Couverture de DS_374

Article de revue

Les rapports de la police judiciaire et du ministère public en France et au Brésil

Pages 415 à 439

Notes

  • [1]
    En effet, sur une longue période, j’ai eu l’occasion de faire des observations et des entretiens dans les services de police judiciaire et du ministère public, aussi bien en France (2008 et 2009) qu’au Brésil (de 2001 à 2008).
  • [2]
    Au sein de chaque commissariat brésilien existe un cartório qui atteste que les documents présentés à la police et par la police sont authentiques, conférant ainsi « foi publique » à ces documents. C’est ce service qui est responsable de l’ouverture des enquêtes, qui répartit les documents entre différents services dans le commissariat et qui en gère les archives.
  • [3]
    Paixão (1982) ; Oliveira (2003) ; Zaverucha (2003) ; Adorno, Pasinato (2010) ; Ribeiro (2009) ; Lima (2008) ; Kant de Lima (1995), Miranda et al. (2005) ; Paes (2008, 2010, 2011) ; Soares (2006) et une recherche dirigée par Misse (2010).
  • [4]
    Le système fédératif brésilien, contrairement à celui des États-Unis par exemple, n’octroie pas aux États fédérés de compétences législatives en matière pénale ; la police judiciaire obéit à des codes et procédures établis par l’État fédéral. Seul le niveau administratif de la gestion des ressources, des informations et du personnel relève des États fédérés.

1 Cet article a pour objet de rendre compte des recherches sur le rôle de la police et du ministère public dans la formalisation de l’attribution de la qualité criminelle à un fait. Elle s’appuie sur le recueil de données statistiques, bibliographiques et documentaires, mais principalement sur une ethnographie attentive à la manière dont les policiers et les procureurs travaillent au quotidien à la production des dossiers et sont en interaction avec des personnes, des formes et des règles. Ces différentes méthodologies nous permettent de comprendre les conditions selon lesquelles les catégories pénales, statistiques et ethnographiques sont utilisées.

2 Les terrains où les observations sur la routine des institutions ont été réalisés se situent dans deux régions en France et au Brésil, le département du Nord/Pas-de-Calais et l’État fédératif de Rio de Janeiro [1]. L’observation des activités in situ m’a permis d’examiner les pratiques, les discours, les enjeux institutionnels et les recettes pratiques des agents dans leurs interactions quotidiennes pour la production des crimes. En m’appuyant sur des études publiées sur les institutions françaises et brésiliennes j’ai pu faire la part des particularités locales issues du terrain et des problèmes généralisables aux institutions de ces deux pays. Cela a permis l’identification des pratiques qui constituent la règle et des événements qui restent exceptionnels et singuliers.

La culture juridique de « civil law » revisitée

3 Je mets en parallèle l’expérience de deux pays (le Brésil et la France) qui appartiennent à une culture juridique étatique qui valorise la bureaucratie et donne une centralité aux formes écrites et procédurales. Connu sous le nom de civil law ou de droit continental, ce modèle juridique prétend prévoir toutes les catégories, parcours et procédures pénales. Le discours produit par l’accusation a un poids particulier dans la construction des versions de ce qui s’est passé (Garapon, Papadopoulos, 2003 ; Kant de Lima, 1995a). Les avocats s’intéressent moins à la production de preuves qu’à la traduction des faits et à la contestation des formes. Dans le domaine du droit pénal, des procédures « secrètes » sont établies par des fonctionnaires envers des citoyens qui violent les lois de l’État, celui-ci dispose d’un ensemble d’institutions visant à produire des versions et des décisions légitimes. Le droit est un dispositif discursif qui est aussi au service de la légitimation de la rationalisation politique.

4 Le Brésil et la France connaissent des réformes importantes depuis le début des années 1990 et les pratiques nous informent sur l’existence des manières d’échapper aux dispositions légales. Le problème qui se pose va au-delà du manque d’effectivité des règles, car les deux pays connaissent bien l’effet bloqueur de l’excès de forme tel que la « grève blanche » : s’efforcer de bien faire tout ce qui est prévu peut arriver à bloquer tout l’appareil bureaucratique, de même le « vice de forme » ; la priorité donnée à la justification des formes peut en dire beaucoup plus sur la logique interne des institutions que sur la nature des faits qu’elles prétendent gérer.

5 Dans ces deux pays, on revendique une justice plus souple et plus flexible afin que l’appareil judiciaire soit moins coûteux et plus rapide. Ces réformes ne sont pas seulement administratives. Elles interviennent sur la manière dont la connaissance est construite et concernent également les rôles et les compétences des agents institutionnels. Cela pourrait nous conduire à penser qu’il y a une transposition des éléments de la culture juridique anglo-saxonne appelée common law, où l’oral occupe une place privilégiée et les décisions produisent jurisprudence, au modèle de la civil law. Nonobstant, la vitesse et la débureaucratisation qui se font à partir de l’introduction des éléments de discours oraux et des possibilités de négociation ont des contours bien différents dans nos deux pays.

6 D’une part, des réformes en cours visent une punition plus sévère envers certains types d’infractions ou certaines catégories de gens, comme les récidivistes (Danet, 2008 ; Pinto, 2006). D’autre part, les réformes législatives ont contribué à rendre certains conflits, auparavant non traités dans le système judiciaire, objets de procédures formelles (Milburn, 2008 ; Azevedo, 2001). Ainsi, certains faits ne sont plus immédiatement classés sans suite, ce que l’on appelle le « classement sec ». En revanche, on adopte pour les gérer des procédures simplifiées. La France et le Brésil ont introduit l’administration institutionnelle des conflits à travers la négociation. Pourtant, cela ne contredit pas la culture inquisitoire, car les procureurs imposent une pénalité plus légère avant même que le mis en cause n’ait de possibilités formelles de construire sa version des faits (Desprez, 2006 ; Prado, in Amorim, Kant de Lima, Mendes, 2005). Remarquons alors que celui-ci acceptera la mesure proposée, parce qu’au cas contraire, elle peut être traitée selon des délais et des procédures judiciaires traditionnelles, entraînant ainsi une peine plus lourde. L’objet de cette négociation n’est pas la culpabilité, mais la peine. Le type de réponse donnée par ce modèle simplifié fait l’objet de nombreuses critiques. Mentionnons brièvement que les alternatives sont souvent perçues comme des mesures d’impunité qui finissent par reproduire le conflit et que certaines mesures sont imposées arbitrairement, en éliminant les possibilités de défense. Quant à l’incarcération, certaines études mettent en relief le fait que le nombre de personnes envoyées en milieu fermé a considérablement augmenté ces dernières années dans les deux pays, ce qui n’est pas dû à l’augmentation des taux de la criminalité, mais à la modification de la prise en charge. Par conséquent, même si ces réformes ont introduit des modes alternatifs d’administration des conflits, elles n’ont pas contribué à la diminution du nombre de personnes envoyées en prison et qui y restent plus longtemps (Aubusson de Cavarlay, 2008 ; Pinto, 2006).

Organisations du système de sécurité et de justice, une perspective comparée

7 Il faut distinguer les fonctions et les catégories professionnelles, puisque la police et le ministère public se présentent de façon différente dans chacun des deux pays analysés.

8 En effet, on peut dire qu’en France prédomine un modèle de justice géré et adapté selon les objectifs du gouvernement de l’État national. Les services de police qui gèrent la criminalité sont liés au gouvernement, mais sont soumis à une double tutelle : c’est le cas lorsque des policiers exercent les activités de police judiciaire, car leurs enquêtes sont dirigées par les procureurs et les juges d’instruction. Le parquet appartient au corps des magistrats et soutient la politique pénale de l’État au tribunal. Parmi d’autres objectifs, les substituts des procureurs s’orientent actuellement vers la gestion du flux des procédures qui valorise l’introduction de mesures de qualité, basée sur l’impératif de l’évaluation statistique, la rapidité du traitement des affaires et la diminution des coûts des procès (Garapon, Papadopoulos, 2003 ; Jean, 2009 ; Vigour, 2006 ; Vauchez, 2008 ; Mucchielli, 2008). L’indépendance du système judiciaire est remise en question quand on observe l’augmentation des pouvoirs des institutions qui sont directement soumises à l’exécutif.

9 Dans le modèle brésilien, en revanche, la police est directement liée à l’exécutif, soit au niveau du gouvernement fédéral, soit au niveau des États de la fédération. À l’exception des crimes et contraventions de la compétence de la police et de la justice fédérales – tels que la corruption, le narcotrafic et les infractions électorales –, chaque unité fédérative du Brésil a à sa disposition deux autres polices, l’une militaire, l’autre civile, responsables respectivement du maintien de l’ordre et des enquêtes sur les faits de délinquance ordinaire. Au Brésil, il n’y a pas de police qui assure les deux fonctions. Une contradiction réside dans le fait que les polices civiles sont responsables des enquêtes sur les faits qualifiés de crimes, mais le statut du travail que cette police réalise n’est qu’administratif (Kant de Lima, 1995b ; Misse, 2010 ; Paes, 2010). Cela signifie que si en France les enquêtes policières font partie du procès – ce qui ne pose aucun problème de légitimité puisque les enquêtes sont dirigées par les substituts des procureurs et par les juges d’instruction – au Brésil, on peut dire que le ministère public et le judiciaire utilisent les procédures policières, mais n’en ont pas la responsabilité. Cela crée une difficulté dans la coordination entre une procédure et d’une politique pénale qui engagent l’ensemble de ces institutions. Le ministère public brésilien se présente comme une institution autonome et impartiale par rapport aux pouvoirs exécutif et judiciaire. Ses membres se définissent comme des acteurs politiquement neutres, mais quelques auteurs disent que le ministère public s’est constitué comme un quatrième pouvoir (Arantes, 1999).

Les chiffres : difficultés dans la comparaison de la criminalité enregistrée

10 Ces éléments influencent lourdement la manière dont des faits traduits en tant que crimes sont comptabilisés, ainsi que la manière dont chacun des pays va gérer ses données. Les statistiques permettent de rendre compte de l’activité de la police et de la justice dans le comptage du crime et des taux d’activité des institutions.

