Notes
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[1]
Nous traitons dans cet article des ménages et des individus, pas des entreprises ou des organisations. Lorsque celles-ci se considèrent comme victimes d’infractions pénales, leurs décisions de renvoi peuvent obéir à d’autres considérations que celles gouvernant le renvoi par des particuliers.
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[2]
Les enquêtes que nous utilisons demandent au répondant s’il a trouvé la police déjà informée de la victimation et les très faibles pourcentages de réponses positives (entre 3 et 5 % pour les agressions, entre 1 et 2 % pour les vols personnels sans violence, entre 5 et 6 % pour les cambriolages, entre 2 et 5 % pour les atteintes aux véhicules ; Bon et al., 2011, 71, 105, 123, 154) confirment la prééminence de la victime comme source de l’information de la police pour la délinquance à victime directe.
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[3]
Au contraire, quand la victime du XIXe siècle rencontrait un juge, c’est à un notable qu’elle s’adressait, habile à déchiffrer les enchevêtrements locaux des affaires dont on le saisissait.
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[4]
L’étatisation policière sous Vichy a fait de la police une institution à faible assise locale (Monjardet, 1996). Quoique centralisée, la gendarmerie était assez bien parvenue à conserver une bonne insertion locale, mais l’érosion de ses taux d’élucidation suggère qu’elle a perdu cette vertu (Mucchielli, 2007). La recréation des polices municipales concerne peu la fonction de police judiciaire ; en outre, les maires parviennent rarement à résister à la fascination de leurs employés pour le modèle de la Police nationale (Malochet, 2011) ; du coup, ces policiers municipaux miment les travers de leur modèle au lieu de les compenser.
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[5]
Les atteintes aux personnes sont mieux élucidées que celles contre les biens dans la mesure où la victime peut plus souvent contribuer à l’identification du suspect, toutefois ce n’est pas vrai pour les vols violents qui constituent, dans les enquêtes que nous utilisons ici, plus de la moitié de ces agressions.
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[6]
C’est ce que semblent démontrer les rapports des inspections générales (Rouzeau et al., 2013 et – pour la préfecture de police de Paris – Gagneron et al., 2014) sur l’enregistrement des plaintes par les forces de sécurité intérieure (cpr pro Impini, 2013). Au contraire, étudiant la situation américaine, Baumer et Lauritsen (2010) pensent que le développement de formules de police communautaire y a généré un appel d’air en faveur des victimes. Mais justement l’histoire policière française depuis 2002 se caractérise par un refus forcené de toute modalité de police communautaire (p. ex. Mouhanna, 2011 ; Roché, 2012).
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[7]
Black soutenait que la quantité de droit dépendait de paramètres de la vie sociale (stratification, morphologie, culture, organisation et contrôle social). Il en tirait différentes supputations théoriques sur le renvoi à la police en cas de victimation (le renvoi représente pour lui une quantité de droit supérieure à l’absence d’une telle démarche).
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[8]
Selon que l’incapacité de travail dépasse ou non huit jours, l’infraction est considérée comme un délit (et enregistré dans la statistique de police) ou une contravention (qui en est exclue).
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[9]
Pour se borner à des recherches récentes, Robert et al., 2010 ; Tarling, Morris, 2010 ; Carrasco et al., 2011 ; Sheu, Chiu, 2012.
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[10]
Nous remercions l’IAU-IdF et tout particulièrement Sylvie Scherer et Hélène Heurtel, pour la communication des données d’enquête et, plus largement, pour l’excellente collaboration nouée de longue date avec notre équipe.
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[11]
Pour les agressions seulement, on peut relever une certaine tendance à la hausse des taux de renvoi et de dépôt de plainte.
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[12]
Pour les victimations touchant tout le ménage, l’enquêté peut ne pas être le renvoyant. Du coup, la décision de renvoi ne s’explique pas nécessairement en tenant compte de ses caractéristiques personnelles et de ses opinions. On pourrait songer à les remplacer par la catégorie socio-professionnelle de la personne de référence et à ne conserver que les variables caractérisant tout le ménage (ainsi l’ensemble de ses revenus). Mais nous avons pu vérifier que le jeu des déterminants n’est guère modifié si l’on procède ainsi. De surcroît rien ne nous dit que la personne de référence a été le renvoyant. En outre, dans à peu près les deux-tiers des cas, le ménage est composé d’une seule personne qui est, par définition, à la fois l’enquêté et le renvoyant éventuel. Au total, nous avons conservé pour ces victimations de ménage les mêmes variables que pour les victimations individuelles.
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[13]
Alors que ces deux victimations ont concentré une bonne partie de la littérature étrangère récente sur le renvoi, elles n’ont jamais été incluses dans les recherches françaises : longtemps, on ne disposait pas de cas en nombre suffisant et l’enquête nationale actuelle (cadre de vie et sécurité) les aborde sous une forme qui rend difficile leur inclusion dans une étude sur le renvoi dans les cas de victimation personnelle, comme celle de Carrasco et al. 2011.
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[14]
De manière générale, voir Robert, Zauberman, 2011, 28-36. Voir aussi les rapports des inspections générales sur l’enregistrement des plaintes par les forces de sécurité intérieure (Rouzeau et al., 2013 ; Gagneron et al., 2014). Cpr Impini, 2013, et plus anciennement Matelly, Mouhanna, 2007.
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[15]
Nombre de fois durant la période observée, tentative ou victimation consommée, lieu, heure, objets dérobés, suites matérielles et psychologiques, relations auteur-victime, usage d’armes, degré de violence, importance du dommage.
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[16]
Sexe, âge, taille et revenus du ménage, catégorie socio-professionnelle, scolarité, type et propriété du logement, ancienneté dans le quartier, participation à la vie associative, relations de voisinage.
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[17]
Peurs (au domicile, dans le quartier, pour les enfants, dans les transports en commun) et préoccupation sécuritaire, proximité politique, éducation et pratique religieuse, respect de la propriété par l’État, suppression des allocations familiales pour les délinquants, causes de et remèdes à la délinquance, traitement des victimes par la police, estimation de l’équipement, des problèmes et de la vie du quartier, présence policière, désir de déménager.
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[18]
Déclaration de sinistre, motifs de renvoi, de non-renvoi et de déclaration de sinistre.
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[19]
Compris entre 0 et 1, il indique une bonne qualité de prédiction quand il se rapproche de 1.
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[20]
Mesure statistique de la dispersion d’une distribution dans une population donnée, le coefficient de Gini varie de 0 à 1, 0 signifiant que la population est homogène et 1 qu’elle est hétérogène. Plus l’indice de Gini est proche de 0, plus le nœud est pur.
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[21]
Tout récemment, Sheu et Chiu (2012) ont posé un constat analogue à partir de données taïwanaises.
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[22]
Tarling, Morris (2010) parviennent à la même conclusion à partir de données anglaises.
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[23]
Baumer et Lauritsen (2010) ont déploré que, de manière bien irréaliste, maintes enquêtes ne tiennent pas compte de l’existence d’une possibilité d’indemnisation assurantielle ; d’autres auteurs – comme McDonald (2001) au moins en cas de cambriolage – sont plutôt portés à sous-estimer le poids de l’assurance dans la décision de renvoi à la police.
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[24]
En soumettant des vignettes fictives à un échantillon de 703 néerlandais, Tolsma et al. (2012) ont montré que la variété de procédures disponibles pour informer la police, le temps consommé par cette démarche et l’attitude du policier encouragent le renvoi surtout pour les victimations dont la faible gravité ne militerait pas en faveur de cette démarche.
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[25]
De surcroît – mais les victimes l’ignorent généralement – celui qui vient déclarer sa victimation à la police est désormais fiché et fiché dans un système qui confond facilement victimes et suspects (CNIL, 2009, 2013).
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[26]
Tarling et Morris (2010) ont rappelé que depuis Skogan (1984) et McDonald (2001) on a remarqué qu’une attitude positive envers la police facilite le renvoi. Kääriäinen et Sirèn (2011) ont récemment montré qu’une moindre confiance en la police faisait bien baisser la propension au renvoi chez les enquêtés qui ont en général confiance dans leurs concitoyens, mais pas chez ceux qui ne manifestent pas cette confiance générale. Dans ce dernier cas, supposent-ils, les victimes n’ont pas d’autre recours que la police même s’ils ne débordent pas de confiance à son égard.
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[27]
Sa moindre propension au renvoi a déjà été relevée à partir de données françaises par Carrasco et al., 2011
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[28]
Relevé aussi récemment par Tarling et Morris (2010) à partir de données anglo-galloises ou par Sheu et Chiu (2012) sur des données taïwanaises.
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[29]
La reproduction de chacun des arbres de décision serait fastidieuse ; on se limitera donc à en figurer quelques-uns en annexe à titre d’exemples. Ceux qui ne sont pas reproduits pourront être communiqués sur simple requête adressée aux auteurs.
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[30]
Tarling et Morris (2010) consacrent cependant de longs développements à montrer que les différents services régionaux de police anglo-gallois ne réservaient pas un accueil uniforme aux déclarations des victimes : un rapport (Burrows et al., 2000) a montré que certains les enregistraient à leur valeur faciale, tandis que d’autres conditionnaient l’enregistrement à la vérification de la substance des faits. En 2002, le National Crime Recording Standard a imposé à tous de suivre la première voie, ce qui a entraîné une croissance des statistiques policières qui ne se retrouvait pas dans les résultats des enquêtes de victimation (puisqu’il s’agissait d’un changement de procédure administrative). Comparer Hough, Norris, 2009, 116.
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[31]
C’est le cas Carrasco et al., 2011, probablement parce que, relevant d’un service statistique du ministère de la Justice, ces auteurs s’intéressent aux cas que la police doit transmettre aux tribunaux et non pas à tout ce qui est signalé à cette institution.
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[32]
Même si la victime décide de déposer plainte ailleurs que sur les lieux du méfait, par exemple à son domicile quand elle revient du travail, ou près de son lieu de travail pendant un moment de pause. Voir http://www.defenseurdesdroits.fr/connaitre-son-action/la-deontologie-de-la-securite/actualites/le-point-sur-le-refus-de-plainte/
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[33]
On a pu lui remettre un récépissé d’inscription en main courante qu’il n’a pas su distinguer d’un récépissé de procès-verbal (se méfiant de ce risque, l’enquête nationale cadre de vie et sécurité prévoit de montrer les deux formulaires à l’enquêté afin qu’il puisse préciser lequel des deux il a reçu).
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[34]
Lors de la dernière année couverte par les enquêtes utilisées dans cette étude (2010), le taux d’élucidation pour l’ensemble des vols, cambriolages, dégradations et destructions était de 16,9 %. Certes, il atteignait 69,3 % pour l’ensemble des violences (homicides, coups et blessures et autres atteintes volontaires), mais à condition d’exclure les vols violents dont le taux d’élucidation était de 14,7 % (État 4001, annuel, ministère de l’Intérieur, Direction centrale de la police judiciaire – DCPJ).
