Notes
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[1]
Nicolas Delamare, Traité de la police, tome 1, livre IV, titre V, « Des bouchers », Paris, J. et P. Cot, 1705. C’est de ce chapitre que Diderot s’inspire très largement pour l’article Boucherie de l’Encyclopédie.
-
[2]
C’est ainsi que les auteurs qui écrivent sur le sujet relèguent l’écrasante majorité paysanne hors du débat médical sur l’alimentation. Voir Linand, l’Abstinence de viande rendue aisée, Paris, 1700, p. 67.
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[3]
Jean-Louis Flandrin et Massimo Montanari, Histoire de l’alimentation, Paris, Fayard, 1996, p. 551 et 615.
-
[4]
Nicolas Andry, Le Régime du Carême, Paris, Jean-Baptiste Coignard, 1710 (dorénavant RC), p. 1.
-
[5]
Ken Albala, « Une première argumentation scientifique occidentale en faveur du végétarisme », Corps, n° 4, 2008.
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[6]
Voir F. Mugnier, « Carême » dans Marcel Viller et alii, Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique, Paris, Beauchesne, 1937, tome I, p. 112-134.
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[7]
Reynald Abad, « Un indice de déchristianisation ? L’évolution de la consommation de viande à Paris en carême sous l’Ancien Régime », Revue historique, n° 610, Paris, 1999, p. 237-275.
-
[8]
Fénelon, « Mandement pour le carême de l’année 1707 », Recueil des mandemens, Paris, F. Babuty, 1713, p. 60-66.
-
[9]
L’Abstinence de viande rendue aisée, p. 2. Linand constate en outre avec amertume que ce sont les « gens riches, et ceux qui ont abondamment tout ce qui est nécessaire pour mener une vie commode qui donnent volontiers atteinte au précepte qui regarde l’abstinence de la viande ».
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[10]
Ibid., p. 14.
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[11]
Une première édition paraît en 1709, en un tome. Nous nous référerons à l’édition en deux tomes, revue et corrigée, de 1710 : Traité des dispenses du Carême (dorénavant TDC), édité chez François Fournier.
-
[12]
Ce sont les titres des chapitres VI et VII de la première partie de son Traité.
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[13]
C’est sans compter sur l’ouvrage de Jean-Baptiste Bruyerin, De re cibaria, Lyon, Sébastien Honoré, 1560, 1129 p. Du reste, Philippe Hecquet s’inspire énormément de Bruyerin et le cite à de nombreuses reprises dans ses Observations sur le régime maigre qui sont publiées avec la Médecine, la chirurgie et la pharmacie des pauvres, Paris, Clousier, 1742, tome 3 (dorénavant ORM).
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[14]
TDC, I, p. 196 : « Dans le poisson seul on peut trouver de quoi se nourrir sainement et commodément » ; p. 205 : « Nous ne craindrons donc point de donner au poisson la préférence au-dessus de tous les autres animaux dont on mange. »
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[15]
Voir les chapitres III et IV du livre II et le premier chapitre du livre X. Un autre médecin que rencontre Gil Blas, le docteur Hocqueton, ressemble fort, lui aussi, à l’auteur du Traité des dispenses.
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[16]
Louis Dupré d’Aulnay, Réception du docteur Hecquet aux Enfers, La Haye, 1748. 94 p.
-
[17]
Épître à Timothée, I, 4, 1-4. Voir aussi l’Épître aux Colossiens, 2, 20-21.
-
[18]
Laurence W. B. Brockliss : « The medico-religious universe of an early eighteenth-century Parisian doctor : the case of Philippe Hecquet », dans Roger French, Andrew Wear, The Medical Revolution of the Seventeenth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 1989, p. 191-221.
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[19]
Voir notamment Fontenelle, Entretiens sur la pluralité des mondes, « premier soir ». Cité par Jacques Roger, les Sciences de la vie dans la pensée française au 18e siècle, Paris, A. Michel, 1993, p. 206.
-
[20]
Jacques Roger, ouvr. cité, p. 207.
-
[21]
Mirko D. Grmek, la Première révolution biologique, Paris, Payot, 1990, p. 131.
-
[22]
Pour Pitcairn, « it is only the motion of the stomach working and comminuting the food, which finished digestion by a separation of the last-formed parts into pipes and fibres of such a nature as is observable in animals ». Cité par Allen G. Debus, Chemistry and medical debate. Van Helmont to Boerhaave, Canton,Science History Publications, 2001, p. 152.
-
[23]
Cet argument corrobore la nécessité pour Yahvé de prescrire un nouveau régime alimentaire.
-
[24]
Voir notamment l’Ecclésiaste, VII, 11, cité tome I, p. 60.
-
[25]
Voir Arouna Ouédraogo, « De la Secte religieuse à l’utopie philanthropique. Genèse sociale du végétarisme occidentale », Annales HSS, n° 4, Paris, 2000, p. 825-843.
-
[26]
Hecquet cite essentiellement Cheyne et Plutarque dans ORM.
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[27]
De la digestion et des maladies de l’estomac suivant le système de la trituration et du broiement, Paris, F. Fournier, 1712, p. 144-145.
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[28]
De re cibaria, p. 386. Cité par Hecquet dans ORM, p. 252.
-
[29]
Il le sera bien davantage dans De la digestion et des maladies de l’estomac par exemple.
-
[30]
Allen G. Debus résume les positions médicales des partisans et adversaires de la trituration (ouvr. cité, p. 154-163).
-
[31]
Jean Astruc, Traité de la cause de la digestion, où l’on réfute le système de la trituration et du broiement, Paris, A. Colomiez, 1714 (dorénavant TCD), p. 37-46.
-
[32]
Martino Poli, Il Trionfo degli acidi vendicati dalle calunnie di molti Moderni, Rome, Giorgio Placho, 1706, 464 p.
-
[33]
Sylvius considère qu’il existe trois liqueurs qui font fermenter les aliments au cours du processus de digestion : la salive, le suc pancréatique et la bile. Voir Allen G. Debus, ouvr. cité, p. 61-63.
-
[34]
Journal des savants, supplément de novembre 1707, p. 487.
-
[35]
Journal de Trévoux, janvier 1710, article XIII, p. 134-151.
-
[36]
Il s’agit de l’article XXVI du Journal de Trévoux, p. 346-360.
-
[37]
Citons néanmoins Jean-Jacques Manget, Theatrum anatomicum, Genève, Cramer, 1716-1717, 3 tomes. Manget est très critique à l’égard de la théorie de Pitcairn et d’Hecquet.
-
[38]
Journal des savants, janvier 1723, p. 58-61. Jean-François Favelet était l’auteur de Prodromus apologiae fermentationis in animantibus, Louvain, Petr. Aug. Denique, 1721, 115 p.
-
[39]
Voir sur ce point Jacques Roger, ouvr. cité, seconde partie et notamment les pages 441-453.
-
[40]
Genèse, I, 29 : « Je vous donne toutes les herbes portant semence, qui sont sur toute la surface de la terre, et tous les arbres qui ont des fruits portant semence : ce sera votre nourriture. »
-
[41]
Nous ne mentionnerons pas ici une forme importante du végétarisme, qui relèverait davantage de la morale et qui touche à la question du respect de la vie animale. Dans les premières années du 18e siècle, le végétarisme est, en France surtout, extrêmement marginal. Le témoignage du curé Meslier, d’un point de vue théorique, constitue cependant une remarquable exception. Œuvres, Paris, Anthropos, 1970-1972, tome I, p. 217.
