Couverture de DRS1_101

Article de revue

L’aliment, entre droit du marché et pratiques dans les filières agricoles

Pages 37 à 52

Notes

  • [1]
    Nicolas Bricas, Claire Lamine et François Casabianca, « Agricultures et alimentations : des relations à repenser ? », Nature Sciences Sociétés, 21 (1), 2013, p. 67.
  • [2]
    Jean-Marc Boussard, Les prix agricoles. Nouveaux dialogues sur le commerce des bleds, Paris : L’Harmattan, coll. « L’Esprit économique, série Le Monde en question », 2017, spéc. p. 101 et suiv.
  • [3]
    Serge Walery, « Capitalisme et marché à la Renaissance », L’Économie politique, 30 (2), 2006, p. 87.
  • [4]
    Fernand Braudel, La dynamique du capitalisme, Paris : Flammarion, coll. « Champs histoire », 2008, p. 56.
  • [5]
    En raison des délais de production.
  • [6]
    Rapport du Sénat sur le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, rapport n° 436, mai 2010.
  • [7]
    Rapport du Conseil d’analyse économique, « Régulation des relations entre fournisseurs et distributeurs », Paris : La Documentation française, 2000, cité dans l’avis du Conseil de la concurrence n° 08-A-07 du 7 mai 2008, relatif à l’organisation économique de la filière fruits et légumes, § 30.
  • [8]
    Par ex., Avis n° 09-A-48 du 2 octobre 2009 relatif au fonctionnement du secteur laitier, pt. 50.
  • [9]
    Autorité de la concurrence, Étude thématique. Agriculture et concurrence, 2012, p. 89.
  • [10]
    Ibid., p. 90.
  • [11]
    Olivier De Schutter, « Rapport final : le droit à l’alimentation, facteur de changement. Rapport soumis par le rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation », présenté à la 25e session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies le 24 janvier 2014, A/HRC/25/57.
  • [12]
  • [13]
    Improving Market Outcomes: Enhancing the Position of the Farmers in the Supply Chain, Report of the Agricultural Markets Task Force, Bruxelles : novembre 2016.
  • [14]
    La récente affaire du cartel des endives en fournit une bonne illustration : cf. infra, I.2.
  • [15]
    European Commission, « The Interface Between EU Competition Policy and the CAP », working paper, Bruxelles, 16 février 2010.
  • [16]
    Id., « Risk Management Schemes in EU Agriculture. Dealing with Risk and Volatility », EU Agricultural Markets Briefs, 12, sept. 2017.
  • [17]
    Les quotas comportaient aussi une dimension territoriale bénéfique :v. Yves Petit, « La suppression des quotas laitiers : un pis-aller ? », Dr. rural, 33, 2015.
  • [18]
    Le prix du lait versé aux producteurs en juillet 2016 par le premier groupe mondial du secteur, Lactalis, était de 257 € la tonne, alors qu’il était de 363 € en juillet 2014, sachant que les coûts de production sont d’environ 340 € la tonne.
  • [19]
    Règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles (dit « OCM unique »), JOUE n° L 347/671 du 20 décembre 2013.
  • [20]
    Jean-Marc Boussard, Les prix agricoles. Nouveaux dialogues sur le commerce des bleds, op. cit., p. 107.
  • [21]
    La littérature est fournie. Outre Jean-Marc Boussard, Les prix agricoles, op. cit., v. Alain Bernard, « La guerre des farines », in François Collart Dutilleul et Fabrice Riem (dir.), Droits fondamentaux, ordre public et libertés économiques, Paris : LGDJ, Institut universitaire Varenne, coll. « Colloques & Essais », 2013, p. 153-237, et les nombreuses références historiques ; Alain Chatriot, Edgar Leblanc et Édouard Lynch (dir.), Organiser les marchés agricoles. Le temps des fondateurs, Paris : Armand Colin, coll. « Recherches », 2012, spéc. p. 27 et suiv.
  • [22]
    Jean-Claude Peyronnet, « Le libéralisme à l’épreuve », in Christian Bordes et Jean Morange, Turgot, économiste et administrateur, Paris : PUF, 1982, qui constate que Turgot « condamne toute intervention de l’État » mais qu’il « oublie la doctrine » lorsqu’il doit faire face à une famine et décide de mettre en œuvre une politique publique ambitieuse.
  • [23]
    La même idée est défendue par un grand auteur libéral du xixe siècle, Jean-Baptiste Say, qui affirme dans son Cours d’économie politique pratique publié en 1829 que « pour les produits alimentaires de base, il faut une organisation publique pour assurer la sécurité alimentaire ».
  • [24]
    Jean-Marc Boussard, « La régulation des marchés agricoles : ce que nous apprend l’histoire de la pensée économique », novembre 2010, disponible en ligne sur www.momagri.org.
  • [25]
    L’un des points jugé essentiel du raisonnement de Mordecai Ezekiel est que le marché ne peut fonctionner lorsque les prix sont déterminés par la demande, non par la concurrence. V. Jacques Sapir, « Les limites de la concurrence : éléments de théorie », <http://russeurope.hypotheses.org/1774>.
  • [26]
    Jacques Sapir, « Les limites de la concurrence : éléments de théorie », art. cité.
  • [27]
    Ibid.
  • [28]
    Jean-Marc Boussard, Les prix agricoles. Nouveaux dialogues sur le commerce des bleds, op. cit., p. 118.
  • [29]
    Ibid.
  • [30]
    La moitié de la production agricole américaine passe par ces organisations. Cf. Jean-Baptiste Traversac, in « Concurrence et agriculture », Séminaire Ph. Nasse du 4 septembre 2014, Rev. Lamy de la concurrence juill.-sept. 2015, p. 147.
  • [31]
    Leurs actions doivent être approuvées par le secrétaire d’État à l’Agriculture « qui peut admettre ou non des atteintes à la libre action des marchés ». Cf. John M. Crespi et Richard J. Sexton, « Concurrence, coopératives de producteurs et Marketing Orders aux États-Unis », numéro spécial « La politique de la concurrence dans l’agroalimentaire », Économie rurale, 277-278, 2003, p. 135.
  • [32]
    Geneviève Parent, « Le système canadien de gestion de l’offre en lait au Canada : un pont désormais fragile entre agriculture et marché », in « La production et la commercialisation des denrées alimentaires et le droit du marché », Rev. Lamy de la concurrence, 25, oct.-déc. 2010, p. 114.
  • [33]
    Ibid.
  • [34]
    Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, art. 39.
  • [35]
    Règlement (UE) n° 1308/2013 préc., cons. 131 et art. 152, 1, c).
  • [36]
    Règl. (UE) n° 1308/2013 préc., cons. 173.
  • [37]
    Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), C-137/00, The Queen c. Milk Marque, 9 septembre 2003, pt. 57 ; CJUE, aff. C-671/15, Président de l’Autorité de la concurrence contre Association des producteurs d’endives, 14 novembre 2017, pt. 36 et 47, qui rappelle que le secteur agricole ne saurait être envisagé comme « un espace sans concurrence ».
  • [38]
    Directives volontaires à l’appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, 127e session du Conseil de la FAO, novembre 2004 : « Il convient que les États s’efforcent de faire en sorte que les politiques concernant les aliments, le commerce des produits agricoles et les échanges en général contribuent à renforcer la sécurité alimentaire pour tous, grâce à un système de commerce local, régional, national et mondial à la fois non discriminatoire et axé sur le marché. » V. François Collart Dutilleul, « Heurs et malheurs du droit fondamental à l’alimentation », in François Collart Dutilleul et Fabrice Riem (dir.), Droits fondamentaux, ordre public et libertés économiques, op. cit., p. 126.
  • [39]
    Autorité de la concurrence, Étude thématique. Agriculture et concurrence, op. cit., p. 62.
  • [40]
    Ibid., p. 144.
  • [41]
    Autorité de la concurrence, Déc. n° 12-D-08 du 6 mars 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production et de la commercialisation des endives, pt. 392 et 611.
  • [42]
    Commission européenne, MEMO/14/293, 16 avr. 2014.
  • [43]
    Fabrice Riem, « La gestion de l’offre agricole et le droit de la concurrence. Brèves réflexions sur un thème de Lascaux », in Mélanges en l’honneur de F. Collart Dutilleul, Paris : Dalloz, 2017, p. 657 et suiv.
  • [44]
    Autorité de la concurrence, déc. n° 12-D-08 du 6 mars 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production et de la commercialisation des endives, pt. 85 et 633.
  • [45]
    Ibid., pt. 381.
  • [46]
    Cour d’appel de Paris, pôle 5, chambre 5-7, arrêt du 15 mai 2014, p. 18.
  • [47]
    CJUE, 14 novembre 2017, aff. C-671/15, pt. 66.
  • [48]
    Michel Foucault, Naissance de la biopolitique. Cours au Collège de France. 1978-1979, Paris : Gallimard, Seuil, 2004, p. 32.
  • [49]
    Éloi Laurent, Nos mythologies économiques, Paris : Les Liens qui Libèrent, 2016, p. 10.
  • [50]
