Notes
-
[1]
Joseph von Sonnenfels, Grundsätze der Polizey, Handlung und Finanzwissenschaft, vol. 1, Wien, Joseph Kurzböck, 1765, p. 82.
-
[2]
Jürgen Schiewe (dir.), Öffentlichkeit. Entstehung und Wandel in Deutschland, Paderborn, Schöningh, 2004, p. 31.
-
[3]
Lucian Hölscher, « Öffentlichkeit », dans Historisches Wörterbuch der Philosophie, vol. 6, Joachim Ritter et Karlfried Gründer (dir.), Darmstadt, Wiss. Buchgesellschaft, 1984, colonne 1134-1140, ici colonne 1135.
-
[4]
Lucian Hölscher, « Öffentlichkeit », dans Geschichtliche Grundbegriffe. Historisches Lexikon zur politisch-sozialen Sprache in Deutschland, vol. 4., Otto Brunner, Werner Conze et Reinhart Koselleck (dir.), Stuttgart, Klett-Cotta, 1978, p. 413467, ici p. 419.
-
[5]
Voir Hölscher 1984, colonne 1135.
-
[6]
Hölscher 1978, p. 430.
-
[7]
Hölscher, ibid., p. 431.
-
[8]
Schiewe 2004, p. 42.
-
[9]
Ursula Goldenbaum, Appell an das Publikum. Die öffentliche Debatte in der deutschen Aufklärung 1687-1796, vol. I, Berlin, Akademie, 2004, p. 5.
-
[10]
Jürgen Habermas, Strukturwandel der Öffentlichkeit. Untersuchungen zu einer Kategorie der bürgerlichen Gesellschaft, Neuwied, Luchterhand, 1962, p. 87, 199.
-
[11]
Johann Christoph Adelung, Grammatisch-kritisches Wörterbuch der Hochdeutschen Mundart, mit beständiger Vergleichung der übrigen Mundarten, besonders aber der Oberdeutschen, th. 3, Leipzig, Bernhard Christoph Breitkopf und Sohn, 21798, p. 586.
-
[12]
Habermas 1962, p. 123.
-
[13]
Volker Gerhardt, Öffentlichkeit. Die politische Form des Bewusstseins, München, C. H. Beck, 2012.
-
[14]
Habermas 1962, p. 177.
-
[15]
Ernst Fischer, Wilhelm Haefs et York-Gothart Mix (dir.), Von Almanach bis Zeitung. Ein Handbuch der Medien in Deutschland 1700-1800, München, C. H. Beck, 1999, p. 10.
-
[16]
Voir Goldenbaum 2004, p. 79 suiv.
-
[17]
Voir Wolfgang Martens, Die Botschaft der Tugend. Die Aufklärung im Spiegel der deutschen Moralischen Wochenschriften, Stuttgart, Metzler, 1968, p. 48 suiv.
-
[18]
Voir Wolfgang Martens, « Leserezepte fürs Frauenzimmer. Die Frauenzimmerbibliotheken der deutschen Moralischen Wochenschriften », dans Archiv für Geschichte des Buchwesens 15, 1975, colonne 1143-1199.
-
[19]
Voir Nina Birkner et York-Gothart Mix, « Dialogizität als mediale Innovation ? Sophie von La Roches Pomona für Teutschlands Töchter im Kontext der aufklärerischen Zeitschriftenliteratur », dans « Ach, wie wünschte ich mir Geld genug, um eine Professur zu stiften ». Sophie von La Roche (1730-1807) im literarischen Feld von Aufklärung und Empfindsamkeit, Barbara Becker-Cantarino et Gudrun Loster-Schneider (dir.), Tübingen, Narr, 2010, p. 171-182.
-
[20]
Voir Peter Seibert, Der literarische Salon. Literatur und Geselligkeit zwischen Aufklärung und Vormärz, Stuttgart et Weimar, Metzler, 1993.
-
[21]
Verena von der Heyden-Rynsch, Europäische Salons : Höhepunkte einer versunkenen weiblichen Kultur, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 1995, p. 84.
-
[22]
Voir Konrad Feilchenfeldt, « ‘‘Berliner Salon’’ und die Briefkultur um 1800 », dans DU 36, 1984, n° 4, p. 77-99.
-
[23]
Voir Raimo Pullat, Die Privatbibliotheken in Talinn und Pärnu im 18. Jahrhundert, Tallinn, Estopol, 2009.
-
[24]
Georg Jäger (avec la collaboration de Ulrich Dannenhauer), « Die Bestände deutscher Leihbibliotheken zwischen 1815 und 1860. Interpretation statistischer Befunde », dans Buchhandel und Literatur. Festschrift für Herbert G. Göpfert zum 75. Geburtstag am 22. September 1982, Reinhard Wittmann et Berthold Hack (dir.), Wiesbaden, Hassarowitz, 1982, p. 247-313, ici p. 248.
-
[25]
Voir Marlies Prüsener, « Lesegesellschaften im 18. Jahrhundert. Ein Beitrag zur Lesergeschichte », dans Archiv für Geschichte des Buchwesens 13, 1973, colonne 369-594 ; Otto Dann (dir.), Lesegesellschaften und bürgerliche Emanzipation. Ein europäischer Vergleich, München, C. H. Beck, 1981.
-
[26]
Goldenbaum 2004, p. 61.
-
[27]
Siegfried J. Schmidt, Die Selbstorganisation des Sozialsystems Literatur im 18. Jahrhundert, Frankfurt/M., Suhrkamp, 1989, p. 12.
-
[28]
Friedrich Schiller, « Merkwürdige Rechtsfälle als ein Beitrag zur Geschichte der Menschheit. Vorrede », dans Sämtliche Werke par Friedrich Schiller, éd. Gerhard Fricke et Herbert G. Göpfert, vol. V, Erzählungen. Theoretische Schriften, München, Hanser 1959, p. 864-866, ici p. 864.
-
[29]
Peter Uwe Hohendahl (dir.) avec la collaboration de Russell A. Bermann, Karen Kenkel et Arthur Sturm, Öffentlichkeit. Geschichte eines kritischen Begriffs, Stuttgart et Weimar, Metzler, 2000, p. 20.
-
[30]
Voir Gangolf Hübinger, Gelehrte, Politik und Öffentlichkeit. Eine Intellektuellengeschichte, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2006, p. 232.
-
[31]
Habermas 1962, p. 36.
-
[32]
Voir Goldenbaum 2004, cf. note 2.
-
[33]
Voir Wilhelm Haefs et York-Gothart Mix (dir.), Zensur im Jahrhundert der Aufklärung. Geschichte – Theorie – Praxis, Göttingen, Wallstein, 2007.
-
[34]
Voir Martin Fontius, Voltaire in Berlin. Zur Geschichte der bei G. C. Walther veröffentlichten Werke Voltaires, Berlin, Rütten & Loening, 1966, p. 5 suiv.
-
[35]
Reinhard Wittmann, Geschichte des deutschen Buchhandels, München, C. H. Beck, 1991, p. 138.
-
[36]
Bodo Plachta, Damnatur – Toleratur – Admittitur. Studien und Dokumente zur literarischen Zensur im 18. Jahrhundert, Tübingen, Max Niemeyer, 1994, p. 221.