-
[42]
Ibid., p. 40. Andry fait allusion à ce passage de la Genèse, IX, 3 : « Tout ce qui se meut et qui possède la vie vous servira de nourriture. »
-
[43]
Astruc, Mémoire sur la cause de la digestion des aliments, p. 32.
-
[44]
Extrait de l’approbation au Traité des aliments de Carême d’Andry, 1713.
-
[45]
Saint Augustin, Contre Faustus, XXX, 5, cité par Astruc, TCD, p. 392.
-
[46]
Épître à Timothée, IV, 1-5.
-
[47]
Saint Augustin, Ad inquisitiones Januarii liber Primus, XX, 36.
-
[48]
Voir Jacques-Joseph Duguet, Explication du livre de la Genèse, Paris, François Babuty, 1732, tome I, p. 194.
-
[49]
C’est ce dont témoigne la rédaction des ORM qui date très probablement de 1735, c’est-à-dire quelques mois seulement avant sa mort en 1736.
-
[50]
Del Vitto pitagorico, Florence, F. Moücke, 1743, 84 p.
-
[51]
Stephen Mennel, Français et Anglais à table du Moyen Âge à nos jours, Paris, Flammarion, 1987, p. 435.
-
[52]
Voir Jean-Claude Bonnet, « le Système de la cuisine et du repas chez Rousseau », Poétique, n°21, Paris, 1975, p. 244-267.
L’ouvrage de Porphyre sur l’abstinence des viandes [...] n’a pas fait plus de disciples parmi nous que le livre du médecin Hecquet.
1Tandis que dans les années 1750, les naturalistes, les cuisiniers et les médecins débattent passionnément de la question du régime naturel, c’est-à-dire de la diète la plus bénéfique pour la santé de l’homme, dans les premières années du siècle la supériorité de la « viande de boucherie » est l’objet d’une belle unanimité. La chair des animaux est en effet perçue comme « la nourriture la plus ordinaire après le pain, et par conséquent une de celle qui doit davantage et le plus souvent intéresser la santé [1] ». Cette position ne concerne cependant que les élites dans la mesure où les paysans seraient pourvus d’une constitution plus robuste et, partant, radicalement différente [2]. La chair des animaux constitue par ailleurs le cœur de l’alimentation des plus riches tandis qu’elle devient très rare sur la majorité des tables du royaume. La consommation de viande a même beaucoup baissé depuis la fin du Moyen Âge, époque où l’Europe en général, et la France en particulier, connaissent un large essor démographique [3].
2Aussi la viande est-elle plus que jamais associée aux réjouissances et à la bonne santé tandis que le carême et les autres périodes maigres du calendrier liturgique sont regardés avec inquiétude. Cette crainte est très souvent rapportée par les auteurs qui abordent le thème : « On regarde ordinairement l’abstinence de la viande comme l’écueil de la santé » résume un médecin [4]. La « face de carême » n’est-elle pas le signe d’une carence en viande et en nourritures grasses ? Le « mardi gras », précisément, permet non seulement de conjurer l’angoisse de la mortification à venir, mais aussi de soutenir son corps par une consommation plus importante de chairs animales. Cette crainte du carême est à la fois produite et entretenue, rappelle Ken Albala, par la théorie des humeurs [5]. En effet, à la fin de l’hiver, au moment du carême, les organismes ont besoin d’aliments chauds, comme la viande et l’ensemble des nourritures grasses, pour compenser les effets de la saison froide. Or les légumes sont les plus froides des nourritures et de ce fait les moins susceptibles de rendre leur vigueur aux organismes.
3Si les définitions du gras et les degrés d’austérité varient suivant les lieux et les époques, le régime maigre exclut néanmoins systématiquement la viande, parfois les œufs, le lait, la crème ou le beurre. En règle générale, c’est le poisson, « viande de carême », qui occupe en ces temps de privation la place dévolue normalement à la chair des mammifères et des volatiles. Des doutes subsistent par ailleurs sur la nature de certains aliments : à quelle catégorie appartiennent le chocolat, le tabac ou encore les macreuses, ces oiseaux dont la nature participe de l’élément aquatique comme les poissons ? Est-il permis d’en consommer dans les périodes d’abstinence ?
4Quoi qu’il en soit, au cours du carême ou de l’avent, le fidèle se voit contraint de s’abstenir de la nourriture la plus délicate et la plus nourrissante, en signe de mortification du corps et d’élévation de l’âme. Pourtant, même si les interdits du carême ont été considérablement restreints dans un mouvement initié à la Renaissance, le nombre des « dispenses du carême » augmente de manière très significative depuis la fin du 17e siècle [6]. En ce qui concerne le cas parisien, Reynald Abad a montré et même quantifié le relâchement de la pratique du magre tout au long du 18e siècle [7]. Les théologiens et les moralistes du temps déplorent cette désaffection ; Fénelon, archevêque de Cambray, exhorte fermement les fidèles à revenir à une pratique rigoureuse du carême mais constate avec lucidité : « Cette discipline qui a été si austère, et pratiquée avec tant de ferveur dans l’antiquité, n’est plus qu’une ombre de ce qu’elle a été [8]. » Muni d’une « attestation » rédigée par un médecin garantissant l’impossibilité pour son patient de supporter l’épreuve du carême, le fidèle qui craint trop pour sa santé prie son évêque ou son confesseur de lever pour lui l’interdit de viande en sollicitant une dispense. Afin de pallier l’abandon croissant de la pratique du maigre, un médecin, Barthélemy Linand, avait rédigé en 1700 l’Abstinence de viande rendue aisée où il prodiguait de nombreux conseils diététiques et culinaires [9]. L’auteur dénonçait en outre dans sa préface la scandaleuse délicatesse des dispensés et la complaisance coupable de leurs médecins [10].
5En 1709, un médecin parisien, le docteur Philippe Hecquet fait paraître le Traité des dispenses du carême [11]. Le titre annonce un ouvrage semblable à celui de Linand ; son auteur y développe cependant des thèses fondamentalement opposées et soutient un étrange paradoxe. S’il regrette et condamne, comme son prédécesseur, cette décadence de la piété, Hecquet assure contre le sens commun que « les fruits, les grains et les légumes sont [les aliments] les plus naturels » tandis que « l’usage de la viande n’est pas le plus naturel à l’homme, ni absolument nécessaire [12] ». Ken Albala voit ainsi dans le Traité des dispenses une première défense médicale du végétarisme [13]. Cependant la diète que prône Hecquet n’exclut pas le poisson, et le recommande même parfois [14].
6Au moment où paraît le Traité des dispenses, Philippe Hecquet est loin pourtant d’être un auteur inconnu ou marginal : il est docteur régent de la faculté de Paris et deviendra doyen quelques mois plus tard. Il s’est rendu célèbre par son érudition, ses ouvrages nombreux et détaillés, sa piété profonde et austère, sa générosité envers les pauvres auxquels il consacre un long ouvrage mais aussi par sa défense enthousiaste du régime maigre et du principe, déjà anachronique, de la saignée. Ces deux derniers aspects de sa pensée médicale furent souvent l’objet de critiques acerbes. Philippe Hecquet deviendra même l’entêté et incompétent docteur Sangrado de Gil Blas [15] avant de devenir la cible, dix ans après sa mort, d’un pamphlet au goût macabre [16].
7C’est que les thèses diététiques d’Hecquet ne laissent pas de déconcerter. Dans la société d’Ancien Régime, la défense, même partielle, du végétarisme constitue un contresens qui heurte violemment l’opinion, les pratiques, la science, voire la religion. Le végétarisme est une anomalie alimentaire qui s’explique seulement par l’impossibilité de se procurer de la viande. La règle omnivore ne saurait souffrir en effet que deux exceptions, ponctuelle (les périodes maigres) et sociale (au sein de certains ordres religieux). Plus encore, l’absence d’interdits alimentaires caractérise la pratique chrétienne depuis que saint Paul avait proclamé à propos des nourritures : « tout ce que Dieu a créé est bon, et rien n’est à rejeter si on le prend avec action de grâce [17] ».
