Notes
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[1]
Comment vous sentez-vous lorsque vous marchez seul dans votre quartier la nuit ? Comment vous sentiriez-vous seul dans votre quartier la nuit ? Y a-t-il un endroit aux alentours d’ici où vous vous sentez en insécurité en marchant la nuit ? (Ferraro, LaGrange, 1987).
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[2]
La première est l’étude du PREDIT présentée supra, la seconde est un article d’Éric Macé (1997).
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[3]
Pour les États-Unis, les principaux chercheurs sont Anastasia Loukaitou-Sideris, Martha Smith, Nilay Yavuz et Éric Welch, pour la Grande-Bretagne, on peut évoquer Paul Cozens, Gary Lynch et Susan Atkins, et pour l’Australie Sarah Mahmoud, Graham Currie, John et Marian Tulloch. Soulignons que ces trois pays produisent aussi la majorité des travaux sur la peur du crime. Les États-Unis et l’Angleterre et Galles notamment sont à l’origine de la plupart des avancées conceptuelles, épistémologiques et opérationnelles de cet objet d’étude (Farrall et al., 2009 ; Hale, 1996).
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[4]
C’est notamment le cas de Tulloch en Australie, Loukaitou-Sideris, Yavuz et Welch aux États-Unis et Guilloux en France.
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[5]
Lorsque les études ne sont pas entièrement démunies de références bibliographiques comme c’est le cas de la littérature grise.
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[6]
Notons que très peu d’études ont tenté d’appréhender l’insécurité personnelle dans les transports collectifs par le biais du statut économique des voyageurs. En revanche, cette variable est soulevée dans la littérature générale sur ce thème. Mais les résultats soulignent moins le rôle de la classe sociale d’appartenance que celui de l’implantation géographique. Des auteurs tels que Hale (1996) et Zauberman et al. (2013) montrent que l’important taux de crainte des individus défavorisés résulte des contextes auxquels ils sont confrontés. Les individus disposant de petits revenus ont plus de chance de résider dans des quartiers anxiogènes que les personnes possédant un capital économique plus important.
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[7]
Le rapport du Crime Concern (2004) montre que 60 % des femmes se sentent en insécurité la nuit dans le métro contre 32 % des hommes. Loukaitou-Sideris (1999) estime quant à elle que 59 % des femmes et 41 % des hommes perçoivent un risque de victimation aux arrêts de bus. Selon le rapport du PREDIT (2002), 30 % des hommes disent se sentir bien dans les transports en commun contre seulement 17 % des femmes. Enfin, l’enquête victimation et sentiment d’insécurité en Île-de-France de 2011 montre que 58,7 % des femmes se sentent au moins parfois en insécurité dans les transports en commun contre 30,7 % des hommes (Heurtel, 2013).
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[8]
Sans oublier que les femmes utilisent davantage les transports en commun que les hommes. Elles sont même avec les jeunes (15-24 ans) les principales consommatrices de ces moyens de locomotion. Or, ces deux groupes sociaux figurent parmi les plus sensibles à l’insécurité personnelle lors de leurs déplacements (Heurtel, 2013). Il est donc possible que la dépendance aux transports collectifs renforce la crainte d’être agressé ou volé, surtout lorsqu’elle implique de traverser des contextes anxiogènes.
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[9]
Pour l’isolement, voir notamment l’article de Warr (1990). Pour la mixité sociale et plus précisément la perception à l’égard des minorités ethniques défavorisées, voir l’article de Sampson, Raudenbush (2004).
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[10]
Réseau Express Régional.
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[11]
Le faible niveau de peur enregistré dans le tramway francilien s’explique moins par les caractéristiques environnementales et architecturales que par l’utilisation limitée de ce moyen de locomotion. Selon l’édition 2009 de l’enquête victimation et sentiment d’insécurité en Île-de-France, 43 % des enquêtés disent ne jamais prendre le tramway (Bon et al., 2011).
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[12]
Notons que la comparaison de ces travaux internationaux est rendue possible par la présence d’observations analogues. Quel que soit leur pays d’origine, les chercheurs soulignent l’influence des groupes de jeunes, des personnes alcoolisées, des temps d’attente ou encore de l’isolement sur l’insécurité personnelle dans les transports collectifs. Même si bien sûr les comparaisons terme à terme sont difficilement réalisables en raison des différences d’offres de transport, d’utilisation et de contexte.
1 En dépit d’un niveau de peur élevé dans les transports en commun, notamment dans les grandes métropoles, les travaux sur la peur du crime ont longtemps délaissé l’étude de ces espaces. Alors que la littérature générale compte plusieurs centaines de publications réparties dans différentes disciplines scientifiques (Farrall et al., 2009 ; Hale, 1996), on dénombre à l’heure actuelle une soixantaine d’articles, de rapports, de thèses et d’ouvrages internationaux centrés sur la crainte d’être agressé ou volé dans les transports en commun. On observe toutefois une augmentation tangible du nombre de publications sur ce thème depuis ces vingt dernières années. Une quinzaine de travaux sont publiés entre le milieu des années 1970 et la fin des années 1980 ; autant durant les années 1990 et près d’une trentaine depuis le début du XXIe siècle.
2 Cet intérêt progressif pour l’étude de la peur du crime dans les transports en commun s’explique notamment par des avancées conceptuelles réalisées depuis le milieu des années 1990. Jusqu’à cette période, le quartier d’habitation constitue le terrain d’enquête de prédilection pour l’étude de l’insécurité personnelle. Le succès de la théorie de la vitre brisée élaborée par Wilson et Kelling (1982) souligne amplement ce phénomène. Influencés par cette étude, nombre de travaux évaluent la montée du sentiment d’insécurité à l’aune de la détérioration des espaces de vie et des relations sociales du quartier (Skogan, 1990). La formulation des premières questions pour mesurer l’insécurité personnelle se focalise alors sur le seul quartier de résidence [1], au détriment de l’intérêt porté au sentiment d’insécurité dans les transports collectifs. Il faut attendre la fin des années 1990 pour voir émerger un certain nombre de critiques concernant l’absence de référence dans les questionnaires aux contextes sociaux, spatiaux et temporels de la peur du crime (Farrall et al., 1997 ; Pain, 2000). Persuadés que le risque perçu évolue fortement selon les contextes et les situations, Farrall et al. (1997) insistent par exemple sur la nécessité d’augmenter le nombre d’items dans les questionnaires afin de couvrir un plus large spectre contextuel. Ces critiques incitent ainsi les chercheurs à élaborer de nouvelles questions, dont certaines cernent parfois l’insécurité ressentie dans les espaces de transport. Peu développées jusqu’alors, les connaissances sur le sujet sont consolidées par l’intensification du nombre de travaux réalisés. On dénombre aujourd’hui trois principales sources d’informations.
3 Il s’agit d’abord des enquêtes de victimation. Réalisées auprès d’échantillons de taille importante, ces études mettent en évidence les taux de peurs élevés dans les transports collectifs. En France, en 2001, la première enquête victimation et sentiment d’insécurité réalisée par l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme en Île-de-France montre que 29,1 % des Franciliens interrogés affirment avoir peur, au moins de temps en temps, d’être volés ou agressés dans leurs quartiers, alors qu’ils sont 43,8 % à éprouver ces craintes dans les espaces de transport (Pottier et al., 2002). Un écart qui se creuse durant la décennie puisqu’en 2011, la peur dans le quartier baisse de 5,2 points (23,9 %) et la peur dans les transports augmente de 1,7 point (45,5 %) (Heurtel, 2013). En Nouvelle-Zélande, le New Zealand National Survey of Crime Victims 2001 montre que 26 % des enquêtés évitent constamment ou régulièrement les bus et les trains la nuit (Morris et al., 2003). Malgré tout, plusieurs enquêtes de victimation délaissent encore l’insécurité ressentie dans les espaces de transport. Le British Crime Survey en Grande-Bretagne (Ditton, Farrall, 2007) et le Moniteur de sécurité en Belgique (Pauwels, Pleysier, 2008) se focalisent toujours sur le seul et unique quartier de résidence.