11 Généralement, les études qui font une comparaison internationale des statistiques de criminalité se concentrent sur les indicateurs d’homicide, parce que ces crimes ont un faible indice de sous-renvoi et parce que les données de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) peuvent être utilisées comme mesure de contrôle des données qui sont produites par des organisations policières. Néanmoins, les données que le ministère de la Santé brésilien présente ont été très critiquées par une étude récente (Cerqueira, 2011). Selon cette étude, la production des données dans l’État de Rio de Janeiro (responsable d’environ 30 % des chiffres nationaux) est de mauvaise qualité car, dans un grand nombre des certificats de décès, les médecins légistes n’ont pas déterminé la cause de la mort. La comparaison immédiate des statistiques produites par des pays différents peut présenter certains problèmes car ces données ne tiennent pas compte des catégories pénales. Je me concentrerai sur la spécificité de la production des statistiques de la France et du Brésil, en retraçant la manière dont les crimes sont enregistrés et traités par la police dans chacun des deux pays. Les statistiques sont construites à différentes échelles. En France, les statistiques sont agrégées au niveau national. Au Brésil, un effort a été fait par le Secrétariat National de Sécurité Publique/Ministère de la Justice pour faire la compilation des données de tous les États fédérés, mais il est encore difficile d’assurer des statistiques qui rendent compte de l’échelle nationale. Comme celles-ci ne sont pas encore transmises vers ce niveau de façon systématique, on ne peut en faire l’analyse que par unité fédérative, la sphère où les données sont produites. On ne peut pas faire une comparaison immédiate des chiffres du Brésil et de la France, parce que la façon d’établir les statistiques, la classification des crimes, leurs proportions et les documents au moyen desquels ils sont produits varient d’un pays à l’autre.

12 Contrairement à la politique de « production d’élucidation » et « d’évaluation de la performance » de la police française, la police civile de l’État de Rio de Janeiro ne tient pas compte de l’élucidation des infractions comme paramètre d’évaluation de ses activités, et n’est pas non plus informée de la suite des procédures dans le système judiciaire. Le chercheur n’a accès à aucune donnée publiée, mais doit faire des demandes ciblées à l’administration. Le ministère public et la justice ne publient pas de statistiques par type d’infraction. Pour que les chercheurs puissent avoir accès à ce genre d’informations, ils doivent produire eux-mêmes cette base de données et procéder ensuite à un traitement statistique. Bref, ces différents chiffres ne dialoguent pas, ce qui contribue à l’opacité dans l’évaluation statistique des suites données aux affaires. Les institutions produisent des données afin d’évaluer leur productivité mais ne les utilisent pas pour arriver à un processus décisionnel mieux informé. Selon Lima (2008), les statistiques criminelles brésiliennes ne sont pas transformées en information et en connaissance permettant de faire des propositions d’actions et de politiques publiques efficaces et plus démocratiques.

13 La signification des catégories, la dimension et la nature des conflits ne sont pas non plus les mêmes. Si le « meurtre non élucidé » est un phénomène rare en France et mérite une attention et un effort particuliers de la police et de la justice, on observe au Brésil le phénomène contraire. La police a beaucoup de problèmes dans l’élucidation des affaires. Adorno et Pasinato (2010) affirment que la police de São Paulo privilégie les enquêtes sur les affaires violentes dans lesquelles les auteurs sont connus à l’avance. Ribeiro (2009) rend compte dans son étude que seuls 22 % des enregistrements d’homicides par la police de São Paulo aboutissent à un procès et 14 % arrivent à la phase de sentence. Dans le rapport d’une enquête menée par Misse (2010) sur cinq capitales brésiliennes – Rio de Janeiro, Belo Horizonte, Porto Alegre, Recife et Brasilia – on observe que la plupart des crimes dont le taux d’élucidation est le meilleur sont les flagrants délits, ce qui relève plutôt de la police de la rue que de l’enquête policière.

14 Revenons sur la façon d’établir les qualifications pénales. La catégorie brésilienne d’homicídio doloso fait référence aux homicides volontaires. Les latrocinios – vols suivis de décès – sont qualifiés comme des infractions contre la propriété, parce qu’on estime que l’intention de l’auteur a été d’abord de voler un bien et non pas le décès de quelqu’un. Les actes de résistance sont considérés dans le domaine policier comme des catégories administratives désignant des homicides commis par des policiers au cours de confrontations avec quelqu’un qui a résisté à leur action. Même s’ils sont considérés finalement comme des homicídios dolosos par le système judiciaire, les affaires d’actes de résistance sont qualifiées différemment des homicides par la police civile. Une étude à laquelle j’ai eu l’occasion de participer (Miranda, Oliveira, Paes, 2005) soulignait que la plupart des homicides de la ville de Rio de Janeiro en 2002 étaient liés à des conflits entre groupes rivaux de trafiquants de stupéfiants, la plupart des victimes étant mortes par armes à feu. La seule ville de Rio de Janeiro a connu, en 2008, 2 069 homicides. En 2008, il y a eu 98 latrocinios et 688 personnes ont été tuées par des policiers en situation supposée de confrontation et qualifiée d’acte de résistance. Le taux des dossiers clôturés par la police en 2008 n’était que de 7 %. Ceci n’est pas un indicateur d’élucidation, car les enquêtes peuvent être aussi classées sans être élucidées. L’analyse de l’évolution des statistiques de la police montre que, de 2000 à 2008, il y a eu une tendance à la diminution de 24,4 % des victimes d’homicídios dolosos à Rio de Janeiro et une augmentation de 147,5 % des enregistrements d’actes de résistance dans cette ville. Ces données indiquent une baisse de l’enregistrement des conflits entre citoyens et une augmentation des enregistrements de décès occasionnés par une confrontation entre des citoyens et des agents de l’État.

15 La catégorie française d’homicides volontaires englobe aussi les circonstances des vols suivis de mort. Pour la France métropolitaine, il a été enregistré, au cours de l’année 2008, 839 affaires d’homicides, parmi lesquels : 3,5 % ont été commis à l’occasion d’un vol, 4,8 % ont été commis contre des enfants de moins de 15 ans, 15 % étaient dus aux règlements de comptes entre malfaiteurs et 76,6 % concernaient les homicides dus à d’autres motifs. En 2008, le taux général d’élucidation des homicides était d’environ 81 %, mais on constate que le taux d’élucidation des homicides commis à l’occasion d’un vol est de 60 % et que celui des homicides dus aux règlements de comptes entre malfaiteurs est de 50 %. Une étude réalisée par Mucchielli (2002, 2005) met en évidence que la grande majorité des homicides en France n’est pas commise par des criminels professionnels ou par des gens en récidive, et par ailleurs, il est rare d’avoir des auteurs d’homicides impliqués dans des affaires de trafic de stupéfiants. Dans leur grande majorité, les homicides ont été commis par des gens appartenant à des réseaux relationnels. Il faut alors tenir compte de l’énorme différence sur le plan qualitatif, mais aussi quantitatif, que chaque système est amené à gérer.

16 Au travers du recours aux statistiques, j’ai voulu expliciter la différence dans la gestion des données. Les chiffres ne rendent pas compte des contingences de leur production et de la manière dont les faits sont transformés en catégories statistiques.

Le pouvoir discrétionnaire : la quête d’autonomie et les contraintes institutionnelles

17 Chaque modèle encadre, autorise et normalise l’interprétation et la sélection des affaires. En France, la police et le parquet disposent d’un grand pouvoir discrétionnaire : la sélection des « belles affaires » et de celles qui ne méritent pas une attention spéciale du système judiciaire est voulue et légitimée par la justice et par le pouvoir politique (Monjardet, 2008 ; Lévy, 1987 ; Dedieu, 2010). En ce qui concerne les délits, la police peut avoir plus de pouvoir discrétionnaire, mais dans une affaire criminelle ou lorsque des personnes sont détenues en garde à vue, l’affaire doit être suivie de près par les magistrats. Le parquet est mu par le principe de l’opportunité des poursuites. Les procureurs peuvent décider que certaines affaires seront classées sans suite, user de voies alternatives à la poursuite pénale, ils peuvent choisir la composition pénale ou même le procès classique. Entre 2000 et 2007, le nombre total de procès a augmenté de 9 % et le nombre de procédures alternatives à la poursuite pénale a augmenté de 96 %.

18 Au Brésil, les policiers doivent enregistrer les plaintes du public et formaliser leurs recherches dans les formulaires d’enquête, des flagrants délits et, plus récemment, dans le termo circunstanciado. Ce dernier étant le document le plus simplifié pour la gestion des infractions encourant une peine d’emprisonnement de moins de deux ans. Le modèle brésilien n’est pas ouvert au pouvoir discrétionnaire de la police ou du parquet, au moins formellement, car la spécialisation interne des professionnels ou même la spécialisation des commissariats organisent cette sélection (Miranda et al., 2005 ; Paes, 2010). La spécialisation n’est pas toujours liée à la maîtrise des techniques, connaissances et compétences professionnelles, elle est aussi liée à la l’investissement et à l’intérêt exclusif pour certains types d’infractions ou certaines catégories de personnes. Au Brésil, la police et le ministère public sont obligés d’ouvrir des enquêtes et des procès pour tous les cas qui leur sont communiqués (Misse, 2010 ; Paes, 2010). Cette obligation pèse sur les décisions des agents sur l’opportunité de poursuivre des affaires, car cela peut être une source de profit. Il est courant que les promotores – on désigne ainsi les membres du ministère public – renvoient des dossiers à la police en demandant plus d’investigations sur les affaires et que la procédure passe de main en main sans que rien ne soit fait au cours du délai légal, ce qui justifie que l’affaire soit classée. La négociation et la sélection des affaires ne peuvent être faites que d’une façon officieuse.

19 Ainsi, on a deux modèles juridiques pour encadrer la contrainte et l’autonomie des agents, l’un s’organise autour de l’opportunité de la poursuite et l’autre s’appuie sur l’obligation de la poursuite. Dans les deux cas, on tente d’encadrer les choix et les actions en se référant à des règles.

20 Pour que les faits soient signalés et considérés comme une infraction, il faut d’abord avoir une qualification pénale, mais c’est aux agents (soit les victimes, soit les agents de l’État) de décider du fait qu’ils feront l’objet d’un enregistrement et d’une réponse institutionnalisée. Par conséquent, il faut que les histoires soient exprimées, entendues et traduites sous une forme écrite et que ces documents suivent un chemin procédural.

21 L’une des premières actions entreprises par les policiers et les procureurs est la qualification des faits en se référant à un article du code pénal. Toutefois, ils ne sont pas seulement soumis au paradigme juridique : l’activité de qualification est aussi empirique et fondée sur quelques caractéristiques courantes des cas avec lesquels ils sont en contact au quotidien. La qualification sert à imposer un ordre à la vie et à organiser leur travail.

La gestion des infractions dans le système pénal français

22 Même si de nombreux faits, comme les tentatives de vol ou les menaces, peuvent être qualifiés selon les catégories pénales, c’est une pratique ordinaire qu’ils soient enregistrés non pas dans le registre formel de plainte, mais en main courante, laquelle permet aux policiers de disposer d’une source potentielle d’informations.