8C’était cependant au nom de la piété, tout autant que de la science, que Philippe Hecquet défendait la thèse de la supériorité diététique du maigre ; selon lui, l’abstinence de viande se comprend comme une discipline salutaire pour l’esprit et pour le corps. Néanmoins, son étrange position en faveur de la supériorité du maigre le condamne à une réprobation unanime.
9Il s’agira ici d’exposer non seulement la théorie d’Hecquet et ses implications, mais aussi de rendre compte de la manière dont s’articulent les critiques médicales et religieuses. Il s’avère que ces deux types d’objections sont concomitants, bien qu’ils divergent dans leurs principes. Tandis que la controverse autour de la digestion participe d’un débat scientifique d’une brûlante actualité, l’Église retrouve, dans sa critique du Traité des dispenses une hostilité qu’elle a toujours manifestée à l’encontre de tout végétarisme qui ne fût pas ascétique.
10Philippe Hecquet naît à Rouen en 1661, et devient à vingt-trois ans docteur en médecine ; il s’installe alors à Abbeville, puis à Paris. En 1688, il doit quitter la capitale où seuls les maîtres ou docteurs de l’Université parisienne ont le droit d’exercer. Hecquet accepte alors la proposition d’une religieuse de Port-Royal des Champs : il devient son médecin, celui de la communauté tout entière et des pauvres des alentours. Il abandonne la vie parisienne et embrasse alors avec joie, note Saint Marc, son biographe, « un genre de vie convenable à ses inclinations ». Hecquet supporte mal cependant les jeûnes et les mortifications imposées par les solitaires jansénistes ; il tombe bientôt gravement malade. Sur les conseils d’amis, il décide de regagner la capitale et reprend presque à leur commencement ses études médicales. Il obtient le titre de docteur de l’université de Paris en 1697. C’est alors que sa carrière connaît son véritable essor ; il devient notamment le médecin ordinaire du prince de Condé et de la duchesse de Vendôme. Malgré le prestige de son état et le titre de doyen de la faculté de médecine de Paris qu’il acquiert bientôt, Philippe Hecquet n’abandonne pas l’austérité, voire le rigorisme, qu’il avait adopté à Port-Royal. Saint Marc rapporte à plusieurs reprises qu’il était adepte tout au long de l’année d’un régime maigre et qu’il reprochait à ses illustres patients la plus légère des entorses au carême. En 1726, à l’âge de soixante-cinq ans, il quitte Paris pour retrouver Port-Royal où il mourra pieusement.
11Cet attachement à la doctrine des jansénistes et à Port-Royal en particulier a été récemment mis en évidence par Laurence Brockliss [18]. Toute sa vie durant, Hecquet fit siens leurs préceptes, leur éthique et leur inflexible tempérance. Chez les Solitaires, la nourriture est en effet soumise comme tous les autres aspects de la vie (religieuse), à une austérité sévère. « Lorsque les jansénistes parlent de nourriture, ils insistent sur la nécessaire sobriété », note Monique Cottret. Ainsi Grivel, qui fut l’intendant des frères Tabourins, un ordre janséniste, condamne vivement la gourmandise et invoque l’autorité des Pères et des saints : « saint Antoine ne mangeait jamais qu’après que le soleil était couché et ne buvait qu’un peu d’eau […]. Si votre ventre est votre Dieu, dit Tertullien, vos entrailles sont donc le temple, votre cuisinier est le prêtre ».
12C’est précisément au moment où il est le plus marqué par la doctrine janséniste, à son retour de Port-Royal, que Philippe Hecquet reçoit un enseignement largement emprunt de mécanisme. Le mécanisme constituait alors le paradigme épistémologique dominant. S’ils s’inspirent largement de la pensée cartésienne, les professeurs d’Hecquet trouvaient déjà dans Érasistrate un glorieux précurseur. Ce grand nom de l’école d’Alexandrie considérait en effet que le corps humain est mû dans sa totalité et dans ses parties par ces canaux que sont les artères, les veines et les nerfs. Cet enseignement survit en partie dans l’œuvre de Galien. Dans la seconde moitié du 17e siècle, l’explication mécaniste tend à se systématiser. Le contexte scientifique (les observations microscopiques, le succès des automates, les découvertes de lois physiques fondamentales) favorise la diffusion du mécanisme. Les principes de la physique newtonienne permettent de considérer que le mouvement du monde dépend d’un petit nombre de lois simples dont certaines ont déjà été découvertes. C’est ainsi que se généralise l’idée que le cosmos est en grand ce qu’une montre est en petit [19]. En outre, ce qui est vrai de l’univers l’est sans doute aussi des êtres qui le composent : les corps eux-mêmes sont des sortes de machines soumises aux lois physiques qui régissent le fonctionnement du cosmos. « À partir de 1670, note Jacques Roger, le mécanisme biologique est adopté par tous les savants et tous les philosophes [20]. » Surtout, la découverte de la circulation du sang par Harvey donne un poids considérable à la mécanisation de la physiologie. C’est alors que se développe ce que Mirko Grmek appelle un « programme de recherche » médical : l’iatrophysique qui combine la vision mécaniste de Descartes et les observations expérimentales [21]. Le plus illustre représentant de ce courant est Borelli, qui considère tout être comme un assemblage de machines. L’un de ses élèves, Bellini, tente ainsi d’expliquer mécaniquement le fonctionnement des reins. Un autre disciple de Borelli, l’Ecossais Archibald Pitcairn s’intéresse plus spécifiquement au phénomène de la digestion, qui était considérée jusque-là comme une coction, une cuisson réduisant les aliments ingérés. Pour Pitcairn, la transformation des aliments dans l’estomac résulte du mouvement mécanique des muscles alentours [22].
13Hecquet, qui avait adopté tout au long de l’année le régime maigre pour des raisons ascétiques, voit dans les théories mécanistes, et notamment celles de Pitcairn, une confirmation médicale de son éthique religieuse. Il rejoindra sans réserve le camp des iatrophysiciens, notamment lorsqu’il se propose de décrire le processus de la digestion et de prôner les bienfaits du régime maigre. L’exemple du « végétarisme » d’Hecquet constitue ainsi un élément central de ce que Laurence Brockliss nomme son « univers médico- théologique ». Cette combinaison singulière engendre une argumentation en quelque sorte hybride en faveur des nourritures végétales et du poisson ; Hecquet veut oublier que l’opposition maigre/gras reposait précisément sur l’opposition exclusive des fins chrétiennes entrevues, d’un côté, par la mortification et, de l’autre par la diététique. En valorisant la sobriété et l’abstinence de viande, il réduit l’antagonisme qui existe entre l’ascétisme et la cure.
14Malgré son titre, le Traité des dispenses du Carême constitue bel et bien une patiente démonstration de la supériorité du maigre sur le gras. Ses arguments empruntent autant à la littérature médicale qu’à la poésie antique, à la théologie ou à l’exégèse biblique. Ces éléments se combinent et se confortent : l’éden végétarien, la fécondité végétale de l’âge d’or, le témoignage de Pline ou de Cicéron confirment les principes du mécanisme.