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[35]
La recherche de Jackson et al. (2011, 6) fait partie d’un programme européen de recherche Trust in Justice inspiré des travaux de Tyler (2006, 2009, 2010) : c’est en se conduisant correctement à leur égard plutôt qu’en faisant étalage de leur force que les institutions gagnent le respect de leurs administrés et les inclinent à se conformer aux règles.
1 Cet article étudie ce qui détermine la victime [1] d’une infraction pénale à en informer – la littérature parle de renvoi (reporting, notifying) – les autorités, en pratique la police.
2 Qu’elle ait été volée, cambriolée, agressée… on voit la victime comme quelqu’un à qui il est arrivé une mésaventure, comme quelqu’un qui subit. Elle est aussi quelqu’un qui agit : après la victimation, elle doit décider si elle cherche des recours ou non, si elle demande un remboursement à son assureur, fait venir le serrurier, achète une sirène d’alarme… et notamment si elle informe ou non la police.
3 Pour l’ordinaire des victimes, il s’agit d’un geste rare, en tous cas pas d’une occupation habituelle. Et pourtant, l’ensemble de ces interventions – pour occasionnelles qu’elles soient – joue un très grand rôle dans le fonctionnement pénal : c’est pour l’essentiel par la victime que les institutions sont informées des infractions dites à victime directe, comme le vol, le cambriolage ou l’agression... Un administrateur de l’INSEE (Chiaramonti, 1991, 16 et sv) était même allé jusqu’à écrire naguère que la statistique de police ne constituait que l’image de ce que les victimes avaient décidé de dénoncer aux autorités. Le raccourci est évidemment abusif puisque ce comptage comprend aussi toutes les infractions sans victime directe – comme l’immigration irrégulière, la fabrication, la distribution ou l’usage de produits prohibés, l’émission de fausse monnaie ou la fraude fiscale… – où aucune victime n’intervient pour informer les institutions pénales qui ne peuvent alors tabler que sur leur propre initiative. Il n’en reste pas moins que, pour la criminalité à victime directe, cette dernière est bel et bien un acteur indispensable du processus pénal encore qu’elle n’en soit pas un professionnel. Son intervention a beau n’être qu’une chiquenaude, sans elle tout se bloque [2].
4 Mais, en fait, les rapports de la victime avec la justice pénale sont paradoxaux : comme approvisionneur, elle y joue un rôle indispensable, mais c’est à ses dépens que s’est historiquement constituée cette forme de justice. La justice pénale s’est construite, en effet, par la concaténation de deux processus : l’extension de l’antique noyau des crimes publics à mesure de la dilatation du champ de compétence de l’État (ce qui a constitué les délits sans victime directe) et la publicisation d’un nombre de plus en plus grand de délits privés pour lesquels l’autorité publique se substitue à la victime dans le rôle de l’offensé (il s’agit des délits à victime directe). L’objectif premier n’est plus la réparation du tort causé au volé ou à l’agressé mais la punition de celui qui a défié le prince en ne tenant pas compte de l’incrimination du vol ou de l’agression (Robert, 2014).
5 La professionnalisation progressive des auxiliaires du juge pénal, notamment des policiers (Berlière, Lévy, 2011, 365), a encore accru la marginalisation de la victime : quand elle vient notifier ce qu’elle considère comme une infraction, elle n’est qu’un profane qui rencontre un professionnel [3]. Pour la victime, il s’agit de « son » affaire, mais son interlocuteur ne la considère pas vraiment comme un acteur du processus pénal ; il ne la tolère que comme apporteur extérieur d’une information dont le traitement relève exclusivement de sa compétence professionnelle à lui (Robert et al., 2003).
6 Et pour ce professionnel, l’information apportée par la victime échappe rarement à la banalité. Il s’agit le plus souvent de vols, de cambriolages ou de dégradations, moins fréquemment d’agressions, et encore rarement de grande intensité. La plupart de ces affaires ne sont vraiment pas de nature à faire briller l’image de professionnel que caresse le policier (Berlière, Lévy, 2011, 457-509). Plus grave encore, le plaignant est rarement en mesure d’indiquer quel est l’auteur du méfait, notamment pour les atteintes patrimoniales. Lever ce voile d’anonymat supposerait de la part de la police un investissement d’enquête lourd. Il n’est imaginable que pour des affaires prioritaires aux yeux du professionnel et de sa hiérarchie et si l’appareil policier bénéficie d’une forte indigénisation au milieu local. La première condition est rarement remplie pour l’ordinaire des affaires amenées par les victimes, la seconde l’est difficilement par des organisations centralisées [4], comme le sont en France les polices d’État.
7 Au total, si les affaires sans victime directe – celles de drogue ou d’immigration… – sont à peu près toujours élucidées parce qu’on ne prend la peine de rédiger une procédure que si l’on a sous la main un suspect à livrer à la Justice, celles apportées par les victimes le sont plus rarement [5]. On peut même se demander si la petite minorité de ces cas où un suspect est identifié n’est pas le résultat de l’initiative policière – le voleur de voiture ou le pickpocket pris sur le fait par une patrouille – et non la suite de la plainte de la victime. Le système policier est tourné vers le délinquant, non pas vers la victime : il cherche spontanément dans le stock de ses clients d’habitude. La multiplication maladive des fichiers dans les années récentes renforce encore cet autisme policier (Mouhanna, 2011, 44) : l’appareil est replié sur lui-même, très peu attentif à la requête extérieure. Et comme il sait que les plaintes ont toutes chances de détériorer encore le bilan policier en raison de leur faible élucidation, l’intérêt qu’il leur porte risque bien de se restreindre encore davantage ; la tentation est même grande de chercher les moyens de les enregistrer le moins possible [6], à l’exception toutefois des agressions toujours susceptibles d’appeler l’attention des médias et du monde politique. Voilà qui ne devrait pas encourager beaucoup les victimes à informer la police.
8 Pour autant, leur sécession, même larvée, ruinerait à terme la légitimité du système pénal : cette dernière repose, en effet, sur la prétention à traiter du même pas et les délits publics (sans victime directe) et les délits privés publicisés (à victime directe). S’il s’avérait que le processus pénal ne traite tendanciellement que les premiers, il ne serait plus qu’une garde prétorienne. Pour le moment, la dramatisation d’une petite minorité de meurtres et de viols dissimule le déséquilibre, sans que l’efficacité de ce procédé soit assurée dans la durée (Robert et al., 2013).
9 Dans ces circonstances difficiles, clarifier ce qui pousse la victime d’une infraction à en informer les autorités publiques ou à s’en abstenir est donc du plus haut intérêt. Ce n’est pas parce que la victime n’est pas un professionnel que la sociologie de la justice pénale peut s’abstenir de connaître ce qui détermine son intervention. Pour la compréhension d’ensemble de ce mécanisme de contrôle social, l’éclaircissement de ce point importe autant que l’étude des professions pénales.
10 Massivement, la littérature sur le renvoi met l’accent sur la gravité (seriousness) des dommages subis. Cette notion s’introduit dans le débat sur le renvoi par la victime à la police dès que des criminologues positivistes entreprennent d’utiliser les premières enquêtes américaines de victimation pour tester des théories, notamment celle de la quantité de droit développée en 1976 par Donald Black dans The Behavior of Law [7]. S’ensuivit une virulente controverse théorique dans les colonnes de l’American Sociological Review (Black, 1979 ; Gottfredson, Hindelang, 1979a et 1979b). Quoi qu’il en soit de ce débat, Wesley Skogan (1984) a vite pointé la place hégémonique de la gravité et ce constat n’a jamais été infirmé par les recherches ultérieures.
11 La consistance de l’observation n’est pourtant pas évidente : dans une enquête de type déclaratif, que l’enquêté déclare grave ce qu’il choisit de notifier aux autorités publiques, est-ce beaucoup plus qu’une mise en cohérence des représentations et des comportements, une opération dans laquelle le sens de circulation de la causalité n’est pas indiqué avec certitude ? Est-ce parce qu’on trouve la mésaventure sérieuse que l’on se tourne vers les autorités ? Est-ce parce qu’on a notifié l’incident, pour une raison ou une autre, que l’on le déclare grave (à l’enquêteur) ? Quand Tarling et Morris (2010) observent que, pour chaque victimation, l’appréciation de gravité a évolué entre 1991 et 2007-08 dans le même sens que le taux de renvoi, produisent-ils deux informations différentes dont l’une corrobore l’autre, ou simplement deux façons de dire la même chose ?
12 Documenter, au contraire, l’appréciation de gravité par des éléments circonstanciés – l’agresseur était armé, plusieurs personnes y ont pris part, la victime peut faire état de blessures et non pas seulement d’injures ou de menaces, il s’agissait en fait d’un vol de force, le vol ou le cambriolage ne s’est pas borné à une simple tentative, il a été consommé, il y a eu effraction du domicile ou du véhicule, le montant du dommage est élevé etc. – permet d’échapper à la redondance tautologique. Encore faut-il être attentif aux cas où le sens de la causalité reste incertain : ainsi Carrasco et al. (2011) remarquent-ils que consulter un médecin après une agression ne constitue pas nécessairement un déterminant de la décision de renvoi mais peut, au contraire, en être une conséquence : une plainte pour coups et blessures nécessite la fourniture d’un certificat médical qui établit l’importance du dommage physique [8].
13 La littérature montre aussi que si la gravité fonctionne comme critère de renvoi ou de non-renvoi à l’intérieur d’une catégorie donnée de victimation, elle ne sert pas toujours, en revanche, à hiérarchiser la propension au renvoi entre victimations différentes : on a souligné depuis longtemps que l’agression sexuelle – qui suscite pourtant de très fortes émotions chez ceux qui en sont victimes – et celle par un proche cohabitant – qui entraîne souvent les dommages physiques les plus caractérisés – présentent des taux de renvoi parmi les plus faibles. Certes le désir de ne pas ruiner trop vite la relation entre l’auteur et la victime en y faisant intervenir un tiers institutionnel, voire, moins communément, la peur de représailles peuvent jouer un rôle inhibiteur. Mais, peut aussi intervenir la crainte que les exigences de l’enquête pénale et les manières des enquêteurs suscitent chez la victime, notamment d’agression sexuelle (voir Felson et al., 2002 ; Felson, Paré, 2005). Pour autant, des recherches se sont attachées à soupeser le poids des relations entre la victime et l’auteur dans la décision de renvoi (par exemple Block, 1974 ; Felson et al., 1999). En outre, une même catégorie de victimation réunit des faits de gravité très variable (Ouimet, Tessier-Jamin, 2009) : une « agression » peut envoyer l’agressé à l’hôpital ou se borner à une bourrade, voire une injure ou une menace. Et c’est ce qui explique que les agressions ne soient globalement pas mieux renvoyées que les atteintes patrimoniales.
