Notes
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[1]
Pietro della Valle, Troisiesme partie des fameux voyages de Pietro della Vallé, gentil-homme romain, surnommé l’illustre voyageur, Paris, Gervais Clouzier, 1663, p. 28.
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[2]
Cette scène est également racontée par Don García de Silva y Figueroa dans sa relation : voir L’Ambassade de D. Garcias de Silva Figueroa en Perse, Paris, Louis Billaine, 1667, pp. 305-310.
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[3]
Sur la rivalité de prestige entre l’Iran safavide et l’Inde moghole, voir Corinne Lefèvre, « Jahangir et son frère Shah ‘Abbas : compétition et circulation entre deux puissances de l’Asie mineure de la Première Modernité », in Denis Hermann, Fabrizio Speziale (dir.), Muslim Cultures in the Indo-Iranian World during the Early Modern and Modern Periods, Berlin, Institut Français de Recherche en Iran, Klaus Schwarz Verlag, 2010, pp. 23-56.
-
[4]
Pietro della Valle, Delle Conditioni di Abbàs, rè di Persia, all’illustriss. et reverendiss. Sig. Francesco, cardinal Barberino, Venise, Francesco Baba, 1628.
-
[5]
Pietro della Valle, Histoire apologetique d’Abbas, Roy de Perse. En la personne duquel sont representées plusieurs belles qualitez d’un Prince heroïque, d’un excellent Courtisan, et d’un parfaict Capitaine. Traduicte de l’Italien de Messire Pierre de la Valee, gentil-homme Romain, par J. Baudoin, Paris, Nicolas de la Vigne, 1631.
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[6]
Pour la France, voir par exemple Antonio de Gouvea, Relation des grandes guerres et victoires obtenues par le roy de Perse Cha Abbas contre les empereurs de Turquie Mahomet et Achmet son fils, Rouen, Nicolas Loyselet, 1646.
-
[7]
Voir Masashi Haneda, Le Chah et les Qizilbashs. Le système militaire safavide, Berlin, Klaus Schwarz Verlag, 1987, et « L’évolution de la garde royale des Safavides », Moyen Orient et Océan Indien, I, 1984, pp. 41-64.
-
[8]
Romain Bertrand, L’Histoire à parts égales. Récits d’une rencontre Orient-Occident (xvi e-xvii e siècle), Paris, Seuil, 2011.
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[9]
Après la mort de Shah Isma’il II (1576-1577), les émirs qizilbashs se livrent à une intense compétition pour s’approprier les ressources de la monarchie. La politique de conciliation de Shah Muhammad Khodabanda (1577-1587) ne suffit pas à apaiser les tensions entre les quatre principaux clans qizilbashs auxquels se rallient tous les autres : Ustajlu, Rumlu, Takkalu et Turkman. La volonté affichée par l’épouse du shah, Mahd’e Olya, puis son fils aîné Hamza Mirza, de rétablir l’autorité monarchique ne suffit pas à mettre un terme à la guerre civile. Voir Hasan Beg Rumlu, A Chronicle of the Early Safawis Being the Ahsanu’t-Tawarikh of Hasan-i Rumlu, éd. et trad. Charles Norman Seddon, Baroda, Oriental Institute, 1931-1934 ; Iskandar Beg Munshi, Tarikh-e ‘alam ara-ye ‘Abbassi. History of Shah ‘Abbas the Great, éd. et trad. Roger M. Savory, Boulder, Colorado, Westview Press, « Persian Heritage Series », n° 28, 1978, t. I, pp. 331-515.
-
[10]
Aussitôt après avoir destitué le père de ‘Abbas, Shah Muhammad Khodabanda (1577-1587), Murshed Quli Khan s’arroge la dignité de vakil qui lui permet de contrôler la répartition des gouvernements de province et de prendre en main l’administration royale. Voir Iskandar Beg Munshi, Tarikh-e ‘alam ara-ye ‘Abbassi, op. cit., t. I, p. 576.
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[11]
De tous les qulams promus à de hautes fonctions durant cette période, Allah Verdi Beg est sans doute l’exemple le plus marquant. D’origine géorgienne, il a commencé sa carrière dans l’entourage du prince Hamza Mirza en tant que chargé du département des joyaux (zargarbashi). Sa participation à l’éviction du vakil Murshed Quli Khan en 1588 lui vaut une importante promotion : il est élevé au rang d’émir, avec le titre de sultan, et reçoit en outre un tiyul situé dans la région d’Ispahan. Dans les années suivantes, il devient gouverneur du Fars, obtenant en 1598 le rang de khan. Lorsqu’il meurt en 1613, son gouvernement et sa fortune sont donnés à son fils Imam Quli Khan, en hommage aux services rendus.
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[12]
Figueroa, L’Ambassade, op. cit., p. 119.
-
[13]
Pietro della Valle, Suite des fameux voyages de Pietro della Vallé, gentil homme romain, surnommé l’illustre voyageur, seconde partie, Paris, Gervais Clouzier, 1664, p. 476.
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[14]
Iskandar Beg Munshi, Tarikh-e ‘alam ara-ye ‘Abbassi, op. cit., t. I, pp. 371-312 et 483-484.
-
[15]
Pietro della Valle, Suite des fameux voyages, op. cit., p. 476.
-
[16]
Au début du xvii e siècle, Shah ‘Abbas autorise les qulams à porter le taj-e haydari (bonnet de Haydar) lors des cérémonies officielles, à l’instar des émirs qizilbashs. Il faut souligner ici combien ce comportement peut sembler insolite alors que, deux décennies plus tôt, les émirs qizilbashs vivaient dans la constante proximité de leur souverain.
-
[17]
Pietro della Valle, Suite des fameux voyages, op. cit., p. 50.
-
[18]
En cela, Shah ‘Abbas se montre le digne héritier de ses prédécesseurs, grands consommateurs de vin. Seul son grand-père, Shah Tahmasb, avait renoncé aux excès de la boisson pour des raisons religieuses. Voir Shah Tahmasb, Tadhkira-ye Shah Tahmasb, éd. Amir Allah Saffari, Téhéran, 2e éd., 1363 H. (1984).
-
[19]
[Abel Pincon], Relation d’un voyage de Perse faict ès années 1598 et 1599 par un gentil-homme de la suitte du seigneur Scierley, ambassadeur du roy d’Angleterre, in Relations veritables et curieuses de l’isle de Madagascar, et du Bresil. Avec l’histoire de la derniere guerre faite au Bresil, entre les Portugais et les Hollandois. Trois relations d’Egypte et une du royaume de Perse, Paris, Augustin Courbé, 1651, p. 130.
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[20]
Dans sa relation, Abel Pincon le décrit comme « petit de stature, mais beau de visage, et bien proportionné, il a la barbe et les cheveux noirs. La peau un peu bazanée, comme sont ordinairement les Espagnols. Il a l’esprit fort, et vif, et le corps extrêmement souple, et fait à la peine, et plus que l’on ne le sçauroit croire » (Relation, op. cit., p. 135). Quant à Figueroa, il le dépeint comme un homme petit et vigoureux, ayant constamment à la ceinture un cimeterre à la garde brunie : voir L’Ambassade, op. cit., p. 236.
-
[21]
Pietro della Valle, Suite des fameux voyages, op. cit., p. 308.
-
[22]
Thomas Herbert, Relation du voyage de Perse et des Indes orientales, Paris, Jean Du Puis, 1663, p. 277.
-
[23]
Ibidem, p. 279.
-
[24]
Signée en 1590, la paix de Constantinople est en fait l’aboutissement d’un long processus de négociation engagé dès la fin des années 1580 par Hamza Mirza. Alors à la tête du gouvernement, le frère aîné de ‘Abbas tente de faire aboutir un accord avec les Ottomans pour se consacrer lui-même aux discordes des factions qizilbashs mais il est assassiné avant d’avoir pu mener son projet à bien. En 1587, le tuteur du jeune Shah ‘Abbas, Murshed Quli Khan Ustajlu, reprend à son compte ces négociations sans avoir non plus le temps de les mener à terme. Voir Iskandar Beg Munshi, Tarikh-e ‘alam ara-ye ‘Abbassi, op. cit., t. I, p. 576.
-
[25]
La montée en puissance de la famille safavide à partir du xiii e siècle est intimement liée à l’histoire de cette région montagneuse du nord de l’Iran. Voir Michel Mazzaoui, The Origins of the Safavids. Shi’ism, Sufism and the Gulat, Wiesbaden, Franz Steiner, 1972.
-
[26]
Dans le contexte des guerres vénéto-ottomanes du xv e siècle, une alliance a été proposée au chef de la Confédération des Aq Quyunlu, Uzun Hasan (1453-1478), lequel était marié à une princesse Comnène alliée à la famille vénitienne des Zeno. Sur les circonstances de cette alliance, voir Vladimir Minorsky, La Perse au xv e siècle entre la Turquie et Venise, Paris, E. Leroux, Publications de la Société des Études iraniennes et de l’Art persan, 8, 1933, et John E. Woods, The Aqqoyunlu, Clan, Confederation, Empire, Chicago, Bibliotheca Islamica, 1976. Dans les années 1530, Venise dépêche Michele Membrè en qualité de nouvel émissaire auprès de Shah Tahmasb, alors en guerre contre les Ottomans. Voir Michele Membré, Mission to the Lord Sophy of Persia (1539-1542), trad. A. H. Morton, Londres, School of Oriental and African Studies, 1993.
