadurski emploie le terme de « régression démocratique [3] » pour qualifier cette crise, en référence au succès [4] de la « transition » après la chute de l’URSS. Sales l’inscrit, lui, dans une temporalité dépassant historiquement la prise de pouvoir de l’AKP, au sens où, depuis 2010, le parti exercerait sur le régime la force autoritaire qu’avait exercée auparavant l’armée, après le coup d’État de 1980. Surtout, les cadres d’analyse de Sadurski et Sales sont analogues, au sens où les deux font de l’État de droit l’enjeu principal de ces crises. Cette similarité est symbolisée, d’une part, par le fait que Sadurski qualifie le style du PIS d’« anticonstitutionnel [5] », au contraire du Fidesz hongrois qui serait lui plus soucieux de la légalité, et, d’autre part, par le titre que donne Éric Sales à son ouvrage. Plus substantiellement, les crises se cristalliseraient autour des juges. Les pratiques autoritaires du PIS et de l’AKP ont certes d’autres objets, que ces auteurs relèvent précisément, comme les droits et libertés individuels et le fonctionnement des organes politiques, mais celles concernant les juges conditionnent ces dernières. En outre, la réponse qu’y apportera la magistrature indique la voie principale de résolution démocratique de la crise [6]. Autrement dit, les juges incarnent à la fois la maladie autoritaire et le remède démocratique. Les mesures prises par le PIS et l’AKP peuvent être caractérisées en deux sous-types, qui se cumulent et se combinent, ce qui leur confère, comme l’indique Sadurski, une force politique systémique [7]. Ces deux sous-types correspondent aux mesures s’attaquant à l’autonomie des juges vis-à-vis des partis et à celles s’attaquant à leur pouvoir en tant que tel. Parmi les premières, il y a les mesures portant sur l’autonomie ex ante des juges, renvoyant pour l’essentiel à l’accaparement par les partis, par le biais des organes politiques, du pouvoir de nomination des juges. Elles remplacent les mécanismes antérieurs de cooptation interne à la magistrature et se combinent parfois à des mises à la retraite, voire à de pures destitutions en Turquie après la tentative de coup d’État de 2016 [8]. Les mesures affectant l’autonomie ex post des juges sont celles qui visent à contrôler leur avancement de carrière et correspondent, par exemple, aux conditions de création, d’institution et de fonctionnement de la nouvelle chambre disciplinaire au sein de la Cour suprême polonaise [9]. En sus de ces attaques contre l’autonomie des juges, les auteurs relèvent un second type de mesures. Ces dernières correspondent à la restriction de leur pouvoir en tant que tel, entendu comme leur capacité formelle à contraindre effectivement l’action étatique. Sadurski évoque ainsi le projet d’institution d’une majorité qualifiée des deux tiers, au sein du Tribunal constitutionnel [10], pour invalider une loi [11]. Ces attaques peuvent être également plus crues quand elles visent la mise en œuvre des décisions des juridictions. Sales se réfère à la manière dont d’autres organes arguent de motifs procéduraux pour refuser d’exécuter les décisions de la Cour constitutionnelle favorables aux opposants de l’AKP [12]. Sadurski met, lui, l’accent sur la décision du PIS de ne plus publier au journal officiel certaines décisions de la Cour constitutionnelle [13]. L’existence de décisions déplaisant aux deux partis autoritaires montre, aux yeux des deux auteurs que, malgré les attaques contre leur autonomie, les juges resteraient en mesure d’éviter que leurs régimes deviennent complètement autoritaires. Sales salue ainsi les arrêts de la Cour constitutionnelle invalidant les graves mesures prises contre les « Academics for Peace » turcs [14], quand Sadurski met en valeur la résistance de la présidente de la Cour Suprême, Małgorzata Maria Gersdorf, contre la terminaison prématurée de sa fonction [15]. Les deux auteurs suggèrent également de penser cette opposition aux gouvernants autoritaires en relation avec l’action des juges européens. Sales consacre un chapitre aux décisions de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) défendant la démocratie en Turquie et loue le partenariat objectif qu’elle a tissé avec la Cour constitutionnelle turque. Cette dernière cite la CEDH, quand, réciproquement, la CEDH souligne la nécessité pour les autorités étatiques turques d’exécuter les décisions de la Cour constitutionnelle [16]. Quant à Sadurski, il parie essentiellement sur le juge de l’Union européenne et consacre un chapitre aux procédures qui y existent contre son pays, dans lequel il appelle les juges du Luxembourg, mais aussi la Commission européenne, à sanctionner sévèrement le gouvernement polonais [17]. Sadurski cherche ainsi à conjurer un glissement autoritaire du régime polonais, dont l’aboutissement logique pourrait correspondre au régime politique chinois tel que le caractérise Shucheng Wang.
