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Article de revue

Qu’est-ce que les mercures au temps du Mercure galant ?

Pages 9 à 22

Notes

  • [1]
    Sur cette forme de presse, voir Marion Brétéché, Les Compagnons de Mercure. Journalisme et politique dans l’Europe de Louis XIV, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2015.
  • [2]
    Les continuateurs de Loret. Lettres en vers de La Gravette de Mayolas, Robinet, Boursault, Perdou de Subligny, Laurent et autres (1665-1689), recueillies et publiées par le baron James de Rothschild, Paris, D. Morgand et C. Fatout, 1881-1899.
  • [3]
    Joad Raymond, Pamphlets and Pamphleteering in Early Modern Britain, Cambridge, Cambridge U. P., 2003, pp. 128-129 ; Wolfgang Behringer, Im Zeichen des Merkur : Reichspost und Kommunikationsrevolution in der Frühen Neuzeit, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2003, en particulier pp. 318-320.
  • [4]
    Mercure français, annuel, Paris, différents libraires (principalement Jean et Estienne Richer), 1611-1648, 25 vol in-8°. Le fondateur et longtemps rédacteur Jean Richer semble avoir été associé dès le début à Estienne Richer, non toujours présent à l’adresse, mais seul à y figurer pendant de longues périodes. D’autres libraires suivront, pour les cinq derniers tomes : principalement Olivier de Varennes (t. 21 à 24), mais aussi Jean Henault (t. 25). Signalons que Jean Jost réimprime en 1647, à l’expiration du privilège (et sans l’indication « avec privilège »), le t. 20 imprimé en 1637 par Estienne Richer, et que le t. 21 (daté de 1639) contient un extrait du privilège obtenu le 8 octobre 1638 par un autre libraire, Pierre Billaine, pour imprimer ledit volume qui devait correspondre aux années 1635 à 1638, mais s’arrête en 1637, et la cession de ce privilège à Olivier de Varennes (cession réitérée définitivement par les héritiers de Pierre Billaine pour l’impression du t. 22). Sur ce périodique, voir la thèse de doctorat de Virginie Cerdeira intitulée Le Mercure François et la fabrique de l’espace public en France au xvii e siècle, en préparation sous la direction de Guy Le Thiec et d’Isabelle Luciani à Aix-Marseille Université. Le Groupe de recherches interdisciplinaires sur l’histoire du littéraire (Centre de recherches historiques, UMR 8558 EHESS-CNRS / Université Sorbonne nouvelle-Paris 3) a mis en ligne, sous la responsabilité de Cécile Soudan, un facsimilé numérique de la collection du Mercure françois conservée dans le fonds ancien de la bibliothèque de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées (t. 1 à 24), consultable librement à l’adresse suivante : http://mercurefrancois.ehess.fr/
  • [5]
    Histoire abrégée de l’Europe, où l’ont voit tout ce qui se passe de considérable dans les États, dans les armes, dans la nature, dans les arts et dans les sciences, Leyde, Claude Jordan, juillet 1686-décembre 1688, mensuel, 5 vol. semestriels in-12.
  • [6]
    Mercure historique et politique concernant l’état présent de l’Europe, ce qui se passe dans toutes les cours, l’intérêt des Princes, leurs brigues, et généralement tout ce qu’il y a de curieux pour le mois de…, le tout accompagné de Réflexions politiques sur chaque État, La Haye, H. van Bulderen, puis L. et H. van Dole, puis F.-H. Scheurleer, puis F.-H. Scheurleer et al., novembre 1686-avril 1782, mensuel, 192 vol. semestriels in-12.
  • [7]
    Jean Lombard, Courtilz de Sandras et la crise du roman à la fin du Grand siècle, Paris, Puf, 1980.
  • [8]
    Sur la forme périodique des gazettes, voir en particulier Henri Duranton, Claude Labrosse et Pierre Rétat (dir.), Les gazettes européennes de langue française, xvii e-xviii e siècles, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1992 ; H. Duranton et P. Rétat (dir.), Gazettes et information politique sous l’Ancien Régime, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1999 ; Denis Reynaud et Chantal Thomas (dir.), La suite à l’ordinaire prochain. La représentation du monde dans les gazettes, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1999.
  • [9]
    Mercure historique et politique…, op. cit., novembre 1686, t. 1, p. 2.
  • [10]
    Élite des Nouvelles de toutes les Cours de l’Europe, avec plusieurs faits curieux tant de l’ancienne Cour de France, et d’Angleterre, que de la moderne, Amsterdam, Louis Du Val, janvier-mai 1698, trois livraisons en un volume in-12.
  • [11]
    Nouveau Mercure galant des cours de l’Europe, La Haye, E.  Foulque, novembre – décembre 1710, 2 livraisons mensuelles.
  • [12]
    François-Denis Camusat, Histoire critique des Journaux, Amsterdam, J.-F. Bernard, 1734, pp. 5-6.
  • [13]
    Pierre Bayle, Réponse aux questions d’un provincial, Rotterdam, Reinier Leers, 1704, t. 2, pp. 123-124. Bayle fait ici allusion à un article de l’Histoire des ouvrages des savants de mars 1692.
  • [14]
    Annuel sur le modèle du Mercure français, traduction du Hollantsche Mercurius, périodique néerlandais d’Abraham Casteleyn de Haarlem.
  • [15]
    P. Bayle, Réponse…, op. cit., t. 2, pp. 115-125 pour le chapitre XI et p. 119 pour la citation.
  • [16]
    Idem.
  • [17]
    « Monsieur, soiez assûré que cette sorte de livres peuvent être raisonnablement citez par un Auteur grave car il peut les alleguer à cause des piéces que l’on y insère, ou à cause des dates, ou à cause de quelque particularité généalogique, ou de quelque reflexion ingenieuse, ou comme une preuve, je ne dirai pas de la réalité d’une Victoire mais des bruits qui en coururent dans un tel Païs, ou enfin parce que n’aiant pas de meilleurs garans, il aime mieux citer des Mercures et des Gazettes que de ne citer personne. Il ne doit pas craindre de transporter ses lecteurs en Païs perdu lorsqu’il renvoie à ces Livres-là qu’on trouve partout… », P. Bayle, Réponse…, op. cit., t. 2, pp. 121-122.
  • [18]
    Nouvelles de la République des Lettres, août 1686, p. 959. Sur la publication de « pièces fugitives » par Bayle lui-même, voir Dinah Ribard, « La philosophie mise en recueils : les “pièces fugitives” », dans GRIHL, De la publication. Entre Renaissance et Lumières, Paris, Fayard, 2002, pp. 61-75.
  • [19]
    Sur cette valeur, on dispose aussi d’une remarque de Joseph Bayle, frère de Pierre, dans une lettre à Salomon d’Usson (11 mars 1684) : « Je me suis souvent estonné de ce que vous qui etes si curieux pour toutes choses, ne veuilliés pas avoir dans v[ot]re bibliotheq[ue] 2 livres fort necessaires qui sont le Mercure francois, et le Mercure galand, ce sont des ouvrages excellens qu’oy qu’on en puisse dire et qui seront extremement rares, car le premier qui contient 25 tomes coutte 20 pistoles et on n’en trouve plus[.] Je say que sans la lecteure du premier, on ne peut guere bien savoir l’histoirë des siecles passés, et le second quoy que fort differend de celuy cy, ne manque pas d’avoir de fort grands usages. J’estime heureux m[on] f[rere] l’aisné d’avoir accompli le premier car il en trouvera quand il voudra 200 l[ivres] t[ournois.] » (http://bayle-correspondance.univ-st-etienne.fr/, lettre 255). Bayle possédait donc la collection complète du Mercure français.
