Notes
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[1]
Après une centration sur l’histoire des CDI, les recherches universitaires françaises ont longtemps porté les marques du problème identitaire et la quête d’une légitimité par la profession. Depuis quelques années, un tournant est opéré dans ces travaux, en lien avec les évolutions tant du métier lui-même que des instructions officielles définissant ses contours : les sciences de l’information et de la communication ont investi pleinement le domaine de recherche en information-documentation, et de nombreuses thèses sont en cours, qui apportent une réflexion sur les questions liées aux pratiques informationnelles des jeunes, notamment en relation avec les nouveaux supports, l’éducation à l’information, et la didactisation des apprentissages info-documentaires.
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[2]
Michel de Certeau [5] qualifie ainsi les pratiques, ensemble de procédures, schémas d’opération et manipulations techniques, qui s’exercent au quotidien selon une logique de braconnage, et par lesquels les utilisateurs se réapproprient un espace organisé.
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[3]
Dans la démarche anthropo-centrée qui est la nôtre, nous comprenons les « pratiques informationnelles » telles que définies par Madjid Ihadjadene et Stéphane Chaudiron comme « la manière dont l’ensemble des dispositifs […], des sources (en particulier d’informations mais aussi les ressources humaines), des compétences cognitives et habiletés informationnelles sont effectivement mobilisés dans les différentes situations de production, de recherche et de traitement de l’information » [10].
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[4]
Par «représentation », nous entendons la considération, au sein du champ didactique, d’un savoir ordinaire en cours de modélisation ou plutôt d’actualisation par le biais de processus communicationnels ancrés dans des situations et logiques sociales [11]. Nous ajoutons à notre analyse des représentations celle de l’imaginaire, vu comme le fondement des représentations, constituant un rapport primaire au monde. Sans avoir l’opérationnalité pragmatique de la représentation, ce concept d’imaginaire permet de prendre en compte le ressenti émotionnel de l’individu, face à un objet, une situation, mais aussi face à un groupe social.
1Les études sur les pratiques informationnelles sont encore fortement marquées par une certaine formalité, au sein de laquelle les pratiques dites « informelles » sont considérées comme déviantes par rapport à une norme académique définie en amont [2]. Engagée dans une thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication qui s’inscrit dans la lignée des travaux de la recherche française sur la documentation scolaire [1], nous défendons la formalité de toutes les pratiques informationnelles. En ce sens, au terme « pratiques informelles », qui nous semble refléter un regard légitimant, institutionnel, porté sur les pratiques développées hors instances validantes d’enseignement-apprentissage, nous préférons l’expression « pratiques non formelles », soulignant ainsi que ces pratiques informationnelles ont pour leurs acteurs une forte légitimité, structurante et modélisante de surcroît, invitant à se départir d’un regard légitimant sur la question.
2Étudier ces pratiques qui s’élaborent au sein de sphères intimes, avec une faible visibilité sociale, est extrêmement problématique pour le chercheur. Il nous paraît toutefois indispensable de considérer ces pratiques non formelles lorsqu’on tente, dans des travaux liés à l’enseignement de la recherche d’information, de saisir Internet en tant qu’objet de recherche. Et ce, non seulement parce que ces pratiques façonnent les attentes et les comportements face à la technologie et à son apprentissage, mais aussi parce qu’elles peuvent constituer des « obstacles épistémologiques et/ou didactiques pour les enseignements [1] ».
1 – Problématique
3Nous ne souhaitons pas ici faire état de manière précise des pratiques non formelles de recherche sur Internet développées par les acteurs observés lors de notre étude, mais définir l’approche « écologique » qui s’est imposée à nous, comme un principe d’évidence à la fois conceptuelle et méthodologique pour mener à bien notre recherche. En effet, seule cette approche nous semble garantir la vision des pratiques informationnelles des acteurs en relation avec les logiques sociales qui les traversent.
4Dans cet article, nous présenterons les fondements de cette approche écologique, et expliquerons brièvement notre protocole de recherche la mettant en œuvre concrètement. Puis nous nous pencherons sur ce que cette approche nous a permis d’apprendre sur la considération d’Internet au sein de la sphère non formelle. Ensuite, nous ferons état d’observations menées au sein de la sphère scolaire, évaluant le déploiement des « arts de faire [2] » dans un lieu marqué par la formalité.
2 – Cadrage théorique et méthodologique
Définition conceptuelle
5Faire preuve d’intention écologique, c’est pour nous reconnaître le rôle fondamental de l’environnement dans lequel le sujet instaure sa relation à l’outil de recherche numérique. Cet environnement prédispose à des attitudes et des conceptions que nous ne pouvons négliger, sous peine de laisser des points aveugles importants lors d’une recherche sur les pratiques informationnelles [3]. Les pratiques non formelles relèvent de l’action située : il n’est donc pas possible de les faire évoluer sans tenir compte de l’ensemble du contexte dans lequel elles s’inscrivent. Ainsi nous avons fait l’hypothèse que l’appréhension et l’appropriation de l’outil de recherche numérique sont liées de manière sensible au lieu et au contexte dans lesquels il est convoqué. L’approche écologique contribue à englober dans un vaste cadre socio-technique l’ensemble des éléments qui subissent des modifications de façon simultanée, et inclut ces éléments au sein d’un environnement informationnel situé. Nous soutenons que l’activité de recherche est une action située, dépendant fondamentalement des circonstances matérielles et sociales de son exercice [14].