14 Pour ces raisons, bon nombre d’études sur le renvoi se focalisent sur une sorte seulement de victimation, une tendance que critiquent d’ailleurs Baumer et Lauritsen (2010). Ce sont les agressions sexuelles et celles par un proche cohabitant qui ont suscité récemment le plus de recherches parce qu’elles étaient le moins renvoyées et qu’on s’est interrogé sur l’effet des mesures institutionnelles et des campagnes d’opinion entreprises pour changer cet état de fait (voir Baumer et al., 2003 ; Bachman, 1993, 1998 ; Felson, Paré, 2005), mais on en trouve aussi qui sont dédiées à certaines victimations patrimoniales (voir Sheu, Chiu, 2012). Prendre en compte une pluralité de victimations constitue cependant un bon moyen pour saisir la diversité des logiques de renvoi et donc la complexité de leurs déterminants.
15 La littérature a aussi fait des incursions en dehors de la seule considération du relief de l’incident. Plusieurs auteurs [9] ont ainsi relevé que, de manière assez contre-intuitive, la victimation à répétition – qui accroit pourtant le sérieux des dommages subis – n’augmentait pas la propension au renvoi, mais au contraire la freinait. Avoir pu constater l’inanité des démarches antérieures peut expliquer ce trait (voir Xie et al., 2006 ; comparer Conaway, Lohr, 1994).
16 On a aussi fait place à la localisation de l’incident, notamment à son intrusion dans l’espace privé de la victime, particulièrement, mais pas exclusivement, à propos du cambriolage (par exemple Smith, Maness, 1976 ; Robert et al., 2010). Des déterminants de second rang ont été cherchés, avec des résultats contradictoires, dans les caractéristiques de la victime, surtout son âge, aussi son sexe, son niveau d’éducation et de revenus, son appartenance ethnique, également son sentiment de sécurité. Plus largement, on s’est attaché à son cadre de vie, à la cohésion sociale, aux conditions socio-économiques (Goudriaan et al., 2006).
17 Carrasco et al. (2011) ont opposé une recherche de déterminants reposant sur les représentations, valeurs et normes de la victime et une autre qui adopterait une approche coûts/ bénéfices, ajoutant que les enquêtes de victimation se prêtent plutôt à cette démarche-ci. Mais tout dépend de la manière dont est bâtie l’enquête qu’on utilise. Parce qu’ils mobilisent une enquête cadre de vie et sécurité très centrée sur la description de l’incident et des rapports avec la police et très réticente devant l’exploration des attitudes et opinions, il n’est pas étonnant que ces auteurs aboutissent à cette conclusion. Mais d’autres enquêtes font plus de place à l’exploration des attitudes des enquêtés, ce qui autorise, même sur la base d’enquêtes de victimation, à adopter une posture qui n’ignore pas le poids des représentations.
18 Parmi les pays qui disposent d’une plage d’enquêtes assez longue, la tendance est actuellement à se focaliser non pas sur la seule gravité des dommages subis mais plutôt sur l’évolution des déterminants du renvoi dans le temps. Si Ouimet et Tessier-Jamin (2009) se bornent à comparer deux enquêtes peu éloignées dans le temps (1999 et 2004), ce qui amène à considérer avec quelque réserve leurs conclusions pourtant très tranchées, Tarling et Morris (2010) bénéficient d’une épaisseur chronologique plus appréciable (1991 et 2007-08) et Baumer et Lauritsen (2010) étudient toute la période 1973-2005. Cette orientation de recherche n’est vraiment bénéfique que si l’on dispose d’un laps de temps suffisant et si l’on observe des variations importantes des taux de renvoi.
19 Le développement d’enquêtes internationales de victimation a permis aussi de recourir à certaines spécificités nationales (perception de la compétence policière, couverture assurantielle, obéissance aux normes sociales, individualisme, prévalence des atteintes à la personne et aux biens) pour expliquer les différences des taux de renvoi entre pays (Goudriaan et al., 2004 ; Goudriaan, 2006).
20 En tous cas, cette rapide revue suggère bien les incertitudes de la gravité : on l’imagine simple, elle s’avère complexe. Nous montrerons d’abord ses limites : elle laisse parfois place à d’autres motivations ou bien elle cache d’autres mécanismes. Ensuite, nous nous attacherons aux cas paradoxaux où l’appréciation de gravité va de concert avec une absence de renvoi. Enfin, nous montrerons que c’est la décision de recours à l’assurance qui détermine la décision de formaliser son renvoi à la police dans un véritable dépôt de plainte. Auparavant, il faut donner quelques indications sur les données et les méthodes utilisées.
État des données et méthodes mises en œuvre
21 Si les travaux français sur les déterminants du renvoi sont récents, c’est essentiellement en raison de l’état – tant quantitatif que qualitatif – des données disponibles. Les deux premières recherches (Robert et al., 2003 ; Zauberman, 2010) ne portaient que sur une seule enquête régionale et la troisième (Robert et al., 2010) n’avait pu, pour l’essentiel, s’appuyer que sur deux éditions d’une enquête régionale de victimation et quelques monographies locales ; les enquêtes nationales alors disponibles manquaient d’informations sur l’estimation de la gravité des victimations et leur questionnaire témoignait d’une trop faible stabilité. Une quatrième recherche (Carrasco et al., 2011 ; voir aussi Chaussebourg, 2010) a pu mobiliser l’empilement de cinq enquêtes nationales récentes réalisées selon un nouveau format plus disert sur les variables de gravité de l’incident.
22 On dispose maintenant d’une série très homogène d’enquêtes réalisées tous les deux ans en Île-de-France depuis 2001 par l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France (IAU-IdF [10]). Trois qualités font de ce matériel un excellent instrument pour l’étude du renvoi : ces enquêtes portent sur de gros échantillons, en valeur relative les plus importants disponibles dans ce pays ; l’instrument en est remarquablement stable depuis le début ; enfin, ce questionnaire s’intéresse non seulement à la factualité de l’incident ou aux rapports avec la police, mais aussi aux attitudes et opinions des enquêtés : on évite ainsi de rester prisonnier d’une optique coût-bénéfice éventuellement surdéterminée par l’orientation du questionnaire.
23 Chaque campagne interroge quelque 10500 enquêtés. Une première phase a consisté en un tirage aléatoire sur un fichier d’abonnements à des lignes téléphoniques fixes ; pour atteindre les numéros hors annuaire, le dernier chiffre de chaque numéro de la première liste a ensuite été augmenté de 1. Les échantillons ont été tirés pour être représentatifs au niveau de chacun des huit départements de la région. L’enquête exclut les victimations subies par les moins de 15 ans, les non-résidents et les résidents dont les ménages sont dénués d’une ligne téléphonique fixe. La passation s’est opérée selon la méthode CATI (Computer Assisted Telephone Interview) ; le nombre moyen d’appels de chaque numéro est passé de 2,73 à 3,2 entre 2001 et 2011, mais le taux de refus a baissé de 17,4 à 12,9 %.
24 On a choisi de travailler sur l’empilement des six campagnes réalisées en 2001, 2003, 2005, 2007, 2009 et 2011, mais après avoir pris quelques précautions. On a d’abord vérifié (tableau 1) que les différents taux de renvoi n’avaient pas changé, de manière systématique, d’ordres de grandeur [11].
25 Certes, ce choix empêche de faire apparaître d’éventuelles évolutions dans la détermination du renvoi, mais nous considérons que la période disponible est encore un peu maigre pour ce type d’exercice – on dispose d’une décennie seulement – et la quasi-stabilité des ordres de grandeur ne plaide pas pour un examen longitudinal. On a ensuite vérifié que l’étude du renvoi sur l’enquête 2011 aboutissait à des résultats très comparables à ceux obtenus sur les premières, ce qui suggère une grande constance des déterminants du renvoi sur toute la période observée.
26 Pour étudier leur complexité, il a semblé nécessaire de ne pas sélectionner quelques victimations mais de prendre en compte la gamme entière de celles couvertes par l’enquête, qu’elles concernent tout le ménage [12] (cambriolages, atteintes aux véhicules) ou qu’elles atteignent seulement l’individu interrogé (vols personnels, agressions physiques et verbales) en y incluant les agressions sexuelles et celles par un proche cohabitant [13]. L’empilement des enquêtes autorise à faire ce choix dans de bonnes conditions. Nous avons aussi distingué le renvoi simple – qui consiste à informer la police – du dépôt effectif de plainte, surtout dans la mesure où la statistique policière française ne décompte que les plaintes et non l’ensemble des renvois. C’est entre le renvoi et le dépôt de plainte que prennent place bonne part des pratiques critiquées par les analystes des statistiques de police [14].
Taux de renvoi et de plainte selon les enquêtes
Vol | Agression | Agression sexuelle | Violence intra-familiale | Cambriolage | Vol de voiture | Vols dans/sur véhicule | Destruction/ dégradation véhicule | Vol de 2 roues | ||||||||||
Renvoi | Plainte | Renvoi | Plainte | Renvoi | Plainte | Renvoi | Plainte | Renvoi | Plainte | Renvoi | Plainte | Renvoi | Plainte | Renvoi | Plainte | Renvoi | Plainte | |
1998-99-2000 | 51,7 | 38,8 | 44,8 | 31,9 | 32,0 | 19,2 | 37,8 | 22,7 | 71,4 | 43,7 | 73,4 | 58,8 | 48,9 | 39,6 | 33,8 | 25,9 | 50,8 | 39,1 |
2000-01-02 | 48,4 | 37,5 | 44,7 | 31,8 | 27,8 | 17,8 | 38,1 | 23,8 | 75,7 | 43,7 | 72,2 | 58,6 | 48,0 | 38,6 | 33,0 | 25,7 | 47,0 | 36,3 |
2002-03-04 | 52,2 | 41,6 | 50,9 | 35,0 | 34,6 | 20,5 | 48,4 | 26,6 | 74,0 | 42,3 | 73,8 | 58,3 | 47,4 | 36,8 | 30,3 | 22,1 | 47,6 | 35,1 |
2004-05-06 | 55,7 | 42,5 | 50,6 | 33,9 | 43,8 | 26,0 | 53,5 | 29,4 | 75,5 | 41,7 | 70,5 | 55,2 | 46,1 | 35,2 | 31,9 | 23,3 | 45,2 | 32,4 |
2006-07-08 | 56,5 | 42,9 | 52,8 | 36,7 | 34,3 | 19,2 | 53,3 | 28,5 | 76,1 | 45,6 | 73,6 | 57,2 | 51,3 | 38,4 | 34,5 | 23,9 | 46,5 | 33,5 |
2008-09-10 | 50,7 | 40,3 | 55,4 | 39,8 | 32,8 | 22,4 | 46,1 | 20,9 | 75,9 | 36,8 | 76,4 | 59,2 | 50,5 | 37,9 | 37,6 | 26,5 | 45,1 | 32,3 |
Moyenne | 52,5 | 40,6 | 49,9 | 34,9 | 34,2 | 20,9 | 46,2 | 25,3 | 74,8 | 42,3 | 73,3 | 57,9 | 48,7 | 37,8 | 33,5 | 24,6 | 47,0 | 34,8 |
Taux de renvoi et de plainte selon les enquêtes
Champ : Île-de-France27 Les déterminants du renvoi et ceux du dépôt de plainte ont été étudiés au moyen d’un modèle de régression logistique simple. Pour avoir une chance de saisir la complexité de ces mécanismes, il était impératif de ne pas se limiter a priori à quelques indicateurs simples de gravité, comme l’appréciation de l’enquêté, l’importance des dommages physiques ou la valeur des pertes matérielles. On a donc retenu quatre groupes de variables :
- concernant la victimation et ses circonstances qui permettent d’apprécier les logiques différentes d’une sorte d’incident à l’autre et de saisir les divers éléments de gravité, ainsi que l’intervention éventuelle d’autres déterminants comme le caractère privé du lieu de commission [15] ;
- sur les caractéristiques des enquêtés qui permettent de juger de l’influence éventuelle – et discutée – de certains profils (jeunes, retraités, femmes au foyer… ) [16] ;
- concernant leurs opinions et attitudes (spécialement sur leur cadre de vie et sur l’insécurité) qui permettent de saisir l’influence de déterminants idéologiques (par exemple l’attitude envers la police ou le jugement sur le quartier) [17] ;
- enfin sur les suites données à l’incident qui renseignent notamment sur le poids de démarches comme le recours à l’assurance [18].