15Au commencement était le végétarisme, rappelle tout d’abord Hecquet. Et le végétarisme était voulu par Dieu. Aussi convient-il que les hommes consomment les nourritures que Dieu avait originellement prescrites. En d’autres termes, c’est la primauté chronologique du régime végétal qui atteste sa supériorité : « Rien ne prouve mieux l’utilité de cette nourriture que cette préférence que le créateur lui-même lui a donnée par-dessus toutes les autres. » Les premiers temps étaient, pour l’homme, ceux de l’innocence et de la sagesse : « puisque l’auteur de son être si éclairé et si attentif sur ses besoins l’avait appris à vivre de fruits et de légumes, c’était sans doute ce qui lui convenait le mieux. Rien en effet n’est si bon à la santé » (TDC, I, p. 25). Dans un plaidoyer ultérieur en faveur du maigre, Hecquet entend raviver parmi ses contemporains le souvenir du végétarisme originel : « l’Auteur de la nature a assigné pour aliment, non seulement les herbes de la terre & les fruits des arbres, mais encore les graines de ces mêmes herbes et les semences des arbres » (ORM, p. 270).
16En outre, cette période antédiluvienne est loin d’être une parenthèse de l’histoire du monde. D’après les calculs des théologiens, il s’est écoulé trois mille ans entre l’instant de la Création et l’autorisation de la consommation de chair ; durant cette longue période, nos premiers ancêtres se nourrirent donc uniquement de végétaux. (TDC, I, p. 54) Hecquet prévient les objections de certains clercs touchant à l’altération des productions agricoles à partir du moment où les eaux du Déluge recouvrirent la surface de la terre. Depuis lors, le sol serait moins fécond et produirait des fruits incapables de pourvoir seuls à la subsistance des hommes [23]. Au contraire, les eaux du Déluge n’ont pas davantage altéré la fertilité de la terre que ne le font les crues d’un fleuve, soutient l’auteur du Traité qui convoque en ce sens certaines pages de l’Ancien Testament [24]. Ce type d’arguments concernant le régime primordial offre l’avantage de réfuter l’universalité de la consommation de viande et donc, d’une certaine façon, sa supériorité.
17À la manière de Porphyre qui avait composé au 3e siècle un traité en faveur du végétarisme, Hecquet conteste en effet l’idée que la pratique carnivore soit universelle. Il dresse en ce sens la liste des peuples antiques qui s’abstenaient de viande, soit par refus, soit par ignorance. « Tout ce que l’antiquité […] a eu de grands hommes ont mis dans l’abstinence de la viande la sûreté de la vie, le fondement de la sagesse, et la fermeté des états » explique l’auteur avant de citer l’exemple des Perses, des Lacédémoniens, des Romains ou encore des Gaulois. Hecquet mentionne également le végétarisme des premiers âges mythologiques. Le régime végétal « faisait la meilleure partie de la félicité du siècle d’or, si fort vanté par les poètes : et ils racontent que dans les temps héroïques les hommes ne mangeaient point de viande » (TDC, I, p. 53).
18S’inspirant par ailleurs du médecin anglais Cheyne [25], dont les prescriptions médicales connaissent une certaine audience en Europe, Hecquet puise largement dans le corpus plutarquien afin de montrer que la nourriture carnée n’est pas adaptée à la physiologie humaine [26]. Dans le De esu carnium, Plutarque prouvait en effet que la consommation de viande ne saurait relever d’un comportement naturel puisque l’homme, à l’inverse des carnassiers, use d’outils, d’artifices, de techniques pour tuer les animaux et découper, préparer, cuire, assaisonner leurs chairs. Les crocs, becs ou griffes, attributs dont les carnassiers ont le monopole, préparent efficacement au broiement mécanique de la viande, cette première étape d’une digestion continuée par des « estomacs plus forts, plus épais et plus musculeux », rappelle ailleurs Hecquet. (TDC, I, 50) Ce principe de broiement des aliments qui prélude à leur « trituration » avait déjà été étendu à l’ensemble du processus de digestion par certaines écoles médicales de l’antiquité. « On en disputait en médecine six cents ans avant Galien, c’est-à-dire il y a deux mille ans. » Érasistrate, « un des plus distingués médecins de ce temps » composa un ouvrage sur la question rappelle Hecquet. Plus tard, Cicéron « expliquait encore la coction de l’estomac par la trituration [27] ».
19L’usage des aliments simples facilite la trituration et donc la digestion. L’apologie du maigre est ainsi étroitement liée à la promotion des aliments simples, peu cuisinés, peu assaisonnés. L’ouvrage de Bruyerin inspire à cet égard Hecquet. Bruyerin prônait déjà en quelque sorte le maigre et les aliments simples, comme la farine de blé, en s’appuyant sur certains passages d’Aristote [28].
20L’autorité des Anciens se trouve enfin confirmée par les récentes observations des Modernes. Le Traité des dispenses emprunte sans réserve la voie tracée par Pitcairn, même si ce dernier est peu cité [29]. Le phénomène de digestion peut se réduire à une succession de broiements, martèle Hecquet, c’est-à-dire à des phénomènes mécaniques, opérés depuis les dents jusqu’à l’estomac. À l’inverse, il s’oppose à l’opinion de l’iatrochimiste Willis qui voyait dans la digestion un processus chimique de fermentation [30]. Dans le Traité des dispenses, Hecquet fait profession de mécanisme : « l’action de l’estomac et celle des dents se ressemblent, suivant ce principe avoué aujourd’hui de tout le monde, que la nature est simple et ses principes sont uniformes. […] C’est par cette raison que toutes les digestions ou coctions qui se font dans nos corps conviennent en ce point, que c’est un broiement continuel qui y fait tout. Il commence ce broiement dans la bouche par la rencontre des mâchoires, qui comme deux meules se frottent mutuellement et brisent la matière qu’on y met ; il se continue dans l’œsophage, et s’augmente dans l’estomac ». Là, les aliments sont pétris et broyés sous l’action des fibres qui meuvent « ce muscle creux ». Le diaphragme et les fibres musculaires entourant l’estomac participent en outre activement à cette opération de broiement. « C’est par cette mécanique et par ces forces redoublées, mais toutes tendant à la trituration qu’ils se dissolvent, se fondent et passent dans une crème fine et délicate. » C’est ce liquide aux propriétés lactées, le chyle, qui nourrira le sang. Aussi faut-il privilégier les nourritures végétales qui, à la différence de la viande, « auront plus de disposition à être broyées et pétries ». Ou encore : « il faut donc conclure que la digestion est l’effet du broiement de l’estomac, et que les aliments les plus sains et les plus naturels sont ceux qui se broient le plus aisément. […] Ces aliments ne peuvent être que les fruits, les grains et les légumes, comme étant les plus propres à la trituration » (TDC, I, p. 24-30).
21En vérité, le Traité des dispenses du carême évoque le processus de trituration des aliments plus qu’il ne le décrit avec minutie. Quelques mois plus tard, son auteur sera contraint d’y revenir longuement pour répondre aux nombreuses objections que ne manquent pas de soulever la plupart des iatrochimistes. La condamnation de cette forme de végétarisme prendra elle aussi appui sur un type d’arguments à la fois religieux et médical. Pour tous, la position d’Hecquet était paradoxale. Pour les médecins ou les clercs, elle contredisait les observations scientifiques et les commandements de l’Église.
22Le livre d’Hecquet provoque dès sa parution une violente polémique dans le milieu médical français. La question de la supériorité éventuelle du maigre sur le gras va être largement débattue ; cet intérêt se traduit bientôt par une inflation d’articles scientifiques. Le Journal des savants et le Journal de Trévoux s’en font tout particulièrement l’écho en offrant une tribune de choix aux partisans et adversaires d’Hecquet. En quatre ans, ces deux journaux publieront une vingtaine d’articles ou de comptes rendus consacrés à la question.
