Notes
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[1]
Cet article développe ma conférence inaugurale au colloque international « Justiça, Política e Sociedade », Universidade federal de São Carlos (UFSCar, São Paulo, Brésil, 21-23 octobre 2014). Je remercie J. Sinhoretto de m’avoir donné l’occasion de synthétiser mes idées sur cette question et E. Blanchard, J. Gauthier, F. Jobard, J. de Maillard, Ph. Robert et R. Zauberman de leur lecture critique des versions antérieures de ce texte, ainsi que B. Leconte pour son aide dans la mise en état de ce dernier. Je remercie également les lecteurs anonymes de la revue Déviance et Société pour leurs remarques judicieuses. Toutes les citations traduites de l’anglais l’ont été par moi-même.
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[2]
Ces résultats sont fondés surfondé sur l’exploitation des quatre premières vagues de l’European Social Survey (2002-2008).
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[3]
Pour une revue de la littérature, voir Skogan, Frydl, 2004, ch.8.
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[4]
Ce courant participe lui-même d’un ensemble plus vaste de « théories de l’obéissance » (compliance theories) ; à ce sujet voir Hough, 2012 ; Crawford, Hucklesby, 2013 ; Hough et al., 2014).
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[5]
Certains auteurs distinguent trust et confidence : selon Stanko et al. (2012, 321-322), confidence correspondrait à un jugement d’ensemble sur la fonction policière, tandis que trust correspondrait à un jugement concret sur l’aptitude de la police à remplir ses missions dans un contexte donné.
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[6]
Pour un test australien de cette hypothèse : Bradford et al., 2014. Pour une discussion du rôle de la police dans la consolidation de la démocratie, Loader, 2006.
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[7]
Une expérience auprès de conducteurs montre que la confiance dans la police s’est sensiblement accrue chez ceux qui ont fait l’objet d’un contrôle d’alcoolémie selon un protocole inspiré par la théorie de la justice procédurale, contrairement à ceux qui ont fait l’objet d’un contrôle selon les méthodes habituelles, mais que cette expérience positive n’avait pas d’effet sur leur propension à obéir à ou à coopérer avec la police (Murphy et al., 2014).
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[8]
Hough (2012) montre ainsi que, dans le cas britannique, si la croyance des individus dans l’efficacité de la police est bonne prédictrice de leur perception du risque de sanction, cette dernière prédit mal l’obéissance à la loi, ce qui tend à démontrer que la dissuasion n’est pas opérante. Cette recherche a permis d’établir que la confiance dans – et la légitimité de – la police sont très fortement corrélées, cette dernière étant à son tour bonne prédictrice de l’obéissance à la loi, alors que l’absence de confiance conduit à une forme de cynisme qui ne favorise pas celle-ci. Les mêmes facteurs déterminent le degré de coopération avec la police. Ces résultats ne sont pas forcément généralisables : une enquête australienne montre que certains groupes minoritaires attachent au contraire davantage d’importance à l’efficacité policière qu’à la manière de faire de la police (Sargeant et al., 2014).
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[9]
9 Voir par exemple : Mouhanna, 2011 ; Fassin, 2011 ; Boucher et al., 2013 ; pour les années 1980-1990, voir Gorgeon, 1994.
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[10]
10 Compte tenu de l’espace limité dont nous disposons, il est impossible de développer une comparaison trait pour trait de la situation française par rapport à l’ensemble des autres pays considérés dans les enquêtes internationales. On trouvera dans les comptes rendus détaillés de celles-ci, auxquels nous nous référons, les données permettant de situer l’ensemble des pays étudiés les uns par rapport aux autres.
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[11]
11 L’échantillon total comportait 51 000 personnes, voir Hough et al. (2014). Les pays étudiés sont : Allemagne, Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Israël, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Royaume-Uni, Russie, Slovénie, Slovaquie, Suède, Suisse, Tchéquie, Ukraine (tous les pays ne sont pas représentés pour tous les items).
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[12]
12 Mais 72 % estiment que les polices traitent « généralement les gens de manière respectueuse » tandis que seulement 16 % des répondants ont eu une expérience directe ou par proche interposé d’une attitude policière « irrespectueuse ».
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[13]
13 Fondée sur une méthodologie complexe d’échantillonnage dans les différents pays et auprès des différents groupes visés, l’enquête a donné lieu à 23 500 entretiens avec des personnes issues de l’immigration ou appartenant à des minorités nationales ou ethniques des 27 États membres, ainsi qu’avec 5000 personnes issues de la population majoritaire des mêmes secteurs géographiques (mais seulement dans 10 pays, dont la France). Les minorités prises en compte varient selon la situation de chacun des pays, de même que les zones géographiques ciblées (en général les grands centres urbains à forte concentration de populations minoritaires). La comparaison n’est donc pas toujours possible terme à terme, pour un même groupe minoritaire. En ce qui concerne la France, l’enquête a ciblé trois zones (région parisienne, Lyon, Marseille) et deux groupes, les Maghrébins (534 personnes) et les originaires d’Afrique subsaharienne (466 personnes), ainsi qu’un échantillon de 503 personnes appartenant au groupe majoritaire (on notera qu’à l’époque de l’enquête, la question des Roms n’était pas jugée suffisamment problématique pour justifier un échantillon spécifique en France, contrairement à d’autres pays). Dans cette enquête, l’identification de l’origine repose sur une auto-identification par les intéressés. (FRA, 2009a). Les rapports sont accessibles sur : [http://fra.europa.eu/en/project/2011/eu-midis-european-union-minorities-and-discrimination-survey?tab=publications].
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[14]
Selon FRA (2010a, 78, fig. 2.38), 24 % des Subsahariens et 18 % des Nord-africains estiment que la dernière fois qu’ils ont été contrôlés par la police, c’était sur la base d’un profilage racial ; cette proportion peut paraître assez faible, mais elle classe la France respectivement aux 3e et 6e rangs les plus élevés dans l’Union européenne. Selon le Focus Report Muslims (FRA, 2009b, 13, fig. 15), 66 % des musulmans Subsahariens et 44 % des Nord-africains attribuent les contrôle d’identité au profilage ethnique (le classement est le même que précédemment). Ces taux supérieurs s’expliquent par le fait que ni la référence temporelle (le plus récent contrôle dans un cas, l’ensemble des contrôles dans l’autre), ni la référence ethnique (toutes religions confondues vs musulmans) ne sont les mêmes.
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[15]
Selon FRA (2010a) 78, fig. 2.39 (respectivement 3e et 6e rangs dans l’UE) ; 252, fig. 4.6 et 253, fig. 4.7
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[16]
Pour la période récente, j’ai examiné un certain nombre de sondages nationaux et d’enquêtes scientifiques : Sondage « Le contrôle d’identité » (Opinion Way/Graines de France/Human Rights Watch, avril 2014, inédit) ; Baromètre des services publics (BVA/institut Paul Delouvrier), vague 15, janvier 2014 [http://www.bva.fr/fr/sondages/barometre_des_services_publics/] ; sondage « La confiance des Français dans les acteurs de la société » (Harris Interactive/ Marianne, avril 2013 [http://www.harrisinteractive.fr/news/2013/27052013.asp] ; Baromètre de l’Observatoire de la confiance de la Poste « 30 ans de confiance en France » (TNS SOFRES/La Poste, janvier 2013, [http://www.tnssofres.com/etudes-et-points-de-vue/observatoire-de-la-confiance-de-la-poste-janvier-2013] ; sondage « Les Français et leur police » (IFOP/Sud-Ouest Dimanche, juin 2012, [http://www.ifocom/?option=com_publication&type=poll&id=1926] ; sondage « Les Français et leur police » (CSA/Siné Hebdo, décembre 2009) ; [http://www.csa.eu/multimedia/data/sondages/data2009/opi20091230-les-francais-et-la-police.pdf] ; enquête SciencePo/CEVIPOF « Baromètre de la confiance politique, vague 6 bis 2015 », http://www.cevipof.com/fr/le-barometre-de-la-confiance-politique-du-cevipof/ (Tous ces sondages ont été consultés le 15 septembre 2014, mis à part l’enquête du CEVIPOF, consultée en juillet 2015). Ce type de sondage est généralement effectué sur un millier de personnes (France entière), selon la méthode des quotas et l’intervalle de confiance estimé varie entre 1,4 et 3,1 % selon le résultat obtenu (sondage IFOP, 2012) ; la méthodologie du sondage Opinion Way (2014) est plus complexe (échantillon de 2273 personnes en population générale et suréchantillon de 594 personnes ayant fait l’objet d’un contrôle d’identité) ; l’enquête CEVIPOF, réitérée chaque année depuis 2009 et réalisée par OpinionWay, porte sur 1803 personnes (elle annonce une « marge d’incertitude » de 1 à 2 points).. L’enquête WVS repose sur un échantillon stratifié de 1001 répondants. Les résultats des sondages sont assez contradictoires, ce qui tient probablement à l’hétérogénéité méthodologique de ce corpus. Ceux qui interrogent sur la « confiance » recueillent généralement une majorité de réponses positives (OpinionWay : 78 % ; TNS Sofres : 59 % ; Harris : 71 %, mais IFOP seulement 44 %) ; il en va de même lorsque l’on interroge sur la « bonne opinion » (BVA : 61 %), la « satisfaction » (BVA : 83 %) ou « l’efficacité » (CSA : 57 % ; IFOP : 50 %). Toutefois, lorsqu’une comparaison dans le temps est présentée, la tendance est plutôt à la baisse (TNS Sofres, IFOP ; BVA), sauf, dans un sondage, pour la « satisfaction » (BVA). La « confiance » (confidence) est également dominante (71 %) dans le World Values Survey (WVS, Wave 5 (2005-2008), 2006 pour l’échantillon français (échantillon stratifié (N=1001, [http://www.worldvaluessurvey.org/WVSOnline.jsp]). L’enquête CEVIPOF se distingue néanmoins par une légère tendance à la hausse de la confiance dans la police, à raison d’à peu près 1 % par an (63 % en décembre 2009 ; 69 % en décembre 2014) ; toutefois, une réplication du sondage suite aux attentats parisiens de janvier 2015 montre une hausse soudaine de la confiance dans la police à 80 % (+11 % entre décembre 2014 et février 2015), dont il sera intéressant de vérifier la durabilité.
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[17]
Les enquêtes de victimation corroborent ce point en montrant que les jeunes ont une évaluation plus négative de l’efficacité policière (Rizk, 2011).
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[18]
Il s’agit d’enquêtes procédant par attribution de traits positifs ou négatifs, à partir d’une liste d’adjectifs. Si les qualificatifs varient entre 1986 et 2010, la tonalité massivement négative subsiste.
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[19]
Il s’agit jeunes âgés de 11 à 22 ans, scolarisés dans les agglomérations de Grenoble et Lyon en 2010-2012. Tous les scores de la gendarmerie sont supérieurs à ceux de la police, mais les tendances sont les mêmes, différence qui peut s’expliquer par une distance plus grande des enquêtés, puisque la gendarmerie intervient peu en zone urbaine.
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[20]
Réalisée sous l’égide de l’Institut National d’Études Démographiques et de l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques, cette enquête « vise à décrire et analyser les conditions de vie et les trajectoires sociales des individus en fonction de leurs origines sociales et de leur lien à la migration. (…) [Elle] a été réalisée auprès d’environ 22 000 personnes nées entre 1948 et 1990, vivant dans un ménage ordinaire en France métropolitaine en 2008 » (Beauchemin et al., 2010). La grande taille de l’échantillon confère une solidité particulière aux résultats de cette enquête. Outre la police, les autres institutions étudiées sont l’école, les services d’aide à l’emploi et la justice ; l’enquête ne distingue pas entre les différents services de police, mais il s’agit d’une première exploitation qui ne prend en compte que la variable « origine ». L’analyse présentée ici se fonde sur les histogrammes présentés aux fig. 1 et 2 (Tiberj, Simon, 2010, 110-111), et correspond à des ordres de grandeur, les taux précis n’étant pas indiqués.