I. 2. Le régime autoritaire comme rule by law
6 Shucheng Wang identifie en effet le régime chinois comme un anti-État de droit, au sens où le droit ne contraindrait absolument pas les élites qui feraient de lui un strict instrument de leur volonté. Pour reprendre la théorie de Neumann, la valeur politique du droit y serait à comprendre en termes de pure voluntas et non de ratio [18]. Shucheng Wang attribue ce caractère à la culture chinoise et à ses composantes marxistes et confucéennes, où le droit y représenterait un instrument, respectivement, de conflit de classes et de perpétuation de l’ordre social [19]. Si cette analyse historique du droit paraît convaincante, il est plus difficile d’accepter que l’instrumentalisme juridique soit une spécificité chinoise ni même autoritaire. Wang apporte d’ailleurs lui-même les éléments contredisant son argument, quand il rappelle que cet instrumentalisme renvoie au positivisme juridique, dont la diffusion globale remonte au xixe siècle [20]. À ce titre, Denis Baranger montre dans son dernier livre que la conception du droit comme instrument de gouvernement accompagne également des régimes libéraux et démocratiques, ce qui indique, par conséquent, que l’instrumentalisme n’est pas une propriété exclusivement autoritaire [21]. En tout cas, cette notion permet à Wang de fonder son analyse par le droit du régime politique chinois, car il la fait aboutir à celle de légalité autoritaire. Cette dernière se substitue à l’État de droit comme cadre d’analyse et permet d’écarter l’argument de l’absence de ce dernier, quand il est utilisé dans la littérature pour dénier la valeur d’un regard juridique sur le régime chinois. Selon Wang, cet argument, identifiable particulièrement chez les chercheurs occidentaux, procèderait d’un orientalisme juridique, par lequel ces derniers s’interdiraient de penser le droit hors de la fonction démocratique qu’il accomplit en Occident [22]. Bien que, comme suggéré ci-dessus, Wang tende en fait à reproduire la logique orientaliste en miroir [23], cette notion de légalité autoritaire articule une analyse juridique riche, passionnante et éclairante du régime politique chinois.
7 Wang propose un éclairage institutionnel de la structure de ce régime à partir de la notion de constitution matérielle. Cette dernière serait duelle [24] et comprendrait à la fois celle de l’État et celle du Parti communiste, le premier sous la domination de ce dernier, même s’il est regrettable que Wang n’explique pas la distinction conceptuelle entre les deux. Depuis le règne de Deng Xiaoping, la constitution matérielle s’est également « positivisée », une dynamique qui s’est accrue sous Hu Jintao et Xi Jinping. Wang souligne à ce titre la publication par le parti de documents régissant son fonctionnement [25], ainsi que l’adoption de la Constitution « étatique » de 1982 et, ensuite, la croissance exponentielle de son usage par les élites [26]. Surtout, dans un second temps du livre, Wang montre comment les juges sont pleinement intégrés au fonctionnement du régime autoritaire chinois. Ces derniers ne disposent d’aucune autonomie vis-à-vis des organes politiques, dès lors que la majorité d’entre eux appartient au Parti, un rattachement individuel des agents étatiques permettant de comprendre la domination du Parti sur l’État. Cette « politicisation » institutionnelle de la fonction juridictionnelle tient également à l’existence d’organes disciplinaires à la fois partisans et étatiques contrôlant la carrière des juges, ce qui n’est pas sans évoquer les craintes de Sales et Sadurski sur l’orientation contemporaine des régimes turc et polonais. Cette politicisation est formalisée dans un article de la Constitution étatique donnant à l’organe juridictionnel le plus important, la Cour suprême [27], le pouvoir d’interprétation des lois, non en propre, mais par délégation du Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire de Chine [28]. La Cour Suprême a, par ailleurs, vu son importance croitre, de pair avec une dynamique de formalisation et de « positivisation » de l’activité juridictionnelle dans son ensemble. La Cour suprême diffuse en effet un nombre croissant de documents vers les juridictions inférieures, produits dans un subtil dialogue avec ces dernières, à tel point que Wang relève « une bureaucratisation de la jurisprudence [29] » chinoise. Sous formes de cas-types et de consignes d’interprétation des lois ainsi que des règlements, ces documents visent à verticaliser et unifier l’activité juridictionnelle [30]. Cette dynamique de positivisation, à l’efficacité aléatoire, existerait in fine au bénéfice des élites centrales du parti connectées directement à la Cour suprême. À leurs yeux, elle constitue, avant tout [31], un outil pour contrôler et influer l’activité juridictionnelle dans l’ensemble du vaste territoire chinois. Du point de vue de Wang, cette politicisation, contingente au régime chinois, serait antithétique de l’État de droit, tel que défini dans notre introduction, et par conséquent, de la démocratie. Les auteurs des travaux dont il sera question dans la partie II évoquent, eux, les problèmes démocratiques que suscitent la dimension nécessairement politique de l’activité juridictionnelle. L’État de droit peut alors s’opposer à la démocratie.
II. Le régime autoritaire comme État de droit
8 Les points de vue de Wilkinson et Hennette Vauchez sont néanmoins différents, et pas uniquement parce que l’un se focalise sur l’Union européenne et l’autre sur la France. La divergence tient à la portée de leur critique de l’État de droit. Pour Wilkinson, l’État de droit est un fondement de l’autoritarisme (II. 1), quand, chez Hennette Vauchez, il n’y constitue qu’une ressource autoritaire (II. 2).