  • [20]
    Lettres sur les matières du temps, Amsterdam, Pierre Savouret, Vve de Pierre Savouret, Henry Desbordes, 1688 – 1690, bimensuel, 3 tomes en un vol. in-4°.
  • [21]
    Sur ce bihebdomadaire, la plus célèbre des « gazettes de Hollande », voir Pierre Rétat (dir.), La Gazette d’Amsterdam, miroir de l’Europe au xviii e siècle, Oxford, Voltaire Foundation, 2001. La collection la plus complète de ce périodique a été éditée : P. Rétat, Pascale Ferrand et Daniel Roux (éd.), Gazette d’Amsterdam, Édition électronique, Voltaire Foundation, Université d’Oxford, 2000.
  • [22]
    « […] Messieurs les ministres anglais ayant parlé avec ceux de France d’une renonciation de l’Électeur de Bavière sur les Pays Bas espagnols, tous ont conclu sans difficulté sur ce sujet et ont bien voulu accepter que l’on rédige un nouvel acte de cession et de renonciation [...]. Mais afin de pouvoir faire cela avec plus d’exactitude, je vous demande : 1. si Votre Excellence possédait parmi ses documents l’acte de cession des Pays Bas espagnols fait par le roi Philippe au très-estimé Électeur, ou pouvait se le procurer, pourrait-elle me le faire parvenir ? Autrement, j’écrirais à Monsieur De Breuil à Amsterdam pour l’obtenir », Traduction du néerlandais de la lettre de Willem Buys à Anthonie Heinsius, d’Utrecht le 10 mars 1713, éditée dans De Briefwisseling van Anthonie Heinsius, 1702-1720, publiée par Augustus J. Jr. Veenendaal, La Haye, M. Nijhoff, 1976-2001, 19 tomes, citation dans le t. 14, p. 573.
  • [23]
    Histoire abrégée de l’Europe.., op. cit., janvier 1688, t. 4, « Avis au lecteur », p. 1.
  • [24]
    Voir par exemple, l’« Avertissement » de l’Histoire abrégée de l’Europe en tête de la première livraison et la définition très détaillée de la notion de « désintéressement » proposée par le rédacteur des Lettres historiques (janvier 1692, t. 1, pp. 9-10).
  • [25]
    Les exemplaires consultables du tome 22 du Mercure français sont le plus souvent datés de 1646, mais cette épître dédicatoire vient rappeler le moment de la fabrication/première impression de ce volume, 1641 : Bouthillier, fidèle de Richelieu, n’est plus surintendant des finances à partir de 1643.
  • [26]
    Sur la Gazette de Renaudot, voir Stéphane Haffemayer, L’information dans la France duxvii e siècle : la Gazette de Renaudot de 1647 à 1663, Paris, H. Champion, 2002 ; plus généralement, voir Gilles Feyel, L’annonce et la nouvelle. La presse d’information en France sous l’Ancien Régime (1630-1788), Oxford, Voltaire Foundation, 2000.
  • [27]
    Vingt-deuxième tome du Mercure français, ou Suite de l’Histoire de notre Temps, Sous le Règne du Très Chrétien & Très Auguste Roi de France & de Navarre Louis XIII En l’Année 1638, Paris, Olivier de Varennes, 1646, « avant-propos », pp. 1-6.
  • [28]
    La citation provient de la préface d’un des suppléments de la Gazette parus en 1632, la Relation des nouvelles du monde reçues tout le mois de mars 1632, étudiée avec d’autres discours préfaciels de Renaudot par Gilles Feyel dans un article de synthèse, « Aux origines de l’éthique des journalistes : Théophraste Renaudot et ses premiers discours éditoriaux (1631-1633) », Le Temps des médias 1/2003 (n° 1), pp. 175-189 (www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2003-1-page-175.htm).
  • [29]
    À la fin du t. 22, Renaudot commente le long compte rendu qu’il a donné du projet de réunion des confessions de La Milletière (« Quoi qu’il arrive des intentions de cet Auteur, puisqu’il est manifeste, qu’elles ne tendent qu’à un très grand bien & très souhaitable, quand elles n’auraient pas le succès entier qu’elles méritent, elles sont néanmoins très dignes de la considération du public. Et comme le soin d’exciter les hommes à cette affection, appartient proprement au but de ceux qui écrivent l’histoire, cette circonstance de notre temps, n’a pas semblé devoir être omise, sans lui donner place dans le registre des affaires publiques »), puis ajoute : « C’est ce qui est tombé entre nos mains de plus remarquable pour, avec nos narrations journalières, servir de matière à l’histoire de l’année 1638 » (Vingt-deuxième tome du Mercure français, op. cit., p. 596, nous soulignons). La mise en forme écrite de bonnes intentions non encore réalisées est un mémoire, qui mérite d’être enregistré pour l’histoire, c’est-à-dire publié, à l’égal de l’interprétation rédigée d’un événement récent ou en cours, qui prend notamment la forme des nouvelles ou « narrations journalières ».
  • [30]
    « D’ailleurs, étant comme chacun sait destiné pour recevoir dans cet œil du monde les récits des actions & choses mémorables qui se passent par tout l’Univers : (Office dont le temps fera reconnaître le mérite, & dont je ferai juge la postérité, si les préoccupations du siècle & l’intérêt des particuliers de ce temps me les rendent moins équitables) […] », ibidem, p. 4. Renaudot parle ici de lui-même.
  • [31]
    La première citation se trouve dans la Préface au Lecteur n. p. du Mercure français, ou, la Suite de l’Histoire de la paix. Commençant l’an 1605 pour suite du Septenaire du D. Cayer, & finissant au Sacre du Très-Chrétien Roi de France & de Navarre Louis XIII, Paris, Jean Richer, 1612 [1611] et la seconde dans l’Avis du Libraire au Lecteur, également n. p., de La Continuation du Mercure français, ou, Suite de l’Histoire de l’Auguste Régence de la Reine Marie de Médicis, sous son fils le Très-Chrétien Roi de France& de Navarre Louis XIII, Paris, Estienne Richer, 1615 [1613]. Nous soulignons.
  • [32]
    Voir Christian Jouhaud et Dinah Ribard, « Événement, événementialité, traces » dans Recherches de science religieuse, n° spécial « Repenser l’événement », t. 102/1, janv-mars 2014, pp. 63-77.
  • [33]
    Sur les différents imprimés consacrés au mariage royal, voir Abby Zanger, Scenes from the Marriage of Louis XIV: Nuptial Fictions and the Making of Absolutist Power, Stanford, Stanford University Press, 1997.
  • [34]
    Le Mercure guerrier, Contenant les Victoires du Roi dans la Hollande, dans la Flandre, dans la Franche-Comté, & dans plusieurs autres Provinces. Avec ce qui s’est passé de plus galant dans la Cour de Monseigneur le Dauphin, Paris, J.-B. Loyson, 1674.
  • [35]
    Ibidem, pp. 7-9. Un sous-titre, à l’ouverture de cet avant-propos, précise : Le Mercure Guerrier, ou la Première Campagne glorieuse de Sa Majesté en Hollande.
English version