4 On trouve ensuite des rapports et des études commandités par les sociétés de transport ou les ministères ad hoc. Au Royaume-Uni, le département pour l’environnement, les transports et les régions (Crime Concern and Transport and Travel Research, 1997 ; DETR, 1998, 2000), devenu en 2001 le département des transports (Crime Concern, 2002, 2004 ; DFT, 2006, 2008) publie bon nombre de rapports sur l’insécurité personnelle dans les transports en commun depuis la fin des années 1990. L’étude réalisée par le Crime Concern en 2004 est d’ailleurs l’une des plus détaillées sur cette question. En Nouvelle-Zélande, un important travail de recherche financé par le Land Transport New Zealand, visant à comprendre les ressorts de l’insécurité personnelle dans les espaces de transport, voit le jour en 2007 (Booz Allen Hamilton, 2007). Cinq années plus tôt, le gouvernement australien commandite au même bureau d’étude un travail de recherche équivalent (Booz Allen Hamilton, 2003). En France, on trouve également quelques travaux de cette envergure, directement financés par l’État, les collectivités territoriales ou les sociétés de transport. La plus ancienne est une étude sur la perception du risque des usagers parisiens réalisée par la régie autonome des transports parisiens en 1983 (RATP, 1983). Vingt ans plus tard, le Programme national de recherche et d’innovation dans les transports terrestres (PREDIT) publie la troisième et dernière phase d’une étude débutée en 1996. Centré sur le sentiment d’insécurité dans les transports collectifs urbains, ce travail de recherche s’étend sur les villes de Nantes, Toulouse, Lyon, Strasbourg et la communauté urbaine Lille-Roubaix-Tourcoing (PREDIT, 2002). Deux ans plus tard, le centre d’Études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques (Certu) produit une revue de la littérature des travaux français concernant l’insécurité dans les transports. Sur 17 études recensées, seulement 3 portent sur le sentiment d’insécurité et 2 d’entre elles directement dans les espaces de transport [2].
5 Il s’agit enfin de travaux universitaires, réalisés par des chercheurs spécialisés dans ces questions. La plupart de ces études sont des articles publiés dans des revues scientifiques anglo-saxonnes. En dehors d’un chapitre d’ouvrage rédigé par Guilloux (2013a) publié chez l’Harmattan, un article de Bradet et Normandeau (1987) paru dans Déviance et Société et un papier de Barjonet et al. (2010) dans Flux, on ne trouve aucune publication francophone sur la peur du crime dans les espaces de transport. La majorité des articles provient de trois pays que sont les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Australie [3]. On dénombre aussi quelques thèses de doctorat. La seule soutenue en France est rédigée par Guilloux en 2013. Elle résulte d’un contrat CIFRE signé avec la SNCF et porte à ce titre exclusivement sur le réseau de cette société (Guilloux, 2013b). Aux États-Unis, une thèse sur la peur du crime dans le métro new-yorkais est soutenue vingt ans plus tôt par Del Castillo (1992). On peut aussi citer la thèse de Thomas (2009) soutenue à l’Université de Wellington sur les facteurs de malaise et de mal-être dans les transports collectifs néo-zélandais. Enfin, on trouve quelques rapports financés par des organismes publics ou privés mais dont la responsabilité scientifique est confiée à des universitaires. Le meilleur exemple de ce type est la gigantesque étude australienne intitulée Fear of Crime financée par la National Campaign Against Violence and Crime Unit et dirigée par Tulloch et al. (1998a, 1998b). On peut également évoquer le rapport général sur l’insécurité financé par la fondation Roi Baudouin visant à expliquer le sentiment d’insécurité dans le métro bruxellois (Herbrand, 2004).
6 Paradoxalement, la grande majorité de ces travaux fait peu référence à la littérature générale sur ce thème. En dehors de quelques chercheurs [4], les auteurs renvoient exclusivement aux études focalisées sur les transports en commun [5]. Or, les avancées conceptuelles de la peur du crime sont réalisées en dehors de ce champ de recherche. Si bien que ces travaux donnent une définition rarement exhaustive de l’insécurité personnelle. C’est donc auprès d’autres auteurs que nous formulerons la définition de ce concept.
7 L’insécurité personnelle recoupe trois composantes que sont les dimensions émotives, cognitives et comportementales (Farrall et al., 2009 ; Ferraro, 1995 ; Rader, 2004). La première regroupe l’ensemble des émotions éprouvées en réponse à une menace perçue. On y trouve la peur bien sûr, mais aussi la colère, la gêne, l’anxiété, l’indifférence ou la honte (Carvalho, Lewis, 2003 ; Ditton et al., 1999 ; Smith et al., 2010). La seconde composante ensuite correspond à la perception du risque qui repose elle-même sur la probabilité de victimation, le contrôle perçu et l’anticipation des conséquences. Il s’agit respectivement de l’évaluation de la probabilité d’être victime d’une atteinte dans une situation donnée, des différentes ressources mobilisables par les individus pour faire face aux éventuels dangers, et de l’évaluation de la gravité d’une atteinte spécifique (Farrall et al., 2009 ; Jackson, 2009). Enfin, la troisième et dernière composante renvoie aux différentes pratiques de précaution entreprises pour réduire les risques de victimation (Lieber, 2008 ; Liska et al., 1988 ; Rader, 2004). Si les travaux sur les transports collectifs mentionnent rarement cette conceptualisation, ils ne sont pas pour autant dénués d’intérêts. Leur contribution apporte notamment plusieurs éléments de réponse à une question d’importance : comment expliquer le caractère anxiogène des transports en commun ? Plus précisément encore, comment expliquer que les transports en commun figurent parmi les espaces urbains les plus anxiogènes (Heurtel, 2013) ?
8 À la lecture de ces analyses, nous émettons l’hypothèse que l’important score de peur d’être agressé ou volé dans les transports collectifs repose sur l’interaction de trois catégories de contraintes. Les premières sont liées aux contextes sociaux, les secondes aux modalités de fonctionnement et les troisièmes au confinement des espaces de transport.
Les contraintes sociales dans les transports en commun
9 L’insécurité ressentie dans les transports collectifs répond d’abord à certaines caractéristiques sociales. On dégage deux contextes particulièrement anxiogènes. Tout d’abord, il s’agit de la mixité sociale des usagers. Les transports en commun présentent la particularité de faire se coudoyer des individus issus d’horizons sociaux différents, dont certains sont jugés menaçants par d’autres. Il s’agit ensuite de l’isolement, qui empêche toute mobilisation extérieure en cas de vol ou d’agression.
La diversité sociale des usagers
10 Selon Marc Augé (1992), les transports en commun sont des non-lieux. À l’inverse du lieu anthropologique, le non-lieu est défini par l’absence de référence identitaire, relationnelle et historique. Il s’agit d’espace à forte concentration humaine dont les rassemblements ne visent pas la production des formes de solidarité au sens durkheimien du terme. De fait, les transports collectifs sont dédiés à la seule circulation des personnes, et les individus qui s’y côtoient sont le plus souvent des inconnus les uns pour les autres. Ces usagers aux valeurs, coutumes, opinions et croyances hétérogènes ont pour seul et unique point commun de partager le même moyen de transport à un instant donné. C’est pourquoi Augé affirme que les personnes que l’on rencontre dans le métro parisien sont des autres au sens plein du terme (Augé, 1986, 24). Or, l’insécurité ressentie dans les transports en commun repose, pour une part au moins, sur cette altérité immédiate et imposée.