-
[27]
L’ambassadeur Husayn Beg Bayat est accompagné de quatre émirs qizilbashs, de rang moyen, et de quinze serviteurs ainsi que d’Anthony Sherley, de quinze gentilshommes anglais et de cinq interprètes. Sur le parcours d’Anthony Sherley entre l’Angleterre et l’Iran safavide, voir les travaux récents de Sanjay Subrahmanyam, Comment être un étranger. Goa, Ispahan, Venise (xvi e-xvii e siècles), Paris, Alma, 2013, pp. 129-222.
-
[28]
On peut lire le récit de l’entrée de cette ambassade à Rome dans un fascicule improprement attribué par certains catalogues à Guillaume Postel : L’Entrée Solennelle faicte à Rome aux Ambassadeurs du Roy de Perse, le cinquiesme avril 1601. Envoyez à N. S. Père le Pape pour contracter ligue contre le Turc et moyenner la réduction de son Royaume à la Religion Catholique, Apostolique et Romaine. Traduit de l’Italien et imprimé à Rome, Paris, Mettayer, 1601.
-
[29]
Husayn ‘Ali Beg Bayat est reçu en entretien privé par le cardinal d’Ossat le 27 mai 1601, quelques jours avant de quitter Rome. Son premier vœu est de venir en France avant de passer en Espagne. Voir les Lettres de l’illustrissime et reverendissime cardinal Dossat, evesque de Bayeux, au Roy Henry le Grand, Paris, Michel Blageart, 1641, p. 607.
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[30]
Fils du Sultan ‘Ali Beg Bayat, officier de l’armée safavide mort au siège de Tabriz en 1582, Ulugh Beg Bayat (1560-1605) fait partie de cette ambassade mandatée par Shah ‘Abbas auprès des princes européens. Converti au christianisme en Espagne, il rédige lors de son séjour à Valladolid, avec l’aide du licencié Ramón, une relation de ses voyages et de l’histoire politique de son pays. Il la fait paraître sous son nouveau nom chrétien : Don Juan de Persia. Voir Relaciones de Don Iuan de Persia. Dirigidas a la Magestad Catholica de Don Philippe III, Rey de las Españas, y señor nuestro. Divididas en tres libros, donde se tratan las cosas notables de Persia, la genealogia de sus Reyes, guerras de Persianos, Turcos, y Tartaros, y las que vido en el viaje que hizo à España: y su conversion, y la de otros dos Cavalleros Persianos, Valladolid, Juan de Bostillo, 1604.
-
[31]
Iskandar Beg Munshi, Tarikh-e ‘alam ara-ye ‘Abbassi, op. cit., t. II, pp. 826-833.
-
[32]
L’ambassade menée par le gentilhomme hongrois Etienne Kakash de Zalonkemeny comprend huit personnes. Seul Georges Tectander von der Jabel parvient au terme de son voyage. Il en fait le récit dans une relation traduite en français par Charles Schefer : Georges Tectander von der Jabel, Iter Persicum, description du voyage en Perse entrepris en 1602 par Étienne Kakasch de Zalonkemeny, envoyé comme ambassadeur par l’empereur Rodolphe II, à la cour du grand-duc de Moscovie et à celle de Chah Abbas, roi de Perse, Paris, E. Leroux, 1877.
-
[33]
Joseph von Hammer-Purgstall, Histoire de l’Empire ottoman depuis son origine jusqu’à nos jours, Paris, 1837, t. VIII, p. 60.
-
[34]
Sur la bataille de Sufiyan, voir Colin Imber, « The Battle of Sufiyan, 1605: A Symptom of Ottoman Military Decline? », in Willem Floor, Edmund Herzig (dir.), Iran and the World in the Safavid Age, Londres-New-York, I.B. Tauris, 2012, pp. 91-101.
-
[35]
Robert Mantran, Histoire de l’Empire ottoman, Paris, Fayard, 1989, pp. 157-158.
-
[36]
Voir Aurélie Chabrier, « La Monarchie safavide et la modernité européenne (xvi e-xvii e siècles) », thèse de doctorat de l’université Jean Jaurès, Toulouse, 30 novembre 2013, pp. 45-54.
-
[37]
« Il me demanda aussi pourquoy le Roy d’Espagne ne faisoit pas la guerre au Turc, je luy répondis que l’on faisoit tout ce qui se pouvoit, que l’on couroit incessamment les mers, que l’on se rendoit maistres tous les ans de quantité de vaisseaux, que l’on saccageoit des bourgs et des places d’importance […]. Le Roy dit que tout cela estoit peu de chose, et nullement avantageux ; mais qu’il falloit prendre Cypre [sic], recouvrer la terre sainte, avancer tousjours dans le pays ennemi, se le conserver, comme il faisoit » (Pietro della Valle, Suite des fameux voyages, op. cit., pp. 329-330).
-
[38]
Figueroa, L’Ambassade, op. cit., pp. 332-333.
-
[39]
Voir Mirza Rafia Ansari, Dastur al-Moluk, A Safavid State Manual, éd. et trad. Willem Floor et Mohammad Faghfoory, Costa Mesa, Mazda Publishers, 2007, pp. 83-84 et pp. 156-159. La charge de mehmandar bashi est permanente, à la différence des missions ponctuelles confiées aux mehmandaran. Cet officier appartient au corps des maqarrab al-hazrat, attaché à la cour. Il travaille en collaboration avec les autres officiers d’Ispahan, comme le vazir et le kanlantar, mais aussi avec ceux du divan et des magasins royaux. Willem Floor souligne qu’il dépend directement du qurshi bashi dans Safavid Government Institutions, Costa Mesa, Mazda Publishers, 2001, p. 164. Le chroniqueur Iskandar Beg Munshi nous apporte également des informations précieuses sur cet office : Tarikh-e ‘alam ara-ye ‘Abbassi, op. cit., t. I, pp. 166-173.
-
[40]
Figueroa, L’Ambassade, op. cit., p. 259.
-
[41]
Daniel Ménager, Diplomatie et théologie à la Renaissance, Paris, Puf, 2001, p. 48.
-
[42]
Abraham de Wicquefort, L’Ambassadeur et ses fonctions (1681), Cologne, Pierre Marteau, 1690, t. I, p. 227.
-
[43]
Le navire débarque à Bandar ‘Abbas en 1617. Edward Connock propose à ‘Abbas de faire aborder tous les ans des vaisseaux pour acheter de la soie. Les Portugais manifestent aussitôt leur opposition et font même pression pour que le shah ne le reçoive pas. Voir Pietro della Valle, Suite des fameux voyages, op. cit., pp. 169 et 383.
-
[44]
Pierre Chaunu, Conquête et exploitation des nouveaux mondes, Paris, Puf, « Nouvelle Clio », 1969, p. 196 ; Sanjay Subrahmanyam, L’Empire portugais d’Asie, 1500-1700 : histoire politique et économique, Paris, Maisonneuve et Larose, 1999 ; Willem Floor, The Persian Gulf. A Political and Economic History of Five Port Cities, 1500-1730, Washington, Mage Publishers, 2006.
-
[45]
Sur Ormuz et sa position stratégique à l’époque moderne, voir Dejanirah Couto et Rui Manuel Loureiro (dir.), Revisiting Hormuz. Portuguese Interactions in the Persian Gulf Region in the Early Modern Period, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, 2008, dont les communications s’inscrivent dans la lignée des recherches de Jean Aubin, « Le royaume d’Ormuz au début du xvi e siècle », Mare Luso-Indicum, 2, 1973, pp. 77-179.
-
[46]
Ernst van Veen, « La rivalité luso-néerlandaise sur la route des Indes (1596-1640) », Revue d’Histoire Maritime, n° 4, Rivalités maritimes européennes (xvi e-xix e siècles), PUPS, 2005, pp. 71-92. Les archives de la VOC ont par ailleurs été abondamment étudiées ces dernières années par Willem Floor, The Economy of Safavid Persia, Wiesbaden, Reichert, 2000.
-
[47]
Beaucoup des familles déportées par Shah ‘Abbas quitteront ces régions après sa mort en 1629. Voir Edmund M. Hertzig, « The Deportation of the Armenians in 1604-1605 and Europe’s Myth of Shah Abbas I », in Charles Melville (dir.), Pembroke Papers, Cambridge, 1990, pp. 59-71.
-
[48]
Voir Herbert, Relation du voyage de Perse, op. cit., p. 293, et Pietro della Valle, Suite des fameux voyages, op. cit., p. 242. Transformées en « terres de la Couronne » en 1598, le Gilan et le Mazanderan passent sous le contrôle direct de l’administration royale. Voir Rudi Matthee, The Politics of Trade in Safavid Iran. Silk for Silver, 1600-1730, Cambridge, Cambridge University Press, 1999, p. 75.
-
[49]
Selon Rudi Matthee (ibid., p. 102), la date qui peut être retenue pour l’établissement du monopole de la soie est 1619. La seule source safavide qui mentionne cette mesure est le Afzal al-tawarikh.
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[50]
Herbert, Relation du voyage de Perse, op. cit., p. 341. Les fondations sont de marbre blanc et les murs de briques cuites au soleil, ornés d’un glacis bleu, rouge et blanc. L’ornementation est recherchée avec de nombreuses arabesques peintes en fresque. Au centre du bâtiment, une grande cour et un étang alimenté par un qanat. Des jardins sont aménagés tout autour du caravansérail.
-
[51]
Sur la rencontre des rahdars chez Thévenot, voir les contributions de Yasmine Atlas et de Sylvie Requemora-Gros au présent dossier, respectivement pp. 54-57 et 79.
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[52]
Pietro della Valle, Troisiesme partie des fameux voyages, op. cit., p. 50 : « Le roy de Perse est, à dire le vray, le plus grand, et comme l’unique marchand de son Estat ; parce que s’il y a quelque grand gain à faire, il se le reserve pour luy seul, sans permettre que nul autre en soit participant, et il n’y a aucune sorte de marchandise dont il ne fasse trafic ».