1 Cette contribution entend participer à la réflexion sur le Mercure galant de l’extérieur, en observant le système qu’il constitue avec d’autres ouvrages périodiques qui lui sont contemporains. D’une part, une douzaine de mensuels politiques, rédigés en français et publiés en Hollande dans les années 1680-1720, pour lesquels le Mercure galant représente à la fois un modèle et un repoussoir [1]. D’autre part, les feuilles de François Colletet, elles imprimées en France et dont nous montrerons la proximité avec le périodique de Donneau de Visé en les rapportant comme lui à un autre élément du dispositif, les gazettes en vers de Loret et de ses continuateurs, apparues après la Fronde [2]. Pour comprendre ce que nous qualifions ici de système ou de dispositif, il faudra en effet faire aussi un retour en arrière.

2 Tandis que certains de ces imprimés emploient le terme « mercure » dès leur titre, d’autres s’y réfèrent plus ou moins explicitement dans leurs péritextes. Leur point commun tient à ce qu’ils donnent à l’appellation un sens spécifique, qui ne convient pas à tous les objets éditoriaux qui se sont appelés Mercure au cours du temps, mais qui renvoie bien à ce que la désignation « mercure » signifie dans ce moment du xvii esiècle. À l’époque du Mercure galant, il ne s’agit ni tout à fait d’une forme éditoriale, ni d’un contenu précis : toutes ces feuilles relèvent plutôt de ce que l’on pourrait appeler une « formule mercure ». Celle-ci n’est pas contemporaine du premier Mercure, le Mercurius gallobelgicus, fondé en 1594 à Cologne [3]. C’est le Mercure français [4] qui la fixe et l’impose à l’attention des observateurs du monde des écrits, et notamment des gens qui allaient devenir journalistes – alors même qu’en France, et dans toute l’Europe, continuent à paraître maints objets appelés Mercure qui n’utilisent pas cette formule. Elle se caractérise par une combinaison d’éléments. Tout d’abord, un projet revendiqué : « dire ce qui est advenu », « ce qui s’est passé de plus remarquable », durant une période de temps limitée (donc dans un passé récent), grâce à une publication périodique. Ensuite, une modalité de présentation, ou pour mieux dire d’énonciation : à partir du début du xvii esiècle et de la naissance du Mercure français, ce dire s’exprime toujours en publiant des pièces produites pendant le laps de temps dont il s’agit de rendre compte. D’où le qualificatif de « mercure » qui fait allusion au messager des dieux, intermédiaire diligent, porteur à la fois de la nouvelle et des pièces qui la constituent.

3 Au fil des années et surtout des publications, la formule fluctue. Que permet de saisir sur le Mercure galant, la transformation en méthode historique et politique, par des périodiques hollandais, de ce protocole de publication, de montage et de commentaire de pièces ? Selon leurs auteurs, en tout cas, il s’agit là d’un perfectionnement qui permet de transformer ces périodiques en anti-Mercure galant. De la même manière, que comprend-on en observant d’autres élaborations du projet de « dire ce qui s’est passé de plus remarquable », lorsque les pièces mobilisées sont cette fois des pièces poétiques ?

4 Nous voudrions ainsi réfléchir à ce que réalise le Mercure galant en analysant d’autres périodiques qui, eux-mêmes, interprètent le périodique parisien. Tandis que les mercures hollandais rendent visibles des similarités et des écarts, les ouvrages de Colletet donnent surtout le moyen d’observer des manipulations identiques. Autant d’opérations qui permettent de saisir le Mercure galant en tant qu’il est un pôle essentiel dans un système périodique francophone transnational.

Mercure en Hollande

5 Les mercures publiés en Hollande sont des mensuels consacrés exclusivement à l’actualité politique européenne qui empruntent tous la même forme : dans des livraisons d’une centaine de pages in-12, ils proposent un récit des événements survenus durant le mois écoulé, des pièces publiées à titre de preuves et des commentaires interprétant les faits. Entre 1686 et 1720, une douzaine de ces ouvrages sont publiés à La Haye, Amsterdam et Leyde, le plus souvent par des réfugiés français. L’homogénéité de forme et de contenu de ces périodiques en fait un objet singulier et identifiable sur le marché éditorial du temps. Le premier d’entre eux, intitulé Histoire abrégée de l’Europe[5], est fondé en juillet 1686 par un Français devenu libraire à Leyde, Claude Jordan. Le plus célèbre, le Mercure historique et politique[6], est quant à lui créé trois mois plus tard à La Haye, par le libraire Henry van Bulderen et par son premier rédacteur, Gatien Courtilz de Sandras [7].

6 Les fondateurs de ces ouvrages affirment proposer une forme inédite de périodiques exclusivement consacrée au « dévoilement » des événements politiques, selon l’expression qu’ils emploient. Ils revendiquent leur originalité vis-à-vis des gazettes, mais aussi du Mercure galant de Donneau de Visé. Cette prise de distance prend deux formes différentes : alors que les gazettes s’imposent comme une forme éditoriale concurrente à dépasser car trop brève et à la périodicité trop rapide [8], le Mercure galant constitue un véritable repoussoir pour les journalistes francophones de Hollande, en même temps qu’il légitime à leurs yeux la parution de leurs ouvrages. Comme le laissent présager les qualificatifs d’« historique et politique » qu’il adjoint à l’appellation de « Mercure » dans son titre, Courtilz de Sandras entend ainsi écrire un contre-Mercure galant. Il s’en justifie d’ailleurs dès la première livraison  de son mensuel :

7

Mais il y a encore une autre raison [outre l’engouement des contemporains pour les nouvelles] qui m’oblige à faire un Mercure : je vois que celui de Paris est si partial que ceux qui voudroient y puiser quelque chose pour l’Histoire courroient risque de s’y tromper. Ce ne sont que perpetuelles flateries et elles sont devenuës si fades maintenant aux gens de bon goût que, si ce n’est pour de petits airs et pour quelques autres petites bagatelles, on ne s’amuseroit pas à le regarder. J’espere qu’on ne trouvera pas le même défaut dans le mien [9].

8 En 1698, en tête de son second mercure, l’Elite des nouvelles de toutes les cours de l’Europe[10], Courtilz de Sandras utilise de semblables arguments, tout comme Anne-Marguerite Dunoyer lors de la parution de son Nouveau Mercure galant[11] en 1710.

9 Comme l’attestent dans la citation précédente l’emploi du terme « mercure » en tant que substantif et le recours au possessif, ces ouvrages se réclament du Mercure galant tout en s’en distinguant, identifiant ainsi ce que nous avons appelé la « formule » mercure. Un tel constat vaut pour la douzaine d’autres mensuels publiés en français depuis la Hollande qui empruntent la même forme, publient un contenu identique et se citent les uns les autres dans un jeu de références explicites. Au début du xviii esiècle, cette homogénéité est évidente pour les premiers historiens des journaux. Tandis qu’a posteriori le qualificatif de « mercure » semble renvoyer à une signification diffuse et pouvoir ainsi être employé pour désigner des ouvrages très divers, les contemporains s’en saisissent au contraire de manière homogène. Dans son Histoire des journaux publiée en 1734 [12], Camusat distingue simplement les « gazettes », les « mercures » et les « journaux » – ce dernier terme désignant les mensuels érudits du type Journal des savants – sans même qu’il soit nécessaire de donner des définitions. De même, en 1704, dans sa Réponse aux questions d’un provincial, Pierre Bayle appelle de ses vœux l’écriture d’une histoire des mercures, sans plus de précision :

10

Au reste le nombre des Mercures, ou des Ouvrages qui meriteroient ce titre, c’est si fort multiplié qu’il seroit tems que l’on en donnât l’Histoire, comme par la même raison on a donné celle des Journaux de Littérature [13].

11 Dans le chapitre XI intitulé « Si l’on peut citer les Mercures et les Gazettes », Bayle désigne sous le qualificatif de « Mercure », le Mercure français, le Mercure galant, le Mercure Hollandois[14], le Mercure historique et politique et « cent autres Ouvrages qui, sans être intitulez Mercure, sont pourtant de la même étofe [15] ». Ce dernier terme renvoie bien à ce nous avons appelé « formule », c’est-à-dire à l’homogénéité qui caractérise ces périodiques et qui repose sur le dispositif éditorial que tous emploient. Au terme de presque un siècle d’existence, la spécificité de ce dispositif paraît tenir dans l’articulation de deux contenus étroitement enchevêtrés, le second plus ou moins développé : les pièces republiées et les « dissertations [16] » inédites, propres à chaque mercure, qui ont pour fonction de les commenter et de les lier les unes aux autres de manière à élaborer un récit et une interprétation des événements.