-
[37]
Hübinger 2006, p. 235.
-
[38]
Voir Gerhardt 2012.
-
[39]
Hölscher 1978, p. 465.
-
[40]
Niklas Luhmann, Die Realität der Massenmedien, Opladen, Westdt. Verlag, 21996, p. 188.
-
[41]
Pierre Bourdieu, Über das Fernsehen, Frankfurt/M., Suhrkamp, 1998, p. 137.
-
[42]
Voir Walter H. Bruford, Kultur und Gesellschaft im klassischen Weimar 17751806, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1966 ; Rolf Engelsing, « Der Bürger als Leser : die Bildung der protestantischen Bevölkerung Deutschlands im 17. und 18. Jahrhundert am Beispiel Bremens », dans Archiv für Geschichte des Buchwesens, 3, 1961, colonne 205-368 ; Hans-Jürgen Haferkorn, « Der freie Schriftsteller. Eine literatur-soziologische Studie über seine Entstehung und Lage in Deutschland zwischen 1750-1800 », dans Archiv für Geschichte des Buchwesens, 5, 1964, p. 523-712 ; Rudolf Schenda, Volk ohne Buch. Studien zur Sozialgeschichte der populären Lesestoffe 1770-1910, Frankfurt/M., Klostermann, 1970.
-
[43]
Voir Goldenbaum 2004, p. 17.
-
[44]
Wolfram Mauser, « Geselligkeit. Zu Chance und Scheitern einer sozialhistorischen Utopie um 1750 », dans Aufklärung 4, 1989, n° 1, p. 5-36.
-
[45]
Voir Michel Foucault, L’Ordre du discours. Leçon inaugurale au Collège de France prononcée le 2 décembre 1979, Paris, Gallimard, 1971, p. 37 suiv.
-
[46]
Voir Schmidt 1989 ; Wittmann 1991.
-
[47]
Schmidt 1989, p. 84.
-
[48]
Voir Markus Joch et Norbert Christian Wolf (dir.), Text und Feld. Bourdieu in der literaturwissenschaftlichen Praxis, Tübingen, Max Niemeyer, 2005.
1L’espace public (Öffentlichkeit) représente depuis l’époque des Lumières le cadre social dans lequel s’effectue sans les entraves de la censure une communication libre, qui prend pour sujet tout ce qui concerne la culture et la collectivité et le met ouvertement en débat. Au plus tard depuis l’engagement des encyclopédistes et depuis le débat sur les Lumières initié par la Berlinische Monatsschrift en 1783, l’espace public passe pour un régulateur intellectuel qui est propice à l’auto-organisation libre et rationnelle de la société et au perfectionnement de l’État, qui limite l’abus de pouvoir. Avec les institutions du marché, des associations ou des partis, l’espace public peut être considéré comme la catégorie centrale de la société civile.
2Le terme espace public (Öffentlichkeit) se trouve pour la première fois en 1765 chez Joseph von Sonnenfels. Pour combattre la diffusion d’opinions détestables et dangereuses, il exige dans son écrit Principes de la police, du commerce et de la science économique (Grundsätze der Polizey, Handlung und Finanzwissenschaft) de censurer « tous les livres, spectacles, dogmes, tous les discours publics (öffentlich) s’adressant au peuple ainsi que tableaux, gravures et tout ce qui peut avoir par nature une sorte de publicité [1] ». L’expression reste cependant tout d’abord peu courante et sa signification imprécise. Ce n’est que vers 1800 qu’elle entre dans le langage usuel et devient commune. Contrairement au substantif, l’adjectif public est documenté beaucoup plus tôt. À partir du vieux haut allemand offanlih et du moyen haut allemand offenlich, la forme offentlich ou öffentlich s’impose au 16e siècle dans le sud de l’Allemagne. Jusqu’à la fin du 15e siècle, le terme est surtout utilisé adverbialement avec le sens de manifeste, évident. Au 16e siècle, il est employé de plus en plus comme adjectif. Sa polysémie reste frappante : caractérisée par une dimension politico-sociale autant qu’intellectuelle et métaphorique. Sémantiquement, il s’oppose à secret, il a le sens de public et désigne l’accessibilité « de tous ou du moins d’un groupe à certains objets, faits et institutions [2] » mais il peut aussi « métaphoriquement renvoyer à des valeurs morales [3] », comme par exemple l’honnêteté et la vertu.
3Sous les auspices de l’absolutisme princier, un changement de sens significatif s’accomplit au 17e siècle. Revenant au latin publicus, le terme est employé de plus en plus comme synonyme de public i. e. procédant de l’État. La réception et l’adoption du droit romain jouent un rôle décisif dans ce contexte : « Au lieu d’un ordre juridique dans lequel le crime et le châtiment attestent par leur manifestations publiques la régularité du procédé, se met en place un ordre juridique dans lequel l’autorité se présente non seulement comme directrice de la procédure mais aussi comme garante de sa régularité et à la lumière de la publicité démontre moins la légitimité de la procédure que la sienne propre [4]. » Public (öffentlich) ne désigne plus ce qui est accessible à tous mais ce qui est sanctionné par l’État. Ce processus se manifeste aussi dans la formation de nouveaux concepts comme par exemple personne publique (persona publica), fonction publique (officium publicum) ou force publique (vis publica) [5]. Le domaine public de l’État s’oppose à la sphère privée de l’individu, l’opposé sémantique de public n’est plus maintenant secret mais privé.
4Sous l’influence d’une philosophie des Lumières européenne dominant le 18e siècle, un deuxième changement de sens est significatif. Dans le processus d’une transformation typique pour l’époque et graduelle des connotations, l’association avec le mot Publikum joue un rôle central. Le substantif neutre publicum est certes employé à côté de public dès l’antiquité, mais il signifie originellement domaine, propriété et revenu de la res publica ou, s’il est attaché à une personne, il signifie « un espace public qui n’est pas plus précisément défini et qui s’oppose à la maison [6] ». Cette ambiguïté du substantif s’est maintenue jusqu’au 18e siècle. Le terme peut s’appliquer tout d’abord encore aux impôts, au tribunal, au fisc et au domaine de l’État (publica) aussi bien qu’au peuple dans sa totalité, mais ensuite aussi aux institutions de l’État, à l’État dans sa globalité et aux affaires de l’État (Staatspublikum). Au début des Lumières, le substantif est plus fréquemment employé dans son sens lié à la personne. « À côté des affaires d’État auxquelles par exemple des édits d’autorité s’adressaient, publicum pouvait désigner aussi la commune [7]. » D’autre part, le lectorat est désigné de plus en plus dans les périodiques et les préfaces par le terme de public.