Les catégories d’usagers menaçants
11 Les transports collectifs n’accueillent pas seulement un nombre important de voyageurs, mais aussi des individus issus d’horizons sociaux très variés. En dépit d’un nombre restreint d’études focalisées sur la répartition sociologique dans les transports en commun, quelques travaux permettent d’éclairer l’hétérogénéité sociale des utilisateurs franciliens. En 2004, l’IAU Île-de-France montre que 40% des hommes et 48% des femmes empruntent les transports collectifs pour se rendre sur leurs lieux de travail (Heurtel, Anache, 2004). Une enquête réalisée par l’INSEE en 2001 auprès d’un échantillon de 20200 ménages révèle que 46,2 % des cadres, 40,2 % des professions intermédiaires, 45,1 % des employés et 31,5 % des ouvriers utilisent ce moyen de locomotion pour les trajets domicile-travail (Caenen et al., 2011) [6]. En dernier lieu, l’enquête nationale sur les conditions de vie des étudiants réalisée en 2010 montre que 76 % des habitants de la grande couronne et 85 % des Parisiens et des habitants de proches banlieues empruntent les transports en commun pour suivre leurs cours (Van De Velve et al., 2010).
12 Bon nombre de travaux évoquent la diversité sociale pour justifier l’insécurité ressentie par les usagers. Non que cette mixité génère en soi une peur systématique des autres, mais la présence d’individus issus des couches sociales les plus défavorisées auxquels on accorde parfois un potentiel de violence élevé (Paquin, 2006) entraîne une vigilance importante de la part des autres voyageurs. Dans deux études extraites d’une même enquête, Tulloch (2000) et Tulloch et al. (1998b) montrent que les jeunes usagers redoutent les bandes d’adolescents issus de minorités ethniques défavorisées et les hommes seuls alcoolisés. Les rapports rédigés par le Crime Concern (1999, 2004) corroborent ces résultats. Selon le plus ancien, 67 % des jeunes âgés de 10 à 24 ans se sentent en insécurité en présence d’individus en état d’ébriété dans les espaces de transports (Crime Concern, 1999). Celui de 2004 présente les déviants mentaux, les mendiants agressifs, les groupes de jeunes et les personnes ivres comme des catégories d’individus anxiogènes (Crime Concern, 2004). De la même manière, le rapport rédigé par Booz Allen Hamilton (2007) montre que les bandes de jeunes et les usagers alcoolisés sont les principales sources de crainte des voyageurs dans les véhicules de transport et durant l’attente aux stations.
13 Selon d’autres travaux encore, la mixité sociale imposée et plus particulièrement le risque d’être confronté à ces catégories de personnes justifient la baisse – parfois même l’absence – d’utilisation de ces moyens de locomotion. Stradling et al. (2007) révèlent que 45 % des voyageurs évitent les bus la nuit par crainte d’être abordés par des individus alcoolisés. Gardner et Abraham (2007) corroborent ces résultats. Pour ces auteurs, la présence des usagers indésirables est l’une des raisons principales pour lesquelles les automobilistes préfèrent l’utilisation de la voiture à celle des transports collectifs.
Les désordres physiques et sociaux
14 Les désordres – ou incivilités – sont définis par Farrall et al. (2009) comme tous les aspects physiques et sociaux de l’environnement qui indiquent à l’observateur (a) un manque de contrôle et de préoccupation institutionnel et informel et (b) les intentions opaques des individus avec lesquels l’espace public est partagé (Farrall et al., 2009, 91) Autrement dit, il s’agit d’un ensemble disparate d’actes et de faits de faible intensité, perçus comme gênants ou menaçants par les individus qui les subissent ou les observent.
15 On identifie deux catégories d’incivilités : les incivilités physiques et les incivilités sociales (Ferraro, 1995). Les premières sont des formes de dégradations des espaces publics urbains. Ce type de désordres se manifeste par la présence de déchets (Crime Concern, 1999 ; Loukaitou-Sideris, 1999), d’actes de vandalisme (Loukaitou-Sideris, 1999), de tags et de graffitis (Crime Concern, 2004). Les secondes correspondent à des formes de transgressions des relations sociales. Les auteurs évoquent notamment la prostitution (Loukaitou-Sideris, 2005), la vente et la consommation de drogue (Crime Concern, 2004), la mendicité (Crime Concern, 1999 ; Loukaitou-Sideris, 1999), l’ivresse sur la voie publique (Booz Allen Hamilton, 2007 ; Crime Concern, 1999, 2004 ; Loukaitou-Sideris, 1999 ; Mahmoud, Currie, 2010), les insultes et menaces (IFOP, 2011), et les comportements désordonnés et anormaux (Crime Concern, 2004).
16 De nombreuses études estiment assez faible l’influence des désordres physiques sur la peur du crime dans les transports en commun. Selon le rapport réalisé par Booz Allen Hamilton (2007), les graffitis et la propreté des espaces figurent parmi les facteurs de peur les moins influents. Ce constat se vérifie dans d’autres travaux. Mahmoud et Currie (2010) montrent que les actes de vandalisme, la présence de déchets et les tags suscitent moins la crainte des jeunes usagers que la présence des individus alcoolisés, les temps d’attente prolongés et l’absence d’éclairage public. De même, une étude réalisée par le Crime Concern (1999) montre que seulement 5 % des jeunes se sentent en insécurité en présence de graffitis dans les bus.
17 En revanche, les désordres sociaux figurent parmi les principaux facteurs de l’insécurité personnelle dans les transports en commun (Yavuz, Welch, 2010). D’ailleurs, la menace représentée par les catégories d’individus évoquées supra est très souvent justifiée par la transgression des normes sociales. Moore (2011) révèle par exemple que 65 % des Londoniens sont préoccupés par les comportements déviants des autres usagers lorsqu’ils utilisent le bus et le métro. Selon lui, la préoccupation à l’égard des attitudes transgressives est beaucoup plus importante dans les espaces de transport que n’importe où ailleurs. 32 % des Anglais rapportent être préoccupés par le comportement des jeunes dans les bus et 20 % dans les trains. 22 % disent avoir été victimes de ces comportements et 76 % prétendent les avoir observés durant les 12 derniers mois.
18 En vue d’appréhender l’influence des désordres sociaux sur l’insécurité personnelle des usagers, Moore élabore une intéressante typologie des comportements déviants. L’auteur distingue les comportements intentionnels et inoffensifs (poser un sac sur le siège à côté de soi pour éviter qu’un usager ne s’y installe), les comportements accidentels et inoffensifs (bousculer un autre usager en situation d’affluence), les comportements intentionnels et menaçants (attitude agressive d’une personne ivre) et les comportements accidentels et menaçants (l’agitation d’une bande de jeunes). La transgression des normes sociales entraîne donc la perception du risque lorsqu’elle laisse présager l’imprévisibilité et par conséquent le potentiel de violence de son ou ses auteurs (Paquin, 2006). Le concept de comportement alarmant élaboré par Goffman conforte cette observation. Pour ce sociologue, les types de comportements qui alarment sont ceux qu’on ne peut ranger dans une large classe d’activités inoffensives. De tels actes opaques ne sont pas forcément menaçants par eux-mêmes, mais ils laissent le témoin dans l’ignorance des pensées ou des intentions de leur auteur et le rendent par conséquent méfiant à l’égard de celui-ci (Goffman, 1973, 287). L’ivresse, l’agitation ou l’errance participent pleinement de ce phénomène, notamment dans les espaces de transport considérés comme des lieux de passage exclusif, à l’intérieur desquels ces comportements sont difficilement intelligibles. Il en va de même pour les injures et les insultes, identifiées par une enquête IFOP (2011) comme la première source d’insécurité des usagers franciliens lors de leurs déplacements. L’important taux de peur des femmes dans les transports en commun [7] repose également sur ce type de déviance. Les attouchements, les remarques à caractère sexuel, les interpellations et les regards appuyés dont de nombreuses femmes sont régulièrement victimes sur l’espace public et dans les transports en commun provoquent la crainte d’agressions sexuelles plus importantes [8] (Condon et al., 2005 ; Lieber, 2008 ; Pain, 1993, 1997 ; Tulloch et al., 1998b). Néanmoins, la perception du risque de victimation à l’égard des désordres sociaux évolue considérablement selon les contextes de circulation.