-
[53]
Pour un bilan des études concernant le commerce des Arméniens de la Nouvelle Julfa au xvii e siècle, voir Sushil Chaudhury, Kéram Kévonian (dir.), Les Arméniens dans le commerce asiatique au début de l’ère moderne, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’Homme, 2008.
-
[54]
Pietro della Valle, Suite des fameux voyages, op. cit, p. 39 : « le roy a transferez tous ces peuples de plusieurs endroits, pour ne les pas abandonner sur les frontieres de Turquïe, où il y avoit danger de les perdre un jour ; si bien qu’il a deserté les extremitez de son royaume et en a conduit le peuple jusques icy, au centre de la Perse, où il leur a donné d’autres terres à cultiver : tellement que par ce moyen il s’est asseuré la possession de ces gens-là, qui d’ailleurs ne contribuent pas moins à la grandeur qu’à la richesse et à la beauté de cette ville d’Hisphahan que le roy, le premier de tous ses predecesseurs, a choisi pour sa demeure ordinaire, et dans laquelle, veu les bastiments que l’on éleve incessamment et les dépenses qui s’y font, l’on peut inferer qu’il se plaist souverainement. » Sur les conditions réelles de cette déportation, on lira le témoignage d’Arakel de Tabriz, écrit une cinquantaine d’années après les faits, mais qui porte la marque du traumatisme de cette action : Livre d’histoires, in Collection d’historiens arméniens, trad. M. Brosset, Saint-Pétersbourg, Académie impériale des sciences, 1874-1876, t. I.
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[55]
Parallèlement, le réseau des Arméniens de la Nouvelle Julfa se développe en Asie jusqu’au Népal et au Boutan.
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[56]
Pour une étude détaillée des treize églises arméniennes du quartier de la Nouvelle Julfa, à Ispahan, voir John Carswell, New Julfa: The Armenian Churches and Other Buildings, Oxford, Clarendon Press, 1968.
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[57]
Figueroa, L’Ambassade, op. cit., pp. 282-283.
-
[58]
La tolérance de Shah ‘Abbas est toutefois relative. S’il accepte que les étrangers pratiquent librement leur culte sur son territoire, il réprime en revanche vigoureusement toute tentative de prosélytisme, notamment auprès des musulmans. Trois de ses sujets sont ainsi exécutés en 1622 pour s’être convertis au christianisme ; voir Pietro della Valle, Troisiesme partie des fameux voyages, op. cit., pp. 447-448. L’espoir de voir le souverain safavide se convertir, caressé un temps par les missionnaires, est rapidement abandonné.
1 Le 19 août 1619, Pietro della Valle se rend à la nuit tombée sur la place royale d’Ispahan, le maydan-e shah [1], où se trouve le roi en compagnie de plusieurs invités étrangers. À cheval comme à son habitude, Shah ‘Abbas converse avec ses hôtes en attendant que le spectacle commence. Ce soir-là, le divertissement consiste en un jeu d’illuminations organisé en l’honneur des ambassadeurs moghol et moscovites dont la réception a eu lieu plus tôt dans la journée. Installé au milieu des cavaliers iraniens, Della Valle guette le moindre geste du souverain, attentif à son signal, tandis qu’une foule dense, toujours curieuse du spectacle de la majesté, se masse de l’autre côté des barrières, sous les arcades des galeries qui courent le long de la place. Enfin, estimant le moment propice à une retraite, le shah entre avec les ambassadeurs dans une des maisons et monte jusqu’au toit-terrasse pour jouir du spectacle de la ville illuminée par ses soins, manifestant aux yeux de tous la communion du peuple et du pouvoir souverain [2].
2 Témoin privilégié de la politique de prestige menée par le shah pour asseoir son autorité et se hisser au rang des empereurs ottoman et moghol avec lesquels il entretient une rivalité farouche [3], Della Valle ne cache pas son adhésion à sa manière audacieuse et téméraire d’exercer le pouvoir. Il le fait savoir peu après son retour à Rome, en 1626, par la publication d’une apologie présentant aux lecteurs italiens les vertus et les défauts (qu’il réfute tour à tour) du souverain chiite [4]. Traduit et publié en français trois ans plus tard, cet opuscule diffuse dans toute Europe l’image d’un prince idéal, parangon de la raison d’État et du pouvoir absolu [5]. Au cours du xviie siècle, les éditions et rééditions d’ouvrages qui lui sont consacrés se succèdent en Europe, témoignant d’un intérêt sans cesse renouvelé du public pour ce personnage lointain qui a su imposer son autorité au sein d’une monarchie encore fragile [6].
3 Sous son règne, les frontières sont redessinées. Vainqueur des Ouzbeks en 1598, puis des Ottomans en 1605 et 1612, ‘Abbas se taille une solide réputation de guerrier et recouvre peu à peu le patrimoine perdu durant la décennie précédant son arrivée au pouvoir, y ajoutant même de vastes portions du Caucase (Arménie et Géorgie) ainsi que du Kurdistan. En 1622, les prises d’Ormuz et de Qandahar marquent la consécration de sa politique de conquête : la première met ainsi fin à cent ans d’hégémonie portugaise dans le golfe Persique et la seconde, au carrefour des mondes iranien et indien, lui permet de prendre le contrôle d’une importante route caravanière entre le Khorassan et le Gujarat. La recomposition du royaume passe également par l’organisation d’une administration et par la recherche de ressources nouvelles pour financer des réformes structurelles, notamment la professionnalisation de l’armée à laquelle il consacre beaucoup de moyens et d’énergie [7].
4 C’est durant cette période charnière où le souverain intensifie ses efforts pour faire de l’État safavide une puissance de premier plan que s’accélère l’implantation des Européens en Iran. Or, si ces derniers nous renseignent abondamment sur les motivations qui les ont conduits à entreprendre ce voyage et sur les circonstances de leur séjour, grâce à un important fonds d’archives et d’imprimés composé essentiellement de relations de voyages et d’ambassade, d’archives diplomatiques et de rapports commerciaux, les sources iraniennes restent en revanche plus laconiques, voire muettes à leur sujet. En effet, les chroniqueurs safavides mentionnent rarement leur présence à la cour iranienne et, lorsqu’ils le font, c’est surtout pour souligner le rayonnement de la réputation de leur souverain à travers le monde. Mesurer la place réelle qu’ils ont occupée à la cour safavide s’avère donc délicat sans tomber dans le piège d’une histoire européocentrée. Tenter l’étude d’une rencontre « à parts égales » – pour reprendre la belle expression de Romain Bertrand [8] – nous engage à cerner minutieusement le contexte politique, économique et diplomatique dans lequel elle s’insère et à nous interroger sur les stratégies mises en place par le pouvoir safavide pour assurer sa domination politique, sociale et économique dans la région. En quoi la présence des Européens en Iran participe-t-elle d’une stratégie du souverain safavide visant à asseoir sa puissance et son prestige dans le monde de la première modernité ?
5 Cet article s’articule autour de trois axes majeurs, qui constituent autant de domaines dans lesquels le souverain cherche à étendre son influence : le premier est celui de la construction d’un nouveau modèle monarchique ; le deuxième relève de la diplomatie et notamment des stratégies d’encerclement mises en œuvre par le pouvoir safavide pour contenir et maintenir à distance le péril ottoman. Enfin, nous aborderons les enjeux liés à l’implantation des grandes compagnies européennes et leur impact dans la construction d’un outil fiscal plus efficace.
Construire un nouveau modèle monarchique : les Européens comme « faire valoir » de la magnificence royale
6 À son arrivée au pouvoir en 1587, Shah ‘Abbas est confronté à une crise politique et militaire majeure. L’autorité royale est alors battue en brèche par les membres de l’aristocratie militaire, répartie en plusieurs factions rivales. Les « Têtes rouges » (les Qizilbash en turc, du nom de leur signe distinctif, un couvre-chef rouge) imposent leur volonté dans les provinces dont ils ont le contrôle et se livrent à des luttes d’influence au sommet de l’État [9]. Le jeune souverain de dix-sept ans n’est lui-même qu’un pion entre les mains de l’un d’entre eux, son tuteur Murshed Quli Khan, patron de la puissante clientèle des Ustajlu et chef auto-proclamé du gouvernement. Les premières années de son règne consistent donc essentiellement en une réappropriation de l’exercice du pouvoir. Faisant preuve d’audace, il ordonne l’exécution de son tuteur – ou plutôt, de celui qui s’en était arrogé la dignité – en 1588 alors que la cour entame une campagne militaire pour libérer le Khorassan des ennemis ouzbeks [10]. S’entourant d’un petit groupe de fidèles, serviteurs et amis, hostiles aux puissants émirs turkmènes, ‘Abbas reprend peu à peu en main les rênes du pouvoir. De 1588 à 1598, les principaux émirs sont tour à tour abattus, leurs rébellions matées et leur arrogance brisée. Pour mettre fin à leurs réseaux de solidarités provinciales, leurs clientèles sont dispersées et cantonnées, en province comme dans l’armée, à des rôles subalternes. Progressivement, leurs membres sont remplacés par des « serviteurs de la monarchie » plus malléables, souvent d’origine arménienne ou géorgienne : des qulams [11].