5Dans l’histoire des concepts, ce changement est lié à la réception de l’expression française « le public ». Dès la première moitié du 17e siècle, le mot sert en France à côté de peuple à désigner le public du théâtre. En Allemagne aussi, il est compris dans le cours du 18e siècle comme une classification relevant de l’histoire de l’instruction et de la lecture et ne désigne finalement plus « le grand groupe de receveurs d’ordres prescrits par le politique [8] » mais la couche de lecteurs cultivés en train de se former au 18e siècle, c’est-à-dire de ceux qui participent aux nouvelles formes de médiation musicale et littéraire comme le théâtre, l’opéra, le concert, le club ou la société de lectures et leur apportent leur soutien. Le concept n’implique pas en règle générale de restriction catégorielle mais des modèles d’une sélection économique, particulière à la formation : on doit pouvoir s’offrir des formes distinctes de sociabilité culturelle. Le public interpellé aussi comme public lisant, cercle de lecteurs ou monde des lecteurs est élevé par les auteurs au rang d’interlocuteur fictif et d’allié, qui dans le paratexte est courtisé comme ami ou critique et qui dans la dispute des opinions doit figurer médiatiquement comme dernière instance. Ce geste s’avère pourtant le plus souvent comme une formule rhétorique car en même temps le destinataire doit être éduqué avec l’aide de l’art et de la littérature pour devenir sujet éclairé et critique avisé. Contrairement à la conception de Ursula Goldenbaum [9], le public littéraire reste tout d’abord concentré sur des thèmes esthétiques et moraux, des problèmes politiques essentiels ou virulents sont, jusqu’à l’époque du Sturm und Drang, rarement problématisés expressément et camouflés ou mis à distance dans le roman politique, l’utopie, le drame ou la fable.
6Ce n’est que dans les années 1780 que le raisonnement public sur des affaires d’État devient une affaire publique et un projet des Lumières. Plus le public lisant se comprend comme une instance critique et devient conscient de son importance, plus il exige un débat ouvert et public sur la littérature, la formation, la morale, l’éducation et les Lumières. Idéalement, les personnes privées bourgeoises en tant que public raisonnant deviennent l’espace public. Le public critique émet la prétention d’agir « pour le peuple » au lieu d’agir « de façon représentative devant le peuple [10] ». Le concept d’espace public s’établit dans l’espace germanophone au milieu du 18e siècle de deux manières. D’une part, l’adjectif public se substantive. Johann Christoph Adelung qui inscrit pour la première fois dans un dictionnaire le terme öffentlichkeit (espace public) donne la définition suivante : qualité d’une chose lorsqu’elle est publique ou que son déroulement l’est [11], dans tous les sens de ce mot. D’autre part, le mot sert de traduction au terme français publicité. Ce concept établi tout d’abord dans le droit pénal prend en France dans la 2e moitié du 18e siècle la signification d’une diffusion libre de discours et d’écrits et fait son entrée dans la langue allemande dans les années 1780 avec le terme de Publicität. Dans les discours philosophiques et politiques du temps, on comprend de plus en plus sous ce terme la liberté de la presse, de la pensée, de parole et d’écrire des personnes privées raisonnant publiquement dans le sens d’Emmanuel Kant. Comme traduction allemande, le terme d’Öffentlichkeit s’est établi en Allemagne après 1800, il supplante après les guerres de libération antinapoléoniennes (1813-1815) le terme courant emprunté au français. Une politisation déjà enregistrée par les contemporains des concepts de Öffentlichkeit /Publizität s’accélère dans le contexte de la Révolution française. Comme traduction du concept français d’opinion publique s’impose en Allemagne autour de 1790 l’expression öffentliche Meinung. Ce terme suspect aux yeux des adversaires et critiques de la Révolution est durablement problématisé dans le débat public. Ce qui frappe dans le discours, c’est que l’opinion publique (öffentiche Meinung) est désormais interprétée comme un contrepoids au pouvoir politique. Le sens originel du terme « de contrôle pragmatique de la vérité [12] » devient une exigence politique. Dans le discours politique du Vormärz, la notion de öffentlichkeit et l’institutionnalisation constitutionnelle par une représentation nationale devient une exigence fondamentale du programme libéral de constitution. En même temps est assignée à la publicité une fonction de contrôle par rapport à l’action politique des représentants. Sa capacité signalée dans l’étude de Volker Gerhard parue en 2012, Öffentlichkeit, la forme politique de la conscience [13], à provoquer et à produire des décisions, est élevée au rang de principe directeur de l’auto-gouvernement et de la différenciation des sociétés complexes.
7Après 1848, le concept libéral positivement connoté entre dans le périmètre de la critique des théories politiques. Ainsi Karl Marx par exemple conçoit la publicité non seulement comme un moyen de communication global, non soumis au pouvoir mais comme une sphère déterminée par l’ordre social capitaliste existant. La publicité, instance indépendante du politique et régulateur politique, n’existe pas dans la théorie sociale marxiste et n’a pas de place dans la téléologie historique correspondante. L’appréciation négative de la publicité qui remonte à Marx s’accompagne historiquement d’une mutation conceptuelle renouvelée. En complément de l’instance de contrôle critique du politique imaginée par les Lumières s’établit en équivalent le terme neutre de population. Ce processus de dépolitisation est en corrélation avec la formation et la différenciation des médias de masse à fort tirage agissant sur le public et faiseur d’opinion. La presse n’est désormais plus du tout l’instance grâce à laquelle la publicité se constitue et se présente comme un pouvoir capable de conflit et critique de la société ; les formes autoréférentielles de comptes rendus médiatiques et l’absence de communication alternée entre mass médias et public bannit la publicité critique hors du discours public. Habermas voit dans cette évolution du public « le passage du raisonnement culturel à la consommation culturelle [14] ».
Ancrage institutionnel de l’espace public
8À l’ère des Lumières l’espace public se constitue au-delà des particularismes nationaux ou régionaux exemplairement dans les cercles littéraires, sociétés de lecture, bibliothèques, clubs, cafés, salons et surtout dans « les médias les plus influents des Lumières [15] », c’est-à-dire les journaux, les revues, les almanachs, les livres de poche et les calendriers. Sa genèse s’effectue différemment selon les territoires et est un sujet de controverse pour la recherche [16]. L’image traditionnelle de l’Allemand apolitique devient aussi problématique que le jugement négatif porté par Hegel sur le public érudit éclairé en Allemagne dans ses cours sur l’histoire de la philosophie. Le discours philosophique public qui se constitue en Allemagne dans et par la presse des Lumières n’est plus considéré par la recherche récente en revanche comme seulement un épisode dans la préhistoire de la grande époque de la philosophie allemande s’étendant de Kant à l’idéalisme allemand.