12 Pour les contemporains, au tout au moins pour les érudits qui ont témoigné de leurs pratiques de lecture, la qualité des mercures, et leur supériorité sur les gazettes, reposent précisément sur la présence des pièces, rendue possible par la périodicité mensuelle. D’ailleurs, les tables présentes en fin de chaque livraison signalent de façon presque systématique les documents, signe qu’ils devaient être repérables au premier coup d’œil. Pour Bayle, ce sont essentiellement les pièces qui fondent l’autorité des mercures, lesquels peuvent ainsi être cités et convoqués en tant qu’ouvrages de référence – à plus forte raison s’ils sont très largement diffusés [17]. Un mois à peine après la parution du premier mercure de Hollande, le journaliste des Nouvelles de la République des Lettres approuve le programme de l’Histoire abrégée de l’Europe dans sa recension. Selon lui, la valeur d’un ouvrage de ce type est double. Elle repose sur la présence de « plusieurs pièces fugitives qui servent beaucoup aux historiens », mais aussi sur les corrections que le rédacteur peut apporter aux nouvelles diffusées par les autres supports à la périodicité plus brève [18]. Cette double fonction explique aussi que Bayle accorde une plus grande valeur au Mercure français de Richer qu’à ceux de ses successeurs [19]. Annuel, le Mercure français pouvait contenir de plus longues pièces et avoir un plus grand recul sur les nouvelles méritant d’être ou de ne pas être publiées.

13 La formule mercure se voit ainsi attribuer une fonction spécifique, par leurs fondateurs mais aussi par leurs utilisateurs : être les archives du temps présent. Ces ouvrages bénéficient d’une valeur au-delà de leur inscription originelle dans l’actualité et d’une lecture immédiate dans le cours des événements. Cette fonction de conservation des documents politiques est même explicitement attribuée au gazetier Tronchin du Breuil, rédacteur du mercure intitulé Lettres sur les matières du temps [20] puis de la Gazette d’Amsterdam [21] : faute d’une conservation systématique des documents par le gouvernement hollandais, c’est lui que le plénipotentiaire néerlandais au congrès d’Utrecht sollicite pour obtenir la copie d’anciens traités de manière à pouvoir rédiger un nouvel accord [22].

14 Loin d’être une simple déclaration d’intention, cette fonction attribuée aux mercures s’impose comme une démarche éditoriale théorisée et mise en pratique. Dans leurs péritextes, les éditeurs et les rédacteurs expliquent ainsi à leurs lecteurs – dès le premier mercure de Hollande puis dans toutes les premières livraisons de chacun d’entre eux – comment ces ouvrages sont pensés comme un tout, comme « un corps [23] », dont les livraisons doivent être reliées les unes aux autres pour constituer une « histoire du temps ». Pour permettre cette métamorphose prévue initialement, ils fournissent deux fois par an une page de titre semestrielle vouée à être placée à la tête du volume contenant les six dernières livraisons. De même, ils numérotent les tomes et utilisent une pagination unique par tome.

15 Au-delà de ce qui pourrait n’être qu’un simulacre d’histoire, les éditeurs proposent également des outils permettant de pratiquer une lecture détachée de l’immédiateté induite par la mensualité. Chaque mercure contient ainsi des sommaires et des index, parfois même des intertitres marginaux : autant d’instruments qui permettent d’expérimenter une lecture extensive et discontinue. Si ces procédés ne sont pas en soi nouveaux, l’intensité de leur mobilisation et sa théorisation dans les péritextes, qui plus est dans des ouvrages périodiques, constituent une réelle innovation. Par ces pratiques, les rédacteurs exploitent l’ambigüité qui caractérise le statut juridique et matériel des ouvrages périodiques à l’époque, ceux-ci ne bénéficiant pas encore d’une identité éditoriale réellement autonome vis-à-vis du livre.

16 S’il existe bien une « formule mercure » fortement cohérente aux yeux des contemporains, il n’en demeure pas moins que, comme l’écrit explicitement Courtilz de Sandras, on l’a vu, les mercures de Hollande se pensent contre le Mercure galant. Leurs auteurs ne cessent de revendiquer la singularité de leurs ouvrages vis-à-vis de leur prédécesseur français. Selon eux, celle-ci repose sur une forme d’impartialité ou, tout au moins, sur le « respect » qu’ils disent manifester à l’égard de toutes autorités politiques et religieuses [24], par opposition aux prises de position pro- françaises omniprésentes de Donneau de Visé – dont les concurrents de Hollande savent qu’il bénéficie d’une pension du roi, brigue un poste d’historiographe et publie son périodique sous privilège. De fait, si l’effectivité des déclarations d’impartialité des journalistes de Hollande reste relative, il n’en demeure pas moins que leurs ouvrages sont détachés de toute relation de service. Les privilèges n’étant pas nécessaires et la censure préalable n’existant pas aux Provinces-Unies, aucun d’entre eux n’est soumis à un contrôle, excepté en cas de plainte après publication. Par ailleurs, aucun de leurs rédacteurs ne bénéficie d’une pension ou d’un quelconque avantage en échange de leurs talents de plume. Et ces ouvrages tiennent en effet des positions politiques et religieuses variées, le plus souvent protestantes et favorables à la République, mais toujours originales. Celles-ci s’expriment dans les longues « dissertations » qui accompagnent les pièces, les commentent et surtout les interprètent. Ainsi naissent des voix de journalistes, qui analysent l’actualité politique et s’attribuent explicitement cette fonction. Loin de trouver leur rétribution dans une relation de service, ces hommes – devenus auteurs en s’exilant aux Provinces-Unies – sont devenus des professionnels de la publication de l’actualité politique au point de donner naissance à un nouveau type de périodiques qui réinvente la forme empruntée par le Mercure galant. Dans le contexte de la librairie hollandaise, leur rémunération repose sur la satisfaction du public, condition indispensable à la rétribution de leurs services de plume par des éditeurs qui dirigent avant tout une entreprise commerciale. C’est dans cet écart sociopolitique que loge la différence fondamentale entre les mercures de Hollande et le Mercure galant, alors même que tous ces ouvrages se caractérisent par lesmêmes opérations de publication, celles-là même qui fondent le succès de la « formule mercure ».

Du Mercure français au Mercure galant

17 Le fait que les mercures hollandais et le Mercure galant constituent, vers la fin du xvii esiècle, deux réalisations opposées d’une même formule clairement identifiée par les contemporains, n’est pas sans conséquence et pour la compréhension du Mercure galant, et plus généralement pour l’histoire de la presse. Élargissons la focale pour mieux en rendre compte, et pour cela repartons du Mercure français.