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[21]
Comme dans le cas de Roché et Astor (2013) précité, cette défiance ne touche pas la gendarmerie, ce qui peut s’expliquer par le caractère principalement urbain des populations minoritaires.
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[22]
On trouve une situation similaire aux États-Unis (Skogan, Frydl, 2004, 300-301 ; Wu, 2013 ; Barrick, 2014), au Royaume-Uni (Reiner, 2010, 94-95) en Belgique (Van Craen, 2013, Van Craen, Skogan, 2015) ou en Australie (Murphy, Cherney, 2011).
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[23]
Ce résultat repose sur les réponses à la question suivante : « To what extent is it your duty to do what the police tell you even if you don’t understand or agree with the reasons ? » (échelle à 11 niveaux allant de « not at all » à « completely » (je n’ai pas réussi à localiser la version française du questionnaire).
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[24]
Une enquête belge, également fondée sur les données ESS conclut à un effet positif mais modéré de la justice procédurale perçue sur la propension à obéir à la police et à coopérer avec elle (Van Damme, 2013, 2015). Sur ce thème, mais dans une perspective qualitative, voir Boucher et al. (2013) et Mohammed (2014).
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[25]
Les faits en cause concernent massivement les vols et dégradations de véhicules et moins fréquemment les agressions (sauf en région parisienne), les vols et les cambriolages (Robert et al., 2010, 199-200).
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[26]
Calculés sur les infractions mentionnées par les victimes dans les enquêtes relatives à 2010-2011, le taux d’élucidation des vols de voiture est de 4,8 % (ce qui ne tient pas compte des véhicules retrouvés) et de 3,8 % pour les vols dans les véhicules ; rapportés aux seules infractions enregistrées, les taux sont respectivement de 11 % et 8 %. Merci à R. Zauberman pour ces données.
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[27]
Basée sur l’« Enquête permanente sur les conditions de vie des ménages » (EPCV) de l’INSEE, administrée en 2001 et portant sur un échantillon représentatif de 11919 personnes. Au Royaume-Uni, selon le BCS 2008-2010, 71 % de la population n’avait eu aucun contact direct avec la police au cours des 12 mois précédents (Stanko et al., 2012, 324).
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[28]
Le sondage Opinion Way/Graines de France (2014) donne des résultats assez différents : une majorité de répondants (55 %) n’ont eu aucun contact avec la police au cours des 12 mois précédant l’enquête, mais les différences concernant les jeunes (et les personnes d’ascendance étrangère) ne sont pas aussi marquées. Néanmoins, les différences dans les protocoles d’enquête et les tailles d’échantillon rendent la comparaison incertaine.
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[29]
Voir Jobard et al., 2012, 426, pour l’analyse des recherches nord-américaines et britanniques sur les contrôles d’identité. Sur le ciblage policier des usual suspects, c’est-à-dire des jeunes ayant des antécédents policiers ou ayant des fréquentations qui en ont (policing by association), principalement les Noirs, au Royaume-Uni, voir Medina Ariza (2013).
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[30]
L’enquête ESCAPAD de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT) est effectuée périodiquement à l’occasion de la Journée Défense et Citoyenneté et porte sur un échantillon représentatif d’environ 50 000 jeunes (garçons et filles de 17-18 ans, nationalité française, métropole et DOM-TOM) ; voir Legleye et al., 2009. En 2008, le questionnaire comportait pour la première fois une question sur l’occurrence et la fréquence des contrôles d’identité, au cours des 12 mois précédents ; elle a été reprise en 2011, mais uniquement pour Paris (1609 cas). Les résultats présentés ici résultent des analyses inédites des données 2008 et 2011, réalisées respectivement par S. Névanen et S. Peaucellier (Cesdip).
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[31]
L’enquête FRA (2010a, 151, tabl. 3.3.6) indique que globalement (sans distinction de pays), les contrôles touchent davantage les 16-39 ans parmi les Nord-africains ; parmi les Subsahariens, les différences d’âge sont sensiblement moins marquées, même si les 16-24 ans restent les plus contrôlés (ibid., 105, tabl. 3.1.7).
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[32]
Dans l’enquête par questionnaire de Jounin et al., (2015), auprès d’un échantillon de 2363 étudiants, ceux-ci ont été catégorisés, selon leur « race » en « Blancs » et « non-Blancs ». L’apport spécifique de cette recherche a consisté à introduire des éléments de style de vie dans l’analyse qui permettent de mieux caractériser la cible policière : détention de cannabis, type de transport utilisé, temps de transport, type de lieu de sortie. Si les Blancs présentent des modes de vie qui les exposent davantage au contrôle d’identité que les non-Blancs, toutes choses égales par ailleurs, c’est-à-dire ici à pratiques équivalentes, les hommes étudiants non-blancs ont une fois et demie plus de chances d’avoir été contrôlés que des hommes étudiants blancs. En revanche, l’écart entre femmes blanches et non-blanches demeure insignifiant (19).
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[33]
Techniquement, on parle ici des « infractions à personnes dépositaires de l’autorité publique » (IPDAP) qui, outre policiers et gendarmes, vise un grand nombre de catégories de fonctionnaires (magistrats, certains agents des impôts, présidents d’université, agents de police municipale, gardes-chasses, etc.), ainsi que la catégorie voisine, elle aussi évolutive et encore plus floue, des personnes chargées « d’une mission de service public » (art. 433-5 et 433-6 Code pénal).
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[34]
Source : ministère de l’Intérieur, DCPJ, état 4001.
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[35]
Selon Loubet del Bayle (2010, 2), le taux de syndicalisation des policiers est de 70 %. Interdits de syndicats en raison de leur statut militaire, les gendarmes viennent d’obtenir le droit de créer des associations corporatives, à la suite de deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme du 2 octobre 2014 [http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/pages/search.aspx?i=002-10126].
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[36]
Sur ces notions, voir Wakefield, Fleming, 2009, 37 et sv. et 245 et sv.
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[37]
Pour une analyse de l’échec, voir Monjardet, 2004 et Roché, 2005.
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[38]
Voir aussi Mothes, 2013. Dans ce domaine, la réticence de l’exécutif est cependant battue en brèche au plan judiciaire : à l’initiative d’un certain nombre d’ONG, appuyées par le Défenseur des droits, cinq hommes s’affirmant victimes de contrôles au faciès répétés ont obtenu la condamnation civile de l’État devant la Cour d’appel de Paris, le 24 juin 2015. Il est trop tôt pour évaluer les conséquences de ce jugement sur les pratiques policières (Le Monde, 25 juin 2015 d’autant que ce jugement fait l’objet d’un recours en cassation).
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[39]
La nouvelle mesure résulte d’un arrêté du 24 décembre 2013 (JO, 27 décembre 2013, INTC1327617A).
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[40]
Voir par exemple L’Express, 2 janvier 2014 : « Le retour du matricule des policiers, la fausse bonne idée de 2014 ? »[http://www.lexpress.fr/actualite/societe/le-retour-du-matricule-des-policiers-la-fausse-bonne-idee-de-2014_1310887.html], consulté le 3 octobre 2014) ; Libération, 7 janvier 2014 : « Valls : ça va barder pour les policiers sans matricule » [http://www.liberation.fr/societe/2014/01/07/valls-ca-va-barder-pour-les-policiers-sans-matricule_971145], consulté le 3 octobre 2014). Il est symptomatique qu’un syndicaliste puisse à la fois s’opposer au port du numéro sur l’uniforme et en réclamer l’usage, « par mesure de sécurité et de confidentialité (…) en lieu et place de notre nom sur les PV de procédure » (http://www.unitesgppolice.com/est-54-les-bleus-%C3%A0%C2%A0-rio, consulté le 20 juillet 2015). Par ailleurs, aucune évaluation de l’effectivité de cette mesure n’a été rendue publique.
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[41]
Il est vraisemblable qu’avant leur absorption dans une institution à caractère national, les polices urbaines pratiquaient plutôt le watchman style, en partie inspiré du bobby londonien. Pour Paris, voir Deluermoz, 2012 ; Blanchard, 2010 ; Chevandier, 2012, 179 et sv..
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[42]
Dans cette perspective, une comparaison avec l’Allemagne, où domine au contraire le watchman style de Wilson – qui met l’accent sur une application souple de la loi, l’ajustement au contexte, le maintien de la paix publique et les capacités communicationnelles des agents – est particulièrement éclairante. Les travaux comparatifs existants montrent que comparés à leurs homologues allemands, les policiers français manifestent un fort sentiment d’insécurité vis-à-vis du public et sont particulièrement soucieux de se faire respecter. Voir Maillard et al., 2014 ; je remercie les auteurs d’avoir bien voulu me communiquer ce texte inédit ; Lukas et Gauthier (2011) ainsi que Gauthier (2015) analysent les raisons de la moindre utilisation du contrôle d’identité en Allemagne. On peut, du reste observer qu’aussi bien dans l’enquête ESS que dans l’enquête EU-midis, l’Allemagne est toujours nettement mieux classée que la France quel que soit l’indicateur. Voir aussi Reuband, 2012.
Introduction
1 Dans son Dictionnaire des idées reçues, rédigé au milieu du XIXe siècle, Flaubert donnait de la police la définition suivante : a toujours tort. Il soulignait avec humour le fait que la police est systématiquement et toujours accusée de tout et de son contraire : omniprésente, menaçante, toujours en retard, inefficace, usant de méthodes et disposant de moyens inquiétants…
2 Parce qu’elle est en France un symbole fort de l’État et, partout un attribut essentiel du pouvoir politique, l’organe d’application de la loi et le rempart de l’ordre, la police est souvent confondue avec le pouvoir quand bien même les policiers sont des citoyens, des électeurs, voire des travailleurs syndiqués… De leur côté, les policiers, amenés à plonger dans les arrière-cuisines de la société, les tréfonds de la perversion humaine, côtoyant quotidiennement le mal, le crime, le mensonge se perçoivent souvent comme les « éboueurs » de la société, vision omniprésente dans les témoignages (Desforges, 2007 ; 2010 – par exemple). Le sempiternel « malaise des policiers » exprime cette situation équivoque, persuadés qu’ils sont de jouer un rôle social indispensable de rempart contre le mal au bénéfice de gens qui les méprisent tout en leur assignant le « sale boulot » (Hugues 1981, 42-55). D’où, chez eux, une vision noire, un pessimisme, un cynisme souvent, qui se traduisent par un surcroît de méfiance à l’égard de leurs concitoyens.
3 C’est ce que montre une enquête européenne qui a étudié la relation entre la confiance des citoyens entre eux et la confiance des policiers dans les non-policiers dans 22 pays. Il en résulte que les deux formes de confiance sont assez étroitement corrélées : plus les citoyens se font confiance, plus les policiers leur font également confiance – quoiqu’ils soient toujours légèrement plus méfiants que leurs concitoyens. Or, la France se trouve dans le bas de l’échelle pour le niveau de confiance entre les citoyens, au 14e rang sur 22, mais surtout, elle présente le taux de méfiance policière le plus élevé de tous [2] (Kääriäinen, Sirén, 2012).