9À côté de l’importance croissante des journaux, c’est surtout l’établissement des hebdomadaires moraux en Angleterre (à partir de 1708) et dans les territoires germanophones (à partir de 1721) qui y contribue. Caractéristiques de ces périodiques est le dialogue mis en scène dans les médias entre l’éditeur qui se cache derrière le masque d’un auteur fictif et le public auteur de lettres de lecteur. Même s’il est évident qu’il s’agit dans la majorité des lettres publiées de lettres fictives, les lecteurs acceptent volontiers l’idée d’être directement et indirectement impliqués dans une situation concrète et littéraire de communication et d’écriture [17]. Grâce à cette possibilité de participation au dialogue conduit dans les périodiques, l’espace public est mis en scène lui-même dans les revues. En même temps se révèle le caractère illusoire d’un espace public établi. La correspondance fictive suggère avec son caractère de profession de foi et d’appel une relation sympathique entre récepteurs et producteurs et masque le fait que la lecture est de facto une action sociale ambivalente : dans les usages distincts de la praxis et les effets différents qui font du public un sujet et un objet de lecture. De façon plus large et plus résolue que les auteurs du siècle précédent, les initiateurs d’une opinion publique éclairée s’efforcent d’intégrer le public féminin éduqué au-delà des règles léguées depuis la Renaissance des jeux de conversations de femmes dans la république des lettres. C’est ce dont témoignent les nombreuses « bibliothèques de femmes du début des Lumières [18] » ou des publications telles que La Critique des femmes raisonnables (Die Vernünfftigen Tadlerinnen), The Female Spectator, Le magazine des jeunes dames et Il Newtoniasmismo per le dame. Des périodiques comme les Moralische Wochenschriften, comme la revue littéraire et l’Almanach des muses recherchent explicitement des contributions de femmes ou tentent comme le musen Almanach de Göttingen d’inciter des lectrices par des abréviations trompeuses d’auteurs à envoyer leurs propres textes pour les publier. Pour la première fois avec la revue Pomona éditée par Sophie von La Roche, un nouveau type de journal féminin fait son entrée dans l’espace public qui élève la discussion avec les lectrices au rang de principe. Ce rattachement du media au vécu subjectif des lectrices a l’inconvénient de réduire le spectre des thèmes et des genres et d’encourager l’illusion d’une conversation privée. Alors que les premières revues morales comme La Critique des femmes raisonnables ont encore l’ambition d’une interprétation généralisante du monde, la Pomona de La Roche renonce tacitement à cet objectif [19].
10La corrélation inscrite déjà dans le roman par lettres et mise en scène de façon médiatique dans les revues féminines entre espace public et sphère privée est institutionnalisée dans le salon littéraire [20]. Le cercle dirigé en général par une salonnière se démarque de l’étiquette aristocratique pour s’inspirer d’un idéal social fondé sur la compétence intellectuelle ou artistique qui, dans l’espace limité du salon, aplanit assez largement les hiérarchies sociales. Avec l’influence et l’ambition d’agir des hommes des Lumières, l’art de la conversation précieuse de l’Hôtel de Rambouillet particulièrement actif entre 1638 et 1645 se change en un discours abstrait philosophique et critique, les bureaux d’esprits parisiens comme le salon de la protectrice de l’Encyclopédie, Marie- Thérèse Geoffrin, deviennent la mesure et l’exemple de la culture de sociabilité intellectuelle en Europe. Le salon de Julie de Lespinasse que fréquentaient Jean-Baptiste D’Alembert, Antoine de Condorcet, David Hume, Jean-Jacques Rousseau ou Étienne Bonnot de Condillac a été caractérisé comme « un laboratoire des encyclopédistes [21] ». Exemples marquants de la culture de salon allemande contemporaine : la petite société autour de Anna Amalia von Saxe-Weimar-Eisenach, les thés de Johanna Schopenhauer à Weimar, mais aussi le cercle Emkendorf autour de Julia von Reventlow. La phase initiale de la vie de salon berlinoise lancée par Rahel Levin-Varnhagen et Henriette Herz placée sous le signe des idéaux artistiques du classicisme et du préromantisme s’achève tout d’abord avec la crise du cadre socio-culturel de la communication consécutive à l’effondrement prussien de 1806 [22]. L’article de Schleiermacher « Versuch einer Theorie des geselligen Betragens » (1799) est une première considération abstraite sur l’importance sociale et philosophique de l’espace public culturel des salons.
11Parmi les institutions qui ont contribué de façon décisive à la constitution d’un espace public littéraire, comptent outre les salons également les bibliothèques privées et de prêt [23]. Elles satisfont la demande croissante d’une littérature distrayante informative et périodique pour un pouvoir d’achat limité et (dans le cas de la littérature distrayante) pour une motivation de lecture réduite chez les lecteurs en cas de prix du livre élevé et de tirages restreints [24]. Et pourtant, les bibliothèques de prêt n’étaient nullement en premier lieu des agences du trivial, dominait plutôt à l’époque des Lumières l’ambition de transmettre un savoir utile et une prose instructive. De fait, il existait un large spectre allant de la minuscule bibliothèque de prêt jusqu’à l’institut de prêt distinct aux collections spécialisées. Après un premier échec d’une tentative de fondation à Berlin à la fin du 17e siècle, l’intérêt grandit pour cette institution. Autour de 1800, il y a dans chaque ville allemande moyenne une bibliothèque de prêt publique. Le commerce du livre établi considère l’activité de prêt comme une concurrence et la discrédite. Pour le processus de transferts d’information et de savoir interne à l’espace public érudit, la consultation d’ouvrages dans les bibliothèques privées par des collègues et des amis a une importance centrale.
12Tout comme l’établissement de bibliothèques de prêt, la conjoncture des sociétés de lecture a aussi des causes économiques [25]. On a dénombré, dans la période entre 1760 et 1800, 430 sociétés de lecture. Contrairement aux cercles de lecture dans lesquels les périodiques circulent à prix faible entre les membres, les cabinets de lecture se caractérisent par leurs salles de bibliothèques et de réunions particulières. Le raisonnement sur ce qui est lu est accompagné par une conversation formalisée et standardisée. Les privilèges du rang sont dans cet espace clos formellement exclus, mais les contributions des membres régulent l’entrée dans le sens d’une distinction conforme au rang. Comme les coûts de participation sont équivalents à un tiers du salaire annuel de serviteur, la participation reste réservée à un public privilégié. L’offre de lecture des cabinets de lecture n’est pas liée directement aux activités professionnelles mais elle s’inspire de l’horizon d’expérience lié à l’existence bourgeoise pratique. Les revues d’actualité importantes pour le discours public de tous les jours reculent, à partir de 1800, des romans et des drames sont également acceptés et mis à disposition. Dans presque toutes les sociétés de lecture, l’idée d’égalité ne joue aucun rôle : dans la forme de la société se constitue un espace public propre à la bourgeoisie cultivée, qui cultive des manières particulières et s’écarte du peuple sans instruction universitaire. Des sociétés de lecture telles que le cercle de lecture des artisans d’Ulm sont au 18e siècle une exception.
13Outre les institutions reposant sur des institutions privées, une importance considérable pour l’établissement d’un espace public savant et critique revient à l’institution publique de l’université ainsi qu’aux académies et aux sociétés. Plusieurs universités (Göttingen, Halle, Königsberg, Leipzig), beaucoup de sociétés savantes patriotiques et d’intérêt public (Berlin, Burghausen, Celle, Graz, Hambourg, Hamm, Innsbruck, Kaiserslautern, Karlsruhe, Kiel, Klagenfurt, Laibach, Leipzig, Lübeck, Nuremberg, Prague, Wetzlar, Vienne et ailleurs) ainsi que quelques académies (Berlin, Erfurt, Göttingen, Munich) fonctionnent de manières différentes comme des points de cristallisation d’un espace public éclairé. Au moins un tiers des sociétés patriotiques a été toutefois établi sur incitation de l’autorité. De telles initiatives sont prises aussi en Angleterre, en France et en Italie avec des objectifs résolument eudémoniques (pursuit of happiness, utilité publique, publica felicità). Au-delà des frontières de l’ancien Reich, les universités d’Aberdeen, de Bâle, d’Edimbourg, de Glasgow, de Groningue, de Copenhague, de Leyde et de Lund contribuent particulièrement à populariser la pensée des Lumières dans la République européenne des sciences et à la faire devenir déterminante en matière d’instruction et de délivrance des grades. Autrement que les premières institutions (Accademia della Crusca, 1582 ; Accademia Nazionale die Lincei, 1603), la Royal Society de Londres (1662) et l’Académie des Sciences à Paris (1666) sont devenues des modèles pour les fondations des académies à l’ère des Lumières (Berlin, 1700 ; Bruxelles, 1772 ; Edimbourg, 1731 ; Copenhague, 1774 ; Lisbonne, 1779 ; Madrid, 1714 ; Stockholm, 1739 et Saint Petersbourg, 1725). À côté de ces institutions scientifiques respectées dans toute l’Europe, de nombreuses sociétés plus petites, créées au niveau régional comme l’Académie morale agricole de l’électoral de Bavière Palatinat ont exercé une influence dans un sens pratique et technique.