23Parmi tous ceux qui contestent la position d’Hecquet, Nicolas Andry, professeur à la faculté de Paris, est celui qui consacre à cette tâche de réfutation la plus grande énergie et, entre 1710 et 1713, deux ouvrages, longs et minutieux : le Régime de carême et le Traité des aliments de carême. Sur un plan plus strictement médical, les articles de Jean Astruc et son Mémoire sur la cause de la digestion, les interventions de Vieussens, Procope-Couteaux, Gastaldy, Manget ou Favelet (auteur de l’Apologie de la fermentation des liqueurs) trouvent un large écho scientifique. Les partisans d’Hecquet, tels que Bordegaraye, seront moins nombreux. En somme, malgré les sarcasmes de certains rédacteurs des Nouvelles de la République des lettres, raillant notamment ce médecin « accoutumé depuis longtemps à s’opposer aux opinions reçues », la radicalité de la position d’Hecquet ouvre un débat médical sur la digestion et provoque une véritable émulation scientifique.
24Dans le Traité de la cause de la digestion dirigé contre Hecquet, le célèbre Jean Astruc, médecin du roi de Pologne, puise dans le corpus médical antique et affirme quant à lui qu’« aucun des anciens n’a jamais cru que la digestion des aliments se fit par la seule trituration [31] ». Pour faire pièce à l’idée d’une « nature humaine végétarienne » et aux arguments hérités de Plutarque, Andry avait dès 1710 très habilement répondu en distinguant physiologie et nature. Selon lui, l’espèce humaine est presque naturellement culturelle et la consommation de viande, bien qu’elle soit médiatisée par des techniques, n’a rien de contre nature. L’homme « n’a ni crocs ni ongles pour déchirer de la viande, il est vrai ; mais avec la main il se fait des instruments pour la dépecer, pour la hacher même s’il le faut, et pour l’apprêter de plusieurs façons différentes » (RC, p. 44).
25La controverse lancée par Hecquet cristallise, autour de la question de la digestion, l’opposition des iatrophysiciens et iatrochimistes. En effet, malgré le très large succès des théories de Borelli et de ses disciples, les partisans d’une approche chimique de la médecine ne désarment pas. Un peu partout en Europe, et même en France, où la puissante Académie des Sciences tente d’imposer ses vues mécanistes, les partisans et disciples de Van Helmont récusent le réductionnisme des physiciens. C’est ainsi que J. Mongin, publie en 1704 à Paris le Chimiste physicien. L’ouvrage loue ces découvertes modernes, en l’occurrence celles de Van Helmont, lequel préconisait un examen chimique de la nature et des fonctions des liqueurs, ouvrant ainsi une voie scientifique nouvelle. Deux années plus tôt, le médecin italien Martino Poli dénonçait les mécanistes et tous les médecins cartésiens [32]. Poli s’intéresse beaucoup au phénomène de la fermentation que Sylvius, notamment, considérait comme central dans la transformation des aliments dans l’estomac [33]. Poli récuse le principe de l’analogie avec les machines, cher à Descartes ou à Hecquet, et rejette en général l’explication mécaniste, notamment dans ce qui regarde le processus de digestion. Le passage du chyle dans les veines ne peut se comprendre que par des phénomènes chimiques de fermentation ou de dissolution « et d’autres opérations semblables, qui s’accomplissent dans le corps de l’animal, comme dans le laboratoire d’un chimiste [34] ».
26Bien entendu, les adversaires d’Hecquet, Andry et Astruc en tête, défendent avec enthousiasme la théorie des ferments ou levains. Ils assurent que les plus récentes observations anatomiques corroborent l’absurdité du système du broiement. Vieussens, partisan de la fermentation et auteur dans le Journal de Trévoux d’un article intitulé « De la nature et des propriétés du levain de l’estomac », le soutient aussi [35]. Selon lui, le sentiment d’Hecquet, « ne saurait être reçu chez les médecins qui connaissent parfaitement la structure naturelle et le jeu de l’estomac ». Sa démonstration s’articule autour de deux idées : la constitution des dents diffère fondamentalement de celui de l’estomac et la digestion commence avant même le broiement buccal, puisque la salive (qui fonctionne comme un levain) initie la dissolution des aliments. Si le mouvement des dents est « extraordinairement fort », celui de l’estomac « ne saurait suffire pour le broiement parfait de la nourriture solide ». L’action des muscles ventraux sur l’estomac est par ailleurs totalement secondaire, contrairement à ce qu’affirmait Hecquet. Du reste, au moment où les muscles du bas-ventre pressent l’estomac, le diaphragme s’en éloigne et libère de toute pression les aliments qui y sont contenus. Il est en outre impossible que les hommes, ou les animaux, puissent « digérer » mécaniquement des os. La matière osseuse, plus solide que l’estomac, ne pourrait aucunement être triturée par lui. À partir de telles prémisses, Vieussens se dit contraint d’admettre le principe de la fermentation. Sans recourir à l’action des levains, « les épingles, et même les aiguilles qu’on avale parfois par inadvertance, ne piqueraient-elles pas toujours l’estomac ? ».
27Hecquet prend immédiatement la plume et rédige en réponse à Vieussens un opuscule dont le Journal des savants offre un compte rendu. Cet écrit marque le vrai début de la querelle. Davantage attaqué, dit-il, par des injures que par des preuves, Hecquet rétorque que la digestion des os ou des « matières cartilagineuses » se comprend encore moins par la fermentation que par le broiement : « M. de Vieussens fera-t-il comprendre qu’un fondant si puissant puisse impunément fondre les aliments, fussent-ils osseux et cartilagineux sans intéresser l’estomac qui est moins qu’osseux, puisqu’il n’est que membraneux ? » Évoquant l’idée que la salive serait le premier levain, Hecquet s’esclaffe : « serait-ce aussi que la salive fermenterait les aliments dans la bouche, et que la mastication serait une fermentation ? ». Non, martèle ce partisan zélé du broiement, la digestion est un processus mécanique, et non chimique.
28Malgré cette offensive, les critiques sont légion. L’ouvrage de Nicolas Andry paraît bientôt. Outre la reprise des arguments avancés par Le Brun ou Vieussens, et le relevé de contradictions internes au système de la trituration, Andry explique que l’opinion de Philippe Hecquet est simplement chimérique « puisque les grands efforts que l’auteur leur attribue pour cela devraient se terminer alors ou sur le corps de la matrice ou sur les eaux du bas-ventre, d’où il arriverait que ni les femmes grosses, ni les hydropiques ne pourraient digérer, ce qui n’est pas moins contraire à l’expérience. » Sur la question des os ou cartilages, Andry fait remarquer, en citant les ouvrages du docteur Brunner, que l’on retrouve souvent dans les selles des chiens des os brisés ; or ils ont été brisés par les crocs et par les crocs seulement : « Comment expliquer cet effet par le broiement de l’estomac ? » (RC, p. 12-27). Enfin, il est impossible de comprendre par l’hypothétique trituration le fait que des personnes de faible constitution – les enfants ou les femmes – digèrent parfois mieux les viandes que de robustes adultes, quand ceux-ci sont parfois incommodés par les fruits pourtant « plus aisés à broyer ».