4 Cette situation incite à se pencher sur les relations entre la police et la population en particulier dans le domaine où celles-ci sont les plus nombreuses au quotidien, la police de sécurité publique, celle de la rue. Nous n’aborderons donc pas les autres « métiers » policiers (maintien de l’ordre, renseignement, police criminelle), qui ne soulèvent pas le même type de problèmes. Plus précisément, il s’agit ici de relire un certain nombre de travaux récents sur la police à la lumière d’un courant de recherche aujourd’hui très dynamique dans les pays anglo-saxons mais encore assez peu connu en France, celui dit de la « justice procédurale », inspiré par Tom Tyler (Tyler, 1990), dont il convient, avant d’entrer dans le vif du sujet, de rappeler les principaux éléments.
Efficacité, légalité, légitimité : la théorie de la justice procédurale
5 En sociologie de la police, la question des relations police-population dans un régime démocratique n’est pas nouvelle : depuis l’ouvrage pionnier d’Albert Reiss, The police and the public (1971), qui a démontré qu’une bonne partie de l’activité policière, et par conséquent de l’efficacité de la police, dépend de la nature de ses relations avec le public, cette question a été constamment présente à l’agenda des recherches, notamment à travers les enquêtes de victimation. Elle est aussi à l’origine des politiques publiques visant à une meilleure insertion de la police dans le milieu social – comme la police de proximité et ses divers avatars – qui ont elles-mêmes donné lieu à une profusion d’enquêtes sociologiques. Toutefois, depuis le milieu des années 2000, notamment sous l’influence de Tom Tyler (2004), ces réflexions ont pris un nouveau tour dans le cadre de la théorie de la justice procédurale (procedural justice theory) qui inspire plusieurs des enquêtes que nous allons évoquer dans cet article [3].
6 Cette théorie met l’accent sur l’importance de la légitimité, laquelle se manifeste par la confiance (confidence ou trust) des citoyens dans leurs institutions [4]. De son point de vue, chaque interaction entre le public et la police, les tribunaux et le droit doit être conçue comme une expérience socialisatrice contribuant à consolider ou à miner la légitimité (Tyler, 2011, 257). La légitimité est ici entendue non pas comme la conformité à un ensemble de conditions formelles définissant un régime politique (démocratie, État de droit, etc.) mais de manière subjective, comme condition de l’obéissance volontaire des personnes concernées aux institutions. En ce qui concerne les institutions pénales, et plus particulièrement la police, l’originalité de cette perspective tient à ce qu’elle ne rapporte pas prioritairement cette confiance à la performance policière, à son efficacité, mais aux modes d’opérer de la police (c’est-à-dire les « procédures », d’où le nom de cette théorie) (Tyler, 2004, 89).
7 Sans entrer ici dans des discussions souvent assez complexes, on peut retenir deux aspects de cet ensemble de travaux [5].
- En régime démocratique, la confiance dans la police est fondée sur la conviction que la police et les citoyens partagent un ensemble de valeurs communes et que la police comprend, partage et agit en fonction des préoccupations des gens et que les policiers agissent pour de bonnes raisons (qu’ils interviennent au nom des gens ou soient amenés à limiter voire supprimer leur liberté (Jackson, Bradford, 2010) [6]. Dans cette perspective, la clé de la confiance consiste à agir d’une façon que les citoyens percevront comme juste (Murphy et al., 2014, 407).
- Il existe une très forte « asymétrie », selon le terme de Skogan (2006, 2012), dans les effets respectifs des interactions positives ou négatives : alors qu’on a beaucoup de mal à identifier des « procédures » susceptibles d’améliorer la confiance dans la police – et même dans ce cas, on constate que ces améliorations sont très faibles – tous les travaux convergent pour démontrer le caractère dévastateur des interactions négatives, que cette expérience soit faite directement par les personnes concernées ou bien qu’elles soient indirectes, par le biais de leur entourage (Bradford et al. 2009) [7]. Ce dernier aspect est d’autant plus important qu’en réalité, seule une minorité de personnes entre en relation directe avec la police au cours d’une année donnée (comme on le verra ultérieurement).
9 Cette théorie s’oppose donc assez frontalement aux politiques publiques inspirées par le « nouveau management public » et la « politique du chiffre » – qui mettent essentiellement l’accent sur les résultats quantitatifs – ou inspirées par le « populisme pénal » (Salas, 2005 ; Simon, 2007 ; Mucchielli, 2008), qui reposent moins sur le consentement des personnes que sur l’intimidation et la dissuasion [8].
10 En démocratie, le droit et, en dernier recours, la force sont les deux ressources dont dispose la police dans sa fonction de maintien de l’ordre public et de pacification des conflits. Comme l’a très justement observé Robert Reiner, la limite inhérente à la légitimité de la plupart des interventions policières réside dans le fait qu’elles sont dirigées contre certaines personnes : en tant que dispensateurs d’un mal, les policiers ne peuvent escompter être aimés de tous, tout le temps. Laisser croire que le consentement à la police puisse avoir un caractère universel est une illusion dangereuse. Ce qu’il faut donc éviter, c’est que la désapprobation envers des interventions particulières de police ne se transforme en ressentiment et aboutisse à délégitimer la police elle-même et, par extension, l’État (Reiner, 2010, 34 ; également Loubet del Bayle, 2013).
11 En simplifiant, la légitimité s’opérationnalise donc selon la configuration suivante (Fig.1) : la qualité des interactions entre le public et la police induit une certaine perception de la police, laquelle détermine le degré de confiance dans cette institution, qui elle-même se traduit en un certain degré de consentement à l’autorité (ou d’obéissance à la loi). Le degré de légitimité détermine à son tour la propension des individus à coopérer avec la police.
Les composantes de la légitimité de la police selon la théorie de la justice procédurale
Les composantes de la légitimité de la police selon la théorie de la justice procédurale
12 Les éléments de base de la théorie de la justice procédurale étant rappelés, nous pouvons maintenant présenter, dans une première partie, les données permettant de caractériser la France par rapport aux autres pays européens à la lumière de cette théorie, avant de tenter, dans la deuxième partie, d’apporter un certain nombre d’éléments pour expliquer la situation française.
L’état des relations entre la police et la population en France
13 Depuis une trentaine d’années la sociologie de la police s’est fortement développée en France et on ne manque pas d’enquêtes traitant de la relation entre les polices et le public [9]. Ces enquêtes permettent certes de dresser un diagnostic, mais non de situer le cas français par rapport à d’autres pays comparables. C’est pourquoi, il est utile de mettre leurs résultats en perspective grâce à un certain nombre d’enquêtes internationales récentes, qui permettent d’éclairer les caractères propres au style français de police [10].
14 Dans un premier temps, nous laisserons de côté le premier élément de la fig. 1, auquel nous reviendrons ensuite. Nous présenterons donc successivement les données disponibles au sujet de l’image de la police, de la confiance dans la police, du consentement à l’autorité policière et à la volonté des individus à coopérer avec cette dernière.
L’image de la police : la France mal classée
15 Grâce à diverses enquêtes qualitatives et quantitatives, nous disposons d’éléments de comparaison internationale qui permettent de mieux cerner la situation française.
L’enquête European Social Survey/Trust in Justice
16 La première enquête consiste en une exploitation des données du 5e European Social Survess, réalisé en 2010-2011 dans 28 pays d’Europe, et dans lequel une batterie de questions concernant la confiance dans les institutions pénales ont été introduites pour la première fois. Nous nous en tenons ici aux questions concernant la police, en réservant pour la section suivante les questions faisant explicitement référence à la confiance [11].
17 On peut résumer les résultats de cette enquête de la manière suivante :
- la France se classe 13e sur 20 pour les opinions positives suite à un contact quelconque à l’initiative de la police (Jackson et al., 2011, fig. 1).
- Elle se classe 14e sur 20 pour le jugement sur le caractère juste et impartial des décisions prises par les policiers (Jackson et al., 2011, fig. 2) et au 16e rang sur 26 lorsqu’il s’agit de décisions visant des pauvres (Hough et al., 2014, fig. 14.3, 253).
- Elle est 19e sur 26 en ce qui concerne le respect dont elle ferait preuve dans le traitement des personnes (Hough et al., 2014, fig. 14.2, 252).
- Elle est 16e sur 26 par le degré de corruption qu’on lui prête (Hough et al., 2014, fig. 14.6, 257).
19 On voit donc que sur tous ces items, la France est en queue de peloton. Son meilleur classement concerne sa rapidité d’intervention suite à un cambriolage ou à une infraction violente – item censé traduire l’efficacité – pour lequel elle se classe 7e sur 26 (Hough et al., 2014, fig. 14.1, 251), mais il s’agit de la question pour laquelle l’amplitude des réponses selon les pays est la plus faible.
20 Dans le cadre de l’ESS, a été réalisée une enquête-pilote sur la France, qui montre aussi que les « minoritaires » ressentent davantage la police comme une menace, mais que, conformément à la théorie de la justice procédurale, ce n’est pas l’origine, mais la qualité des relations qui explique la confiance (Roux et al., 2011, 45).
21 Un sondage Opinion Way/Graines de France (2014) montre aussi que 63 % des enquêtés pensent que les forces de l’ordre se livrent à des « contrôles au faciès » et qu’elles traitent les gens différemment en fonction de leur origine [12], les jeunes et les personnes d’ascendance étrangère ayant, comme on pouvait s’y attendre, une vision plus sévère que les autres. Par ailleurs, parmi les répondants à ce sondage ayant effectivement subi un contrôle d’identité (dans 83 % des cas alors qu’ils conduisaient un véhicule), seulement 12 % des répondants ont eu le sentiment que le contrôle traduisait une forme de discrimination à leur égard, mais ce taux passe à 30 % pour les 18-24 ans, 25 % pour les 25-34 ans, à 24 % pour ceux qui ont un ascendant étranger, et même 41 % lorsque celui-ci est d’origine nord-africaine.
L’enquête EU-midis
22 La deuxième enquête est l’enquête EU-midis de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) [13], réalisée en 2008, et qui porte sur les discriminations dans l’ensemble de l’Union européenne. Il s’agit d’une enquête plus ciblée que l’enquête ESS.
23 Lorsque l’on interroge les répondants sur la qualité de leurs contacts avec la police, on constate que la France est mal classée, par rapport aux autres pays, puisqu’elle présente des proportion parmi les plus élevées dans l’Union européenne de ceux qui estiment avoir fait l’objet d’un profilage racial [14] et/ou avoir été traités de manière irrespectueuse.
24 Interrogés sur le « respect » dont les policiers auraient fait preuve au cours du dernier contrôle, les trois groupes examinés divergent assez sensiblement : 65 % des majoritaires de France disent avoir été traités respectueusement lors des contrôle d’identité, contre seulement 44 % des Nord-africains et 27 % des Subsahariens (le taux le plus faible tous pays et minorités confondus). Inversement, 36 % des Subsahariens se plaignent d’un manque de respect, contre 32 % des Nord-africains et 15 % seulement des majoritaires. Dans les autres contacts (en dehors des contrôle d’identité), les évaluations sont plus convergentes entre les trois groupes : 76 % des majoritaires, 73 % des Nord-africains et 60 % des Subsahariens estiment avoir été traités respectueusement [15].
25 Cette enquête européenne comparative montre donc que la police en France est perçue par les minorités comme nettement portée au profilage ethnique et comme pratiquant un style de police assez rude ; elle permet aussi de constater que le point d’achoppement est essentiellement constitué par les contrôles d’identité, une question sur laquelle nous reviendrons.