L’isolement
19 Selon Smith et Clarke (2000), les transports en commun présentent deux contextes sociaux particulièrement criminogènes. Il s’agit d’abord des contextes d’affluence, favorables aux vols à la tire/arraché et aux agressions sexuelles de faible intensité (attouchements et frottements). Viennent ensuite des situations d’isolement qui, par manque de surveillance, sont propices aux agressions physiques et aux tentatives de racket. Néanmoins, et malgré les risques encourus dans le premier cas, la peur du crime est nettement supérieure dans le second (Alm, Lindberg, 2000 ; Booz Allen Hamilton, 2007 ; Herbrand, 2004 ; Loukaitou-Sideris, 1999, 2005 ; Lynch, Atkins, 1988 ; PREDIT, 2002 ; Smith, Clarke, 2000). Atkins (1989) explique que les individus ont moins de chance de se sentir menacés là ou l’activité humaine est élevée. Dans le même ordre d’idée, un des rapports dirigés par le Crime Concern (2004) montre que les hommes et les femmes se sentent davantage en sécurité dans les espaces de transport en présence d’autres usagers. Les raisons évoquées pour expliquer ce phénomène s’articulent autour de deux hypothèses.
20 La première implique qu’en cas d’agression, les autres voyageurs peuvent intervenir et stopper les offenseurs (Atkins, 1989). Mais cette hypothèse est contestée. Tout d’abord peu d’études portent sur la confiance que les individus accordent aux autres usagers. Ensuite, les rares travaux centrés sur le rôle des témoins dans le contrôle du crime montrent un taux d’intervention irrégulier et parfois même inexistant dans certaines situations (PREDIT, 2002 ; Shotland, Goodstein, 1984).
21 La seconde postule que les individus isolés sont des cibles visibles. Alors que l’affluence confère un certain anonymat, l’isolement augmente la visibilité des individus et donc la probabilité d’être la cible de potentiels agresseurs (Warr, 1990). À ce titre, les contextes de circulation les plus propices à l’isolement figurent aussi parmi les plus anxiogènes.
La nuit
22 Les déplacements nocturnes affichent des taux de peur particulièrement élevés (Booz Allen Hamilton, 2007 ; Cozens et al., 2003 ; Crime Concern, 1999, 2002, 2004 ; Currie, Mahmoud, 2013 ; Lynch, Atkins, 1988 ; Mahmoud, Currie, 2010 ; PREDIT, 2002 ; Reed et al., 2000 ; Yavuz, Welch, 2010). En 2004, une étude commandée par le département des transports publics britannique montre qu’un usager sur dix craint de voyager durant la journée, et un sur deux après la nuit tombée (Crime Concern, 2004). Un article rédigé par Mahmoud et Currie corrobore ces résultats. À partir d’une enquête réalisée auprès de 239 habitants de Melbourne âgés de 18 à 24 ans, les chercheurs observent une variation importante du niveau de peur selon les horaires d’utilisation des transports collectifs. Si 1 % des enquêtés rapporte se sentir en insécurité dans la journée, ils sont 43 % à éprouver ce ressenti la nuit (Mahmoud, Currie, 2010).
23 La communauté scientifique apporte deux explications à ce phénomène.
24 La première correspond à la baisse généralisée de l’intensité lumineuse, dont l’une des conséquences est la diminution de la visibilité des usagers sur l’environnement. Pour plusieurs auteurs, la restriction des capacités d’appréciation visuelle entraîne une augmentation du risque perçu (Booz Allen Hamilton, 2007 ; Cozens et al., 2004 ; Mahmoud, Currie, 2010). Dans une étude publiée en 1993, Loewen, Steel et Suedfeld, montrent que la faible intensité lumineuse est la cause première d’insécurité personnelle. L’incapacité des individus à évaluer visuellement l’environnement qui les entoure et à repérer les dangers potentiels entraîne une baisse du contrôle perçu et une augmentation de la perception du risque (Loewen et al., 1993). Cette hypothèse est renforcée par la revendication des usagers d’une meilleure attention de l’éclairage par les autorités publiques. D’après Cozens et al. (2004) l’amélioration de la luminosité sur le réseau ferré dans le sud du Pays de Galles est la principale exigence des utilisateurs à hauteur de 68 % d’entre eux. Dans le même ordre d’idée, une récente étude menée par l’IFOP montre que 92 % des Français affirment que l’éclairage public contribue à assurer le sentiment de sécurité dans les espaces de transport (IFOP, 2013).
25 La seconde explication est développée par Hille Koskela. Dans une étude publiée en 1999, l’auteure compare le niveau de peur des habitantes d’Helsinki lors des nuits d’été relativement claires et des nuits d’hiver beaucoup plus sombres. Les résultats de cette étude montrent que les Finlandaises ne font aucune différence en termes de danger entre les nuits hivernales et estivales. Pour Koskela, les peurs nocturnes sont donc moins l’effet de la faible intensité lumineuse que de la dimension sociale de la nuit. Ce concept établi par l’auteure pour justifier le taux élevé de peur nocturne admet un double postulat. D’une part, une évolution régulière de l’environnement social sur l’espace public, et d’autre part un déterminisme des cadres temporels sur cette évolution. La dimension sociale de la nuit implique une différenciation des pratiques, des activités et des comportements sociaux diurnes et nocturnes sur l’espace public urbain. La menace associée aux déplacements de nuit repose donc sur une configuration sociale reconnue comme spécifique à l’activité nocturne (Koskela, 1999). Les études réalisées par le Crime Concern (1999, 2004) corroborent cette théorie. Selon ces rapports, la montée du sentiment d’insécurité la nuit est due à la baisse du nombre d’usagers, la probabilité plus importante d’être confronté à des individus alcoolisés et à la fréquence restreinte du trafic.
Les fins de ligne
26 Un autre contexte favorable à l’isolement est l’utilisation des transports collectifs en fin de ligne. Une récente étude réalisée par Zauberman et al. (2013) révèle un important taux de peur auprès des résidents de grandes banlieues dans les transports en commun. L’explication apportée à ce phénomène réside dans les contextes de circulation rencontrés par les populations péri-urbaines. Travaillant dans le centre de la région parisienne, bon nombre d’habitants de la périphérie réalisent des temps de trajet importants (Caenen et al., 2011) qui augmentent leur exposition au risque. Mais surtout, le recours aux transports collectifs s’opère dans des contextes jugés anxiogènes. Les véhicules se vident des usagers à mesure que les transports s’éloignent de la capitale. Si bien que les habitants de grandes banlieues voyagent sur des portions de trajet moins fréquentées que les autres Franciliens.