29En 1711, Jean Astruc fait connaître son opinion en faveur de la théorie des ferments dans un opuscule intitulé Mémoire sur la cause de la digestion des aliments avant que ne paraissent trois ans plus tard les quatre cents pages de son Traité de la cause de la digestion. Plusieurs chapitres de ce dernier ouvrage insistent tout particulièrement sur la supériorité nutritive du gras sur le maigre. Astruc fait notamment pièce à l’idée d’Hecquet selon laquelle les praticiens donnent généralement aux malades les plus désespérés de l’orge, du riz, du gruau ou des pistaches et non de la viande. Selon Astruc, ce qui convient au rétablissement n’est pas toujours propre à ceux qui sont en bonne santé ; il faut envisager l’orge ou le riz moins comme des aliments que comme des médicaments qui nuiraient en temps normal. Surtout, renchérit Astruc, en cas de maladie, c’est bien la viande qu’on donne en priorité aux patients. Il s’avère que les moines et moniales qui ont fait vœu de ne jamais faire gras sont malgré tout contraints de manger de la viande ou d’en boire le bouillon.
30Ces pages écrites par celui que tous considèrent comme le plus grand médecin de l’époque portent un coup fatal au système d’Hecquet, qui avait pourtant fait paraître en 1712 un nouveau traité De la digestion. Un autre médecin, Michel Procope-Couteaux proposera une analyse peu amène de cette dernière riposte ; il entend ridiculiser les « perpétuels sophismes » d’un auteur dont il discute néanmoins avec minutie les propos « sans en corriger les fautes de langages, ni celles d’orthographe ». Bordegaraye, partisan du broiement, conteste cette attitude qui consiste moins à défendre des principes que de faire le relevé des incohérences, supposées, de l’adversaire.
31Tandis que la plupart des acteurs du débat sont venus grossir les rangs des partisans de la fermentation, un médecin marseillais, le docteur Bertrand, tente dans le Journal de Trévoux une réconciliation des deux camps à travers l’esquisse d’une synthèse. Il livre en 1714 ses Réflexions sur le système de la trituration [36]. Ses propos seront moins « des objections contre ce système, que des propositions de paix et d’accommodement entre son auteur et les partisans de la fermentation ». Il explique que l’un et l’autre camp se sont laissé entraîner par leur radicalité et, à l’issue d’une subtile démonstration, entend « trouver entre ces deux extrémités un juste milieu ». Malgré tout, la défaite de Philippe Hecquet est consommée ; après 1714, il ne paraîtra quasiment plus d’ouvrages, ni d’articles sur le thème [37]. Il faudra alors attendre les travaux d’Helvétius, qui lut en 1719 devant l’Académie des Sciences ses Observations anatomiques de l’estomac de l’homme, pour que le débat se nourrisse de connaissances physiologiques nouvelles. Helvétius sera confirmé deux ans plus tard par Favelet qui prit soin de vérifier les sources antiques de Hecquet avant de s’apercevoir que le vénérable doyen les avait souvent tronquées à son avantage. Le Journal des savants offre un compte rendu de son ouvrage, constate l’échec patent d’Hecquet et conclut de manière acerbe : « il n’y a personne qui voulut être l’auteur du livre qu’il a donné sur la digestion [38] ».
32La défaite scientifique d’Hecquet sur la question de la digestion et du maigre participe d’une tendance plus générale de l’histoire des sciences : la déroute d’Hecquet doit se comprendre comme celle du paradigme iatrophysique. Plus largement encore, la vision géométrique qui soutenait le mécanisme était trop grossière pour être longtemps soutenable ; la clarté qu’elle prétendait introduire s’est révélée illusoire. Le mécanisme qu’adopte d’Hecquet ne parvient nullement à rendre compte de l’irréductible complexité de la vie. Le reproche qu’adressent Andry, Astruc ou Vieussens à Hecquet, est celui que la plupart des naturalistes et des observateurs adressent aux rationalistes cartésiens qui entreprirent de fonder une science a priori. En vérité, le Traité des dispenses s’inscrit dans un paradigme qui tendait à être profondément remis en cause ; la pensée d’Hecquet ne résiste pas au nouvel esprit scientifique [39].
33Les partisans d’Hecquet, même s’ils s’accordent à voir dans la digestion un processus de trituration, prennent soin de ne pas le soutenir dans sa défense du maigre. C’est dire que la communauté médicale des années 1710 est presque unanime pour condamner un paradoxe, qui s’avère moins brillant que ridicule. Plus encore, il s’agit pour ces médecins de sauver le crédit d’une science, ou d’un art, que le dogmatisme aveugle d’Hecquet mettait en péril. Les théologiens vont prendre partie, eux aussi, et défendront la consommation de viande. Cette critique théologique diverge cependant fondamentalement de la réaction des iatrochimistes. Tandis que le Traité des dispenses du Carême représente pour la science une sorte d’épiphénomène mécaniste, l’Église voit dans l’apologie des nourritures végétales un avatar des positions végétariennes qu’elle a toujours condamnées.
34À côté ou même au delà des arguments médicaux en faveur du maigre, le plaidoyer de Philippe Hecquet tirait profit d’une interprétation personnelle de certains passages de l’Écriture. Son argumentation est aussi une œuvre d’exégèse qui nourrit et prolonge en quelque sorte sa position scientifique.
35En citant essentiellement le premier chapitre de la Genèse, l’auteur du Traité des dispenses insistait sur le végétarisme prescrit originellement par le Créateur [40]. Ce premier commandement alimentaire soulève diverses questions qui ont trait aux motivations végétariennes. Il est en effet plusieurs types d’abstinence de viande : une même pratique peut reposer sur des principes divers et même opposés. En effet, le végétarisme ascétique que pratiquent un grand nombre de moines et moniales s’oppose au végétarisme diététique : Hecquet, on l’a vu, tend à réduire cet écart et prône une forme de végétarisme permettant une salutaire tempérance. Mais ce faisant, il s’appuie sur les Écritures et en vient à prêcher une troisième forme de végétarisme qui fonctionnerait sur le modèle de l’interdit dogmatique [41]. Or, depuis saint Paul, le christianisme se singularise par le rejet très explicite de toute forme de tabou alimentaire ; la position d’Hecquet tend par conséquent à devenir hérétique, sinon hétérodoxe. La réfutation qu’appelle cette forme de végétarisme entraîne adversaires et partisans du maigre vers le champ de la théologie.
36Avant toutes choses, il s’agira de contester les conclusions que tire Hecquet de son interprétation de la Genèse afin de démontrer que l’Église enfreint légitimement le commandement végétarien originel.
37Nicolas Andry excellera dans cette tâche d’exégète. Sa première remarque consiste à montrer que Dieu, bien qu’il eût prescrit d’abord un régime végétal, ne proscrivit jamais la consommation de viande : « il n’y a là aucune défense de manger la chair des animaux » (RC, p. 38). Il l’autorisa au contraire explicitement lorsque les eaux du Déluge se furent retirées. Cela implique que, depuis la Chute, les hommes étaient vraisemblablement devenus carnivores [42].
38Arguant des bienfaits du régime édénique et du maigre, Hecquet remettait surtout en cause le principe d’une mortification par le maigre. À l’inverse, les partisans de la fermentation défendaient très clairement le principe mortificatoire du carême. Certains s’appuient par ailleurs explicitement sur l’autorité de l’Église. Il est en effet un argument d’ordre théologique, argument décisif car dangereusement discutable, qui consiste à montrer l’inadéquation de la supériorité du maigre avec les vues de la religion. Astruc et Andry soulignent de concert que les nourritures végétales sont nécessairement moins nourrissantes que la viande puisque l’Église les impose par mortification. L’argument ne peut être contesté sans que soit remis en cause la sagesse de l’Église, « qui n’a ordonné aux fidèles l’ordonnance de ce jeûne que pour les obliger à expier leurs fautes par cette sainte austérité [43] ». Astruc, surtout, argumente en ce sens et raisonne par l’absurde : « Si le sentiment de M. Hecquet était véritable, [l’Église] se serait fort mécomptée, et elle aurait employé des moyens entièrement contraires à ces desseins. » (TCD, p. 380.)