La confiance envers la police
26 La question de la confiance et de la satisfaction envers la police a été souvent abordée dans des sondages d’opinion et dans des enquêtes. Du début des années 1980 à aujourd’hui, les institutions policières ont joui, dans l’ensemble, d’un niveau de confiance élevé, bien meilleur que ne le croient les policiers, mais il s’agit d’un jugement abstrait, qui traduit avant tout l’adhésion au principe de l’existence d’une police et la légitimité de l’intervention de la force publique dans les relations sociales. Dès que l’on aborde l’expérience concrète des répondants (accueil reçu par les plaignants, prise en charge effective des doléances, etc.), la confiance se dégrade (Gorgeon, 1994 ; Zauberman, Robert, 1995, 63-64 et 71 ; Robert et al., 2010) [16]. Surtout, cette adhésion de principe masque des différences marquées selon l’âge et l’origine des enquêtés, comme nous allons le voir.
Les jeunes : persistance d’une image négative de la police
27 Dans toutes les enquêtes, les jeunes – en-dessous de 25 ou 30 ans, suivant les enquêtes – expriment systématiquement une moindre confiance dans la police que les personnes plus âgées. Lorsqu’on leur demande d’évoquer les qualificatifs qu’ils associent à la police, ils privilégient toujours les appréciations négatives (discourtois, agressifs, brutaux, racistes, inefficaces, etc.) [17]. Une enquête de psychologie sociale auprès d’étudiantes, effectuée en 1986 et 2010 confirme la persistance des représentations négatives de la police chez les jeunes (Oulmokhtar et al., 2011) [18].
28 Une récente enquête menée pour le compte du ministère de l’Éducation nationale sur un échantillon représentatif de 13 500 jeunes donne des résultats plus précis et plus fiables (du fait de la taille de l’échantillon), mais conformes au schéma-type. La confiance est plus faible chez les garçons que chez les filles et décroît très fortement avec l’âge (71,7 % à 13 ans et moins contre 45,7 % à 17 ans et plus). En particulier, la confiance est moindre : chez les plus pauvres et dans les familles les moins éduquées et les moins intéressées au travail scolaire de leurs enfants ; dans les filières d’enseignement professionnel ; dans les logements sociaux des banlieues et dans les quartiers où les désordres sont le plus marqués (qui sont également ceux où les relations avec la police sont les plus tendues) (Roché, Astor, 2013, 105 et sv. ) [19]. Tous ces traits tendent à montrer que les jeunes d’extraction populaire ont une moindre confiance que les autres dans la police. Toutefois, ces enquêtes ne prennent pas en compte l’origine des répondants et il faut se tourner vers les enquêtes EU-midis et ESS pour appréhender cette dimension.
Les « minoritaires »
29 L’autre catégorie de population qui se distingue de l’ensemble par son image de la police est constituée par les personnes appartenant à une minorité visible.
30 L’enquête nationale Trajectoires et Origines (TeO) apporte des éléments de cadrage sur cette question . Elle a cherché à mesurer la confiance de la population en fonction de l’origine envers différentes institutions, dont la police [20].
31 On constate d’abord une différence assez marquée entre, d’une part, la première génération d’immigrés et natifs des départements d’outre-mer (DOM), et de l’autre, leurs descendants. Les premiers présentent un taux de confiance nettement supérieur aux seconds, quelle que soit l’origine. Dans la première génération, la plupart des groupes ne s’éloignent guère du taux de la population majoritaire (75 % de confiance), à l’exception des originaires d’Afrique subsaharienne et des DOM (c’est-à-dire, majoritairement, des Noirs) qui présentent des taux nettement plus bas de confiance. En ce qui concerne les descendants, seuls les originaires d’un pays européen présentent un taux proche (supérieur à 70 %) de celui de la population majoritaire. La défiance est la plus forte chez les descendants de Subsahariens qui rendent environ 30 points à ces derniers ; les descendants d’Algériens se classent au deuxième rang par leur défiance, suivis par les descendants de Marocains et Tunisiens et des DOM (à égalité), puis des descendants de Turcs.
32 Ces résultats sont corroborés par le volet de l’enquête ESS relatif à la France (Roux et al., 2011) qui montre que les « minoritaires » ont un taux nettement inférieur de confiance dans la police à celui des « majoritaires » (58 % et 73 % respectivement), écart particulièrement marqué pour ceux qui ont le moins confiance [21]. L’enquête EU-midis permet de nuancer ce point, en montrant qu’en partant du taux le plus élevé de défiance, les originaires d’Afrique subsaharienne résidant en France se classent au 6e rang et ceux d’Afrique du nord au 15e rang (parmi les 43 groupes minoritaires étudiées en Europe) (FRA, 2010a, 76, fig. 2.35). Surtout, l’enquête montre que le taux de confiance des « minoritaires » est nettement inférieur à celui des « majoritaires » (« majoritaires » : 59 % ; Nord-africains : 48 % ; Subsahariens : 30 %). Ces données sont partiellement corroborées par le récent sondage OpinionWay/Graines de France (2014) qui montre que si les personnes « ayant des ascendants étrangers » ont majoritairement confiance dans la police, c’est dans une proportion inférieure aux Français sans ascendant étranger (74 % contre 79 %), surtout lorsqu’ils sont d’ascendance Nord-africaine (61 %).
33 On constate donc (sans grande surprise) que les groupes les plus exposés à des contacts non-recherchés avec la police – jeunes et « minoritaires » – manifestent la plus forte défiance à son endroit [22].
Degré de consentement à l’autorité et propension à coopérer avec la police
34 La théorie de la justice procédurale repose sur l’hypothèse que la propension des individus à obéir aux autorités est fonction de la confiance qu’ils accordent à celles-ci, ou plus généralement du jugement positif qu’ils portent sur elles, ce qui renvoie au policing by consent qui est au fondement du policing britannique.
35 Les seules données quantitatives sur ce point proviennent de l’enquête ESS ; elles montrent que comparée aux autres pays, la France se classe seulement 19e sur 26 pour le degré de consentement à l’autorité (Hough et al., 2014, fig. 14.4, 254), ce qui est conforme à la théorie [23]. Cette distanciation vis-à-vis de la police ne traduit pas un divorce au plan des valeurs, puisqu’interrogés sur la question de savoir si la police partage avec eux une même appréciation du bien et du mal, les Français répondent par l’affirmative dans environ trois quarts des cas, ce qui les place au deuxième rang, juste après le Danemark (Hough et al., 2014, fig.14.5, 256).
36 On ne dispose malheureusement pas de données comparables pour évaluer la conséquence pratique de ce consentement, la propension à coopérer avec la police [24]. Les enquêtes de victimation abordent cette question sous l’angle des facteurs qui déterminent les victimes à signaler (ou pas) les faits à la police, signalement qui est une condition nécessaire, mais non suffisante, de l’intervention policière. En réanalysant un ensemble d’enquêtes nationales et régionales françaises depuis le milieu des années 1980, Robert et al. (2010) ont identifié plusieurs groupes de « non-renvoyants paradoxaux », c’est-à-dire de personnes qui s’abstiennent de signaler les faits à la police alors même qu’elles ont subi un préjudice important, ce qui constitue d’ordinaire le facteur principal du signalement [25]. Il s’agit d’une minorité, mais elle présente un profil très caractéristique : il s’agit d’habitants de quartiers difficiles – souvent en logement social –, de faible niveau éducatif, ouvriers ou employés à bas salaires, qui ont fait l’objet de victimations répétées, avouent leurs peur personnelle de l’insécurité et, ayant éprouvé l’inutilité du signalement à la police, se sentant abandonnés, ont perdu toute confiance dans les institutions publiques. Dans ces résultats, l’inaction policière (alléguée par les victimes) est significativement corrélée au non-dépôt de plainte et paraît à l’origine de la perte de confiance. Si les données ne permettent pas de démêler dans les déclarations des victimes l’absence totale d’intervention policière de l’inefficacité de celle-ci, on sait par ailleurs que pour les infractions touchant aux véhicules, les taux d’élucidation sont extrêmement faibles et que la plupart du temps, la police ne va pas au-delà de l’enregistrement des plaintes (comme pour l’ensemble des atteintes aux biens) [26]. Ces résultats ne s’opposent donc nullement à la théorie de la justice procédurale et pointent l’importance de la qualité des relations entre police et population pour la légitimité de cette institution.
La qualité des interactions entre le public et la police
37 Nous pouvons maintenant revenir au premier segment de la figure 1. Dans l’appréciation de ces données, il faut prendre en compte la fréquence et la nature des contacts avec la police. Or, une première remarque générale s’impose : bien qu’on ne dispose que d’observations fragmentaires, on peut estimer que la majorité de la population n’a avec la police que des contacts très épisodiques. Une enquête (Pottier, 2003) menée en 2001 [27] montrait que 83,5 % des Français (de plus de 15 ans) n’avaient pas eu de contact avec la police de leur quartier dans les 12 mois précédents. Parmi les 16,5 % restant, une personne sur deux avait pris l’initiative du contact, une sur quatre avait été contactée à l’initiative de la police, une sur six avait eu une « discussion amicale » avec des policiers, et moins d’une sur dix devait ce contact à l’initiative d’un tiers (signalement à la police, appel à police-secours, etc.). Fait significatif, cette enquête montrait que dans le cas des jeunes, l’initiative du contact était le plus souvent due à la police [28].
38 De son côté, l’enquête ESS confirme que la majorité des Français (environ 65 %) n’ont aucun contact avec la police, même lorsque l’on prend une période de référence plus longue (dans ce cas, 2 ans) (Jackson et al., 2011, fig. 1).
39 Si, comme on l’a vu, l’image de la police est d’autant plus mauvaise qu’on a une expérience concrète de celle-ci, on peut noter que, par rapport aux années 1990, l’évaluation de l’accueil dans les services de police est aujourd’hui nettement plus positive, ce qui n’est pas le cas de l’évaluation de l’utilité du dépôt de plainte, c’est-à-dire de l’efficacité attendue de l’action policière, du moins en ce qui concerne la délinquance ordinaire (Robert et al., 2003 ; Névanen et al., 2010). Une enquête locale menée en 2006 dans l’agglomération bordelaise, comparant des quartiers résidentiels et des quartiers populaires, montre que le taux de satisfaction envers la police est plus faible dans ces derniers – davantage exposés à l’insécurité – que dans les quartiers calmes, et ce tout à fait indépendamment de la présence policière effective. Les auteurs observent à cet égard que « la présence policière conforte en fait autant les habitants sur la dangerosité d’un quartier qu’elle ne les rassure » (Oblet, Renouard, 2006, 25).
40 Dans la période récente, ce sont avant tout les contacts initiés par la police qui ont été au centre de l’attention, et plus précisément les contrôles d’identité, pour lesquels on dispose maintenant d’un ensemble de données assez précises et concordantes. Cette pratique policière est devenue une sorte d’abcès de fixation dans les relations entre certaines fractions de la population qui ont aujourd’hui des relations beaucoup plus dégradées que le reste de la population avec les institutions policières. Au-delà des désordres récurrents dans les périphéries urbaines qui attirent épisodiquement l’attention, les contrôles d’identité constituent une source de tensions quotidiennes et un mode d’intervention qui peut déboucher facilement sur une procédure d’outrage à agent ou de rébellion, pour peu que le ton monte entre policier et contrôlé. Ce sont ces deux aspects que nous allons examiner successivement.