18 Le créateur de la Gazette, Théophraste Renaudot, prend en charge sa publication à partir du tome 22, correspondant aux années 1637-1638 – il en signe l’épître dédicatoire au surintendant des finances Claude Bouthillier [25]. Dans un avant-propos placé entre cette épître et une longue « adjonction » de plus de cent pages sur ce qui, selon lui, avait été omis pour 1637 dans le tome précédent, couvrant les années 1635-1637, il explique pourquoi, malgré toutes ses occupations, il a accepté de « donner encore au public d’autres mémoires de notre Histoire, que ceux lesquels j’ai publiés jusques ici dans mes Gazettes, Nouvelles & Relations, tant ordinaires qu’extraordinaires ». La brièveté de la Gazette, affirme-t-il, « ne saurait suffire à la description particulière des choses mémorables dont l’Histoire doit être composée. C’est pourquoi le principal but de l’Historien étant d’être utile à son Lecteur & lui faire remporter quelque fruit, lequel se recueille des seules particularités & circonstances & non du gros des affaires : il m’a fallu chercher un champ plus spacieux que les précédents pour rendre ma lecture plus profitable ». La distinction entre Gazette et Mercure, entre gazettes et mercures, n’est donc pas si évidente que cela : l’une comme l’autre sont de l’histoire, plus précisément des « mémoires de notre Histoire », publiés par Renaudot, qui les a reçus, et dont la tâche consiste à les présenter en les liant les uns aux autres de la manière la plus utile au lecteur possible. Mais dans la Gazette hebdomadaire [26], il ne peut faire long, et de plus doit faire vite, car les choses ne plaisent que parce qu’elles sont neuves. Il ne peut donc publier les mémoires les plus intéressants, ceux dont les auteurs ont pris le temps de la réflexion. De sorte, continue-t-il, que « je ne puis éviter l’un de ces deux blâmes, ou d’être injurieux à la mémoire des belles actions pour la conservation desquelles l’Histoire a été inventée, ou de vous donner de vieilles nouvelles, par conséquent rebutées, bien qu’ordinairement les plus véritables, comme ayant été contrôlées par le temps [27] ».

19 Des « mémoires de notre Histoire » : la formule est à rapprocher d’une autre définition due à Renaudot, fort célèbre celle-ci, et qui date de 1632.

20

L’histoire est le récit des choses advenues ; la Gazette seulement le bruit qui en court. La première est tenue de dire toujours la vérité. La seconde fait assez si elle empêche de mentir. Et elle ne ment pas, même quand elle rapporte quelque nouvelle fausse qui lui a été donnée pour véritable. Il n’y a donc que le seul mensonge qu’elle controuverait à dessein qui la puisse rendre digne de blâme [28].

21 Entre les « choses advenues », les « choses mémorables » ou les « belles actions », formulations choisies pour le Mercure, et l’histoire – le récit véritable qui en est finalement produit, la vérité de ce passé –, il y a les nouvelles, les mémoires, autrement dit les mises en forme écrites qui en sont faites. Mises en forme écrites qui viennent s’imposer, ou du moins tentent de s’imposer aux autres modes d’existence possibles de l’événement avant l’histoire : la rumeur, le mensonge, la rumeur forcément mensongère dès lors qu’elle est incontrôlée ; la nouvelle, elle, est le bruit qui court contrôlé, le terme mémoire insistant plus fortement sur la dimension écrite de cette opération de contrôle [29]. Ces écritures sur les « choses » ou les « actions » qui méritent d’être conservées dans le trésor qu’est l’histoire – notre histoire – sont plus longues et plus développées dans le Mercure français que dans la Gazette, mais pas d’une nature différente. Moins asservies à la nécessité de la nouveauté, elles ont le prix de la réflexion, parfois aussi celui de la vérification. Notons que si ce que Renaudot écrit quand il prend en charge le Mercure français est, on le voit, une reformulation de ce qu’il affirmait en 1632 à propos d’un type de publication périodique dont la différence avec les mercures et autres ouvrages « de la même étoffe », pour parler comme Bayle, paraît évidente à la fin du xvii esiècle, en réalité c’est bien sa Gazette qui l’intéresse : sous sa direction, le Mercure va dépérir puis disparaître, et il semble qu’il en ait délibérément fait traîner l’impression. La pensée qui se dit ici n’est pas une description de ses actions, même si elle constitue bien une manière de caractériser ce qu’il revendique hautement comme étant son « office [30] ». Et dans son écart même avec l’intérêt à la différenciation qu’a chaque nouveau projet journalistique, elle éclaire aussi bien la « formule Mercure » que sa proximité maintenue à travers le temps, malgré la réitération des déclarations et l’enracinement des distinctions typologiques, avec celle des gazettes.

22 Cette pensée identifie un temps, le temps propre des mémoires et nouvelles : le temps, qui peut être plus ou moins long, de l’action historiographique. Celle-ci est d’emblée comprise comme possiblement diversifiée. Si Renaudot lui-même reçoit du pouvoir politique à la fois le souci, dont il fait sa tâche, d’empêcher que le mensonge ne circule, et les bons mémoires destinés à annuler les mauvais bruits, l’action historiographique est tout aussi susceptible d’être menée depuis d’autres lieux où l’on est informé et où l’on a matière à écrire. Bien des gens peuvent se glisser dans le rôle, et les mauvais mémoires existent aussi. Dès les débuts du Mercure français, les premiers responsables de sa publication, les libraires Jean et Estienne Richer, écrivaient ainsi, respectivement dans le tome I et le tome II :

23

Je pensais finir cette Histoire par la mort de ce grand Roi [Henri IV], mais je l’ai continuée jusques au Sacre & Couronnement du Roi son fils, pour ce que plusieurs sous faux rapports ont avec imprudence fait imprimer depuis sa mort des choses importantes, par malice, & les ont fait courir aux pays étrangers.
Or ceux qui écrivent l’Histoire de leur temps, entreprennent une action bien libre, & qui leur apporte souvent de la haine, & de l’envie ; & principalement quand ils rapportent les mémoires qui touchent les Religions, & les différends qui en adviennent : ce que l’Auteur de ce Recueil ne désire, voulant n’offenser aucun de quelque Religion qu’il soit : mais voyant que l’on avait imprimé 1. Le Cahier de l’Assemblée de Saumur. 2. La Déclaration des Eglises pr[étendues] réf[ormées] en France, assemblées à Privas & 3. Un manifeste sous le nom de Monsieur de Rohan, avec quelques raisons sur une Assemblée à La Rochelle, & sur leurs demandes ; Toutes pièces qui ont été vues par la France, & portées aux étrangers ; par lesquelles on a tâché de faire croire subtilement qu’on ne traitait avec Justice ceux de cette Religion, en France ; Il a été comme contraint, en rapportant cesdits imprimés, de mettre aussi aucuns Articles, Brevets, & Règlements faits suivant l’Edit de Nantes, & sur des plaintes, avec le procès verbal du Tumulte advenu à La Rochelle, & la Délibération faite au Conseil sur des demandes (non ci-devant imprimés) afin que le Lecteur connaisse comme on a depuis ledit Edit favorablement traité ceux de cette Religion, en leurs plaintes qui étaient de Justice ; & que ceux qui ont fait publier tels imprimés les avaient dû taire, & rentrer en leur devoir [31].

24 La Gazette publie des écritures qui en combattent d’autres, non sans produire des effets de sens par leur montage. Le Mercure, lui, édite ces écritures : il les publie en tant que textes, tout en travaillant également leur montage. Toutes ces écritures se tiennent dans l’intervalle entre l’événement et l’histoire. L’événement, ainsi, s’éloigne : ce qui en est dit, ce qui en est écrit, n’en fait pas, n’en fait plus partie. Le travail du journaliste est en ce sens un travail d’épuration de l’événement, un travail politique de séparation entre l’événement et l’écrit qui s’inscrivait en lui, l’enregistrait, le prenait en charge, en donnait une interprétation correcte susceptible de l’infléchir dans un sens adéquat, etc. – et qui en reste comme trace, mais perd dans l’opération ce statut pour devenir commentaire, extérieur au fait qu’il commente [32]. Les mercures rendent ou laissent visible ce travail, la production de cette séparation qui s’est depuis imposée comme une évidence : parce que l’effort y tend principalement à ouvrir un espace où puissent se loger des spécialistes de l’écrit, la distinction entre l’événement et l’information sur l’événement est thématisée, élaborée, pensée plutôt que présupposée.