7 Pour les Européens, ces luttes de pouvoir semblent étonnamment lointaines. C’est en sillonnant la route de Shiraz à Ispahan que l’ambassadeur Figueroa fait une brève allusion à la rébellion du gouverneur du Fars Ya’qub Khan [12]. Pour lui, elle se résume à un amas de ruines aux abords de Shiraz, ultime vestige d’un territoire pacifié par le pouvoir monarchique en 1590. Bien introduit auprès des élites iraniennes grâce à son épouse, Della Valle est davantage au fait des enjeux réels qui sous-tendent les rapports curiaux :
Le Roy donc qui […] ne peut dissimuler l’aversion qu’il a conceuë […] contre tous les Chizilbasci [Qizilbashs], leur a retranché autant qu’il a pû tout le credit et le pouvoir qu’ils avoient, a fait mourir en plusieurs occasions quantité des plus puissans et des plus considerables, humiliant les autres, et les tenant bas le plus qu’il peut, et sur tout sans finances, afin qu’ils ne puissent pas se revolter et entreprendre quoi que ce soit contre luy [13].
9 Adoptant le point de vue du pouvoir – qui est aussi celui du chroniqueur iranien Iskandar Beg Munshi [14] – et justifiant l’extrême sévérité du shah à leur encontre, il rappelle les crimes auxquels se sont livrés les émirs pour assouvir leurs ambitions personnelles : l’assassinat de sa mère, Madh’e Olya, puis de son frère, Hamza Mirza, alors héritier présomptif du trône [15]. Della Valle perçoit toutefois le malaise latent d’une aristocratie militaire dont ‘Abbas n’a de cesse de mettre en scène la soumission.
10 La cour apparaît comme le lieu d’expression privilégié de ce rapport de force, l’espace principal où le shah affirme sa position dominante [16]. Les rapports sociaux y sont régis par une série de normes plus ou moins intériorisées. Pour obtenir une audience, les émirs doivent ainsi se rendre sur le maydan, la place publique d’Ispahan ou de Qazvin, sur laquelle le souverain apparaît quotidiennement. Relativement accessible, le shah exerce son cheval, mange et boit avec son entourage et s’autorise même de cordiales visites chez les commerçants du bazar [17]. Parallèlement, il utilise le palais comme un instrument de distinction à l’intérieur duquel la hiérarchie est beaucoup plus stricte. Si les membres de l’aristocratie peuvent s’y rendre dès l’aube, ils doivent cependant s’arrêter au bâtiment de l’entrée : la Porte Suprême (Ali Qapu). Seuls les membres du gouvernement, ou quelques familiers triés sur le volet, peuvent la franchir pour se rendre dans les pavillons et jardins attenants, dans lesquels le souverain les reçoit à sa convenance, suivant une savante orchestration. Lors des réceptions royales (majlès), le ministre suprême se place à sa droite, suivi de près par les chefs de l’armée puis par les principaux gouverneurs de province. Pour honorer particulièrement un invité, il le fait asseoir à ses côtés. Ponctuellement, il abolit lui-même ces distances symboliques pour se porter à sa rencontre : la faveur se manifeste ainsi par une succession de gestes infimes, pourtant immédiatement perçus et ressentis par ses visiteurs comme des marques de distinction particulières. Sensible à l’honneur qui lui est fait, Pietro della Valle souligne la familiarité du shah lors d’une réception où, après l’avoir fait installer à ses côtés, il lui fait partager, selon la tradition, sa propre coupe de vin [18].
11 La construction d’un modèle monarchique fort passe également par l’exaltation de sa personne. Arrivé à Qazvin en 1598, Abel Pincon est témoin du climat d’effervescence régnant autour du souverain auréolé du prestige de sa récente victoire contre les Ouzbeks :
Tous les habitans de Casbin, et des environs estoient venus pour recevoir leur Roy deux mille hors les portes de la ville. Ils s’estoient separez en deux bandes, au milieu desquelles le Roy devoit passer avec son triomphe. Ainsi le Roy entrant dans la ville, il tira droit au Midan, qui est la place publique, où l’on fait courir les chevaux, et où l’on les manie, où l’on tire de l’arc et où l’on fait d’autres exercices [19].
13 Vêtu d’un pourpoint d’or et orné de pierreries, le shah défile à la tête de ses hommes, une hache d’armes à la main, marquant son statut de chef de guerre. Incarnation de l’autorité, Shah ‘Abbas impressionne également physiquement ses interlocuteurs : sa petite stature est nettement compensée par un réel charisme [20]. Lorsqu’il le rencontre pour la première fois, en 1612, Della Valle le compare aussitôt au condottiere Niccolò Piccinino (v. 1380-1444) en raison de son apparence guerrière mais aussi de sa majesté : « Je l’appelle grand, parce qu’en effet il est grand Roy, qu’il a infiniment de l’esprit et qu’il est extremement vaillant et genereux [21]. » À l’inverse, le secrétaire d’ambassade Thomas Herbert conserve un souvenir plus inquiétant de sa confrontation avec un Shah ‘Abbas vieillissant après trente-cinq ans d’exercice du pouvoir. Un silence pesant règne dans la salle lorsqu’on introduit les Européens dans le palais d’Ashraf, au bord de la mer Caspienne :
Tout autour de la chambre et le long des murailles étoient rangez plusieurs mirzas, chans, sultans et beglierbegs, au nombre de plus de soixante, qui étoient assis à leur mode, les jambes en croix sous le corps, ne disant mot, et ne se mouvant non plus que des statuës […], n’osant parler les uns aux autres, ny mesme éternuer, tousser ou cracher, parce que ce seroit un crime irremissible en la presence du schach, qui est tellement redouté, mesme des plus grands, que comme Cesar disoit à Metellus, les éclairs qui sortoient de ses yeux étoient capables de tuer [22].
15 Au centre de la salle, où convergent les regards craintifs de l’assemblée, ‘Abbas est assis très simplement, son épée au côté, coiffé d’un turban sans éclat en coton blanc comme pour mieux souligner la victoire de sa conception épurée du pouvoir monarchique. Cette scène est sans doute bien plus qu’une simple anecdote aux yeux des Européens : elle souligne le processus de mise au pas de l’aristocratie qizilbash et la hiérarchisation de la société politique derrière le pouvoir royal. Elle montre également comment le souverain se sert d’eux pour instaurer un nouveau rapport de force au sein de la cour en affichant ostensiblement sa faveur envers des personnalités nouvelles comme Robert Sherley [23]. En soulignant la confiance qu’il n’a jamais cessé de lui accorder lors de ses différentes missions diplomatiques à son service, ‘Abbas impose sa faveur comme l’instrument de distinction par excellence. Cette scène présente enfin un autre instrument à la disposition de ‘Abbas pour marquer son pouvoir et dialoguer avec les Européens : la solennité et la magnificence qui entourent la réception des corps d’ambassade à la cour iranienne dans le premier tiers du xviie siècle.
Attaquer puis contenir l’Empire ottoman : les enjeux de la diplomatie safavide
16 L’Europe ne constitue initialement pas un enjeu stratégique pour le souverain safavide. Au début de son règne, ‘Abbas est bien trop occupé à résoudre les conflits à l’intérieur de son territoire pour envisager une collaboration avec des puissances aussi lointaines qu’étrangères à ses propres préoccupations. Pour faire face à l’urgence de la situation dans laquelle le plongeait la rébellion des émirs, il dut même reconnaître au sultan Mourad III (1574-1595) la souveraineté d’une partie de l’Iraq, de l’Azerbaïdjan, du Kurdistan et de la Géorgie [24]. Signé en 1590, le traité de Constantinople entérine en réalité une situation de fait puisque les Ottomans contrôlent ces zones depuis une dizaine d’années, malgré la résistance acharnée et parfois victorieuse des troupes qizilbashs installées dans ces régions. Pour ‘Abbas, ce repli territorial est néanmoins douloureux car il acte officiellement la perte de Tabriz, ancienne capitale safavide, et de l’Azerbaïdjan, berceau historique de la famille [25].
17 Ce n’est qu’après avoir mis fin aux troubles internes, dix ans plus tard, que Shah ‘Abbas commence à s’intéresser de près aux affaires européennes en vue d’une guerre contre « l’ennemi commun ». La perspective de s’unir aux princes chrétiens afin d’encercler et de prendre en étau l’Empire ottoman n’est pas une nouveauté : ‘Abbas ne fait que reprendre à son compte un projet esquissé par les Vénitiens au xve siècle et qui a connu quelques réminiscences au siècle suivant [26]. Toutefois, le souverain donne une forme concrète à cette stratégie en 1599, lorsqu’il dépêche une ambassade auprès de l’empereur Rodolphe II, du pape Clément VIII, du roi de France Henri IV, du roi d’Espagne Philippe III, de la reine Elisabeth Ire d’Angleterre et de la République de Venise [27]. En dépit de l’accueil chaleureux reçu par les envoyés du shah auprès de certains princes dont les intérêts convergent avec les siens, tel le pape, l’empereur ou encore le roi d’Espagne, le projet iranien ne suscite cependant pas l’enthousiasme escompté [28]. En pleine renégociation de ses capitulations avec le sultan turc, Henri IV renonce discrètement à une rencontre avec l’ambassadeur, tout en autorisant son passage sur le territoire [29]. Pour des raisons évidentes liées à ses intérêts économiques au Levant, la Sérénissime fait de même. Mais l’importance de cette ambassade réside davantage dans son objectif caché, comme l’indique le propre neveu de l’ambassadeur, Ulugh Beg Bayat [30]. Celui-ci affirme, en effet, que la mission consistait avant tout à évaluer les forces en présence afin de fournir au shah un rapport complet sur la situation européenne. On saisit tout l’intérêt de tels renseignements au moment où ‘Abbas envisageait une reprise imminente des hostilités contre l’Empire ottoman.