29 La procédure de sélection des variables utilisée est de type pas-à-pas, c’est-à-dire une sélection ascendante des variables à introduire dans le modèle et une élimination descendante. Les modalités des variables retenues sont celles dont les intervalles de confiance excluent la valeur 1 et qui présentent un niveau satisfaisant de χ2. Le c de Hanley et McNeil (1982) a été utilisé comme indice de la justesse des prédictions [19].
30 Dans l’analyse de la décision de renvoi, les régressions logistiques donnent le poids, toutes choses égales par ailleurs, des variables qui y contribuent. Si la plupart des travaux sur le renvoi s’en tiennent là, nous avons cherché à les compléter par des analyses de cheminement qui permettent, elles, d’établir l’ordre dans lequel s’enchaînent les variables pour produire la décision de renvoi. Parmi les algorithmes disponibles pour produire ce qu’on appelle un arbre de décision, nous avons retenu la technique CART (Classification and Regression Tree). Cette technique se déploie en deux phases : une première phase dite d’expansion (growing) vise à maximiser la pureté des segments au moyen de l’indice de Gini [20] ; une seconde phase dite d’élagage (pruning) à minimiser l’erreur de prédiction. Si, par rapport à d’autres techniques, CART n’est pas très performante pour des petits effectifs, elle présente en revanche l’avantage de permettre le traitement d’un grand nombre de variables explicatives, d’être peu sensible au « bruit » des variables non introduites dans le modèle, d’éviter une fragmentation excessive des effectifs et de produire des arbres binaires très compacts, dotés de bonnes capacités de prédiction. Cette méthodologie n’a pu être mise en œuvre pour étudier la décision de dépôt de plainte en raison de la prégnance d’une seule variable, le recours à l’assurance.
31 Pour étudier les non-renvois paradoxaux, on a eu recours à une analyse typologique greffée sur une analyse de correspondances multiples (ACM) pour des raisons qui seront explicitées infra.
La décision de renvoi : la gravité et ses limites
32 Nous nous intéressons en premier aux enquêtés qui, estimant avoir subi une victimation, en ont informé la police ou la gendarmerie de quelle manière que ce soit (il peut s’agir d’un déplacement physique à un commissariat ou à une brigade, d’un simple appel téléphonique, voire d’une pré-plainte en ligne). Qu’est ce qui a bien pu les déterminer à cette démarche ?
33 À vue cavalière (tableau 2 en annexe infra), c’est bien la gravité de la victimation qui détermine pour l’essentiel la décision de se tourner vers la police ou la gendarmerie. Pareille conclusion présente le double avantage de se ranger dans le consensus international, et de permettre de résumer simplement le problème du renvoi. Trop simplement peut-être. À ce niveau de généralité, atteint-on beaucoup plus qu’une tautologie : les enquêtés indiquent aux enquêteurs qu’ils estiment sérieuses les affaires qu’ils ont décidé de rapporter aux autorités ? C’est que la gravité ne revêt pas toujours le même contenu selon les victimations et que des déterminants seconds – mais pas toujours secondaires – viennent la colorer ici ou là.
34 Ainsi pour le vol ordinaire sans violence, le déterminant le plus impératif du renvoi tient à la nécessité de dégager sa responsabilité des usages frauduleux que le voleur peut faire de cartes d’identité ou de crédit (comparer Carrasco et al., 2011) ou encore de chéquiers. On voit une motivation très comparable dominer le renvoi en cas de vol de véhicules. L’idée globale de gravité ne doit pas masquer la problématique plus spécifique des « biens immatriculés » dont l’usage vous engage tant que vous n’avez pas dégagé votre responsabilité par une déclaration formelle auprès des autorités. Même si une assurance proposait d’indemniser automatiquement le vol de carte d’identité, de crédit, de chéquier ou de véhicule immatriculé sans renvoi préalable à la police, cette démarche-ci resterait quand même nécessaire pour dégager sa responsabilité de l’usage que le voleur ferait de tels biens. L’idée de gravité entendue comme valeur du bien volé ne vient ici qu’au second rang ou, plus exactement, la gravité englobe ici la considération des dommages plus importants que l’on pourrait subir du fait d’un usage illicite du bien. Toutefois, l’immatriculation d’un bien contraint pratiquement à déclarer sa soustraction pour des raisons d’ordre public, même abstraction faite de dommages éventuels.
35 Considérons maintenant l’agression : nous voyons à l’œuvre une double échelle de gravité : celle des dommages personnels qui va de la blessure (comparer Tarling, Morris, 2010) grave aux menaces et injures en passant par les blessures légères puis les coups, et aussi celle du dommage matériel qui favorise le renvoi des vols violents. Mais, dans ce second cas, est-ce le seul dommage matériel ou est-ce le caractère « cupide » de l’agression qui stimule la réaction de l’agressé, outre que l’existence d’une perte matérielle pose le problème de son éventuelle indemnisation ? En cas de violences sexuelles ou familiales, au contraire, l’étendue des dommages physiques domine seule l’arène des déterminants du renvoi.
36 En outre, s’arrêter à la seule « gravité » oblitérerait des déterminants certes plus discrets mais pas négligeables pour autant. Le plus important semble tenir à la protection de la sphère privée [21] : ce n’est pas vérifié uniquement pour le cambriolage – où le relief du méfait prend en compte non seulement la valeur marchande des biens soustraits mais aussi leur valeur sentimentale, ainsi que la brutalité de l’intrusion – mais on en retrouve aussi la trace dans les agressions et dans les atteintes aux véhicules que l’on est plus prompt à dénoncer aux autorités si elles se déroulent dans un espace privatif. Une intrusion nocturne peut pousser au renvoi même dans des cas où le dommage est peu caractérisé. En sens inverse, les diverses victimations survenues dans des espaces publics – notamment dans les transports en commun – sont moins facilement portées à la connaissance de la police, sans que l’on sache bien s’il s’agit alors d’une abstention ou de la préférence accordée à d’autres agences plus spécifiques, par exemple les entreprises de transport en commun. Il serait d’ailleurs intéressant d’élucider cette incertitude.
37 Que le dommage soit assuré [22], donc puisse être indemnisé, incline au renvoi à la police, mais cette démarche est alors réduite à une simple formalité préalable à une déclaration de sinistre [23]. Cette considération semble intervenir notamment pour pousser au renvoi dans des cas où il est généralement peu répandu, ainsi de la dégradation de véhicules ou du vol de deux-roues non immatriculé. À l’inverse, l’expérience antérieure de victimation (comparer Tarling, Morris, 2010 ; Sheu, Chiu, 2012 ; Carrasco et al., 2011) décourage plutôt de se tourner vers la police ; il semble bien que soit alors en cause l’expérience négative de l’inutilité de cette démarche [24] (voir Conaway et Lohr, 1994) : on a perdu du temps, on n’a pas nécessairement été bien reçu et aucun retour positif n’a été obtenu des institutions pénales [25]. En revanche, l’enquêté qui pense qu’il devrait y avoir plus de policiers est plus porté, toutes choses égales par ailleurs, à les informer de sa mésaventure [26].
38 Que les jeunes manifestent une réticence marquée à se tourner vers la police signale des relations particulièrement mauvaises que cette institution entretient actuellement en France avec cette classe d’âge au-delà même des « jeunes de banlieue », mais ce trait témoigne aussi du fait que vols et agressions sont alors rangés dans une catégorie d’altercations souvent réciproques au sein d’une même classe d’âge (Zauberman et al., 2013). Plus généralement peut-être, cette classe d’âge – objet globalement dans nos sociétés de discriminations négatives qui retardent son accès à l’emploi stable et plus largement à l’insertion sociale (par exemple Chauvel, 2006) – semble peu pressée de jouer le jeu institutionnel tant qu’elle peut s’en dispenser [27]. En revanche, plusieurs notations laissent à penser que les ‘installés’ [28] – par leur bagage éducatif, leurs revenus, leur lieu d’habitation ou encore leur implication associative dans la vie locale – sont plus enclins à se tourner vers les institutions pénales.
39 Enfin l’usage d’un matériel d’enquête centré sur la région francilienne permet de voir que les banlieusards – surtout ceux qui vivent aux confins de la région – sont plus portés que les Parisiens à faire appel à la police ce qui ne laisse pas d’étonner quand on se souvient que, à l’exception de la proche banlieue populaire Nord, ce sont bien les habitants de la capitale qui sont les plus exposés à la victimation. Certes l’usage des véhicules personnels est plus important pour les banlieusards que pour les Parisiens, de sorte qu’on ne s’étonne pas de voir ceux-là plus sourcilleux que ceux-ci en cas d’atteintes aux véhicules, mais les banlieusards se révèlent plus renvoyants aussi pour des victimations comme le vol ou l’agression. Il semble bien s’agir d’une spécificité qui concerne toutes sortes de délinquances.
40 On peut dépasser la simple considération à plat de ces différents déterminants et examiner comment ils entrent en scène. C’est alors que l’observation des arbres de décision enrichit l’analyse [29].