II. 1. L’État de droit, fondement de l’autoritarisme
9 Wilkinson développe une analyse du régime politique de l’Union européenne et articule, à cette fin, diverses méthodes. Son travail est historique, en ce qu’il retrace, de manière logique et linéaire, la trajectoire de l’Union européenne, de ses origines, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, aux conséquences de « l’eurocrise » de 2010. L’ouvrage s’inscrit également dans la tradition marxiste, car les classes sociales sont les agents et sujets principaux du régime politique de l’Union européenne. Enfin, Wilkinson recourt à la théorie constitutionnelle et politique. D’une part il confond les notions de régime politique et de constitution matérielle. D’autre part, la notion de « libéralisme autoritaire », caractérisant le régime de l’Union européenne, provient d’un emprunt explicite au juriste allemand Herman Heller [32]. Ce dernier l’avait forgé pour analyser les dernières années de la République de Weimar [33]. Le libéralisme autoritaire se référait à la destruction du compromis de classe ayant présidé à ses premières années puis à son remplacement par la domination de la bourgeoisie. Institutionnellement, ce changement s’était traduit par un passage du parlementarisme – le Parlement étant, pour Wilkinson, le lieu de la conciliation des intérêts conflictuels de classes – à la concentration du pouvoir dans les mains de l’exécutif. Ce dernier, contrôlé par la bourgeoisie, avait alors imposé autoritairement la préservation du marché économique et, plus largement, celle des intérêts de classe de ses membres. Wilkinson transpose le libéralisme autoritaire à la construction européenne et la forme actuelle de l’Union européenne. Le projet de la bourgeoisie, dont les intérêts structureraient la politique de Bruxelles, est actualisé par Wilkinson au moyen de la référence à l’idéologie ordo-libérale [34]. Cette dernière prônerait une structure étatique forte pour préserver et développer la force du marché économique et sa logique. À l’échelle de l’Union européenne, également soumise à une pression néo-libérale internationale, l’ordo-libéralisme aurait adopté des formes successives dont la radicalité a été croissante : capitalisme redistributif, transformation des économies aux fins de compétition interne et internationale, et financiarisation étendue au fonctionnement de l’Union européenne et des États membres.
10 Le caractère autoritaire de l’Union européenne s’appréhende, chez Wilkinson, aussi bien institutionnellement qu’idéologiquement. Institutionnellement, la bourgeoisie aurait dépouillé les peuples de leurs souverainetés, une notion que Wilkinson envisage non pas comme une idée pure mais comme une réalité politique tangible. Cette souveraineté se définit essentiellement par le choix de la politique économique, dont le caractère ordo-libéral n’est pas choisi par les peuples mais imposé à eux par l’Union européenne. Ces derniers auraient perdu leur faculté de sortir de ce régime politique, en raison des transformations imposées par l’Union aux économies nationales et de la dépendance que ces transformations ont instituée [35]. Le coût économique, social et politique immédiat d’une sortie serait excessif, une menace qui permettrait à l’Union européenne d’exercer son autoritarisme de manière non coercitive mais passive [36]. Idéologiquement, Wilkinson avance que le libéralisme économique existe naturellement en tension avec le libéralisme politique, l’exemple du sort réservé au peuple grec dans le cadre de « l’eurocrise » de 2010 étant topique [37]. Malgré le fait que ce dernier ait refusé par référendum la politique d’austérité décidée par l’Union européenne, l’UE a insisté et les grandes lignes de son programme ont fini par être appliquées.
11 L’État de droit constitue alors un fondement technique et justificatif de cette configuration autoritaire, et Wilkinson s’inscrit dans les théories traditionnelles du gouvernement des juges et leur actualisation contemporaine par des auteurs comme Ran Hirschl [38]. L’État de droit n’y reste toutefois qu’une composante d’une superstructure technocratique agente de la bourgeoisie, dans laquelle figurent également des institutions comme la Banque centrale européenne, la Commission européenne et même les exécutifs nationaux. Le juge européen participerait à la confiscation du pouvoir aux peuples et constituerait un obstacle institutionnel à l’avènement d’une Union européenne démocratique dont l’organisation serait à la fois fédérale et parlementaire. Wilkinson avance ainsi la thèse d’une « constitutionnalisation post-souveraine [39] » de l’Union européenne et met en avant les arrêts historiques Costa, Vang end Loose et Simmenthal, et leur institution d’une domination européenne sur les législateurs nationaux [40]. Cette dernière existe au détriment des droits et libertés individuels, dont il exclut, fidèle à la perspective marxiste, ceux liés à la participation au marché économique. Wilkinson souligne, à ce titre, les arrêts Viking et Laval et leur priorisation de la liberté économique sur les droits de l’individu en tant que travailleur [41]. Aussi argumenté et tranchant que Wilkinson puisse être, sa thèse d’une consubstantialité entre État de droit et libéralisme économique ne peut être que conjoncturelle à l’Union européenne. En effet, les ouvrages susmentionnés sur la Pologne, la Turquie et même la Chine à partir des années Deng Xiaoping, indiquent que ce projet politico-économique peut également se déployer sans le pouvoir de juges autonomes du politique. La critique d’Hennette Vauchez est en ce sens plus subtile, car elle reconnaît la contingence des liens entre État de droit et autoritarisme.