18 Le ralliement spontané d’un chef kurde en proie aux exactions du gouverneur turc de Tabriz précipite toutefois les événements. Considérant que le sultan Mehmet III (1595-1603) est suffisamment accaparé par la guerre de Hongrie, pour laquelle il mobilise des forces considérables, et qu’il est de surcroît aux prises avec la révolte de ses propres troupes d’élite (les spahis), ‘Abbas décide d’intervenir en Azerbaïdjan [31]. En septembre 1603, il entre dans Tabriz avant de faire tomber la citadelle le 21 octobre. C’est là que le retrouve le dernier rescapé de l’ambassade chargée de lui remettre des lettres de Rodolphe II [32]. Mobilisant ses troupes durant l’hiver, il poursuit sa campagne en Arménie. Après avoir pris possession de quelques places mineures, il arrive le 16 novembre devant Erevan, que les Turcs estiment imprenable. Après plusieurs semaines d’attente, ‘Abbas resserre l’étau autour de la ville et engage des travaux de terrassement spectaculaires afin de détourner le cours du fleuve. En décembre, le sultan ottoman meurt, remplacé par son fils Ahmed Ier (1603-1617) qui envisage alors une contre-attaque au printemps, mais la garnison, exsangue, se rend entre-temps dans des conditions honorables [33]. Ces succès sous les murs d’Erevan, qui devient alors la porte d’entrée de l’Iran, puis lors de la bataille de Sufiyan deux ans plus tard, renforcent puissamment la réputation de chef de guerre de ‘Abbas, y compris en Europe [34]. Néanmoins, l’empereur profite de la diversion offerte par l’Iran pour négocier de son côté avec le sultan des conditions de paix exceptionnellement favorables. De fait, le traité de Szitvatorok, signé le 11 novembre 1606, marque un tournant dans les rapports entre les deux puissances puisque le sultan reconnaît, pour la première fois, l’empereur comme un égal et supprime le versement du tribut annuel [35]. Le champion de la lutte contre les Turcs se détourne ainsi durablement de la stratégie d’encerclement proposée par le souverain safavide.
19 Toutefois, l’idée d’une attaque simultanée contre « l’ennemi commun » n’est pas complètement écartée. Elle subsiste en tant qu’argument diplomatique dans les relations entre le monarque safavide et les puissances européennes [36]. Lors d’un entretien avec Della Valle, ‘Abbas formule ainsi son souhait de voir les princes chrétiens s’unir contre leur adversaire commun, même s’il ne se fait plus guère d’illusion sur leur capacité à s’entendre pour atteindre cet objectif [37]. Son ton se fait nettement plus péremptoire lorsqu’il s’adresse au représentant de Philippe III :
il respondit neantmoins froidement, en disant que si les Princes Chrestiens faisoient la guerre puissamment au Turc du costé de l’Europe, luy de son costé l’attaqueroit du costé de l’Asie, avec toutes les forces de son Empire, et qu’il marcheroit droit à Jerusalem, pour la leur mettre entre les mains aussitost. Et par cette réponse generale et vulgaire il acheva cette matiere, se plaignant à l’ordinaire, de ce qu’on l’avoit laissé agir seul, sans le secourir en la guerre qu’il avait euë contre cet Ennemy commun, et mesme qu’en ce temps-là l’Empereur avoit fait la Paix avec le Turc, y adjoustant qu’aprés Dieu, il estoit obligé à son espée des Victoires qu’il avoit remportées sur le Turc, en recouvrant sur luy ce qu’il avoit autrefois usurpé sur son pere [Shah Muhammad Khodabanda] [38].
21 Bien qu’il ne parvienne pas à conclure d’alliances militaires, ‘Abbas persiste dans sa stratégie d’ouverture vers l’Europe. Il y envoie une autre ambassade en 1612 et reçoit avec égards toutes celles qu’on lui adresse. Soucieux de sa réputation, il s’assure du suivi des corps d’ambassade et veille au bon déroulement du cérémonial, qui prend alors une place importante à la cour iranienne. Le protocole se développe, aboutissant dès le premier tiers du xviie siècle à un rituel de plus en plus précis. Dès leur arrivée sur le territoire, les ambassades se font annoncer au gouverneur local et attendent la nomination d’un mehmandar pour les guider. Durant le voyage vers le lieu de résidence du shah – que ce soit à Ispahan ou dans une autre partie du territoire, car la cour est itinérante –, elles sont défrayées, c’est-à-dire nourries, logées et traitées par les gouverneurs de province. En cas de mauvais accueil, ces derniers peuvent se voir retirer leur fonction, ce qui les incite à recevoir somptueusement les étrangers. La dernière étape du trajet consiste en l’installation dans un lieu de résidence désigné par le shah et supervisé par le mehmandar bashi [39], le chef des mehmandaran. Cette installation peut être parfois fort longue, aussi les hôtes sont-ils logés confortablement. Lors de son séjour en Iran, Figueroa réside ainsi plus d’un an dans une maison ornée d’un jardin et d’un petit étang, située dans le cœur de la ville, entouré de sa famille et de sa suite [40]. En tant qu’hôte du shah, l’ambassadeur jouit également d’un traitement particulier : ses biens et les membres de sa suite sont considérés comme inviolables. Aucun de leurs bagages ne peut faire l’objet d’une confiscation ni même d’une fouille de la part des autorités.
22 Certains auteurs mettent également en avant le caractère spectaculaire des réceptions iraniennes, dont le luxe et la pompe sont sans équivalent en Europe. Faisant appel aux sens, elles éblouissent par un déploiement de richesses hors de proportion mais qui devrait être, selon eux, inséparables de l’exercice des fonctions diplomatiques. Ainsi le diplomate hollandais Abraham de Wicquefort décrit-il avec émotion l’éclat de l’entrée à Ispahan des ambassadeurs moscovites Ivan Vorotinsky et Ivan Ivanovitch, et de l’ambassadeur moghol Khan ‘Alam, le 19 août 1619 [41]. Selon lui, « on y [voit] quelque chose de si grand, que tout ce que j’en ay dit jusques ici n’en approche point [42] ». Bien que les ambassades européennes ne suscitent pas les dépenses somptuaires engagées pour la réception d’un ambassadeur ottoman ou moghol, elles constituent pour la monarchie safavide un marqueur de prestige lui permettant de s’affirmer aux yeux des autres puissances régionales – essentiellement ottomane et moghole. Là encore, les Européens servent de « faire valoir » à des fins de politique régionale.
Les nouvelles routes de la soie : mettre l’économie au service du pouvoir
23 Au début du xviie siècle, l’Iran devient l’une des destinations privilégiées des Européens : la soie persane, réputée mondialement pour sa qualité et le savoir-faire des artisans qui y incorporent des filaments d’or ou d’argent, participe pleinement de ce renouveau économique. Engagées depuis longtemps dans la « course vers l’Orient », les grandes compagnies commerciales s’intéressent particulièrement à l’État safavide au moment où celui-ci gagne en stabilité politique. En 1617, un navire de l’East India Company (EIC) accoste en Iran et une délégation rencontre le souverain à Ispahan pour lui demander la permission de négocier et d’acheter de la soie en quantité [43]. L’arrivée d’un nouvel acteur économique dans la région sert les intérêts du shah qui y voit un moyen efficace d’atteindre le lointain marché européen tout en détournant une partie des profits de l’Empire ottoman. La pénétration de l’EIC ne se fait pas pour autant aux dépens de son autorité : son attitude favorable envers les agents n’empêche pas d’âpres négociations au sujet des prix et du règlement des futurs droits de douane. Les Anglais lui offrent en outre la possibilité de réduire l’influence des Portugais, déjà solidement implantés à Ormuz [44]. Plaque tournante des échanges inter-asiatiques, l’île constitue un enjeu stratégique essentiel pour le contrôle des flux commerciaux dans le golfe Persique [45]. Dès 1602, ‘Abbas confie au gouverneur du Fars, Allah Verdi Khan, la mission de conquérir le royaume de Lar et de Bahreïn, sans s’attaquer toutefois directement à Ormuz pour ne pas provoquer une rupture définitive avec l’Estado da Índia. Dans les années suivantes, il resserre l’étau autour du protectorat portugais en se saisissant de l’île de Qeshm, en 1608, et de celle de Bandel de Comorão en 1614. Mais Ormuz reste inaccessible en raison de l’absence d’une flotte de guerre iranienne. C’est finalement le nouveau gouverneur du Fars, Imam Quli Khan, qui négocie secrètement avec les Anglais la mise à disposition de leurs navires pour faire passer ses troupes en échange de conditions commerciales favorables. L’opération est lancée en 1622 alors que Shah ‘Abbas se dirige de son côté vers le Khorassan pour conquérir Qandahar. Après une faible résistance, la forteresse d’Ormuz tombe en mai 1622. En dépit des promesses faites aux Anglais qui se rêvaient déjà successeurs des Portugais, le souverain la fait raser et déplace le port international sur la terre ferme, à Bandar ‘Abbas (« le port de ‘Abbas »), consacrant ainsi sa maîtrise du territoire. Les agents de l’EIC sont d’autant plus frustrés que le souverain n’en interdit pas l’accès aux Portugais – avec lesquels il reprend aussitôt des relations commerciales –, mais l’ouvre également à leur concurrent direct sur les marchés asiatiques, la Vereenigde Oost-Indische Compagnie (VOC), dont la montée en puissance constitue pour eux un péril évident [46]. Conscient de la nécessité d’attirer les grandes compagnies pour s’ouvrir de nouveaux marchés, ‘Abbas leur octroie des exemptions de douane et favorise la création de comptoirs à Bandar ‘Abbas, Ispahan et Tabriz.