6C’est ainsi que la sémiologie va à la rencontre des sciences de l’information et de la communication, conçues comme l’étude de l’échange, de la production et de la circulation des signes en général au sein d’une culture [3]. Nos souscrivons à l’approche sémiotique de Charles Sanders Peirce, selon laquelle tout est signe : le caractère illimité de la sémiologie peircienne nous permet de considérer le signe comme émanant d’une personne, certes, mais également d’un système d’information, d’un outil de recherche. Nous avons pu constater, lors de notre investigation, que les usagers-récepteurs observés élaborent des rapports de sémiose divers dont l’émetteur est aussi l’outil numérique [7].
7En outre, par notre travail, nous espérons modestement contribuer à l’enrichissement des approches psychologiques de la recherche d’information, qui ont pour vocation de décrire les processus cognitifs tels qu’ils se déroulent effectivement chez l’individu, ainsi que les facteurs individuels qui influencent l’organisation de ces processus et leur efficacité [8]. Notons que des études de référence existent déjà dans ce domaine, concernant notamment les pratiques informationnelles développées par les élèves du premier degré au sein d’un dispositif institutionnel [9]. La thèse de Nicole Boubée [2] constitue à nos yeux une avancée dans notre domaine d’investigation. Son étude apporte des éléments extrêmement fins pour accéder à la compréhension des pratiques documentaires des élèves. Elle ne fait cependant pas intervenir le questionnement des imaginaires et représentations qui sont liés à ces pratiques, ni les acteurs de formations documentaires.
8Or c’est pour nous dans ce jeu d’interactions entre les élèves et les enseignants, considérés selon une approche écologique au sein d’un lieu d’influences formelles, que résident les potentialités de régulation à terme de l’action de médiation documentaire.
Protocole de recherche
9Notre recherche porte sur les imaginaires, représentations et pratiques informationnelles sur Internet des élèves de classe de 6e confrontés aux imaginaires, représentations et pratiques de formation développés par les enseignants documentalistes [4]. Dans une perspective écologique, ces deux types d’acteurs sont aussi considérés comme des individus sociaux, et en ce sens Internet est vu comme un objet socialement partagé qui, dans le cadre de l’enseignement info-documentaire, subit une reconfiguration pour devenir un objet d’enseignement-apprentissage commun.
10Concrètement, nous avons combiné des techniques d’analyse qualitative, afin d’articuler les idées et les faits, les intentions et les pratiques, et de favoriser chez les acteurs la mise en récit de leurs pratiques. Pendant deux années scolaires, nous avons mené des investigations au sein de trois collèges aux profils différenciés (le collège A est situé en zone rurale, le collège B au cœur d’une grande ville, et le collège C appartient à un réseau d’éducation prioritaire). Nous y avons observé – en optant pour la méthode de l’observation distanciée – des situations de recherche sur Internet menées au CDI par des élèves, ainsi que les séances de formation à Internet dispensées par les professeurs documentalistes à destination du niveau 6e. Parallèlement nous avons mené des entretiens semi-directifs individuels avec les élèves (45 collégiens de 6e interrogés) et les enseignants documentalistes (Pr-Doc A, Pr-Doc B, Pr-Doc C).
3 – Appréhension d’Internet dans la sphère non formelle
11La recherche d’information est un processus par lequel l’individu tente de construire sa propre zone de sens à partir de ses expériences et socialisations vécues et en fonction d’objectifs. De là notre intérêt pour l’environnement et les conditions dans lesquels les acteurs de notre étude développent leurs pratiques numériques non formelles. Cela revient à considérer la place d’Internet dans les rapports sociaux et dans la vie quotidienne.
12En effet, avant d’être un objet d’enseignement-apprentissage, intégré par la sphère formelle, Internet est un objet social, que tout un chacun s’approprie en fonction de ses pratiques ordinaires. Par son inscription dans la sphère familiale, Internet est l’objet de négociations entre les membres, qui doivent aménager leur espace d’expression et de déploiement de leurs pratiques en fonction des autres.
Des sphères de pratiques différenciées
13Si chacun des acteurs interrogés disposant d’une connexion à domicile décrit une intégration de l’outil dans sa vie quotidienne, il semble que ces pratiques soient véritablement spécifiques à l’usage privé.