II. 2. L’État de droit, ressource autoritaire
12 Stéphanie Hennette Vauchez apporte une analyse dense et approfondie du droit français tel qu’affecté par les états d’urgence successifs aux attentats de novembre 2015 et à la propagation de la Covid en 2020. L’autrice définit la notion d’état d’urgence par sa dimension anti-démocratique, en ce qu’elle restreindrait, par nature, les droits et libertés individuels. La consécration de ces derniers constitue le cœur de la démocratie et, pour énoncer cette appréhension fondamentalement libérale des systèmes politiques, elle s’appuie particulièrement sur Norberto Bobbio [42]. Stéphanie Hennette Vauchez ne réduit toutefois pas la démocratie aux droits et libertés individuels. Elle souligne également la centralisation exécutive du pouvoir (et spécifiquement vers le président de la République) induite par les états d’urgence, qui fragilise mécaniquement les voies susceptibles de défendre effectivement les droits et libertés individuels. Si le cœur du matériau et de la thèse de Stéphanie Hennette Vauchez porte sur le droit positif français contemporain, sa méthode ouvre largement les perspectives d’analyse. Premièrement, elle s’appuie à plusieurs reprises sur la théorie critique américaine, et particulièrement sur celle qui a analysé les modifications entraînées dans le droit national par la réponse de l’administration Bush aux attentats du 11 septembre 2001 [43]. Deuxièmement, elle adopte un prisme historique qui n’est pas sans rappeler celui de Michel Foucault [44]. La gestion par le pouvoir des crises aurait connu une rupture. Le paradigme de l’état d’exception, caractérisé par une suspension brève du droit, aurait été aujourd’hui remplacé par celui de l’état d’urgence qui implique que les dispositifs adoptés s’inscrivent en profondeur et durablement dans les systèmes juridiques. Stéphanie Hennette Vauchez reproche implicitement à Giorgio Agamben [45] de ne pas avoir tenu compte de ce changement. Elle oppose à sa thèse de l’anomie, comme caractérisation juridique des gouvernements des crises, celle de l’hypernomie, qui a marqué les états d’urgence français qu’elle a analysés [46]. L’État de droit constitue alors une ressource mobilisée par les gouvernants pour justifier ces dispositifs, ceux-ci jouant particulièrement avec la connotation démocratique du terme [47], pour en fait s’attaquer par le droit à ce système politique. Cette subversion et le sens matériel qu’y revêt l’État de droit ne renvoient, en réalité, qu’à l’hypernomie des états d’urgence et à leur caractère profondément juridique. Outre le fait qu’elle participe à dissimuler le caractère autoritaire [48] des états d’urgence, cette hypernomie serait extrêmement dangereuse, en raison des modifications importantes qu’elle génère au sein du système juridique français. À ce titre, Stéphanie Hennette Vauchez renvoie à la pérennisation des dispositifs d’état d’urgence, lorsque ces derniers sont formellement levés mais substantiellement repris dans des textes à vocation définitive. Elle cite ainsi l’exemple de la Loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (loi SILT) et sa répétition de dispositions clés de l’état d’urgence terroriste de 2015 [49]. Stéphanie Hennette Vauchez souligne également que l’accroissement du pouvoir des institutions étatiques sur les individus peut être mobilisé à des fins matérielles autres que celles qui ont justifié l’instauration des états d’urgence. L’autrice donne l’exemple des assignations à résidence de militants écologistes [50] dans le cadre de l’état d’urgence terroriste ou des limitations excessives aux droits des travailleurs dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire [51]. L’état d’urgence modifierait enfin des notions générales, de manière à fragiliser les droits et libertés individuels, par-delà l’état d’urgence, dans les autres champs où elles s’appliquent. Elle observe ainsi comment le Conseil constitutionnel, dans le cadre de la QPC de Cédric D. concernant la loi sur l’état d’urgence terroriste, a validé l’extension à douze heures du champ temporel de la notion de mesure restrictives de liberté prise par les autorités administratives [52].
13 Comme le suggère ce dernier exemple, Stéphanie Hennette Vauchez estime que les juges français, spécialement constitutionnels et administratifs, se sont pleinement intégrés à cette dynamique de restrictions des libertés individuelles et de la démocratie. En dépit de leur autonomie vis-à-vis des organes politiques que Stéphanie Hennette Vauchez ne conteste pas mais simplement nuance [53], ces juges ont participé à cette logique autoritaire sans la contrarier. Statistiquement, la part d’invalidation des décisions politiques et administratives liées à ces états d’urgence a été en effet infime. Stéphanie Hennette Vauchez avance trois explications à cette « paralysie » des organes juridictionnels [54]. Premièrement, d’un point de vue socio-psychologique, les juges ont été très sensibles aux évènements – les attentats et l’épidémie de Covid – qui ont justifié l’instauration des états d’urgence. Ces derniers auraient été à la fois convaincus de la nécessité d’agir politiquement et hésitants quant à leur légitimité à s’opposer aux desseins des organes politiques. Certains auraient même pu perdre, par « effets de panique et de sidération [55] », leur discernement de la portée politique des mesures qu’ils validaient. Deuxièmement, l’hypernomie des états d’urgence, tant dans les normes générales que dans leurs mesures d’exécution, a surchargé les juridictions. Ces dernières n’auraient pas bénéficié de suffisamment de temps pour traiter les contentieux et se seraient, donc, réfugiées dans un contrôle de type formel et mécanique au détriment de celui, substantiel, de la portée des normes sur les droits et libertés individuels. Cette saturation juridictionnelle évoque, au demeurant, la tactique du « bombardement législatif [56] » identifiée par Sadurski pour caractériser le comportement du PIS vis-à-vis du Tribunal constitutionnel polonais. Pour pousser ce dernier à valider les lois restreignant sa propre autonomie, les organes politiques auraient en effet multiplié les législations et les dispositions, afin de susciter chez les juges lassitude et perte de lucidité. Troisièmement, Stéphanie Hennette Vauchez, en citant Dominique Rousseau, avance que les dispositifs d’état d’urgence tendent à priver les juges de ressources argumentatives pour sanctionner les atteintes aux droits et libertés individuels, car la dimension ordre public de la balance de leur contrôle est alourdie par la référence « caractère exceptionnel des circonstances [57] ».