39Si l’on adoptait les vues d’Hecquet, poursuit-il, le carême deviendrait un bienfait pour le corps, et l’usage des aliments maigres « ne pourrait donc servir qu’à augmenter la fougue et l’abondance de nos humeurs, et qu’à entretenir la vivacité des passions qu’elles causent ». Les intentions d’Hecquet, qui veut réduire le nombre de dispenses, sont bonnes ; mais les conséquences de son système se révèlent dangereuses. Le Traité des dispenses est en somme l’ouvrage d’un esprit trop zélé, étourdi ou aveugle. C’est bien l’opinion de l’ancien recteur de la Sorbonne, qui prend la plume, tranche religieusement le débat médical, et rappelle quelques évidences chrétiennes : « [Le but de l’Église] lorsqu’elle les assujettit au maigre les jours de jeûne, c’est de rétablir l’ordre primitif, de ranger le corps sous le joug en l’abattant et l’affaiblissant avec modération, et de restituer par le même moyen, la force et l’empire à l’esprit. Le juste milieu qu’il y a donc à prendre, si l’on veut, comme l’on doit, soutenir l’honneur du sage discernement de l’Église dans le choix des aliments du Carême, c’est de montrer qu’ils conviennent parfaitement à ses vues et à nos besoins : qu’ils sont bons et innocents, mais qu’ils nourrissent et fortifient moins que ceux qu’elle nous défend dans ce saint temps d’expiation [44]. »
40La critique du maigre se trouve en outre confortée par l’autorité des Pères de l’Église. Astruc aime à citer la constance de l’Église : les Pères, insiste-t-il, ont toujours considéré que le carême devait être maigre. Saint Augustin proclamait : « Les Catholiques s’abstiennent de la viande, non parce qu’elle est mauvaise, comme le croient les Manichéens, mais dans la vue seulement de se mortifier [45]. »
41L’autorité des Pères de l’Église est, il va de soi, irréfragable ; et Hecquet ne répondra nullement sur ce point. L’Église légitime sa position sur la viande en faisant valoir un usage qu’elle a toujours suivi. Mais la condamnation d’Hecquet et de cette forme, atténuée, de végétarisme s’inscrit surtout dans un cadre bien plus large que celui de la querelle autour du maigre. Sans que les théologiens en aient toujours pleinement conscience, l’Église retrouve à l’encontre d’Hecquet une position qu’elle a défendue contre tous les mouvements sectaires ou philosophiques qui prêchaient le végétarisme. Héritant des anthropocentrismes juif et stoïcien, l’Église a toujours condamné ceux qui s’abstenaient de viande par commisération pour les bêtes ou dégoût pour la viande. Saint Paul condamnait déjà ces abstinents qui proscrivaient « l’usage d’aliments créés par Dieu ». Les prêches végétariens sont pour l’apôtre des Gentils des « doctrines diaboliques » professées par des « imposteurs hypocrites [46] ».
42Les Pères de l’Église tonnaient quelques siècles plus tard contre ceux qui étendent la charité au-delà de l’humanité et désignaient d’une certaine façon les bornes de la religion d’amour. Refuser la chair des bêtes, c’est considérer que la permissivité carnivore postdiluvienne est illégitime et c’est surtout dépasser en charité le Christ lui-même. Lorsqu’il défendait la supériorité diététique du gras sur le maigre, saint Augustin mesurait ce qu’avait de subversif la position des végétariens. Aussi assurait-il que leur doctrine est « très clairement contre la foi et contre la saine doctrine [47] ».
43Ainsi donc la condamnation théologique du végétarisme d’Hecquet est loin d’être conjoncturelle ; elle naît presque au même moment que l’Église. Et lorsque certains loueront, quelques années après Hecquet, le frugal régime des Brahmanes, les théologiens soutiendront infailliblement que la consommation de viande est un don de Dieu. Il serait superstitieux et même sacrilège de le dédaigner [48].
44L’étrangeté des positions du Traité des dispenses du carême conduit les adversaires d’Hecquet à défendre la plus évidente des pratiques alimentaires. Leur contestation fonctionne comme une légitimation rétrospective d’un usage qui paraît n’avoir eu besoin jusque-là que de l’approbation tacite de la science et de l’Église. Qui plus est, Hecquet était à la fois trop rigide dans ses principes et trop peu rigoureux dans ses observations pour convaincre qui que ce soit de la supériorité diététique du maigre. Sa défaite sur un plan médical s’explique aussi, dans les premières années du 18e siècle, par le déclin du rationalisme mécaniste, qu’il avait aveuglément embrassé. Malgré tout, il restera persuadé de la validité de sa thèse, et la défendra jusqu’à sa mort [49]. Bien que ferme dans ses principes médicaux et dans sa foi dans la tempérance, Hecquet ne répondra nullement à ceux qui l’accusèrent de dénaturer le principe du carême. C’est que les théologiens lui reprochaient moins sa pratique du maigre que les buts diététiques qu’il se proposait également d’atteindre. D’une certaine manière, Hecquet a perdu le procès d’intention que lui intentait l’Église.
45Aussi, après l’échec de son apologie du maigre, Hecquet restera dans les mémoires comme l’apôtre solitaire et boudé du végétarisme. Il faudra attendre la seconde moitié du siècle pour que la diète végétale retrouve une certaine actualité. Ce regain d’intérêt sera en partie dû à l’ouvrage fameux d’Antonio Cocchi ; qui sera traduit dans toute l’Europe [50]. Quelques-uns, séduits par le « régime de Pythagore » optent pour un régime végétarien et associent à leur diète des considérations morales. Stephen Mennell souligne par ailleurs que la viande, notamment lorsqu’elle rappelle trop explicitement l’animal dont elle est issue, commence à provoquer chez certains un véritable dégoût [51]. La sensibilité rousseauiste procède de ce déplacement du seuil des sensibilités et semble l’amplifier dans ses romans et ses traités. Rousseau élaborera précisément un « système de la cuisine et des repas » qui exclura, en théorie tout du moins, l’usage de la viande [52]. À la différence d’Hecquet, les vertus diététiques qu’il prêtera aux fruits, légumes ou aux laitages seront moins associées à l’ascétisme qu’à un rejet spontané, et donc physiologique, de la viande. Comme Hecquet, cependant, Rousseau dira trouver dans la diète végétale un type d’alimentation qui convient en tous points à la nature de l’homme.
Notes
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[1]
Nicolas Delamare, Traité de la police, tome 1, livre IV, titre V, « Des bouchers », Paris, J. et P. Cot, 1705. C’est de ce chapitre que Diderot s’inspire très largement pour l’article Boucherie de l’Encyclopédie.
-
[2]
C’est ainsi que les auteurs qui écrivent sur le sujet relèguent l’écrasante majorité paysanne hors du débat médical sur l’alimentation. Voir Linand, l’Abstinence de viande rendue aisée, Paris, 1700, p. 67.
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[3]
Jean-Louis Flandrin et Massimo Montanari, Histoire de l’alimentation, Paris, Fayard, 1996, p. 551 et 615.
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[4]
Nicolas Andry, Le Régime du Carême, Paris, Jean-Baptiste Coignard, 1710 (dorénavant RC), p. 1.
-
[5]
Ken Albala, « Une première argumentation scientifique occidentale en faveur du végétarisme », Corps, n° 4, 2008.
-
[6]
Voir F. Mugnier, « Carême » dans Marcel Viller et alii, Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique, Paris, Beauchesne, 1937, tome I, p. 112-134.