    Pour le secteur des fruits et légumes, v. Conseil de la concurrence, avis n° 08-A-07 du 7 mai 2008 auquel renvoie l’Autorité de la concurrence dans sa décision sur le secteur des endives. Dans le secteur laitier, l’Autorité constate qu’il existe des situations de monopsone de collecte empêchant les producteurs de changer d’acheteur et qu’il n’y a donc « pas de véritable marché où joue la concurrence entre la production et la collecte » (Avis n° 09-A-48 du 2 octobre 2009 relatif au fonctionnement du secteur laitier, pt. 50).
  • [51]
    Selon l’expression de Fernand Braudel, in Civilisation matérielle, économie et capitalisme, tome 3, Paris : Armand Colin, 1979, p. 36.
  • [52]
    Samir Amin, La souveraineté au service des peuples, Genève : CETIM, 2017, p. 56.
  • [53]
    « Discours du président de la République aux États Généraux de l’Alimentation », Rungis, 11 octobre 2017.
  • [54]
    Karl Polanyi, La grande transformation, Paris : Gallimard, 1983.
  • [55]
    Voir le numéro spécial de la revue Hérodote (156, 2015), « Géopolitique de l’agriculture », ainsi que « Accords de libre-échange. Cinquante nuances de marché. Point de vue du Sud » (collectif), Alternatives sud, 24 (3), 2017.
  • [56]
    European Commission, « Risk Management Schemes in EU Agriculture. Dealing with Risk and Volatility », op. cit.
  • [57]
    Selon l’expression du ministre de l’Agriculture Bruno Le Maire, lors de la présentation de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010, citée par Catherine Del Cont, « La contractualisation des relations commerciales agricoles : brèves réflexions sur la prise en considération de la spécificité agricole », Mélanges en l’honneur de F. Collart Dutilleul, Paris : Dalloz, 2017, p. 289.
  • [58]
    Autorité de la concurrence, Avis n° 10-A-28 du 13 décembre 2010 relatif à deux projets de décrets imposant la contractualisation dans des secteurs agricoles, pt. 1.
  • [59]
    Loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche ; loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite « Sapin II ».
  • [60]
    L’autorité de la concurrence en décortique le contenu dans son avis n° 10-A-28 précité.
  • [61]
    Code rural, art. 631-24 à 26 ; règlement (UE) n° 261/2012 du Parlement européen et du Conseil concernant les relations contractuelles dans le secteur du lait.
  • [62]
    Code rural, art. 631-24.
  • [63]
    Autorité de la concurrence, avis n° 10-A-28 préc.
  • [64]
    Michel Henochsberg, La place du marché, Paris : Denoël, 2001, p. 136.
  • [65]
    Ibid., p. 259.
  • [66]
    Assemblée nationale, Projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable, 1er février 2018, n° 627 ; v. F. Buy, « Réforme – Relations commerciales agricoles – Contractualisation », Concurrences, 2, 2018, p. 101.
  • [67]
    Code rural, art. 631-24.
  • [68]
    Les conditions de vente constituent « le socle unique de la négociation commerciale » (Code de commerce, art. L. 441-6, I).
  • [69]
    Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, JO n° 0253 du 1er novembre 2018.
  • [70]
    Marie Malaurie-Vignal et Fabrice Riem, « Vers un équilibre des relations commerciales entre le monde agricole et la grande distribution ? », Rec. Dalloz, 11, 2018, Entretien, p. 608.
  • [71]
    Autorité de la concurrence, avis n° 11-A-11 relatif aux modalités de négociation des contrats dans les filières de l’élevage dans un contexte de volatilité des prix des matières premières agricoles, pt. 62 ; avis n° 14-A-03 relatif à une saisine de la fédération Les producteurs de légumes de France, pt. 93. Jusqu’au règlement « Omnibus » (v. infra), seul le secteur laitier bénéficiait d’une exception (Règl. « OCM unique », art. 149).
  • [72]
    Autorité de la concurrence, Étude thématique. Agriculture et concurrence, op. cit., p. 90.
  • [73]
    Ibid., p. 118.
  • [74]
    Juliette Théry Schulz, Jean-Baptiste Traversac et Véronique Sélinsky, « Concurrence et agriculture », Séminaire Ph. Nasse du 4 septembre 2014, Rev. Lamy de la concurrence, 2015.
  • [75]
    Règlement (UE) n° 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2017 (dit « Règlement Omnibus »), JOUE n° L 350/15 du 29 décembre 2017, modifiant l’article 152 du Règlement « OCM unique ».
  • [76]
    V. supra, I.2, CJUE, 14 novembre 2017, aff. C-671/15, préc.
  • [77]
    « Agriculture et droit de la concurrence, vers une réconciliation ? », Concurrences, 3, 2018, p. 19-43.
  • [78]
    Discours de Rungis du 11 octobre 2017, précité.
  • [79]
    François Purseigne, Geneviève Nguyen et Pierre Blanc (dir.), Le nouveau capitalisme agricole. De la ferme à la firme, Paris : Presses de Science Po, 2017, p. 51.
  • [80]
    Marcel Gauchet, « Pleurer les paysans ? », Le Débat, 60, 1990, p. 281.
  • [81]
    Loi n° 64/678 du 6 juillet 1964 « tendant à définir les principes et les modalités du régime contractuel en agriculture », Code rural, art. L. 326-1 et suiv.
  • [82]
    François Purseigne, Geneviève Nguyen et Pierre Blanc (dir.), Le nouveau capitalisme agricole. De la ferme à la firme, op. cit., p. 242.
  • [83]
    Ibid., p. 52, avec les nombreux exemples.
  • [84]
    Ibid., p. 60.
  • [85]
    Ibid., p. 36. Le groupe français Avril-Sofiprotéol décrit sa démarche dans Tristan Gaston-Breton, Sofiproteol. 30 ans. Une vision d’avenir, Aix-en-Provence : Éditions REF.2C, 2013.
  • [86]
    Fernand Braudel, La dynamique du capitalisme, op. cit., p. 56. De nouveaux projets de rapprochements à l’achat dans le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire (entre Auchan/ Casino/Metro/Shiever, d’une part, et Carrefour/Système U, d’autre part) ont été notifiés à l’Autorité de la concurrence (site institutionnel de l’Autorité, communiqué de presse du 16 juillet 2018).
  • [87]
    Autorité de la concurrence, Étude thématique. Agriculture et concurrence, op. cit., p. 90.
  • [88]
    Benoît Prévost, « Échanges alimentaires et juste prix. Un détour par l’histoire de la pensée économique pour alimenter un débat contemporain », L’Homme et la société, 1, 2012, p. 54.
  • [89]
    Michel Henochsberg, La place du marché, op. cit.
  • [90]
    Ibid., p. 16.
  • [91]
    Ibid., p. 307.
  • [92]
    Ibid., p. 86.
  • [93]
    Pierre Rosanvallon, Le libéralisme économique, Histoire de l’idée de marché, Paris : Seuil, 1979.
  • [94]
    Nicolas Postel, « Marché et autonomie des acteurs : histoire d’une illusion », in dossier « Qu’est-ce que l’économie de marché ? », L’Économie Politique, 37, 2008, p. 26.
  • [95]
    Benoît Prévost, « Échanges alimentaires et juste prix. Un détour par l’histoire de la pensée économique pour alimenter un débat contemporain », art. cité, p. 41.
  • [96]
    Ibid.
  • [97]
    Michel Henochsberg, La place du marché, op. cit., p. 169.
  • [98]
    Ibid., p. 171.
  • [99]
    Michel Foucault, Naissance de la biopolitique. Cours au Collège de France. 1978-1979, op. cit., p. 32.
  • [100]
    Benoît Prévost, « Échanges alimentaires et juste prix. Un détour par l’histoire de la pensée économique pour alimenter un débat contemporain », art. cité, p. 48.
  • [101]
    François Perroux, Pouvoir et économie, Paris : Bordas, 1973, p. 20.
  • [102]
    Olivier De Schutter, « Lutter contre la concentration dans les chaînes d’approvisionnement alimentaire. Le rôle du droit de la concurrence pour contrer l’abus de pouvoir des acheteurs », Note d’information du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), 3, décembre 2010.
  • [103]
    Voir la contribution de Laure Desprès et Denis Bouget, « De l’exploitation des ressources naturelles à la satisfaction des besoins fondamentaux dans une transition écologique » dans ce dossier.
  • [104]
    Momagri, Livre blanc « Un nouveau cap stratégique pour la PAC », 18 décembre 2017, disponible en ligne.
  • [105]
    « Too Big to Feed: Exploring the Impacts of Mega-Mergers, Consolidation, Concentration of Power in the Agri-Food Sector », IPES-Food 2017, <www.ipes-food.org>.
  • [106]
    Comité économique et social européen, Avis sur le Rapport sur la politique de concurrence 2016, JOUE n° C 81/111 du 2 mars 2018, pt. 1.3.
  • [107]
    Cf. l’analyse de Steven Laurence Kaplan, « La tyrannie des céréales, ou une petite esquisse d’une très brève histoire de la régulation dans la filière blé-farine-pain, circa 1750-1960 », in Alain Chatriot, Edgar Leblanc et Édouard Lynch (dir.), Organiser les marchés agricoles. Le temps des fondateurs, op. cit., p. 35 et suiv.
  • [108]
    V. Jean-Marie Séronie, PAC et mondialisation. Une politique européenne encore commune ?, Versailles : Quae, 2018.
  • [109]
    Code rural, article L. 632-1, sur les organisations interprofessionnelles agricoles.
  • [110]
    Jo Cadilhou et Marie-Sophie Dedieu, « Les organisations interprofessionnelles agricoles : un outil répandu de gestion des filières », Analyse, Centre d’études et de prospective, 31, juin 2001.