Économie de la culture et espace public
14Au 18e siècle, un changement durable intervient au niveau des rôles et des motivations des libraires fabricants et diffuseurs, au niveau également des auteurs et des critiques savants de même qu’au niveau des formes de réception du public et de la matérialité du mot imprimé. Ce changement est en corrélation avec de nouvelles formes institutionnalisées d’une lecture collective individualisée, libérée des liens contraignants de l’autorité de l’Église ou du chef de famille. L’on peut considérer cette lecture comme préalable à la constitution d’un espace public littéraire : « Il fallait que, grâce à la stratégie de publication présupposant un réseau d’hommes des Lumières et un marché du livre développé, les conditions de la possibilité d’un espace public transcendantal fussent réunies pour que, faisant abstraction des personnes et se fondant uniquement sur des arguments, un débat sur la vérité pût intervenir. Les participants actifs et passifs constituèrent le public [26]. » La dynamisation du marché du livre et la différenciation de l’espace public se manifestent dans la quantité croissante de nouvelles parutions par an. Ainsi entre 1771 et 1800, le nombre des nouveautés à la foire de Leipzig double, passant d’environ 2 000 à 4 000. Les grands éditeurs de l’époque tels Jacob Tonson ou Johann Friedrich Cotta ne diffusent nullement « les productions littéraires selon les mêmes principes que les autres marchandises [27] ». Ils font la différence entre capital économique et culturel et évitent de traduire en calculs économiques des concepts esthétiques. Pour eux, deux principes guident leur commerce : l’environnement économique et juridique ainsi que le moment d’une représentation symbolique attestée par la critique dans l’espace public. Cette relation détermine depuis l’individualisation conséquente de l’auteur due au Sturm und Drang, le rapport entre écrivains et éditeurs dans l’espace public ainsi que les motivations commerciales sur le marché du livre. Alors que par exemple Friedrich Gottlieb Klopstock pour son œuvre considérée comme programmatique Die deutsche Gelehrtenrepublik cherche à mettre en place un espace public et à établir grâce à des collecteurs engagés un lien avec sa communauté de lecteurs socialement différenciée, beaucoup d’entreprises d’auto-édition lancées par les auteurs du Sturm und Drang ne connaissent pas le succès du fait que la détermination de leur position par rapport à l’espace public anonyme est moins précise et que le rôle d’auteur autonome qu’ils incarnent n’est pas ancré dans un réseau.
15Au plus tard depuis l’époque du sentimentalisme et de sa culture des affects, la littérature dans l’espace public compte au nombre des guides de conduite existentielle et accélère les transformations de la société cultivée en un public lisant. La capacité de compréhension des mondes symboliques issue de la technique culturelle de la lecture est moins caractérisée par l’idée d’égalité sociale que par la conscience de la distinction sociale : le jugement méprisant sur l’effet nuisible au goût et aux mœurs de la marchandise jetée sur le marché par des écrivains médiocres et des éditeurs avides de profits [28] n’est à cet égard que le revers de l’autre praxis, celle qui fonde des sociétés de lecture non publiques et des cabinets de lecture exclusifs et restrictifs ou celle qui affiche sa haute estime pour le mot imprimé à travers des formes de réceptions fortement ritualisées. On sous-entend tacitement que les membres de la même communauté intellectuelle ont des questionnements communs liés à la situation commune et l’on suppose de la même façon une influence réciproque.
16Mais en fait la propagande en faveur de la lecture, typique pour l’époque, intensifiée depuis les débuts des Lumières, fonctionne aussi comme instance de sélection sociale : ce n’est qu’apparemment que celui qui s’exclut de la lecture et de l’espace public littéraire est seulement celui qui s’exclut lui-même. Conformément à l’idéologème de la propagande en faveur de la lecture propre aux Lumières, les modes et les motifs de lectures ne sont au service de la sociabilité que lorsque le but d’une amélioration morale publiquement applaudie reste repérable et crédible. Pourtant le marché du livre, comme Georg Friedrich Rebmann le résume en 1795 dans ses Promenades cosmopolites à travers une partie de l’Allemagne (Kosmopolitischen Wanderungen durch einen Teil Deutschlands), est soutenu économiquement par un public hétérogène, c’est-à-dire aussi par des couches sociales inférieures qui consomment les belles lettres comme des marchandises commerciales. Parallèlement à ce processus et dans le sillage de la dynamisation du marché du livre, la pratique de la critique littéraire évolue. Une importance centrale lui échoit, les critiques ayant l’ambition de juger des œuvres littéraires en fonction de leur valeur esthétique et de leur utilité didactique, et d’être les intermédiaires entre auteur et public. Ils s’adressent à « l’universalité abstraite [29] » du public qui ne peut être confondue avec le public empirique et qui n’est créée que par la critique. En ce qui concerne les appréciations littéraires, il ne s’agit pas de critiques rationnelles, publiques, contrôlables au plan intersubjectif, comme le proclament les publicistes des Lumières, mais de préférences subjectives et aussi stratégiques. Avec la Allgemeine deutsche Bibliothek publiée entre 1765 et 1805 en 256 volumes, Friedrich Nicolai établit un organe de recensions qui devient une institution publique et sert d’exemple à la Oberdeutsche, allgemeine Litterarzeitung de Lorenz Hübner et à d’autres projets de littérature critique, mais qui en raison d’une prétention à l’infaillibilité défendue de façon dogmatique tomba en discrédit chez les premiers romantiques et dans la Allgemeine Literatur-Zeitung de Jena qu’ils favorisaient. L’exigence de reconnaissance des auteurs est propagée par les médias principaux ou fait l’objet d’un refus ciblé, l’appréciation contraire issue de la même orientation littéraire dans l’espace public n’est pas un reflet de controverses esthétiques mais plutôt un moment intégrateur entre critiques et lecteurs. Les arguments qui sont présentés par un parti comme critères d’un refus servent à la puissance énonciatrice concurrente de critère de qualification. Le fait seulement qu’un livre soit apprécié publiquement et recensé, devient peu à peu plus important que le contenu de la critique. Johann Gottlieb Fichte déplore dans le sixième de ses cours magistraux berlinois intitulé Die Grundzüge des gegenwärtigen Zeitalters (1801) l’intérêt excessif du public pour les revues de critique littéraire à prétention universelle et déclare que l’on n’aurait plus besoin même de nouvelles parutions si l’on parvenait à rédiger des recensions sans livres. La remarque de Fichte est une réaction à la dynamisation du marché du livre et à une différenciation de l’espace public que beaucoup de contemporains considèrent depuis longtemps comme suspecte – en 1785, 325 maisons d’édition sont déjà présentes à la foire de Leipzig à Pâques. L’adoption du commerce net, exigeant en capitaux, entraîne une accélération jusque-là sans précédent des transactions et une modification en profondeur de la structure de l’espace public. La majeure partie de la production de livres se soustrait de plus en plus au contrôle de la critique d’un public savant, on distingue de manière renforcée entre ce qu’on appelle la production d’usine et les œuvres considérées comme dignes d’être recensées [30].