Les contrôles d’identité, pierre d’achoppement des relations police-population
41 On dispose désormais d’un ensemble de recherches qualitatives rapportant des témoignages et des observations directes de personnes disant faire l’objet de contrôles fréquents qu’elles jugent discriminatoires. De manière générale, le contrôle est perçu autant comme un instrument de discrimination qu’une méthode de harcèlement (Body-Gendrot, Wihtol de Wenden, 2003 ; Body-Gendrot, 2005 ; Marlière, 2005 et 2008 ; Roché, 2006, 6 ; Kokoreff et al., 2006, 12 ; Mohammed, Mucchielli, 2006 ; Cicchelli et al., 2007 ; Lapeyronnie, 2008). Cette imputation, abondamment relayée par la presse, est devenue une figure métonymique de l’iniquité policière, imputation d’autant moins vérifiable que les contrôles ne laissent pas de trace documentaire (à la différence d’une vérification d’identité ou d’une garde à vue), et d’autant moins contestable que le récit trouve confirmation dans sa propre répétition. Quant aux observations des pratiques, elles pointent plutôt l’existence d’une « clientèle policière », une population spécifique, formée de ceux dont les policiers estiment qu’ils justifient une vigilance particulière, dont les contrôles d’identité sont un instrument privilégié [29]. En dépit de leur profusion, ces résultats qualitatifs ne permettaient pas de se faire une idée précise de l’extension de ces pratiques policières. Les recherches quantitatives produites dans les dernières années permettent de remédier à cette lacune.
42 On peut désormais synthétiser les connaissances sur les contrôles d’identité de la manière suivante :
- Les contrôles d’identité sont une pratique courante de la police à l’égard des jeunes en général : selon les enquêtes ESCAPAD, 35 à 38 % des garçons de 17-18 ans et 12 à 16 % des filles du même âge, de nationalité française, disent avoir été contrôlés dans les 12 mois précédant l’enquête. Parmi les contrôlés, environ 60 % disent l’avoir été plus d’une fois et 30 % plus de 3 fois au cours de la période [30].
- Ils touchent davantage des jeunes issus de milieux populaires : ces mêmes enquêtes montrent que les apprentis ou les jeunes non scolarisés ou ceux qui sont issus de familles monoparentales ou recomposées ou issus de familles d’employés ou d’ouvriers, ou bénéficiaires du « revenu minimum d’insertion » sont davantage contrôlés que les autres.
- Ils touchent aussi davantage les personnes appartenant à des minorités visibles. Selon l’enquête EU-midis précitée, 42 % des Nord-africains et 38 % des Subsahariens résidant en France disent avoir été contrôlés au cours des 12 mois précédant l’enquête. Par rapport aux autres minorités dans les autres pays, ces proportions classent la France respectivement au 4e et au 6e rang, en partant du taux maximum. Les « majoritaires » ne présentent qu’un taux déclaré de 22 %, ce qui est du reste le quatrième rang le plus élevé des dix pays pour lesquels cette donnée est présente. L’enquête a également cherché à préciser la fréquence des contrôles par enquêté pour la période de référence. Les Subsahariens disent avoir été contrôlés en France en moyenne 3,2 fois, les Nord-africains 3 fois, les majoritaires 2,2 fois, ce qui, comparé aux autres pays, les place dans les tous premiers rangs pour le nombre de contrôles subis. Quant à la manière dont le contrôle s’est déroulé, la France se distingue par la fréquence beaucoup plus grande des fouilles des personnes ou des véhicules : parmi les contrôlés, 38 % des Nord-africains, 46 % des Subsahariens et 21 % des majoritaires ont été fouillés (FRA, 2010a, 77, fig. 2.36 et 245, fig. 4.2 ; 2010b, 9, Fig. 3 et 2010a, 249, fig. 4.5). Le sondage Opinion Way/Graines de France (2014) indique de son côté que les personnes à ascendance nord-africaine, qui représentent 7 % de l’échantillon, cumulent 37 % des contrôles déclarés dans l’enquête.
44 En définitive, si la fréquence des contrôles touchant les « majoritaires » est en France relativement élevée, comparativement aux autres pays européens, ce sont cependant les jeunes appartenant à des minorités visibles qui constituent la cible principale des contrôles d’identité, comme le démontre l’enquête par observation directe (Jobard et al., 2012) dans un certain nombre de lieux publics parisiens [31]. Celle-ci a permis d’établir qu’il existait un écart considérable entre la composition de la population contrôlée et la composition de la population très diverse présente dans les lieux étudiés. Les différences principales portent essentiellement sur le genre (la police ne contrôle pratiquement que des hommes), l’âge (les jeunes sont davantage exposés) et l’origine apparente (les personnes d’apparence maghrébine ou noire courent un risque très supérieur aux Blancs d’être contrôlés par la police). Ce ciblage vise en particulier des jeunes et plus précisément ceux qui portent une tenue caractéristique de certaines modes juvéniles. S’il est difficile d’arbitrer entre le poids respectif de la couleur de la peau et de l’habillement, et même s’il existe des différences selon les lieux, l’origine constitue toujours une circonstance exposant davantage au contrôle, ce qui permet de conclure à l’existence d’un profilage racial ou ethnique, en dépit des dénégations policières. Ces conclusions sont largement corroborées par une enquête effectuée en 2012 auprès de 2363 étudiants, qui confirme à la fois le caractère sexué et racialisé du contrôle – lequel vise préférentiellement des hommes non-blancs – et l’importance du look, ces deux variables – race et look – ayant chacune leur effet propre, même si elles sont partiellement redondantes, les « non-Blancs » arborant « significativement plus » le look que les policiers attribuent au jeune de banlieue [32].
45 L’enquête TeO conclut globalement dans le même sens. Selon ses auteurs, « Les chances d’être contrôlé une seule fois dans l’année par la police sont sensiblement les mêmes quelle que soit l’origine des répondants. En revanche, on relève des différences significatives dès lors qu’on passe à l’expérience répétée des contrôles. Ainsi, parmi les deuxièmes générations d’origine maghrébine, turque, ou d’Afrique subsaharienne, l’expérience des « contrôles multiples » au cours de l’année dépasse les 20 % (voire 27 % pour les derniers), alors que seulement 13 % des membres de la population majoritaire sont dans cette situation. Les principaux paramètres déterminant la fréquence des contrôles sont bien entendu l’âge, le quartier de résidence et le genre. Mais parmi les hommes âgés de 20 à 25 ans, une analyse toutes choses égales par ailleurs démontre que les descendants d’origine maghrébine ont 47 % de chances d’être contrôlés plusieurs fois et ceux d’origine d’Afrique subsaharienne 50 %. En revanche, les descendants d’immigrés originaires d’Espagne ou d’Italie n’ont « que » 32 % d’être dans ce cas (33 % s’ils sont sans ascendance étrangère). Un tel phénomène n’est pas sans conséquence sur la confiance dans la police : les personnes n’ayant pas été contrôlées sont 25 % à ne pas avoir confiance dans la police, ils sont 54 % en cas de multicontrôle » (Tiberj, Simon, 2010, 111-112).
46 Les effets délétères de telles pratiques sont bien connus : effet de prédiction créatrice, exposant davantage les membres des groupes discriminés à des poursuites et, en conséquence, donnant une image biaisée de leur contribution réelle à la délinquance d’ensemble ; multiplication des personnes contrôlées sans raison au sein des groupes visés, ce qui suscite le sentiment d’être harcelé par la police ; délégitimation de la police auprès de certaines minorités et déclenchement d’une spirale de confrontation débouchant fréquemment sur la violence.
La multiplication des poursuites pour outrage ou rébellion
47 Concomitamment à la question des contrôles d’identité, dont elle est en quelque sorte une excroissance, celle de l’outrage et de la rébellion [33] est redevenue d’actualité, après une tendance plus que séculaire à la baisse. En effet, alors qu’en 1974, on comptait 11279 procédures pour outrages, rébellion ou violences à dépositaire de l’autorité, elles étaient 57167 en 2012, soit un quintuplement. Dans le même temps, l’ensemble des infractions enregistrées par la police passait de 1124561 en 1974 à 1864293 en 2012, c’est-à dire qu’elles n’ont pas tout à fait doublé. La croissance des infractions à personnes dépositaires de l’autorité publique (IPDAP) a été continue au cours de cette période, avec une forte accélération à partir du milieu des années 1990 [34]. Bien que, légalement, cette infraction ne vise pas uniquement les policiers ou les gendarmes, ceux-ci sont à l’origine de la plupart des affaires pour une raison simple : le policier qui est l’objet de l’outrage (sa victime) est en même temps celui qui constate l’infraction sur le champ, alors que, pour les autres catégories concernées, la constatation de l’infraction suppose une démarche de leur part auprès de la police ou de la justice, lesquelles peuvent alors opérer un filtrage.
48 Dès lors, les poursuites engagées par des policiers/gendarmes pour IPDAP font l’objet de critiques analogues à celles qui visent les contrôles d’identité. Une enquête menée il y a quelques années sur un tribunal de la région parisienne pour la période 1965-2005 corrobore les données nationales (Jobard, Névanen, 2007). Elles montrent aussi que les victimes non policières sont très peu nombreuses (moins du dixième). Il est intéressant de noter que parmi ces affaires, la part de la violence comme de l’outrage purement verbal tend à décroître, au profit d’une combinaison d’outrage et de rébellion, c’est-à-dire de confrontation verbale accompagnée d’un refus d’obéissance ou d’une résistance physique, pas nécessairement violente, à l’intervention. Mais cette enquête montre surtout que, si l’hostilité à la police fait sans aucun doute partie du répertoire d’action de certaines fractions de la population, il ne fait pas de doute que les poursuites pour outrage et/ou rébellion sont effectivement entrées dans le répertoire d’action de la police. En d’autres termes, le seuil de tolérance policier aux conduites de résistance s’est abaissé, et cet abaissement est le résultat d’une politique délibérée.
49 Trois éléments se combinent : a) une tendance chez les policiers à user de leur pouvoir discrétionnaire pour « garantir les chances de succès de leurs procédures par l’adjonction de qualifications de rébellion là où, auparavant, seul un dossier d’outrage était transmis », (Jobard, 2005, 47) opération d’autant plus aisée que la rébellion est une notion floue, dont la matérialité est aussi difficile à établir qu’à contester ; b) l’existence de dispositions juridiques propres à encourager cette tendance, et notamment la possibilité donnée aux fonctionnaires de se constituer partie civile auprès du tribunal et de réclamer un dédommagement à titre personnel alors qu’ils ont été atteints ès qualité ; et c) une prise en compte plus systématique de ces affaires par l’institution judiciaire – qui les punit de plus en plus sévèrement – ce qui exerce un effet en retour de renforcement de cette tendance.
50 Les auteurs d’IPDAP présentent bien le profil du jeune de banlieue, par leur âge – d’ailleurs de plus en plus précoce au fil du temps – et par la forte proportion de prévenus appartenant à une minorité visible. Le développement des IPDAP participe bien des tensions suburbaines, comme le montre le fait que les policiers se portent plus fréquemment partie civile lorsque l’auteur des faits est né au Maghreb ou porte un nom à consonance maghrébine, démarche dont l’objectif « est moins la satisfaction pécuniaire que l’espoir d’une condamnation pénale ; indice clivé d’une intensification de la tension entre police et jeunes particulièrement issus de cette immigration mais aussi de la monopolisation de la violence par l’institution judiciaire » (Jobard, Névanen 2007, 266). La poursuite pour IPDAP est ainsi, après les contrôles d’identité, l’une des étapes de la spirale de confrontation entre la police et les jeunes des quartiers « difficiles ».