41 Le poids de l’importance du dommage apparaît clairement pour le cambriolage (fig. 1, annexe 3) : pour qu’on se tourne vers la police, il suffit de constater un dommage même médiocre. C’est à défaut qu’entre en scène la valeur sentimentale éventuelle de l’objet dérobé. Sinon, le caractère nocturne de l’intrusion peut jouer. Si aucune de ses variables n’est entrée en jeu, alors d’autres – comme la profession de la victime, le quartier où elle vit… – peuvent être prises en considération pour décider d’un renvoi.
42 Pour les autres vols, les déterminants se hiérarchisent différemment : c’est l’immatriculation du bien qui détermine avant tout le recours à la police. On le voit clairement pour le vol personnel sans violence (fig. non reproduite), où l’importance du dommage n’intervient que pour les autres biens. Mais c’est aussi vrai pour le vol de voiture (fig. 2, annexe 3) : la soustraction effective du véhicule suffit à déterminer le renvoi. L’importance du dommage n’intervient qu’en cas de tentative, une situation où le renvoi est opéré seulement dans le cas assez exceptionnel où des dégâts ont été commis (par exemple une serrure endommagée…) malgré l’échec final du vol. À défaut, le moment du méfait, la catégorie socioprofessionnelle du ménage, sa localisation, ses revenus… peuvent entrer en jeu. On discerne la même hiérarchie pour les vols de deux-roues (fig. non reproduite) : qu’ils soient immatriculés suffit à déclencher le renvoi à condition toutefois que le véhicule ait bien été soustrait ; la gravité du dommage intervient s’il y a eu seulement tentative d’enlèvement. Pour les simples vélos, l’importance du dommage se combine avec l’assurance, la localisation du ménage et sa catégorie socioprofessionnelle.
43 En cas de dégradation (fig. non reproduite), le dommage ne suffit pas à déclencher le renvoi, il doit se combiner avec le moment du méfait et son lieu. C’est à défaut que peuvent entrer en jeu la catégorie socioprofessionnelle du ménage, sa localisation, son jugement sur le voisinage, le caractère répétitif de la victimation…
44 Dans les cas d’agression, les déterminants du renvoi s’organisent différemment : c’est la gravité de l’atteinte physique qui prime, mais ce modèle n’est pur que pour les atteintes sexuelles (fig. non reproduite). Pour la violence intrafamiliale (fig. non reproduite), à défaut d’incapacité de travail, une influence durable sur la santé de la victime peut se combiner avec l’implication d’une victime collatérale (d’un enfant) ou le caractère particulièrement menaçant d’un agresseur armé. Quant aux agressions ordinaires (fig. 3, annexe 3), il s’agit souvent de vols violents ; du coup, le modèle de renvoi combine des éléments caractérisant l’agression et d’autres concernant les victimations patrimoniales. Des blessures sérieuses ou une perte matérielle importante suffisent à pousser au renvoi, de même un vol de force s’il est consommé, même si le dommage est médiocre. En grande banlieue, une simple tentative de vol violent peut suffire à déclencher un renvoi. Dans les autres cas de figure peuvent entrer en scène des considérations comme l’armement de l’auteur, le lien de l’agression avec la profession de la victime, la pluralité d’agresseurs ou les attitudes de la victime…
Les paradoxes de la gravité
45 S’en tenir à une équation renvoi = gravité masquerait aussi l’existence d’un cas apparemment paradoxal où l’affirmation de la gravité des dommages va cependant de pair avec une absence d’appel à la police. Certes ce cas de figure est minoritaire, pour autant il traduit des situations sociales qu’il serait regrettable d’ignorer.
46 Un simple tri n’indiquerait pas quel est le profil de ces non-renvoyants contre-intuitifs ni ce qui les détermine. Nous avons donc procédé autrement : sur la base d’analyses de correspondances multiples (ACM) préliminaires, nous avons recouru, pour chaque victimation, à des classifications en types des non-renvoyants, puis cherché si la mention de dommages importants caractérisait certains de ces groupes ; ensuite, nous avons recherché leurs spécificités.
47 Le résultat est très clair : de telles positions paradoxales apparaissent peu à propos des agressions et vols personnels. Elles sont au contraire répandues parmi les non-renvoyants victimes d’atteintes aux véhicules, ainsi que dans une classe de cambriolés.
48 Ces abstinents paradoxaux se partagent tendanciellement en deux profils.
49 Le premier – le plus répandu des deux – concerne plutôt des résidents de proche banlieue. Plus que la moyenne des non-renvoyants, ils ont été victimes dans leur quartier, parfois même à leur domicile, de nuit, et souvent à répétition. Ils se plaignent de vivre dans un quartier « pourri » par les problèmes de bandes, de drogues, de bruit… et souvent souhaitent le quitter (probablement sans en avoir les moyens). La peur d’être victimes de la délinquance personnellement (dans leur quartier mais aussi dans les transports en commun) ou la peur pour leurs enfants occupe dans ce profil une place prééminente. Ils expriment aussi une forte crispation sécuritaire – ils tiennent la délinquance pour un problème majeur de société – et une xénophobie affirmée.
50 Leur capital scolaire est faible (primaire) ou moyen (surtout collège) ; il n’atteint jamais le niveau de l’enseignement supérieur. Le capital professionnel est aussi modeste (ouvriers ou employés le plus souvent). Il en va de même pour leurs ressources économiques (revenus plutôt faibles, locataires – souvent dans des grands ensembles – plutôt que propriétaires).
51 On découvre finalement un syndrome d’habitants de banlieues pourries qui sont assez convaincus de leur abandon par les autorités publiques pour renoncer à tout renvoi – surtout en matière d’embrouilles autour des voitures, une victimation typique de ces terrains urbains – même s’ils ressentent fortement leur victimation. Si cette configuration est minoritaire – mais ces minorités peuvent encore être assez consistantes – elle vient sérieusement tempérer le résultat rassurant de la détermination dominante du non-renvoi par la faiblesse des dommages. Il existe des fractions de population pour lesquelles cette liaison fonctionnelle ne joue pas du tout : ce n’est pas que l’on ne voudrait pas de l’aide, c’est qu’on a renoncé à en demander, qu’on n’y croit plus.
52 Mais l’on repère aussi – parmi les non-renvoyants en cas de vol dans et sur les véhicules ou de dégradations – un autre profil, plus minoritaire encore, de non-renvoyants paradoxaux.
53 Cette fois, il s’agit de résidents de la grande couronne parisienne. Ils ne se plaignent pas particulièrement de leur quartier ; rien n’indique d’ailleurs que leur victimation se soit déroulée là où ils habitent. Ils n’expriment pas non plus de peurs très marquées. Ce sont les crispations sécuritaires qui caractérisent le plus fortement ce profil : ces enquêtés supprimeraient volontiers les allocations familiales aux parents de jeunes délinquants, ils reprochent à l’État de ne pas protéger la propriété privée, aux institutions pénales de traiter le délinquant mieux que la victime, se plaignent d’une insuffisante présence policière, enfin gémissent sur le laxisme judiciaire et surtout attribuent l’insécurité à un excès d’immigrés ; leur xénophobie est tout à fait exacerbée.
54 Le profil n’est plus le même : plus que proportionnellement, il s’agit cette fois de propriétaires pavillonnaires.
55 On a l’impression de retrouver une trace de ce profil inattendu découvert dans une recherche récente (Zauberman et al., 2013) : des membres de classes moyennes, résidents aux confins de l’Île-de-France, moins victimes en réalité que le reste des Franciliens mais terriblement crispés sur les enjeux sécuritaires et xénophobes. Si leur présence est ici à peine marquée (le vingtième des non-renvoyants en matière de vol dans et sur les véhicules ou de dégradations), c’est probablement à la fois en raison de leur sous-victimation et aussi parce que l’absence de renvoi constitue une position moins répandue chez eux que chez les habitants des quartiers ‘pourris’ de proche banlieue. On peut se demander aussi si les enquêtés qui se retrouvent dans ce profil ne sont pas, malgré leur faible exposition à la délinquance, tellement obsédés par l’insécurité qu’ils en viennent à déclarer (à l’enquêteur) « graves » des victimations qu’ils n’osent cependant pas déférer aux autorités tellement elles sont en fait peu caractérisées.
Les déterminants du dépôt de plainte : avant tout, l’assurance
56 Bonne partie de la littérature s’intéresse globalement à la déclaration à la police, comme si ce renvoi constituait un phénomène unique [30]. Certains auteurs se sont attachés, au contraire, aux cas où une plainte a été déposée formellement [31]. Dans la situation française tout au moins, il semble cependant intéressant de distinguer les déterminants du renvoi de ceux du dépôt de plainte. Le tableau 1 le fait clairement apparaître : tous ceux qui signalent à la police une victimation dont ils ont été l’objet ne vont pas ensuite jusqu’à formaliser leur plainte, tant s’en faut. Entre 10 et 30 % des renvoyants ne déposent finalement pas plainte… sauf pour les cambriolages où 40 % des renvoyants franciliens s’abstiennent de finaliser leur démarche.
57 On peut considérer la décision de renvoi comme prise par un seul acteur, la victime, même si en fait elle a pu prendre ou recevoir conseil ou suggestion de tiers (parents, amis, voisins…) peu faciles à identifier. Le droit présente aussi le dépôt de plainte comme la décision de la seule victime : quand elle le décide, tout fonctionnaire de police ou de gendarmerie est tenu d’obtempérer [32], de dresser procès-verbal, de lui en remettre récépissé (et sur requête copie du procès-verbal lui-même, selon l’article 15-3 du Code de procédure pénale). En réalité, la situation n’est plus la même : la victime est déjà entrée en rapport avec le service de police et la formalisation de la plainte (ou au contraire l’abstention) s’inscrit dans une relation duelle ; elle n’est plus nécessairement une décision de la victime seule, elle peut avoir été soufflée, suggérée par son interlocuteur policier et peut-être même avec beaucoup de vigueur tant cette confrontation entre un profane et un professionnel est asymétrique et place le premier en situation de subordination, ne serait-ce qu’en raison de sa générale ignorance juridico-institutionnelle. Par ailleurs, en France, le dépôt de plainte suppose de se déplacer au commissariat ou à la brigade pour la rédaction et la signature du procès-verbal ; la possibilité nouvelle de pré-plainte en ligne n’en dispense pas et c’est la raison de son faible succès (Rouzeau et al., 2013, 52 et sv). Le matériel dont nous disposons ne permet pas de couvrir cette relation duelle, il nous fournit seulement les déclarations de l’une des parties, la victime. Nous ne savons pas exactement ce qui s’est passé entre la victime et le policier, quelle « négociation » a pu intervenir entre eux, seulement que l’enquêté dit avoir déposé plainte, sans pouvoir assurer qu’elle a été bel et bien enregistrée par procès-verbal [33] et surtout qu’elle l’a bel et bien été du chef avancé par la victime. C’est ainsi que le rapport des inspections générales sur l’enregistrement des plaintes par les forces de sécurité intérieure mentionne qu’une tentative de cambriolage peut donner lieu à l’établissement d’un simple procès-verbal pour dégradations légères (qui n’entre pas en statistique car il s’agit d’une contravention et non d’un délit) (Rouzeau et al., 2013, 24). Nous avions nous-même relevé ce déficit systématique des statistiques policières qui comptent toujours moins de cambriolages que le nombre de plaintes indiquées par les cambriolés dans les enquêtes de victimation, et suggéré qu’il s’agissait probablement d’une répugnance policière à enregistrer comme cambriolage une simple tentative (Zauberman et al., 2009, 39 et sv).