Différenciations des cultures nationales et territoriales
17Dans sa thèse d’habilitation soutenue à Marburg et publiée en 1962, Changement structurel de l’espace public, Habermas essaie en s’éloignant de l’espace public de la représentation propre à l’absolutisme princier de développer un modèle plausible pour la genèse d’un espace public bourgeois à l’époque des Lumières. Selon Habermas, les personnes privées cultivées qui se constituent au 18e siècle en public se comprennent de plus en plus comme le vis-à-vis abstrait de la puissance publique et deviennent le noyau d’un espace public bourgeois naissant qui se développe à mesure que l’intérêt public pour la sphère privée de la société bourgeoise n’est plus seulement pris en compte par l’autorité mais est pris en considération par les sujets comme étant le leur propre [31]. Même si l’on ne suit pas la critique apodictique de Goldenbaum [32], il faut, compte tenu des différences territoriales sociales et confessionnelles autant que des diverses formes de manifestation de l’absolutisme éclairé dans l’ancien Reich, relativiser l’opposition suggérée par Habermas de l’espace public et du pouvoir public. Dans divers États allemands, les Lumières ont été encouragées par la souveraine ou le souverain (Anna Amalia de Saxe-Weimar-Eisenach, Frédéric II de Prusse, Leopold III, Friedrich Franz von Anhalt-Dessau, l’empereur Joseph II, Charles Frédéric de Bade, Max III Joseph de Bavière, Peter Friedrich Ludwig de Oldenburg, Wilhelm de Schaumburg-Lippe), dans des centres culturels importants, l’espace public littéraire et la sphère de la cour sont en contact étroit (Bückeburg, Darmstadt, Dessau, Eutin, Gotha, Potsdam, Weimar) et le succès du programme du théâtre national ou des tragédies bourgeoises a été favorisé par des mises en scènes dans des théâtres qui étaient financés par des subventions princières (Brunswick, Gotha, Mannheim, Weimar).
18Le statut et le développement de l’espace public a été marqué de façon décisive par les rapports de pouvoir établis et traditionnels, qui se manifestent dans la relation entre pouvoir central d’ancienne noblesse, élites bourgeoises et corporations urbaines et ecclésiastiques. Le rapport des institutions de l’espace public littéraire et du pouvoir politique est différent selon les territoires, ainsi, à la différence de l’organisation centralisée de la France, une opposition à l’État absolutiste moderne n’est pas repérable dans l’ancien Reich. Dans beaucoup d’États allemands, les vecteurs de l’espace public cultivé (noblesse de robe, juristes, professeurs, ecclésiastiques, professeurs de lycée, officiers, médecins) s’identifient à la collectivité et propagent la réforme et non la révolution des conditions. Cette conception domine aussi dans les États européens où le processus des Lumières est suivi intensément en Allemagne, en Angleterre et en France et qui comme le Danemark, le Portugal, l’Espagne et la Russie font appel à du personnel dirigeant étranger pour moderniser l’État (Andreas Peter von Bernstorff, Wilhelm von SchaumburgLippe). Même en Angleterre, l’élite bourgeoise aristocratique, couche porteuse d’un espace public éclairé n’est pas en opposition au pouvoir central. En France en revanche, la situation paraît polarisée jusqu’à l’incapacité de faire des réformes ; alors que l’Europe francophone salue avec enthousiasme les nouveautés culturelles venues de Paris, l’État réagit à l’espace public critique dans son propre pays par la censure et la répression [33]. La critique de la monarchie ou de la religion est punie de mises à l’index, d’arrestations (Voltaire, Diderot, Simon-Nicolas-Henri Linguet) ou de peines cruelles, ce qui conduit à l’exil hors de France et à une production abondante de livres francophones hors de France, à Londres, en Hollande, mais aussi dans l’ancien Reich [34]. Les censeurs impériaux de l’ancien Reich sont en revanche presque impuissants en raison des différences territoriales. Aucune des ordonnances venant de la chancellerie aulique de Vienne n’a eu une importance considérable pour l’espace public allemand [35]. À l’exception d’actes arbitraires singuliers condamnés pour la plupart unanimement par le public (Martin Joseph Prandstetter, Christian Friedrich Daniel Schubart, Gotthold Friedrich Stäudlin) l’intention fondamentale et reconnaissable pendant les lumières tardives est de garantir la forme juridique des lois et des ordonnances [36]. Dans la mesure où l’horizon des normes s’avère incohérent, on peut admettre une diversité temporaire, territoriale et sociale de la pratique de la censure.
L’espace public face au changement de l’histoire et de l’histoire des sciences
19Chaque texte représente un double codage économique et esthétique qui n’est pas inscrit seulement dans les sciences culturelles mais aussi juridiquement et sociologiquement. La convention de Berne de 1886 se situe au terme d’une révolution des médias initiée en 1455 par l’invention de l’imprimerie avec des caractères mobiles, ainsi que d’une longue et vive controverse sur les éditions copiées ou éditions pirates menée dans l’espace public du 18e siècle. Après des lois divergentes territorialement valables, les décrets et les conventions internationales débouchent à la fin du 19e siècle sur un traité valable en droit international et finalement sur la loi relative au droit d’auteur. Le fondement, la genèse et la sécurisation de la propriété intellectuelle au profit du producteur culturel dans l’espace public est aujourd’hui relativisée par la numérisation des technologies de l’information et de la communication et conduit à de nouveaux débats sur les mesures de protection pour garantir les intérêts légitimes d’auteurs, d’éditeurs, de traducteurs et de maisons d’édition dans un internet partout accessible. Grâce à la majeure partie des forums, l’évolution observée déjà par Habermas vers un public consommateur de culture s’accélère, des plateformes telles que YouTube ou le journalisme soi-disant citoyen des journaux on-line sur le modèle du Huffington Post se refuse consciemment à l’idéal de communication savante porté par « le type social de l’intellectuel [37] » propre à l’espace public traditionnel. Cette tendance coïncide avec les usages du marché médiatique audiovisuel et ses contraintes économiques institutionnalisées. L’espace public est ici ambivalent. Il n’éclaire pas seulement au sens traditionnel de la philosophie des Lumières, comme l’explique Gerhard [38], il révèle aussi ses côtés d’ombre. L’expulsion de contributions culturellement importantes hors du primetime des télévisions publiques ou des films d’auteur hors des cinémas est le résultat d’une concurrence propre à l’économie des médias poussée par les entreprises de distribution et de production, concurrence qui n’interdit pas seulement la distribution mais aussi la conception et la réalisation de productions non conformistes et institutionnalise la censure d’un espace public critique. Comme Habermas, Lucian Hölscher parle en termes d’histoire des concepts d’une « dissolution du concept classique d’espace public [39] ». Dans la théorie systémique de Luhmann, la communication fragmentaire des mass-médias d’aujourd’hui et l’espace public qui se constitue au dessus d’elle procure à la fois « transparence et opacité [40] ». Dans la sociologie culturelle de Pierre Bourdieu finalement « le regard déshistoricisé et déshistoricisant, atomisé et atomisant [41] » de l’espace public telémédiatique représente le pôle opposé au raisonnement d’un espace public éclairé.