51 On peut donc conclure cette partie en constatant que les données disponibles corroborent la théorie de la justice procédurale : l’image de la police dans la population est plutôt négative, en particulier parmi les groupes les plus exposés aux interventions policières. Les expériences négatives de certains groupes à l’égard de la police, dues à des pratiques policières injustes ou discriminatoires, tendent à miner la confiance dans cette institution et, par voie de conséquence, la volonté des individus de coopérer avec elle. Réciproquement, les policiers français font preuve d’un niveau record de méfiance envers leurs concitoyens, comme on l’a déjà mentionné (Kääriäinen, Sirén, 2012).
52 Comment en est-on arrivé là ? La deuxième partie tente d’apporter quelques éléments de réponse à cette question.
Les relations entre la police et le public en France : essai d’explication
53 La distance constatée entre la police et la population s’explique avant tout par des causes structurelles qui tendent à les éloigner l’une de l’autre ; certaines sont spécifiques à la France, d’autres non.
Les causes structurelles : étatisation, motorisation, corporatisme
54 Parmi ces dernières, on peut relever la motorisation et le développement des télécommunications qui ont conduit à l’abandon de la technique traditionnelle de l’îlotage pédestre au profit de la patrouille automobile et à la concentration des agents dans un petit nombre de postes. De sorte que se sont imposés des modes d’intervention essentiellement réactifs, les policiers étant tantôt confinés au poste dans l’attente d’une alerte, tantôt enfermés dans leur « bulle » automobile.
55 Mais plus fondamentalement, dans le cas français, la rupture se situe pendant la Deuxième Guerre mondiale et l’occupation allemande, lorsque le gouvernement de Vichy a complètement étatisé les polices urbaines jusqu’alors soumises aux autorités municipales (Berlière, Lévy, 2013). Cette réforme centralisatrice intervient donc en 1941 dans un contexte très particulier d’occupation militaire étrangère et de quasi-guerre civile, où la priorité est la protection de l’État plutôt que le service du public (Mouhanna, 2011, 23). Elle correspond non seulement au caractère très anciennement centralisateur de l’État en France, mais surtout à une aspiration ancienne de « rationalisation » de l’appareil d’État portée par la haute fonction publique et la hiérarchie policière. Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, le gouvernement de Vichy, débarrassé des résistances parlementaires, avait réalisé une réforme longtemps souhaitée. Par la suite, les tensions nées de la Libération, puis de la guerre froide, ensuite de la décolonisation (notamment la guerre d’Algérie), la frayeur occasionnée aux possédants par les événements de mai 1968, et dorénavant les désordres urbains et la montée de l’islamisme ont été autant d’incitations à ne pas prendre le risque d’affaiblir l’État.
56 L’étatisation des polices urbaines a eu des effets considérables et durables : en particulier, elle a transformé les services locaux de police en unités d’une organisation nationale, échappant totalement au contrôle des maires élus et placée sous l’autorité du représentant local de l’État, le Préfet. Le recrutement et la carrière des policiers, qui s’effectuaient auparavant essentiellement localement, sont devenus nationaux : l’affectation des agents sur le territoire national se fait indépendamment de leur région d’origine, en fonction des besoins, de sorte que la plupart des policiers sont des « déracinés » qui sont amenés à intervenir dans des villes et des milieux sociaux dont ils n’ont aucune expérience préalable. Pire encore, du fait que l’ancienneté détermine la possibilité d’obtenir une mutation dans une autre région, ce sont les agents débutants, les moins expérimentés, qui sont affectés dans les zones les plus difficiles, qu’ils quitteront à leur tour dès qu’ils auront obtenu l’ancienneté requise. On estime ainsi qu’en région parisienne, un tiers des agents mutent chaque année, ce qui ne favorise naturellement pas l’ancrage local. On peut même considérer que l’absence de familiarité avec les populations locales constitue, du point de vue de l’autorité centrale, un gage de loyauté des agents.
57 Cette organisation centralisée se double d’une autre particularité, l’importance des syndicats de policiers. Bien qu’ils n’aient pas le droit de grève, les policiers français disposent du droit syndical et, au sein d’une fonction publique où le taux de syndicalisation est déjà relativement élevé (par rapport au secteur privé), les policiers sont probablement la corporation la plus syndiquée [35]. Or, les syndicats exercent statutairement un droit de regard sur le déroulement des carrières, les questions disciplinaires et les conditions de travail à travers leur représentation élue dans différentes instances administratives de concertation entre l’État et ses agents. Il en résulte une cogestion des carrières, dans un dispositif rendu très complexe par le fait que les syndicats de policiers sont multiples et organisés selon des clivages à la fois politiques, hiérarchiques et corporatifs, suscitant des rivalités fréquemment exploitées par le ministère de l’Intérieur. L’influence syndicale s’étend également aux orientations des politiques publiques dans le domaine de la sécurité et au fonctionnement des services eux-mêmes et ces syndicats sont extrêmement actifs dans les médias. La particularité française dans ce domaine résulte donc de la très forte intégration d’un syndicalisme puissant dans un appareil policier à caractère national.
58 Il résulte de tout cela qu’il existe une culture professionnelle forte, très résistante au changement, marquée à la fois par la méfiance envers une hiérarchie pesante et envers un public qu’on connaît mal et que l’on craint. Cette résistance se manifeste particulièrement à l’égard des réformes qui visent à rapprocher la police et les citoyens et on peut en donner brièvement trois exemples.
La police de proximité
59 Le premier exemple concerne l’échec de la mise en place de la « police de proximité » entre 1997 et 2003. S’inspirant à la fois du community policing (police « communautaire ») et du problem-oriented policing (police de résolution des problèmes), ses promoteurs visaient à mettre au premier plan des préoccupations de sécurité publique les besoins et les attentes des populations, ce qui constituait, en théorie, un changement radical de perspective [36].
60 Cette réforme, lancée par un gouvernement socialiste, a été brutalement interrompue en 2003 lorsque la droite est revenue au pouvoir, mais elle se heurtait déjà à de nombreuses difficultés, dont la moindre n’était pas la résistance des policiers eux-mêmes, ou d’une grande partie d’entre eux à la nouvelle politique, si étrangère à leur socialisation professionnelle et que la rapidité de mise en place de la réforme n’avait pas permis de surmonter. Dans un dossier consacré à la sécurité dans Le Monde (31 mars 2002), un policier d’une brigade anti-criminalité déclarait : « Moi, je suis entré dans la police pour interpeller des délinquants, pas pour faire l’assistante sociale » ; et un sous-brigadier, avec un humour teinté de cynisme : « Moi, je préfère intervenir avec la brigade canine. Les chiens, eux, ils font pas de social ».
61 Dans son langage codé, l’Inspection générale de la police nationale – chargée d’auditer la réforme – relevait en avril 2001 que la réforme n’emportait qu’une « adhésion incomplète des personnels » et aussi « un manque de dynamisme » des gardiens de la paix des commissariats de province, en moyenne plus âgés (Le Monde, 2 juin 2001). Pour circonvenir la résistance des personnels et éviter de les bousculer dans leurs habitudes et leurs horaires, la police de proximité a fait massivement usage des adjoints de sécurité, dont 25000 furent recrutés entre 1997 et 2001. Ainsi, sur le terrain, la police de proximité, réforme phare de la Police Nationale pour la gauche a-t-elle été en grande partie mise en œuvre grâce à des emplois temporaires de jeunes sous-qualifiés et sous-formés (Berlière, Lévy, 2013, 693-719) [37].
62 On voit par là que la plupart des policiers vivent sur une image mythifiée de leur profession, dont l’essence serait la « chasse au délinquant ».
Le refus de réformer les contrôles d’identité
63 Un deuxième exemple réside dans la résistance à toute réforme des pratiques de contrôle d’identité. On a vu à quel point cette question était devenue un abcès de fixation des relations entre la police et certaines catégories de la population. À la suite de l’enquête que nous avions réalisée en 2007, dont l’écho médiatique avait été considérable et dont les résultats avaient nourri une campagne en faveur de la réforme, le parti socialiste, alors dans l’opposition, avait repris ce thème à son compte et le candidat à l’élection présidentielle François Hollande l’avait intégré à son programme électoral (Hollande, 2012).
64 La principale proposition des ONG dans ce domaine visait à formaliser le contrôle d’identité, jusqu’ici très peu encadré juridiquement, en obligeant les policiers à délivrer un document (« récépissé » ou « ticket de contrôle ») attestant des raisons du contrôle. Cette proposition s’est heurtée à l’opposition unanime des syndicats de police, toutes tendances politiques confondues. Selon un rapport officiel, ces derniers y voient une défiance à leur endroit. Ils se sentent stigmatisés par les termes utilisés de « contrôles au faciès » qu’ils assimilent à une accusation de racisme alors que dans leurs rangs et, de plus en plus, sont intégrées des personnes de différentes origines. Ils déclarent qu’ils sont fréquemment la cible d’une hostilité qui vise particulièrement leurs collègues d’origine non européenne. Ils affirment que le « ciblage » des contrôles n’obéit qu’à des considérations de caractère professionnel. En revanche, à la différence d’un institut de sondage, ils n’ont pas à contrôler des échantillons représentatifs de la population mais des personnes qui s’apparentent d’une façon ou d’une autre aux profils recherchés dans le cadre du contrôle. Ils invoquent également le fait que cette obligation constituerait une obligation bureaucratique supplémentaire, qui ralentirait leur travail et nuirait en définitive à la sécurité publique et ils ont finalement obtenu gain de cause (Défenseur des droits, 2012, 14-15) [38].
La controverse du matricule
65 Pour ne pas paraître renoncer complètement à une mesure à laquelle Manuel Valls, le ministre de l’Intérieur de l’époque – depuis devenu Premier ministre – était lui-même défavorable, ce dernier a entrepris de réviser le Code de déontologie de la police. Parmi les mesures proposées figurait le rétablissement de l’obligation pour les agents des forces de l’ordre d’arborer leur numéro de matricule sur leur uniforme, mesure plus ou moins subrepticement supprimée en 1984 (Défenseur des droits, 2012, 32) [39]. On notera qu’il ne s’agissait en aucun cas de les obliger à arborer leur nom, comme c’est le cas dans d’autres pays. Elle a pourtant une nouvelle fois suscité une vive opposition de l’ensemble des syndicats de police qui estimaient que la mesure serait perçue comme une manifestation de « défiance » et de « stigmatisation » à l’égard des agents, susceptible de les « démotiver », « démobiliser » et « déstabiliser ».
66 Cette mesure est finalement entrée en vigueur le 1er janvier 2014, mais signe des résistances que les policiers continuaient de lui opposer, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls a dû indiquer, une semaine plus tard « qu’il ne tolérerait “aucun manquement” dans le port du matricule sur l’uniforme des forces de l’ordre » [40].
67 On voit, par conséquent, que toute mesure visant à favoriser le rapprochement entre police et population est perçue par les policiers soit comme contraire à leur conception de la mission fondamentale de la police (la lutte contre le crime), soit comme une forme de stigmatisation. On peut caractériser cette attitude en recourant aux catégories de Wilson (1978) : la police française relève du legalistic style, défini comme la propension à appliquer la loi de manière rigide, en multipliant les arrestations et les procédures. Dans la rhétorique des agents, cette tendance est souvent justifiée par un discours « républicain » mettant l’accent sur l’égalité devant la loi et la nécessité de faire respecter l’autorité de l’État, dont les policiers sont en quelque sorte l’incarnation. Tendance lourde, due au caractère étatique et centralisé de l’institution policière que l’introduction ces dernières années du « nouveau management public » imposant des objectifs quantitatifs pour les différents types d’infraction ou de mesures n’a pu que renforcer, en réduisant la marge d’appréciation discrétionnaire des agents [41].