24 Son objectif principal est de leur vendre de la soie. Comprenant très tôt l’intérêt stratégique de ce produit pour accroître les ressources de l’État, le shah s’empare peu à peu des moyens de production mais aussi d’exportation. Une première étape est franchie en 1594 avec l’annexion du Gilan et du Mazanderan. Dans ces régions traditionnellement dévolues à la culture du ver à soie, la production s’accélère dans le premier tiers du xviie siècle avec l’arrivée des migrants arméniens et géorgiens, déplacés massivement lors de la campagne de 1604-1608 puis dans les années 1610. Le pouvoir leur impose des conditions de travail contraignantes pour mettre en valeur ces plaines marécageuses infestées de malaria [47] : en quelques années, les paysages se transforment et se couvrent de mûriers. Afin de manifester l’emprise du pouvoir royal dans ces régions jusque-là hostiles aux Safavides, ‘Abbas fait bâtir deux palais, l’un à Ashraf l’autre à Ferahabad, dans lesquels il séjourne fréquemment durant l’hiver pour profiter des forêts environnantes et se livrer aux plaisirs de la chasse dont il est friand [48]. Quant à la soie, elle est ensuite travaillée à Yazd, Kashan et Ispahan dans les ateliers royaux (karkhane) avant d’être expédiée sur les marchés via Tabriz, Ispahan ou, pour Astrakan, par la mer Caspienne. Dans ce domaine aussi, le pouvoir affirme progressivement sa prééminence : en 1619, ‘Abbas fait de ce commerce un privilège royal, ce qui oblige les compagnies européennes à négocier par l’entremise des agents de la Couronne et à acheter dans les magasins royaux [49]. Il établit ainsi, très tôt, un lien entre développement économique et construction monarchique.
25 Parallèlement, l’exportation est favorisée par la création de structures adaptées à la circulation des marchandises. Shah ‘Abbas investit beaucoup dans la construction des caravansérails et incite ses sujets les plus aisés à en bâtir en tant que fondations pieuses. Évoquant le caravansérail de Cashan, Thomas Herbert loue la prodigalité royale à l’origine de ces établissements :
premierement il est assez grand pour loger le plus grand monarque de l’Univers, avec toute sa suite, et neantmoins ce n’a pas esté l’intention de Scach Abas, qui ne l’a basty qu’à dessein d’y faire loger les voyageurs gratuitement et afin de faire voir au monde qu’il ne manque point de charité [50].
27 Leur aspect pratique doit être mis en évidence, tout comme la volonté de « faire voir au monde » la qualité de l’accueil offert aux voyageurs. Il est certain que la mise en place de ces structures vise à encourager et faciliter l’implantation d’un commerce à grande échelle, de même que l’instauration d’un système de police des routes (confié aux rahdars, littéralement aux « gardiens de la route »).
28 Répartis sur l’ensemble des voies commerciales, des cavaliers au service de l’État disposent de locaux dans la plupart des villages et des caravansérails du pays. En cas de vol, les marchands sont invités à leur soumettre des réclamations. Indépendants des gouverneurs, les rahdars disposent de pouvoirs étendus pour enquêter et arrêter les brigands. S’ils n’y parviennent pas, ils peuvent contraindre le gouverneur local à rembourser la valeur de la marchandise dérobée, en se basant sur l’estimation des marchands : c’est pourquoi les gouverneurs veillent à la sécurité de leur territoire. Ce système fonctionne tout au long du xviie siècle, Shah ‘Abbas entendant ainsi attirer les Européens à l’intérieur de son royaume [51].
29 Disposant du monopole de la soie, le monarque devient, en quelques années, le « premier marchand [52] » de son pays avec ses propres magasins et ses facteurs déployés à travers le monde. Il négocie, directement ou indirectement, avec les représentants des grandes puissances européennes. Enfin, les Arméniens jouent un rôle essentiel dans la stratégie de développement économique du pouvoir iranien [53]. Déplacés au cours des campagnes d’Azerbaïdjan et d’Arménie entre 1604 et 1617, ils sont installés d’autorité dans les faubourgs d’Ispahan et des environs afin de faire profiter l’État safavide de leur vaste réseau d’échanges [54]. Si les conditions de leur déportation sont difficiles, les Arméniens de la Nouvelle Julfa jouissent, dès le premier tiers du xviie siècle, d’un statut privilégié pour développer leurs activités commerciales. Reprenant leurs circuits traditionnels à travers l’Anatolie, ils assurent principalement la liaison terrestre avec les marchés levantins où se fournissent encore massivement les Français et les Vénitiens. Réputés économes, honnêtes et inépuisables au labeur, les Arméniens permettent à la monarchie safavide d’étendre son influence commerciale jusqu’aux marchés les plus lointains : Venise, Livourne, Gênes mais aussi Amsterdam [55]. De grandes familles de commerçants atteignent ainsi un degré de prospérité important dans la seconde moitié du siècle, matérialisé par la somptuosité de leurs demeures et de leurs églises [56]. Habilement mise en avant par le pouvoir en vue de ménager une passerelle avec ses interlocuteurs européens, la situation privilégiée des Julfaniens fait figure d’exception dans le monde musulman. Les voyageurs sont frappés par leurs conditions de vie ainsi que par la liberté avec laquelle ils peuvent exprimer leur identité et leurs traditions religieuses : ainsi Figueroa assiste-t-il, à l’invitation de Shah ‘Abbas, à une cérémonie chrétienne le 3 janvier 1619 [57]. Face à la relative tolérance du pouvoir, des missionnaires européens sollicitent eux aussi – et obtiennent – la permission de bâtir des églises et des monastères pour y pratiquer leur culte [58].
30 Pour le monarque, la contribution arménienne à l’exportation de la soie vers l’Europe a un double intérêt : elle permet à l’État safavide de percevoir les taxes liées à la vente des balles de soie sur son territoire et d’établir une forte concurrence entre ses sujets arméniens et les différents agents des compagnies commerciales européennes, ce qui multiplie ses sources de revenus. De fait, la sériciculture représente une part de plus en plus considérable dans les recettes de la Maison royale (Khassa) au xviie siècle. Les ressources ainsi engrangées permettent de financer une partie importante des dépenses curiales et d’affermir l’emprise de l’administration royale sur le territoire, avec la spécialisation d’une partie des officiers dans les domaines fiscal et financier.
Conclusion
31 L’étude des différentes stratégies mises en œuvre par le pouvoir safavide dans ses relations avec les Européens permet de mieux mesurer leur place réelle en Iran. Contemporains de la construction d’un nouveau modèle monarchique incarné par Shah ‘Abbas, ils sont les témoins voulus et privilégiés de sa politique de domination, participant plus ou moins consciemment de sa stratégie d’établissement de nouveaux rapports de force en matière géopolitique. Durant les premières décennies du xviie siècle, le souverain mène une politique de prestige destinée à le hisser sur la scène internationale et à lui permettre d’exister face aux géants régionaux que sont l’Empire ottoman et l’Empire moghol. Ce faisant, il tisse des liens privilégiés avec les princes européens, ouvre à ses réseaux commerciaux de nouveaux débouchés. Épiphénomène à l’échelle iranienne, l’implantation des Européens en Iran doit en fait être réinscrite dans le contexte plus complexe de l’affirmation de l’État safavide.
Notes
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[1]
Pietro della Valle, Troisiesme partie des fameux voyages de Pietro della Vallé, gentil-homme romain, surnommé l’illustre voyageur, Paris, Gervais Clouzier, 1663, p. 28.
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[2]
Cette scène est également racontée par Don García de Silva y Figueroa dans sa relation : voir L’Ambassade de D. Garcias de Silva Figueroa en Perse, Paris, Louis Billaine, 1667, pp. 305-310.
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[3]
Sur la rivalité de prestige entre l’Iran safavide et l’Inde moghole, voir Corinne Lefèvre, « Jahangir et son frère Shah ‘Abbas : compétition et circulation entre deux puissances de l’Asie mineure de la Première Modernité », in Denis Hermann, Fabrizio Speziale (dir.), Muslim Cultures in the Indo-Iranian World during the Early Modern and Modern Periods, Berlin, Institut Français de Recherche en Iran, Klaus Schwarz Verlag, 2010, pp. 23-56.
-
[4]
Pietro della Valle, Delle Conditioni di Abbàs, rè di Persia, all’illustriss. et reverendiss. Sig. Francesco, cardinal Barberino, Venise, Francesco Baba, 1628.
-
[5]
Pietro della Valle, Histoire apologetique d’Abbas, Roy de Perse. En la personne duquel sont representées plusieurs belles qualitez d’un Prince heroïque, d’un excellent Courtisan, et d’un parfaict Capitaine. Traduicte de l’Italien de Messire Pierre de la Valee, gentil-homme Romain, par J. Baudoin, Paris, Nicolas de la Vigne, 1631.
-
[6]
Pour la France, voir par exemple Antonio de Gouvea, Relation des grandes guerres et victoires obtenues par le roy de Perse Cha Abbas contre les empereurs de Turquie Mahomet et Achmet son fils, Rouen, Nicolas Loyselet, 1646.
-
[7]
Voir Masashi Haneda, Le Chah et les Qizilbashs. Le système militaire safavide, Berlin, Klaus Schwarz Verlag, 1987, et « L’évolution de la garde royale des Safavides », Moyen Orient et Océan Indien, I, 1984, pp. 41-64.
-
[8]
Romain Bertrand, L’Histoire à parts égales. Récits d’une rencontre Orient-Occident (xvi e-xvii e siècle), Paris, Seuil, 2011.