-
[7]
Reynald Abad, « Un indice de déchristianisation ? L’évolution de la consommation de viande à Paris en carême sous l’Ancien Régime », Revue historique, n° 610, Paris, 1999, p. 237-275.
-
[8]
Fénelon, « Mandement pour le carême de l’année 1707 », Recueil des mandemens, Paris, F. Babuty, 1713, p. 60-66.
-
[9]
L’Abstinence de viande rendue aisée, p. 2. Linand constate en outre avec amertume que ce sont les « gens riches, et ceux qui ont abondamment tout ce qui est nécessaire pour mener une vie commode qui donnent volontiers atteinte au précepte qui regarde l’abstinence de la viande ».
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[10]
Ibid., p. 14.
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[11]
Une première édition paraît en 1709, en un tome. Nous nous référerons à l’édition en deux tomes, revue et corrigée, de 1710 : Traité des dispenses du Carême (dorénavant TDC), édité chez François Fournier.
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[12]
Ce sont les titres des chapitres VI et VII de la première partie de son Traité.
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[13]
C’est sans compter sur l’ouvrage de Jean-Baptiste Bruyerin, De re cibaria, Lyon, Sébastien Honoré, 1560, 1129 p. Du reste, Philippe Hecquet s’inspire énormément de Bruyerin et le cite à de nombreuses reprises dans ses Observations sur le régime maigre qui sont publiées avec la Médecine, la chirurgie et la pharmacie des pauvres, Paris, Clousier, 1742, tome 3 (dorénavant ORM).
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[14]
TDC, I, p. 196 : « Dans le poisson seul on peut trouver de quoi se nourrir sainement et commodément » ; p. 205 : « Nous ne craindrons donc point de donner au poisson la préférence au-dessus de tous les autres animaux dont on mange. »
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[15]
Voir les chapitres III et IV du livre II et le premier chapitre du livre X. Un autre médecin que rencontre Gil Blas, le docteur Hocqueton, ressemble fort, lui aussi, à l’auteur du Traité des dispenses.
-
[16]
Louis Dupré d’Aulnay, Réception du docteur Hecquet aux Enfers, La Haye, 1748. 94 p.
-
[17]
Épître à Timothée, I, 4, 1-4. Voir aussi l’Épître aux Colossiens, 2, 20-21.
-
[18]
Laurence W. B. Brockliss : « The medico-religious universe of an early eighteenth-century Parisian doctor : the case of Philippe Hecquet », dans Roger French, Andrew Wear, The Medical Revolution of the Seventeenth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 1989, p. 191-221.
-
[19]
Voir notamment Fontenelle, Entretiens sur la pluralité des mondes, « premier soir ». Cité par Jacques Roger, les Sciences de la vie dans la pensée française au 18e siècle, Paris, A. Michel, 1993, p. 206.
-
[20]
Jacques Roger, ouvr. cité, p. 207.
-
[21]
Mirko D. Grmek, la Première révolution biologique, Paris, Payot, 1990, p. 131.
-
[22]
Pour Pitcairn, « it is only the motion of the stomach working and comminuting the food, which finished digestion by a separation of the last-formed parts into pipes and fibres of such a nature as is observable in animals ». Cité par Allen G. Debus, Chemistry and medical debate. Van Helmont to Boerhaave, Canton,Science History Publications, 2001, p. 152.
-
[23]
Cet argument corrobore la nécessité pour Yahvé de prescrire un nouveau régime alimentaire.
-
[24]
Voir notamment l’Ecclésiaste, VII, 11, cité tome I, p. 60.
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[25]
Voir Arouna Ouédraogo, « De la Secte religieuse à l’utopie philanthropique. Genèse sociale du végétarisme occidentale », Annales HSS, n° 4, Paris, 2000, p. 825-843.
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[26]
Hecquet cite essentiellement Cheyne et Plutarque dans ORM.
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[27]
De la digestion et des maladies de l’estomac suivant le système de la trituration et du broiement, Paris, F. Fournier, 1712, p. 144-145.
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[28]
De re cibaria, p. 386. Cité par Hecquet dans ORM, p. 252.
-
[29]
Il le sera bien davantage dans De la digestion et des maladies de l’estomac par exemple.
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[30]
Allen G. Debus résume les positions médicales des partisans et adversaires de la trituration (ouvr. cité, p. 154-163).
-
[31]
Jean Astruc, Traité de la cause de la digestion, où l’on réfute le système de la trituration et du broiement, Paris, A. Colomiez, 1714 (dorénavant TCD), p. 37-46.
-
[32]
Martino Poli, Il Trionfo degli acidi vendicati dalle calunnie di molti Moderni, Rome, Giorgio Placho, 1706, 464 p.
-
[33]
Sylvius considère qu’il existe trois liqueurs qui font fermenter les aliments au cours du processus de digestion : la salive, le suc pancréatique et la bile. Voir Allen G. Debus, ouvr. cité, p. 61-63.
-
[34]
Journal des savants, supplément de novembre 1707, p. 487.
-
[35]
Journal de Trévoux, janvier 1710, article XIII, p. 134-151.
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[36]
Il s’agit de l’article XXVI du Journal de Trévoux, p. 346-360.
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[37]
Citons néanmoins Jean-Jacques Manget, Theatrum anatomicum, Genève, Cramer, 1716-1717, 3 tomes. Manget est très critique à l’égard de la théorie de Pitcairn et d’Hecquet.
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[38]
Journal des savants, janvier 1723, p. 58-61. Jean-François Favelet était l’auteur de Prodromus apologiae fermentationis in animantibus, Louvain, Petr. Aug. Denique, 1721, 115 p.
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[39]
Voir sur ce point Jacques Roger, ouvr. cité, seconde partie et notamment les pages 441-453.
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[40]
Genèse, I, 29 : « Je vous donne toutes les herbes portant semence, qui sont sur toute la surface de la terre, et tous les arbres qui ont des fruits portant semence : ce sera votre nourriture. »
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[41]
Nous ne mentionnerons pas ici une forme importante du végétarisme, qui relèverait davantage de la morale et qui touche à la question du respect de la vie animale. Dans les premières années du 18e siècle, le végétarisme est, en France surtout, extrêmement marginal. Le témoignage du curé Meslier, d’un point de vue théorique, constitue cependant une remarquable exception. Œuvres, Paris, Anthropos, 1970-1972, tome I, p. 217.
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[42]
Ibid., p. 40. Andry fait allusion à ce passage de la Genèse, IX, 3 : « Tout ce qui se meut et qui possède la vie vous servira de nourriture. »
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[43]
Astruc, Mémoire sur la cause de la digestion des aliments, p. 32.
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[44]
Extrait de l’approbation au Traité des aliments de Carême d’Andry, 1713.
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[45]
Saint Augustin, Contre Faustus, XXX, 5, cité par Astruc, TCD, p. 392.
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[46]
Épître à Timothée, IV, 1-5.
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[47]
Saint Augustin, Ad inquisitiones Januarii liber Primus, XX, 36.
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[48]
Voir Jacques-Joseph Duguet, Explication du livre de la Genèse, Paris, François Babuty, 1732, tome I, p. 194.
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[49]
C’est ce dont témoigne la rédaction des ORM qui date très probablement de 1735, c’est-à-dire quelques mois seulement avant sa mort en 1736.
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[50]
Del Vitto pitagorico, Florence, F. Moücke, 1743, 84 p.
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[51]
Stephen Mennel, Français et Anglais à table du Moyen Âge à nos jours, Paris, Flammarion, 1987, p. 435.
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[52]
Voir Jean-Claude Bonnet, « le Système de la cuisine et du repas chez Rousseau », Poétique, n°21, Paris, 1975, p. 244-267.