Conclusion
68 Cet article propose un essai de réflexion sur la situation de la police en France en utilisant le cadre d’analyse de la justice procédurale élaboré par Tyler et d’autres. Ceci m’a conduit à me focaliser sur le face-à-face police-population. Dans la perspective de la transformation des pratiques policières, cette question est importante parce que la nature et la qualité des interactions avec le public dépend en grande partie de l’institution policière elle-même, des politiques qu’elle met en œuvre, des pratiques qu’elle encourage et du style policier qui en résulte. En tant que figure de l’autorité de l’État dans l’espace public, la police a une fonction communicationnelle : sa manière d’agir à l’égard des différents groupes signale les limites entre ceux qui sont légitimes et ceux qui ne le sont pas, ceux qui méritent des égards et les autres. La situation actuelle se traduit par un excès de suspicion et de méfiance à l’égard de certains groupes, en particulier minoritaires, et corrélativement par une carence dans la prise en charge de leurs attentes de sécurité, minant par-là le sentiment d’appartenance à la collectivité nationale (Loader, 2006) [42].
69 L’examen des relations entre la police et le public conduit nécessairement à s’interroger sur la résistance au changement que la culture professionnelle des policiers oppose à toute tentative de réforme sans caractère strictement corporatiste (Stanko et al., 2012, 326-328). Mais il faut garder à l’esprit que, si cette culture est en partie liée à la nature du travail policier, comme en témoigne le fait que les policiers de tous les pays partagent certains traits culturels, elle est également fonction du régime politique et des particularités des institutions policières au sein desquelles ils exercent. La réforme présuppose, en particulier, que l’on ne se trouve pas dans la situation de ce que John Brewer (1991) a appelé les « sociétés divisées », marquées par une très forte inégalité sociale et/ou raciale dont la police est en quelque sorte partie prenante. Car, comme le rappelle très justement Manning, par essence, la police ne peut être l’avant-garde de la réforme : « Ce sont l’État et la culture démocratique qui suscitent une police démocratique, et il n’existe pas de preuve que l’inverse puisse se produire » (Manning, 2010, 7).
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[1]
Cet article développe ma conférence inaugurale au colloque international « Justiça, Política e Sociedade », Universidade federal de São Carlos (UFSCar, São Paulo, Brésil, 21-23 octobre 2014). Je remercie J. Sinhoretto de m’avoir donné l’occasion de synthétiser mes idées sur cette question et E. Blanchard, J. Gauthier, F. Jobard, J. de Maillard, Ph. Robert et R. Zauberman de leur lecture critique des versions antérieures de ce texte, ainsi que B. Leconte pour son aide dans la mise en état de ce dernier. Je remercie également les lecteurs anonymes de la revue Déviance et Société pour leurs remarques judicieuses. Toutes les citations traduites de l’anglais l’ont été par moi-même.
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[2]
Ces résultats sont fondés surfondé sur l’exploitation des quatre premières vagues de l’European Social Survey (2002-2008).
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[3]
Pour une revue de la littérature, voir Skogan, Frydl, 2004, ch.8.
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[4]
Ce courant participe lui-même d’un ensemble plus vaste de « théories de l’obéissance » (compliance theories) ; à ce sujet voir Hough, 2012 ; Crawford, Hucklesby, 2013 ; Hough et al., 2014).
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[5]
Certains auteurs distinguent trust et confidence : selon Stanko et al. (2012, 321-322), confidence correspondrait à un jugement d’ensemble sur la fonction policière, tandis que trust correspondrait à un jugement concret sur l’aptitude de la police à remplir ses missions dans un contexte donné.
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[6]
Pour un test australien de cette hypothèse : Bradford et al., 2014. Pour une discussion du rôle de la police dans la consolidation de la démocratie, Loader, 2006.
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[7]
Une expérience auprès de conducteurs montre que la confiance dans la police s’est sensiblement accrue chez ceux qui ont fait l’objet d’un contrôle d’alcoolémie selon un protocole inspiré par la théorie de la justice procédurale, contrairement à ceux qui ont fait l’objet d’un contrôle selon les méthodes habituelles, mais que cette expérience positive n’avait pas d’effet sur leur propension à obéir à ou à coopérer avec la police (Murphy et al., 2014).
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[8]
Hough (2012) montre ainsi que, dans le cas britannique, si la croyance des individus dans l’efficacité de la police est bonne prédictrice de leur perception du risque de sanction, cette dernière prédit mal l’obéissance à la loi, ce qui tend à démontrer que la dissuasion n’est pas opérante. Cette recherche a permis d’établir que la confiance dans – et la légitimité de – la police sont très fortement corrélées, cette dernière étant à son tour bonne prédictrice de l’obéissance à la loi, alors que l’absence de confiance conduit à une forme de cynisme qui ne favorise pas celle-ci. Les mêmes facteurs déterminent le degré de coopération avec la police. Ces résultats ne sont pas forcément généralisables : une enquête australienne montre que certains groupes minoritaires attachent au contraire davantage d’importance à l’efficacité policière qu’à la manière de faire de la police (Sargeant et al., 2014).
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[9]
9 Voir par exemple : Mouhanna, 2011 ; Fassin, 2011 ; Boucher et al., 2013 ; pour les années 1980-1990, voir Gorgeon, 1994.
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[10]
10 Compte tenu de l’espace limité dont nous disposons, il est impossible de développer une comparaison trait pour trait de la situation française par rapport à l’ensemble des autres pays considérés dans les enquêtes internationales. On trouvera dans les comptes rendus détaillés de celles-ci, auxquels nous nous référons, les données permettant de situer l’ensemble des pays étudiés les uns par rapport aux autres.
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[11]
11 L’échantillon total comportait 51 000 personnes, voir Hough et al. (2014). Les pays étudiés sont : Allemagne, Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Israël, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Royaume-Uni, Russie, Slovénie, Slovaquie, Suède, Suisse, Tchéquie, Ukraine (tous les pays ne sont pas représentés pour tous les items).
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[12]
12 Mais 72 % estiment que les polices traitent « généralement les gens de manière respectueuse » tandis que seulement 16 % des répondants ont eu une expérience directe ou par proche interposé d’une attitude policière « irrespectueuse ».
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[13]
13 Fondée sur une méthodologie complexe d’échantillonnage dans les différents pays et auprès des différents groupes visés, l’enquête a donné lieu à 23 500 entretiens avec des personnes issues de l’immigration ou appartenant à des minorités nationales ou ethniques des 27 États membres, ainsi qu’avec 5000 personnes issues de la population majoritaire des mêmes secteurs géographiques (mais seulement dans 10 pays, dont la France). Les minorités prises en compte varient selon la situation de chacun des pays, de même que les zones géographiques ciblées (en général les grands centres urbains à forte concentration de populations minoritaires). La comparaison n’est donc pas toujours possible terme à terme, pour un même groupe minoritaire. En ce qui concerne la France, l’enquête a ciblé trois zones (région parisienne, Lyon, Marseille) et deux groupes, les Maghrébins (534 personnes) et les originaires d’Afrique subsaharienne (466 personnes), ainsi qu’un échantillon de 503 personnes appartenant au groupe majoritaire (on notera qu’à l’époque de l’enquête, la question des Roms n’était pas jugée suffisamment problématique pour justifier un échantillon spécifique en France, contrairement à d’autres pays). Dans cette enquête, l’identification de l’origine repose sur une auto-identification par les intéressés. (FRA, 2009a). Les rapports sont accessibles sur : [http://fra.europa.eu/en/project/2011/eu-midis-european-union-minorities-and-discrimination-survey?tab=publications].
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[14]
Selon FRA (2010a, 78, fig. 2.38), 24 % des Subsahariens et 18 % des Nord-africains estiment que la dernière fois qu’ils ont été contrôlés par la police, c’était sur la base d’un profilage racial ; cette proportion peut paraître assez faible, mais elle classe la France respectivement aux 3e et 6e rangs les plus élevés dans l’Union européenne. Selon le Focus Report Muslims (FRA, 2009b, 13, fig. 15), 66 % des musulmans Subsahariens et 44 % des Nord-africains attribuent les contrôle d’identité au profilage ethnique (le classement est le même que précédemment). Ces taux supérieurs s’expliquent par le fait que ni la référence temporelle (le plus récent contrôle dans un cas, l’ensemble des contrôles dans l’autre), ni la référence ethnique (toutes religions confondues vs musulmans) ne sont les mêmes.
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[15]
Selon FRA (2010a) 78, fig. 2.39 (respectivement 3e et 6e rangs dans l’UE) ; 252, fig. 4.6 et 253, fig. 4.7
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[16]
Pour la période récente, j’ai examiné un certain nombre de sondages nationaux et d’enquêtes scientifiques : Sondage « Le contrôle d’identité » (Opinion Way/Graines de France/Human Rights Watch, avril 2014, inédit) ; Baromètre des services publics (BVA/institut Paul Delouvrier), vague 15, janvier 2014 [http://www.bva.fr/fr/sondages/barometre_des_services_publics/] ; sondage « La confiance des Français dans les acteurs de la société » (Harris Interactive/ Marianne, avril 2013 [http://www.harrisinteractive.fr/news/2013/27052013.asp] ; Baromètre de l’Observatoire de la confiance de la Poste « 30 ans de confiance en France » (TNS SOFRES/La Poste, janvier 2013, [http://www.tnssofres.com/etudes-et-points-de-vue/observatoire-de-la-confiance-de-la-poste-janvier-2013] ; sondage « Les Français et leur police » (IFOP/Sud-Ouest Dimanche, juin 2012, [http://www.ifocom/?option=com_publication&type=poll&id=1926] ; sondage « Les Français et leur police » (CSA/Siné Hebdo, décembre 2009) ; [http://www.csa.eu/multimedia/data/sondages/data2009/opi20091230-les-francais-et-la-police.pdf] ; enquête SciencePo/CEVIPOF « Baromètre de la confiance politique, vague 6 bis 2015 », http://www.cevipof.com/fr/le-barometre-de-la-confiance-politique-du-cevipof/ (Tous ces sondages ont été consultés le 15 septembre 2014, mis à part l’enquête du CEVIPOF, consultée en juillet 2015). Ce type de sondage est généralement effectué sur un millier de personnes (France entière), selon la méthode des quotas et l’intervalle de confiance estimé varie entre 1,4 et 3,1 % selon le résultat obtenu (sondage IFOP, 2012) ; la méthodologie du sondage Opinion Way (2014) est plus complexe (échantillon de 2273 personnes en population générale et suréchantillon de 594 personnes ayant fait l’objet d’un contrôle d’identité) ; l’enquête CEVIPOF, réitérée chaque année depuis 2009 et réalisée par OpinionWay, porte sur 1803 personnes (elle annonce une « marge d’incertitude » de 1 à 2 points).. L’enquête WVS repose sur un échantillon stratifié de 1001 répondants. Les résultats des sondages sont assez contradictoires, ce qui tient probablement à l’hétérogénéité méthodologique de ce corpus. Ceux qui interrogent sur la « confiance » recueillent généralement une majorité de réponses positives (OpinionWay : 78 % ; TNS Sofres : 59 % ; Harris : 71 %, mais IFOP seulement 44 %) ; il en va de même lorsque l’on interroge sur la « bonne opinion » (BVA : 61 %), la « satisfaction » (BVA : 83 %) ou « l’efficacité » (CSA : 57 % ; IFOP : 50 %). Toutefois, lorsqu’une comparaison dans le temps est présentée, la tendance est plutôt à la baisse (TNS Sofres, IFOP ; BVA), sauf, dans un sondage, pour la « satisfaction » (BVA). La « confiance » (confidence) est également dominante (71 %) dans le World Values Survey (WVS, Wave 5 (2005-2008), 2006 pour l’échantillon français (échantillon stratifié (N=1001, [http://www.worldvaluessurvey.org/WVSOnline.jsp]). L’enquête CEVIPOF se distingue néanmoins par une légère tendance à la hausse de la confiance dans la police, à raison d’à peu près 1 % par an (63 % en décembre 2009 ; 69 % en décembre 2014) ; toutefois, une réplication du sondage suite aux attentats parisiens de janvier 2015 montre une hausse soudaine de la confiance dans la police à 80 % (+11 % entre décembre 2014 et février 2015), dont il sera intéressant de vérifier la durabilité.