20En ce qui concerne le cas particulier de l’espace public littéraire, c’était un enjeu central tout particulièrement de la recherche allemande sur les Lumières en débat avec les études socio-historiques de Rolf Engelsing, Hans-Jürgen Haferkorn ou Rudolf Schenda [42] : il s’agissait d’ancrer la genèse, la fonction, la structure et la différenciation de l’espace public littéraire dans un modèle synthétique où les facteurs, pouvoir, économie et culture, se conditionnent et s’interpénètrent à égalité. Mais sur ces résultats positifs, on n’a pas continué à construire. Cela tient tout d’abord au fait que l’on a attribué au modèle d’espace public conçu par Habermas et élaboré à partir de la France et de l’Angleterre une validité universelle, quoique Habermas lui-même, et avant lui Hermann Hettner et Hegel, aient signalé les situations différentes dans l’espace germanophone [43]. Deuxièmement, les études socio-historiques de HansUlrich Wehler ont constitué des modèles quoiqu’elles soient restées fixées sur les conditions sociales et les tendances évolutives. Finalement une autre perspective est également problématique, celle qui réduit l’espace public à la sociabilité [44] parce que par exemple la France connaît à côté des salons aussi un espace public plus large, produit par l’Encyclopédie et ses imitateurs.
21Le reproche selon lequel une représentation de l’espace public couplée à une théorie de l’agir communicationnel repose sur une valorisation réductrice du discours rationnel, ce qui oblige à problématiser la raison comme valeur dominante et norme centrale des Lumières, ce reproche a été tout d’abord soulevé par le post-structuralisme français. Avec ses études sur la psychiatrie, la sexualité et l’exécution publique de la peine, Michel Foucault a tenté de démontrer que des modèles déviants de réflexion et de comportement ont été dévalorisés par les concepts logocentrés et anthropocentrés des Lumières ou même accusés d’imposer dans l’espace public les principes de sa propre rationalité dans le sens d’un dogme culturel. Cette argumentation soulève la question de savoir comment dans les conditions restrictives du contrôle de discours, de l’absence d’autonomie voire d’une logophobie intériorisée, un discours fondé sur la revendication de vérité peut dans l’espace public critique avoir force d’histoire. Alors que la perspective de Foucault sur les formes institutionnalisées de parole et d’écriture définies par la puissance et l’impuissance a été prise en compte surtout dans les études sur le 18e siècle à orientations féministes, anthropologiques et d’histoire des mentalités, cette approche dans les analyses sur l’espace public orientées vers l’histoire des médias n’est prise en compte que dans des domaines partiels, par exemple de la recherche sur la censure et la lecture. S’avère problématique le fait que les phénomènes caractérisés par Foucault comme de la logophobie ne soient que vaguement séparables de formes courantes d’intériorisation de normes sociales, religieuses ou politiques [45]. De même les thèses du cours de Foucault Qu’est-ce qu’un auteur ? ne peuvent s’accorder que partiellement avec les modèles de communication par le média livre conçus par Siegfried J. Schmidt ou Reinhard Wittmann [46]. Pour la théorie systémique, il s’établit dans la société des Lumières, qui se différencie de plus en plus par ses fonctions, un système de communication de masses existant jusqu’à aujourd’hui, dont la structure se constitue par les rôles commerciaux du producteur, de l’intermédiaire, du récepteur et du manufacturier. Au centre de l’intérêt de cette théorie, il y a selon Schmidt la naissance du système social littérature indispensable pour la constitution de l’espace public et non pas la genèse du système symbolique et culturel de la littérature [47]. Le problème complexe de savoir dans quel rapport des décisions économiques influent sur le culturel ou le culturel sur des décisions économiques, et comment dans ces conditions l’espace public se constitue, Markus Joch et Norbert Christian Wolf ont tenté d’y répondre en recourant à la théorie expérimentale de Bourdieu [48]. La question de savoir comment, quand et pourquoi dans les conditions structurelles d’un espace public culturel développé, un champ autonome littéraire avec des rôles concurrents d’auteur, d’éditeur et de récepteur se développe, est différemment accentuée selon les cultures nationales européennes à partir de 1800, et c’est une question qui se pose à la recherche et s’avère aussi importante que l’historicisation et le changement d’un concept d’espace public recourant à la tradition des Lumières dans les conditions d’une communication médiatique numérisée.
Bibliographie
Sources et ouvrages critiques
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Sources secondaires
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- Wittmann, Reinhard, Geschichte des deutschen Buchhandels, München, C. H. Beck, 1991.
Notes
-
[1]
Joseph von Sonnenfels, Grundsätze der Polizey, Handlung und Finanzwissenschaft, vol. 1, Wien, Joseph Kurzböck, 1765, p. 82.
-
[2]
Jürgen Schiewe (dir.), Öffentlichkeit. Entstehung und Wandel in Deutschland, Paderborn, Schöningh, 2004, p. 31.
-
[3]
Lucian Hölscher, « Öffentlichkeit », dans Historisches Wörterbuch der Philosophie, vol. 6, Joachim Ritter et Karlfried Gründer (dir.), Darmstadt, Wiss. Buchgesellschaft, 1984, colonne 1134-1140, ici colonne 1135.
-
[4]
Lucian Hölscher, « Öffentlichkeit », dans Geschichtliche Grundbegriffe. Historisches Lexikon zur politisch-sozialen Sprache in Deutschland, vol. 4., Otto Brunner, Werner Conze et Reinhart Koselleck (dir.), Stuttgart, Klett-Cotta, 1978, p. 413467, ici p. 419.
-
[5]
Voir Hölscher 1984, colonne 1135.
-
[6]
Hölscher 1978, p. 430.
-
[7]
Hölscher, ibid., p. 431.
-
[8]
Schiewe 2004, p. 42.
-
[9]
Ursula Goldenbaum, Appell an das Publikum. Die öffentliche Debatte in der deutschen Aufklärung 1687-1796, vol. I, Berlin, Akademie, 2004, p. 5.
-
[10]
Jürgen Habermas, Strukturwandel der Öffentlichkeit. Untersuchungen zu einer Kategorie der bürgerlichen Gesellschaft, Neuwied, Luchterhand, 1962, p. 87, 199.
-
[11]
Johann Christoph Adelung, Grammatisch-kritisches Wörterbuch der Hochdeutschen Mundart, mit beständiger Vergleichung der übrigen Mundarten, besonders aber der Oberdeutschen, th. 3, Leipzig, Bernhard Christoph Breitkopf und Sohn, 21798, p. 586.
-
[12]
Habermas 1962, p. 123.