27 En dehors du nombre restreint d’usagers, c’est aussi la rareté des forces de l’ordre et du personnel des transports qui renforce l’insécurité personnelle des voyageurs (Reed et al., 2000 ; Wallace et al., 1999 ; Yavuz, Welch, 2010). L’exemple de la région parisienne est particulièrement intéressant à ce sujet. Si les agents de sécurité sont présents dans la capitale, leur nombre diminue en périphérie et particulièrement en grande banlieue. En dépit d’une volonté indéniable des sociétés de transport d’améliorer la sûreté dans les véhicules et l’ensemble des infrastructures franciliennes, notamment par la mobilisation des policiers nationaux de la brigade des réseaux ferrés de la préfecture de police, des agents des services de sécurité des entreprises publiques de transport (SUGE pour la SNCF et GPSR pour la RATP) et des vigiles des sociétés prestataires de sécurité privée (Malochet, Le Goff, 2013), on constate une importante disparité des forces de l’ordre selon les territoires. Il en va légèrement différemment pour le personnel des transports qui occupe la totalité des gares. Malgré tout, les guichets munis d’agents commerciaux ferment souvent dès la fin d’après-midi, laissant ces espaces totalement inoccupés en soirée. Le personnel des entreprises de transport a par ailleurs considérablement diminué sur l’ensemble du réseau Île-de-France depuis une quarantaine d’années. La généralisation du péage automatique dans le métro en 1973 marque la suppression des poinçonneurs, et donc la fin d’une présence permanente d’agents sur les quais. Un an plus tard, les derniers autobus à deux agents sont remplacés par des modèles conçus pour un seul. On peut enfin évoquer le développement des lignes de métro automatiques, dont le pilotage est assuré sans l’intervention d’aucun conducteur. La recherche de rentabilité des sociétés de transport entraîne donc une évaporation importante du personnel en contact avec les usagers. Il est possible que la disparition de ces emplois ait renforcé l’anxiété des voyageurs en situation de faible affluence. De même que la baisse du nombre d’agents statiques a pu fragiliser le contrôle des normes socialement admises dans les transports en commun. Malheureusement, les premiers travaux sur la peur du crime dans les espaces de transport sont postérieurs à ces réformes, et ne permettent donc pas d’en apprécier les conséquences directes.
Les contraintes de fonctionnement des transports en commun
28 L’isolement et la mixité sociale ne sont pas spécifiques aux transports collectifs. Les études classiques de la peur du crime – focalisées sur les quartiers de résidence – soulignent aussi le caractère anxiogène de ces contextes sociaux [9]. Mais l’utilisation des transports collectifs est régie par des modalités de fonctionnement dont certaines caractéristiques renforcent considérablement la crainte d’être agressé ou volé en situation d’isolement et en présence d’individus menaçants. Dans un article paru au début des années 1990, Brantingham et al. (1991) identifient trois contraintes spécifiques au fonctionnement des transports en commun favorables à la peur du crime des usagers. Il s’agit des contraintes horaires, de l’emplacement des points de chute et de la rigidité des tracés.
Les contraintes horaires
29 S’ils varient selon les moyens de transport et les zones géographiques, les temps d’attente sont inhérents à ce type de déplacement. Or, plusieurs études identifient l’attente aux arrêts de bus et aux stations de train comme le moment le plus anxiogène du trajet. Le bureau d’étude Booz Allen Hamilton (2007) montre que 32 % des voyageurs rapportent être très insécures la nuit aux arrêts de bus contre 12 % dans les véhicules. Mahmoud et Currie (2010) corroborent ces résultats. Selon ces auteurs australiens, 32 % des usagers se sentent en insécurité durant l’attente aux stations et 16 % dans les trains. Cette distribution est préservée pour les bus mais avec des taux de crainte moins élevés. 20 % des enquêtés redoutent les moments d’attente et 4 % les trajets dans les véhicules. De même, le rapport réalisé par le Crime Concern (2004) montre que 43 % des enquêtés se sentent en insécurité la nuit dans les gares et 36 % dans les trains ; 35 % aux arrêts de bus et 30 % dans les autobus. En revanche, cette étude trouve un taux de peur similaire pour l’attente aux stations de métro et le voyage dans les rames (47 %).
30 Si les contraintes horaires sont dans l’incapacité d’appréhender la hiérarchie des peurs selon les moyens de transport, elles permettent d’apporter une explication à l’important niveau de crainte éprouvée durant les temps d’attente. Dans un article centré sur l’efficacité des dispositifs de sécurité dans les transports en commun, Yavuz et Welch (2010) montrent que la fréquence du trafic influence fortement l’insécurité des usagers. Selon ces auteurs, la faible proportion de véhicules par heure est la principale source d’inquiétude des hommes et la troisième pour les femmes derrière les problèmes de sécurité et l’absence des forces de l’ordre. Dans le même ordre d’idée, plusieurs chercheurs suggèrent que l’augmentation du temps d’attente favorise l’insécurité personnelle des usagers, surtout dans les environnements qui leur sont le moins familiers (Crime Concern, 2004 ; Mahmoud, Currie, 2010 ; Nsour, 1999 ; Reed et al., 2000). On peut donc supposer que l’attente aux stations renvoie aux usagers une forte impression d’exposition au risque. Peut-être est-ce dû à la grande liberté de mouvement qu’autorisent les gares, les stations et les arrêts de bus. Les va-et-vient des voyageurs à l’intérieur de ces espaces peuvent laisser entendre la facilité d’y être approché et abordé. Au contraire, la tendance des personnes à s’asseoir et à préserver leur place dans les véhicules de transport pourrait réduire légèrement la crainte des usagers lors de cette étape du trajet. Quoi qu’il en soit, l’augmentation du trafic figure parmi les plus vives recommandations des chercheurs afin de pallier la peur du crime des voyageurs durant l’attente aux stations (Crime Concern, 2002 ; Lynch, Atkins, 1988).
L’emplacement des points de chute
31 L’accès aux véhicules de transport nécessite d’atteindre les gares et les stations, dont la localisation est imposée aux usagers. Pour certains auteurs, les trajets réalisés sur l’espace public pour rejoindre ces infrastructures sont aussi anxiogènes que l’attente aux stations. Un rapport du Crime Concern (2004) montre que 42 % des usagers redoutent cette étape après la nuit tombée. Le bureau d’étude Booz Allen Hamilton (2007) évalue à 33 % le taux d’enquêtés insécures dans la même situation. Mahmoud et Currie (2010) confirment ces résultats mais distinguent les trajets en direction des arrêts de bus (18 %) et ceux en direction des gares (23 %).
32 Pour d’autres en revanche, cette étape suscite un taux de peur moins important. Un rapport commandité par les autorités du métro new-yorkais situe l’attente sur les quais comme l’étape la plus anxiogène, suivie par le voyage dans la rame, l’entrée dans le métro et enfin le trajet domicile/station (Audit and Survey Worldwilde, 1996). Dans le même ordre d’idée, le rapport du PREDIT (2002) révèle que les usagers se sentent majoritairement en sécurité dans les véhicules de locomotion (78 % d’entre eux) et durant le trajet pour accéder aux espaces de transport (77 %), mais moins durant l’attente aux stations (65 %) et à l’intérieur des couloirs souterrains (40 %). Selon cette même étude, deux facteurs expliquent le faible niveau de peur éprouvée lors des trajets domicile/stations.
33 D’abord, les usagers seraient souvent familiarisés avec cette étape du trajet. Cet argument corrobore les résultats de nombreux auteurs selon lesquels la régularité d’utilisation des transports influence la perception du risque des voyageurs (Crime Concern, 2004 ; Ingallset al., 1994 ; Lynch, Atkins, 1988). Pour Yavuz et Welch (2010), la familiarité avec les espaces de transport réduit significativement l’insécurité ressentie lors des déplacements réalisés. Ces deux chercheurs montrent que les voyageurs réguliers depuis de nombreuses années se sentent plus en sécurité que les usagers occasionnels. Guilloux (2013b) corrobore cette conclusion. Selon l’auteure, les perceptions d’occurrence et de gravité des clients empruntant les transports collectifs plusieurs fois par semaines sont plus faibles que celles des usagers qui voyagent moins de quatre fois par mois.
34 Ensuite, et contrairement aux espaces de transport, la rue offrirait des solutions de fuite importantes permettant d’éviter avec plus de facilité les situations menaçantes. Mais dans ce cas, on comprend mal pourquoi le niveau de crainte à l’intérieur des véhicules de transport est équivalent à celui éprouvé lors du trajet domicile/station.