1L’histoire des relations entre agriculture et alimentation est celle d’une distanciation [1]. Les sociétés villageoises primitives n’ont pas besoin d’institution particulière pour coordonner les décisions de production et de consommation qui sont le fait du même individu [2]. Tout au plus, le chef du village ou le seigneur féodal se préoccupe-t-il de la constitution de stocks pour assurer la sécurité alimentaire des villageois. Puis l’urbanisation, en éloignant l’agriculteur du consommateur, a rendu nécessaire une médiation pour guider les producteurs dans leurs choix de production. Le marché a été l’un des instruments de cette médiation. Dans la longue tradition française remontant à l’Ancien Régime, le marché, spécialement celui des denrées de première nécessité, était institué comme un bastion réglementaire, un appareil complexe de contrôle des échanges. Une réglementation tatillonne visait à garantir l’égalité des vendeurs, à protéger les intérêts des acheteurs et à éviter toute sorte de fraude [3]. Le caractère public des transactions était assuré tandis que les autorités pouvaient fixer des prix minimaux pour sauvegarder les intérêts des producteurs en période de surabondance ou, au contraire, des prix maximaux pour protéger les consommateurs des effets de la spéculation en période de pénurie. À partir du xve siècle, parallèlement à ce marché « public », un « private market » émerge où les marchands cherchent « à s’absoudre des règles contraignantes du marché traditionnel en rompant le lien entre le producteur et celui à qui est destinée la marchandise » [4]. Depuis lors, les chaînes commerciales n’ont cessé de s’allonger de manière telle qu’aujourd’hui, des fournisseurs d’intrants jusqu’au consommateur final, le secteur agricole s’est structuré verticalement au sein de filières dont les différents maillons entretiennent des relations d’interdépendance complexes et conflictuelles.

2Le mode actuel de fonctionnement du secteur agricole n’est guère satisfaisant, excepté sans doute pour les industries agro-alimentaires qui ont su tirer profit de cet allongement des chaînes commerciales. Les agriculteurs, confrontés à l’aléa climatique, à la périssabilité de leur production et à l’inélasticité de leur offre [5], sont en outre pris en étau entre l’amont (les fournisseurs d’intrants, dont la puissance doit d’ailleurs beaucoup aux politiques de « modernisation » de l’agriculture) et l’aval (transformateurs et grande distribution) des filières agricoles, par des industriels très concentrés dont la puissance les transforme en « price takers » [6]. Il en résulte une « forte asymétrie des pouvoirs de marché […] et une importante volatilité des prix » favorisant des risques de « hold up » [7]. Une partie importante de la population agricole ne parvient à subsister que grâce aux aides étatiques et européennes, et non par le seul fruit de son travail. Or, ces résultats socialement désastreux se produisent sur des marchés où, selon l’Autorité française de la concurrence, la concurrence ne joue pas vraiment en raison précisément de la concentration extrême des industries périphériques à l’activité agricole [8]. Les consommateurs eux-mêmes ne profiteraient pas des prix bas arrachés aux agriculteurs par les acheteurs. Selon l’Autorité, les gains de productivité du secteur agricole, trois fois supérieurs à ceux de l’industrie entre 1978 et 2005 et la baisse des prix des produits agricoles de 50 % pendant cette même période s’est traduite par une baisse des prix à la consommation inférieure à 10 % [9]. Les transformateurs et la grande distribution auraient « absorbé une partie des gains de productivité opérés par les exploitants » [10]. Plus grave encore, l’ancien Rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation concluait son mandat en dressant un bilan alarmant du modèle d’économie agricole dominant dans le monde : les consommateurs seraient en situation d’insécurité alimentaire, au Nord comme au Sud [11]. L’affaire des œufs au fipronil ou des salmonelles dans les produits laitiers l’atteste.

3Ces préoccupations, lancinantes partout dans le monde, ont trouvé un nouvel écho lors des « États généraux de l’alimentation » qui se sont tenus en France en 2017. L’objectif était d’assurer une « équitable répartition de la valeur, de permettre aux agriculteurs de vivre dignement de leur travail par le paiement de prix justes, accompagner la transformation des modèles de production afin de répondre davantage aux attentes et aux besoins des consommateurs, et de promouvoir les choix de consommation privilégiant une alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous » [12]. Parallèlement, le Commissaire européen chargé de l’Agriculture et du Développement rural créait un groupe de travail sur les marchés agricoles à partir du constat de la position intenable des agriculteurs dans les filières. Dans son rapport final, le groupe de travail met en cause les relations entre la Politique agricole commune (PAC) et la politique de concurrence, pointant notamment l’ambiguïté des règles [13].

4L’articulation de la PAC (qui poursuit des objectifs divers, tels que l’assurance d’un niveau de vie équitable à la population agricole et de prix raisonnables pour les consommateurs, la sécurité des approvisionnements, la stabilité des marchés) et de la politique de concurrence est d’une telle complexité qu’elle paraît offrir toutes les marges d’interprétation [14]. Mais le « la » est donné par la Commission européenne qui présente les réformes de la PAC depuis 1992 comme étant « market oriented » [15] afin d’inciter les agriculteurs à prendre leurs décisions « en fonction des signaux du marché » [16]. Le dernier épisode de la saga de la crise du secteur laitier offre une illustration saisissante du bricolage permanent auquel oblige une politique agricole « orientée vers le marché ». Le système des quotas laitiers, qui avait permis de stabiliser le marché du lait [17], a été supprimé en 2015, dans une période de hausse de la demande mondiale. La fin des quotas a entraîné une augmentation conséquente de la production et provoqué une chute des prix du lait [18] d’autant plus forte que, dans le même temps, la Russie a décrété un embargo sur les importations de produits occidentaux et que la Chine a réduit ses achats de poudre de lait. La Commission européenne a réagi en mettant en œuvre pour la première fois l’article 222 du règlement « OCM unique » [19] permettant, en cas de déséquilibre grave sur les marchés, de déroger à l’interdiction des ententes afin de permettre aux producteurs de s’accorder sur les volumes de production et de peser ainsi sur les prix. Parallèlement, la Commission présentait un plan anti-crise d’un montant de 500 millions d’euros dont une partie a été affectée au soutien de la réduction volontaire de la production de lait en Europe. On pourra s’interroger sur la cohérence de telles mesures destinées à contrer les effets d’une dérégulation des marchés décidée afin d’inciter les agriculteurs à prendre leurs décisions en fonction des « signaux du marché ».

5Cet épisode ne doit pourtant pas surprendre. Le phénomène est bien connu des économistes agricoles : laissés à eux-mêmes, les marchés agricoles sont structurellement instables. Les défaillances du marché (« market failures ») empêchent l’ajustement spontané de l’offre et de la demande. Elles ont historiquement légitimé l’interventionnisme public et les politiques agricoles (I). Faire du marché l’instrument de cette politique est voué à l’échec, sauf à rompre avec l’imaginaire du marché (II).

I. Défaillances du marché

6Historiquement, les sociétés ont toujours cherché des solutions collectives aux problèmes posés par l’agriculture, laissant au marché un rôle résiduel (I.1). À partir des années 1990, en Europe spécialement, la politique agricole s’est cependant heurtée aux « principes cardinaux » du droit de la concurrence (I.2).