25 Si l’on part de ce point de départ, à notre avis fondamental, que constate-t-on au temps du Mercure galant, que constate-t-on, pour être plus précises, à partir des années 1650-1660, après la Fronde ? On constate que le pouvoir politique français laisse se développer à côté de la Gazette, et même soutient, en leur accordant un privilège, des gazettes en vers hebdomadaires, Muse historique ou héroïque ou dauphine, qui littérarisent fortement l’information fraîche, la mise en écriture narrative, « à la manière de la Gazette », du bruit qui court. Elles la littérarisent parce qu’elles sont en vers, bien sûr, mais aussi parce qu’elles se nourrissent du mélange de l’événement politique, de l’événement mondain et de la chronique des spectacles et des auteurs. Ce que Loret et ses successeurs recueillent et mettent en scène sans choix apparent, ce sont, de manière ostensible, des bruits : des choses qu’on leur raconte, vraies ou fausses et présentées comme telle, des rumeurs, des ragots (sur les grossesses des dames de la cour, par exemple), des impressions, des réputations. L’événement véritable, retiré dans sa pureté, laisse encore plus de place à l’écriture, dont la présence est constamment soulignée. L’information non seulement s’en distingue, mais encore manifeste son extrême innocuité.

26 Le même phénomène se produit du côté de la formule « mercure », où les pièces sur les « choses advenues » n’apparaissent pas comme rédigées par le journaliste lui-même. Nous avons choisi d’évoquer dans ce sens les très nombreuses feuilles de François Colletet parce que l’une d’elles s’appelle Mercure, et aussi parce que Colletet, qui avait travaillé pour Mazarin pendant la Fronde, commence à produire ce genre de choses en amont de la fondation du Mercure galant, vers 1660, au moment du mariage de Louis XIV [33]. En 1659, il fait paraître successivement quatre feuilles consacrées à l’événement, réimprimées ensemble l’année d’après sous le titre de Journaux historiques contenant tout ce qui s’est passé de plus remarquable dans le voyage du Roi et de son Eminence, depuis leur départ de Paris le 25 juin 1659, pour le traité du mariage de Sa Majesté, et de la paix générale jusqu’à leur retour, avec une exacte recherche de ce qui s’est fait dans les conférences des deux ministres, et dans le mariage du Roi avec l’infante d’Espagne à Fontarabie, et à Saint-Jean-de-Luz, et leur entrée dans toutes les villes de leur passage et leur triomphe dans leur bonne ville de Paris par le sieur F.C. (eux-mêmes réédités sous le titre de Nouveau Journal historique), suivies de diverses Relations des mêmes cérémonies de mariage, puis du retour des nouveaux mariés vers Paris. Viennent ensuite des brochures concernant l’Entrée de Louis XIV et Marie-Thérèse à Paris, en 1660, une succession de descriptions des tableaux et arcs de triomphe produits pour l’occasion, de recensions des devises et des vers composés pour les orner (certains, latins, sont aussi mis en français par le journaliste), de listes des participants à la cérémonie. Il y a là, dans des objets que l’on peut qualifier d’occasionnels, mais qui construisent bien une périodicité, tout un travail de la combinaison entre pièces et commentaire narratif, que l’on retrouve au début des années 1670, après la fondation du Mercure galant, dans une feuille qui nous a particulièrement intéressées, intitulée Le Mercure guerrier (1674), avec un sous-titre précisant « Avec ce qui s’est passé de plus galant dans la Cour de Monseigneur le Dauphin [34] ». Ce Mercure d’une centaine de pages est composé de diverses pièces poétiques, présentées dans l’Avis du Libraire au Lecteur comme ayant l’intérêt d’avoir plu au Dauphin, et d’une autre manière encore dans un avant-propos qui constitue la contribution de Colletet à la transformation de la formule dont il utilise le nom :

27

Quoique les actions triomphantes de notre grand Monarque parlent assez d’elles-mêmes ; & que la Renommée qui n’eut jamais plus d’occupation que sous son règne, prenne le soin de les publier par tout le Monde, aussitôt qu’elles sont heureusement exécutées ; Cela n’empêche que les Muses ne s’attachent aussi à les écrire, afin d’en garder le souvenir dans le sacré Temple de Mémoire. Calliope est celle particulièrement à qui ces Doctes filles donnent ce glorieux emploi, & l’on peut dire que le plaisir qu’elle a pris dans les siècles passés, à célébrer les faits héroïques de tant de grands Rois, qui ont si dignement rempli le Trône des Lys ; n’a jamais égalé celui qu’elle goûte quand elle trace à présent l’Histoire de Louis XIV où néanmoins elle ne se trouve pas peu empêchée, puisque la promptitude avec laquelle ce Prince incomparable entasse Trophées sur Trophées, & Victoire sur Victoire ; devance tout ce qu’elle en peut écrire ; Dans cet auguste embarras, pour faire voir son industrie merveilleuse en faveur de ce grand Roi qui remplit toute la Terre de son précieux nom, & qui fait le plus illustre objet de ses pensées ; elle met en même temps la plume dans les mains des Poètes, & les échauffe du beau feu dont elle est animée, afin que les appliquant sur un même sujet, les uns suppléant à ce que les autres peut-être n’auraient pu dire, & que tous ensemble tâchent, sinon de l’atteindre, au moins de suivre au plus près qu’il leur est possible ses actions glorieuses, & d’en laisser quelque ébauche à la postérité, puisque personne n’en peut faire une entière & parfaite peinture [35].

28 On est ici plus loin encore que chez Renaudot de ce qui nous apparaît aujourd’hui comme constitutif du journalisme, l’indépendance. Dans la langue de la littérature, c’est bien pourtant bel et bien toujours le travail du journaliste qui se fait sa place, son temps propre, sa spécificité par rapport à celui de l’historien. Entre les faits, les « choses advenues », les « belles actions » qui sont en l’occurrence « triomphantes », et leur mise en forme définitive dans une histoire ici confiée à Calliope, la muse de l’éloquence, le temps se déploie et s’offre aux écrivains. Temps comme allongé par la rapidité avec laquelle Louis XIV enchaîne action sur action, victoire sur victoire, par le rythme qu’il impose à l’histoire. L’intensité événementielle est telle que la rumeur n’est plus que la voix de la renommée, et qu’il n’est plus nécessaire de la faire taire par l’écriture de nouvelles ou de mémoires : les mémoires sont donc remplacés par des poèmes, les journalistes par les poètes. Le temps des pièces est désormais celui des pièces galantes – le temps du Mercure galant.

29 Observer le Mercure galant comme un mercure, c’est prendre la mesure de la transformation qu’il représente : une modulation décisive d’une pratique alors bien établie dans le paysage de l’imprimé, et fortement pensée, de séparation entre l’action politique et l’écriture supposée en rendre compte, la faire connaître et comprendre à des lecteurs, avant que les historiens n’en fassent la matière de leurs durables récits. Une pratique dont l’existence même montre non seulement que le rapport entre ce que nous appelons l’information et l’événement est un fait historique, le produit d’un grand nombre d’actions convergentes, mais aussi que les expérimentations qui ont amené à la mise en place de ce rapport ont été diverses, complexes, créatrices d’objets écrits parfois très différents d’une version originelle de l’article de presse, telle qu’on la pense généralement à partir de l’étude des gazettes. Cette modulation, repérable dans d’autres imprimés contemporains, gazettes en vers ou feuilles intermédiaires entre l’occasionnel et le périodique, consiste à accentuer le caractère de commentaire à distance, passif, admiratif, ornemental, littéraire de l’écriture d’information face au matériau de l’histoire ; à placer la littérature, pour ainsi dire, face à l’événement, à l’action, aux décisions dont les effets changent le cours des choses. Cette fadeur ostensible du mercure de Paris, pour reprendre les expressions de Courtilz de Sandras, a ouvert un espace à une autre pratique du journalisme, cruciale pour l’histoire postérieure, et qui s’est développée en Hollande. Observer le Mercure galant comme un mercure, ainsi, c’est se donner les moyens de voir que le journalisme de dévoilement, d’analyse, de critique – le journalisme, dirions-nous – s’est produit comme l’antithèse de la publication de célébration : comme l’autre face possible d’une spécialisation de certains écrivains dans la communication politique.