35 Quoi qu’il en soit, cette explication ne justifie pas les différents taux de peur enregistrés autour de cette étape. Une théorie plus intéressante porte la focale sur l’offre de transport des agglomérations (Zauberman et al., 2013). Les pôles urbains les plus importants bénéficient souvent d’un service de transport bien développé, permettant aux usagers d’accéder rapidement aux véhicules de locomotion quel que soit le point de départ et/ou d’arrivée. À ces faibles temps de trajet s’ajoute dans les grandes villes une importante activité humaine qui tend à rassurer les individus lors de leurs déplacements. C’est probablement la raison pour laquelle les études du PREDIT (2002) et de l’Audit and Survey Worldwilde (1996) centrées respectivement sur cinq métropoles françaises et sur la ville de New York enregistrent un faible taux de peur lors du trajet domicile/station. Au contraire, les agglomérations de plus petites tailles et excentrées sont munies d’un nombre restreint de points de chute, parfois isolés et difficilement accessibles. Les temps de trajet sont souvent plus longs et les contraintes pour accéder aux espaces de transport plus importantes. Certains usagers sont parfois dans l’obligation de traverser des quartiers anxiogènes, d’emprunter des ruelles mal éclairées et des passages souterrains dans lesquels on redoute les embuscades. Par ailleurs, les commerces dans les villes de banlieue sont moins nombreux que dans les métropoles et les rues plus rapidement vidées en soirée. Dans ce cas, on comprend que l’accès aux véhicules de locomotion figure parmi l’une des étapes les plus anxiogènes du trajet. Moins l’offre de transport est importante, plus le sentiment d’exposition au risque est susceptible d’augmenter lors de cette étape, en particulier en situation d’isolement et en présence d’individus menaçants.
La rigidité des tracés
36 Pour atteindre une destination, les usagers composent avec les parcours qui leur sont proposés et qui nécessitent souvent des changements de lignes et de moyens de transport. Ils doivent alors emprunter des couloirs souterrains, traverser des gares et cumuler les temps d’attente. Autant de situations susceptibles de renforcer l’insécurité personnelle. Mais contrairement aux variables précédentes, peu de travaux ont tenté de dégager l’influence de la rigidité des tracés sur la peur du crime des usagers.
37 Dans une étude réalisée en 2011, Vilalta montre que les voyageurs dont la durée du trajet est inférieure à 30 minutes se sentent plus en sécurité que ceux dont les déplacements dépassent cette limite de temps (Vilalta, 2011). Mais si l’on peut imaginer que les longs trajets nécessitent plus de changements que les trajets courts, rien ne permet d’affirmer que la rigidité des tracés et les contraintes associées sont à l’origine de l’augmentation du taux de peur observé par cet auteur. D’autres travaux soulignent néanmoins la gêne des usagers à l’égard de cette contrainte. Dans un article visant à étudier le choix des moyens de transport, Guiver (2007) montre que malgré l’investissement financier que représente l’utilisation d’un véhicule personnel, de nombreux individus préfèrent ce moyen de locomotion pour sa flexibilité. La consommation des transports en commun dépend d’ailleurs fortement de la densité et de la fréquence de l’offre. Une étude réalisée par Caenen et al. (2011) révèle que 64 % des actifs parisiens empruntent les transports collectifs pour se rendre sur leur lieux de travail contre 45 % des actifs de la petite couronne, et seulement 29 % de la grande banlieue. Selon ces auteurs, la sécurité personnelle intervient très peu dans le choix des transports en commun, au profit de la fréquence du trafic, de la diversité des moyens de locomotion et du nombre de points de chute. Mais cette étude, uniquement focalisée sur les actifs et les trajets domicile/lieu de travail, occulte une part importante des déplacements nocturnes. Si la rigidité des tracés préoccupe les usagers en matière de temps de trajet en journée, il est possible que cette contrainte attise le sentiment d’insécurité la nuit. Une mesure adoptée par plusieurs sociétés de transport anglo-saxonnes corrobore cette intuition. Intitulé night-stop service, ce programme autorise les usagers des bus à sortir du véhicule à l’endroit souhaité. Le tracé reste inchangé, mais les conducteurs s’arrêtent lorsque les voyageurs désirent descendre. L’objectif de cette mesure consiste à atténuer la rigidité du tracé des lignes de bus en multipliant les points de chute la nuit (Loukaitou-Sideris, Fink, 2009). La mise en œuvre d’un tel programme confirme l’influence des modalités de fonctionnement des transports collectifs sur la peur du crime des usagers. Malheureusement, il n’existe à notre connaissance aucune évaluation de cette initiative.
Le confinement dans les espaces de transport
38 Aux contextes sociaux et aux modalités de fonctionnement anxiogènes s’ajoute une troisième catégorie de contrainte. Tous les véhicules et une partie des aménagements (notamment souterrains) ont la particularité d’être cloisonnés et clos (Herbrand, 2004). Or, les travaux engagés dans cette voie démontrent deux réactions au confinement. La première est le sentiment de gêne et d’anxiété à l’égard de la promiscuité. La seconde est la montée du risque perçu, notamment en situation d’isolement ou en présence d’individus menaçants.
Le stress, l’irritation et la gêne
39 En comparaison de l’isolement, l’affluence est peu propice à l’insécurité personnelle. Bon nombre d’individus considèrent la foule comme une barrière sociale susceptible de décourager le passage à l’acte des délinquants, surtout en ce qui concerne les atteintes les plus visibles telles que les agressions et les vols avec violence (Clarke, 1983 ; Paquin, 2006). Les préoccupations des usagers se tournent alors vers des formes de victimation plus discrètes. C’est le cas notamment des vols à la tire. Mais, la simplicité des comportements à adopter pour contrecarrer l’action des pickpockets et le caractère non violent de cette pratique diminuent considérablement la peur d’une telle atteinte.
40 En contrepartie, l’affluence entraîne le stress, l’irritation et la gêne des usagers. Si la présence des autres voyageurs rassure, elle peut aussi déranger, surtout lorsque les espaces sont insuffisamment spacieux pour accueillir les individus qui s’y trouvent. Dans un article paru en 1977, Greenberg et Firestone montrent que les intrusions à l’intérieur de la distance intime (comprise selon Hall entre 15 et 45 cm) élèvent le niveau de malaise des individus (Greenberg, Firestone, 1977). Une étude plus récente confirme les résultats de ces chercheurs. Dans une thèse publiée en 2009, Thomas montre que le stress des usagers augmente dans les bus et les trains en situation d’affluence. Inspiré par la théorie de Hall (1971), l’auteur explique la montée de cette émotion par la rupture des distances interpersonnelles socialement acceptées par les individus dans cette situation (Thomas, 2009). Conjointement au stress, les sentiments de gêne et de dégoût dans les espaces de transport atteignent leur paroxysme durant les heures de pointe (Smith et al., 2010 ; Thomas, 2009). La difficulté de se mouvoir, les odeurs et les frottements corporels indésirables ou encore l’obligation de rester debout participent de concert au sentiment de mal-être des usagers.