I.1. La justification des politiques publiques en agriculture

7Les premières sociétés agricoles ont forgé leurs institutions politiques pour trouver des solutions collectives aux problèmes posés par la culture et l’élevage [20]. Il apparut dès l’Antiquité que le marché ne permettait pas de garantir la sécurité alimentaire et qu’il était nécessaire de mettre en place des formes de coordination de l’acte de production agricole. L’histoire longue, impossible à retracer ici, fourmille d’exemples. Au xviiie siècle, avec les progrès de la science économique, la question se pose en des termes nouveaux avec les physiocrates qui proposaient de gouverner selon les « lois naturelles ». Les périodes libérales et interventionnistes se succèdent, mais les États, responsables de la sécurité alimentaire des populations, redoutant les famines génératrices de révolutions, durent se montrer pragmatiques [21]. Les méthodes libérales de Turgot sont abandonnées sous la pression de la rue, après l’épisode de la « guerre des farines » [22]. À la même époque, Ferdinando Galiani, économiste et abbé italien, dans son ouvrage Dialogue sur le commerce des bleds, critique le dogmatisme libéral. Il suggère une analyse adaptée à chaque situation, une évaluation des conséquences possibles de chacune des mesures envisagées et pose surtout la question du fonctionnement des marchés. Il fournit les raisons de ne pas abandonner au seul marché le soin de réguler l’offre et la demande de produits alimentaires [23].

8Ces raisons seront explicitées mathématiquement, au début du xxe siècle, par Mordecai Ezekiel, économiste et conseiller du président Roosevelt, dans un théorème sur le « cycle de la viande de porc ». La leçon essentielle de M. Ezekiel est qu’en agriculture, comme sur tous les marchés de matières premières à demande rigide, le point d’équilibre du marché est « dynamiquement instable », comme celui d’une bille à la pointe d’un crayon : toute déviation, même minime, du système par rapport à sa position d’équilibre le pousse à s’en éloigner encore plus [24]. Or, il existe sur les marchés agricoles des causes à la fois exogènes (accidents climatiques ou épidémiologiques, crise politique) et endogènes (erreurs d’anticipation dues aux délais de production, l’offre connaissant des ajustements plus lents que ceux de la demande ; rapports de force entre les acteurs [25]) à cette instabilité. Dans ces conditions, « le mécanisme spontané de la concurrence peut se révéler profondément destructeur » [26], comme en témoignent les dégâts collatéraux provoqués par la crise du secteur laitier sur le beurre. Produire du beurre implique de produire de la poudre de lait. La sortie des quotas laitiers a fait augmenter les stocks de poudre dont le prix a donc baissé. Le débouché n’étant plus profitable, le lait a été transformé en fromages et le prix du beurre a augmenté de 69 % en un an. Dans un contexte de « cycles récurrents affectant les prix et les volumes de production des produits agricoles », il faudrait tenir « le paradigme de la concurrence » comme étant « non-scientifique » [27].

9Ces travaux influencèrent Roosevelt qui entreprit de « couper les liens de l’agriculture et du marché » [28], après que l’Agricultural Marketing Act du président Hoover eut fourni des prêts bonifiés aux coopératives agricoles pour leur permettre de stocker les récoltes, c’est-à-dire de s’entendre pour ne pas mettre leurs produits sur le marché au même moment [29]. Aujourd’hui, l’agriculture américaine n’est plus complètement isolée du marché, mais ses mécanismes ne jouent qu’un rôle assez modeste. La dimension politique de la question agricole y est pleinement assumée par l’instauration d’un régime dérogatoire aux règles du marché à partir du constat de ses défaillances. L’organisation de l’agriculture est ainsi très planifiée par le biais d’Offices de commercialisation (« Marketing Orders ») qui sont des regroupements de coopératives gérés par des dirigeants élus. Cette organisation du secteur agricole est exemptée depuis 1922 des dispositions antitrust afin de permettre aux agriculteurs de contrôler la production et la commercialisation. Leur fonction n’est pas d’intervenir matériellement sur la production mais de permettre aux coopératives de réguler les flux et les prix [30]. Dans le secteur du lait par exemple, 80 % de la production passe par de tels offices qui décident des prix, des quantités, de l’usage des produits, des échanges entre producteurs ou coopératives et industriels et prévoient des mécanismes de solidarité entre producteurs et entre transformateurs [31]. Le système garantit une certaine stabilité des prix par un renforcement du pouvoir de négociation avec les acheteurs.

10Au Canada, un Comité de gestion des approvisionnements en lait a été créé en 1970 afin d’assurer aux producteurs un revenu adéquat et stable, compte tenu des contingences du marché. Le système repose sur trois piliers [32] : le contingentement de la production (afin de l’adapter aux besoins canadiens, avec une répartition de quotas entre producteurs locaux), l’administration du prix du lait qui passe, au Québec, par une « régie des marchés agricoles » (afin de garantir aux producteurs un revenu adéquat tout en veillant à protéger les intérêts des consommateurs et ceux du secteur industriel) et le contrôle des importations, « complément indispensable » [33] des deux premiers piliers, l’objectif étant de maîtriser les quantités de produits disponibles sur le marché.

11Dans ces deux systèmes, les relations entre les agriculteurs et le marché sont en quelque sorte préétablies. Une dérogation claire aux règles antitrust est affirmée, de façon politique, sans pour autant renoncer au marché. Rien de tel dans le système européen où la PAC bute contre les « principes cardinaux » du droit de la concurrence.

I.2. La politique agricole commune et les principes cardinaux du droit de la concurrence

12La PAC poursuit l’objectif d’assurer un niveau de vie équitable aux agriculteurs, des prix raisonnables aux consommateurs, la sécurité des approvisionnements et la stabilité des marchés [34]. Afin d’atteindre ces objectifs, le règlement « OCM unique » confie plusieurs missions aux organisations de producteurs (planifier la production et l’adapter à la demande, stabiliser les prix à la production, par exemple) [35] qui disposent d’outils dérogatoires au droit de la concurrence (certaines formes de coordination entre producteurs étant tolérées). Selon le règlement, les règles de concurrence ne s’appliquent « à la production et au commerce des produits agricoles [que] dans la mesure où cette application ne met pas en péril la réalisation des objectifs de la PAC » [36]. Or, si le juge européen reconnaît la « primauté des objectifs de la PAC sur ceux de la politique de concurrence », il précise aussitôt que « le maintien d’une concurrence effective sur les marchés des produits agricoles fait partie des objectifs de la PAC » [37]. L’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) partage la même doctrine : le droit fondamental à l’alimentation doit s’inscrire dans un contexte de concurrence qui doit être préservée [38]. Dit autrement, la spécificité de l’activité agricole n’est pas ignorée, le droit sectoriel propre à l’agriculture et la PAC reflétant les « missions d’intérêt général auxquelles contribuent les agriculteurs, comme la sécurité alimentaire ou l’aménagement du territoire » [39]. Mais « ces particularités, pour importantes qu’elles soient », ne sauraient justifier « d’exceptions aux principes cardinaux » du droit de la concurrence [40]. La liberté reconnue aux agriculteurs de s’organiser collectivement est limitée par l’obligation de « déterminer de manière autonome la politique qu’ils entendent suivre sur le marché ». Ici réside « l’objectif essentiel du droit de la concurrence » [41]. C’est pourquoi la Hongrie, qui avait adopté une loi interdisant à son autorité de concurrence de sanctionner les ententes sur les produits agricoles, vient d’être rappelée à l’ordre par la Commission européenne [42]. La mission des autorités de concurrence est ardue : elles cherchent à faire advenir un ordre économique « idéal-typique », relativement autonome et spontané, reposant sur les actions individuelles d’agents supposés eux-mêmes autonomes, à l’encontre de leurs propres constatations sur la réalité du fonctionnement des marchés. La récente affaire du cartel des endives [43] permet de l’illustrer.

13Les producteurs français d’endives s’étaient interdits collectivement de vendre leur production en deçà d’un prix rémunérateur afin, selon l’un des syndicats partie à l’entente, « d’ajuster l’offre à la demande » et « d’éviter un effondrement des prix ne permettant plus aux producteurs d’être rémunérés » [44]. Cet accord entrait-il dans les missions confiées aux organisations de producteurs par la PAC ? L’Autorité de la concurrence reconnaît le « rapport de force très inégal » entre des acheteurs très concentrés et des producteurs atomisés. Pour autant, elle ne vit dans cet accord que la volonté « de mettre en place un plan global visant à restreindre la concurrence par les prix » [45]. La cour d’appel de Paris réforma cette décision, estimant que les mécanismes de régulation des marchés mis en place par la PAC étaient « dérogatoires au droit commun de la concurrence » [46] et que les producteurs d’endives n’avaient fait qu’exercer leurs missions légales. La complexité des règles à articuler était telle que chacune des interprétations était concevable. La Cour de cassation, saisie par le président de l’Autorité – soutenu par la Commission européenne, ne pouvait que solliciter l’interprétation du juge européen, le litige posant « une difficulté sérieuse » d’interprétation des textes. Dans un arrêt très technique, ce dernier admet que certains accords entre producteurs peuvent en principe échapper à l’interdiction des ententes. Il décide néanmoins que la fixation collective de prix minima de vente au sein d’une organisation de producteurs ne peut être considérée « comme étant proportionnée aux objectifs de régularisation des prix ou de concentration de l’offre lorsqu’elle ne permet pas aux producteurs écoulant eux-mêmes leur propre production […] de pratiquer un prix inférieur à ces prix minima », dès lors qu’elle a pour effet « d’affaiblir le niveau déjà réduit de concurrence existant sur le marché des produits agricoles du fait de la faculté reconnue aux producteurs de se regrouper » afin de concentrer leur offre [47].