Conclusion
14 L’ouvrage de Stéphanie Hennette Vauchez aide particulièrement à répondre à la question de la valeur heuristique de la notion d’État de droit, définie dans l’introduction, pour saisir et caractériser les régimes politiques. Concernant la limitation des gouvernants et de leur administration par le droit qui désigne sa dimension strictement formelle, l’État de droit occulte que les gouvernants participent eux-mêmes à la définition de ce droit et donc de leurs propres limites. Wang montre bien, dans le cas chinois, que les gouvernants n’ont pas besoin de contourner le droit pour gouverner autoritairement, car ce mode de gouvernement ressort de façon évidente de la lecture des textes constitutionnels [58]. Par ailleurs, Stéphanie Hennette Vauchez illustre que le « souci du droit [59] », des formes et de la légalité par les gouvernants ne saurait préjuger de la finalité d’un système juridique et de son caractère démocratique. Au contraire, la volonté des derniers gouvernements français de « normaliser [60] » juridiquement les états d’urgence représenterait le problème politique principal de ces dispositifs. En ce sens, Stéphanie Hennette Vauchez rejoint des critiques plus historiques et conceptuelles de la notion d’État de droit associées par exemple à Hans Kelsen ou Michel Troper [61]. La notion d’État de droit serait absurde et relèverait du pléonasme, dans la mesure où tout État est nécessairement de droit, puisque ce dernier renvoie ultimement, non pas à une réalité métaphysique, mais à un mode de caractérisation moderne du pouvoir définissant ce qu’est un État. Le droit serait ainsi nécessairement un véhicule de pouvoir et de volonté étatique, que celle-ci soit autoritaire ou démocratique. À ce titre, l’hypernomie des états d’urgence français évoque la haute quantité de textes juridiques produits et mobilisés par les élites que brassent Sales, Sadurski et Wang dans leurs analyses. Le PIS, l’AKP et le Parti communiste chinois n’hésitent d’ailleurs pas à évoquer l’État de droit [62], terminologiquement ou/et notionnellement, à des fins de légitimation, notamment quand les régimes auxquels ils sont associés sont critiqués moralement à l’échelle internationale. Cet usage conduit à renverser l’argument axiologique classiquement opposé aux études juridiques sur les régimes autoritaires, selon lesquelles ces derniers ne seraient pas des « États de droit », le reproche étant alors fait qu’en associant le droit à ces régimes, on contribuerait à leur valorisation morale. Ce qui apparaît en revanche problématique est d’associer État de droit et définition des régimes politiques, dans la mesure où cela participe à ce que des régimes autoritaires, jouant avec les conceptions axiologiquement positives de l’État de droit, s’accréditent à peu de frais à l’échelle internationale et même interne. Retirer l’État de droit de l’équation politique revient à les empêcher de démocratiser par le langage des pratiques légales qui sont matériellement autoritaires.
15 L’État de droit gagne en revanche en valeur heuristique pour comprendre les régimes politiques, quand il renvoie à la capacité de juges autonomes à s’opposer à la volonté des gouvernants et à leur administration. Le pouvoir des juges apparaît en effet en mesure de se muer en limite institutionnelle effective à des organes politiques nourrissant des velléités autoritaires. C’est à ce pouvoir, en ce qu’il signifie une pluralité de volontés dans l’État, que l’AKP et le PIS se sont attaqués. L’intensité de cette offensive, que constatent Sales et Sadurski, révèle, en creux, la valeur politique de l’autorité juridictionnelle. La Turquie et la Pologne ne sont d’ailleurs pas des cas isolés, et d’autres études contemporaines illustrent que dynamiques autoritaires et autonomie institutionnelle des juges ne font généralement pas bon ménage [63]. Toutefois, ce lien ne relèverait pas de la consubstantialité mais de la probabilité. Autrement dit, la garantie du pouvoir des juges apparaît tendanciellement comme une forte caractéristique voire une condition démocratique, mais elle n’épuise pas la notion de démocratie. Comme le suggère Stéphanie Hennette Vauchez dans la partie propositionnelle de son ouvrage, la concrétisation et la protection de ce régime relève d’un champ éminemment plus large que celui des prétoires, comprenant, par exemple, les relations entre champ académique et décision politique [64]. Au-delà du fait qu’elle rétrécisse la question démocratique, la consubstantialité entre État de droit « juridictionnel » et démocratie conduit à occulter les enjeux démocratiques liés, d’une part, à l’équilibre entre pouvoir des juges et pouvoir des organes politiques ainsi que, d’autre part, à la place des dispositifs associés à la démocratie directe. Aussi sévère voire biaisé que Wilkinson soit vis-à-vis du juge du Luxembourg, l’idée que la place importante qu’il occupe dans le régime de l’Union européenne existe au détriment d’organes et processus plus proches des citoyens est intéressante. Par ailleurs, Stéphanie Hennette Vauchez montre que le pouvoir des juges ne constitue pas nécessairement une garantie démocratique, dès lors que rien ne les empêche d’agréer, par eux-mêmes, les pratiques autoritaires des gouvernants. Tamer Moustafa, à propos de la Haute Cour constitutionnelle égyptienne sous Hosni Moubarak, a même avancé que la séparation des fonctions juridictionnelles et politiques pouvait accentuer l’autoritarisme. L’autonomie de la juridiction suprême, largement reconnue à l’époque, permettait aux gouvernants de se déresponsabiliser avec crédibilité d’orientations politiques économiques impopulaires, en les imputant aux juges constitutionnels [65].