41 Ces conditions de circulation sont d’autant plus insupportables qu’elles s’accompagnent de nombreuses incivilités. Mais contrairement aux désordres sociaux évoqués supra, ces déviances comportementales entraînent davantage la colère et la gêne que la peur des usagers. Si l’on reprend la typologie élaborée par Moore (2011), la majorité des incivilités produites en situation d’affluence sont considérées comme inoffensives. Dans une récente étude, Smith, Philips et King identifient une panoplie de six émotions éprouvées en réaction à ce type d’incivilités (Smith et al., 2010). Basée sur un échantillon de 1621 adultes, l’enquête montre que la colère (éprouvée par 59,6 % des répondants), la surprise (33,7 %) et le dégoût (26,8 %) sont plus communément ressentis que la peur (11,2 %) face à ces comportements. Cette dernière émotion se situant juste devant l’indifférence (6,1 %) et la honte (3,5 %). Deux facteurs justifient le faible taux de peur à l’égard de ce type d’incivilités. Il s’agit tout d’abord de la nature intrinsèque de ces comportements déviants. Occasionnées par les difficultés de circulation, ces incivilités majoritairement constituées de bousculades et de diverses impolitesses ne sont pas perçues comme des tentatives d’agression personnelle, mais plutôt comme des formes d’égoïsme et de manque de respect en situation d’affluence dans un espace réduit. Ensuite, ces déviances sont générées par toutes les catégories sociales, et non uniquement par les populations les plus anxiogènes. Les études menées par Gayet-Viaud (2013) en France et Smith et ses collègues (2010) en Australie montrent que ces incivilités concernent tous les usagers, les cadres autant que les ouvriers, les femmes autant que les hommes et les personnes âgées autant que les plus jeunes. C’est pourquoi ces comportements irritent bien davantage qu’ils n’effraient les voyageurs.
L’environnement bâti et la perception du risque
42 L’influence de l’environnement bâti sur l’insécurité personnelle fait aussi l’objet de nombreux travaux. Essentiellement développées par des géographes, ces études s’accompagnent d’une série de facteurs spécifiques à ce courant de recherche. Le cloisonnement (enclosure), la profondeur du champ de vision (prospect), les éléments architecturaux susceptibles de dissimuler des agresseurs potentiels (concealment), et les issues échappatoires (blocked escape/entrapment) sont autant de variables prises en considération par les chercheurs pour déterminer les relations d’influence de l’environnement bâti sur le risque perçu. L’un des principaux résultats de ces travaux est de montrer que les individus se sentent davantage en sécurité dans les espaces ouverts, à l’intérieur desquels ils peuvent voir les autres, être vus et s’enfuir en cas de problème (Blöbaum, Hunecke, 2005 ; Börjesson, 2012 ; Herzog, Chernick, 2000 ; Nasar et al., 1993 ; Stamps III, 2005).
43 On pourrait donc s’attendre à une influence importante de ces variables sur la peur du crime dans les espaces de transport. Mais aussi étonnant que cela puisse paraître, on trouve peu d’études sur ce thème. Certains travaux évoquent indirectement le rôle du confinement sur le risque perçu, dans la mesure où les espaces de transport impliquent une proximité avec des usagers indésirables. À l’aide d’une enquête qualitative réalisée auprès d’utilisateurs du métro bruxellois, Herbrand (2004) montre que les espaces de transport souterrains engendrent auprès des usagers un imaginaire collectif sur lequel reposent de nombreux stéréotypes liés à l’insécurité et au danger. Dans le même ordre d’idée, Currie et Mahmoud (2013) montrent que les sentiments d’anxiété et de malaise entraînés par la proximité avec les autres voyageurs influencent fortement l’insécurité personnelle dans les transports collectifs. Au contraire, les usagers à l’aise en présence de personnes inconnues éprouvent un sentiment de sécurité plus important (Currie, Mahmoud, 2013). Gardner et Abraham (2007) corroborent ces résultats. Pour ces deux auteurs, plusieurs automobilistes refusent d’utiliser les transports collectifs par manque d’espace personnel. Les arguments évoqués par les enquêtés sont de deux ordres. Tout d’abord, la voiture procure une sensation d’intimité plus importante que les transports en commun par la sélection des autres voyageurs. Ensuite, ce moyen de locomotion assure un sentiment de protection en isolant les automobilistes des environnements physiques et sociaux indésirables. D’autres auteurs insistent aussi sur les opportunités de surveillances informelles. Cozens et al. (2004) montrent que les abris quai transparents sont préférés par les usagers aux abris en briques. Alors que le PVC ou le verre utilisé dans la fabrication des premiers ouvre la visibilité sur l’ensemble du quai, les briques isolent l’intérieur de l’abri du reste de la station. Or, pour certains individus, l’absence de visibilité extérieure est une opportunité offerte aux délinquants, dont les agissements échappent aux regards des autres usagers (Cozens et al., 2004).
44 Dans un article précurseur, Valentine (1990) définit deux types d’environnements menaçants. Il s’agit d’abord d’espaces clos, avec peu d’opportunités de sorties comme les parkings, les passages souterrains ou encore les stations de métro. Il s’agit ensuite des espaces désertés qui offrent peu de surveillance informelle tels que les stations de train isolées. On peut donc supposer que les moyens de transport les plus anxiogènes sont ceux qui recoupent ces caractéristiques environnementales. La répartition des peurs dans les transports en commun semble soutenir cette hypothèse. À l’exception de Vilalta (2011) pour qui la proportion d’usagers insécures et très insécures avoisine les 35 % aussi bien dans les minibus, les bus et les métros, les chercheurs établissent différents taux de crainte selon les moyens de transport (Alm, Lindberg, 2000 ; Bon et al., 2011 ; Booz Allen Hamilton, 2007 ; Crime Concern, 1999, 2004 ; Guilloux, 2013b ; Heurtel, 2013 ; Lynch, Atkins, 1988 ; Mahmoud, Currie, 2010). L’enquête victimation et sentiment d’insécurité en Île-de-France illustre parfaitement ce constat (Heurtel, 2013). Réalisée tous les deux ans depuis 2001, l’enquête rapporte d’une année à l’autre une hiérarchie stabilisée des peurs qui place le RER comme le moyen de transport le plus anxiogène de la région parisienne (37,4 % des usagers s’y sentent au moins parfois en insécurité), suivi par le métro (31,2 %), le train (28,2 %), le bus (20,9 %) et enfin le tramway (17 %). Dans le même ordre d’idée, un rapport du Crime Concern (2004) montre que 47 % des enquêtés se sentent en insécurité dans le métro la nuit, 36 % dans le train et 30 % dans le bus. D’autres travaux corroborent encore ces résultats. Tulloch et al. (1998b), Currie, Mahmoud (2013), Booz Allen Hamilton (2007) et le rapport sur les jeunes dans les transports en commun rédigé par le Crime Concern (1999) soulignent de concert la prédominance des peurs dans les trains en comparaison aux bus.
45 Cette hiérarchie des craintes correspond en partie aux configurations architecturales propres aux différents moyens de transport. Notons que les déplacements souterrains figurent parmi les plus anxiogènes. Contrairement aux trains, bus et tramways, le RER [10] et le métro s’inscrivent dans une infrastructure architecturale entièrement cloisonnée, à l’intérieur de laquelle les issues échappatoires sont peu nombreuses. Les couloirs souterrains sont souvent sinueux et propices aux embuscades. Il y est aussi difficile d’éviter les situations menaçantes déjà repérées que d’anticiper les risques éventuels à chaque bifurcation. On comprend alors pourquoi le rapport du PREDIT (2002) identifie les déplacements dans les couloirs de métro comme l’une des étapes les plus anxiogènes du trajet. Concernant les taux de peur dans le RER, ils sont d’autant plus importants que ce moyen de transport cumule l’ensemble des configurations menaçantes. Il est essentiellement souterrain à l’intérieur de la capitale et souvent déserté en fin de ligne. Ce dernier point est aussi caractéristique des trains de banlieue. Si ce moyen de transport transite en surface au même titre que le bus et le tramway [11], le niveau de peur y est souvent plus important pour trois raisons (Booz Allen Hamilton, 2007). Tout d’abord, les gares – contrairement aux arrêts de bus et stations de tramway – sont souvent séparées de l’espace public par la présence de dispositifs de contrôle (portiques, barrières) qui réduisent les opportunités de sortie en cas d’agression. Ensuite, les stations de train sont pour bon nombre d’usagers plus difficilement accessibles et plus éloignées de leur domicile que les arrêts de bus. Enfin, le train est rarement occupé par le personnel de transport en comparaison au bus dont le conducteur assure une présence en toute circonstance (Booz Allen Hamilton, 2007).