23 En France, le premier procès-verbal est fait généralement à partir du récit d’un plaignant. Le policier fait un petit entretien avec la personne et commence à taper le récit des informations sur l’ordinateur. Il écrit les phrases au nom du plaignant, telles que : je m’appelle, je suis née, je précise que, je pense que, je vous rends plusieurs justificatifs probatoires de ce que je dis, j’ai été notifié (e) que seul le résultat positif de l’enquête me sera communiqué. Comme Lévy (1987) l’avait bien montré dans son étude sur la police judiciaire à Paris, le récit qui est tapé par le policier prend toujours la forme d’un monologue. Alors, le discours des personnes ressemble à une parole spontanée, unifiée et adéquate à la représentation que s’en font les policiers.

24 Un cas exemplaire est celui de deux femmes, arrêtées en flagrant délit pour avoir volé des produits dans un supermarché. Comme elles ne parlaient pas le français, une traductrice assermentée s’est déplacée. Avant d’être auditionnée, l’une des femmes a dit qu’elle aimerait bien parler à un avocat. Les femmes ont été interrogées par le policier séparément. Le policier présente l’audition à la première femme précisant qu’il leur est reproché d’avoir volé un total de 638 € en marchandises, il qualifie les faits de vol en réunion. Il essaie de renseigner quelques données personnelles, telles que le nombre d’enfants, si la femme travaille ou étudie, si elle a le permis de conduire ou de chasse, si elle est déjà connue des services de police, etc. Ensuite, le policier commence à poser des questions sur la manière dont se sont déroulés les faits. La femme a dit être allée au supermarché pour acheter de quoi manger et, après avoir vu qu’il n’y avait pas de vigile, son amie et elle ont pris du champagne et l’ont mis dans leur sac à main. Mais elles sont parties du supermarché avec un caddie rempli. Cela a déclenché l’alarme du magasin et elles ont été arrêtées sur place. À ce moment, elles ont dit à une dame qui travaillait au magasin qu’elles pouvaient payer ces marchandises par carte bleue, mais cette dame ne les a pas laissées partir, car elle a découvert les produits qui étaient rangés dans le sac à main. Le policier a demandé les raisons de l’acte, qui a donné l’idée de voler le supermarché, comment elles sont arrivées là-bas et comment elles avaient prévu de se déplacer avec le caddie jusqu’à la maison. La femme répond si j’ai volé, c’est parce que nous n’avons pas beaucoup d’argent.

25 L’avocat est venu entre les interrogatoires de chacune des femmes. La première femme interrogée a reconnu le fait d’avoir volé dans le supermarché et la deuxième, après s’être entretenue avec l’avocat, a nié tout ce qui s’était passé et a essayé de faire croire au policier qu’elles avaient été prises au piège. Elle a dit que son amie avait mis quelque chose dans son sac à main et que le caddie plein de produits a été amené par les employées du supermarché. L’officier s’est mis en colère et a dit qu’elle était une menteuse, parce que l’amie qui lui avait donné son témoignage juste avant, a dit qu’elles emportaient le caddie aussi. Le policier a ajouté que si elle continuait à dire des mensonges, elle resterait plus de temps en garde à vue et de plus, irait en prison pour avoir menti, ce que son amie ne risquait pas. Le policier a fait ce commentaire on va lui faire croire. Le policier a insisté en disant qu’elles allaient rester plus de temps en garde à vue parce que, dans ce cas-là, il avait besoin de voir la vidéo du magasin. Il a ramené la première femme dans son bureau et a procédé à une confrontation informelle entre elles. Il a déclaré que la deuxième femme à être auditionnée avait dit que seule l’une d’elles avait participé au vol. Les deux ont discuté et une femme a persuadé l’autre de dire « la vérité », et « la menteuse » (l’adjectif employé par le policier au moment de l’audition) a finalement changé sa version. Tout s’est passé à l’insu de l’avocat et ce qui était mentionné dans le procès-verbal n’a été que la version où la deuxième femme dit qu’elle a fait cela pour les enfants parce que c’est difficile de vivre et qu’elle ne le ferait plus.

26 Au Brésil, on dit que les auteurs d’infractions ont le droit de mentir et de garder le silence, car on a le droit de ne pas produire de preuves contre soi-même ; le faux témoignage d’un tiers peut engendrer des poursuites pénales, car il est considéré comme une « infraction ». En revanche on a, en France, une manière particulière de qualifier les mensonges, car ils peuvent être considérés comme un outrage. Le faux témoignage d’un mis en cause et d’un tiers est interdit et passible d’une peine ou d’une aggravation de la peine. Mais, selon les policiers, les personnes n’ont aucun intérêt à dire la vérité. Dans la pratique elles mentent souvent à la police et ne reconnaissent les faits qu’à l’audience. Le silence n’est guère envisagé en France, car le but de la garde à vue est de faire parler les personnes.

27 Le procès-verbal de dépôt de plainte renseigne sur plusieurs catégories d’auteurs supposés. Généralement, ce qui apparaît dans le procès-verbal est que l’enregistrement est fait « contre X ». Ensuite, les policiers peuvent enregistrer les gens dans des fichiers, ce qui va créer des antécédents. Seulement quand les policiers confirment qu’ils vont orienter ces enquêtes vers quelqu’un, ils nomment cette personne sous le terme de « mis en cause ». Dans le procès-verbal, presque personne n’est considéré, a priori, comme victime, mais plutôt comme un plaignant, ce qui peut suggérer que même le statut de victime peut être flou et passible du soupçon. En effet, il est courant que les policiers fassent référence à l’utilisation instrumentale des enquêtes par des victimes supposées, tels les « faux viols » ou les affaires où les commerçants disent qu’ils se sont fait voler par leurs employés.

28 La suite du dossier au commissariat est décidée par les chefs de service. Ainsi comme Mouhanna (2001) l’a noté dans son étude, j’ai pu vérifier dans mon travail de terrain beaucoup de tensions autour de la sélection et du suivi des affaires dans le commissariat, malgré l’existence d’un protocole qui indique un critère de répartition entre les différents services. Comme certaines affaires peuvent avoir plusieurs dynamiques – vol avec violence commis par des bandes organisées – la qualification est un terrain de conflits. Les affaires ne sont pas envoyées à des équipes spécialisées seulement en raison de leur catégorie pénale, mais aussi en fonction de la gravité du fait, de leur caractère sensible et de la difficulté que certaines enquêtes posent à certains services policiers.

29 Un des chefs des services que j’ai suivi m’a indiqué que son supérieur lui donne son rôle judiciaire, mais oublie que son rôle de commandement peut être aussi central. Je crie et je gère, m’a déclaré cet officier. En fait, la fonction principale des chefs de service est celle d’encourager des groupes de policiers dans les enquêtes et de faire passer les affaires aux groupes de spécialistes. Toutefois, j’ai pu observer que les hiérarchies peuvent être floues et que la solidarité au sein des équipes peut parfois manquer. Bon nombre de dossiers qui demanderaient une spécialisation peuvent cependant être renvoyés aux services de base.

30 La qualification des faits n’oriente pas seulement la façon dont le rapport sera écrit, elle indique aussi la possibilité d’utilisation de la caméra au cours des auditions. La police est obligée d’enregistrer une vidéo des témoignages de personnes accusées d’avoir commis des crimes et les auditions de tous les mineurs, qu’ils soient délinquants ou victimes. Un policier m’a dit en entretien que, dans la police, on donne toujours aux affaires les qualifications les plus élevées, pour ne pas risquer la nullité de la procédure dans les cas où les auditions n’auraient pas été filmées pour des affaires où les magistrats choisiraient une qualification où le vidéo-enregistrement est requis. Cela est important parce que ces documents vont nourrir le procès judiciaire. J’ai demandé aux policiers comment ils choisissent la qualification et ils m’ont répondu qu’ils procèdent empiriquement et sur la base des caractéristiques habituelles des cas qu’ils rencontrent au jour le jour. Cela veut dire qu’ils prennent aussi en compte des règles d’expérience. Un policier m’a présenté le cas suivant : quelqu’un tire par terre pour faire peur à une personne ou il tire sur quelqu’un, mais ne vise pas bien et manque sa cible : pour définir une qualification pénale et vérifier que des faits ont été prévus dans la loi, les policiers évaluent l’intention de l’auteur, s’il a évité de commettre l’acte ou s’il a empêché que l’acte soit commis par un tiers. Si le cas est qualifié délit (menaces, par exemple), ils ne font pas l’enregistrement vidéo de l’audition, mais lorsque le fait est considéré comme un crime (tentative d’homicide), celui-ci est obligatoire. La logique de l’enregistrement audiovisuel consiste à diminuer les durées d’audition des personnes parce que celle-ci peut être revue à n’importe quel moment par les juges et aboutir à l’accroissement du contrôle sur l’activité policière. Afin de résoudre ce genre de problèmes, la police, après l’obligation de filmer les auditions, a eu tendance à choisir pour les affaires la qualification la plus élevée. La contradiction c’est que la justice n’est pas tenue par ces qualifications : généralement, quand l’enquête est communiquée aux magistrats, ce sont eux qui imposent la qualification définitive de l’affaire.

31 D’autres activités contribuent à construire une ligne d’investigation. Par exemple, le contrôle d’identité et des débits de boissons sont considérés comme des activités de base en termes de collecte d’informations. Dans le cadre du contrôle de la vente d’alcool, le contrôle des débits de boissons permet à la police d’entretenir de bonnes relations avec les propriétaires des bars (Lévy, 1987, 20-23) ; les policiers fréquentent des bars et clubs de nuit qui appartiennent à « des amis » pour vérifier aussi la vente, l’usage des stupéfiants et la fréquentation du quartier. À son tour, le contrôle d’identité autorise la police à détenir toute personne sur le terrain pour vérifier ses documents au cas où ils la soupçonnent d’avoir commis un délit ou d’être en train de préparer une infraction (Vlaminck, 2005, 323). Les policiers m’ont fait savoir que l’approche qu’ils adopteront envers les gens est fonction du contexte dans lequel ils ont été arrêtés. Dans les grandes communautés urbaines, la police va parfois saisir la drogue et généralement ne va pas procéder à l’arrestation, mais dans les petits villages, les usagers de stupéfiants sont traités avec plus de rigueur. Ainsi, malgré l’existence d’une loi qui catégorise les infractions, la façon dont les comportements sont évalués change selon les circonstances des rencontres et de l’environnement.