16 Reste, pour sauver la valeur heuristico-politique de la notion d’État de droit, à en densifier le contenu de façon à la « substantialiser [66] » en la rapprochant des régimes qu’elle est appelée à qualifier. Certains auteurs [67] et institutions, comme la Commission de Venise ou l’ONU [68], tendent à intégrer à la notion d’État de droit d’autres critères utilisés ordinairement pour caractériser la démocratie, ajoutant par exemple les droits et libertés individuels, le droit électoral et les garanties du pluralisme politique. Sortir ainsi d’une approche formalo-institutionnelle de la notion d’État de droit coûte néanmoins en clarté analytique et sémantique [69], un enjeu que Stéphanie Hennette Vauchez situe au cœur de son analyse. Cela tend à confondre l’État de droit avec la démocratie, ce qui peut participer, comme évoqué plus haut, à la valorisation morale par de pratiques autoritaires par les gouvernants qui en sont les instigateurs. Au sein de leurs discours, l’État de droit désigne dans l’empirie ce que recouvre sa conception formelle, mais par un glissement interne au terme, il peut être aussi compris par l’auditeur voire le locuteur lui-même comme désignant sa conception substantialo‑démocratique. Ainsi, continuer à recourir au terme d’État de droit pour désigner la démocratie contribue à le valoriser dans le champ de la qualification des régimes politiques et, par ricochet, à valoriser ses usages, y compris autoritaires. Pour ne pas être contraint de défendre l’État de droit contre l’État de droit, il convient alors peut-être de recourir à un terme distinct pour désigner les formes juridiques de la démocratie, comme ceux de « démocratie juridique » ou de « démocratie par le droit [70] ». L’État de droit pourrait être cantonné, lui, à l’analyse des qualités formelles des systèmes juridiques [71] et, éventuellement, à la manière dont celles-ci interagissent, en contexte, avec le fonctionnement de régimes politiques.
17 La notion d’État de droit soulève, enfin, des problèmes scientifiques plus vastes. Ces derniers tiennent à la manière dont la science du droit mais aussi la science politique cadrent territorialement l’analyse du pouvoir. Ce cadrage est généralement national, voire supranational dans le cas l’Union européenne de Wilkinson et conduit à se demander dans quelle mesure tel ou tel État serait bien un État de droit. Il en va de même de la notion de régime politique. La floraison contemporaine de qualificatifs oxymoriques – démocratie illibérale, constitutionnalisme autoritaire, démocrature, populisme illibéral, autoritarisme compétitif – destinés à saisir des régimes « hybrides », situés dans une « zone grise » entre démocratie et autoritarisme, témoigne de la vigueur de ces débats [72]. Si cette territorialisation du cadrage est utile pour produire une image politique générale des États et peut être stimulante intellectuellement, elle a également ses limites. Ce prisme national apparaît, en effet, à la fois trop restreint et trop large. D’une part, il participe à faire l’impasse sur la circulation d’idées et de normes à l’échelle régionale voire globale, formalisées juridiquement ou non, faisant converger les pratiques de pouvoir par-delà les frontières nationales. À ce titre, il est frappant que les cinq auteurs étudiés montrent comment les usages autoritaires du droit qu’ils décrivent sont sous-tendus discursivement et/ou matériellement par la réponse à un impératif d’efficacité et de rationalisation de l’action publique. D’autre part, le prisme national occulte que tout régime apparaît constitué de pratiques de pouvoir étant, pour certaines, autoritaires et, pour d’autres, démocratiques, comme en témoignent les notions de « zones grises » évoquée plus haut, mais aussi tous les ouvrages de cet « À propos ». La qualification générale du régime politique procède en réalité d’une réduction à l’échelle nationale dans laquelle la totalité des pratiques politiques qui constituent le régime ne peut être qualifiée que tendanciellement et approximativement, même si la qualification est, selon les cas, plus ou moins évidente et pertinente. Ce constat ne doit surtout pas inviter au relativisme axiologique, bien au contraire. Il montrerait davantage que la démocratie n’est jamais définitivement acquise et qu’elle se joue et se rejoue perpétuellement en pratique et en contexte, face au « spectre [73] » autoritaire. Les deux pôles de la dichotomie peuvent alors se comprendre à la fois dialectiquement et concrètement à travers, notamment, le regard que le chercheur porte sur ces pratiques. En ce sens et dans une perspective dualiste, toute conception de la démocratie gagnerait à reposer explicitement sur une conception de l’autoritarisme qui enrichirait et préciserait celle qui la sous-tend déjà implicitement. Aussi, en surplus de ce qui a été évoqué plus haut, refuser de s’intéresser aux régimes autoritaires par le biais du droit au prétexte que ce ne sont pas des États de droit peut non seulement contribuer à la légitimation de ces régimes mais également priver la science du droit d’outils pour mieux comprendre la démocratie [74].
Notes
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[1]
Michael A. Wilkinson, Authoritarian Liberalism and the Transformation of Modern Europe, Oxford : Oxford University Press, 2021, p. 2 et 157.