14Ainsi nombreux sont les adolescents qui, comme Loïc (collège B), affirment : « Internet, c’est pour apprendre à l’école, c’est tout en fait ». Olivier (collège B) confirme : « Les recherches, c’est pour l’école de toutes façons », dessinant ainsi une frontière nette entre les pratiques numériques prescrites dans le cadre scolaire et celles développées dans la sphère non formelle. Dès lors, la recherche d’information sur Internet est vécue comme une obligation scolaire, là où l’usage communicationnel de l’outil numérique est circonscrit à la sphère non formelle, et donc lié à la notion de plaisir et de liberté : « C’est comme une loi […] Le chat, c’est du plaisir, à l’école on n’est pas là pour ça » (Loïc, collège B).
15Tous les élèves des collèges A et B opèrent une forte distinction entre leurs pratiques personnelles d’Internet et les pratiques scolaires. Marion (collège A) reconnaît d’ailleurs ne pas être adepte de la recherche sur Internet : « J’en fais quand il faut en faire, c’est pour l’école en fait ». Cette dichotomie a déjà été pointée en 2005 par Jacques Piette, qui oppose « l’Internet des jeunes » et « l’Internet de l’école » [13].
16La recherche d’information sur Internet est vue par les élèves interrogés comme une activité contraignante, de par le cadre prescriptif qui a donné lieu à son exécution, autrement dit l’imposition scolaire. Les adolescents n’englobent pas dans ce terme de « recherche » les nombreuses navigations sur Internet liées à l’écoute d’une musique, l’exploration d’une thématique qui les intéresse ou encore la recherche d’une vidéo.
17Du côté des enseignants documentalistes de notre étude, la distinction entre l’usage professionnel d’Internet au sein de l’établissement et l’usage privé de l’outil est moins nette. Si Pr-Doc C a créé un univers Netvibes qui lui permet de consulter plusieurs dossiers en relation avec ses différents centres d’intérêt, effectuant une veille informationnelle très régulière sur chacun de ces dossiers lorsqu’elle est chez elle, et consacre beaucoup de temps également à la lecture de ses courriels à domicile, Pr-Doc B déclare pratiquer de manière intensive la recherche d’information sur Internet, quel que soit le cadre d’action envisagé. De même pour Pr-Doc A, qui avoue même n’avoir jamais « chatté », reconnaissant que cette fonctionnalité ne l’« attire » pas.
Une appropriation effectuée en confiance
18Les réseaux familiers dans lesquels évoluent les acteurs interrogés jouent un rôle prépondérant dans leur processus d’appropriation d’Internet. Pour nous, considérer l’activité sociale qui donne lieu à des modalités d’appréhension de l’outil, c’est véritablement « refuser de limiter l’apprentissage à des moments construits pour cela, à la présence d’une intention d’apprendre, voire à la conscience d’apprendre » [4, p. 5].
19La familiarisation avec Internet implique un processus d’incorporation durant lequel l’individu s’adonne pour apprendre à une pratique solitaire et prolongée. Cette familiarisation suppose ensuite une autonomisation graduelle vis-à-vis des appuis nécessaires à l’apprentissage, et notamment des proches ou personnes qui ont contribué à faciliter l’apprentissage [12]. Nous avons pu constater à travers les récits des interrogés que cette appropriation se déroule dans des conditions sécurisantes pour les adolescents, qui peu à peu s’affranchissent des modèles initiaux.
20Les interrogés expriment la certitude de pouvoir s’appuyer sur l’expertise et le conseil d’un membre de la famille en cas de difficulté. Liée à cette certitude est affirmée l’assurance de bénéficier d’un accompagnement bienfaisant, marqué par une absence d’agressivité et de jugement. « C’est important pour moi que ma grande sœur, elle m’aide, comme ça je ne m’inquiète pas trop, si j’y arrive pas, je sais qu’il y aura quelqu’un pour m’aider, sans s’énerver ni se moquer de moi », explique Valentine (collège B). De la même façon, William (collège A) souligne que ses parents, en particulier sa mère, l’aident volontiers dans ses recherches sur Internet, et cette présence est, selon ses propres mots, « rassurante » car : « Je sais que si ça va pas, elle est là, on va m’aider sans me punir. » Plus encore, Marie (collège C) insiste sur la patience dont a fait preuve sa grande sœur pour faciliter sa familiarisation avec l’outil de recherche. Les proches apparaissent ainsi bienfaisants envers les difficultés et les hésitations des jeunes utilisateurs, qui recourent à leurs services sans crainte d’un jugement normatif, ce qui concourt à une appropriation positive de l’outil.
4 – Appréhension d’Internet dans la sphère formelle
21Notre approche écologique nous incite à prendre en compte le contexte dans lequel se déploient les pratiques des élèves et des enseignants documentalistes de notre étude : le centre de documentation et d’information (CDI), qui est incontestablement marqué par le sceau scolaire, et dont le fonctionnement est régi par le règlement général de l’établissement. Chacun des acteurs projette une représentation du centre de ressources qui structure ses pratiques documentaires en son sein. Le CDI apparaît comme un espace fort en significations, aux confins du formel et du non formel [6].