Notes

  • [1]
    Sur cette forme de presse, voir Marion Brétéché, Les Compagnons de Mercure. Journalisme et politique dans l’Europe de Louis XIV, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2015.
  • [2]
    Les continuateurs de Loret. Lettres en vers de La Gravette de Mayolas, Robinet, Boursault, Perdou de Subligny, Laurent et autres (1665-1689), recueillies et publiées par le baron James de Rothschild, Paris, D. Morgand et C. Fatout, 1881-1899.
  • [3]
    Joad Raymond, Pamphlets and Pamphleteering in Early Modern Britain, Cambridge, Cambridge U. P., 2003, pp. 128-129 ; Wolfgang Behringer, Im Zeichen des Merkur : Reichspost und Kommunikationsrevolution in der Frühen Neuzeit, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2003, en particulier pp. 318-320.
  • [4]
    Mercure français, annuel, Paris, différents libraires (principalement Jean et Estienne Richer), 1611-1648, 25 vol in-8°. Le fondateur et longtemps rédacteur Jean Richer semble avoir été associé dès le début à Estienne Richer, non toujours présent à l’adresse, mais seul à y figurer pendant de longues périodes. D’autres libraires suivront, pour les cinq derniers tomes : principalement Olivier de Varennes (t. 21 à 24), mais aussi Jean Henault (t. 25). Signalons que Jean Jost réimprime en 1647, à l’expiration du privilège (et sans l’indication « avec privilège »), le t. 20 imprimé en 1637 par Estienne Richer, et que le t. 21 (daté de 1639) contient un extrait du privilège obtenu le 8 octobre 1638 par un autre libraire, Pierre Billaine, pour imprimer ledit volume qui devait correspondre aux années 1635 à 1638, mais s’arrête en 1637, et la cession de ce privilège à Olivier de Varennes (cession réitérée définitivement par les héritiers de Pierre Billaine pour l’impression du t. 22). Sur ce périodique, voir la thèse de doctorat de Virginie Cerdeira intitulée Le Mercure François et la fabrique de l’espace public en France au xvii e siècle, en préparation sous la direction de Guy Le Thiec et d’Isabelle Luciani à Aix-Marseille Université. Le Groupe de recherches interdisciplinaires sur l’histoire du littéraire (Centre de recherches historiques, UMR 8558 EHESS-CNRS / Université Sorbonne nouvelle-Paris 3) a mis en ligne, sous la responsabilité de Cécile Soudan, un facsimilé numérique de la collection du Mercure françois conservée dans le fonds ancien de la bibliothèque de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées (t. 1 à 24), consultable librement à l’adresse suivante : http://mercurefrancois.ehess.fr/
  • [5]
    Histoire abrégée de l’Europe, où l’ont voit tout ce qui se passe de considérable dans les États, dans les armes, dans la nature, dans les arts et dans les sciences, Leyde, Claude Jordan, juillet 1686-décembre 1688, mensuel, 5 vol. semestriels in-12.
  • [6]
    Mercure historique et politique concernant l’état présent de l’Europe, ce qui se passe dans toutes les cours, l’intérêt des Princes, leurs brigues, et généralement tout ce qu’il y a de curieux pour le mois de…, le tout accompagné de Réflexions politiques sur chaque État, La Haye, H. van Bulderen, puis L. et H. van Dole, puis F.-H. Scheurleer, puis F.-H. Scheurleer et al., novembre 1686-avril 1782, mensuel, 192 vol. semestriels in-12.
  • [7]
    Jean Lombard, Courtilz de Sandras et la crise du roman à la fin du Grand siècle, Paris, Puf, 1980.
  • [8]
    Sur la forme périodique des gazettes, voir en particulier Henri Duranton, Claude Labrosse et Pierre Rétat (dir.), Les gazettes européennes de langue française, xvii e-xviii e siècles, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1992 ; H. Duranton et P. Rétat (dir.), Gazettes et information politique sous l’Ancien Régime, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1999 ; Denis Reynaud et Chantal Thomas (dir.), La suite à l’ordinaire prochain. La représentation du monde dans les gazettes, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1999.
  • [9]
    Mercure historique et politique…, op. cit., novembre 1686, t. 1, p. 2.
  • [10]
    Élite des Nouvelles de toutes les Cours de l’Europe, avec plusieurs faits curieux tant de l’ancienne Cour de France, et d’Angleterre, que de la moderne, Amsterdam, Louis Du Val, janvier-mai 1698, trois livraisons en un volume in-12.
  • [11]
    Nouveau Mercure galant des cours de l’Europe, La Haye, E.  Foulque, novembre – décembre 1710, 2 livraisons mensuelles.
  • [12]
    François-Denis Camusat, Histoire critique des Journaux, Amsterdam, J.-F. Bernard, 1734, pp. 5-6.
  • [13]
    Pierre Bayle, Réponse aux questions d’un provincial, Rotterdam, Reinier Leers, 1704, t. 2, pp. 123-124. Bayle fait ici allusion à un article de l’Histoire des ouvrages des savants de mars 1692.
  • [14]
    Annuel sur le modèle du Mercure français, traduction du Hollantsche Mercurius, périodique néerlandais d’Abraham Casteleyn de Haarlem.
  • [15]
    P. Bayle, Réponse…, op. cit., t. 2, pp. 115-125 pour le chapitre XI et p. 119 pour la citation.
  • [16]
    Idem.
  • [17]
    « Monsieur, soiez assûré que cette sorte de livres peuvent être raisonnablement citez par un Auteur grave car il peut les alleguer à cause des piéces que l’on y insère, ou à cause des dates, ou à cause de quelque particularité généalogique, ou de quelque reflexion ingenieuse, ou comme une preuve, je ne dirai pas de la réalité d’une Victoire mais des bruits qui en coururent dans un tel Païs, ou enfin parce que n’aiant pas de meilleurs garans, il aime mieux citer des Mercures et des Gazettes que de ne citer personne. Il ne doit pas craindre de transporter ses lecteurs en Païs perdu lorsqu’il renvoie à ces Livres-là qu’on trouve partout… », P. Bayle, Réponse…, op. cit., t. 2, pp. 121-122.
  • [18]
    Nouvelles de la République des Lettres, août 1686, p. 959. Sur la publication de « pièces fugitives » par Bayle lui-même, voir Dinah Ribard, « La philosophie mise en recueils : les “pièces fugitives” », dans GRIHL, De la publication. Entre Renaissance et Lumières, Paris, Fayard, 2002, pp. 61-75.
  • [19]
    Sur cette valeur, on dispose aussi d’une remarque de Joseph Bayle, frère de Pierre, dans une lettre à Salomon d’Usson (11 mars 1684) : « Je me suis souvent estonné de ce que vous qui etes si curieux pour toutes choses, ne veuilliés pas avoir dans v[ot]re bibliotheq[ue] 2 livres fort necessaires qui sont le Mercure francois, et le Mercure galand, ce sont des ouvrages excellens qu’oy qu’on en puisse dire et qui seront extremement rares, car le premier qui contient 25 tomes coutte 20 pistoles et on n’en trouve plus[.] Je say que sans la lecteure du premier, on ne peut guere bien savoir l’histoirë des siecles passés, et le second quoy que fort differend de celuy cy, ne manque pas d’avoir de fort grands usages. J’estime heureux m[on] f[rere] l’aisné d’avoir accompli le premier car il en trouvera quand il voudra 200 l[ivres] t[ournois.] » (http://bayle-correspondance.univ-st-etienne.fr/, lettre 255). Bayle possédait donc la collection complète du Mercure français.