58 Pour autant, nous touchons du doigt les déterminants durs, ceux qui ont résisté au dialogue profane/professionnel et conduit finalement le premier à déposer plainte. Ceux qui émergent maintenant viennent en quelque sorte s’ajouter à ceux qui ont poussé à informer la police, en jouant en faveur d’un achèvement du processus par la formalisation d’une plainte. L’attention (tableau 3 en annexe) se concentre en effet désormais sur les enquêtés qui – ayant informé la police ou la gendarmerie – déclarent qu’ils ont formellement déposé plainte. Au total, la transformation d’un appel à la police en un dépôt formel de plainte est d’abord intimement liée à une déclaration de sinistre à l’assurance, ce qu’avaient déjà observé Robert et al. (2010). On peut dire que les deux font couple et les variables de consistance du méfait (il a été mené jusqu’au bout, a entraîné des dommages graves) ne viennent qu’en renfort de cette détermination fondamentale. La plainte est d’abord une étape dans un cheminement vers une demande d’indemnisation à l’assurance. Au vu des taux d’élucidation de la délinquance à victime directe – au moins celle contre les biens [34] – ce résultat n’est pas étonnant : en dehors d’un dégagement de responsabilité en cas de vol d’un bien immatriculé, statistiquement le recours à la police a peu de chances d’apporter quelque chose à la victime. Si, dans un premier temps, on s’est tourné vers elle, on ne prendra le temps de formaliser sa démarche que si la perspective d’une indemnisation vient lui donner du sens. Dans cette prééminence de la déclaration de sinistre, on peut certes lire une appréciation de gravité : l’incident a paru assez dommageable pour qu’on cherche à se faire indemniser ; mais pour recourir à l’assurance, encore faut-il être assuré et qu’elle couvre le méfait subi.
59 Pour autant, le dépôt de plainte prend dans certains cas une autre consistance : il témoigne d’une demande de punition. Elle n’étonne pas en matière d’agression ; d’ailleurs de meilleurs taux d’élucidation peuvent en permettre la réalisation. Elle surprend davantage lorsqu’il s’agit d’un vol de voiture. Peut-être faut-il y voir un reflet de l’importance prise par les atteintes aux véhicules notamment dans les banlieues. Ici encore, on peut faire une lecture en termes de gravité : la victimation a suffisamment de relief pour qu’on désire la sanction de l’auteur, mais, bien entendu, la barre punitive n’est pas placée à la même hauteur par tout le monde dans la mesure où un même évènement peut susciter plus ou moins de volonté répressive.
Conclusion
60 On pourrait se borner à conclure, comme d’habitude, que c’est bien la gravité qui gouverne le renvoi.
61 S’en tenir là empêcherait cependant d’être attentif à quelques traits de conséquence. Retenons-en au moins quatre :
- bonne partie des victimations arrivent à la police parce que sont en cause des « biens immatriculés » (cartes de crédit, papiers d’identité, véhicules…) pour lesquels le volé doit impérativement faire une déclaration pour dégager sa responsabilité des usages frauduleux de tels biens ;
- c’est bien souvent la perspective d’une déclaration de sinistre à l’assurance qui pousse à opérer au préalable un renvoi à la police et surtout à formaliser un dépôt de plainte ;
- les chances de renvoi augmentent quand le méfait mord sur le territoire privé de l’enquêté ;
- enfin les attitudes des enquêtés interviennent aussi dans la détermination du renvoi : celui qui voudrait davantage de policiers est plus porté à se tourner vers eux que celui à qui les questions de sécurité importent peu ; les dépôts de plainte croissent si l’on désire faire punir l’agresseur.
63 Ces différents déterminants sont, en quelque sorte, extérieurs à la qualité de la réponse des institutions pénales aux requêtes des citoyens. Les observateurs s’étonnent souvent qu’interrogés sur leur appréciation de la police, les enquêtés donnent des scores étonnamment positifs au regard du faible taux de résolution des affaires. D’abord, il ne faut pas s’illusionner sur la signification de cette « cote d’amour » globale envers la police : l’European Social Survey fait apparaître que la France est un des pays d’Europe où les enquêtés jugent le plus sévèrement la manière dont la police traite les citoyens (fairness) [35]. À partir des European Values Surveys, Dompnier (2011) montre que l’appréciation de la police, comme celle de l’armée, concerne leur qualité d’institutions d’ordre… mais cette rhétorique sécuritaire ne contribue pas nécessairement à créer de la confiance envers leur action (comparer Foessel, 2010, notamment 25). Par ailleurs, si la plupart des gens n’ont avec la police que des rapports occasionnels et assez superficiels (comparer Gorgeon, 1994), le tableau change quand le regard se concentre sur une classe d’âge en butte à une attention policière soutenue : à partir d’une enquête dans les établissements secondaires de Lyon et Grenoble, Roché et al. (2013) ont montré la faible confiance des adolescents envers cette institution.
64 Dans une optique purement fonctionnelle, le renvoi aurait dû s’effondrer avec le faible traitement de la délinquance à victime directe et la priorité ostensible accordée à la délinquance sans victime directe. Si nous n’avons pas assisté pour le moment à ce type d’évolution, c’est parce que ses déterminants se situent souvent en dehors même du fonctionnement des institutions pénales.
Annexe 1 : Renvois, régressions logistiques, odd ratios
Renvois ; régressions logistiques (odd ratios), victimations individuelles
Vol | Agression | Agression sexuelle | Violence intra-familiale | ||||
papiers identité argent, montre, bijou… | 19,2*** |
itt > 8 jours injures menaces | 12,1*** |
itt > 8 jours injures menaces | 37,7*** |
itt > 8 jours injures menaces | 5,5*** |
carte crédit, chéquier argent, montre, bijou | 9,3*** |
dommage important aucun dommage | 3,5*** |
quartier équipé transports publics nsp quartier mal équipé transports publics | 27,7** |
Petite Couronne Paris | 2,3*** |
sac, bagage argent, montre, bijou | 8,3*** |
avec vol sans vol | 3,3*** |
blessures injures menaces | 2,4* |
arme, couteau, chien pas d’arme | 2,3*** |
téléphone portable, ordinateur argent, montre, bijou | 5,2*** |
blessures injures menaces | 2,8*** |
dans quartier hors quartier | 2,4*** |
blessures injures menaces | 1,9** |
autre objet argent, montre, bijou | 3,9*** |
dommage modéré aucun dommage | 1,9*** |
état ne respecte pas propriété état respecte propriété | 2,0** |
femme homme | 1,8** |
dommage important pas de dommage | 2,3*** |
arme, chien ni arme ni chien | 1,7*** |
conséquences durables santé pas conséquences santé | 1,7* |
autre victime dommage physique pas autre victime dommage physique | 1,6* |
vêtements argent, montre, bijou | 2,1* |
dans logement dans la rue | 1,6*** |
Gde Couronne Paris | 1,6* | ||
Gde Couronne Paris | 1,4** |
revenus nsp renvenus < 2300 | 1,5** |
conséquences durables santé pas conséquence santé | 1,5* | ||
quartier bien équipé administrat quartier mal équipé administrations | 1,3* |
participation régulière association quartier pas participation association quartier | 1,5* |
cause délinquance : perte moralité cause délinquance : trop d’étrangers | 0,4** | ||
dommage assuré dommage non assuré | 1,3* |
Gde Couronne Paris | 1,4*** | ||||
vol unique plusieurs vols | 1,3* |
agresseurs > 1 1 seul agresseur | 1,4*** | ||||
femme homme | 1,2* |
participation occas. association quartier pas participation association quartier | 1,4* | ||||
entraide voisins pas entraide voisins | 0,8* |
agression « autre » injures menaces | 1,4** | ||||
35-44 ans 25-34 ans | 0,8* |
quartier bien équipé en transp publ quartier mal équipé transports publics | 1,3* | ||||
participation régulière association sportive pas participation association sportive | 0,8** |
agression unique plusieurs agressions | 1,3*** | ||||
lieu distraction, commerce rue, parc… | 0,7** |
conséquences durables santé pas conséquence santé | 1,3* |
Vol | Agression | Agression sexuelle | Violence intra-familiale | ||||
transport commun, gare rue | 0,7** |
coups injures menaces | 1,3* | ||||
niveau éducation lycée niveau éducation supérieure | 0,7*** |
femme homme | 1,3** | ||||
lieu travail/études hors lieu travail/études | 0,7*** |
à l’école, à l’université rue | 0,8* | ||||
15-24 25-34 | 0,7** |
tentative vol sans vol | 0,8** | ||||
niveau éducation collège niveau éducation supérieure | 0,6*** |
peur pour enfants à l’école pas peur | 0,8* | ||||
objet non récupéré objet récupéré | 0,5*** |
pas d’enfants pas peur enfant école | 0,7** | ||||
hors quartier dans quartier | 0,7*** | ||||||
maintien allocations familiales suppression allocations | 0,7*** | ||||||
transport public, gare rue | 0,6*** | ||||||
15-24 ans 75 et + | 0,6* | ||||||
hors exercice métier pendant exercice métier | 0,4*** | ||||||
c = 0,77 | c = 0,83 | c = 0,79 | c = 0,74 |
Renvois ; régressions logistiques (odd ratios), victimations individuelles
Cambriolage | Vol de voiture | Vol dans et sur véhicule | Dégradation-destruction de véhicule | Vol de deux-roues | |||||
dommage important pas de dommage | 5,2*** |
vol réalisé tentative seulement | 6,9*** |
dommage important pas de dommage | 5,6*** |
dommage important pas de dommage | 5,4*** |
2 roues à moteur vélo | 6,6*** |
valeur sentimentale rien volé | 2,8*** |
dommage important pas de dommage | 6,2*** |
vols dans/sur voiture sur 2 roues | 2,2*** |