14Ce tabou des prix qui devraient être librement discutés à chaque transaction constitue la figure ultime d’un idéal de marché perçu comme lieu de « véridiction », selon l’expression de Michel Foucault [48]. Seul le marché permettrait de révéler la vraie valeur des choses et offrirait « l’assurance réconfortante qu’une solution existe à la complexité bien réelle du monde social » [49]. L’autonomie exigée des agriculteurs est cependant illusoire et les autorités de concurrence en font elles-mêmes le constat [50]. Les filières agricoles sont devenues des « chaînes de subordination » [51] dans lesquelles l’exploitant agricole n’est souvent plus qu’un « sous-traitant » [52]. Instaurer des politiques agricoles « market oriented » lorsque les défaillances du marché sont constatées peut déconcerter. Pour surmonter la contradiction, la politique mise en œuvre consiste à essayer de faire fonctionner un modèle idéal-typique de marché, alors que la solution semblerait résider davantage dans une rupture avec l’imaginaire du marché.

II. Rompre avec l’imaginaire du marché

15Le discours de Rungis [53] déplore les « dérives du marché » qui aurait « perdu sa propre finalité ». Retrouver la « finalité » du marché, soit, mais quelle est cette finalité ? Le marché n’est pas un étendard mais une construction sociale dont l’histoire [54] et la géopolitique [55] montrent la variété des formes et des finalités. Or, la « boîte à outils » européenne (II.1) détermine une forme de marché et un mode de production agricole spécifiques (II.2).

II.1. La boîte à outils : contrat et concentration

16Gouverner par le marché est un art difficile qui nécessite un arsenal juridique étoffé, destiné à accompagner le recul de l’interventionnisme public agricole. Les raisons initiales de ce recul sont aisées à saisir : les politiques publiques sont coûteuses et parfois inefficientes, l’ancien système des prix garantis conduisant à la surproduction. Il fallait donc laisser les producteurs prendre des décisions guidées par le marché. C’est ainsi que naquit le « découplage » des aides : celles-ci sont désormais attribuées sous la forme d’un paiement unique par exploitation, déconnecté des choix et des niveaux de production, sans obligation de produire pour en bénéficier. Ces paiements directs devaient permettre aux agriculteurs de conserver des revenus tout en laissant le marché déterminer les prix et les niveaux de production. Les mêmes raisons expliquent la disparition des quotas et l’hostilité de la Direction générale « Agriculture et développement rural » de la Commission européenne à l’égard des aides « contracycliques ». Leur montant varie en fonction des prix obtenus par les agriculteurs qui « ne reçoivent plus les signaux du marché et ainsi n’adaptent plus leurs décisions de production aux développements des marchés globaux » [56]. Or, les marchés agricoles n’envoyant justement pas les bons « signaux », il a fallu pallier ce recul de l’interventionnisme agricole et trouver le « vecteur d’une politique agricole renouvelée » [57].

17Ce sera la « contractualisation » entre producteurs et acheteurs : « Dans un contexte de volatilité des prix, il est apparu nécessaire de mettre en œuvre des outils de stabilisation des marchés. Le renforcement du dispositif contractuel dans le secteur agricole a été considéré comme un élément indispensable pour favoriser la stabilisation des prix et permettre au producteur d’avoir une meilleure visibilité sur ses débouchés et d’obtenir des prix de cession rémunérateurs [58]. » C’est ainsi qu’en 2010, la loi de modernisation de l’agriculture, plusieurs fois toilettée [59], a introduit dans le Code rural un dispositif très technique [60] dans une section sur « les contrats de vente de produits agricoles » [61]. La cession de ces produits peut être subordonnée à la conclusion de contrats écrits comportant des clauses obligatoires relatives à leur durée, leur révision et aux modalités de paiement. Les modalités de détermination du prix doivent aussi être précisées par « référence à un ou plusieurs indices publics des prix des produits agricoles ou alimentaires » [62]. Ce dernier dispositif, censé permettre de combler l’asymétrie d’information entre les producteurs atomisés et leur acheteur [63], montre bien que la « représentation habituelle du marché » comme « lieu des mécaniques échangistes bilatérales » est « trompeuse » [64]. Les acteurs se déterminent par rapport à une cote, à « une convention de marché », afin de faire émerger « une opinion collective » [65].

18La contractualisation n’a pas produit les effets escomptés. Aussi une nouvelle loi vise-t-elle à la perfectionner en inversant « la construction du prix, qui devra partir des coûts de production » [66]. Le texte antérieur prévoyait déjà que le prix devait être déterminé par référence à des indices publics de coûts de production en agriculture [67]. La véritable nouveauté réside dans un retour au droit commun de la vente [68] : le contrat devra être proposé par les agriculteurs ou leurs organisations aux acheteurs et non plus par les acheteurs aux producteurs [69]. Un contrat n’a cependant jamais permis de rééquilibrer une relation commerciale [70], surtout si les prix doivent être fixés de manière indépendante par chaque producteur avec son acheteur [71]. C’est en modifiant les structures du marché que les rapports de forces peuvent changer. Or, la poursuite du mouvement de concentration des industries agro-alimentaires paraissant non seulement « inéluctable » à l’Autorité de concurrence, mais encore « porteuse d’efficacité et de croissance » [72], la « bonne solution » résiderait dans « les concentrations et autres formes de regroupements » entre producteurs [73]. Le rôle des organisations de producteurs dans la concentration de l’offre a ainsi été valorisé par différentes réformes admettant des dérogations toujours plus nombreuses au droit de la concurrence quant aux limites et aux formes de l’organisation collective des producteurs. C’est ainsi, par exemple, que la condition d’absence de position dominante pour la reconnaissance d’une organisation de producteurs a été supprimée [74]. Plus récemment, les règles dérogatoires au droit des ententes, jusqu’alors réservées à certains secteurs comme celui du lait, ont été étendues à toutes les organisations de producteurs agréées : désormais, qu’il y ait ou non transfert de la propriété de la production à l’organisation de producteurs, ces derniers pourront s’entendre sur les prix de vente ainsi que sur les volumes qu’ils mettent sur le marché [75]. Les producteurs n’encourront pas le grief d’entente anticoncurrentielle, du moins s’ils restent dans les limites fixées par la Cour de justice dans l’affaire du cartel des endives [76]. Une partie de la doctrine a pu voir dans ces réformes récentes la voie d’une possible « réconciliation » entre l’agriculture et le droit de la concurrence [77].

19Le sentiment est pourtant qu’en essayant de concilier deux logiques inconciliables, celle de la concurrence et celle de la concentration, nos institutions ne bâtissent plus un marché mais des arènes propres à l’expression de rivalités de puissances qui se structurent verticalement au sein des filières agricoles.

II.2. Retrouver la place du marché ?

20Pour encourager la concentration des agriculteurs, le président de la République propose de soumettre les aides à une condition de taille des organisations de producteurs [78]. Il faudra faire vite, car si l’on en croit un phénomène « invisible aux yeux de l’appareil statistique agricole » [79], « l’extinction du dernier paysan est pour bientôt » [80]. Au lieu de cette concentration « horizontale », un phénomène de concentration verticale d’une tout autre ampleur se déploie qui éloigne encore plus le secteur agricole du « modèle » du marché. Le droit rural avait très tôt facilité l’intégration verticale des agriculteurs dans les circuits économiques de la production, comme en témoigne le droit de l’intégration agricole issu d’une loi de 1964 [81]. Aujourd’hui émergent de très grandes entreprises, ne possédant parfois ni matériel agricole, ni parcelles de terres, mais qui commercialisent « l’acte même de production agricole » en se contentant d’administrer « un réseau d’acteurs » [82]. Elles proposent « une prestation intégrale qualifiée “de A à Z”, c’est-à-dire allant de la préparation du sol à la récolte, voire à la commercialisation. L’activité agricole est alors intégralement déléguée à des entreprises commerciales de travaux agricoles qui finissent par gérer chacune des milliers d’hectares pour le compte de dizaines de clients » [83], souvent d’anciens agriculteurs qui ont renoncé à exploiter eux-mêmes. Cette évolution a été favorisée par le système des droits à paiement unique issu des dernières réformes de la PAC, facilitant la « dissociation entre propriété, capital d’exploitation et travail » et ouvrant « la voie à des formes d’agricultures sans agriculteurs » [84]. Les modèles sont variés mais convergent vers l’objectif d’intégration totale d’une filière par un seul acteur économique ; il s’agit de « prendre le métier des autres pour maîtriser le plus de maillons possibles de la chaîne de valeur » [85].

21Les politiques « market oriented » activent un imaginaire du marché qui produit paradoxalement le contraire d’un marché, un « contre-marché » selon l’expression de Fernand Braudel, sur lequel les acteurs qui s’interposent entre l’agriculteur et le consommateur parviennent à échapper aux « règles contraignantes du marché traditionnel » [86]. L’Autorité de la concurrence en est consciente lorsqu’elle propose, parallèlement à la concentration, le développement des circuits courts de commercialisation qui permettraient « d’améliorer la captation de valeur au bénéfice de la production » en limitant le nombre des intermédiaires entre producteurs et consommateurs [87]. Les échanges directs entre producteurs et consommateurs relèveraient d’ailleurs « d’une forme stylisée relativement pure de ce que serait un échange idéal dans le cadre normatif que l’on rencontre chez Smith ou Walras » [88]. Ils permettraient finalement de retrouver « la place du marché » [89], c’est-à-dire de remettre le marché à sa place, lui restituer « sa propre finalité » et celle de la concurrence avec lui. Sa généalogie le montre, le marché a été institué par le pouvoir politique « dans le but de contraindre l’économie, de la calmer, de l’ordonner, de la surveiller » [90]. « Instance de codage des flux économiques » [91], il était, jusqu’au xixe siècle, « encastré » dans la formation sociale qui lui assignait ses fonctions [92] à travers une réglementation foisonnante. Le concept de marché change de signification avec Adam Smith et Léon Walras pour revêtir une acception plus abstraite [93], mais les économistes modernes semblent négliger une partie importante de leur analyse. Si, pour les économistes classiques, le marché dit « le vrai », c’est parce qu’il permet de révéler la « valeur » des biens, entendue comme « le temps de travail humain que la production de ce bien nécessite » [94]. Chez Adam Smith, l’idée que l’échange est « juste » (« fair », dans La richesses des nations) repose sur le fait que « le prix est une construction sociale fondée sur une appréciation de la valeur des marchandises par les échangistes » [95]. Or, cette appréciation reposerait « sur des “processus de sympathie” qui assurent la prise en compte de la peine qui est le prix réel de toute marchandise, avant même l’acte d’échange » [96]. Le rôle de la concurrence est lui-même précisément identifié. Elle ne se manifeste qu’en cas de décalage entre le prix naturel des marchandises et leur prix de marché. Elle est d’essence « réactive » [97] en ce qu’elle ne surgit que pour réduire un déséquilibre : « profit exagéré, prix excessif, salaires misérables dans l’exemple de Smith » [98].

22Autant dire que le mode actuel de fonctionnement des « marchés » agricoles ne ressemble ni aux marchés historiques, conçus comme des « lieux de justice », ni au marché théorique, pensé comme un lieu de « véridiction » [99]. Pour qu’ils s’en rapprochent, il faudrait éliminer « toutes les manipulations qui pourraient [l’empêcher] de jouer le rôle qu’il est censé assurer » [100], en commençant par aborder frontalement la question du pouvoir [101]. C’est ce que propose un auteur qui pointe le « lien direct entre la capacité des régimes de concurrence à contrer les abus de pouvoir des acheteurs […] et l’exercice du droit à une alimentation suffisante » [102]. Amender le droit de la concurrence est certainement une nécessité, mais cela ne permettra pas de faire l’économie de régulations publiques [103], en raison des multiples causes de la défaillance du marché. C’est ce qui explique qu’une majorité d’États européens réutilisent, à contre-courant de la PAC, le système des aides couplées, afin de disposer d’outils pour orienter les systèmes de production. Un think tank propose de généraliser cet instrument et de faire des aides contracycliques le moyen de contenir le marché. Le dispositif serait basé sur un « tunnel de prix » à l’intérieur duquel il n’y aurait plus d’aides versées aux agriculteurs. En dessous d’un prix plancher, un dispositif de soutien contracyclique serait engagé, avec la mise en œuvre d’un stockage public. À l’inverse, au-delà de ce tunnel, un prélèvement sur les transactions serait opéré afin d’éviter une spéculation trop forte et les stocks publics seraient progressivement libérés [104].

23Un panel d’experts présidé par Olivier De Schutter vient de publier un rapport, « Too big to feed », sur la concentration excessive dans l’agroalimentaire [105]. Le rapport pointe les conséquences de cette concentration : standardisation et industrialisation des modes de production, domination économique et politique risquant de bloquer les transitions, capture de la valeur ajoutée au détriment des revenus agricoles. Cette conclusion fait écho à un récent avis du Comité économique et social européen qui s’interroge sur la cohérence d’une politique de concurrence pourchassant les ententes tout en autorisant « des fusions et des acquisitions sans contreparties », donnant ainsi naissance « à de véritables géants sectoriels à même de peser sur le fonctionnement des marchés ». Parce qu’elle serait « en porte-à-faux avec les autres politiques de l’Union », la politique de concurrence mériterait « d’être mieux définie » [106]. En commençant par remettre le marché « à sa place » ?

24En effet, alors que la question de la production agricole est une question éminemment politique, l’idéologie de marché consiste au contraire à penser qu’avec le marché, la société se gouverne toute seule, qu’elle est débarrassée du problème du choix. Par la mise à l’écart des conflits inhérents à la voie politique, on obtiendrait une pacification de la société et le bien-être général par la prospérité et la satisfaction du consommateur. Pourtant, le cas des États-Unis et du Canada conduit à constater que les sociétés qui adoptent ce même référentiel peuvent le mettre en œuvre de façon très diverse. Les structures politiques unitaires gouvernées par la souveraineté parviennent à mettre en œuvre des politiques publiques (une politique de gestion de l’offre, dans le cas Nord-américain) qui, sans couper tout lien entre l’agriculture et le marché, assignent à ce dernier une fonction limitée. L’organisation nord-américaine n’est d’ailleurs pas sans rappeler l’expérience française de l’Office des céréales. En s’attaquant notamment aux « grands trusts, accusés de dominer les marchés », celui-ci avait permis une « refondation de la filière » en rompant avec le marché conçu « comme principe des échanges gouvernés par le jeu plus ou moins libre de l’offre et de la demande », au profit d’une conception plus « institutionnelle » de son organisation [107]. En revanche, la construction européenne, qui oblige à composer avec une multitude d’acteurs des politiques publiques, paraît incapable de clarifier une ligne politique [108], sinon celle de la compétitivité de l’agriculture européenne et de prix bas pour les consommateurs, entraînant une mise en concurrence généralisée des producteurs européens. Les acteurs du marché (organisations de producteurs, mais aussi interprofessions) sont certes encouragés à s’organiser afin « d’adapter l’offre à la demande » [109] à partir du constat de « l’insuffisance des modes de coordination purement marchands basés uniquement sur un “signal prix” » [110]. Mais leurs pratiques butent contre l’épine dorsale du droit de la concurrence, celle de l’exigence d’autonomie des acteurs. Flotte ainsi dans le ciel des principes l’illusion de la libre concurrence, alors même que nos institutions sont obligées d’intervenir en permanence pour tenter de corriger, par bricolages successifs, les défaillances des marchés.

Notes

  • [1]
    Nicolas Bricas, Claire Lamine et François Casabianca, « Agricultures et alimentations : des relations à repenser ? », Nature Sciences Sociétés, 21 (1), 2013, p. 67.
  • [2]
    Jean-Marc Boussard, Les prix agricoles. Nouveaux dialogues sur le commerce des bleds, Paris : L’Harmattan, coll. « L’Esprit économique, série Le Monde en question », 2017, spéc. p. 101 et suiv.
  • [3]
    Serge Walery, « Capitalisme et marché à la Renaissance », L’Économie politique, 30 (2), 2006, p. 87.
  • [4]
    Fernand Braudel, La dynamique du capitalisme, Paris : Flammarion, coll. « Champs histoire », 2008, p. 56.
  • [5]
    En raison des délais de production.
  • [6]
    Rapport du Sénat sur le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, rapport n° 436, mai 2010.
  • [7]
    Rapport du Conseil d’analyse économique, « Régulation des relations entre fournisseurs et distributeurs », Paris : La Documentation française, 2000, cité dans l’avis du Conseil de la concurrence n° 08-A-07 du 7 mai 2008, relatif à l’organisation économique de la filière fruits et légumes, § 30.
  • [8]
    Par ex., Avis n° 09-A-48 du 2 octobre 2009 relatif au fonctionnement du secteur laitier, pt. 50.
  • [9]
    Autorité de la concurrence, Étude thématique. Agriculture et concurrence, 2012, p. 89.
  • [10]
    Ibid., p. 90.
  • [11]
    Olivier De Schutter, « Rapport final : le droit à l’alimentation, facteur de changement. Rapport soumis par le rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation », présenté à la 25e session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies le 24 janvier 2014, A/HRC/25/57.
  • [12]
  • [13]
    Improving Market Outcomes: Enhancing the Position of the Farmers in the Supply Chain, Report of the Agricultural Markets Task Force, Bruxelles : novembre 2016.
  • [14]
    La récente affaire du cartel des endives en fournit une bonne illustration : cf. infra, I.2.
  • [15]
    European Commission, « The Interface Between EU Competition Policy and the CAP », working paper, Bruxelles, 16 février 2010.
  • [16]
    Id., « Risk Management Schemes in EU Agriculture. Dealing with Risk and Volatility », EU Agricultural Markets Briefs, 12, sept. 2017.
  • [17]
    Les quotas comportaient aussi une dimension territoriale bénéfique :v. Yves Petit, « La suppression des quotas laitiers : un pis-aller ? », Dr. rural, 33, 2015.
  • [18]
    Le prix du lait versé aux producteurs en juillet 2016 par le premier groupe mondial du secteur, Lactalis, était de 257 € la tonne, alors qu’il était de 363 € en juillet 2014, sachant que les coûts de production sont d’environ 340 € la tonne.
  • [19]
    Règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles (dit « OCM unique »), JOUE n° L 347/671 du 20 décembre 2013.
  • [20]
    Jean-Marc Boussard, Les prix agricoles. Nouveaux dialogues sur le commerce des bleds, op. cit., p. 107.
  • [21]
    La littérature est fournie. Outre Jean-Marc Boussard, Les prix agricoles, op. cit., v. Alain Bernard, « La guerre des farines », in François Collart Dutilleul et Fabrice Riem (dir.), Droits fondamentaux, ordre public et libertés économiques, Paris : LGDJ, Institut universitaire Varenne, coll. « Colloques & Essais », 2013, p. 153-237, et les nombreuses références historiques ; Alain Chatriot, Edgar Leblanc et Édouard Lynch (dir.), Organiser les marchés agricoles. Le temps des fondateurs, Paris : Armand Colin, coll. « Recherches », 2012, spéc. p. 27 et suiv.
  • [22]
    Jean-Claude Peyronnet, « Le libéralisme à l’épreuve », in Christian Bordes et Jean Morange, Turgot, économiste et administrateur, Paris : PUF, 1982, qui constate que Turgot « condamne toute intervention de l’État » mais qu’il « oublie la doctrine » lorsqu’il doit faire face à une famine et décide de mettre en œuvre une politique publique ambitieuse.
  • [23]
    La même idée est défendue par un grand auteur libéral du xixe siècle, Jean-Baptiste Say, qui affirme dans son Cours d’économie politique pratique publié en 1829 que « pour les produits alimentaires de base, il faut une organisation publique pour assurer la sécurité alimentaire ».
  • [24]
    Jean-Marc Boussard, « La régulation des marchés agricoles : ce que nous apprend l’histoire de la pensée économique », novembre 2010, disponible en ligne sur www.momagri.org.
  • [25]
    L’un des points jugé essentiel du raisonnement de Mordecai Ezekiel est que le marché ne peut fonctionner lorsque les prix sont déterminés par la demande, non par la concurrence. V. Jacques Sapir, « Les limites de la concurrence : éléments de théorie », <http://russeurope.hypotheses.org/1774>.
  • [26]
    Jacques Sapir, « Les limites de la concurrence : éléments de théorie », art. cité.
  • [27]
    Ibid.
  • [28]
    Jean-Marc Boussard, Les prix agricoles. Nouveaux dialogues sur le commerce des bleds, op. cit., p. 118.
  • [29]
    Ibid.
  • [30]
    La moitié de la production agricole américaine passe par ces organisations. Cf. Jean-Baptiste Traversac, in « Concurrence et agriculture », Séminaire Ph. Nasse du 4 septembre 2014, Rev. Lamy de la concurrence juill.-sept. 2015, p. 147.
  • [31]
    Leurs actions doivent être approuvées par le secrétaire d’État à l’Agriculture « qui peut admettre ou non des atteintes à la libre action des marchés ». Cf. John M. Crespi et Richard J. Sexton, « Concurrence, coopératives de producteurs et Marketing Orders aux États-Unis », numéro spécial « La politique de la concurrence dans l’agroalimentaire », Économie rurale, 277-278, 2003, p. 135.
  • [32]
    Geneviève Parent, « Le système canadien de gestion de l’offre en lait au Canada : un pont désormais fragile entre agriculture et marché », in « La production et la commercialisation des denrées alimentaires et le droit du marché », Rev. Lamy de la concurrence, 25, oct.-déc. 2010, p. 114.
  • [33]
    Ibid.
  • [34]
    Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, art. 39.
  • [35]
    Règlement (UE) n° 1308/2013 préc., cons. 131 et art. 152, 1, c).
  • [36]
    Règl. (UE) n° 1308/2013 préc., cons. 173.
  • [37]
    Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), C-137/00, The Queen c. Milk Marque, 9 septembre 2003, pt. 57 ; CJUE, aff. C-671/15, Président de l’Autorité de la concurrence contre Association des producteurs d’endives, 14 novembre 2017, pt. 36 et 47, qui rappelle que le secteur agricole ne saurait être envisagé comme « un espace sans concurrence ».
  • [38]
    Directives volontaires à l’appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, 127e session du Conseil de la FAO, novembre 2004 : « Il convient que les États s’efforcent de faire en sorte que les politiques concernant les aliments, le commerce des produits agricoles et les échanges en général contribuent à renforcer la sécurité alimentaire pour tous, grâce à un système de commerce local, régional, national et mondial à la fois non discriminatoire et axé sur le marché. » V. François Collart Dutilleul, « Heurs et malheurs du droit fondamental à l’alimentation », in François Collart Dutilleul et Fabrice Riem (dir.), Droits fondamentaux, ordre public et libertés économiques, op. cit., p. 126.
  • [39]
    Autorité de la concurrence, Étude thématique. Agriculture et concurrence, op. cit., p. 62.
  • [40]
    Ibid., p. 144.
  • [41]
    Autorité de la concurrence, Déc. n° 12-D-08 du 6 mars 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production et de la commercialisation des endives, pt. 392 et 611.
  • [42]
    Commission européenne, MEMO/14/293, 16 avr. 2014.
  • [43]
    Fabrice Riem, « La gestion de l’offre agricole et le droit de la concurrence. Brèves réflexions sur un thème de Lascaux », in Mélanges en l’honneur de F. Collart Dutilleul, Paris : Dalloz, 2017, p. 657 et suiv.
  • [44]
    Autorité de la concurrence, déc. n° 12-D-08 du 6 mars 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production et de la commercialisation des endives, pt. 85 et 633.
  • [45]
    Ibid., pt. 381.
  • [46]
    Cour d’appel de Paris, pôle 5, chambre 5-7, arrêt du 15 mai 2014, p. 18.
  • [47]
    CJUE, 14 novembre 2017, aff. C-671/15, pt. 66.
  • [48]
    Michel Foucault, Naissance de la biopolitique. Cours au Collège de France. 1978-1979, Paris : Gallimard, Seuil, 2004, p. 32.
  • [49]
    Éloi Laurent, Nos mythologies économiques, Paris : Les Liens qui Libèrent, 2016, p. 10.
  • [50]
    Pour le secteur des fruits et légumes, v. Conseil de la concurrence, avis n° 08-A-07 du 7 mai 2008 auquel renvoie l’Autorité de la concurrence dans sa décision sur le secteur des endives. Dans le secteur laitier, l’Autorité constate qu’il existe des situations de monopsone de collecte empêchant les producteurs de changer d’acheteur et qu’il n’y a donc « pas de véritable marché où joue la concurrence entre la production et la collecte » (Avis n° 09-A-48 du 2 octobre 2009 relatif au fonctionnement du secteur laitier, pt. 50).
  • [51]
    Selon l’expression de Fernand Braudel, in Civilisation matérielle, économie et capitalisme, tome 3, Paris : Armand Colin, 1979, p. 36.
  • [52]
    Samir Amin, La souveraineté au service des peuples, Genève : CETIM, 2017, p. 56.
  • [53]
    « Discours du président de la République aux États Généraux de l’Alimentation », Rungis, 11 octobre 2017.
  • [54]
    Karl Polanyi, La grande transformation, Paris : Gallimard, 1983.
  • [55]
    Voir le numéro spécial de la revue Hérodote (156, 2015), « Géopolitique de l’agriculture », ainsi que « Accords de libre-échange. Cinquante nuances de marché. Point de vue du Sud » (collectif), Alternatives sud, 24 (3), 2017.
  • [56]
    European Commission, « Risk Management Schemes in EU Agriculture. Dealing with Risk and Volatility », op. cit.
  • [57]
    Selon l’expression du ministre de l’Agriculture Bruno Le Maire, lors de la présentation de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010, citée par Catherine Del Cont, « La contractualisation des relations commerciales agricoles : brèves réflexions sur la prise en considération de la spécificité agricole », Mélanges en l’honneur de F. Collart Dutilleul, Paris : Dalloz, 2017, p. 289.
  • [58]
    Autorité de la concurrence, Avis n° 10-A-28 du 13 décembre 2010 relatif à deux projets de décrets imposant la contractualisation dans des secteurs agricoles, pt. 1.
  • [59]
    Loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche ; loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite « Sapin II ».
  • [60]
    L’autorité de la concurrence en décortique le contenu dans son avis n° 10-A-28 précité.
  • [61]
    Code rural, art. 631-24 à 26 ; règlement (UE) n° 261/2012 du Parlement européen et du Conseil concernant les relations contractuelles dans le secteur du lait.
  • [62]
    Code rural, art. 631-24.
  • [63]
    Autorité de la concurrence, avis n° 10-A-28 préc.
  • [64]
    Michel Henochsberg, La place du marché, Paris : Denoël, 2001, p. 136.
  • [65]
    Ibid., p. 259.
  • [66]
    Assemblée nationale, Projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable, 1er février 2018, n° 627 ; v. F. Buy, « Réforme – Relations commerciales agricoles – Contractualisation », Concurrences, 2, 2018, p. 101.
  • [67]
    Code rural, art. 631-24.
  • [68]
    Les conditions de vente constituent « le socle unique de la négociation commerciale » (Code de commerce, art. L. 441-6, I).
  • [69]
    Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, JO n° 0253 du 1er novembre 2018.
  • [70]
    Marie Malaurie-Vignal et Fabrice Riem, « Vers un équilibre des relations commerciales entre le monde agricole et la grande distribution ? », Rec. Dalloz, 11, 2018, Entretien, p. 608.
  • [71]
    Autorité de la concurrence, avis n° 11-A-11 relatif aux modalités de négociation des contrats dans les filières de l’élevage dans un contexte de volatilité des prix des matières premières agricoles, pt. 62 ; avis n° 14-A-03 relatif à une saisine de la fédération Les producteurs de légumes de France, pt. 93. Jusqu’au règlement « Omnibus » (v. infra), seul le secteur laitier bénéficiait d’une exception (Règl. « OCM unique », art. 149).
  • [72]
    Autorité de la concurrence, Étude thématique. Agriculture et concurrence, op. cit., p. 90.
  • [73]
    Ibid., p. 118.
  • [74]
    Juliette Théry Schulz, Jean-Baptiste Traversac et Véronique Sélinsky, « Concurrence et agriculture », Séminaire Ph. Nasse du 4 septembre 2014, Rev. Lamy de la concurrence, 2015.
  • [75]
    Règlement (UE) n° 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2017 (dit « Règlement Omnibus »), JOUE n° L 350/15 du 29 décembre 2017, modifiant l’article 152 du Règlement « OCM unique ».
  • [76]
    V. supra, I.2, CJUE, 14 novembre 2017, aff. C-671/15, préc.
  • [77]
    « Agriculture et droit de la concurrence, vers une réconciliation ? », Concurrences, 3, 2018, p. 19-43.
  • [78]
    Discours de Rungis du 11 octobre 2017, précité.
  • [79]
    François Purseigne, Geneviève Nguyen et Pierre Blanc (dir.), Le nouveau capitalisme agricole. De la ferme à la firme, Paris : Presses de Science Po, 2017, p. 51.
  • [80]
    Marcel Gauchet, « Pleurer les paysans ? », Le Débat, 60, 1990, p. 281.
  • [81]
    Loi n° 64/678 du 6 juillet 1964 « tendant à définir les principes et les modalités du régime contractuel en agriculture », Code rural, art. L. 326-1 et suiv.
  • [82]
    François Purseigne, Geneviève Nguyen et Pierre Blanc (dir.), Le nouveau capitalisme agricole. De la ferme à la firme, op. cit., p. 242.
  • [83]
    Ibid., p. 52, avec les nombreux exemples.
  • [84]
    Ibid., p. 60.
  • [85]
    Ibid., p. 36. Le groupe français Avril-Sofiprotéol décrit sa démarche dans Tristan Gaston-Breton, Sofiproteol. 30 ans. Une vision d’avenir, Aix-en-Provence : Éditions REF.2C, 2013.
  • [86]
    Fernand Braudel, La dynamique du capitalisme, op. cit., p. 56. De nouveaux projets de rapprochements à l’achat dans le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire (entre Auchan/ Casino/Metro/Shiever, d’une part, et Carrefour/Système U, d’autre part) ont été notifiés à l’Autorité de la concurrence (site institutionnel de l’Autorité, communiqué de presse du 16 juillet 2018).
  • [87]
    Autorité de la concurrence, Étude thématique. Agriculture et concurrence, op. cit., p. 90.
  • [88]
    Benoît Prévost, « Échanges alimentaires et juste prix. Un détour par l’histoire de la pensée économique pour alimenter un débat contemporain », L’Homme et la société, 1, 2012, p. 54.
  • [89]
    Michel Henochsberg, La place du marché, op. cit.
  • [90]
    Ibid., p. 16.
  • [91]
    Ibid., p. 307.
  • [92]
    Ibid., p. 86.
  • [93]
    Pierre Rosanvallon, Le libéralisme économique, Histoire de l’idée de marché, Paris : Seuil, 1979.
  • [94]
    Nicolas Postel, « Marché et autonomie des acteurs : histoire d’une illusion », in dossier « Qu’est-ce que l’économie de marché ? », L’Économie Politique, 37, 2008, p. 26.
  • [95]
    Benoît Prévost, « Échanges alimentaires et juste prix. Un détour par l’histoire de la pensée économique pour alimenter un débat contemporain », art. cité, p. 41.
  • [96]
    Ibid.
  • [97]
    Michel Henochsberg, La place du marché, op. cit., p. 169.
  • [98]
    Ibid., p. 171.
  • [99]
    Michel Foucault, Naissance de la biopolitique. Cours au Collège de France. 1978-1979, op. cit., p. 32.
  • [100]
    Benoît Prévost, « Échanges alimentaires et juste prix. Un détour par l’histoire de la pensée économique pour alimenter un débat contemporain », art. cité, p. 48.
  • [101]
    François Perroux, Pouvoir et économie, Paris : Bordas, 1973, p. 20.
  • [102]
    Olivier De Schutter, « Lutter contre la concentration dans les chaînes d’approvisionnement alimentaire. Le rôle du droit de la concurrence pour contrer l’abus de pouvoir des acheteurs », Note d’information du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), 3, décembre 2010.
  • [103]
    Voir la contribution de Laure Desprès et Denis Bouget, « De l’exploitation des ressources naturelles à la satisfaction des besoins fondamentaux dans une transition écologique » dans ce dossier.
  • [104]
    Momagri, Livre blanc « Un nouveau cap stratégique pour la PAC », 18 décembre 2017, disponible en ligne.
  • [105]
    « Too Big to Feed: Exploring the Impacts of Mega-Mergers, Consolidation, Concentration of Power in the Agri-Food Sector », IPES-Food 2017, <www.ipes-food.org>.
  • [106]
    Comité économique et social européen, Avis sur le Rapport sur la politique de concurrence 2016, JOUE n° C 81/111 du 2 mars 2018, pt. 1.3.
  • [107]
    Cf. l’analyse de Steven Laurence Kaplan, « La tyrannie des céréales, ou une petite esquisse d’une très brève histoire de la régulation dans la filière blé-farine-pain, circa 1750-1960 », in Alain Chatriot, Edgar Leblanc et Édouard Lynch (dir.), Organiser les marchés agricoles. Le temps des fondateurs, op. cit., p. 35 et suiv.
  • [108]
    V. Jean-Marie Séronie, PAC et mondialisation. Une politique européenne encore commune ?, Versailles : Quae, 2018.
  • [109]
    Code rural, article L. 632-1, sur les organisations interprofessionnelles agricoles.
  • [110]
    Jo Cadilhou et Marie-Sophie Dedieu, « Les organisations interprofessionnelles agricoles : un outil répandu de gestion des filières », Analyse, Centre d’études et de prospective, 31, juin 2001.
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