32 À partir de ces rapports, la police commence à faire des enquêtes de sa propre initiative visant à la production d’une flagrance, car dans ce cadre d’enquête, ils peuvent faire des perquisitions de maisons, de garages et de lieux de vente de stupéfiants. La garde à vue pour une affaire de trafic de stupéfiants peut durer jusqu’à quatre jours, mais au cas où les policiers ne finiraient pas toutes les procédures nécessaires dans ce délai, ils demandent au procureur l’ouverture d’une information judiciaire pour qu’ils puissent continuer à travailler sur l’affaire dans le cadre d’une commission rogatoire émise par un juge d’instruction.

33 Selon les policiers, les cadres d’enquête qui leur donnent le plus de pouvoirs coercitifs, comme la détention d’une personne contre son gré, sont le flagrant délit et la commission rogatoire. Toutefois, la police reconnaît que la ligne qui marque la différence entre une enquête préliminaire et un flagrant délit est très mince. De nombreuses enquêtes d’initiative deviennent à un moment donné un flagrant délit, ce qui suggère que cette procédure ne représente pas seulement le résultat de l’activité des policiers qui opèrent dans la rue et que l’enquête peut être manipulée pour devenir une flagrance ou une commission rogatoire, justement pour disposer de davantage de pouvoirs. L’utilisation systématique de la garde à vue impose la contrainte comme un moyen de réduire le temps de travail de la police et c’est forcément à ce moment-là que les policiers vont se consacrer au recueil d’informations, au passage du suspect au coupable, pour réutiliser une expression de Lévy (1987).

34 Une fois que les personnes sont détenues en garde à vue, la police doit informer immédiatement le parquet de l’heure exacte du début de la mesure, la durée de détention par la police étant limitée par la loi. Néanmoins, c’est aux policiers de déterminer si les gens seront détenus et l’heure à laquelle commence la détention. Les procureurs sont chargés de surveiller la mesure de garde à vue. Ils peuvent ainsi décider de la liberté des personnes ou du maintien de la mesure au cas où ce renouvellement est nécessaire.

35 Le document au travers duquel la police informe le procureur de la garde à vue ne contient pas beaucoup de détails sur l’affaire. Il se compose d’une seule page avec des informations simples, telles que le nom de la personne, le nom des parents, l’âge, la nationalité, l’adresse, la date et l’heure de début de la garde à vue. Est également indiquée dans ce document la qualification que la police a retenue pour l’affaire. Les officiers de police remplissent un formulaire avec ces informations, le faxent immédiatement à la permanence du procureur, opérant ainsi la notification immédiate exigée par la loi. Le substitut du procureur, après avoir classé les feuilles de la garde à vue par heure et date, demande à sa greffière d’ajouter à ces documents des informations concernant le casier judiciaire pour établir une éventuelle récidive des mis en cause ou vérifier qu’il s’est conformé aux mesures qui lui ont été antérieurement imposées. Des communications téléphoniques permettent aux substituts d’obtenir davantage d’explications orales sur les affaires.

36 Cette justice rapide a des conséquences. La décision sur le déroulement des enquêtes par les procureurs prend comme base les renseignements que les policiers donnent par téléphone et l’historique pénal des gens. Ces éléments sont le signe d’une justice plus soumise à la façon dont la police produit des affaires. L’introduction du traitement en temps réel a introduit l’oralité là où l’écrit avait force. La décision prise par le procureur est de plus en plus dépendante des rapports de police et de ces échanges téléphoniques. Cependant, l’oralité ne se traduit pas dans une communication de meilleure qualité. Ce que Mouhanna et Bastard (2007) appellent affaire de confiance fait référence au fait que les procureurs doivent appuyer leurs décisions sur des histoires qui leur sont racontées par la police et que les policiers doivent également compter sur les instructions et les choix faits par les procureurs, même si ces derniers ne sont pas au courant de l’intégralité du dossier, parce que le résultat du travail engage les deux agents institutionnels. Certaines stratégies d’action peuvent être identifiées, car les policiers instrumentalisent la double tutelle qui les lie d’un côté aux chefs de service et de l’autre, aux procureurs. Le policier peut faire appel au procureur après la décision de mise en garde à vue, mais il peut également retarder cet appel afin de recueillir plus de renseignements avant de parler des faits avec lui. Les policiers choisissent quels sont les procureurs qu’ils doivent contacter en raison de leur mode de travail et des évaluations différentes qu’ils font des cas. Les procureurs peuvent également prendre en charge les procédures d’un service de police qui est plus conforme à leurs orientations ou qui ont plus de ressources pour répondre à leurs directives.

37 Cela signifie que les procureurs participent effectivement à la direction du travail d’enquête réalisé par la police. Mais cette intervention se produit uniquement lorsque la police le leur demande et entre en communication avec eux. En outre, les policiers se plaignent que les procureurs ne sont pas toujours disponibles, parce que la ligne téléphonique est toujours occupée et qu’il est difficile de faire aboutir l’appel. De leur côté, les procureurs disent que la police prend beaucoup de temps avant de les appeler parce qu’ils veulent garder l’enquête pour eux-mêmes. Dans de tels cas, les procureurs peuvent appeler le service de police responsable de l’enquête à la fin de la journée quand ils n’ont pas d’information sur les gardes à vues mentionnées dans le formulaire déposé dans le casier sur leur bureau.

38 Leur formation juridique ou leur orientation politique générale n’expliquent pas à elles seules comment les procureurs prennent des décisions sur des cas particuliers parce que ce qui est en jeu ne se limite pas au code pénal. La façon dont l’évaluation est faite varie en fonction de la personnalité, des expériences et des convictions des procureurs, il n’existe pas un modèle universel. Le caractère des procureurs et des policiers, et la façon dont ils interagissent ont aussi beaucoup d’influence sur la façon dont les cas seront évalués. Ceci peut être illustré dans le discours suivant :

39

Pour faire un choix de la meilleure mesure à proposer, on utilise de l’imagination et de la rigueur. Il n’y a pas de statistiques qui rendent compte si la médiation fonctionne bien ou pas, c’est à la pratique qu’on analyse cela. C’est dans notre pratique qu’on est capable de définir une réponse postérieure, on est dans l’effet permanent de la pratique de décision et le résultat de la décision antérieure qui conditionne notre avis de donner suite ou pas. C’est plus qu’une révolution de la politique pénale ordonnée par l’État, nous décidons plus au quotidien en fonction de notre intuition. C’est à moi de choisir de poursuivre, de ne pas poursuivre, de classer… On a des objectifs, on a des idées et puis c’est à la pratique qu’on va voir si ça colle ou pas, si ça ne colle pas, c’est parce qu’on doit changer d’idée. Ce n’est pas une observation à distance, c’est une observation quotidienne (extrait d’un entretien avec un substitut du procureur).

40 Le modèle juridique idéal suppose que les affaires doivent suivre un flux procédural de production de la vérité, mais les parcours et les résultats du processus sont inséparables de ceux qui interprètent et prennent des décisions sur des faits.

41 L’activité de qualification est l’objet de nombreuses controverses et peut donc être manipulée par la police et par les procureurs, mais dans chacune de ces institutions, la qualification sera utilisée pour répondre à des objectifs très différents. Nous avons vu que la police choisit généralement les qualifications les plus graves, afin que les policiers ne risquent pas d’être sanctionnés pour ne pas avoir filmé le témoignage de quelqu’un soupçonné de crime. Mais, comme le but des procureurs est de réduire le temps et le coût du traitement des infractions, ils auront tendance alors à ne pas envoyer de nombreux cas à des juges d’instruction et, par la suite, à la cour d’assises. À cette fin, la tendance est que le magistrat qualifie les affaires a minima pour pouvoir garder les cas et les juger devant le tribunal correctionnel. Le but est d’éviter les fiascos judiciaires et les affaires trop longues, de rendre une justice plus rapide.

42 Ainsi, les procureurs peuvent-ils adopter des tactiques de sous-qualification ou de surqualification : ils peuvent transformer des tentatives d’homicide (crime) en blessures (délit) pour éviter d’envoyer certains cas à l’instruction et aux cours d’assises. En cas de vol à main armée (crime), ils peuvent oublier délibérément l’existence de l’arme lorsque les auteurs sont primo-délinquants et contestent les faits, pour amener cette affaire à être jugée comme un simple vol (délit) devant le tribunal correctionnel.

43 Le rapport que les policiers ont avec les juges d’instruction est différent de celui qu’ils entretiennent avec les procureurs. Les juges d’instruction accompagnent individuellement les enquêtes alors que les procureurs partagent entre eux les responsabilités et traitent les affaires en masse. Les policiers disent que chaque fois qu’ils sont en contact avec la permanence du parquet, ils doivent expliquer à nouveau l’affaire à un procureur différent. Les procureurs sont plus nombreux et, parce que la quantité d’affaires qu’ils traitent est grande, il est plus difficile d’avoir un accès privilégié. La logique qui oriente le travail des magistrats n’est pas la même que celle de la police. Les policiers élucident les affaires, le procureur considère le nombre de dossiers et d’audiences et le juge d’instruction prépare la procédure pour le jugement.

La formalisation et la sélection d’affaires au Brésil

44 Tel n’est pas le cas au Brésil. L’enquête menée par la police brésilienne formalise l’existence des faits. Bien que le mot « enquête » mène aussi à l’idée d’investigation, au Brésil elle est comprise par la police comme une procédure cartorial[2] et extrêmement bureaucratique qui entrave souvent la réalisation des investigations. On ne fait pas référence ici à l’élucidation, car la police n’est pas informée des suites judiciaires de ses procédures.

45 Au Brésil, le dépôt de plainte est fait à partir d’un document nommé registro de ocorrência. Ce document a l’aspect d’un formulaire avec des plages pour l’insertion d’informations standardisées, une petite partie narrative concernant la description des faits.

46 L’arrivée d’une personne au commissariat de police civile de Rio de Janeiro comprend généralement un petit entretien mené par une secrétaire (assistante sociale ou psychologue en stage) après quoi la personne peut être envoyée à un policier. Ces premières rencontres sont utiles pour que les policiers puissent évaluer la qualité des plaintes. Les policiers avancent que les registros de ocorrência sont habituellement utilisés par les victimes comme des instruments de chantage et de vengeance. De nombreux événements peuvent relever d’une définition pénale, mais dans la logique policière ils ne sont pas considérés comme de vrais « problèmes de police » et ne connaissent aucune forme d’enregistrement. Donc souvent, les conflits n’arrivent à être considérés comme des « problèmes de police » que quand ils ont des conséquences plus graves.