-
[2]
Sur l’histoire intellectuelle de la notion et son évolution voir par exemple Luc Heuschling, État de droit, Rechtsstaat, Rule of law, Paris : LGDJ, 2002 ; Brian Z. Tamanaha, On the Rule of Law: History, Theory and Politics, Cambridge : Cambridge University Press, 2004 ; Éric Carpano, État de droit et droits européens, Paris : L’Harmattan, 2005.
-
[3]
Wojciech Sadurski, Poland’s Constitutional Breakdown, Oxford : Oxford University Press, 2019, p. 27-29.
-
[4]
Ibid., chap. 2.
-
[5]
Ibid., p. 14-20.
-
[6]
Sadurski avance cela explicitement, Sales non. La thèse ressort toutefois de la structure du livre, traversé de part en part par la dialectique juge attaqué / juge protecteur des droits et libertés individuels.
-
[7]
Wojciech Sadurski, Poland’s Constitutional Breakdown, op.cit., p. 7.
-
[8]
Éric Sales, La Turquie. Un État de droit en question, Paris : L’Harmattan, 2021, p. 103.
-
[9]
Wojciech Sadurski, Poland’s Constitutional Breakdown, op.cit., p. 112.
-
[10]
La Cour suprême et le Tribunal Constitutionnel sont à distinguer. La première est la juridiction de cassation dans toutes les matières sauf administrative, quand le second se concentre sur le contrôle de constitutionnalité.
-
[11]
Wojciech Sadurski, Poland’s Constitutional Breakdown, op.cit., p. 75.
-
[12]
Éric Sales, La Turquie. Un État de droit en question, op.cit., p. 103.
-
[13]
Wojciech Sadurski, Poland’s Constitutional Breakdown, op.cit., p. 75-79.
-
[14]
Les « Academics for Peace » se réfèrent à des universitaires signataires, en 2016, d’une pétition critiquant sévèrement la politique du gouvernement vis-à-vis des kurdes. Beaucoup ont ensuite perdu leur emploi, voire ont été emprisonnés : Éric Sales, op.cit., p. 161-164 ; dans ce numéro de Droit et Société, voir Benoit Bastard et Verda Irtis, « Condamner et punir. Des universitaires face à une justice à la dérive ».
-
[15]
Wojciech Sadurski, Poland’s Constitutional Breakdown, op.cit., p. 105-110.
-
[16]
Éric Sales, La Turquie. Un État de droit en question, op.cit., chap. 4.
-
[17]
Wojciech Sadurski, Poland’s Constitutional Breakdown, op.cit., chap. 8.
-
[18]
Franz L. Neumann, Behemoth: The Structure and Practice of National Socialism, 1933-1944, Chicago : Ivan R. Dee, 2009, p. 470.
-
[19]
Shucheng Wang, Law as an Instrument: Sources of Chinese Law for Authoritarian Legality, Cambridge : Cambridge University Press, 2022, p. 163-172.
-
[20]
Ibid. Voir aussi Baudouin Dupret et Jean-Louis Halpérin (dir.), State Law and Legal Positivism: The Global Rise of a New Paradigm, Leyden : Brill, 2022.
-
[21]
Denis Baranger, Penser la loi. Essai sur le législateur des temps modernes, Paris : Gallimard, 2018.
-
[22]
Shucheng Wang, Law as an Instrument, op.cit., p. 163-172.
-
[23]
Sharmani Patricia Gabriel et Bernard Wilson (eds.), Orientalism and Orientalism in Reverse, Londres : Routledge, 2021.
-
[24]
Shucheng Wang, Law as an Instrument, op.cit., chap. 2.
-
[25]
Ibid., p. 37-39.
-
[26]
L’idée d’un contrôle de constitutionnalité des lois a même été encouragée publiquement par Xi Jinping en 2017. Shucheng Wang, Law as an Instrument, op.cit., p. 69.
-
[27]
La Cour populaire suprême de Chine est l'instance judiciaire suprême pour juger de toute affaire civile, pénale ou administrative. Elle ne détient toutefois pas de compétences en matière de contrôle de légalité de l’action des organes politiques.
-
[28]
C’est l’organe permanent de l’Assemblée nationale populaire, l’organe politique suprême de la Constitution « étatique » de 1982.
-
[29]
Shucheng Wang, Law as an Instrument, op. cit., chap. 6.
-
[30]
Ibid., chap. 5.
-
[31]
Wang souligne également, dans une moindre mesure, et dans une perspective plus structurelle, que cette formalisation et positivisation de l’activité juridictionnelle est destinée à sécuriser les paramètres d’action des investisseurs locaux et étrangers conformément à la dynamique « d’ouverture économique » initiée en 1978 par Deng Xiaoping.
-
[32]
Michael A. Wilkinson, Authoritarian Liberalism and the Transformation of Modern Europe, op.cit., p. 26-30.
-
[33]
Voir la contribution de Marie Goupy à ce numéro : « La dictature et l’autoritarisme en tant que spectres. Retour sur la théorie des pouvoirs de crise d’Eric Posner et d’Adrian Vermeule ».
-
[34]
Michael A. Wilkinson, Authoritarian Liberalism and the Transformation of Modern Europe, op.cit., chap. 5.
-
[35]
Ibid., p. 15.
-
[36]
Ibid., p. 7.
-
[37]
Ibid., p. 251-257.
-
[38]
Ran Hirschl, Towards Juristocracy. The Origins and Consequences of New Constitutionalism, Boston : Harvard University Press, 2004.