Un espace de prescriptions
22Lorsque nous avons envisagé la recherche sur Internet avec les enseignants documentalistes comme avec les élèves interrogés, c’est la définition de prescriptions traversant les pratiques situées au CDI qui a été le premier élément mis en avant. Non seulement l’accès à l’utilisation d’Internet est réglementé, mais la démarche de recherche elle-même fait l’objet d’une modélisation par l’enseignant documentaliste. Ces éléments donnent un éclairage à la fois sur la conception personnelle d’Internet qu’a le professionnel au sein du régime informationnel et sur sa représentation des pratiques non formelles des élèves.
23Si l’utilisation des documents sur support papier ne fait pas l’objet d’un règlement particulier (si ce n’est le plus souvent l’absence de prêt des livres documentaires), celle d’Internet au CDI est soumise à des prescriptions strictement établies, et respectées par les élèves.
24Pour faire une recherche sur Internet au CDI du collège A, l’élève doit faire part de sa volonté de recourir à l’outil numérique auprès de l’enseignant documentaliste. S’amorce alors entre l’enseignant et le collégien une phase de discussion-négociation, destinée à évaluer la pertinence du recours à Internet pour mener la recherche souhaitée. Par souci de réguler de manière rigoureuse l’accès à Internet pour les recherches, et craignant des débordements d’usages, Pr-Doc B a instauré un « planning d’inscriptions pour les recherches informatiques ». Les élèves doivent se présenter au CDI pour expliquer le contenu et la finalité de la recherche qu’ils souhaitent faire, et prendre rendez-vous par le biais de ce planning auprès de l’enseignante. Aucune recherche sur Internet n’est autorisée si elle n’a pas été planifiée (et donc motivée) en amont. Comme au collège B, l’accès à Internet au collège C est régi par une inscription préalable auprès de la professeure documentaliste sur un planning. Toutefois, le système apparaît sensiblement plus souple qu’au collège B : un élève peut effectuer une recherche sur Internet même s’il a négligé de s’inscrire préalablement, à la seule condition qu’un poste informatique soit disponible.
25Cherchant à savoir comment les élèves percevaient ces règles d’accès à Internet, nous avons identifié trois types de ressentis : l’acceptation de la règle, la soumission vécue avec un certain malaise, la rébellion exprimée face à cette règle.
26La majorité des élèves de 6e interrogés disent accepter la règle d’accès à Internet, et ne se permettent pas de la contester lors de l’entretien. C’est particulièrement vrai pour les élèves des collèges A et C, qui ont même tendance à appuyer cette prescription. Ainsi Romain (collège A) compare la règle en vigueur au sein du CDI et celle éprouvée à domicile. Le professeur documentaliste, en tant que détenteur de cette prescription, semble aux yeux de l’adolescent se substituer à la figure maternelle dans l’enceinte scolaire : « Faut pas aller sur l’ordi si on le demande pas, mais bon, c’est pareil qu’à la maison. À la maison, c’est ma mère qui me dit si je peux ou pas, au collège, enfin au CDI, c’est Monsieur [A]. »
27Toutefois le fait de devoir s’adresser à l’enseignant pour formuler sa demande d’accès à un poste informatique influe incontestablement sur la quantité des demandes formulées. Certains élèves s’avouent mal à l’aise avec cette prescription. Océane, élève au collège C, reconnaît que cette règle la « bloque » car elle a « trop peur de demander à Madame [C] » et que celle-ci « dise non ».
28D’autres collégiens font plus clairement part de leur désaccord quant à cette règle d’accès à Internet au CDI. C’est le cas exclusivement d’élèves du collège B. Néanmoins aucun ne se risque à contredire de manière pratique la règle en vigueur : leur rébellion est purement discursive et leur contestation est souvent discrètement formulée. Ainsi, une élève, qui n’avait pas réservé au préalable un poste informatique, demande à Pr-Doc B l’autorisation d’utiliser un ordinateur afin de taper un article pour le journal du collège. L’enseignante donne immédiatement son aval. Dès que Pr-Doc B a le dos tourné, la collégienne s’exclame, moqueuse : « Attention, pas sur Internet, hein ?! » Nous l’interrogeons sur les raisons d’une telle boutade : « Ici, attention, Internet, c’est sacrilège ! Pour y aller, faut vraiment le vouloir ! »
29Si, quel que soit l’établissement envisagé, l’accès à Internet fait l’objet d’une réglementation, la démarche documentaire adoptée au sein du centre de ressources s’avère également soumise à des règles fixées par le professionnel.
30Celle que les enseignants favorisent dans la sphère formelle est caractérisée par une forte hiérarchisation des supports, les élèves se voyant imposer un ordre de recours strict aux supports de recherche. Le dictionnaire et les livres documentaires sont envisagés en priorité, et le recours à Internet intervient lorsque ont été épuisées les autres possibilités de recherche. Pour expliquer cette prescription, les professeurs documentalistes avancent deux raisons majeures.