47 En théorie, la police est obligée d’enregistrer et d’enquêter sur n’importe quel fait qui lui est communiqué, mais le tri des procédures est une activité courante. Il n’est pas rare que les personnes soient découragées de faire le registro de ocorrência à la police, comme le notent Paixão (1982), Kant de Lima (1995b) et Oliveira (2003) dans leurs études. Les policiers justifient l’importance du tri des procédures au motif que nombre de plaignants vont par la suite renoncer à poursuivre les affaires et parce qu’ils estiment qu’il est impossible d’enquêter sur tout. Oliveira (2003) met en relief dans son travail que nombreux sont ceux qui s’adressent à la police pour résoudre leurs problèmes sur place et sans vraiment que la police réalise une enquête et la transmette à la justice. En décourageant les dépôts de plainte et en arbitrant les petites affaires de façon immédiate, les policiers affirment qu’ils économisent de l’énergie, du papier et du « temps perdu ».

48 Une fois qu’ils décident de l’enregistrement, leur première opération sera celle de qualifier l’affaire. Chaque qualification va impliquer une manière spécifique de raconter ce qui s’est passé et le cheminement particulier que suivra la procédure. Puis, il y a le domaine de la qualification des personnes : auteur, témoin, victime, communicant, disparu, mineur délinquant, représentant légal et la catégorie envolvido, que je traduirai ici comme « impliqué ». Une réforme de la police judiciaire de Rio de Janeiro en 1999 a permis de mettre les informations policières à la disposition de tous les commissariats de l’État de Rio de Janeiro. La rigidité dans l’utilisation des catégories a augmenté après qu’a été inauguré le modèle informatisé de remplissage du formulaire. Il est vrai que ces catégories sont un peu floues et les policiers passent de l’une à l’autre de manière fréquente. Par exemple, la catégorie « d’impliqué » est rentrée tardivement dans le programme informatisé, après la demande de nombreux groupes de policiers. Cette catégorie est très ambiguë, car elle ne rend pas très clair le degré de participation des personnes aux faits (Miranda et al., 2005 ; Paes, 2008). Cette ambiguïté est pourtant utile et les policiers l’utilisent pour contraindre des gens à comparaître au commissariat pour être interrogé. Cela s’est passé par exemple dans une affaire de vol au domicile où l’agent de police a considéré le gardien de l’immeuble comme impliqué car il avait dû voir des gens rentrer dans le bâtiment pendant la journée. Ce n’est qu’après l’avoir contraint et l’avoir fait comparaître au service de police, que le policier a requalifié ce gardien comme témoin.

49 Par rapport à la composante descriptive du registro de ocorrência, il faut noter qu’en cas d’homicide, les informations que les policiers considèrent comme importantes pour composer la « dynamique des faits » concernent les opérations effectuées par les policiers une fois qu’ils sont arrivés sur les lieux du crime. Ledit récit en dit généralement plus sur les mesures qui rendent compte au système judiciaire de l’action policière que sur la dynamique de l’événement ou sur le modus operandi des auteurs (Miranda et al., 2005 ; Paes, 2008).

50 La police conserve les informations sur le contenu des investigations que seul le groupe d’enquêteurs du commissariat peut consulter. Le registro de ocorrência est l’unique document disponible pour tous les commissariats. Les auditions à Rio de Janeiro, sont enregistrées sur un autre document qui s’appelle « terme de déclarations ». Ainsi, comme en France, le récit n’est pas une reproduction fidèle de l’audition. Le but du document est de mettre en relief le point de vue de ceux qui sont impliqués dans l’affaire, mais il faut noter que le « terme de déclaration » est raconté à la troisième personne. Par exemple :

51

Que le plaignant réside et se trouve être le compagnon de la victime depuis deux mois. Il savait que la victime vivait en compagnie de l’auteur depuis cinq ans et que le 5 juin dernier la victime a déposé au service de police responsable de la surveillance des droits des femmes une plainte formelle contre l’auteur pour menaces. Aujourd’hui, environ 11 heures, le témoin et la victime étaient à la maison quand quelqu’un frappa à la porte ; en l’ouvrant, l’auteur des faits est rentré avec un pistolet à la main à la recherche de la victime. À ce moment, celle-ci était dans la salle de bains. Quand l’auteur l’a trouvée, il lui a ordonné de se baisser et puis il a tiré sur elle plusieurs coups. Il a tenté ensuite de s’échapper. Le témoin est sorti à sa poursuite en essayant de l’immobiliser et de lui arracher l’arme des mains. Malgré cela, il s’est détaché et s’est enfui, laissant tant le pistolet que la voiture. Le témoin dit n’avoir jamais vu l’auteur auparavant, plusieurs personnes ont vu la scène lorsque le témoin a tenté d’arrêter l’auteur. Cependant, il ne peut pas donner les noms ou adresses, il ne les connaît pas. Plus tard, une patrouille est venue, à laquelle le témoin a donné les armes.

52 Le parcours typique des documents au Brésil consiste en la présentation du dossier d’enquête par la police au ministère public. En cas de flagrance, la police présente le dossier au juge. L’enquête policière est comprise comme étant une procédure bureaucratique au cours de laquelle les policiers vont justifier leurs activités. Comme ils ont énormément de difficultés à justifier leurs activités dans les procédures, ils se plaignent que de nombreuses investigations sont infructueuses en raison de l’extrême formalisation de l’enquête policière. La police n’arrive pas à identifier l’auteur de nombreuses affaires dans le délai prescrit pour la fin de l’enquête (90 jours). Après la date limite, la police doit envoyer au promotor (membre du ministère public) le dossier et la demande de prolongation du délai pour clore la procédure. À son tour, le promotor n’appose généralement qu’un tampon et renvoie le dossier pour que la police puisse mener d’autres investigations (Misse, 2010 ; Paes, 2010).

53 Les policiers organisent leur travail en fonction de ces délais formels, mais ils se plaignent du fait que les promotores renvoient les enquêtes sans préciser les opérations qui devraient être réalisées. Les promotores, à leur tour, critiquent le fait que les policiers renvoient des enquêtes sans recueillir davantage de renseignements. Par conséquent, la communication entre les policiers et les promotores est contrainte par les délais bureaucratiques. Cet échange de dossiers entre la police et le promotor peut être compris comme une tactique de gestion du temps jusqu’à la prescription des affaires. Une nouvelle procédure a été inaugurée pour la gestion des affaires passibles de peines de moins de 2 ans d’emprisonnement, le termo circunstanciado. À la différence de l’enquête, le termo circunstanciado sert de pièce informant sur un fait criminel commis, sans que soient faites de grandes investigations. Le problème est que certains delegados – diplômés en droit qui dirigent des procédures et des officiers de police – se plaignent du fait que les promotores renvoient ces documents au commissariat pour que les policiers fassent une enquête plus approfondie. Dans un certain nombre de travaux [3] il est mis en lumière que, malgré quelques particularités régionales, les polices brésiliennes obéissent à un cadre juridique qui les rend vulnérables aux autres institutions [4]. Le manque d’intégration systémique, l’insuffisance des canaux institutionnels de communication avec d’autres institutions et le faible débit d’écoulement des affaires sont des points communs entre ces études. Par ailleurs un autre dénominateur commun de ces travaux est le fait que la gestion des affaires donne beaucoup de pouvoir à la police et il n’est pas rare que les policiers gèrent les conflits d’une façon informelle, arbitraire et officieuse.

54 Au lieu d’ouvrir des enquêtes pour l’élucidation de toutes les infractions qui ont été signalées aux services de police, la police de Rio de Janeiro a créé une procédure intermédiaire pour avoir un délai administratif avant le délai légal : c’est la vérification de la source de l’information – VPI (Kant de Lima, 1995). L’attitude est méfiante vis-à-vis des déclarations de la population et tend à sélectionner les dossiers sur lesquels des enquêtes seront en fait menées.

55 La police de Rio de Janeiro répartit les responsabilités d’enregistrement, de VPI, d’enquête et de flagrance entre plusieurs services dans le commissariat. Cette spécialisation des fonctions a été supprimée par la réforme de la police, mais les policiers continuent de la reproduire dans la pratique. C’est au travers de ce partage des fonctions que les policiers font le tri entre les procédures qui méritent une attention spéciale et celles qui ne méritent pas d’investigations poussées. Selon l’échelle d’évaluation du travail de la police, le policier qui travaille dans la rue, qui a plus de contact avec la population et qui peut créer un réseau « d’informateurs », est plus valorisé que celui qui s’occupe des fonctions plus bureaucratiques concernant les registres (Paes, 2008, 2011).

56 La garde à vue n’existe pas dans le modèle brésilien. La police brésilienne oblige les gens à témoigner au poste de police, mais ne peut pas les retenir, sauf dans les cas de flagrant délit. Lorsque les « contraintes » sont menées par la police brésilienne dans le cadre de l’enquête – détention pour vérification –, elles ne sont pas soumises à des procédures formelles (Zaverucha, 2003).

57 Les « auteurs » figurant dans l’enregistrement initial ne sont que des suspects sur lesquels la police mène des enquêtes pour confirmer leur participation. Le caractère inquisitoire de la procédure de police devient plus claire lorsque la police « désigne » (indicia) formellement quelqu’un comme auteur du crime, en le décrivant dans un document spécifique, appelé « acte de qualification ».

58 L’ambiguïté réside dans le fait que l’enquête de police est une procédure administrative, mais cet « acte de qualification » peut modifier l’état juridique et l’histoire des personnes. Il marque leur identité, c’est une forme subjective de punition morale et objective de punition civile, avant même que les gens soient jugés par les tribunaux (Kant de Lima, 1995b, 114). L’investigation policière se sert souvent de ce genre d’informations. L’utilisation de la FAC – feuille d’antécédents criminels – n’est pas restreinte aux affaires où les policiers veulent identifier les auteurs des faits. Dans des affaires d’homicide ou des actes de résistance, les policiers cherchent à identifier également les antécédents de la victime pour pouvoir justifier qu’elles ont été tuées dans une situation de confrontation. Cela a un poids énorme dans l’évaluation morale de ces affaires. C’est une façon de rendre la victime coupable de son sort.