-
[9]
Après la mort de Shah Isma’il II (1576-1577), les émirs qizilbashs se livrent à une intense compétition pour s’approprier les ressources de la monarchie. La politique de conciliation de Shah Muhammad Khodabanda (1577-1587) ne suffit pas à apaiser les tensions entre les quatre principaux clans qizilbashs auxquels se rallient tous les autres : Ustajlu, Rumlu, Takkalu et Turkman. La volonté affichée par l’épouse du shah, Mahd’e Olya, puis son fils aîné Hamza Mirza, de rétablir l’autorité monarchique ne suffit pas à mettre un terme à la guerre civile. Voir Hasan Beg Rumlu, A Chronicle of the Early Safawis Being the Ahsanu’t-Tawarikh of Hasan-i Rumlu, éd. et trad. Charles Norman Seddon, Baroda, Oriental Institute, 1931-1934 ; Iskandar Beg Munshi, Tarikh-e ‘alam ara-ye ‘Abbassi. History of Shah ‘Abbas the Great, éd. et trad. Roger M. Savory, Boulder, Colorado, Westview Press, « Persian Heritage Series », n° 28, 1978, t. I, pp. 331-515.
-
[10]
Aussitôt après avoir destitué le père de ‘Abbas, Shah Muhammad Khodabanda (1577-1587), Murshed Quli Khan s’arroge la dignité de vakil qui lui permet de contrôler la répartition des gouvernements de province et de prendre en main l’administration royale. Voir Iskandar Beg Munshi, Tarikh-e ‘alam ara-ye ‘Abbassi, op. cit., t. I, p. 576.
-
[11]
De tous les qulams promus à de hautes fonctions durant cette période, Allah Verdi Beg est sans doute l’exemple le plus marquant. D’origine géorgienne, il a commencé sa carrière dans l’entourage du prince Hamza Mirza en tant que chargé du département des joyaux (zargarbashi). Sa participation à l’éviction du vakil Murshed Quli Khan en 1588 lui vaut une importante promotion : il est élevé au rang d’émir, avec le titre de sultan, et reçoit en outre un tiyul situé dans la région d’Ispahan. Dans les années suivantes, il devient gouverneur du Fars, obtenant en 1598 le rang de khan. Lorsqu’il meurt en 1613, son gouvernement et sa fortune sont donnés à son fils Imam Quli Khan, en hommage aux services rendus.
-
[12]
Figueroa, L’Ambassade, op. cit., p. 119.
-
[13]
Pietro della Valle, Suite des fameux voyages de Pietro della Vallé, gentil homme romain, surnommé l’illustre voyageur, seconde partie, Paris, Gervais Clouzier, 1664, p. 476.
-
[14]
Iskandar Beg Munshi, Tarikh-e ‘alam ara-ye ‘Abbassi, op. cit., t. I, pp. 371-312 et 483-484.
-
[15]
Pietro della Valle, Suite des fameux voyages, op. cit., p. 476.
-
[16]
Au début du xvii e siècle, Shah ‘Abbas autorise les qulams à porter le taj-e haydari (bonnet de Haydar) lors des cérémonies officielles, à l’instar des émirs qizilbashs. Il faut souligner ici combien ce comportement peut sembler insolite alors que, deux décennies plus tôt, les émirs qizilbashs vivaient dans la constante proximité de leur souverain.
-
[17]
Pietro della Valle, Suite des fameux voyages, op. cit., p. 50.
-
[18]
En cela, Shah ‘Abbas se montre le digne héritier de ses prédécesseurs, grands consommateurs de vin. Seul son grand-père, Shah Tahmasb, avait renoncé aux excès de la boisson pour des raisons religieuses. Voir Shah Tahmasb, Tadhkira-ye Shah Tahmasb, éd. Amir Allah Saffari, Téhéran, 2e éd., 1363 H. (1984).
-
[19]
[Abel Pincon], Relation d’un voyage de Perse faict ès années 1598 et 1599 par un gentil-homme de la suitte du seigneur Scierley, ambassadeur du roy d’Angleterre, in Relations veritables et curieuses de l’isle de Madagascar, et du Bresil. Avec l’histoire de la derniere guerre faite au Bresil, entre les Portugais et les Hollandois. Trois relations d’Egypte et une du royaume de Perse, Paris, Augustin Courbé, 1651, p. 130.
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[20]
Dans sa relation, Abel Pincon le décrit comme « petit de stature, mais beau de visage, et bien proportionné, il a la barbe et les cheveux noirs. La peau un peu bazanée, comme sont ordinairement les Espagnols. Il a l’esprit fort, et vif, et le corps extrêmement souple, et fait à la peine, et plus que l’on ne le sçauroit croire » (Relation, op. cit., p. 135). Quant à Figueroa, il le dépeint comme un homme petit et vigoureux, ayant constamment à la ceinture un cimeterre à la garde brunie : voir L’Ambassade, op. cit., p. 236.
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[21]
Pietro della Valle, Suite des fameux voyages, op. cit., p. 308.
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[22]
Thomas Herbert, Relation du voyage de Perse et des Indes orientales, Paris, Jean Du Puis, 1663, p. 277.
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[23]
Ibidem, p. 279.
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[24]
Signée en 1590, la paix de Constantinople est en fait l’aboutissement d’un long processus de négociation engagé dès la fin des années 1580 par Hamza Mirza. Alors à la tête du gouvernement, le frère aîné de ‘Abbas tente de faire aboutir un accord avec les Ottomans pour se consacrer lui-même aux discordes des factions qizilbashs mais il est assassiné avant d’avoir pu mener son projet à bien. En 1587, le tuteur du jeune Shah ‘Abbas, Murshed Quli Khan Ustajlu, reprend à son compte ces négociations sans avoir non plus le temps de les mener à terme. Voir Iskandar Beg Munshi, Tarikh-e ‘alam ara-ye ‘Abbassi, op. cit., t. I, p. 576.
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[25]
La montée en puissance de la famille safavide à partir du xiii e siècle est intimement liée à l’histoire de cette région montagneuse du nord de l’Iran. Voir Michel Mazzaoui, The Origins of the Safavids. Shi’ism, Sufism and the Gulat, Wiesbaden, Franz Steiner, 1972.
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[26]
Dans le contexte des guerres vénéto-ottomanes du xv e siècle, une alliance a été proposée au chef de la Confédération des Aq Quyunlu, Uzun Hasan (1453-1478), lequel était marié à une princesse Comnène alliée à la famille vénitienne des Zeno. Sur les circonstances de cette alliance, voir Vladimir Minorsky, La Perse au xv e siècle entre la Turquie et Venise, Paris, E. Leroux, Publications de la Société des Études iraniennes et de l’Art persan, 8, 1933, et John E. Woods, The Aqqoyunlu, Clan, Confederation, Empire, Chicago, Bibliotheca Islamica, 1976. Dans les années 1530, Venise dépêche Michele Membrè en qualité de nouvel émissaire auprès de Shah Tahmasb, alors en guerre contre les Ottomans. Voir Michele Membré, Mission to the Lord Sophy of Persia (1539-1542), trad. A. H. Morton, Londres, School of Oriental and African Studies, 1993.
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[27]
L’ambassadeur Husayn Beg Bayat est accompagné de quatre émirs qizilbashs, de rang moyen, et de quinze serviteurs ainsi que d’Anthony Sherley, de quinze gentilshommes anglais et de cinq interprètes. Sur le parcours d’Anthony Sherley entre l’Angleterre et l’Iran safavide, voir les travaux récents de Sanjay Subrahmanyam, Comment être un étranger. Goa, Ispahan, Venise (xvi e-xvii e siècles), Paris, Alma, 2013, pp. 129-222.
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[28]
On peut lire le récit de l’entrée de cette ambassade à Rome dans un fascicule improprement attribué par certains catalogues à Guillaume Postel : L’Entrée Solennelle faicte à Rome aux Ambassadeurs du Roy de Perse, le cinquiesme avril 1601. Envoyez à N. S. Père le Pape pour contracter ligue contre le Turc et moyenner la réduction de son Royaume à la Religion Catholique, Apostolique et Romaine. Traduit de l’Italien et imprimé à Rome, Paris, Mettayer, 1601.
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[29]
Husayn ‘Ali Beg Bayat est reçu en entretien privé par le cardinal d’Ossat le 27 mai 1601, quelques jours avant de quitter Rome. Son premier vœu est de venir en France avant de passer en Espagne. Voir les Lettres de l’illustrissime et reverendissime cardinal Dossat, evesque de Bayeux, au Roy Henry le Grand, Paris, Michel Blageart, 1641, p. 607.
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[30]
Fils du Sultan ‘Ali Beg Bayat, officier de l’armée safavide mort au siège de Tabriz en 1582, Ulugh Beg Bayat (1560-1605) fait partie de cette ambassade mandatée par Shah ‘Abbas auprès des princes européens. Converti au christianisme en Espagne, il rédige lors de son séjour à Valladolid, avec l’aide du licencié Ramón, une relation de ses voyages et de l’histoire politique de son pays. Il la fait paraître sous son nouveau nom chrétien : Don Juan de Persia. Voir Relaciones de Don Iuan de Persia. Dirigidas a la Magestad Catholica de Don Philippe III, Rey de las Españas, y señor nuestro. Divididas en tres libros, donde se tratan las cosas notables de Persia, la genealogia de sus Reyes, guerras de Persianos, Turcos, y Tartaros, y las que vido en el viaje que hizo à España: y su conversion, y la de otros dos Cavalleros Persianos, Valladolid, Juan de Bostillo, 1604.
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[31]
Iskandar Beg Munshi, Tarikh-e ‘alam ara-ye ‘Abbassi, op. cit., t. II, pp. 826-833.