31La première est d’ordre professionnel : « Parce que sinon, c’est euh… ben, je vais sur l’ordinateur, et puis… et puis, je sers plus à rien ! » (Pr-Doc B). Intéressante remarque qui laisse transparaître le malaise identitaire vécu par la professionnelle face à l’apparition d’Internet dans les pratiques ordinaires : l’enseignante ne se reconnaît pas un rôle naturel de médiatrice entre l’information numérique et les élèves, là où sa fonction de médiation lui paraît évidente entre l’information sur support papier et l’apprenant.
32La deuxième raison avancée pour justifier l’ordre de recours aux supports est davantage culturelle : « Je tiens à ce que [les élèves] aient le réflexe livres, toujours, je défendrai toujours le support livre, au sens pertinence, pertinence du propos » (Pr-Doc C). Une « culture livresque » (Pr-Doc A) est mise en avant pour expliquer ce net encouragement à l’utilisation du support papier, qui semble de surcroît, aux yeux des professeurs documentalistes, plus facile à appréhender pour mener une recherche informationnelle.
33Au-delà de la hiérarchisation des supports, les enseignants documentalistes rencontrés lors de notre étude accordent une place très importante au logiciel documentaire BCDI. Cet outil professionnel est un objet de référence pour eux ; tout en étant conscients de ses défauts, ils lui confèrent de hautes qualités en matière de recherche documentaire. Le recours à BCDI est d’emblée considéré comme « une vraie alternative à Internet » (Pr-Doc B) qui permet de « canaliser les élèves » (Pr-Doc A). Il participe à l’affirmation de leur expertise aux yeux des élèves, les enseignants insistant sur la légitimation de leurs pratiques informationnelles via la promotion du logiciel auprès des collégiens.
34Nous avons pu remarquer qu’à trois reprises, lors de l’entretien, Pr-Doc A parle de « notre outil » pour désigner BCDI, et l’oppose à Internet, caractérisé par « leur outil », c’est-à-dire celui des élèves. Il s’agit ainsi de configurer de manière nouvelle les pratiques informationnelles des usagers du centre de ressources, qui n’ont pas là l’opportunité de s’appuyer sur leurs pratiques non formelles. Un jeu de pouvoir est ici mis en lumière, si l’on en juge par les propos très significatifs des enseignants documentalistes : « Avec BCDI, c’est eux [les élèves] qui viennent sur notre terrain » (Pr-Doc A) ; « Avec BCDI, quelque part, on a les pleins pouvoirs ! » (Pr-Doc B).
35Les élèves sont tout à fait conscients de ce « terrain » qui leur est imposé. Conscients, mais pas pour autant amenés à modifier en profondeur leurs pratiques, résolument situées, et peut-être même encore davantage situées.
36Ainsi, lors d’une recherche au CDI, Anna et Orlane utilisent BCDI pour aller sur Internet, conformément à la prescription de Pr-Doc B. Les deux collégiennes adoptent la démarche prescrite par l’enseignante, mais non sans un regard critique : « Moi, je vous l’avoue : on apprend BCDI en cours, alors au CDI on y va, mais j’y vais jamais et je sais que j’irai jamais de moi-même. Je vois pas l’intérêt pour les recherches sur Internet, il y a beaucoup moins de sites que quand tu passes par Google », dit Anna. Orlane renchérit : « C’est vrai, je suis d’accord. Moi, BCDI, je m’y fais pas. Au CDI, je fais ce qu’on me dit, mais ailleurs Google is my friend ! [rires] »
Une activité de recherche très encadrée
37Lorsqu’elles peuvent se déployer au sein du CDI, les pratiques des élèves sur Internet apparaissent très encadrées par les enseignants documentalistes. La vigilance est de mise pour surveiller la navigation des élèves. Plus encore, nous avons pu assister à des phases de recadrage de la démarche de recherche, où les professionnels limitent l’expression des pratiques non formelles pour imposer une formalité agissant comme une norme.
38Dès que les élèves effectuent une recherche sur Internet, au sein du CDI, nous avons pu constater que les professeurs documentalistes ne sont jamais bien loin, contrairement au comportement qu’ils adoptent lorsque des élèves explorent des livres documentaires à la recherche d’informations sur une thématique. Pr-Doc B reconnaît d’ailleurs être « derrière le dos des élèves » confrontés à une recherche numérique. Cette surveillance de leur navigation ne passe pas inaperçue, et beaucoup reconnaissent qu’elle a un effet dissuasif sur leur comportement documentaire : « J’aime pas faire les recherches sur Internet au CDI, j’ai trop l’impression que c’est surveillé quand même, je préfère faire comme je veux chez moi », avoue William (collège A). L’impression de surveillance des pratiques d’Internet au CDI semble donc conduire à l’accentuation de la dichotomie entre pratiques non formelles et pratiques marquées du sceau de la formalité scolaire.