59 Sur la matérialité, je fais référence à la production de rapports de la police scientifique, car la police en général se plaint de ce que la préservation des scènes de crime au Brésil n’est pas faite. S’ajoute à cela le fait que les rapports des experts tardent beaucoup à arriver aux commissariats de police civile et que, une fois ces rapports arrivés, ils ne sont pas concluants. La rédaction des rapports par la police scientifique permet des discours contradictoires : c’est seulement à partir de l’articulation entre les faits, les choses et les personnes devant le tribunal que ces événements vont acquérir du sens. Dans le rapport d’une recherche à laquelle j’ai eu l’occasion de participer (Misse et al., 2008), nous montrons que les experts dans ces rapports présentent délibérément toutes les hypothèses possibles. On peut lire que l’acte pouvait être commis de telle manière en fonction de la volonté et de la capacité de l’agent, mais on peut supposer que si l’agent n’avait ni cette capacité ni cette volonté, le fait ne serait pas produit de la façon dont le policier le présume dans son rapport.

60 Les policiers doivent être en contact avec les promotores à quelques moments rituels bureaucratiques et cette communication se fait souvent par écrit. L’oralité est considérée comme une forme de communication privilégiée pour « faire passer » certaines procédures d’une façon plus rapide. Cela ne signifie pas une forme universalisée de traitement des affaires, mais un privilège dans le traitement de certaines affaires au détriment d’autres. De nombreux moyens ont été mis en place pour faciliter la communication des affaires entre la police et le ministère public, mais les promotores ne sont pas disponibles pour travailler dans l’espace physique de la police et pour être en contact avec le public pour traiter les affaires au jour le jour. Par ailleurs, il y a eu la création d’un réseau informatisé pour permettre aux promotores de suivre les procédures policières et les traiter en ligne. Bien qu’il ait été salué par les promotores, le système informatique n’est pas largement utilisé dans la pratique car il représente la possibilité de contrôle de leur activité. C’est la création d’une voie à double sens.

61 Au Brésil, l’enquête de police est un outil administratif au moyen duquel peut être produite une connaissance de base, indépendante de celle des magistrats. Toutefois, cette enquête est attachée au dossier judiciaire (Misse, 2010 ; Paes, 2010). Au Brésil, on parle de système de sécurité d’une part et de justice d’autre part parce que les institutions n’ont pas de lien entre elles. En France, le juge d’instruction et le procureur sont impliqués dans la production d’enquêtes de police. Ils sont également responsables de la suite de ce travail. Par conséquent, les agents préparent l’enquête avec des attentes sur la façon dont elle sera utilisée par les magistrats. Cela ne se passe pas de la même façon dans le cas brésilien. Les promotores, au Brésil, ont des difficultés à gérer les affaires policières. Les juges et les promotores utilisent des enquêtes policières mais ne les endossent pas. Les promotores soulignent que l’ADN de la police est différent de la procédure judiciaire et qu’ils peuvent apprécier différemment la qualification des affaires selon la stratégie adoptée sur la façon de les faire juger.

62 Ainsi, dans un cas d’enrichissement illicite d’un maire, un promotor a déclaré que ce qui est en cause est l’illégalité de l’acte. Il estime toutefois que les frontières entre la voie civile et la voie pénale sont très mouvantes. Pour lui, il y a des cas comme ceux de détournement des fonds publics qui sont plus faciles à faire juger comme un acte d’improbité administrative que comme une infraction pénale, telle la corruption. Ce type de stratégie a également été identifié par Mouzinho (2007, 99) dans sa thèse de doctorat. Voilà le discours du promotor que j’ai pu interviewer :

63

Dans la pratique, il est plus facile d’imputer l’acte d’improbité administrative que d’ouvrir une enquête pénale de détournement de fonds publics. La sanction dans ces cas sera différente. En droit civil, il est plus facile de se charger d’une faute, même si les mis en cause ne sont pas en mesure de prouver d’où venait le fond d’enrichissement. Par exemple, si un fonctionnaire a un enrichissement incompatible avec son salaire, il est possible que le promotor avec la seule enquête administrative puisse montrer cette distorsion et prouver l’acte d’improbité. Pas besoin de prouver ce qui était à l’origine des revenus illicites. L’objectif principal dans le domaine civil n’est pas la sécurité, mais d’apporter de l’argent en retour et d’infliger des sanctions civiles comme le licenciement et la perte des droits politiques. Le crime commis par un fonctionnaire peut sans problème être d’abord traité comme une faute administrative : c’est encore plus facile. Après, je peux envoyer cette affaire au pénal.

64 Cela peut se produire de manière fréquente dans d’autres types d’infractions. Parfois, les promotores peuvent décider qu’il est préférable de faire juger les gens par un jury populaire pour homicide et non pas par les juges professionnels pour une affaire de latrocinio (vol suivi de mort) ou vice versa. Il y a d’autres frontières qui sont très minces et les promotores opéreront la qualification en anticipant la manière dont les cas seront pris en charge par les divers acteurs. Les promotores soulignent que le déclassement de la tentative d’homicide en des coups et blessures intentionnels peut parfois être intéressant, car il permet d’éviter la discussion autour des motifs et des intentions des auteurs présumés.

65 Au Brésil comme en France, certains processus conduisent à un acquittement. Toutefois, j’ai pu assister à de nombreuses audiences menant à l’acquittement de l’accusé en raison de la mauvaise qualité des procédures policières. La création d’une Centrale d’Enquête a contribué à la création de spécialités au ministère public en séparant les promotores qui font l’évaluation de l’enquête policière de ceux qui soutiennent l’accusation au Tribunal, d’où la possibilité de demande de la nullité de la procédure au moment du jugement. Infra, je présente l’argument d’un promotor dans une session de grand jury dont le verdict a donné lieu à l’acquittement de l’accusé à l’unanimité :

66

L’étape de l’enquête n’a rien apporté de pertinent à ce processus. La poursuite pénale doit avoir des preuves sur les auteurs et sur la matérialité des faits. Pourquoi faut-il autant de temps pour pouvoir juger ? Pourquoi les processus ne sont-ils pas résolus, mon Dieu ? Pourquoi ne pouvez-vous pas résoudre ces processus ? [S’adressant au jury] Si vous condamnez, c’est bien. J’ai bien joué mon rôle, je rentrerai tranquille chez moi. Si vous l’acquittez, c’est bien aussi parce que le processus est mal construit. Je suis incapable de soutenir l’accusation devant ce tribunal. Les preuves recueillies au cours de l’enquête et les preuves recueillies au cours du procès n’ont pas été corroborées. Ce fut un travail bien fait par la police. La faute n’est pas celle de la preuve. Le blâme porte sur le système. La preuve est faible, car elle n’a pas été corroborée au cours de la phase de jugement. Avec ces preuves, ce n’est pas à moi de soutenir.

67 Dans ce cas et dans beaucoup d’autres, les affaires n’aboutissent pas à cause de la mauvaise qualité des procédures policières. Le problème principal est de savoir quelle est « l’autorité » qui guide le travail quotidien de la police. Les delegados devraient observer les délais, présider des enquêtes et rédiger des procédures de sorte que tout cela soit transmis à la magistrature. Les promotores doivent contrôler le temps et le contenu des procédures de police afin d’offrir une « dénonciation » et de débuter l’instruction de l’affaire par le système judiciaire. Le processus de construction des faits en tant que crimes n’est pas fondé sur le dialogue ou le consensus, mais sur l’encouragement au conflit entre les acteurs.

68 Les promotores, qui ont l’habitude de critiquer la qualité et les méthodes inquisitoriales utilisées dans les enquêtes de la police civile, ont pour mandat d’exercer un contrôle sur leur activité et sur les produits de cette activité – mais seulement sur ceux qui leur sont transmis. En outre, les promotores demandent actuellement la reconnaissance de leur compétence pour enquêter sur certaines affaires, mais leurs méthodes d’enquête ne font que reproduire celles de la police civile. Il s’agit d’un cumul de fonctions qui engendre une série de conflits sur les formes et sur le pouvoir de mener des enquêtes. Ce n’est pas seulement une question concernant la construction de connaissances sur ce qui s’est passé, mais cela soulève la question d’un État qui produit des « vices des formes ». Cette gestion des procédures engendre un pouvoir qui n’est accompagné ni d’engagement, ni de responsabilité.

Conclusion

69 Dans cet article, j’ai comparé des institutions de deux pays qui appartiennent à la tradition juridique de la civil law. Celle-ci valorise un haut niveau de réglementation, la bureaucratie et l’existence de formes et procédures écrites. Néanmoins, ces deux pays expérimentent des réformes qui visent la simplification des procédures pour une meilleure gestion du temps et des ressources de la justice. Le résultat est l’apparition de conflits moins graves dans le système judiciaire et l’aggravation de la peine envers certains types de personnes (les récidivistes) et d’infractions. Dans certains cas, la peine est négociée avec les accusés dans les instances alternatives de production de décisions judiciaires en éliminant les possibilités de défense. Le principal effet de ces réformes est l’augmentation de la durée des peines et de la population carcérale.

70 Dans ce contexte, une question reste encore problématique : comment sont produits les savoirs au moyen desquels les crimes sont gérés ? Le défi est d’analyser le crime à partir des relations sociales qui le décrivent. Cette enquête nous montre que malgré quelques dénominateurs communs dans la tradition et dans la réforme juridique, celles-ci sont aperçues de manières distinctes dans les normes et les pratiques institutionnelles de chaque pays.

71 Le processus d’attribution de signification aux crimes et de gestion des affaires relève d’États qui ont des organisations politiques complètement différentes. Il y a de profondes différences dans la façon dont l’État est structuré et exerce une influence sur les pratiques des institutions. En France, les institutions du système pénal sont attachées au gouvernement national. Au Brésil, si les dispositions organisant les institutions pénales émanent du gouvernement fédéral, la gestion du personnel, des ressources et de l’information des institutions chargées de la délinquance ordinaire sont de la responsabilité des États fédérés. En France, le parquet est responsable de la mise en œuvre de la politique pénale de l’État devant les tribunaux, alors qu’au Brésil le ministère public se présente comme autonome vis-à-vis du pouvoir politique. Si en France on rencontre une police nationale de cycle complet dont l’activité judiciaire est une spécialisation parmi d’autres, au Brésil, on voit que la police civile des États fédérés est responsable des enquêtes criminelles et que le statut formel de ces enquêtes n’est pas judiciaire mais administratif. La principale conséquence est que, paradoxalement, au Brésil l’enquête policière est utilisée par les institutions judiciaires sans que le juge et le promotor ne soient responsables du travail de la police, tandis qu’en France il y a des possibilités concrètes de direction du travail de la police par le parquet et le juge d’instruction.

72 Tout en me basant sur des unités d’analyse différentes, j’ai fait référence aux statistiques pour présenter la façon dont les institutions organisent la production des chiffres sur le crime dans les deux pays. On observe qu’en France les institutions sont orientées par le paradigme de l’élucidation et de l’évaluation de la performance. Au Brésil, par contre, on vérifie que la routine des institutions a pour but la clôture des procédures. Le résultat en est plutôt la gestion d’archives que la production d’élucidations.