dommage assuré dommage non assuré | 2,9*** |
vol réalisé tentative seulement | 5,4*** |
assuré non assuré | 2,6** |
assuré non assuré | 3,8*** |
garage fermé rue | 2,2*** |
garage fermé véhicule dans la rue | 2,1*** |
dommage important pas de dommage | 2,9*** |
effraction porte ouverte | 1,8*** |
dommage modéré pas de dommage | 1,9*** |
vol assuré vol non assuré | 2,2*** |
de nuit de jour | 1,5*** |
vol assuré vol non assuré | 2,2*** |
dommage modéré pas de dommage | 1,8*** |
Gde Couronne Paris | 1,6*** |
dommage modéré pas de dommage | 1,7*** |
Gde Couronne Paris | 1,5*** |
Gde Couronne Paris | 1,8*** |
pas valeur sentimentale rien volé | 1,4*** |
particip régul assoc par pas particip assoc parents | 1,5** |
quart équip transp publ NSP quartier mal équip transp pub | 1,5** |
dommage modéré pas de dommage | 1,4*** |
garage fermé rue | 1,7*** |
pas peur pour enf à l’école peur pour enfant à l’école | 1,4** |
part occas assoc propr pas particip assoc propr/loc | 1,4** |
Gde Couronne Paris | 1,3*** |
une seule fois plusieurs fois | 1,3*** |
pas peur domicile peur domicile | 1,3* |
quartier bien équipé écoles quartier mal équipé écoles | 1,3** |
revenus >2300 revenus <2300 | 1,3** |
ménage 2 personnes ménage 5 personnes et + | 1,3** |
part régul assoc propr pas particip assoc propr/loc | 1,3** |
Petite Couronne Paris | 1,3** |
revenus >2300 € revenus <2300 € | 1,3*** |
Petite Couronne Paris | 1,2* |
vol réalisé tentative seulement | 1,3*** |
Petite Couronne Paris | 1,2** |
dommage modéré pas de dommage | 1,3* |
de nuit de jour | 1,2* |
pas dans la rue dans la rue | 1,2*** |
ménage 1 personne ménage 5 personnes et + | 1,3* |
au domicile ailleurs | 1,2** |
part occas assoc propr pas particip assoc propr/loc | 1,3* |
pas vandalisme ds quartier vandalisme ds quartier | 1,2** |
peur pour enfant rue pas peur pour enfant rue | 0,8** |
revenus >2300 € revenus <2300 € | 1,2*** |
présence pol insuff qua présence pol suffisante | 1,2*** |
présence pol insuff quart présence pol suffisante | 1,2** |
quartier sans probl bandes quartier avec probl bandes | 1,2* |
de jour de nuit | 0,7*** |
Petite Couronne Paris | 1,2** |
bien équipé commerce pas bien équipé commerce | 1,1** |
particip régul assoc sport pas participation assoc sport | 1,2* |
cadre retraités | 0,8* |
ouvrier retraité | 0,7** |
particip régul assoc propr pas particip assoc propr/loc | 1,2* |
part occas assoc propr pas particip assoc propr/loc | 0,9* |
développer prévention recruter policiers | 0,8* |
employé retraité | 0,7* |
autre inactif retraité | 0,7** |
pas particip cérémon relig particip cérémonies relig | 1,2** |
peur ds train pas peur | 0,9** |
cadre retraité | 0,7* |
ouvrier retraité | 0,7* |
moment NSP de nuit | 0,5*** |
particip occas assoc propr pas particip assoc propr/loc | 1,2* |
pas vandalisme quartier vandalisme ds quartier | 0,8* |
profess intermédiaires retraité | 0,7** |
intrusion pas très grave réaction désagréable à intrusion | 0,6*** |
PCS NSP retraité | 0,1* |
ménage 3-4 personnes ménage 5 personnes et + | 1,2* |
ne prend pas train pas peur train | 0,8** |
employé retraité | 0,6*** |
intrusion désagréable nsp réaction désagréable à intrusion | 0,6*** |
quartier sans pbl propreté prbl propreté ds quartier | 1,1* |
pas d’enfant pas peur pour enfant ailleur | 0,8*** |
aider les victimes recruter policiers | 0,5*** |
Cambriolage | Vol de voiture | Vol dans et sur véhicule | Dégradation-destruction de véhicule | Vol de deux-roues | |||||
autre inactif retraité | 0,6*** |
quart bien équip commer quart mal équipé en commer | 1,1* |
profession interméd retraités | 0,8** |
nsp quart équipé transp pu quart mal équipé transp publ | 0,5* | ||
moment inconnu de jour | 0,5*** |
cause délinq : chômage cause délinq : justice laxiste | 0,9* |
Employé Retraité | 0,7*** |
moment NSP de nuit | 0,5*** | ||
annexe logement principal | 0,4*** |
pas d’enfant pas peur pour enfant ds la rue | 0,8* |
autre inactif retraité | 0,7** |
autre inactif retraité | 0,5*** | ||
agriculteur retraité | 0,3* |
peur pour enfant ds la rue pas peur pour enfant ds la rue | 0,8* |
art, commerç, chef entre retraités | 0,7** |
art. commerç, chef entrepri retraité | 0,5*** | ||
profession intermédiaire retraité | 0,8** |
ouvrier retraité | 0,7*** |
ouvrier retraité | 0,4*** | ||||
cadre retraité | 0,8** |
cadre retraité | 0,7*** | ||||||
employé retraité | 0,7*** |
2 roues voiture | 0,5** | ||||||
autre inactif retraité | 0,7*** |
moment NSP de jour | 0,5** | ||||||
ouvrier retraité | 0,7*** | ||||||||
moment NSP de nuit | 0,4*** | ||||||||
c = 0,79 | c = 0,79 | c = 0,71 | c = 0,73 | c = 0,78 |
(suite) : Renvois ; régressions logistiques (odd ratios), victimations de ménage
Les italiques signalent la modalité de la variable qui a servi de référence.Seules figurent dans le tableau les variables statistiquement significatives.
Différence de probabilité significative au seuil de 5 % (*), 1 % (**), 0,1 % (***).
Note de lecture : une victime a 5,2 fois plus de chance de renvoyer un cambriolage si celui-ci a causé un dommage qu’elle juge important que s’il n’y a pas eu de dommage ; inversement, si elle ne sait pas quand le cambriolage a eu lieu, elle renverra moitié moins que si le cambriolage a eu lieu la nuit.
Annexe 2 : Plaintes, régressions logistiques, odd ratios
Plaintes ; régressions logistiques (odd ratios), victimations individuelles
Vol | Agression | Agression sexuelle | Violence intra-familiale | ||||
déclaration de sinistre pas de déclaration | 2,6*** |
déclaration de sinistre pas de déclaration | 5,2*** |
maintien des allocations familiales suppression des allocations familiales | 0,3* |
recruter des policiers construire des prisons | 8,9* |
dommage important pas de dommage | 1,4* |
motif renvoi : punir l’agresseur « il faut le faire » | 2,4*** |
agresseur connu agresseur inconnu | 0,3* |
ITT > 8 jours injures menaces | 8,5*** |
quartier sans problème de bande quartier avec problème de bande | 1,3* |
motif renvoi : obtenir secours « il faut le faire » | 0,5* |
autre victime de dommage physique personne d’autre subi dommage phys. | 3,8* | ||
pas peur dans métro peur dans métro | 0,7** |
autre motif du renvoi « il faut le faire » | 0,5* |
blessures injures menaces | 3,5** | ||
dans transports publics dans la rue | 0,7* |
état ne respecte pas propriété état respecte propriété | 2,1* | ||||
priorité gouv autre que délinquance priorité gouv délinquance | 0,7** | ||||||
ne prend pas métro peur métro | 0,6* | ||||||
vêtement argent | 0,3* | ||||||
NSP si propriétaire ou locataire propriétaire | 0,1** | ||||||
c = 0,69 | c = 0,70 | c = 0,79 | c = 0,77 |
Plaintes ; régressions logistiques (odd ratios), victimations individuelles
Cambriolage | Vol de voiture | Vol dans et sur véhicule | Dégradation-destruction de véhicule | Vol de deux-roues | |||||
déclaration sinistre non déclaration | 4,6*** |
motif : punir récupérer bien volé | 3,5*** |
déclaration sinistre non déclaration | 2,4*** |
déclaration de sinistre non déclaration | 4,3*** |
déclaration de sinistre non déclaration | 4,1*** |
prise fausse identité porte ouverte | 3,9* |
déclaration sinistre non déclaration | 2,6*** |
dommage important aucun dommage | 2,2*** |
dommage important aucun dommage | 1,6* | ||
dommage important aucun dommage | 2,0** |
vol réussi tentative seulement | 2,2*** |
vol réalisé tentative seulement | 1,3* |
garage fermé rue | 1,5* | ||
cambriolage réussi tentative seulement | 1,9*** |
il fallait le faire récupérer biens volés | 2,1** |
quartier propre quartier sale | 0,8* |
moment NSP de nuit | 0,6* | ||
revenus NSP ou refus revenus < 2300 € | 1,9* |
dommage important aucun dommage | 2,0*** |
réside dans maison réside dans appartement | 0,7* | ||||
revenus > 2300 € revenus < 2300 € | 1,7** |
motif : déclarer sinistre récupérer bien volé | 1,7* |
habite quartier gr ensemb habite quartier pavillonnaire | 0,6** | ||||
police traite victime mieux
que délinquant police traite pas victime mieux que délinquant | 1,5** |
pas dans la rue dans la rue | 1,3* |
habite autre habite appartement | 0,5** | ||||
pas peur enfants école peur | 0,5** |
NSP si propiétaire ou locataire propriétaire | 0,2* |
motif : empêcher réitération récupérer bien volé | 0,4*** | ||||
participe régulièrement association pol., prof. ou relig. pas de participation association pol. prof. ou relig. | 0,5** | ||||||||
pas peur tram peur tram | 0,5* | ||||||||
autre motif de plainte récupérer biens volés | 0,3** | ||||||||
c = 0,81 | c = 0,75 | c = 0,71 | c = 0,65 | c = 0,73 |
Annexe 3 : Arbres de décision
Arbre de décision de renvoi pour les cambriolages
Arbre de décision de renvoi pour les cambriolages
Note de lecture : de la racine de l’arbre (3168 cambriolés qui ont été 75 % à renvoyer) partent des branches qui se subdivisent en fonction des variables qui interviennent dans la décision de renvoi. Chaque case décrit le nombre de cas restants et le pourcentage de renvoyants dans cette population. Une case blanche indique que la variable ne sera plus segmentée, une case grisée qu’elle continuera à l’être en fonction d’autres variables.Bibliographie
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Notes
-
[1]
Nous traitons dans cet article des ménages et des individus, pas des entreprises ou des organisations. Lorsque celles-ci se considèrent comme victimes d’infractions pénales, leurs décisions de renvoi peuvent obéir à d’autres considérations que celles gouvernant le renvoi par des particuliers.