Conclusion
46 Depuis le milieu des années 1990, la production des travaux sur la peur du crime dans les transports collectifs s’accélère [12]. De cette évolution résulte une meilleure connaissance des facteurs à l’origine de ce phénomène social. L’insécurité ressentie dans les transports en commun émerge à l’intersection de trois catégories de contraintes. Les premières que nous désignons comme sociales sont de deux ordres. Elles portent d’abord sur l’appréhension que suscite la proximité avec des inconnus issus d’horizons sociaux différents et aux comportements parfois transgressifs. Elles portent ensuite sur les situations d’isolement, jugées menaçantes par l’impossibilité de mobiliser une aide extérieure en cas d’agression. C’est pourquoi la nuit et les fins de ligne figurent parmi les contextes de circulation les plus anxiogènes. La seconde catégorie de contraintes est liée aux modalités de fonctionnement des transports en commun, dont certaines caractéristiques renforcent l’appréhension des usagers. Il s’agit d’abord des contraintes horaires qui imposent des temps d’attente plus ou moins longs et augmentent ainsi le sentiment d’exposition au risque. Il s’agit ensuite de la localisation des points de chute, difficilement accessibles dans les territoires où l’offre de transport est peu développée. Enfin, il s’agit de la rigidité des tracés propice aux changements de véhicules, aux temps d’attente et aux déplacements à l’intérieur des infrastructures. La troisième et dernière catégorie de contrainte porte sur le cloisonnement des espaces de transport, dont les effets fluctuent selon les configurations sociales. En situation d’affluence, le manque d’espace génère de la promiscuité et avec elle l’intensification des sentiments de gêne et de dégoût. En revanche, en situation d’isolement, l’absence d’échappatoire tend à renforcer la perception du risque de victimation. C’est pourquoi les moyens de transport souterrains écopent des scores de peur les plus élevés.
47 Lutter contre l’insécurité personnelle dans les transports en commun revient donc à agir simultanément sur ces trois catégories de contraintes. Il s’agit tout d’abord de s’assurer du respect des règles sociales à l’intérieur de ces espaces. En agissant contre la délinquance bien sûr, mais surtout contre les désordres sociaux. Bien plus que les vols et les agressions, ce sont les interactions indésirables, les injures, l’ivresse, l’agitation et l’errance qui suscitent par leur fréquence l’insécurité personnelle des voyageurs. Plus ou moins menaçantes en soi, ces déviances favorisent l’impression d’un manque de contrôle dans les espaces de transport. Il s’agit ensuite d’assurer une prestation de service performante et efficace. Les contraintes de fonctionnement génèrent d’autant plus l’insécurité personnelle que l’offre de transport est faible. Il est d’ailleurs intéressant d’observer que les contextes isolés – déjà particulièrement anxiogènes – souffrent souvent d’une circulation restreinte. La baisse du trafic la nuit et sur les fins de ligne renforce la production de l’insécurité personnelle par l’augmentation des temps d’attente et des distances domicile/station. Il s’agit enfin d’assurer aux usagers un trajet confortable et rassurant. À commencer par l’accueil et la gestion des flux. Or, les moyens de transport les plus confinés sont souvent mal adaptés aux fortes situations d’affluence. Ils sont aussi particulièrement anxiogènes dans la mesure où ils obstruent le champ de vision et réduisent les possibilités de fuite en cas de danger. C’est pourquoi la conception de l’espace s’ajoute au développement de l’offre de transport et au maintien des règles sociales pour réduire l’insécurité personnelle des voyageurs.
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Notes
-
[1]
Comment vous sentez-vous lorsque vous marchez seul dans votre quartier la nuit ? Comment vous sentiriez-vous seul dans votre quartier la nuit ? Y a-t-il un endroit aux alentours d’ici où vous vous sentez en insécurité en marchant la nuit ? (Ferraro, LaGrange, 1987).
-
[2]
La première est l’étude du PREDIT présentée supra, la seconde est un article d’Éric Macé (1997).
-
[3]
Pour les États-Unis, les principaux chercheurs sont Anastasia Loukaitou-Sideris, Martha Smith, Nilay Yavuz et Éric Welch, pour la Grande-Bretagne, on peut évoquer Paul Cozens, Gary Lynch et Susan Atkins, et pour l’Australie Sarah Mahmoud, Graham Currie, John et Marian Tulloch. Soulignons que ces trois pays produisent aussi la majorité des travaux sur la peur du crime. Les États-Unis et l’Angleterre et Galles notamment sont à l’origine de la plupart des avancées conceptuelles, épistémologiques et opérationnelles de cet objet d’étude (Farrall et al., 2009 ; Hale, 1996).
-
[4]
C’est notamment le cas de Tulloch en Australie, Loukaitou-Sideris, Yavuz et Welch aux États-Unis et Guilloux en France.
-
[5]
Lorsque les études ne sont pas entièrement démunies de références bibliographiques comme c’est le cas de la littérature grise.
-
[6]
Notons que très peu d’études ont tenté d’appréhender l’insécurité personnelle dans les transports collectifs par le biais du statut économique des voyageurs. En revanche, cette variable est soulevée dans la littérature générale sur ce thème. Mais les résultats soulignent moins le rôle de la classe sociale d’appartenance que celui de l’implantation géographique. Des auteurs tels que Hale (1996) et Zauberman et al. (2013) montrent que l’important taux de crainte des individus défavorisés résulte des contextes auxquels ils sont confrontés. Les individus disposant de petits revenus ont plus de chance de résider dans des quartiers anxiogènes que les personnes possédant un capital économique plus important.
-
[7]
Le rapport du Crime Concern (2004) montre que 60 % des femmes se sentent en insécurité la nuit dans le métro contre 32 % des hommes. Loukaitou-Sideris (1999) estime quant à elle que 59 % des femmes et 41 % des hommes perçoivent un risque de victimation aux arrêts de bus. Selon le rapport du PREDIT (2002), 30 % des hommes disent se sentir bien dans les transports en commun contre seulement 17 % des femmes. Enfin, l’enquête victimation et sentiment d’insécurité en Île-de-France de 2011 montre que 58,7 % des femmes se sentent au moins parfois en insécurité dans les transports en commun contre 30,7 % des hommes (Heurtel, 2013).
-
[8]
Sans oublier que les femmes utilisent davantage les transports en commun que les hommes. Elles sont même avec les jeunes (15-24 ans) les principales consommatrices de ces moyens de locomotion. Or, ces deux groupes sociaux figurent parmi les plus sensibles à l’insécurité personnelle lors de leurs déplacements (Heurtel, 2013). Il est donc possible que la dépendance aux transports collectifs renforce la crainte d’être agressé ou volé, surtout lorsqu’elle implique de traverser des contextes anxiogènes.
-
[9]
Pour l’isolement, voir notamment l’article de Warr (1990). Pour la mixité sociale et plus précisément la perception à l’égard des minorités ethniques défavorisées, voir l’article de Sampson, Raudenbush (2004).
-
[10]
Réseau Express Régional.
-
[11]
Le faible niveau de peur enregistré dans le tramway francilien s’explique moins par les caractéristiques environnementales et architecturales que par l’utilisation limitée de ce moyen de locomotion. Selon l’édition 2009 de l’enquête victimation et sentiment d’insécurité en Île-de-France, 43 % des enquêtés disent ne jamais prendre le tramway (Bon et al., 2011).
-
[12]
Notons que la comparaison de ces travaux internationaux est rendue possible par la présence d’observations analogues. Quel que soit leur pays d’origine, les chercheurs soulignent l’influence des groupes de jeunes, des personnes alcoolisées, des temps d’attente ou encore de l’isolement sur l’insécurité personnelle dans les transports collectifs. Même si bien sûr les comparaisons terme à terme sont difficilement réalisables en raison des différences d’offres de transport, d’utilisation et de contexte.