73 Le genre d’affaires que chaque modèle est amené à gérer est aussi très différent. Je présente quelques indicateurs de cette différence : au Brésil le taux d’homicides dans les grandes villes est très élevé si on le compare à la France. Dans cet article je n’ai pas envisagé une comparaison quantitative sur les deux contextes, mais j’ai juste essayé de montrer l’énorme différence sur le plan de l’établissement et de la gestion des statistiques. La catégorie pénale adoptée dans chaque contexte prend des significations très différentes. À Rio de Janeiro particulièrement il y a eu entre 2000 et 2008 une tendance à la diminution des taux d’homicides dolosos (qui restent encore élevés), mais il y a eu une augmentation de conflits meurtriers entre les citoyens et les agents de l’État, les actes de résistance. Face au manque d’élucidation de ce type d’affaires – en raison entre autres du manque de préservation de la scène du crime, du manque de moyens de la police pour conduire des enquêtes, de l’absence de communication avec le judiciaire – le « meurtre non élucidé » reste la règle. En France, des études indiquent qu’il est exceptionnel que les affaires d’homicide soient commises par des personnes inconnues de la victime. Dans un tel contexte, l’élucidation policière est plus facile à produire. Ces observations ne sont pas définitives. Je ne prétends pas chercher la (dis) symétrie avec ce genre de comparaison, mais simplement illustrer que la dimension, la qualification, le genre d’affaires et la réponse de ces institutions varient d’un pays à l’autre.

74 La sélection des affaires est courante. Ce qui change, c’est la manière dont chaque modèle va encadrer ce tri. Le pouvoir discrétionnaire est perçu de manière distincte en France et au Brésil. En France, le pouvoir discrétionnaire de la police existe pour certaines affaires et les promoteurs ont l’opportunité de la poursuite. Le Brésil, par contre, se structure à partir de l’obligation de poursuite. Il n’y a pas de pouvoir discrétionnaire conféré aux institutions brésiliennes parce que les policiers et les promotores sont tenus d’ouvrir des enquêtes pour tous les cas qui leur sont signalés. Cette obligation pèse sur les décisions des agents et la sélection des affaires n’est faite que d’une façon officieuse. Les ethnographies sur les routines institutionnelles permettent de comprendre le degré d’autonomie et de contrainte que les agents ont dans la pratique.

75 Malgré l’obligation de poursuite, le tri des affaires constitue une pratique habituelle des institutions brésiliennes. L’observation des routines au Brésil montre que la police décourage le dépôt de plainte et arbitre d’une façon officieuse les petites affaires. La sélection est aussi organisée à partir des spécialisations internes du commissariat, c’est pourquoi il y a des services avec des policiers spécialisés à chaque étape de la procédure. En France, le choix de « belles affaires » par des équipes spécialisées ne se fait pas sans conflit. Les tensions autour de la survie des cas au commissariat se déroulent autour de la qualification prédominante de l’affaire. La police française choisit les récits retenus au cours du dépôt de plainte et peut faire en sorte que certaines affaires ne soient enregistrées qu’en main courante. De cette manière, les policiers auront une source potentielle d’information qui pourra aider postérieurement dans l’enquête. Cela se passe d’une autre manière dans la police brésilienne, car l’affaire qui ne fait pas l’objet d’un enregistrement formel devient une information perdue. Ce qui échappe également au registre formel, c’est la collecte d’informations provenant des réseaux que les policiers peuvent créer à partir du travail d’enquête dans la rue. Celle-ci est l’activité la plus valorisée par les policiers car elle génère des informations importantes et doit être gardée de manière privée. Le formulaire de registro de ocorrência brésilien qu’on a pris comme exemple est un document rendu public dans le système informatique de tous les commissariats et ne contient pas trop d’informations sur le détail de ce qui s’est passé. Le terme de déclaration est le document qui informe plus sur les faits, mais il est réservé au policier qui se charge de l’enquête et au delegado. Ce document est celui qui se rapproche le plus du dépôt de plainte français.

76 Les stratégies adoptées par les policiers face à l’introduction de nouveaux outils de travail m’ont amenée à m’intéresser à l’influence des nouvelles technologies sur la manière dont les policiers construisent de la connaissance et sur la manière dont s’effectue le contrôle de leur activité. L’enregistrement consiste en une traduction, en une lecture que les policiers font des faits. En France, j’ai pu observer que l’obligation de filmer certaines audiences a été mise en place pour raccourcir les moments d’audition de certaines personnes au tribunal et pour augmenter le contrôle sur la transcription des faits par le policier. Au Brésil, l’adoption du système informatisé pour le remplissage des informations vise à rendre disponible les enregistrements du policier pour toute la police afin que l’institution puisse croiser les informations mais aussi contrôler les activités des policiers. Malgré les progrès réalisés avec l’usage de ces technologies, les policiers qui travaillent sur le terrain ont une marge de manœuvre. En effet, c’est une prérogative des policiers de décider de ce qui fera ou non l’objet d’un enregistrement audiovisuel et écrit.

77 La qualification peut organiser les routines et être source de tensions. Les interprétations, les choix et les décisions des agents dans le travail quotidien sont liés à des valeurs qui vont au-delà des discussions autour de la légalité et de la justice. La qualification des affaires dépend de l’expérience, des priorités d’intervention et du contexte de la saisie de l’événement. Ainsi, elle est soumise aux contingences de sa production. D’autres éléments peuvent fonder la prise de décision, par exemple, le fait d’adapter les procédures à des situations pratiques en conformité avec des contingences d’organisation, le contrôle de l’information et la gestion des flux des affaires.

78 Dans les deux pays la victime fait l’objet de soupçons car elle peut avoir intérêt à utiliser l’enregistrement de façon instrumentale contre d’autres. Il est interdit aux témoins de mentir. Cette exigence est aussi étendue aux auteurs de crime dans le cas français. Bien que le mensonge puisse être perçu comme étant un outrage, selon les policiers il est commun que les personnes mentent à la police et ne reconnaissent les faits qu’à l’audience au tribunal. Le silence n’est pas envisagé car le but de la garde à vue est de faire parler. Au Brésil, les auteurs de crimes ont le droit de ne pas produire de preuves contre eux-mêmes, ce qui dans le jargon quotidien est compris comme donnant le droit de mentir et de rester silencieux. C’est pourquoi la police brésilienne adopte plusieurs méthodes pour faire parler. Citons la possibilité de qualifier un témoin d’« impliqué » dans l’affaire pour le contraindre à comparaître au commissariat et la possibilité de détention pour des vérifications (procédures qui ne sont pas normalisées).

79 En évaluant les cadres de l’enquête, les policiers français admettent que le recours à la détention des personnes est central pour le déroulement de leurs activités. C’est pour cela qu’ils disent préférer travailler dans le cadre d’une commission rogatoire ou d’un flagrant délit. Au Brésil, les policiers estiment que le modèle de l’enquête est une procédure cartorial qui ne sert qu’à formaliser une opération qu’ils ont déjà réalisée dans la pratique. Une fois que l’enquête est perçue comme un obstacle au déroulement des investigations, les policiers ont créé, à travers la VPI, une étape d’investigation préliminaire afin d’allonger les délais de travail avant l’expiration des délais formels de l’enquête. La primauté de l’enregistrement des événements sous la forme spécifique de récits juridiques suggère que la référence aux règles est contraignante pour les institutions qui collaborent à la production des rapports attestant de l’existence des crimes. Malgré cela, l’observation des pratiques des agents institutionnels révèle qu’une grande partie du problème de communication ou de l’écoulement des affaires par le système (de sécurité et) de justice pénale est due au fait que les agents ont des difficultés à adapter les faits à des formes documentaires pour rendre compte de leurs activités. Il en résulte que le flux des affaires est organisé pour leur sélection et leur sortie du système avant jugement. Dans les deux pays on assiste à des réformes du mode de passage des affaires de la police au ministère public mais cela ne signifie pas que la qualité de la communication entre les professionnels s’améliore. En France, à travers le traitement en temps réel, le procureur de permanence dirige l’enquête de police en cas de garde à vue. Le procureur est informé du fait à travers un document simplifié envoyé par fax, après quoi il vérifie l’horaire du début de la mesure et étudie les informations du casier judiciaire de la personne mise en examen en attendant l’appel du policier. C’est sur ces éléments que le procureur va baser sa première décision sur les faits. L’oral a un rôle très important et va structurer les orientations qu’il va donner à l’affaire. Les policiers se plaignent du fait que la ligne téléphonique du procureur est toujours occupée, que ceux-ci traitent les affaires en masse et qu’ils doivent expliquer l’affaire à plusieurs reprises pour des procureurs différents. Au Brésil, on peut établir que de telles réformes ont eu lieu avec l’introduction des termos circunstanciados et de la Centrale d’Enquêtes. La règle est que l’échange entre la police et le promotor au Brésil se passe exclusivement par écrit. L’oralité est comprise ici comme un moyen de communication privilégié pour faire passer certaines procédures d’une façon plus rapide que d’autres. Quand la police envoie une enquête au promotor, elle est généralement accompagnée de la demande d’extension des délais de travail. À son tour, le promotor demande que les policiers soutiennent l’acte d’accusation et lui donnent plus de délai de travail. Avec la création des termos circunstanciados, plus de dossiers passent à l’étape judiciaire, mais les policiers se plaignent que les promotores continuent de demander que les policiers réalisent des investigations qui vont au-delà des exigences formelles de cette pièce informative.

80 On a pu vérifier que les institutions françaises obéissent à des buts et des logiques qui sont parfois différentes. Le policier vise à élucider l’affaire tandis que le procureur s’intéresse à réduire le coût et le temps du traitement des infractions et du nombre de dossiers et d’audiences. Il est vrai que dans le cas brésilien, « l’ADN de la police est différent de celui de la procédure judiciaire ». La police a pour objectif majeur de clore la procédure avec ou sans l’indication d’un auteur et le promotor tente de modeler l’affaire avec un discours qui sert une stratégie qui lui permettra de gagner le débat contradictoire devant le tribunal.