39Pour un exposé, Chloé (collège B) recopie les informations trouvées sous le lien hypertexte Wikipédia de la page de résultats de Google, mais elle clique sur le second lien pour afficher la page. Elle nous explique : « Il faut pas que Madame voie que j’ai pris les renseignements dans Wikipédia, elle va pas aimer ça du tout. » Cette crainte de la réaction enseignante traverse de nombreux discours d’élèves. William rechigne à faire ses recherches sur Internet, craignant que Pr-Doc A constate de sa part une démarche inadaptée (ce que l’adolescent appelle « faire une bêtise ») et fasse part de son mécontentement : « Il [Pr-Doc A] doit pas être content, et il doit le dire, et moi je veux pas, quoi… »
40Le rapport à l’activité et aux outils de recherche numérique est construit sous un angle affectif par les élèves, qui ont le souci de ne pas entrer en conflit avec leur enseignant documentaliste, conscients que ce dernier entretient lui aussi avec l’activité informationnelle sur Internet un rapport affectif.
41Ainsi, Arthur (collège B) fait le choix de ne pas cliquer sur le lien Wikipédia proposé par Google : « Ici, faut pas prendre Wikipédia », nous explique-t-il tout bas, prenant garde que Pr-Doc B ne puisse l’entendre. Et de justifier : « Madame [B], elle aime pas. » Arthur ne modifie pas de manière effective sa pratique non formelle de recherche. Il se soumet simplement à la prescription de l’enseignante documentaliste, adoptant un comportement qu’il sait que celle-ci jugera positif. C’est juste parce qu’il sait que Pr-Doc B n’appréciera pas qu’il utilise l’encyclopédie collaborative en ligne qu’il ne le fait pas au CDI, mais l’emploi du déictique « ici » montre bien qu’il s’agit d’une pratique située, contrainte par le conditionnement du lieu.
42Surveillée, encadrée, l’activité de recherche sur Internet menée au CDI fait aussi souvent l’objet de la part du professeur documentaliste d’un recadrage qui s’opère toujours au bénéfice du support papier, alors érigé par le professionnel en outil incontournable, légitime, de la recherche efficace. Ce recadrage s’avère plutôt abrupt, laissant ainsi s’exprimer le jugement de l’enseignant sur les pratiques des collégiens.
43Prenons le cas de cette situation de recherche sur Internet mise en place par deux élèves cherchant des informations sur les filières professionnelles. À la vue de la requête posée par les deux jeunes filles (« fillière [sic] professionnelles après la classe de 3e du collège »), le professeur documentaliste intervient : « Allez voir dans les dossiers Orientation du CDI, vous faites n’importe quoi ! » L’on mesure ici l’absence d’échange concernant les processus cognitifs ayant conduit les élèves à formuler ainsi leur recherche. L’enseignant ne propose pas une aide pour rendre plus efficace la recherche sur Internet ; il renvoie automatiquement les élèves vers des documents sur support papier, sans pour autant argumenter cette prescription. Est pointé de manière plutôt brutale le manque d’expertise des élèves, accusées de « faire n’importe quoi ».
44Si la pertinence de la prescription n’est pas argumentée par l’enseignant documentaliste, la pertinence du recadrage elle-même laisse parfois sceptique. Nous pensons à Pierre (collège A), souhaitant faire une recherche sur la seconde guerre mondiale. Confronté à la page d’accueil du serveur Kwartz de l’établissement, ne ressemblant pas à la page d’accueil de Google qu’il a coutume de voir chez lui, le collégien demande de l’aide : « Vous pouvez me montrer comment on va sur un site ? » Pr-Doc A s’empare alors de la souris, ferme la fenêtre, et ouvre BCDI : « Tu tapes ici, ça ira mieux. » Il quitte l’élève. L’enseignant n’a pas expliqué à Pierre sa démarche de recadrage, et ne lui a pas non plus dit qu’il n’utilisait plus Internet mais un autre outil de recherche. Pierre tape sa requête dans la barre de recherche du logiciel : « Tout sur la guerre ». Il justifie à notre encontre : « Comme ça, il me donnera tout, tout, tout… sinon, il va dire que des parties, alors que là j’aurai tout. » Évidemment, sa recherche n’aboutit pas, et le message « 0 notice » s’affiche. Apercevant de loin l’échec de la requête de Pierre, le professeur documentaliste lui lance : « Tape seconde guerre mondiale ! ». L’élève s’exécute, mais écrit phonétiquement : « segonde guerre mondiale ». Sa recherche se solde une nouvelle fois par un échec. Pierre abandonne.
45Cet exemple est intéressant à double titre : d’abord parce qu’il montre que l’enseignant substitue dès qu’il le peut à la recherche sur Internet un outil de référence à ses yeux, le logiciel documentaire ; ensuite parce qu’il témoigne d’une différence d’attitude de la part du professionnel, qui ne fait plus preuve de vigilance ni du même souci d’accompagnement de l’utilisateur à partir du moment où il a en quelque sorte « confié » l’élève à cet outil de référence.
5 – Discussion
46L’approche écologique que nous avons adoptée pour mener notre recherche sur les pratiques informationnelles des collégiens sur Internet démontre ainsi avec force le caractère éminemment situé de ces pratiques traversées par des logiques sociales qui, selon les sphères de déploiement envisagées, ont des caractéristiques propres.
47Dans la sphère non formelle, l’appréhension de l’outil Internet et de l’activité de recherche numérique se fait dans un climat de confiance entre les membres du groupe, où chacun bénéficie de l’expertise de l’autre, donnée en partage de manière spontanée et non agressive. Dans la sphère formelle, le climat d’appréhension de l’outil numérique est tout autre : le poids des prescriptions d’usages et de pratiques est très fort, contraignant les démarches informationnelles qui, dès lors, ont peu de possibilité de s’exprimer pleinement. L’expertise considérée est celle du professionnel de l’information-documentation, qui l’impose davantage qu’il ne la partage avec les élèves, ses conseils s’apparentant à des prescriptions rigoureuses, et faisant peu l’objet d’une verbalisation explicitée.
48Dès lors l’écart semble se creuser entre les pratiques non formelles, développées dans une sphère d’apprentissage sécurisante et valorisante, et les pratiques formelles, vécues comme des impositions situées – et par conséquent circonscrites – au centre de ressources scolaires. Cette dichotomie nous paraît urgente à pointer car elle recèle un risque très important : que les usagers se détournent des centres de ressources marqués par la formalité pour pouvoir développer leurs pratiques informationnelles ordinaires, et que les professionnels de l’information ne puissent plus jouer leur rôle de médiateurs. Chacun risque de circonscrire ses pratiques informationnelles à un lieu, dotant celui-ci de caractéristiques modélisantes et, partant, associant à ce contexte les outils de recherche exploités.
49Nous pensons à ces nombreux élèves de notre étude qui emploient volontiers les adjectifs possessifs pour signifier qu’ils évoquent des outils de référence appartenant à l’enseignant documentaliste. Olivia et Manon le disent : « Ce sont ses livres » (collège A). Raphaël quant à lui remarque l’insistance de Pr-Doc B pour qu’il utilise « son site à elle », autrement dit : le logiciel documentaire. L’adolescent ne cache pas sa désapprobation : « J’aime pas ce site, je le connais pas, je comprends pas bien pourquoi il faut aller sur ce truc-là qui donne pas beaucoup de réponses, alors qu’il y a plein de choix sur Google. »
50Un rejet réciproque des « outils de référence » des uns et des autres voit le jour : les enseignants documentalistes rejettent Internet, aux yeux des élèves, pour leur imposer un outil qu’ils ne connaissent pas et ne fréquentent pas dans la sphère non formelle ; les élèves rejettent donc aussi BCDI, le cantonnant à la prescription scolaire.
51Il ne s’agit pas de faire œuvre démagogique en prônant l’utilisation exclusive par le professionnel des outils de recherche connus des utilisateurs. Il nous semble en effet que le professionnel de l’information-documentation a une fonction d’émancipation envers son public, lui permettant d’accéder à la connaissance et à la compréhension d’un environnement informationnel peu familier. Toutefois, le professionnel ne peut favoriser une réelle émancipation de l’usager sans s’appuyer ni sur ses pratiques non formelles ni sur ses connaissances médiatiques déjà élaborées. Loin de constituer des concurrences à ses pratiques plus formelles, loin de remettre en cause son expertise professionnelle, ces démarches ordinaires, connues du professionnel grâce à une approche écologique des pratiques informationnelles, constituent un levier pour qu’il puisse faire œuvre avec efficacité de médiation documentaire. •
52Janvier 2011
Bibliographie
Références
- 1Annette BÉGUIN-VERBRUGGE. « Pourquoi faut-il étudier les pratiques informelles des apprenants en matière d’information et de documentation ? ». Communication au colloque CIVIIC « Histoire et savoirs », Rouen, mai 2006. http://prelude.in2p3.fr/docs/prl-00001574.pdf
- 2Nicole BOUBÉE. Des pratiques documentaires ordinaires : analyse de l’activité de recherche d’information des élèves du secondaire. Thèse en sciences de l’information et de la communication, sous la dir. de Viviane Couzinet et André Tricot. Université Toulouse II, 2007. 334 p.