-
[39]
Michael A. Wilkinson, Authoritarian Liberalism and the Transformation of Modern Europe, op. cit., p. 165.
-
[40]
Ibid., p. 110-117.
-
[41]
Ibid., p. 191.
-
[42]
Stéphanie Hennette Vauchez, La Démocratie en état d’urgence. Quand l’exception devient permanente, Paris : Le Seuil, 2022, p. 142-143.
-
[43]
Ibid., p. 72-73.
-
[44]
Voir par exemple, Michel Foucault, Archéologie du savoir, Paris : Gallimard, 1969, p. 10-12.
-
[45]
Giorgio Agamben, Homo sacer. Le pouvoir souverain et la vie nue, Paris : Le Seuil, 1997.
-
[46]
Stéphanie Hennette Vauchez, La Démocratie en état d’urgence op.cit., p. 17-19.
-
[47]
Ibid., p. 65.
-
[48]
Stéphanie Hennette-Vauchez utilise le terme à plusieurs reprises. Elle n’y a toutefois pas recours pour qualifier le régime politique français globalement, mais le style des gouvernants à l’occasion de ces états d’urgences. Ibid., p. 26, 134, 135, 139.
-
[49]
Ibid., p. 55-60.
-
[50]
Ibid., p. 97.
-
[51]
Ibid., p. 101-103.
-
[52]
Ibid., p. 79.
-
[53]
Ibid., p. 125-126 et 154-156.
-
[54]
Ibid., p. 117-131.
-
[55]
Ibid., p. 119.
-
[56]
Wojciech Sadurski, Poland’s Constitutional Breakdown, op.cit., p. 70-75.
-
[57]
Stéphanie Hennette Vauchez, La Démocratie en état d’urgence, op. cit., p. 119.
-
[58]
Shucheng Wang, Law as an Instrument, op.cit., chap. 2.
-
[59]
Stéphanie Hennette Vauchez, La Démocratie en état d’urgence, op.cit., p. 62.
-
[60]
Le terme apparaît 31 fois dans le livre.
-
[61]
Voir à ce sujet, Éric Millard, « L’État de droit. Idéologie contemporaine de la démocratie », in Jean-Marc. Février et Patrick Cabanel, Question de démocratie, Toulouse : Presses universitaires du Mirail, 2001, p. 415-443.
-
[62]
Wojciech Sadurski, Poland’s Constitutional Breakdown, op.cit., p. 19 ; Éric Sales, La Turquie. Un État de droit en question, op.cit., p. 18 ; Shucheng Wang, Law as an Instrument,op.cit., p. 172.
-
[63]
Voir par exemple Nathalie Bernard-Maugiron, « Les amendements constitutionnels de 2019 en Égypte : vers une consécration de la dérive autoritaire du régime », Revue française de droit constitutionnel, 121, 2020, p. 3-19. DOI : 10.3917/rfdc.121.0003 ; Gabor Halmai, « Dismantling Constitutional Review in Hungary », Rivista di diritti comparati, 1, 2019.
-
[64]
Stéphanie Hennette Vauchez, La Démocratie en état d’urgence,op.cit., chap. 6.
-
[65]
Tamer Moustafa, The Struggle for Constitutional Power: Law, Politics and Economic Development in Egypt, Cambridge : Cambridge University Press, 2009.
-
[66]
Jacques Chevallier, L’État de droit, Paris-La Défense : LGDJ, 2023 [7e édition].
-
[67]
Voir par exemple Éric Carpano, « La crise de l’État de droit en Europe : de quoi parle-on ? », Revue des droits et libertés fondamentaux, 29, 2019. Éric Sales énonce également ce type de définition dans l’introduction, sans pour autant qu’il en tire complètement les conséquences dans la suite. Éric Sales, La Turquie. Un État de droit en question, op.cit., p. 15
-
[68]
Commission de Venise, « Rapport sur la prééminence du droit », 26 mars 2011. <https://www.venice.coe.int> Romain Le Bœuf, « Lecture internationale : l’ONU », Colloque L’État de droit face aux crises, L’État de droit en crise, 7 décembre 2023, notes personnelles.
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[69]
Jean Philippe Desrosiers la qualifie même d’« allo-synthétique ». Jean-Philippe Desrosiers, « The Uselessness of an Allo-Synthetic Concept: “Rule of Law” and “État de Droit” from a French Public Law Perspective », Hungarian Journal of Legal Studies, 57, 2016, p. 1-9. DOI : 10.1556/2052.2016.57.1.1.
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[70]
Le terme figure dans l’intitulé de la Commission de Venise.
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[71]
Pour Raz, cité par Sales, l’État de droit doit uniquement être associé aux vertus d’un système juridique d’un point de vue formel (légalité, séparation des pouvoirs, sécurité juridique, justiciabilité, etc.) Joseph Raz, « The Authority of Law », Oxford : Clarendon Press, 1979, p. 210-229.
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[72]
Voir à ce sujet, Thomas Hochmann, « Cinquante nuances de démocrature », Pouvoir, 169, 2019, p. 19-32. DOI : 10.3917/pouv.169.0019.
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[73]
Voir la contribution de Marie Goupy à ce numéro.
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[74]
La démocratie peut être alors définie en miroir vis-à-vis du phénomène autoritaire tel que défini dans l’introduction. Elle est un régime où l’accès au pouvoir étatique et à son exercice seraient ouvert aux individus spécialement dès lors qu’il leur consacre des droits et libertés individuels.