-
[13]
Volker Gerhardt, Öffentlichkeit. Die politische Form des Bewusstseins, München, C. H. Beck, 2012.
-
[14]
Habermas 1962, p. 177.
-
[15]
Ernst Fischer, Wilhelm Haefs et York-Gothart Mix (dir.), Von Almanach bis Zeitung. Ein Handbuch der Medien in Deutschland 1700-1800, München, C. H. Beck, 1999, p. 10.
-
[16]
Voir Goldenbaum 2004, p. 79 suiv.
-
[17]
Voir Wolfgang Martens, Die Botschaft der Tugend. Die Aufklärung im Spiegel der deutschen Moralischen Wochenschriften, Stuttgart, Metzler, 1968, p. 48 suiv.
-
[18]
Voir Wolfgang Martens, « Leserezepte fürs Frauenzimmer. Die Frauenzimmerbibliotheken der deutschen Moralischen Wochenschriften », dans Archiv für Geschichte des Buchwesens 15, 1975, colonne 1143-1199.
-
[19]
Voir Nina Birkner et York-Gothart Mix, « Dialogizität als mediale Innovation ? Sophie von La Roches Pomona für Teutschlands Töchter im Kontext der aufklärerischen Zeitschriftenliteratur », dans « Ach, wie wünschte ich mir Geld genug, um eine Professur zu stiften ». Sophie von La Roche (1730-1807) im literarischen Feld von Aufklärung und Empfindsamkeit, Barbara Becker-Cantarino et Gudrun Loster-Schneider (dir.), Tübingen, Narr, 2010, p. 171-182.
-
[20]
Voir Peter Seibert, Der literarische Salon. Literatur und Geselligkeit zwischen Aufklärung und Vormärz, Stuttgart et Weimar, Metzler, 1993.
-
[21]
Verena von der Heyden-Rynsch, Europäische Salons : Höhepunkte einer versunkenen weiblichen Kultur, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 1995, p. 84.
-
[22]
Voir Konrad Feilchenfeldt, « ‘‘Berliner Salon’’ und die Briefkultur um 1800 », dans DU 36, 1984, n° 4, p. 77-99.
-
[23]
Voir Raimo Pullat, Die Privatbibliotheken in Talinn und Pärnu im 18. Jahrhundert, Tallinn, Estopol, 2009.
-
[24]
Georg Jäger (avec la collaboration de Ulrich Dannenhauer), « Die Bestände deutscher Leihbibliotheken zwischen 1815 und 1860. Interpretation statistischer Befunde », dans Buchhandel und Literatur. Festschrift für Herbert G. Göpfert zum 75. Geburtstag am 22. September 1982, Reinhard Wittmann et Berthold Hack (dir.), Wiesbaden, Hassarowitz, 1982, p. 247-313, ici p. 248.
-
[25]
Voir Marlies Prüsener, « Lesegesellschaften im 18. Jahrhundert. Ein Beitrag zur Lesergeschichte », dans Archiv für Geschichte des Buchwesens 13, 1973, colonne 369-594 ; Otto Dann (dir.), Lesegesellschaften und bürgerliche Emanzipation. Ein europäischer Vergleich, München, C. H. Beck, 1981.
-
[26]
Goldenbaum 2004, p. 61.
-
[27]
Siegfried J. Schmidt, Die Selbstorganisation des Sozialsystems Literatur im 18. Jahrhundert, Frankfurt/M., Suhrkamp, 1989, p. 12.
-
[28]
Friedrich Schiller, « Merkwürdige Rechtsfälle als ein Beitrag zur Geschichte der Menschheit. Vorrede », dans Sämtliche Werke par Friedrich Schiller, éd. Gerhard Fricke et Herbert G. Göpfert, vol. V, Erzählungen. Theoretische Schriften, München, Hanser 1959, p. 864-866, ici p. 864.
-
[29]
Peter Uwe Hohendahl (dir.) avec la collaboration de Russell A. Bermann, Karen Kenkel et Arthur Sturm, Öffentlichkeit. Geschichte eines kritischen Begriffs, Stuttgart et Weimar, Metzler, 2000, p. 20.
-
[30]
Voir Gangolf Hübinger, Gelehrte, Politik und Öffentlichkeit. Eine Intellektuellengeschichte, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2006, p. 232.
-
[31]
Habermas 1962, p. 36.
-
[32]
Voir Goldenbaum 2004, cf. note 2.
-
[33]
Voir Wilhelm Haefs et York-Gothart Mix (dir.), Zensur im Jahrhundert der Aufklärung. Geschichte – Theorie – Praxis, Göttingen, Wallstein, 2007.
-
[34]
Voir Martin Fontius, Voltaire in Berlin. Zur Geschichte der bei G. C. Walther veröffentlichten Werke Voltaires, Berlin, Rütten & Loening, 1966, p. 5 suiv.
-
[35]
Reinhard Wittmann, Geschichte des deutschen Buchhandels, München, C. H. Beck, 1991, p. 138.
-
[36]
Bodo Plachta, Damnatur – Toleratur – Admittitur. Studien und Dokumente zur literarischen Zensur im 18. Jahrhundert, Tübingen, Max Niemeyer, 1994, p. 221.
-
[37]
Hübinger 2006, p. 235.
-
[38]
Voir Gerhardt 2012.
-
[39]
Hölscher 1978, p. 465.
-
[40]
Niklas Luhmann, Die Realität der Massenmedien, Opladen, Westdt. Verlag, 21996, p. 188.
-
[41]
Pierre Bourdieu, Über das Fernsehen, Frankfurt/M., Suhrkamp, 1998, p. 137.
-
[42]
Voir Walter H. Bruford, Kultur und Gesellschaft im klassischen Weimar 17751806, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1966 ; Rolf Engelsing, « Der Bürger als Leser : die Bildung der protestantischen Bevölkerung Deutschlands im 17. und 18. Jahrhundert am Beispiel Bremens », dans Archiv für Geschichte des Buchwesens, 3, 1961, colonne 205-368 ; Hans-Jürgen Haferkorn, « Der freie Schriftsteller. Eine literatur-soziologische Studie über seine Entstehung und Lage in Deutschland zwischen 1750-1800 », dans Archiv für Geschichte des Buchwesens, 5, 1964, p. 523-712 ; Rudolf Schenda, Volk ohne Buch. Studien zur Sozialgeschichte der populären Lesestoffe 1770-1910, Frankfurt/M., Klostermann, 1970.
-
[43]
Voir Goldenbaum 2004, p. 17.
-
[44]
Wolfram Mauser, « Geselligkeit. Zu Chance und Scheitern einer sozialhistorischen Utopie um 1750 », dans Aufklärung 4, 1989, n° 1, p. 5-36.
-
[45]
Voir Michel Foucault, L’Ordre du discours. Leçon inaugurale au Collège de France prononcée le 2 décembre 1979, Paris, Gallimard, 1971, p. 37 suiv.
-
[46]
Voir Schmidt 1989 ; Wittmann 1991.
-
[47]
Schmidt 1989, p. 84.
-
[48]
Voir Markus Joch et Norbert Christian Wolf (dir.), Text und Feld. Bourdieu in der literaturwissenschaftlichen Praxis, Tübingen, Max Niemeyer, 2005.