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[32]
L’ambassade menée par le gentilhomme hongrois Etienne Kakash de Zalonkemeny comprend huit personnes. Seul Georges Tectander von der Jabel parvient au terme de son voyage. Il en fait le récit dans une relation traduite en français par Charles Schefer : Georges Tectander von der Jabel, Iter Persicum, description du voyage en Perse entrepris en 1602 par Étienne Kakasch de Zalonkemeny, envoyé comme ambassadeur par l’empereur Rodolphe II, à la cour du grand-duc de Moscovie et à celle de Chah Abbas, roi de Perse, Paris, E. Leroux, 1877.
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[33]
Joseph von Hammer-Purgstall, Histoire de l’Empire ottoman depuis son origine jusqu’à nos jours, Paris, 1837, t. VIII, p. 60.
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[34]
Sur la bataille de Sufiyan, voir Colin Imber, « The Battle of Sufiyan, 1605: A Symptom of Ottoman Military Decline? », in Willem Floor, Edmund Herzig (dir.), Iran and the World in the Safavid Age, Londres-New-York, I.B. Tauris, 2012, pp. 91-101.
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[35]
Robert Mantran, Histoire de l’Empire ottoman, Paris, Fayard, 1989, pp. 157-158.
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[36]
Voir Aurélie Chabrier, « La Monarchie safavide et la modernité européenne (xvi e-xvii e siècles) », thèse de doctorat de l’université Jean Jaurès, Toulouse, 30 novembre 2013, pp. 45-54.
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[37]
« Il me demanda aussi pourquoy le Roy d’Espagne ne faisoit pas la guerre au Turc, je luy répondis que l’on faisoit tout ce qui se pouvoit, que l’on couroit incessamment les mers, que l’on se rendoit maistres tous les ans de quantité de vaisseaux, que l’on saccageoit des bourgs et des places d’importance […]. Le Roy dit que tout cela estoit peu de chose, et nullement avantageux ; mais qu’il falloit prendre Cypre [sic], recouvrer la terre sainte, avancer tousjours dans le pays ennemi, se le conserver, comme il faisoit » (Pietro della Valle, Suite des fameux voyages, op. cit., pp. 329-330).
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[38]
Figueroa, L’Ambassade, op. cit., pp. 332-333.
-
[39]
Voir Mirza Rafia Ansari, Dastur al-Moluk, A Safavid State Manual, éd. et trad. Willem Floor et Mohammad Faghfoory, Costa Mesa, Mazda Publishers, 2007, pp. 83-84 et pp. 156-159. La charge de mehmandar bashi est permanente, à la différence des missions ponctuelles confiées aux mehmandaran. Cet officier appartient au corps des maqarrab al-hazrat, attaché à la cour. Il travaille en collaboration avec les autres officiers d’Ispahan, comme le vazir et le kanlantar, mais aussi avec ceux du divan et des magasins royaux. Willem Floor souligne qu’il dépend directement du qurshi bashi dans Safavid Government Institutions, Costa Mesa, Mazda Publishers, 2001, p. 164. Le chroniqueur Iskandar Beg Munshi nous apporte également des informations précieuses sur cet office : Tarikh-e ‘alam ara-ye ‘Abbassi, op. cit., t. I, pp. 166-173.
-
[40]
Figueroa, L’Ambassade, op. cit., p. 259.
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[41]
Daniel Ménager, Diplomatie et théologie à la Renaissance, Paris, Puf, 2001, p. 48.
-
[42]
Abraham de Wicquefort, L’Ambassadeur et ses fonctions (1681), Cologne, Pierre Marteau, 1690, t. I, p. 227.
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[43]
Le navire débarque à Bandar ‘Abbas en 1617. Edward Connock propose à ‘Abbas de faire aborder tous les ans des vaisseaux pour acheter de la soie. Les Portugais manifestent aussitôt leur opposition et font même pression pour que le shah ne le reçoive pas. Voir Pietro della Valle, Suite des fameux voyages, op. cit., pp. 169 et 383.
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[44]
Pierre Chaunu, Conquête et exploitation des nouveaux mondes, Paris, Puf, « Nouvelle Clio », 1969, p. 196 ; Sanjay Subrahmanyam, L’Empire portugais d’Asie, 1500-1700 : histoire politique et économique, Paris, Maisonneuve et Larose, 1999 ; Willem Floor, The Persian Gulf. A Political and Economic History of Five Port Cities, 1500-1730, Washington, Mage Publishers, 2006.
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[45]
Sur Ormuz et sa position stratégique à l’époque moderne, voir Dejanirah Couto et Rui Manuel Loureiro (dir.), Revisiting Hormuz. Portuguese Interactions in the Persian Gulf Region in the Early Modern Period, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, 2008, dont les communications s’inscrivent dans la lignée des recherches de Jean Aubin, « Le royaume d’Ormuz au début du xvi e siècle », Mare Luso-Indicum, 2, 1973, pp. 77-179.
-
[46]
Ernst van Veen, « La rivalité luso-néerlandaise sur la route des Indes (1596-1640) », Revue d’Histoire Maritime, n° 4, Rivalités maritimes européennes (xvi e-xix e siècles), PUPS, 2005, pp. 71-92. Les archives de la VOC ont par ailleurs été abondamment étudiées ces dernières années par Willem Floor, The Economy of Safavid Persia, Wiesbaden, Reichert, 2000.
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[47]
Beaucoup des familles déportées par Shah ‘Abbas quitteront ces régions après sa mort en 1629. Voir Edmund M. Hertzig, « The Deportation of the Armenians in 1604-1605 and Europe’s Myth of Shah Abbas I », in Charles Melville (dir.), Pembroke Papers, Cambridge, 1990, pp. 59-71.
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[48]
Voir Herbert, Relation du voyage de Perse, op. cit., p. 293, et Pietro della Valle, Suite des fameux voyages, op. cit., p. 242. Transformées en « terres de la Couronne » en 1598, le Gilan et le Mazanderan passent sous le contrôle direct de l’administration royale. Voir Rudi Matthee, The Politics of Trade in Safavid Iran. Silk for Silver, 1600-1730, Cambridge, Cambridge University Press, 1999, p. 75.
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[49]
Selon Rudi Matthee (ibid., p. 102), la date qui peut être retenue pour l’établissement du monopole de la soie est 1619. La seule source safavide qui mentionne cette mesure est le Afzal al-tawarikh.
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[50]
Herbert, Relation du voyage de Perse, op. cit., p. 341. Les fondations sont de marbre blanc et les murs de briques cuites au soleil, ornés d’un glacis bleu, rouge et blanc. L’ornementation est recherchée avec de nombreuses arabesques peintes en fresque. Au centre du bâtiment, une grande cour et un étang alimenté par un qanat. Des jardins sont aménagés tout autour du caravansérail.
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[51]
Sur la rencontre des rahdars chez Thévenot, voir les contributions de Yasmine Atlas et de Sylvie Requemora-Gros au présent dossier, respectivement pp. 54-57 et 79.
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[52]
Pietro della Valle, Troisiesme partie des fameux voyages, op. cit., p. 50 : « Le roy de Perse est, à dire le vray, le plus grand, et comme l’unique marchand de son Estat ; parce que s’il y a quelque grand gain à faire, il se le reserve pour luy seul, sans permettre que nul autre en soit participant, et il n’y a aucune sorte de marchandise dont il ne fasse trafic ».
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[53]
Pour un bilan des études concernant le commerce des Arméniens de la Nouvelle Julfa au xvii e siècle, voir Sushil Chaudhury, Kéram Kévonian (dir.), Les Arméniens dans le commerce asiatique au début de l’ère moderne, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’Homme, 2008.
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[54]
Pietro della Valle, Suite des fameux voyages, op. cit, p. 39 : « le roy a transferez tous ces peuples de plusieurs endroits, pour ne les pas abandonner sur les frontieres de Turquïe, où il y avoit danger de les perdre un jour ; si bien qu’il a deserté les extremitez de son royaume et en a conduit le peuple jusques icy, au centre de la Perse, où il leur a donné d’autres terres à cultiver : tellement que par ce moyen il s’est asseuré la possession de ces gens-là, qui d’ailleurs ne contribuent pas moins à la grandeur qu’à la richesse et à la beauté de cette ville d’Hisphahan que le roy, le premier de tous ses predecesseurs, a choisi pour sa demeure ordinaire, et dans laquelle, veu les bastiments que l’on éleve incessamment et les dépenses qui s’y font, l’on peut inferer qu’il se plaist souverainement. » Sur les conditions réelles de cette déportation, on lira le témoignage d’Arakel de Tabriz, écrit une cinquantaine d’années après les faits, mais qui porte la marque du traumatisme de cette action : Livre d’histoires, in Collection d’historiens arméniens, trad. M. Brosset, Saint-Pétersbourg, Académie impériale des sciences, 1874-1876, t. I.
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[55]
Parallèlement, le réseau des Arméniens de la Nouvelle Julfa se développe en Asie jusqu’au Népal et au Boutan.
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[56]
Pour une étude détaillée des treize églises arméniennes du quartier de la Nouvelle Julfa, à Ispahan, voir John Carswell, New Julfa: The Armenian Churches and Other Buildings, Oxford, Clarendon Press, 1968.
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[57]
Figueroa, L’Ambassade, op. cit., pp. 282-283.
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[58]
La tolérance de Shah ‘Abbas est toutefois relative. S’il accepte que les étrangers pratiquent librement leur culte sur son territoire, il réprime en revanche vigoureusement toute tentative de prosélytisme, notamment auprès des musulmans. Trois de ses sujets sont ainsi exécutés en 1622 pour s’être convertis au christianisme ; voir Pietro della Valle, Troisiesme partie des fameux voyages, op. cit., pp. 447-448. L’espoir de voir le souverain safavide se convertir, caressé un temps par les missionnaires, est rapidement abandonné.