-
[2]
Les enquêtes que nous utilisons demandent au répondant s’il a trouvé la police déjà informée de la victimation et les très faibles pourcentages de réponses positives (entre 3 et 5 % pour les agressions, entre 1 et 2 % pour les vols personnels sans violence, entre 5 et 6 % pour les cambriolages, entre 2 et 5 % pour les atteintes aux véhicules ; Bon et al., 2011, 71, 105, 123, 154) confirment la prééminence de la victime comme source de l’information de la police pour la délinquance à victime directe.
-
[3]
Au contraire, quand la victime du XIXe siècle rencontrait un juge, c’est à un notable qu’elle s’adressait, habile à déchiffrer les enchevêtrements locaux des affaires dont on le saisissait.
-
[4]
L’étatisation policière sous Vichy a fait de la police une institution à faible assise locale (Monjardet, 1996). Quoique centralisée, la gendarmerie était assez bien parvenue à conserver une bonne insertion locale, mais l’érosion de ses taux d’élucidation suggère qu’elle a perdu cette vertu (Mucchielli, 2007). La recréation des polices municipales concerne peu la fonction de police judiciaire ; en outre, les maires parviennent rarement à résister à la fascination de leurs employés pour le modèle de la Police nationale (Malochet, 2011) ; du coup, ces policiers municipaux miment les travers de leur modèle au lieu de les compenser.
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[5]
Les atteintes aux personnes sont mieux élucidées que celles contre les biens dans la mesure où la victime peut plus souvent contribuer à l’identification du suspect, toutefois ce n’est pas vrai pour les vols violents qui constituent, dans les enquêtes que nous utilisons ici, plus de la moitié de ces agressions.
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[6]
C’est ce que semblent démontrer les rapports des inspections générales (Rouzeau et al., 2013 et – pour la préfecture de police de Paris – Gagneron et al., 2014) sur l’enregistrement des plaintes par les forces de sécurité intérieure (cpr pro Impini, 2013). Au contraire, étudiant la situation américaine, Baumer et Lauritsen (2010) pensent que le développement de formules de police communautaire y a généré un appel d’air en faveur des victimes. Mais justement l’histoire policière française depuis 2002 se caractérise par un refus forcené de toute modalité de police communautaire (p. ex. Mouhanna, 2011 ; Roché, 2012).
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[7]
Black soutenait que la quantité de droit dépendait de paramètres de la vie sociale (stratification, morphologie, culture, organisation et contrôle social). Il en tirait différentes supputations théoriques sur le renvoi à la police en cas de victimation (le renvoi représente pour lui une quantité de droit supérieure à l’absence d’une telle démarche).
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[8]
Selon que l’incapacité de travail dépasse ou non huit jours, l’infraction est considérée comme un délit (et enregistré dans la statistique de police) ou une contravention (qui en est exclue).
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[9]
Pour se borner à des recherches récentes, Robert et al., 2010 ; Tarling, Morris, 2010 ; Carrasco et al., 2011 ; Sheu, Chiu, 2012.
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[10]
Nous remercions l’IAU-IdF et tout particulièrement Sylvie Scherer et Hélène Heurtel, pour la communication des données d’enquête et, plus largement, pour l’excellente collaboration nouée de longue date avec notre équipe.
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[11]
Pour les agressions seulement, on peut relever une certaine tendance à la hausse des taux de renvoi et de dépôt de plainte.
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[12]
Pour les victimations touchant tout le ménage, l’enquêté peut ne pas être le renvoyant. Du coup, la décision de renvoi ne s’explique pas nécessairement en tenant compte de ses caractéristiques personnelles et de ses opinions. On pourrait songer à les remplacer par la catégorie socio-professionnelle de la personne de référence et à ne conserver que les variables caractérisant tout le ménage (ainsi l’ensemble de ses revenus). Mais nous avons pu vérifier que le jeu des déterminants n’est guère modifié si l’on procède ainsi. De surcroît rien ne nous dit que la personne de référence a été le renvoyant. En outre, dans à peu près les deux-tiers des cas, le ménage est composé d’une seule personne qui est, par définition, à la fois l’enquêté et le renvoyant éventuel. Au total, nous avons conservé pour ces victimations de ménage les mêmes variables que pour les victimations individuelles.
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[13]
Alors que ces deux victimations ont concentré une bonne partie de la littérature étrangère récente sur le renvoi, elles n’ont jamais été incluses dans les recherches françaises : longtemps, on ne disposait pas de cas en nombre suffisant et l’enquête nationale actuelle (cadre de vie et sécurité) les aborde sous une forme qui rend difficile leur inclusion dans une étude sur le renvoi dans les cas de victimation personnelle, comme celle de Carrasco et al. 2011.
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[14]
De manière générale, voir Robert, Zauberman, 2011, 28-36. Voir aussi les rapports des inspections générales sur l’enregistrement des plaintes par les forces de sécurité intérieure (Rouzeau et al., 2013 ; Gagneron et al., 2014). Cpr Impini, 2013, et plus anciennement Matelly, Mouhanna, 2007.
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[15]
Nombre de fois durant la période observée, tentative ou victimation consommée, lieu, heure, objets dérobés, suites matérielles et psychologiques, relations auteur-victime, usage d’armes, degré de violence, importance du dommage.
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[16]
Sexe, âge, taille et revenus du ménage, catégorie socio-professionnelle, scolarité, type et propriété du logement, ancienneté dans le quartier, participation à la vie associative, relations de voisinage.
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[17]
Peurs (au domicile, dans le quartier, pour les enfants, dans les transports en commun) et préoccupation sécuritaire, proximité politique, éducation et pratique religieuse, respect de la propriété par l’État, suppression des allocations familiales pour les délinquants, causes de et remèdes à la délinquance, traitement des victimes par la police, estimation de l’équipement, des problèmes et de la vie du quartier, présence policière, désir de déménager.
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[18]
Déclaration de sinistre, motifs de renvoi, de non-renvoi et de déclaration de sinistre.
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[19]
Compris entre 0 et 1, il indique une bonne qualité de prédiction quand il se rapproche de 1.
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[20]
Mesure statistique de la dispersion d’une distribution dans une population donnée, le coefficient de Gini varie de 0 à 1, 0 signifiant que la population est homogène et 1 qu’elle est hétérogène. Plus l’indice de Gini est proche de 0, plus le nœud est pur.
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[21]
Tout récemment, Sheu et Chiu (2012) ont posé un constat analogue à partir de données taïwanaises.
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[22]
Tarling, Morris (2010) parviennent à la même conclusion à partir de données anglaises.
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[23]
Baumer et Lauritsen (2010) ont déploré que, de manière bien irréaliste, maintes enquêtes ne tiennent pas compte de l’existence d’une possibilité d’indemnisation assurantielle ; d’autres auteurs – comme McDonald (2001) au moins en cas de cambriolage – sont plutôt portés à sous-estimer le poids de l’assurance dans la décision de renvoi à la police.
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[24]
En soumettant des vignettes fictives à un échantillon de 703 néerlandais, Tolsma et al. (2012) ont montré que la variété de procédures disponibles pour informer la police, le temps consommé par cette démarche et l’attitude du policier encouragent le renvoi surtout pour les victimations dont la faible gravité ne militerait pas en faveur de cette démarche.
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[25]
De surcroît – mais les victimes l’ignorent généralement – celui qui vient déclarer sa victimation à la police est désormais fiché et fiché dans un système qui confond facilement victimes et suspects (CNIL, 2009, 2013).
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[26]
Tarling et Morris (2010) ont rappelé que depuis Skogan (1984) et McDonald (2001) on a remarqué qu’une attitude positive envers la police facilite le renvoi. Kääriäinen et Sirèn (2011) ont récemment montré qu’une moindre confiance en la police faisait bien baisser la propension au renvoi chez les enquêtés qui ont en général confiance dans leurs concitoyens, mais pas chez ceux qui ne manifestent pas cette confiance générale. Dans ce dernier cas, supposent-ils, les victimes n’ont pas d’autre recours que la police même s’ils ne débordent pas de confiance à son égard.
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[27]
Sa moindre propension au renvoi a déjà été relevée à partir de données françaises par Carrasco et al., 2011
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[28]
Relevé aussi récemment par Tarling et Morris (2010) à partir de données anglo-galloises ou par Sheu et Chiu (2012) sur des données taïwanaises.
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[29]
La reproduction de chacun des arbres de décision serait fastidieuse ; on se limitera donc à en figurer quelques-uns en annexe à titre d’exemples. Ceux qui ne sont pas reproduits pourront être communiqués sur simple requête adressée aux auteurs.
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[30]
Tarling et Morris (2010) consacrent cependant de longs développements à montrer que les différents services régionaux de police anglo-gallois ne réservaient pas un accueil uniforme aux déclarations des victimes : un rapport (Burrows et al., 2000) a montré que certains les enregistraient à leur valeur faciale, tandis que d’autres conditionnaient l’enregistrement à la vérification de la substance des faits. En 2002, le National Crime Recording Standard a imposé à tous de suivre la première voie, ce qui a entraîné une croissance des statistiques policières qui ne se retrouvait pas dans les résultats des enquêtes de victimation (puisqu’il s’agissait d’un changement de procédure administrative). Comparer Hough, Norris, 2009, 116.
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[31]
C’est le cas Carrasco et al., 2011, probablement parce que, relevant d’un service statistique du ministère de la Justice, ces auteurs s’intéressent aux cas que la police doit transmettre aux tribunaux et non pas à tout ce qui est signalé à cette institution.
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[32]
Même si la victime décide de déposer plainte ailleurs que sur les lieux du méfait, par exemple à son domicile quand elle revient du travail, ou près de son lieu de travail pendant un moment de pause. Voir http://www.defenseurdesdroits.fr/connaitre-son-action/la-deontologie-de-la-securite/actualites/le-point-sur-le-refus-de-plainte/
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[33]
On a pu lui remettre un récépissé d’inscription en main courante qu’il n’a pas su distinguer d’un récépissé de procès-verbal (se méfiant de ce risque, l’enquête nationale cadre de vie et sécurité prévoit de montrer les deux formulaires à l’enquêté afin qu’il puisse préciser lequel des deux il a reçu).
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[34]
Lors de la dernière année couverte par les enquêtes utilisées dans cette étude (2010), le taux d’élucidation pour l’ensemble des vols, cambriolages, dégradations et destructions était de 16,9 %. Certes, il atteignait 69,3 % pour l’ensemble des violences (homicides, coups et blessures et autres atteintes volontaires), mais à condition d’exclure les vols violents dont le taux d’élucidation était de 14,7 % (État 4001, annuel, ministère de l’Intérieur, Direction centrale de la police judiciaire – DCPJ).
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[35]
La recherche de Jackson et al. (2011, 6) fait partie d’un programme européen de recherche Trust in Justice inspiré des travaux de Tyler (2006, 2009, 2010) : c’est en se conduisant correctement à leur égard plutôt qu’en faisant étalage de leur force que les institutions gagnent le respect de leurs administrés et les inclinent à se conformer aux règles.