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[17]
Les enquêtes de victimation corroborent ce point en montrant que les jeunes ont une évaluation plus négative de l’efficacité policière (Rizk, 2011).
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[18]
Il s’agit d’enquêtes procédant par attribution de traits positifs ou négatifs, à partir d’une liste d’adjectifs. Si les qualificatifs varient entre 1986 et 2010, la tonalité massivement négative subsiste.
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[19]
Il s’agit jeunes âgés de 11 à 22 ans, scolarisés dans les agglomérations de Grenoble et Lyon en 2010-2012. Tous les scores de la gendarmerie sont supérieurs à ceux de la police, mais les tendances sont les mêmes, différence qui peut s’expliquer par une distance plus grande des enquêtés, puisque la gendarmerie intervient peu en zone urbaine.
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[20]
Réalisée sous l’égide de l’Institut National d’Études Démographiques et de l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques, cette enquête « vise à décrire et analyser les conditions de vie et les trajectoires sociales des individus en fonction de leurs origines sociales et de leur lien à la migration. (…) [Elle] a été réalisée auprès d’environ 22 000 personnes nées entre 1948 et 1990, vivant dans un ménage ordinaire en France métropolitaine en 2008 » (Beauchemin et al., 2010). La grande taille de l’échantillon confère une solidité particulière aux résultats de cette enquête. Outre la police, les autres institutions étudiées sont l’école, les services d’aide à l’emploi et la justice ; l’enquête ne distingue pas entre les différents services de police, mais il s’agit d’une première exploitation qui ne prend en compte que la variable « origine ». L’analyse présentée ici se fonde sur les histogrammes présentés aux fig. 1 et 2 (Tiberj, Simon, 2010, 110-111), et correspond à des ordres de grandeur, les taux précis n’étant pas indiqués.
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[21]
Comme dans le cas de Roché et Astor (2013) précité, cette défiance ne touche pas la gendarmerie, ce qui peut s’expliquer par le caractère principalement urbain des populations minoritaires.
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[22]
On trouve une situation similaire aux États-Unis (Skogan, Frydl, 2004, 300-301 ; Wu, 2013 ; Barrick, 2014), au Royaume-Uni (Reiner, 2010, 94-95) en Belgique (Van Craen, 2013, Van Craen, Skogan, 2015) ou en Australie (Murphy, Cherney, 2011).
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[23]
Ce résultat repose sur les réponses à la question suivante : « To what extent is it your duty to do what the police tell you even if you don’t understand or agree with the reasons ? » (échelle à 11 niveaux allant de « not at all » à « completely » (je n’ai pas réussi à localiser la version française du questionnaire).
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[24]
Une enquête belge, également fondée sur les données ESS conclut à un effet positif mais modéré de la justice procédurale perçue sur la propension à obéir à la police et à coopérer avec elle (Van Damme, 2013, 2015). Sur ce thème, mais dans une perspective qualitative, voir Boucher et al. (2013) et Mohammed (2014).
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[25]
Les faits en cause concernent massivement les vols et dégradations de véhicules et moins fréquemment les agressions (sauf en région parisienne), les vols et les cambriolages (Robert et al., 2010, 199-200).
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[26]
Calculés sur les infractions mentionnées par les victimes dans les enquêtes relatives à 2010-2011, le taux d’élucidation des vols de voiture est de 4,8 % (ce qui ne tient pas compte des véhicules retrouvés) et de 3,8 % pour les vols dans les véhicules ; rapportés aux seules infractions enregistrées, les taux sont respectivement de 11 % et 8 %. Merci à R. Zauberman pour ces données.
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[27]
Basée sur l’« Enquête permanente sur les conditions de vie des ménages » (EPCV) de l’INSEE, administrée en 2001 et portant sur un échantillon représentatif de 11919 personnes. Au Royaume-Uni, selon le BCS 2008-2010, 71 % de la population n’avait eu aucun contact direct avec la police au cours des 12 mois précédents (Stanko et al., 2012, 324).
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[28]
Le sondage Opinion Way/Graines de France (2014) donne des résultats assez différents : une majorité de répondants (55 %) n’ont eu aucun contact avec la police au cours des 12 mois précédant l’enquête, mais les différences concernant les jeunes (et les personnes d’ascendance étrangère) ne sont pas aussi marquées. Néanmoins, les différences dans les protocoles d’enquête et les tailles d’échantillon rendent la comparaison incertaine.
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[29]
Voir Jobard et al., 2012, 426, pour l’analyse des recherches nord-américaines et britanniques sur les contrôles d’identité. Sur le ciblage policier des usual suspects, c’est-à-dire des jeunes ayant des antécédents policiers ou ayant des fréquentations qui en ont (policing by association), principalement les Noirs, au Royaume-Uni, voir Medina Ariza (2013).
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[30]
L’enquête ESCAPAD de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT) est effectuée périodiquement à l’occasion de la Journée Défense et Citoyenneté et porte sur un échantillon représentatif d’environ 50 000 jeunes (garçons et filles de 17-18 ans, nationalité française, métropole et DOM-TOM) ; voir Legleye et al., 2009. En 2008, le questionnaire comportait pour la première fois une question sur l’occurrence et la fréquence des contrôles d’identité, au cours des 12 mois précédents ; elle a été reprise en 2011, mais uniquement pour Paris (1609 cas). Les résultats présentés ici résultent des analyses inédites des données 2008 et 2011, réalisées respectivement par S. Névanen et S. Peaucellier (Cesdip).
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[31]
L’enquête FRA (2010a, 151, tabl. 3.3.6) indique que globalement (sans distinction de pays), les contrôles touchent davantage les 16-39 ans parmi les Nord-africains ; parmi les Subsahariens, les différences d’âge sont sensiblement moins marquées, même si les 16-24 ans restent les plus contrôlés (ibid., 105, tabl. 3.1.7).
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[32]
Dans l’enquête par questionnaire de Jounin et al., (2015), auprès d’un échantillon de 2363 étudiants, ceux-ci ont été catégorisés, selon leur « race » en « Blancs » et « non-Blancs ». L’apport spécifique de cette recherche a consisté à introduire des éléments de style de vie dans l’analyse qui permettent de mieux caractériser la cible policière : détention de cannabis, type de transport utilisé, temps de transport, type de lieu de sortie. Si les Blancs présentent des modes de vie qui les exposent davantage au contrôle d’identité que les non-Blancs, toutes choses égales par ailleurs, c’est-à-dire ici à pratiques équivalentes, les hommes étudiants non-blancs ont une fois et demie plus de chances d’avoir été contrôlés que des hommes étudiants blancs. En revanche, l’écart entre femmes blanches et non-blanches demeure insignifiant (19).
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[33]
Techniquement, on parle ici des « infractions à personnes dépositaires de l’autorité publique » (IPDAP) qui, outre policiers et gendarmes, vise un grand nombre de catégories de fonctionnaires (magistrats, certains agents des impôts, présidents d’université, agents de police municipale, gardes-chasses, etc.), ainsi que la catégorie voisine, elle aussi évolutive et encore plus floue, des personnes chargées « d’une mission de service public » (art. 433-5 et 433-6 Code pénal).
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[34]
Source : ministère de l’Intérieur, DCPJ, état 4001.
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[35]
Selon Loubet del Bayle (2010, 2), le taux de syndicalisation des policiers est de 70 %. Interdits de syndicats en raison de leur statut militaire, les gendarmes viennent d’obtenir le droit de créer des associations corporatives, à la suite de deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme du 2 octobre 2014 [http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/pages/search.aspx?i=002-10126].
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[36]
Sur ces notions, voir Wakefield, Fleming, 2009, 37 et sv. et 245 et sv.
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[37]
Pour une analyse de l’échec, voir Monjardet, 2004 et Roché, 2005.
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[38]
Voir aussi Mothes, 2013. Dans ce domaine, la réticence de l’exécutif est cependant battue en brèche au plan judiciaire : à l’initiative d’un certain nombre d’ONG, appuyées par le Défenseur des droits, cinq hommes s’affirmant victimes de contrôles au faciès répétés ont obtenu la condamnation civile de l’État devant la Cour d’appel de Paris, le 24 juin 2015. Il est trop tôt pour évaluer les conséquences de ce jugement sur les pratiques policières (Le Monde, 25 juin 2015 d’autant que ce jugement fait l’objet d’un recours en cassation).
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[39]
La nouvelle mesure résulte d’un arrêté du 24 décembre 2013 (JO, 27 décembre 2013, INTC1327617A).
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[40]
Voir par exemple L’Express, 2 janvier 2014 : « Le retour du matricule des policiers, la fausse bonne idée de 2014 ? »[http://www.lexpress.fr/actualite/societe/le-retour-du-matricule-des-policiers-la-fausse-bonne-idee-de-2014_1310887.html], consulté le 3 octobre 2014) ; Libération, 7 janvier 2014 : « Valls : ça va barder pour les policiers sans matricule » [http://www.liberation.fr/societe/2014/01/07/valls-ca-va-barder-pour-les-policiers-sans-matricule_971145], consulté le 3 octobre 2014). Il est symptomatique qu’un syndicaliste puisse à la fois s’opposer au port du numéro sur l’uniforme et en réclamer l’usage, « par mesure de sécurité et de confidentialité (…) en lieu et place de notre nom sur les PV de procédure » (http://www.unitesgppolice.com/est-54-les-bleus-%C3%A0%C2%A0-rio, consulté le 20 juillet 2015). Par ailleurs, aucune évaluation de l’effectivité de cette mesure n’a été rendue publique.
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[41]
Il est vraisemblable qu’avant leur absorption dans une institution à caractère national, les polices urbaines pratiquaient plutôt le watchman style, en partie inspiré du bobby londonien. Pour Paris, voir Deluermoz, 2012 ; Blanchard, 2010 ; Chevandier, 2012, 179 et sv..
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[42]
Dans cette perspective, une comparaison avec l’Allemagne, où domine au contraire le watchman style de Wilson – qui met l’accent sur une application souple de la loi, l’ajustement au contexte, le maintien de la paix publique et les capacités communicationnelles des agents – est particulièrement éclairante. Les travaux comparatifs existants montrent que comparés à leurs homologues allemands, les policiers français manifestent un fort sentiment d’insécurité vis-à-vis du public et sont particulièrement soucieux de se faire respecter. Voir Maillard et al., 2014 ; je remercie les auteurs d’avoir bien voulu me communiquer ce texte inédit ; Lukas et Gauthier (2011) ainsi que Gauthier (2015) analysent les raisons de la moindre utilisation du contrôle d’identité en Allemagne. On peut, du reste observer qu’aussi bien dans l’enquête ESS que dans l’enquête EU-midis, l’Allemagne est toujours nettement mieux classée que la France quel que soit l’indicateur. Voir aussi Reuband, 2012.