  • [20]
    Lettres sur les matières du temps, Amsterdam, Pierre Savouret, Vve de Pierre Savouret, Henry Desbordes, 1688 – 1690, bimensuel, 3 tomes en un vol. in-4°.
  • [21]
    Sur ce bihebdomadaire, la plus célèbre des « gazettes de Hollande », voir Pierre Rétat (dir.), La Gazette d’Amsterdam, miroir de l’Europe au xviii e siècle, Oxford, Voltaire Foundation, 2001. La collection la plus complète de ce périodique a été éditée : P. Rétat, Pascale Ferrand et Daniel Roux (éd.), Gazette d’Amsterdam, Édition électronique, Voltaire Foundation, Université d’Oxford, 2000.
  • [22]
    « […] Messieurs les ministres anglais ayant parlé avec ceux de France d’une renonciation de l’Électeur de Bavière sur les Pays Bas espagnols, tous ont conclu sans difficulté sur ce sujet et ont bien voulu accepter que l’on rédige un nouvel acte de cession et de renonciation [...]. Mais afin de pouvoir faire cela avec plus d’exactitude, je vous demande : 1. si Votre Excellence possédait parmi ses documents l’acte de cession des Pays Bas espagnols fait par le roi Philippe au très-estimé Électeur, ou pouvait se le procurer, pourrait-elle me le faire parvenir ? Autrement, j’écrirais à Monsieur De Breuil à Amsterdam pour l’obtenir », Traduction du néerlandais de la lettre de Willem Buys à Anthonie Heinsius, d’Utrecht le 10 mars 1713, éditée dans De Briefwisseling van Anthonie Heinsius, 1702-1720, publiée par Augustus J. Jr. Veenendaal, La Haye, M. Nijhoff, 1976-2001, 19 tomes, citation dans le t. 14, p. 573.
  • [23]
    Histoire abrégée de l’Europe.., op. cit., janvier 1688, t. 4, « Avis au lecteur », p. 1.
  • [24]
    Voir par exemple, l’« Avertissement » de l’Histoire abrégée de l’Europe en tête de la première livraison et la définition très détaillée de la notion de « désintéressement » proposée par le rédacteur des Lettres historiques (janvier 1692, t. 1, pp. 9-10).
  • [25]
    Les exemplaires consultables du tome 22 du Mercure français sont le plus souvent datés de 1646, mais cette épître dédicatoire vient rappeler le moment de la fabrication/première impression de ce volume, 1641 : Bouthillier, fidèle de Richelieu, n’est plus surintendant des finances à partir de 1643.
  • [26]
    Sur la Gazette de Renaudot, voir Stéphane Haffemayer, L’information dans la France duxvii e siècle : la Gazette de Renaudot de 1647 à 1663, Paris, H. Champion, 2002 ; plus généralement, voir Gilles Feyel, L’annonce et la nouvelle. La presse d’information en France sous l’Ancien Régime (1630-1788), Oxford, Voltaire Foundation, 2000.
  • [27]
    Vingt-deuxième tome du Mercure français, ou Suite de l’Histoire de notre Temps, Sous le Règne du Très Chrétien & Très Auguste Roi de France & de Navarre Louis XIII En l’Année 1638, Paris, Olivier de Varennes, 1646, « avant-propos », pp. 1-6.
  • [28]
    La citation provient de la préface d’un des suppléments de la Gazette parus en 1632, la Relation des nouvelles du monde reçues tout le mois de mars 1632, étudiée avec d’autres discours préfaciels de Renaudot par Gilles Feyel dans un article de synthèse, « Aux origines de l’éthique des journalistes : Théophraste Renaudot et ses premiers discours éditoriaux (1631-1633) », Le Temps des médias 1/2003 (n° 1), pp. 175-189 (www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2003-1-page-175.htm).
  • [29]
    À la fin du t. 22, Renaudot commente le long compte rendu qu’il a donné du projet de réunion des confessions de La Milletière (« Quoi qu’il arrive des intentions de cet Auteur, puisqu’il est manifeste, qu’elles ne tendent qu’à un très grand bien & très souhaitable, quand elles n’auraient pas le succès entier qu’elles méritent, elles sont néanmoins très dignes de la considération du public. Et comme le soin d’exciter les hommes à cette affection, appartient proprement au but de ceux qui écrivent l’histoire, cette circonstance de notre temps, n’a pas semblé devoir être omise, sans lui donner place dans le registre des affaires publiques »), puis ajoute : « C’est ce qui est tombé entre nos mains de plus remarquable pour, avec nos narrations journalières, servir de matière à l’histoire de l’année 1638 » (Vingt-deuxième tome du Mercure français, op. cit., p. 596, nous soulignons). La mise en forme écrite de bonnes intentions non encore réalisées est un mémoire, qui mérite d’être enregistré pour l’histoire, c’est-à-dire publié, à l’égal de l’interprétation rédigée d’un événement récent ou en cours, qui prend notamment la forme des nouvelles ou « narrations journalières ».
  • [30]
    « D’ailleurs, étant comme chacun sait destiné pour recevoir dans cet œil du monde les récits des actions & choses mémorables qui se passent par tout l’Univers : (Office dont le temps fera reconnaître le mérite, & dont je ferai juge la postérité, si les préoccupations du siècle & l’intérêt des particuliers de ce temps me les rendent moins équitables) […] », ibidem, p. 4. Renaudot parle ici de lui-même.
  • [31]
    La première citation se trouve dans la Préface au Lecteur n. p. du Mercure français, ou, la Suite de l’Histoire de la paix. Commençant l’an 1605 pour suite du Septenaire du D. Cayer, & finissant au Sacre du Très-Chrétien Roi de France & de Navarre Louis XIII, Paris, Jean Richer, 1612 [1611] et la seconde dans l’Avis du Libraire au Lecteur, également n. p., de La Continuation du Mercure français, ou, Suite de l’Histoire de l’Auguste Régence de la Reine Marie de Médicis, sous son fils le Très-Chrétien Roi de France& de Navarre Louis XIII, Paris, Estienne Richer, 1615 [1613]. Nous soulignons.
  • [32]
    Voir Christian Jouhaud et Dinah Ribard, « Événement, événementialité, traces » dans Recherches de science religieuse, n° spécial « Repenser l’événement », t. 102/1, janv-mars 2014, pp. 63-77.
  • [33]
    Sur les différents imprimés consacrés au mariage royal, voir Abby Zanger, Scenes from the Marriage of Louis XIV: Nuptial Fictions and the Making of Absolutist Power, Stanford, Stanford University Press, 1997.
  • [34]
    Le Mercure guerrier, Contenant les Victoires du Roi dans la Hollande, dans la Flandre, dans la Franche-Comté, & dans plusieurs autres Provinces. Avec ce qui s’est passé de plus galant dans la Cour de Monseigneur le Dauphin, Paris, J.-B. Loyson, 1674.
  • [35]
    Ibidem, pp. 7-9. Un sous-titre, à l’ouverture de cet avant-propos, précise : Le Mercure Guerrier, ou la Première Campagne glorieuse de Sa Majesté en Hollande.
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