- 3Daniel BOUGNOUX. Introduction aux sciences de la communication. 2e éd. Paris : La Découverte, 2001. 125 p. (Repères)
- 4Gilles BROUGÈRE. « Les jeux du formel et de l’informel ». Revue française de pédagogie, 2007, n° 160, p. 5-12
- 5Michel de CERTEAU. L’invention du quotidien. 1 : Arts de faire. 2e éd. Paris : Gallimard, 2004. 349 p. (Folio Essais)
- 6Anne CORDIER. « Le CDI : un laboratoire à la croisée des mondes ». Médiadoc, 2009, n° 3, p. 6-10
- 7Anne CORDIER, Vincent LIQUÈTE. « Apprenants, formateurs et environnement informationnel : à la croisée des sens ». Communication au colloque « Interprétation et problématiques du sens » de l’ARCO (Association pour la recherche cognitive), 9-11 décembre 2009, Rouen. In : Cognitica : ARCo’09 : Actes du colloque de l’Association pour la recherche cognitive. P. 179-181. http://arco09.colloques.univ-rouen.fr/IMG/pdf/actes-arco09.pdf
- 8Jérôme DINET, Jean-François ROUET. « La recherche d’information : processus cognitifs, facteurs de difficultés et dimension de l’expertise ». In : Céline Paganelli (dir.). Interaction homme-machine et recherche d’information. Paris : Hermès Science Publication, 2002. P. 133-161
- 9Nadia GAUDUCHEAU, Frédérique CUISINIER, Catherine GARITTE. « Utilisation d’hypermédia et recherche d’information chez les enfants ». In : Aline Chevalier, André Tricot (dir.). Ergonomie des documents électroniques. Paris : PUF, 2008. P. 103-128
- 10Madjid IHADJADENE, Stéphane CHAUDIRON. « Des processus aux pratiques : quels modèles informationnels pour analyser l’accès à l’information en contexte professionnel ? ». Communication au colloque international « Évolutions technologiques et information professionnelle : pratiques, acteurs et documents », Université Stendhal, Laboratoire GRESEC, 11-12 décembre 2009. http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/46/87/28/PDF/Ihadjadene-Chaudiron_GRESEC.pdf
- 11Joëlle LE MAREC. Ce que le “terrain” fait aux concepts : vers une théorie des composites. Habilitation à diriger des recherches, sous la dir. de Baudouin Jurdant. Université Paris VII, 2001-2002. 195 p.
- 12Benoît LELONG. « Savoir-faire technique et lien social : l’apprentissage d’internet comme incorporation et autonomisation ». In : Christian CHAUVIRÉ, Albert OGIEN (dir.). La régularité : habitude, disposition et savoir-faire dans l’explicitation de l’action. Paris : EHESS, 2002. P. 262-292. (Raisons pratiques)
- 13Jacques PIETTE. « Le nouvel environnement médiatique des jeunes : quels enjeux pour l’éducation aux médias ? » Recherches en communication. 2005, n° 23, p. 233-255. http://sites.uclouvain.be/rec/index.php/rec/article/viewFile/5011/4741
- 14Lucy SUCHMAN. Human et machine reconfigurations : plans and situated actions. Cambridge : Cambridge University Press, 2007
Notes
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[1]
Après une centration sur l’histoire des CDI, les recherches universitaires françaises ont longtemps porté les marques du problème identitaire et la quête d’une légitimité par la profession. Depuis quelques années, un tournant est opéré dans ces travaux, en lien avec les évolutions tant du métier lui-même que des instructions officielles définissant ses contours : les sciences de l’information et de la communication ont investi pleinement le domaine de recherche en information-documentation, et de nombreuses thèses sont en cours, qui apportent une réflexion sur les questions liées aux pratiques informationnelles des jeunes, notamment en relation avec les nouveaux supports, l’éducation à l’information, et la didactisation des apprentissages info-documentaires.
-
[2]
Michel de Certeau [5] qualifie ainsi les pratiques, ensemble de procédures, schémas d’opération et manipulations techniques, qui s’exercent au quotidien selon une logique de braconnage, et par lesquels les utilisateurs se réapproprient un espace organisé.
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[3]
Dans la démarche anthropo-centrée qui est la nôtre, nous comprenons les « pratiques informationnelles » telles que définies par Madjid Ihadjadene et Stéphane Chaudiron comme « la manière dont l’ensemble des dispositifs […], des sources (en particulier d’informations mais aussi les ressources humaines), des compétences cognitives et habiletés informationnelles sont effectivement mobilisés dans les différentes situations de production, de recherche et de traitement de l’information » [10].
-
[4]
Par «représentation », nous entendons la considération, au sein du champ didactique, d’un savoir ordinaire en cours de modélisation ou plutôt d’actualisation par le biais de processus communicationnels ancrés dans des situations et logiques sociales [11]. Nous ajoutons à notre analyse des représentations celle de l’imaginaire, vu comme le fondement des représentations, constituant un rapport primaire au monde. Sans avoir l’opérationnalité pragmatique de la représentation, ce concept d’imaginaire permet de prendre en compte le ressenti émotionnel de l’individu, face à un objet, une situation, mais aussi face à un groupe social.