81 En pensant le droit comme une forme de rationalisation politique, on observe en France un modèle de justice qui peut être géré et adapté en fonction des objectifs du gouvernement, ce qui a des grandes conséquences sur la production de la connaissance et sur la qualité des décisions qui sont prises. Au Brésil, il est très difficile, voire impossible, de mettre en pratique une politique pénale visant à engager les efforts de toutes les institutions qui opèrent dans le système de sécurité et de justice. Il y a de grands problèmes de communication entre les institutions qui le composent. On a pu voir dans cet article que la gestion des crimes est liée aux routines de ces institutions et à la façon dont les agents établissent les règles. Néanmoins, on observe qu’au Brésil, plus qu’en France, les règles sont soumises à l’arbitraire des agents en raison de l’absence de gestion efficace des informations ce qui, faute de la production des données publiques, contribue à construction d’un État arbitraire. La tradition juridique, au Brésil et en France, repose sur l’idée de la suspicion systématique des membres de la société. Le fichier et l’acte de qualification policiers peuvent créer des antécédents même si la personne n’est pas condamnée par la justice. Être connu de la police constitue un stigmate. J’ai observé que l’activité d’alimentation de fichiers et de consultation des bases de données du casier judiciaire joue un rôle central dans l’orientation des enquêtes de police et dans la production des décisions judiciaires. Ce que nous observons dans la réforme de la justice, c’est un nouveau paradigme qui porte sur la production rapide des décisions et des procédures simplifiées et qui, par conséquent, accroît de plus en plus le pouvoir des policiers et des procureurs sur la vie des gens et rend la justice d’une manière encore peu attentive à la qualité des procédures et des décisions.

Bibliographie

  • ADORNO S., PASINATO W., 2010, Violência e impunidade penal : da criminalidade detectada à criminalidade investigada, Revista Dilemas, 3, 7.
  • AMORIM M. S., KANT DE LIMA R., MENDES R. (Eds), 2005, Ensaios sobre a igualdade jurídica : acesso à justiça criminal e direitos de cidadania no Brasil, Rio de Janeiro, Ed. Lumen Juris.
  • ARANTES R., 1999, Direito e Política : o Ministério Público e a defesa dos direitos coletivos, Revista Brasileira de Ciências Sociais, 14, 39, 83-102.
  • AUBUSSON de CAVARLAY B., 2008, La nouvelle inflation carcérale, in MUCCHIELLI L. (dir.), La frénésie sécuritaire : retour à l’ordre et nouveau contrôle social, Paris, La Découverte, 52-63.
  • AZEVEDO R. G., 2001, Juizados Especiais Criminais : uma abordagem sociológica sobre a informalização da justiça penal no Brasil, Revista Brasileira de Ciências Sociais, 16, 47, 97-110.
  • CERQUEIRA D., 2011, Mortes Violentas Não Esclarecidas e Impunidade no Rio de Janeiro [http://www2. forumseguranca.org.br/content/mortes-violentas-não-esclarecidas-no-rio-de-janeiro].
  • DANET J., 2008, Cinq ans de frénésie pénale, in MUCCHIELLI L. (dir.), La frénésie sécuritaire : retour à l’ordre et nouveau control social, Paris, La Découverte, 19-29.
  • DEDIEU F., 2010, La course aux « belles affaires », la congruence d’intérêts professionnels et organisationnels dans la police judiciaire : le cas d’une sûreté départementale de la région parisienne, Déviance et Société, 34, 3, 347-379.
  • DESPREZ F., 2006, La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité : 18 mois d’application à Montpellier (1er octobre 2004 – 1er avril 2006). Archives de politique criminelle, 28, 109-134.
  • GARAPON A., PAPADOPOULOS I., 2003, Juger en Amérique et en France, Paris, Odile Jacob.
  • JEAN J.-P., 2009, Le système de justice pénale évalué à l’aune de ses résultats, in MASSÉ M., JEAN J.-P., GIUDICELLI A. Un droit pénal postmoderne ? Mise en perspective des évolutions et ruptures contemporaines, Paris, PUF.
  • KANT DE LIMA R., 1995a, Da inquirição ao Jury, do Trial by Jury à Plea bargain : modelos para a produção da verdade e negociação da culpa em uma perspectiva comparativa Brasil/Estados Unidos, Thèse au concours de professeur titulaire en Anthropologie du département de l’Anthropologie de l’Université Fédérale Fluminense, Niterói.
  • KANT DE LIMA R., 1995b, A Polícia da Cidade do Rio de Janeiro : seus dilemas e paradoxos, Rio de Janeiro, Ed. Forense, 2 ed.
  • LEVY, R., 1987, Du suspect au coupable : le travail de police judiciaire, Genève-Paris, Médecine et Hygiène, Méridiens Klincksieck.
  • LIMA R. S., 2008, A produção da opacidade : estatísticas criminais e a segurança pública no Brasil, Revista Novos Estudos CEBRAP, 80, 65-69.
  • MILBURN P., 2008, De la frénésie de sécurité à la surpénalisation : la justice sur pression in MUCCHIELLI L. (dir.), La frénésie sécuritaire : retour à l’ordre et nouveau control social, Paris, La Découverte.
  • MIRANDA A. P. M., OLIVEIRA M. B., PAES V. F. et al., 2005, Avaliação do Trabalho Policial nos Registros de Ocorrência e nos Inquéritos referentes à Homicídios Dolosos Consumados em Áreas de Delegacias Legais. Rapport de recherche présenté à l’Institut de Sécurité Publique/SESP, Rio de Janeiro.
  • MISSE M. et al., 2008, Modernização da Gestão dos Laudos Periciais, Rapport de recherche presenté par le NECVU/UFRJ, Rio de Janeiro.
  • MISSE M. (dir.), 2010, O Inquérito Policial no Brasil : uma pesquisa empírica, Rio de Janeiro, Booklink.
  • MONJARDET D., 2008, Notes inédites sur les choses policières : 1999-2006. Suivi de Le sociologue, la politique et la police, in CHAUVENET A., OCQUETEAU F. (dir.), Paris, La Découverte.
  • MOUHANNA C., 2001, Polices judiciaires et magistrats : une affaire de confiance, Paris, La Documentation Française.
  • MOUHANNA C., BASTARD B., 2007, Une justice dans l’urgence : le traitement en temps réel des affaires pénales, Paris, PUF.
  • MOUZINHO G. M. P., 2007, Sobre culpados e inocentes : o processo de criminação e incriminação pelo Ministério Público Federal brasileiro, Thèse de doctorat soutenue au PPGA/UFF, Niterói.
  • MUCCHIELLI L., 2002, Recherches sur les homicides : auteurs et victimes, Guyancourt, CESDIP, Questions Pénales, 14, 1, 1-4.
  • MUCCHIELLI L., 2005, L’élucidation des homicides : de l’enchantement technologique à l’analyse des compétences des enquêteurs. Contribution à la sociologie du travail de la police judiciaire, Guyancourt, CESDIP, Collection Études & Données Pénales, n. 98.
  • MUCCHIELLI L., 2008, Introduction et Faire du chiffre : le nouveau management de la sécurité, in MUCCHIELLI L. (dir.), La frénésie sécuritaire : retour à l’ordre et nouveau contrôle social, Paris, La Découverte, 99-112.
  • OLIVEIRA L., 2003, Sua excelência, o comissário : a polícia enquanto « justiça informal » das classes populares no Grande Recife, Revista Brasileira de Ciências Criminais, ano 1144.
  • PAES V.F., 2008, « Quem domina a regra do jogo » : sobre a reforma da polícia e os registros policiais, in MISSE M. (ed.), Acusados e Acusadores : estudos sobre ofensas, acusações e incriminações, Rio de Janeiro, Revan.
  • PAES V. F., 2010, Como se contam crimes : um estudo sobre a construção social do crime no Brasil e na França, Thèse de doctorat en Sociologie soutenue au PPGSA-IFCS-UFRJ, Rio de Janeiro, 165-186.
  • PAES V. F. 2011, Quand la police fait le crime. Une analyse sociologique du cas brésilien, La Vie des Idées, URL [http://www.laviedesidees.fr/Quand-la-police-fait-le-crime.html].
  • PAIXÃO A. L., 1982, A organização policial numa área metropolitana, Dados, Revista de Ciências Sociais, 25, 1, 63-85.
  • PINTO N. M., 2006, Penas e Alternativas : um estudo sociológico dos processos de agravamento das penas e de despenalização no sistema de criminalização brasileiro (1984-2004), Thèse de doctorat en Sociologie soutenue au PPGSA-IFCS-UFRJ, Rio de Janeiro.
  • RIBEIRO L., 2009, A produção decisória do sistema de justiça criminal para o crime de homicídio : análise dos dados do Estado de São Paulo entre 1991 e 1998, Dados, Revista de Ciências Sociais, 53, 1, 159-193.
  • SOARES L. E., 2006, Segurança Pública : presente e futuro, Estudos Avançados, 20, 56, 91-106.
  • VAUCHEZ A., 2008, Le chiffre dans le « gouvernement » de la justice, Revue Française de l’Administration Publique, 1, 125, 111-120.
  • VIGOUR C., 2006, Justice : l’introduction d’une rationalité managériale comme euphémisation des enjeux politiques, Droit et Société, 63, 2, 425-455.
  • VLAMINCK H., 2005, La théorie de l’apparence : enquêtes préliminaires, de flagrance et enquêtes spécifiques de mort suspecte et de disparition inquiétante, Revue Actualité Juridique pénal, 9, 322-324.
  • ZAVERUCHA J., 2003, Polícia Civil de Pernambuco : o desafio da reforma, Recife, Ed.Universitária.

Date de mise en ligne : 06/01/2014

https://doi.org/10.3917/ds.374.0415

Notes

  • [1]
    En effet, sur une longue période, j’ai eu l’occasion de faire des observations et des entretiens dans les services de police judiciaire et du ministère public, aussi bien en France (2008 et 2009) qu’au Brésil (de 2001 à 2008).
  • [2]
    Au sein de chaque commissariat brésilien existe un cartório qui atteste que les documents présentés à la police et par la police sont authentiques, conférant ainsi « foi publique » à ces documents. C’est ce service qui est responsable de l’ouverture des enquêtes, qui répartit les documents entre différents services dans le commissariat et qui en gère les archives.
  • [3]
    Paixão (1982) ; Oliveira (2003) ; Zaverucha (2003) ; Adorno, Pasinato (2010) ; Ribeiro (2009) ; Lima (2008) ; Kant de Lima (1995), Miranda et al. (2005) ; Paes (2008, 2010, 2011) ; Soares (2006) et une recherche dirigée par Misse (2010).
  • [4]
    Le système fédératif brésilien, contrairement à celui des États-Unis par exemple, n’octroie pas aux États fédérés de compétences législatives en matière pénale ; la police judiciaire obéit à des codes et procédures établis par l’État fédéral. Seul le niveau administratif de la gestion des ressources, des informations et du personnel relève des États fédérés.

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.14.81

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions