Notes
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[*]
Le bulletin est rédigé par des membres de la Commission Léonine sous la coordination de Kristina Mitalaitė (LKTI, Lituanie), dont cette livraison accueille également des recensions, ainsi que celle de David Piché (Département de philosophie, Université de Montréal). Les auteurs signalés dans le texte par leurs initiales restent responsables de leurs notices.
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[1]
Rabano Mauro, Expositio Hieremiae prophetae, libri XVIII-XX, Lamentationes, edizione critica a cura di Roberto Gamberini, Firenze, Sismel-Edizioni del Galluzzo (coll. « Millennio medievale. Testi », 28), 2017 ; 17,5 × 24, cxiv+270 p., 65 €. ISBN : 978-8884507914.
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[2]
Silvia Cantelli Berarducci, Hrabani Mauri opera exegetica. Repertorium fontium, vol. 1, Turnhout, Brepols (coll. « Instrumenta patristica et mediaevalia », 38), 2006, p. 319-320.
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[3]
Hugo de sancto victore, De oratione dominica De septem donis Spiritus Sancti, cura et studio Francisco Siri, Turnhout, Brepols (coll. « Corpus christianorum Continuatio mediaevalis », 276), 2017 ; 26 × 15,5, 228 p., 135 €. ISBN : 978-2-503-56451-7.
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[4]
Le Pater noster au xiie siècle. Lectures et usages, études réunies par Francesco Siri, Turnhout, Brepols (coll. « Bibliothèque d’histoire culturelle du Moyen âge », 15), 2015, p. 75-92. Pour la recension de cet ouvrage, je me permets de renvoyer à mon compte rendu dans « Bulletin d’histoire des doctrines médiévales », Rev. Sc. ph. th. 101 (2017), p. 710-713.
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[5]
Hugues de Saint-Victor, « Les sept dons de l’Esprit Saint », dans Six opuscules spirituels, Roger Baron (éd.), Paris, Éditions du Cerf (coll. « Sources Chrétiennes », 155), 1969, p. 120-132.
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[6]
Michel Scot, Liber particularis. Liber physionomie, édition critique, introduction et notes par Oleg Voskoboynikov, Firenze, Sismel–Edizioni del Galluzzo (coll. « Micrologus Library », 93), 2019 ; 14 × 21, 415 p., 70 €. ISBN : 978-88-8450-906-2.
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[7]
Rappelons les deux notices consacrées l’une à la musique des sphères célestes, argument tombé dans l’oubli au Haut Moyen Âge, et l’autre qui constitue un vrai traité de musique, éditées par Christian Meyer, « Musique et astronomie dans le Liber quatuor distinctionum de Michel Scot », AHDLMA 76 (2009), p. 119-177.
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[8]
Voir les arguments donnés à propos du ms. R, p. 59, note 163.
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[9]
Voir Paul Tombeur, « De polygraphia », dans Alfonso Maierù (éd.), Grafia e interpunzione del latino nel medioevo, Seminario Internazionale. Roma, 27-29 settembre 1984, Roma, Edizioni dell’Ateneo (coll. « Lessico Intellettuale Europeo », 41), 1987, p. 69-101 ; Id., « Science et inconscience : les éditions critiques. Propositions et esquisse d’une dynamique du provisoire », dans Philologie und Philosophie, Beiträge zur VII. Internationalen Fachtagung der Arbeitsgemeinschaft philosophischer Editionen (12.-14. März 1997 München), H. G. Senger (éd.), Tübingen, M. Niemeyer (coll. « Beihefte zu Editio », 11), 1998, p. 144-182 : 149-157 ; Roland Hissette, « Averrois ou mystice plutôt qu’Averroys ou mistice ? À propos des graphies dans les éditions des textes scolastiques latins », Bulletin de philosophie médiévale 40 (1998), p. 77-90.
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[10]
Aristoteles Latinus, Physiognomonica. Translatio Bartholomaei de Messana, Lisa Devriese (éd.), Turnhout, Brepols (coll. « Aristoteles Latinus », 19), 2019 ; 18 × 26, cix + 74 p., 90 €. ISBN : 978-2-503-58567-3.
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[11]
Ce renseignement est offert par le ms. Padova, Anton., Scaff. XVII, 370, que L. D. cite p. ix.
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[12]
Scriptores Physiognomonici Graeci et Latini, recensuit R. Förster, Lipsiae, In Aedibus B. G. Teubneri, 1893, 2 vol. Le texte pseudo-aristotélicien occupe les p. 4-91 du premier volume, le texte latin de Barthélemy est imprimé en vis-à-vis du texte grec. Förster connaissait soixante-deux mss de la traduction latine (p. lii-lv, parmi lesquels aussi Ap : ms. n. 1) et avait compris la position du modèle de Barthélemy par rapport à la tradition grecque (voir p. lii).
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[13]
Voir le recueil d’études édité par Pieter De Leemans (Translating at the Court. Bartholomew of Messina and Cultural Life at the Court of Manfred, King of Sicily, Leuven, Leuven University Press, 2014) recensé dans « Bulletin d’histoire des doctrines médiévales», Rev. Sc. ph. th. 99 (2015), p. 673-725 : 689-694.
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[14]
Geoffrey of Aspall, Questions on Aristotle’s Physics, 2 vol., edited by Silvia Donati & Cecilia Trifogli, English Translation by Jennifer Ashworth & C. Trifogli, Oxford, The British Academy-Oxford University Press (coll. « Auctores Britannici Medii Aevi », 26-27), 2017 ; 16 × 24, cii + 783 ; viii +524 p., £ 235. ISBN : 978-0-19-726599-4 (Part 1) ; 978-0-19-726600-7 (Part 2).
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[15]
Durandi de Sancto-Porciano, Scriptum super IV libros Sententiarum. Editioni curandae praesidet Andreas Speer. Prologum et Distinctiones 1-3 libri Primi edidit G. Guldentops, Leuven, Peeters (coll. « Recherches de Théologie et Philosophie médiévales. Bibliotheca », 10.1.1), 2019 ; 16,5 × 24, vi + 104* + 257 p., 84 €. ISBN : 978-90-429-3149-7. Sur ce projet éditorial, voir également la recension de Ruedi Imbach dans « Bulletin d’histoire des doctrines médiévales », Rev. Sc. ph. th. 101 (2017), p. 655-728 : 668-673.
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[16]
Voir le synopsis des questions qui se trouvent en B et en C, p. 80*-82*.
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[17]
Pour un relevé plus complet, voir la section « Notes sur l’édition et la traduction » du chapitre introductif « Le statut épistémologique de la théologie d’après Durand de Saint-Pourçain » de notre traduction aux éditions Les Belles Lettres, Paris, 2020, du Prologue du Commentaire des Sentences de Durand, dans sa troisième et dernière version (la Rédactio C, d’après le texte de l’édition publiée à Venise en 1571), p. 115-123.
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[18]
Voir, dans la présente édition de la Redactio B, p. 16-24, § 24-38 (pour la discussion critique de la position de Duns Scot) et p. 34-46, § 48-59 (pour la discussion critique de la position d’Henri de Gand).
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[19]
Ainsi, on peut lire en B (p. 5-12, § 10-18) les arguments que Durand avance en faveur de la thèse selon laquelle la foi et la science, prises selon leurs raisons générales et formelles, peuvent se trouver simultanément en un même homme au sujet d’un même objet. Cette thèse, formulée comme telle, est absente de C. Rappelons qu’il s’agit de la première des thèses qui sont épinglées dans l’acte de censure de 1317. Voir J. Koch, Kleine Schriften, Roma, Edizioni di storia e letteratura, 1973, p. 72 : « […] la foi et la science, prises selon leurs raisons générales, peuvent se trouver simultanément en un même homme à propos d’un même objet, même quant à l’acte. » (« [...] quod fides et sciencia secundum communem suam racionem accepta possunt esse simul in eodem de eodem obiecto eciam quantum ad actum. »).
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[20]
Cette discussion est semblable à celles que l’on rencontre dans les textes parallèles d’Hervé de Nédellec et de Jacques de Metz. Voir Hervé de Nédellec, Commentarius in Sententias, Prologus (redactio secunda), q. 1, resp. a. 1-3, et Jacques de Metz, Commentarius in Sententias, Prologus (redactio secunda), q. 1, resp., a. 1-3, dans M. Olszewski (éd.), Dominican Theology at the Crossroads: A Critical Edition and Study of the Prologues to the Commentaries on Peter Lombard’s Sentences by James of Metz and Hervaeus Natalis, Münster, Aschendorff Verlag, 2010, p. 114-124, l. 28-411 et p. 50-58, l. 10-294.
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[21]
Redactio B, p. 47, § 61 : « […] pro habitu eorum que deducuntur ex ueris et necessariis, licet immanifestis ipsi deducenti […]. »
-
[22]
Dans la version B, le reste de la question (p. 47-62, § 62-81) consiste en une suite de thèses que Durand réfute tour à tour, à savoir que : « la foi et la vision ne peuvent pas exister simultanément » (p. 47-51, § 62-69) ; « l’opinion et la science ne peuvent pas exister simultanément » (p. 51-53, § 70-71) ; « la foi et la science ne peuvent pas se trouver simultanément <en un même homme> au sujet d’un même <objet> » (p. 53, § 72) ; « on peut prouver démonstrativement que <ce qui est affirmé par> un article est possible et on peut réfuter scientifiquement les arguments contraires à un article » (p. 53-58, § 73-77) ; « une science abstractive portant sur Dieu pourrait être communiquée à l’être simplement en chemin » (p. 58-62, § 78-81). Cette suite de thèses et réfutations ne se trouve pas dans la version C. G. G. indique que cette portion du texte de la version B ne se trouve que dans trois des sept témoins manuscrits (A, N et O) ; il pourrait s’agir de l’ajout d’une reportatio qui transmettrait une discussion par Durand de thèmes connexes à la question 1 (voir Einleitung, p. 53*-55*).
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[23]
Redactio B, q. 2, p. 66, § 7 : « […] dimissa prima acceptione sicut et in prima questione, quia non intendimus querere de subiecto fidei. »
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[24]
Par conséquent, les paragraphes 16 et 17 en B (ibid., p. 75-78) correspondent aux paragraphes 9 et 18 de la question 5 en C (Venise 1571, f. 9ra-rb et 10ra).
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[25]
Voir Redactio B, p. 16-24, § 24-38.
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[26]
Ibid., p. 16, § 25 : « […] abstractiua uero est per quam cognoscitur res solum quantum ad suam quiditatem, que abstrahit ab esse, fuisse et fore, sicut cognoscitur rosa absens uel que omnino non est. »
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[27]
Serge-Thomas Bonino, Études Thomasiennes, Les Plans-sur-Bex-Paris, Parole et Silence (coll. « Bibliothèque de la Revue thomiste. Études »), 2018 ; 15,2 × 23,5, 702 p., 35 €. ISBN : 978-2-88918-359-3.
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[28]
Élisabeth Boncour, Maître Eckhart lecteur d’Origène. Sources, exégèse, anthropologie, théogénésie, Préface d’Olivier Boulnois, Paris, Vrin (coll. « Études de philosophie médiévale », 109), 2019 ; 16 × 24, 232 p., 25 €. ISBN : 978-2-7116-2891-9.
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[29]
Tiziana Suarez-Nani, Agostino Paravicini Bagliani (éd.), Materia. Nouvelles perspectives de recherche dans la pensée et la culture médiévales (xiie-xvie siècles), Firenze, Sismel-Edizioni del Galluzzo (coll. « Micrologus Library », 83), 2017 ; 14 × 21, xxiv + 396 p., 65 €. ISBN : 978-88-8450-807-2. Sommaire : T. Suarez-Nani, « Avant-propos », vii-xxiii. – Danielle Jacquart, « La notion de matière dans les commentaires bibliques : quelques exemples (xiie-xive siècles), 3-25. – Cecilia Panti, « Matter and Infinity in Robert Grosseteste’s De luce and Notes on the Physics », 27-55. – Anna Rodolfi, « Matière, forme et génération. La discussion entre Henri de Gand et Roger Marston autour des raisons séminales », 57-74. – Anik Sienkiewicz-Pépin , « Matière spirituelle et localisation chez Richard de Mediavilla », 75-98. – Cecilia Trifogli, « Geoffrey of Aspall on Matter », 99-122. – William Duba, « Franciscan Mixtures : William of Brienne on the Elements », 123-149. – Roberta Padlina, « Matière et puissance dans la pensée de Jacques d’Ascoli », 151-171. – Antonio Petagine, « La matière est-elle un étant positif ? La réponse de Jean le Chanoine », 173-190. – Joël Biard, « Matière, forme, qualités. Blaise de Parme et le statut de la matière », 191-215. – Aurélien Robert, « Pietro d’Abano et le matérialisme », 217-250. – Marc Bayard, « La conception dynamique de la matière chez Nicolas de Cues », 251-268. – Olivier Ribordy, « La notion de matière selon Francisco Suárez : à la fois acte entitatif et puissance ? », 269-293. – Nicolas Weill-Parot, « La matière dans l’explication des phénomènes extraordinaires (xiiie-xve siècles) », 295-313. – Michele Bacci, « Controverses islamo-chrétiennes au sujet de la matérialité religieuse. Images et lieux saints du Moyen Orient selon Ibn Taymiyya », 315-333. – Michel Pastoureau, « De la matière à la couleur : teindre en Occident à la fin du Moyen Âge », 335-355. – Michela Pereira, « Mother of All Creatures : Alchemical Views on Matter in the Latin Middle Ages », 357-379. – Index, 381-395.
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[30]
Voir ci-dessous, p. 199-201.
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[31]
Voir ci-dessus, p. 170-173.
-
[32]
Béatrice Bakhouche (éd.), Sciences et exégèse. Les interprétations antiques et médiévales du récit biblique de la création des éléments (Genèse 1, 1-8), Turnhout, Brepols (coll. « Bibliothèque de l’école des hautes études – Sciences religieuses », 167), 2016 ; 15,5 × 23,5, 388 p., 70 €. ISBN : 978-2-503-56703-7. Sommaire : B. Bakhouche, « Avant propos », 5-9. – « Première partie. Les textes fondateurs » : Dany Nocquet, « Pourquoi a-t-on écrit Gn 1, 1-8 ? Quelques indications sur l’origine et le milieu producteur de Gn 1 », 13-29. – Jan Joosten, « Le verbe créateur. Réflexions sur le texte hébreu de Genèse 1, 1-8 », 31-40. – Ron Naiweld, « Le rien d’avant le monde. Dieu et Torah dans la lecture rabbinique de la création du monde », 41-50. – Gilles Dorival, « Genèse 1, 1-8. Texte massorétique et Septante », 51-61. – « Deuxième partie : Réceptions dans le monde hellénistique » : Jérôme Moreau, « Une première théologique de la création. Le De opificio mundi de Philon d’Alexandrie (1-37) », 65-78. – Claudio Moreschini, « Il firmamento e le acque sopracelesti di Gen 1, 6-8. Gregorio di Nissa tra oriente e occidente », 79-96. – Christophe Leblanc, « Origène, le corps cosmique comme corps scriptural », 97-110. – Chiara Ombretta Tommasi, « L’univers gnostique des ténèbres entre platonisme et Écriture. Notes sur la cosmogonie de l’Écrit sans Titre (NHC 2,5) », 111-127. – Colette Pasquet, « La distinction créateur/création. Principe et fondement de l’interprétation de Gn 1, 1-2 chez Éphrem et Narsaï (ive-ve siècles) », 129-145. – Marie-Hélène Congourdeau, « Cosmas Indicopleustès et Jean Philopon. Deux lectures de la Genèse à Alexandrie au vie siècle », 147-159. – « Troisième partie : Réceptions dans le monde romain » : Paul Mattei, « Et vidit Deus quod esset bonum. La paradoxale dignité de la création matérielle dans la tradition chrétienne. Quelques jalons patristiques », 163-173. – Jérôme Lagouanère, « Temps et matière. L’exégèse augustinienne de Gn 1, 1-8, entre discours scientifique et exigence spirituelle », 175-188. – Cécile Biasi, « “Commencer” et “créer” (Genèse 1, 1-8). L’approche d’historien et d’hébraïsant de saint Jérôme à la lumière de la Préface au Pentateuque », 189-223. – Paul-Augustin Deproost, « Natura creatrix. Jeux d’eau, de lumière et de feu aux deux premiers jours du monde dans l’Hexaméron poétique de Dracontius », 225-243. – Michele Cutino, « Connaissances scientifiques et exégèse de Gn 1, 1-8 dans l’epos biblique des ve-vie siècles », 245-260. – « Quatrième partie : Lectures médiévales » : Alessandra Di Pilla, « Bède et le silence de Gn 1, 8 sur la probatio divina des œuvres du deuxième jour », 263-275. – Raffaele Savigni, « Science et exégèse dans quelques commentaires carolingiens sur Genèse 1, 1-8. Le ciel, les anges et les hommes », 277-313. – Isabelle Marchisin, « Caro salutis cardo. Mise en forme et métamorphoses des éléments du monde dans la porte de bronze d’Hildesheim », 315-332. – Annie Noblesse-Rocher, « La création de la lumière primordiale dans les sources monastiques du xiie siècle », 333-346. – Marie-Anne Vannier, « Eckhart, une lecture de Genèse 1, 1 », 347-354. – Gilbert Dahan, « Les deux récits de la création dans l’exégèse du xiiie et du xive siècles », 355-369. – « Et pour aller plus loin … » : Anastasios Brenner, « La création du monde selon la Genèse et la science moderne », 373-384. – Table des matières, 385-387.
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[33]
Voir ci-dessus, p. 193.
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[34]
Anna Rodolfi, « Forme incoate o potenza della materia ? Olivi e le rationes seminales », aux p. 193-205 de l’ouvrage Vedere nell’ombra dont on trouvera la référence complète à la note suivante. Cette contribution est de quelque manière complémentaire à l’étude du même auteur dont il a été question plus haut : voir ci-dessus, p. 193-194.
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[35]
Cecilia Panti e Nicola Polloni, (éd.), Vedere nell’ombra. Studi su natura, spiritualità e scienze operative offerti a Michela Pereira, Firenze, Sismel-Edizioni del Galluzzo (coll. « Micrologus Library », 90), 2018 ; 14 × 21, xxiv + 432 p., 62 €. ISBN : 978-88-8450-813-3. Sommaire, v-vii. – C. Panti, N. Polloni, « Introduzione », ix-xxiii. – Alessandro Linguiti, « La mente, il rito, il corpo. Appunti sulla soteriologia caldaica », 3-12. – Paola Carusi, « Come l’olio nel sesamo e la resina nel terebinto. Alchimisti e teologi e la questione del “corpo sottile” », 13-24. – Pinella Travaglia, « La sapienza del cuore. Appunti per un confronto tra Bernardo di Chiaravalle e al-Ġāzalī », 25-43. – Silvana Vecchio, « Nec mimus, nec histrio : l’ars theatrica nel xii secolo », 45-55. – Carla Casagrande, « La ricerca della perfezione nel Liber de humanis moribus per similitudines attribuito ad Anselmo di Aosta », 57-66. – Marta Cristiani, « Pulchritudo virtutum : per un’estetica delle virtù. Ildegarda e l’eleganza della giustizia », 67-76. – Georgina Rabassó, Rosa Rius Gatell, « Fuerzas cósmicas en lucha. El Ordo virtutum de Hildegarda de Bingen », 77-89. – Peter Dronke « Another Work by Hildegard of Bingen », 91-102. – N. Polloni, « L’acqua che si trasforma in pietra : Gundissalinus e Avicenna sulla generazione dei metalli », 103-120. – Francesco Santi, « Folco di Marsiglia e Giacomo da Vitry. Storia di un’amicizia », 121-131. – Gian Carlo Garfagnini, « Lettura e significato del mito nel xii secolo », 133-145. – Paola Bernardini, « Non si scherza con il fuoco. La pena infernale secondo un anonimo maestro di Arti (1270 ca.) », 147-159. – C. Panti, « Immagini della donna nello pseudo-ovidiano De vetula », 161-177. – Jeremiah Hackett, « Bacon and his First Interpreter. The Anonymous Iuvenis Iohannes », 179-192. – A. Rodolfi, « Forme incoate o potenza della materia ? Olivi e le rationes seminales », 193-205. – Elisa Chiti, « Substantia divina est ut substantia propria quae non fluit. Dall’emanazione all’unità », 207-218. – Gabriella Pomaro, « A proposito di libelli lulliani », 219-237. – Lola Badia, Joan Santanach, Albert Soler, « Storia e geografia nel Romanç d’Evast e Blaquerna di Ramon Llull », 239-249. – A. Paravicini Bagliani, « Un nuovo codice dello Speculum Astronomiae ( Siena, Biblioteca Comunale degli Intronati, L III 11 ). Riflessioni codicologiche », 251-264. – Roberto Lambertini, « Fedeltà alla regola francescana e prassi conventuale nella Firenze di fine Duecento : una Quaestio di Pietro de Trabibus », 265-276. – Iolanda Ventura, « Medicina e farmacologia “scolastica” nei commenti all’Antidotarium Nicolai », 277-297. – Gianfranco Fioravanti, « La Questio utrum virtus sive potentia anime sit idem cum anima di Antonio da Parma », 299-314. – Chiara Crisciani, « Virtù e requisiti dell’alchimista : Bernardo di Grava », 315-330. – Eleonora Buonocore, « The Other Model : Siena as a Purgatorial City in Dante », 331-341. – Mario Meliadò , « Rappresentazione della scolastica e apologia dell’ignoranza. Una postilla al De vanitate di Cornelio Agrippa », 343-360. – Ferdinando Abbri, « Paracelso, alchimia e chemica : Aspetti del dibattito storiografico contemporaneo », 361-374. – Carla Compagno, « I Perspicilia lulliana philosophica di Ivo Salzinger », 375-390. – Giuseppe Cognetti, « Uomo, natura e Dio nel pensiero di Raimon Panikkar », 391-405. – Vincenzo Carlotta, « Bibliografia di Michela Pereira », 407-416. – Index, 417-430.
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[36]
Un détour codicologique est aussi envisageable, avec Gabriella Pomaro, qui examine deux témoins de première génération des Libelli de Lulle, et Agostino Paravicini Bagliani, qui étudie un nouveau témoin du Speculum astronomiae et le situe par rapport à ses précédentes recherches au sujet de la tradition manuscrite de cet ouvrage.
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[37]
Giovanni Catapano, Onorato Grassi (éd.), Rappresentazioni della natura nel Medioevo, Firenze, Sismel-Edizioni del Galluzzo (coll. « Micrologus Library », 94), 2019 ; 14 × 21, xiv+342+[24] p., 66 €. ISBN : 978-88-8450-904-8. Sommaire, v-vii. – G. Catapano, O. Grassi, « Prefazione », vii-xiv. – Alessandro Scafi, « Natura perfetta nell’Eden : un’utopia medievale », 3-25. – Enrico Moro, « Rappresentazioni della natura nel De Genesi ad litteram di Agostino », 27-40. – Clelia V. Crialesi, « Un approccio matematizzante nell’analisi della realtà naturale : l’Explanatio in Calculo Victorii di Abbone di Fleury », 41-58. – P. Carusi, « Natura, nature. Mizāǧ, trasmutazione alchemica e filosofia aristotelica », 59-81. – Valeria Russo, « L’espressione dell’anima e la parola del corpo : su alcuni significati del tópos di matrice naturalistica nella lirica cortese », 83-96. – Fabrizio Amerini, « Limiti e significato di “natura” : Tommaso d’Aquino lettore di Aristotele », 97-110. – Andrea Porcarelli, « La rappresentazione della natura umana “sulla linea di orizzonte” in Tommaso d’Aquino e i suoi riflessi nel personalismo pedagogico del xx secolo », 111-124. – Riccardo Saccenti, « Impressio legis aeternae. La legge naturale nel trattato De legibus di Giovanni de La Rochelle », 125-138. – Giovanni Rossi, « Iurisconsultus principia iuris […] trahit a principiis naturae » : la riflessione sulla natura in Alberico da Rosate e Baldo degli Ubaldi », 139-153. – Paola Dessì, « I madrigali di Bartolino da Padova : lessico naturalistico e livelli di significazione », 155-172. – Antonio Lovato, « La plenitudo vocis articolata e letterata nella musica armonica di Marchetto da Padova », 173-192. – Fabio Zanin, « Forme artificiali e separabilità degli accidenti. Il dibattito su natura ed arte a Parigi alla metà del xiv secolo », 193-206. – Chiara Beneduce, « La fisiologia del tatto nel xiv secolo : il caso di Giovanni Buridano », 207-220. – Zuleika Murat, « Rappresentare la “Natura Incorrotta” : casse reliquiario e corpi santi a Venezia fra xiii e xiv secolo », 221-239. – Chiara Ponchia, Federica Toniolo, « Dal margine al centro : raffigurazioni di natura nei manoscritti miniati tra xiii e xiv secolo », 241-258. – I. Ventura, « Scienza della natura e farmacologia accademica tra xiii e xiv secolo : un progetto di lavoro », 259-274. – Xavier Barral i Altet, « La terra, l’acqua, e i loro abitanti : a proposito della rappresentazione della natura nell’arte monumentale romanica », 275-290. – Remy Simonetti, « Ipso ex naturae gremio. La natura come modello nel pensiero e nella pratica architettonica di Leon Battista Alberti », 291-303. – A. Paravicini Bagliani, « Conclusioni », 305-319. – « Tavole [1-12] », 321-322 [+ 24 p. non numérotées]. – Index, 323-340.
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[38]
Bénédicte Sère (dir.), Les régimes de polémicité au Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes (Coll. « Hors série »), 2019 ; 15,5 × 24, 216 p., 35 €. ISBN : 978-2-7535-7562-2. Sommaire : B. Sère, « Introduction », 7-14. – Alessandro Capone, « Cristianesimi e polemiche nei primi secoli : approcci e prospettive », 15-29. – Warren Pezé, « Nouvelles approches sur le fait controversial au haut Moyen Âge », 31-44. – Leidulf Melve, « The problem with “polemical literature”. Definitions and strategies in polemical literature », 45-61. – Charles de Miramon, « Y a-t-il un espace public de la Réforme grégorienne ? L’exemple des traités en faveur du mariage des clercs autour de l’année 1075 », 63-71. – Alain Rauwel, « Les polémiques grégoriennes entre espace public et communautés émotionnelles », 73-82. – Sita Steckel, « Une querelle de théologiens ? The concept of “polemic” in the historiography of the secular-mendicant controversy », 83-97. – Emmanuel Bain, « Les théologiens contre la polémique ? Régimes de polémicité et figure du maître dans l’exégèse médiévale (xiie-xiiie siècle) », 99-117. – Philippe Bobichon, « Réflexions sur ce que pourrait être une polémologie des controverses judéo-chrétiennes médiévales », 119-135. – Antoine Destemberg, « L’espace public de la polémique : lecture croisée », 137-149. – Bénédicte Sère, « Le pape et le concile au xve siècle : état de l’art », 151-167. – Olivier Marin, « Du bon usage de la polémologie. Les réserves d’un hussitologue », 169-183. – « Table ronde », 185-194. – Dominique Iogna-Prat, « Conclusion. Incertaines polémiques médiévales », 195-202. – Index 203-205. – « Les auteurs », 207-211.
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[39]
Patrick Boucheron et Vincent Azoulay (éd.), Le mot qui tue : une histoire des violences intellectuelles de l’Antiquité à nos jours, Seyssel, Champ Vallon, 2009.
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[40]
P. Boucheron et Nicolas Offenstadt (éd.), L’espace public au Moyen Âge. Débats autour de Jürgen Habermas, Paris, Presses Universitaires de France, 2011.
-
[41]
Virginia Burrus, The making of a Heretic. Gender, Authority and the Priscillianist Controversy, Berkeley, Los Angeles, University of California Press, 1995.
-
[42]
Les lois religieuses des empereurs romains. De Constantin à Théodose II (312-438), vol. I, Code théodosien, Livre XVI, 2.26, trad. Jean Rougé, Paris, Éditions du Cerf (Coll. « Sources chrétiennes », 497), 2005, p. 221.
-
[43]
L’auteur s’inspire de Giancarlo Rinaldi, Cristianesimo nell’antichità. Sviluppi storici e contesti geografici (secoli i-viii), Chieti, Roma, Gruppi biblici universitari, 2008.
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[44]
Pour une présentation plus détaillée de l’ouvrage dans sa première édition, qu’il me soit permis de renvoyer à mon compte rendu paru dans « Bulletin d’histoire des doctrines médiévales », Rev. Sc. ph. th. 95 (2011), p. 429-472 : 456-457.
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[45]
Serge-Thomas Bonino, Les Anges et les démons, Deuxième édition, revue et augmentée, Paris, Parole et Silence (coll. « Bibliothèque de la Revue thomiste. Cours de théologie »), 2017 ; 15, 2 × 23, 5, 456 p., 32 €. ISBN : 978-2-84573-560-6.
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[46]
Henri de Gand, Matthieu d’Aquasparta, Richard de Mediavilla, Pierre de Jean Olivi, Les Anges et le lieu. Quatre questions sur la localisation des substances séparées, Textes latins introduits par Tiziana Suarez-Nani, traduits et annotés par T. Suarez-Nani, Olivier Ribordy, Gabriel Evangelista, Giacomo Lardelli, Philippe Schultheiss, Paris, Vrin (coll. « Translatio. Philosophies Médiévales »), 2017 ; 11,3 × 17,9, 288 p., 12,5 €. ISBN : 978-2-7116-2727-1.
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[47]
Père Jean-Baptiste (Guillaume) Golfier, Tactiques du diable et délivrances. Dieu fait-il concourir les démons au salut des hommes ?, Paris-Perpignan, Artège-Lethielleux (coll. « Sed contra »), 2018 ; 16 × 23, 1053 p., 36 €. ISBN : 978-2-249-62589-3.
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[48]
Joël Biard et Aurélien Robert (éd.), La Philosophie de Blaise de Parme. Physique, psychologie, éthique, Firenze, Sismel-Edizioni del Galluzzo (coll. « Micrologus Library », 96), 2019 ; 14 × 21, vi+292 p., 54 €. ISBN : 978-88-8450-921-5. Sommaire : « Table des matières », v-vi. – J. Biard et A. Robert, « Introduction », 3-12. – Andrea A. Robiglio, « Le philosophe comme personnage littéraire : Blaise Pelacani de Parme dans le Paradiso degli Alberti », 13-31. – A. Robert, « L’éthique de Blaise de Parme dans ses Questions sur la Physique », 33-58. – Christophe Grellard, « Une histoire naturelle des religions : Blaise de Parme, les astres et les sectes », 59-82. – J. Biard, « Rationalismes régionaux dans la philosophie médiévale tardive : le cas de Blaise de Parme », 83-106. – Graziella Federici Vescovini, « Blaise de Parme et l’intelligibilité mathématique », 107-127. – Daniel A. Di Liscia, « Biagio Pelacani de Parma’s Geometrisation of Latitudes and the Problems of the Mean Degree Theorem », 129-152. – Sabine Rommevaux-Tani, « Les règles du mouvement dans la seconde rédaction des Questions sur la Physique de Blaise de Parme », 153-174. – Magali Roques, « Blaise de Parme et la quantité », 175-196. – Nicolas Weill-Parot, « Une position originale ? Le contact entre le moteur et le mû dans les Quaestiones disputatae super octo libros Physicorum de Blaise de Parme », 197-217. – Fabio Seller, « La détermination des positions des astres dans l’optique de Blaise de Parme », 219-232. – Valeria Sorge, « Sens externes et sens internes chez Blaise de Parme », 233-246. – José Felipe Silva, « Blasius of Parma on the Activity of Sense », 247-270. – « Bibliographie », 271-282. – « Index des noms de personnes et d’œuvres », 285-290. – « Index des manuscrits », 291.
Éditions de textes
1Raban Maur. — L’édition des sources exégétiques carolingiennes accuse toujours un retard considérable. Chaque édition est donc très attendue par les chercheurs qui travaillent sur cette période. Raban Maur est l’un des exégètes les plus importants de son époque et dont l’influence s’étend bien au-delà de l’époque carolingienne. Le commentaire sur le Livre des Lamentations de Raban Maur, édité par Roberto Gamberini [R. G.], est le premier traité exégétique sur ce livre biblique en Occident chrétien [1]. Comme le souligne R. G., il s’agit du commentaire le plus personnel de Raban. Les exégètes carolingiens utilisaient essentiellement une méthode de compilation et de simplification des traités patristiques. En se penchant sur le Livre des Lamentations, Raban est amené à chercher une autre méthode : l’abbé de Fulda a recours aux commentaires sur le livre de Job et sur les Psaumes, mais il utilise également ses propres savoir et expérience exégétiques.
2R. G. suit la datation du traité proposée par Silvia Cantelli Berarducci [2] : Raban a rédigé son traité entre 840 et 842 et en fait cadeau à Lothaire, fils de Louis le Pieux, à un moment critique sur le plan politique de son règne. Le commentaire de Raban a circulé dans deux versions : une longue (editio maior) intitulée Expositio Hieremiae prophetae libri XVIII-XX et une abrégée (editio minor) avec le titre Expositio in Lamentationibus Hieremiae prophetae. Ce n’est exceptionnel ni pour cette période ni pour Raban lui-même, les versions abrégées et simplifiées servant souvent dans les classes des monastères. R. G. propose l’édition des deux versions du traité.
3Dans l’introduction, nous trouvons une étude minutieuse des deux versions du traité rabanien et de leurs transmissions : l’attribution, la subdivision de l’œuvre, la technique de l’abréviation (et non de la réécriture) qu’adopte l’auteur de l’Epitome ou de la version abrégée. Le caractère grossier du modus operandi de l’auteur de l’editio minor ne permet pas, selon R. G., de l’identifier avec Raban ou l’un de ses élèves à Fulda. Le commentaire de Raban sera utilisé par Paschase Radbert, Otfrid de Weissenburg et Gilbert l’Universel dans la rédaction de la Glossa ordinaria.
4La version longue est transmise dans huit manuscrits, tandis que la version abrégée se trouve dans vingt-trois témoins. Aucun manuscrit ne provient des lieux possibles de rédaction des commentaires de Raban, Fulda ou Mayence. R. G. propose l’édition des deux versions. Pour établir l’édition du traité original de Raban, R. G. a pris en compte les sept manuscrits (il a exclu les fragments conservés dans le ms. Cremona, Archivio di Stato, Frag. Not., busta 13, n°294), tandis que pour celle de l’editio minor il n’a retenu que trois témoins, antérieurs au xiie siècle. Pour l’editio minor, R. G. a établi l’existence de deux familles de manuscrits (α et β), qu’il décrit et analyse de manière détaillée. La première édition imprimée du traité, celle de Henricus Petrus, publiée à Bâle en 1534, transcrit le ms. Bâle, Universitätsbibliothek O II 14 . Dans son état actuel, le manuscrit de Bâle est lacunaire. Par conséquent, l’édition de Petrus est un témoin précieux pour reconstruire l’archétype de la famille α. C’est cette édition qui est reprise dans l’édition de Migne, vol. 111, col. 793-1272. La version abrégée dérive de la famille β. Souvent attribuée à Jérôme, elle a connu un plus grand succès : elle a été publiée pour la première fois par Bernardino Gadolo à Venise en 1498. L’Epitome s’est ensuite introduit dans les éditions des commentaires de saint Jérôme, par exemple dans celle de Mariano Vittori, publiée à Rome en 1571. L’édition de R. G. est accompagnée d’une bibliographie et d’un index.
5Nous disposons désormais d’une édition fiable des deux versions de ce traité rabanien, peut-être l’un des plus originaux. Il reste à conduire une recherche approfondie des sources utilisées par l’abbé de Fulda pour sa rédaction.
6K. M.
7Hugues de Saint-Victor. — Avec la publication du De oratione dominica et du De septem donis Spiritus sancti par Francesco Siri [F. S.] se poursuit la publication, ouverte en 2001 dans la Continuatio Mediaevalis du Corpus christianorum, des Opera omnia d’Hugues de Saint-Victor. Ce volume [3] comprend l’édition critique de ces deux courts textes, soit six-cent-quatre-vingt-onze lignes (p. 177-210) et cent-trente-cinq lignes (p. 213-218). Après un long temps de connivence entre l’éditeur et ses matériaux pendant l’élaboration d’une édition critique, la présentation du dossier est une entreprise difficile. Une possibilité est de rester dans une certaine pudeur, toute formelle et brève : l’introduction ne livre pas au lecteur la méthode suivie et les questions successives posées à l’éditeur par les matériaux qu’il a ordonnés, interrogés et critiqués. Ce propos de réserve n’est assurément pas celui choisi par F. S. et le lecteur peut lui être reconnaissant de livrer une copieuse introduction à l’édition de ces deux opuscules (p. 5-173). L’avant-propos situe ces deux œuvres dans la production d’Hugues et traite des questions d’attribution et d’authenticité. La date de leur production à l’abbaye de Saint-Victor de Paris reste inconnue : F. S. tout en mentionnant les tentatives de datation par la méthode de Van den Eynde , ne propose pas de période d’élaboration plus précise que celle de la présence d’Hugues à l’abbaye de Saint-Victor, soit de 1115/1118 à sa mort en 1141, et ce pour l’un comme pour l’autre texte, sans exclure une date de production rapprochée de l’un et de l’autre (p. 7-8 et p. 12-13). De fait, la réflexion organisée autour des septénaires comme le style de ces deux textes les rapprochent évidemment (voir la présentation de F. S. des travaux d’Hugues autour des septénaires dont ces deux textes et encore le De quinque septenis en 2015 [4]).
8L’introduction donne dans un premier chapitre l’ensemble des témoins des deux textes (p. 21-53) : manuscrits retenus, disparus et exclus. Pour ces derniers, ce ne sont pas moins de dix-neuf mss qui sont écartés. L’examen approfondi par F. S. de cette partie du dossier d’Hugues, (les mss écartés étant souvent le parent pauvre et pour cause des éditions critiques), permettra d’utiles mises à jour des catalogues (p. 38-43). La présentation commune des mss utilisés par la suite se justifie tout à fait : comme il est loisible de se le représenter, dix-neuf parmi ceux retenus comportent les deux opuscules, treize le seul De oratione dominica (Dod) et un (Bx30) le seul De septem donis (Dsd). Il est à remarquer que la tradition comporte un tiers de témoins du siècle même de la rédaction des deux textes : douze sur trente-deux pour le Dod et sept sur vingt pour le Dsd. Pour les éditions imprimées, F. S. a repéré huit éditions du Dod et du Dsd dont cinq dans des Opera omnia (dont celle de Migne 1854 qui reproduit celle de Rouen 1648) mais aussi deux autres des deux opuscules et une du seul Dsd par Roger Baron (1969). L’édition de Jérôme Vignier (Paris, 1654) n’est cependant pas présentée avec un item particulier et viendrait alors chronologiquement après celle de Rouen 1648 (une coquille malencontreuse s’est d’ailleurs glissée p. 51 dans le report des éléments de la page de titre : mdcxiv sans doute en lien avec le titre complet pour mdcliv, date de l’édition). F. S. poursuit avec d’une part l’examen critique de la tradition du Dod (p. 55-132) et les principes d’édition du texte (p. 133-139) et procède de la même manière, en deux temps, pour le Dsd : examen critique de la tradition et principes d’édition (p. 141-170 ; 171-173). Viennent ensuite les deux textes édités, suivis des index des lieux scripturaires, des sources et des lieux parallèles (p. 221-226). Parmi les éléments caractéristiques de ces dossiers, F. S. note à propos du Dod qu’il ne lui a pas été nécessaire d’intervenir pour corriger le texte (p. 133) et donc donner au texte à tel ou tel endroit une forme qui ne se trouverait dans aucun des témoins. Cela nous semble démontrer la qualité de la transmission, en particulier en raison du nombre de témoins anciens et de la famille des mss relevant de l’édition de l’abbé Gilduin. F. S. engage le lecteur dans une présentation « généalogique » des traditions manuscrites des opuscules. Il présente chaque famille manifestée par leurs leçons communes et en dégage ensuite les sous-groupes par les leçons disjonctives qu’il repère. La présentation de chacun des sous-groupes prend le plus souvent la forme de séquences successives s’ouvrant directement par une discussion de telle ou telle forme avec à la fin du paragraphe la citation du texte en question suivie d’un tableau récapitulatif. À la p. 56, à propos de l. 600-601, compescatur est porté deux fois : est-ce parce qu’il correspond dans Gr1 au texte « avant correction », pour autant que « a. c. » porté en exposant (Gr1a.c.) veuille bien signifier cela ? Cette notation « a. c. » dans l’exposant (qui se trouve aussi p. 56 à propos de la l. 573), indiquée de la sorte, prête à confusion car « a. c. » viendrait qualifier tout le ms. ce qui ne semble pas exact : ne vaudrait-il pas mieux la placer sur la ligne ou user de « p. m. : prima manu » par exemple ou tout au moins expliquer cet usage, ce que nous n’avons pas su trouver ? D’une manière générale, cet ensemble de notices et leur récapitulatif en colonnes produisent un effet de juxtaposition qui ne rend guère compte de la cohérence critique qu’ils voudraient servir. Les tableaux, s’ils peuvent parfois soutenir l’attention face à un grand nombre de leçons, alourdissent, nous semble-t-il, la présentation, à plus forte raison quand le tableau ne présente qu’une unique variante. Ces encadrés ne font que renforcer le sentiment de diffraction du propos, tant il est parfois difficile de saisir les lignes de force de la critique en cours du groupe ou du sous-groupe. Au fond, est-ce en raison de la haute cohérence du texte transmis (noyau important de témoins anciens et proximité avec la tradition victorine initiale) que les éléments formels et objectifs du travail critique se font discrets au profit des éléments grammaticaux et stylistiques ? Le raisonnement de F. S. semble parfois plus littéraire que strictement philologique. Apparemment F. S. répugne à user de la lectio difficilior comme par ex. p. 143 Dsd l. 56 pungit/purgat et p. 144 Dsd l. 97 sensificatus/sanctificatus pour expliquer ces deux glissements. Face à ces deux termes, le copiste aura opté pour des termes plus simples, plus courants dans son lexique théologique. Le recours à la lectio difficilior suffit, ce que vient confirmer et l’accord avec les autres témoins (argument le plus fort) et le style d’Hugues. La correction grammaticale, comme le style, sont des éléments fragiles et parfois difficiles à évaluer. Ainsi dans le même passage (p. 143), F. S. fait le constat que l’expression diversa facit qui diversa invenit ne convient pas quant à la grammaire. Mais il n’y a aucune obligation que le pronom relatif qui ait pour antécédent lumen, supposition de l’auteur sur laquelle il fonde le rejet de la leçon qui pour quia : qui peut aussi avoir comme antécédent le sujet de diversa facit qui précède. La phrase est alors correcte et cette proposition a valeur d’axiome. Le copiste l’aura comprise ainsi opérant ce glissement, fautif certes, mais grammaticalement correct. Pourquoi dans ce cas, plutôt que de recourir à un raisonnement grammatical, ne pas recourir à la lectio difficilior ?
9L’édition des deux textes à la suite permet de comparer les traditions de ces deux opuscules et c’est là un des points forts de ce volume et de ce travail. F. S. parvient à des configurations stemmatiques comparables pour l’un et l’autre opuscule, pour les mss qui les transmettent conjointement (p. 127 et 168). Il place les témoins Ar4 (fragment du Dod et Dsd complet) et Bx30 (Dsd seul) dans la dépendance directe de l’archétype Ω (p. 168). Le faible nombre de témoins du Dsd a rendu le regroupement en familles plus délicat quand les variantes se font peu significatives : elles n’en sont que plus labiles et passent facilement d’un texte à l’autre au gré des copistes sans qu’il soit possible à l’éditeur de démontrer une quelconque antériorité philologique. Dans ces cas, F. S. s’est appuyé sur la tradition et la critique de l’autre opuscule d’Hugues, le Dod, ce qui est tout à fait légitime, nous semble-t-il (p. 145). Le Dsd avait fait l’objet d’une édition scientifique par Roger Baron en 1969 [5] : établie à partir de P11 avec en note les variantes de P3 et P13 (de la famille ζ comme P11) et de P20 et V8 (de la famille victorine γ dont dépend ζ). Les 5 mss appartenant tous à la famille victorine γ, les variantes sont peu significatives mais il arrive pourtant que Baron aille contre la leçon de P11. Les variantes de l’édition Baron de 1969 de Dsd dont F. S. donne un échantillonage (p. 170) ne sont pas reportées dans les notes de l’édition de F. S. mais seulement celle de Migne (qui reprend Rouen 1648 en y joignant des variantes issues de Paris 1506 et Paris 1654 par Vignier, voir p. 51). Dans le Dsd p. 214, l. 37, F. S. signale l’omission par γ et Migne d’un enim, Baron l’omet aussi sans note en apparat (éd. Baron p. 122 l. 44). En revanche, à la phrase précédente, l’édition de F. S. porte à juste titre contre Baron : Septem dona spiritus et dona sunt Spiritus et Spiritus sunt (l. 36-37). Dans les sources scripturaires pour ce passage, un renvoi à Ap 1, 4 aurait sans doute été bienvenu. Mais revenons à l’éd. Baron qui ici pose question au niveau de son apparat critique. Baron ajoute en finale de cette phrase, contre son témoin-repère P11 et contre aussi P20 et le porte en note : et spiritus sunt dona (éd. Baron p. 122, l. 43). Cette addition de dona est bien connue de F. S. (p. 170) dans Migne, mais sans mention de mss dans l’apparat. Où Baron est-il allé chercher cette leçon sunt dona ? Elle ne se trouve ni dans P13, ni dans V8 (que nous avons vérifiés) mais bien chez Migne (voir F. S.) et sans doute pas dans P3 (toujours en suivant F. S.).
10L’apparat des sources de l’édition de F. S., sources assez peu nombreuses en fait, distingue entre les sources bibliques et patristiques qui se résume à une seule, Grégoire le Grand, reprise par Isidore de Séville (Dod p. 177, l. 11-13). Bien fournis, en revanche, et de grand intérêt, sont les lieux parallèles dans le corpus hugonien : ce type de renvois rend manifestes les réseaux textuels qui traversent ces opuscules et ils ne manqueront pas de servir la recherche victorine. Les lieux scripturaires, patristiques et parallèles font l’objet d’index. Il est toutefois permis de regretter que, dans un volume paru dans une collection de cette qualité, se glissent de malheureuses coquilles (entre autres p. 32 « receuil » pour recueil, p. 35 « parmis »/parmi, p. 36 « decoupés »/découpés), une expression impropre (p. 44 « les éditeurs ont poursuivi à publier »), un manque (p. 44 pas de renvoi en note à l’édition de Richard de Saint-Victor par Jean Châtillon dont il est question dans le texte), enfin au niveau du stemma général du Dod, p. 127, le lien entre P13 et P11 n’est pas exactement reproduit tel qu’il apparaît dans le schéma partiel de la p. 109, en accord avec le lien établi par l’éditeur auparavant.
11M. M.
12Michel Scot. — Oleg Voskoboynikov [O. V.], qui vient de créer un Centre d’études médiévales et un Master en histoire médiévale à la Higher School of Economics de Moscou, nous a livré une édition du Liber particularis et du Liber physionomie qui constituent respectivement les livres II et III du Liber introductorius de Michel Scot [6]. L’ample intro-duction de soixante et une pages se divise en deux parties : la première (p. 3-50) présente la biographie et l’œuvre du traducteur et penseur ; la seconde (p. 50-61) présente les manuscrits et les critères d’édition. La biographie est rédigée de manière passionnante et avec soin, en étroite connexion avec la production littéraire de Scot : il est fait état des questions concernant sa vie ; son profil intellectuel est très bien présenté, grâce à l’analyse critique d’études anciennes et récentes qui lui ont été consacrées. O. V. évalue avec grande prudence les prises de position des différents auteurs à propos de la biographie de Scot et du contexte de production de ses œuvres, et en rend compte avec exactitude. Comme son titre l’indique, le Liber introductorius est destiné à l’initiation de personnes incultes en les matières traitées et il constitue une sorte d’encyclopédie, rédigée sur de longues années, à partir de 1227 c., à la cour de Frédéric II, à qui le livre est dédié. Il comporte un prologue général, étudié par O. V. ; un Liber quattuor distinctionum, consacré à la cosmologie et à l’astronomie, où une multitude de sujets afférents est aussi abordée [7], entre autres les pratiques magiques ; un Liber particularis, qui développe des questions de cosmographie et géographie en lien avec le livre précédent (dans le prologue l’auteur capte ainsi la bienveillance du lecteur : […] cum sim tamquam infantulus lactans in ipsa arte) ; un Liber physionomie, où sont également développées des questions sur la génération humaine et ses conditions. Ces deux livres renvoient souvent au premier, qui écrase un peu les suivants, ne serait-ce que par l’étendue de sa matière. C’est de ces deux derniers libri qu’O. V. nous offre l’édition. Il remarque d’abord qu’aucun manuscrit contenant l’ensemble des trois parties du Liber introductorius ne nous est parvenu et que les parties de l’ouvrage sont transmises par les manuscrits l’une avec une autre de manière aléatoire et parfois avec d’autres ouvrages. Une deuxième remarque concerne le fait que le Liber introductorius a probablement connu différentes étapes dans l’écriture et, pour certaines parties, deux rédactions, dont témoignent les manuscrits. Le texte de l’ouvrage a probablement subi des interventions de la part d’érudits qui l’ont utilisé (notamment Barthélémy de Parme, p. 50-51). L’édition rend compte de ces interventions dans l’apparat. Notons que ni le livre II ni le livre III ne sont jamais transmis avec le livre I dans sa version longue. Les contenus variés de ces trois livres sont connus par des études antérieures et l’auteur en met ici en valeur l’originalité (p. 40-50).
13O. V. explique ainsi son choix éditorial : « Tenant compte des fortes divergences entre différents stades de l’élaboration du Liber introductorius, je me suis décidé, sans prétendre parvenir à un “Ur-text”, à fournir l’édition d’une version qui circula en Italie du Nord après 1300 » (p. 55-56), établie à partir de quatre manuscrits, d’origine italienne, qui contiennent les deux livres : Oxford, Bodleian Canonici Misc. 555 (O) ; Milano, Bibl. Ambrosiana L 92 Sup. (A) ; Vaticano (Città del), BAV Rossi IX 11 (R) ; Londres, Wellcome library 507 (L). Le manuscrit oxonien a été pris comme texte de base pour l’édition. Quatre autres manuscrits, qui contiennent les deux livres ensemble, sont plus tardifs et n’ont pas été utilisés. Pour la Physionomie, l’éditeur utilise aussi l’édition de Venise, Jacopo de Fivizzano , 1477, car ce livre est le seul qui ait été imprimé à la Renaissance. O. V. justifie ce choix, pour étudier la manière dont l’ouvrage a été reçu à cette époque : cela s’explique ; alors qu’on ne voit pas bien les raisons d’exclure les quatre manuscrits plus tardifs [8]. Si O. V. parle à faux d’édition critique pour son travail, il explique en revanche avec honnêteté les critères qu’il a suivis dans l’établissement du texte, les raisons qui ont présidé au choix de ces critères et la rigueur nécessaire dans leur application : cela est suffisant pour qualifier une édition scientifique, faute de pouvoir la qualifier de critique. L’apparat des variantes est très lisible ; celui des sources est réduit à l’essentiel. Le sens historique de l’éditeur et ses connaissances philologiques l’ont poussé à respecter la graphie du manuscrit de base et nous ne pouvons qu’encourager cette pratique du respect des graphies médiévales du latin, qui permet un accès au texte dans sa vérité (et variété) linguistique, que les graphies attestent. Malgré l’engagement, au cours du xxe siècle, d’érudits et de médiévistes de renom pour montrer la nécessité de respecter les graphies médiévales pour toute édition qui se prétend critique, parce qu’il en va de la compréhension même du texte [9], le respect de cette règle non seulement ne s’est pas imposé : au contraire, il est regrettablement en train de se raréfier.
14A. O.
15Barthélemy de Messine. — Lisa Devriese [L. D.] publie, pour l’Aristoteles latinus, l’édition critique de la traduction gréco-latine de la Physiognomonie pseudo-aristotélicienne [10], traduction réalisée par Barthélemy de Messine à la cour de Sicile, à la demande du roi Manfred (1258-1266) [11]. L’édition est précédée par une introduction en langue anglaise. Nous signalons ici les conclusions les plus importantes de cette étude critique.
16Les cent-vingt-huit manuscrits aujourd’hui connus témoignent du succès dont le texte a joui dans le monde latin (liste des mss : p. xviii-xxvii). L’enquête critique a permis à L. D. de conclure que la masse des mss dépend, plus ou moins directement, de l’exemplar universitaire parisien ; un seul ms. (Padova, Anton., Scaff. XVII, 370, du début du xive siècle : sigle Ap) est indépendant de la tradition universitaire.
17Tout d’abord, L. D. retrace l’histoire de l’exemplar (p. xxx-xliv). Dans l’exemplar primitif (P1), le texte faisait suite à la traduction latine du commentaire d’Alexandre d’Aphrodise, In Meteor. (l’exemplar est mentionné dans la liste de taxation de 1275 : « Item Commentum Alexandri super librum Metheororum et Phisonomia Aristotelis »). Neuf mss, dont deux incomplets, dépendent de cet exemplar. La supériorité de P1 par rapport aux autres mss universitaires est attestée par vingt et une leçons (dans lesquelles P1 converge presque toujours avec le ms. indépendant Ap). À un nouvel exemplar (P2, indiqué dans la liste de taxation de 1304 : « Item De motibus animalium et aliorum paruorum ») remontent environ quatre-vingt-dix mss. La Physiognomonie occupe ici deux peciae : il existe deux jeux de la première (P2a, P2b) et trois de la deuxième (P2a, P2b, P2c). L. D. fait observer une détérioration graduelle du texte (P2a étant le meilleur stade, P2c le pire). Un groupe de quelque vingt-cinq manuscrits dépend d’un troisième exemplar (P3) : cet exemplar est plus corrompu que P1et P2, cependant il converge, en six cas, avec le ms. indépendant Ap. Ensuite nous avons P4, sous-groupe de P3 formé par six mss : P4 pourrait dériver d’un quatrième exemplar, mais l’hypothèse ne paraissant pas très sûre, L. D. considère les mss qui composent ce sous-groupe comme étant des témoins de P3.
18L. D. passe alors à l’étude de la tradition indépendante (p. xliv-xlvii), dont le seul représentant est le ms. Ap. Il s’agit d’un ms. italien qui contient d’autres traductions du même Barthélemy. Pour ce qui concerne les Physiognomonica, L. D. montre qu’il offre un texte meilleur que le texte universitaire (p. xlv-xlvi : liste des quarante-cinq leçons propres à Ap ; dans la plupart de ces cas, Ap converge avec le texte grec, ce qui montre sa meilleure qualité).
19Ensuite, L. D. étudie le problème des doubles leçons ou, plus propre-ment, des doubles traductions. Il s’agit d’un phénomène courant dans les traductions latines médiévales. L’enquête de L. D. ne se limite pas aux Physiognomonica, mais elle prend en compte les autres traductions connues de Barthélemy. L. D. divise les doubles leçons en deux catégories. Dans la première catégorie, les deux leçons sont simplement juxtaposées, ou bien séparées par uel ; les deux leçons correspondent à une seule leçon dans le texte grec, par ex. : factis et generatis pour γινομένοις (805a8) ; dans les Physiognomonica, on compte vingt-six cas de ce genre (liste commentée aux p. xlix-li). Dans la seconde catégorie, les deux différentes branches de la tradition (P, Ap) rendent de deux manières différentes la même leçon du texte grec, par exemple : argumentum dans Ap et signum dans P pour τεκμαίροιτο (805b10) ; dans les Physiognomonica, on compte dix cas de ce genre (liste commentée p. lii). Selon L. D., toutes ces doubles traductions remontent à Barthélemy.
20On parvient, à la fin de cette étude, au stemma codicum (p. lxii) : la tradition est bipartite, avec une branche représentée par le seul Ap, et l’autre par tous les autres mss, dont le stade le plus ancien est représenté par l’exemplar primitif, P1. Y a-t-il eu un archétype entre Ap et P1 d’une part et le manuscrit sorti de la plume de Barthélemy ? C’est ce que feraient penser des fautes communes à Ap et P ; cependant, L. D. n’exclut pas que ces fautes soient des accidents dus à des ambiguïtés de l’auto-graphe, ce qui porterait à exclure l’existence d’un archétype entre ce dernier et les deux branches de la tradition (p. lxi-lxii).
21Après avoir éclairci la structure de la tradition latine, L. D. étudie la position du modèle de Barthélemy dans la tradition grecque. Voici le résultat le plus important de l’enquête menée : le texte grec des Physiognomonica est transmis par seize mss (voir p. lxv-lxvi), majoritairement du xve siècle ; un seul ms. (Marcianus gr. IV 58) remonte à la fin du xiiie siècle. Le modèle grec de Barthélemy, qui est aujourd’hui perdu mais qui devait dater, au plus tard, du milieu du xiiie siècle, s’avère ainsi être le témoin le plus ancien du texte. Outre son ancienneté, ce modèle a une position privilégiée dans le stemma de la tradition grecque (p. lxvii) : il s’agit d’un stemma à deux branches, dont une est constituée par le modèle de Barthélemy, l’autre par les autres mss grecs conservés. La reconstruction du modèle perdu de Barthélemy, dans la mesure où on peut l’effectuer grâce à la traduction latine, permet ainsi de « remonter plus haut » dans l’étude de la tradition du texte grec, puisque ce modèle était indépendant de la copie perdue (X) à laquelle remontent les mss grecs connus. Cela confirme l’intérêt remarquable de la traduction latine pour l’histoire du texte. L’édition du texte grec préparée par Richard Förster [12] avait déjà exploité la traduction latine. L. D. montre l’importance des intuitions de Förster, mais aussi quelques limites de sa méthodologie (p. lxxvii-lxxviii). L. D. insère ici une étude sur la méthode de traduction de Barthélemy, en particulier sur les aspects lexicaux, grammaticaux et syntaxiques (p. lxxviii-xc). Il sera très utile de comparer ces analyses avec les autres traductions de Barthélemy, traducteur moins bien connu que d’autres traducteurs médiévaux, par exemple le dominicain Guillaume de Moerbeke [13].
22En dernier lieu (p. xci-c), les principes d’édition sont exposés. Comme il est coutume dans les autres volumes de l’Aristoteles latinus, le texte latin est accompagné par deux apparats : l’apparat gréco-latin et l’apparat latin. Les apparats sont rédigés avec clarté et rendent compte de manière efficace de l’évolution de la tradition. Remontant à Barthélemy, les doubles leçons sont imprimées dans le corps du texte, entre accolades « {…} ». Le volume est complété par des tables (p. 43-74 : index des mss latins et grecs, index des noms, index des mots grecs et latins).
23Il faut insister sur l’importance de cette édition, à plusieurs titres : du point de vue méthodologique d’abord, pour l’intelligence avec laquelle L. D. sait maîtriser une tradition riche et complexe. Son étude de la branche P nous aide désormais à mieux comprendre les traditions universitaires des traductions latines d’Aristote. Du point de vue historique, cette édition contribue tout d’abord, nous l’avons dit, à notre connaissance de Barthélemy de Messine et de son œuvre de traducteur ; en outre, elle constituera, dans les années à venir, un instrument précieux pour les historiens de la science, de la médecine et de l’anthropologie médiévales. Le travail (voir p. vii) a été entrepris sous la direction du regretté Pieter De Leemans : nous croyons que l’édition de L. D. honore la mémoire de ce savant et poursuit idéalement la rigueur de ses recherches.
24I. C.
25Geoffroy d’Aspall. — Commencé au début des années 1990, le projet de recherche mené par Silvia Donati [S. D.] et Cecilia Trifogli [C. T.] au sujet de la réception médiévale de la Physique d’Aristote dans le monde latin a depuis lors abouti à un grand nombre de résultats solides. Parmi les accomplissements les plus récents mérite une mention à part l’édition critique des questions sur la Physique de Geoffroy d’Aspall († 1287), maître ès Arts à Oxford à la moitié du xiiie siècle, que S. D. et C. T. ont publiée en 2017 dans la collection de l’Académie britannique consacrée aux auteurs britanniques médiévaux [14]. Cet imposant ouvrage, qu’on salue avec admiration, se compose de deux tomes, et il comporte en vis-à-vis du latin une traduction anglaise, que C. T. a réalisée en collaboration avec E. Jennifer Ashworth, dans le but de rendre ce texte complexe accessible et compréhensible pour le lecteur contemporain, sans s’éloigner excessivement de sa littera (p. xxxvi). Le texte latin, sur la genèse duquel on reviendra par la suite, est accompagné par un apparat critique assez sélectif : y sont retenues seulement les variantes les plus significatives, rédactionnelles ou de tradition, ainsi que quelques erreurs cruciales. L’apparat des sources donne des informations concernant les seules autorités explicites de Geoffroy ainsi que les renvois internes au texte.
26Comme pour d’autres ouvrages de Geoffroy – y compris un second commentaire, littéral, à la Physique (p. xiii) –, la paternité du commentaire par questions ici concerné pose des difficultés. C’est ainsi que seulement certains livres de la Physique sont couverts par cette édition, les questions retenues comme authentiques portant sur les livres I-III ; sur une partie du livre IV (il devait être plus complet, mais on n’a pas d’éléments solides pour reconstruire le texte au delà de la partie sur le lieu) ; sur le livre VI ; sur le livre VIII. Aucun des quatre témoins de ce commentaire de Geoffroy (dont reste aussi un fragment) ne couvre la totalité de ces questions. Le manuscrit le plus complet contient trois des quatre segments qu’on vient de mentionner. Il s’agit du manuscrit T (Todi, Bibl. com. 23) : les questions sur le quatrième livre n’y figurent pas, alors qu’il en contient d’autres, inauthentiques, couvrant ce même livre et le suivant. Concernant les trois autres manuscrits, celui d’Oxford (Merton College, MS 272/304 [O]) ne transmet pas les questions sur le sixième livre, alors que les manuscrits de Cambridge (Gonville and Caius College, MS 509/386 [C]) et Londres (Wellcome Historical Medical Library, MS 333 [L]) préservent respectivement les deux premiers et deux dernières séries de questions. Exception faite pour le manuscrit L, du début du xive siècle, tous les autres témoins datent de la deuxième moitié du xiiie.
27Étudiée segment par segment par S. D. et C. T. (p. xxiii-xxxiv), la tradition présente un trait récurrent : alors que les différents témoins transmettent essentiellement le même contenu doctrinal et exégétique sur toute l’étendue du texte, leur manière de le formuler change parfois sensiblement et ce phénomène se vérifie pour des sections de texte assez longues (p. xvi). Cela s’explique selon toute vraisemblance non pas en imaginant un procès de réécriture en plusieurs étapes chez l’auteur lui-même ou différentes séries de leçons de sa part sur le même texte, mais plutôt en postulant l’existence de deux reportationes du même cours donné par Geoffroy (p. xxv-xxvi), réélaborées après coup et mises en circulation sans être revues par le maître lui-même. La présence de sections où les variantes s’avèrent isolées et mineures amène pourtant à émettre l’hypothèse d’une contamination entre les deux branches de transmission, voire d’une véritable fusion de deux versions dans un seul texte d’où l’une des deux branches dériverait. Il s’ensuit que de la comparaison entre témoins émergent moins des fautes que des variantes éditoriales, pour ainsi dire. D’où le critère d’édition suivi par S. D. et C. T., de « choisir l’une des versions et de la suivre de manière cohérente » (p. xxxiv), notamment T pour le sixième livre, O pour tout le reste du commentaire. Le choix de suivre ce dernier en le préférant systématiquement à T est justifié sur la base de trois arguments : 1) généralement plus correct, 2) ce manuscrit couvre une portion importante du texte ; 3) de plus, il témoigne d’une même version sur toute sa longueur.
28La distance entre témoins étant très variable, S. D. et C. T. ont décidé de rendre accessibles aux lecteurs les différentes versions des questions de deux manières complémentaires. Pour les parties de texte où la collation n’a mis en relief que des variantes ponctuelles, telles qu’elles ont pu être utilisées, le cas échéant, pour amender le texte conservé dans le manuscrit choisi, les leçons significatives, mais non retenues, sont reportées en bas de page. Quant aux parties où, par contre, la différence était trop importante pour pouvoir utiliser l’une des versions pour corriger l’autre et la signaler en apparat, une collation mot-à-mot étant impraticable, une transcription intégrale de la version non retenue a été fournie à part, en appendice. L’édition comporte par conséquent différents volets : 1) la recensio O des questions sur le livre I-IV et VIII, qui occupe une grande partie du premier tome de l’ouvrage ; 2) la recensio T des questions sur le livre VI, qui figure en ouverture du deuxième tome ; 3) la recensio TC des questions sur le livre I et II (q. 17-20, 22, 27-36), dans le premier appendice : le texte suivi est celui de T, les variantes de C étant documentées en apparat ; 4) la recensio L des questions sur le livre VI, dans le troisième appendice ; 5) dans le deuxième appendice, quelques questions isolées sur les livres I, III et VIII, non attestées par O, mais présentes dans T et, occasionnellement, dans C ou L. En complément aux différentes versions du commentaire, on trouvera aussi, dans le quatrième appendice, 6) une série de questions sur le livre V, d’authenticité incertaine, contenues dans T, juste avant les questions authentiques sur le livre VI (p. xv). Dans tous ces cas une liste complète des questions éditées en précède le texte.
29Outre les questions philologiques, dans l’introduction générale différents problèmes historico-textuels sont abordés par S. D. et C. T. avec précision, finesse et mesure. Tout en restant non datables avec plus de précision, surtout par rapport aux autres ouvrages du même maître, les questions sur la Physique de Geoffroy s’inscrivent dans la troisième phase d’assimilation du corpus aristotélicien à Oxford (p. xiii). L’étude de leurs sources explicites et implicites a permis à S. D. et C. T. de mieux les situer dans ce contexte. La manière de se rapporter à Averroès est plutôt intéressante à ce propos. En effet, tout en le considérant comme une autorité aristotélicienne et tenant dûment compte de son interprétation, Geoffroy adopte une attitude fortement critique envers lui, jusqu’à le réprimander ouvertement pour la fausseté de certaines de ses lectures. Concernant son rapport avec ses devanciers immédiats et avec d’autres commentateurs contemporains, entre autres Roger Bacon et Richard Rufus de Cornouaille, Geoffroy fait montre parfois d’en connaître les opinions, mais sans qu’il soit possible d’en affirmer plus, ni dans le sens d’une connaissance extensive, ni d’une dépendance.
30Structurées de manière classique, mais très concises, les questions de Geoffroy s’avèrent souvent d’interprétation difficile, d’autant plus que son avis n’est presque jamais exprimé dans la solution. La longue section doctrinale qui clôture l’introduction s’avère par conséquent extrêmement utile pour s’orienter dans la lecture du texte. La manière dont Geoffroy aborde quelques sujets physiques majeurs et ses options à cet égard y sont reconstruites avec clarté. Dans l’ordre, il est question de la matière, de la privation et de la forme ; de la nature et des causes ; du mouvement et de l’infini ; du lieu ; du continuum ; de l’éternité du monde et de l’auto-motion. On tirera grand profit également du richissime index thématique consultable à la fin du deuxième tome.
31M. B.
32Durand de Saint-Pourçain. — Le projet éditorial « Durandus », que dirige Andreas Speer de la Faculté de philosophie de l’Université de Cologne, poursuit à bon rythme la publication du Commentaire des Sentences du théologien dominicain Durand de Saint-Pourçain (1275-1334). Le présent volume [15] offre la toute première édition critique, par les soins de Guy Guldentops [G. G.], du Prologue et des trois premières distinctions du premier livre de la deuxième version (Redactio B) dudit Commentaire. L’introduction contient, comme il se doit, les considérations d’ecdotique nécessaires pour comprendre sur quelle base codicologique et suivant quels principes stemmatiques l’éditeur a restitué le texte latin que la partie centrale de l’ouvrage donne à lire. L’édition s’appuie sur les sept codices qui nous ont transmis le texte dans son entièreté, à savoir : (A) Auxerre, Bibliothèque municipale, ms. 26, f. 1ra-51ra (xive siècle, vers 1340) ; (F) Firenze, Biblioteca Medicea Laurenziana, Cod. San Marco 440, f. 1ra-86vb (fin xive siècle) ; (M) Melk, Stiftsbibliothek, Hs. 611 (130 C 8), f. 7ra-188rb (milieu du xve siècle) ; (N) Nürnberg, Stadtbibliothek, Hs. Cent. III , 79, f. 2ra-67va (xive siècle) ; (O) Saint-Omer, Bibliothèque de l’agglomération de Saint-Omer, Ms. 332 , f. lr-129v (xve siècle) ; (Y) Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. lat. 14454, f. 31ra-115va (xive siècle) ; (Z) Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. lat. 12330, f. 1ra-55vb (xive siècle, vers 1340). Outre ces sept témoins manuscrits, le codex de Bologna, Biblioteca comunale dell’Archiginnasio, ms. A 913 , f. 1ra-19va (milieu du xive siècle) contient un état fragmentaire du texte qui est à ce point dissemblable de celui de la deuxième version (Redactio B), que l’éditeur a choisi, à juste titre, de ne pas le considérer pour l’édition de celle-ci et d’en offrir plutôt une transcription à part en annexe du présent volume (Appendix, p. 188-242).
33Les tests des variantes et erreurs communes qu’a réalisés l’éditeur ont permis de répartir ces sept témoins manuscrits en quatre familles (AN, O, FM et YZ) qui remontent respectivement à quatre ancêtres (α, γ, δ et ε) ; en outre, les nombreuses variantes communes aux témoins FMYZ justifient de conjecturer l’existence d’un même modèle (β) dont ces quatre dépositions dépendent, via δ (FM) et ε (YZ). Par ailleurs, les nombreuses erreurs propres à chacun de ces sept codices prouvent qu’aucun n’a pu être la copie ou le modèle d’un autre. Enfin, l’évaluation de la teneur de ces diverses dépositions manuscrites a conduit l’éditeur à juger qu’elles constituent une tradition textuelle unitaire : par conséquent, la convergence de leurs leçons respectives, particulièrement celles des groupes AN et FM, qui sont les plus fiables – O étant, au contraire, le codex recentior deteriorque, tandis que les témoins Y et Z sont déparés par de nombreuses fautes évidentes –, lui permet d’établir de manière critique le texte archétypal (B), dont la haute tenue suggère qu’il est très près de l’exemplaire de Durand (voir le stemma codicum, p. 75*). De nombreux indices probants (l’éditeur n’en expose pas moins de treize ; voir p. 53*-64*) suggèrent que le texte édité correspond à la version révisée (Redactio B) de la première mouture (Redactio A), aujourd’hui perdue, de cette partie (Prologue et distinctions 1-3 du premier livre) du Commentaire de Durand. De plus, les variantes importantes qui séparent la famille AN du groupe FM, ainsi que les corrections auxquelles se sont livrés les scribes des codices F et N, notamment, indiquent la présence d’au moins deux phases de rédaction de la part de Durand. Ainsi, le Docteur moderne, comme il est coutume de le désigner depuis le Moyen Âge, se serait employé à réécrire le texte de la Redactio B, publiée dans le présent volume, quelque part entre la première version (Redactio A), dont le binôme AN garde des traces importantes, et la troisième version (Redactio C), que reproduit l’édition ancienne de Venise (1571), sur laquelle les médiévistes ont l’habitude de travailler.
34À terme, l’éditeur nous présente un texte d’excellente qualité (pages 1 à 187 du présent volume), qui découle de façon cohérente des principes énoncés dans ses prolégomènes à l’édition critique (Einleitung, pages 5* à 104*). Les appareils critiques, apparats des sources et des variantes, index et bibliographie (cette dernière se trouvant aux pages 85* à 104* de l’introduction), sont établis suivant les règles de l’art. Nous n’avons relevé qu’un seul lieu textuel que nous estimons devoir être corrigé : à la page 24, ligne 535, plutôt que « sic », il faudrait lire « sit », qu’impose la bonne construction grammaticale. Cette dernière leçon est attestée par les témoins F et O, sans compter qu’elle peut se trouver aussi dans certains des autres codices, où elle aurait été confondue avec sa rivale, chose facile étant donné la similitude paléographique qui rapproche ces deux mots.
35Dans cette deuxième version de son Commentaire (Redactio B), nous retrouvons les qualités intellectuelles dont Durand fait également montre dans la troisième version de celui-ci (Redactio C) : une pensée aiguisée qui sait aller à l’essentiel ; un esprit critique et indépendant qui n’hésite pas à formuler des thèses controversées (notamment en ce qu’elles s’opposent à la doctrine de Thomas d’Aquin) lorsqu’il juge qu’elles expriment la vérité ; un fin dialecticien qui maîtrise pleinement l’art d’élaborer de solides arguments. Cela étant, la Redactio C, la troisième et ultime que Durand aura produite, offre une version plus développée de son Commentaire que celle que présente la Redactio B, qui lui est antérieure. L’éditeur de celle-ci mentionne quelques-uns des développements que la dernière version (C) comporte et qui sont absents de la deuxième (B), notamment, pour le Prologue, l’éloquente Préface qui le précède et, pour le premier livre, les développements qui ont trait à l’image de la Trinité dans l’homme (distinction 3, question 5) et ceux qui concernent la question de savoir si l’intellect agent est une partie de l’âme humaine (distinction 3, question 9) [16]. Pour ce qui est du Prologue, nous aimerions signaler ici les différences les plus importantes que nous avons repérées parmi toutes celles qui séparent les versions B et C [17].
36C’est d’abord le nombre de questions qui diffère d’une version à l’autre. B ne comporte que trois questions : 1) « Est-ce que la théologie est une science ? » ; 2) « À propos du sujet de la théologie : quel est-il ? » ; 3) « Est-ce que la théologie est pratique ou spéculative ? ». Ces trois questions correspondent respectivement aux questions 1, 5 et 6 en C, qui en compte cinq de plus : 2) « Est-ce que la théologie est une science, si l’on suppose l’existence d’une certaine lumière dont certains affirment qu’elle se trouve chez les docteurs les plus parfaits ? » ; 3) « Est-ce qu’une connaissance scientifique des articles de foi peut être communiquée à l’homme en chemin par la puissance divine ? » ; 4) « Est-ce que la théologie est une ? » ; 7) « Est-ce qu’elle est subalternée à la science que possèdent les bienheureux ? » ; 8) « Est-ce qu’elle est subalternée à une science humainement découverte ou est-ce que les autres sciences lui sont subalternées ? ». Cela étant, le contenu des questions 2 et 3 en C est partiellement intégré à la question 1 en B : il s’agit des positions respectives d’Henri de Gand et de Jean Duns Scot au sujet de la scientificité de la théologie, ainsi que les arguments que Durand avance à leur encontre [18].
37S’agissant des trois questions que contient le Prologue de B, pour lesquelles C offre des textes comparables, nous constatons que les deux versions présentent des différences importantes. Les trois suivantes nous semblent être les plus significatives. Premièrement, en réponse à la question « est-ce que la foi et la science peuvent se trouver simultanément dans un même homme au sujet d’une même conclusion ? », fréquemment débattue à l’époque, C offre une réponse qui se développe à partir de la distinction entre la foi en l’autorité humaine et la foi en l’autorité divine (question 1, § 19-37, Venise 1571, f. 3ra-4rb), tandis que la réponse de B se déploie à partir d’une distinction entre les raisons générales et formelles de la foi et de la science, d’une part, et la matière des articles de foi, d’autre part (voir édition G. G., p. 5-24, § 10-38) [19]. Deuxièmement, la Redactio C comporte un argumentaire contre la position selon laquelle la théologie hypothético-déductive – exemplairement théorisée par Thomas d’Aquin – est une science au sens propre (question 1, § 49-53, Venise 1571, f. 5rb-va). La version B substitue à cet argumentaire une longue discussion critique (p. 26-47, § 40-60, avec la conclusion du § 61) de trois positions concurrentes quant à la scientificité de la théologie hypothético-déductive, à savoir [20] : la théologie, dont les principes – les articles de foi – sont crus et non pas sus ou compris, est une science au sens propre (d’après G. G., Durand vise ici la théorie de Guillaume de Pierre Godin) ; la théologie est une science au sens propre dont les principes – les articles de foi – sont vraiment compris (Durand examine ici la théorie d’Henri de Gand) ; la théologie n’est pas une science au sens propre, mais seulement au sens large, à savoir « comme l’habitus des <conclusions> qui sont déduites à partir de <prémisses> vraies et nécessaires, bien que <la vérité> de celles-ci ne soit pas manifeste pour celui qui opère la déduction [21] » (c’est la position que Durand endosse) [22]. Enfin, concernant le sujet de la théologie lorsqu’elle est prise au sens où elle est identique à la foi, la Redactio C expose un argument, des autorités bibliques, une objection et la réponse à celle-ci (question 5, § 10-12, Venise 1571, f. 9rb-vb); cet exposé est absent de la version B, puisque, dans celle-ci, Durand écarte d’emblée la considération du sujet de la théologie prise en ce sens, au motif que la question ne porte pas sur le sujet de la foi (« laissant de côté la première acception, comme on l’a fait dans la première question, parce que nous n’entendons pas poser la question à propos du sujet de la foi [23] »). Cependant, la version B reprend une partie de ces considérations sur le sujet de la théologie en tant qu’habitus de foi lorsque Durand traite du sujet de la théologie prise au sens de l’habitus des déductions d’ordre pratique faites à partir des articles de foi. En effet, selon le Docteur moderne, le sujet de la théologie ainsi comprise, l’acte méritoire, se rapporte éminemment à celui de l’habitus de foi aux articles, qui est Dieu sous la raison de Sauveur [24].
38Outre ces trois différences capitales qui démarquent les deux versions, il faut noter que d’importants remaniements argumentatifs les distinguent également, dont le principal est le suivant : dans la question 3 de la Redactio C (Venise 1571, f. 6vb-8ra), s’agissant des développements consacrés à l’exposé de la position de Duns Scot quant à la scientificité de la théologie (la thèse d’un don miraculeux d’une connaissance abstractive de la déité qui peut servir de socle pour le développement d’une théologie scientifique), si nous regardons les arguments que Durand invoque contre cette position et les solutions qu’il apporte aux arguments en faveur de celle-ci, lorsqu’il y a recoupement entre les deux versions, la Redactio C est presque toujours plus développée que la version B [25]. Finalement, il faut remarquer qu’on ne lit pas dans la version B, alors qu’elle se trouve dans la version C (question 3, § 7, Venise 1571, f. 7ra-rb), la reformulation par Durand de la caractérisation scotienne des connaissances intuitive et abstractive, qui met en exergue le paramètre de l’immédiateté cognitive et qui définit conséquemment la connaissance abstractive en termes d’abstraction de la présence de la chose connue (plutôt que d’abstraction de son existence). La Redactio B se contente plutôt de définir l’abstractive comme étant la connaissance « par laquelle une chose est connue seulement quant à sa quiddité, qui abstrait de l’être passé, présent et futur, à la manière dont est connue une rose absente ou qui n’existe absolument pas [26] ». Cette définition correspond à l’acception de la connaissance abstractive que l’on rencontre couramment à l’époque chez les théologiens qui discutent la thèse du Docteur subtil.
39En somme, lorsque nous comparons les versions B et C, force est de constater que, de l’une à l’autre, Durand a sensiblement approfondi et singularisé sa compréhension de la théorie épistémologique de Duns Scot. Par ailleurs, les deux rédactions offrent des exposés qui divergent notablement sur trois sujets dont les penseurs de l’époque débattaient résolument, à savoir la compatibilité de la foi et de la science pour un même objet en un même homme, la détermination du sujet de la théologie et la conception de celle-ci comme science hypothético-déductive. Tous les chercheurs qui s’intéressent aux développements et aux changements que la pensée de Durand a connus et traversés au fil du temps, depuis la première version jusqu’à la troisième et dernière rédaction de son Commentaire des Sentences, notamment en réaction aux censures dont elle fut l’objet, ne peuvent que se réjouir de la publication de cette nouvelle pièce à verser au dossier qui instruit une meilleure connaissance des thèses et arguments élaborés par le théologien dominicain. Le présent volume, en procurant l’édition critique d’une partie substantielle d’une œuvre importante dans la production intellectuelle de Durand de Saint-Pourçain, offre une contribution remarquable, marquée du sceau de l’excellence philologique, tant à l’histoire des doctrines et des idées aux xiiie-xive siècles qu’à celle de l’évolution de la pensée du Docteur moderne telle qu’elle se manifeste d’une version à l’autre de son Commentaire des Sentences.
40D. P.
Études
41Saint Thomas. — Serge-Thomas Bonino [ S.-T. B. ] présente ses études thomasiennes comme un premier volet dans la publication de travaux donnés pour la plupart lors de colloques, le deuxième devant porter sur la tradition thomisme, le troisième sur le thomisme contemporain [27]. Sur ces vingt-deux études, les cinquième, douzième et vingt et unième étaient inédites. Travaux de commande pour la plupart, mais où se distinguent des lignes de recherche plus personnelles : articulation sapientielle entre nature et grâce, dégagée d’abord à propos de la question de la prophétie, point d’observation privilégié de la noétique thomasienne. S.-T. B. qualifie sa méthode d’historique, étudiant la genèse de l’œuvre de Thomas à partir de ses sources, sollicitant les lumières des commentaires ultérieurs, dégageant l’évolution éventuelle de la pensée du docteur angélique. Il entend, en outre, manifester l’unité de cette œuvre, dont l’indice est dans les citations qui la traversent de manière récurrente ; montrer, enfin, comment la théologie préside à cette unité et à l’articulation des divers savoirs, comme en témoignent les commentaires bibliques.
42On analyse ci-après les contenus des diverses études, distribuées par S.-T. B. sous quatre chefs. La première partie s’intitule « Noétique et révélation ».
431. « La théologie de la vérité dans la Lectura super Ioannem ». S.-T. B. distingue et articule les usages de verum et de ses dérivés dans cet ouvrage : est « vrai », dans l’ordre de l’être, ce qui réalise l’intégrité d’une espèce ; selon l’ordre de la signification et de l’économie de la révélation, est vrai ce qui accomplit ce qui s’avère dès lors n’avoir été que figure ; est vrai, enfin, ce qui est à l’origine de ce qui n’est que participé. La Vérité première qu’est Dieu est ainsi le fondement de la vérité ontologique des choses, et de la vérité noétique qui a son siège dans l’esprit créé. Ainsi, l’illumination de la Vérité se porte-t-elle d’une part aux choses qu’elle manifeste, et d’autre part, à l’esprit qu’elle conforme à soi. Les vérités qui ne sont que partielles, et qui n’acquièrent de plénitude que dans cette vérité qu’est la connaissance de grâce, n’en sont pas moins, comme telles, vérités, et donc bonnes, même chez les démons. Le Christ est médiateur de l’élévation des vérités partielles à la vérité plénière. Il n’est pas indifférent qu’il soit le Verbe, à qui la vérité divine est appropriée. Selon l’union hypostatique, il en est le « témoin » en son humanité. L’exégèse thomasienne repose sur une continuité entre le vocabulaire biblique et celui de la tradition philosophique et théologique ultérieure. Cela même, qui sonne étrangement au lecteur moderne, ressortit à l’unité de la vérité, qui a son unique principe dans le Christ. Se dessine de la sorte, à partir de ce centre, un « univers de la vérité », réglé par la participation. Cette centralité du Christ est certes conforme à l’intuition de l’évangéliste. Sa doctrine relève le rôle de l’Esprit de vérité dans la participation historique des hommes à la Vérité première, de sorte que l’histoire est rapportée au mouvement des processions trinitaires éternelles.
442. « Le rôle de l’image dans la connaissance prophétique ». L’héritage latin et arabe que Thomas recueillait accordait un rôle à l’image dans la communication de la connaissance prophétique, mais non dans cette connaissance même. Or, la communication, à quoi la tradition arabe donnait une portée politique, devient chez lui seconde, par rapport à la réalité noétique de la vision. Contre le rationalisme d’un Avicenne, elle est chez lui véritablement surnaturelle, par le don du lumen prophetiæ. L’œuvre de ce lumen ne se substitue pas cependant aux procédures naturelles de la raison humaine. Notre âme étant forme du corps, son intellection s’accompagne d’images. La connaissance prophétique ne fait pas exception à ce principe. Même si Thomas admet que Dieu peut infuser directement, ou du moins par le ministère de ses anges, certaines images dans l’esprit du prophète, il reste que la vision prophétique consiste ordinairement dans le sens que l’homme distingue soi-même dans les images qu’il tire de sa propre expérience. Le surnaturel se remarque donc ici dans l’élévation des capacités humaines.
453. « “Les voiles sacrés” : à propos d’une citation de Denys » (« Il est impossible que le rayon divin brille pour nous autrement qu’enveloppé de la diversité des voiles sacrés », dans Hiérarchie céleste, ch. 1, § 2). C’est là une sentence emblématique de la tradition chrétienne, qui relève le rôle des symboles et plus généralement des objets sensibles dans la révélation d’un Dieu qui la proportionne à la nature de l’homme. Thomas en étend la portée à l’activité noétique elle-même, selon un aristotélisme qui fait de l’image le medium nécessaire de toute pensée. Par une sorte de coup de force, il utilise ainsi Denys contre le platonisme. Les images sont non seulement le principe mais elles demeurent le milieu même de la connaissance, s’agissant d’une âme qui est, tout ensemble, intellect et forme du corps : sans confusion, mais aussi, sans séparation. La connaissance intellectuelle n’est donc pas expérience directe et intuitive, mais elle procède par voie de rémotion ou d’éminence.
464. « “Toute vérité, quel que soit celui qui la dit, vient de l’Esprit saintˮ. Autour d’une citation de l’Ambrosiaster dans le corpus thomasien ». La récurrence de cette citation dans l’œuvre de Thomas lui est l’occasion d’affirmer que toute vérité créée, dans l’ordre de l’être comme dans celui de la connaissance de l’être, a son origine dans l’unique Vérité incréée. Il désamorce par ailleurs le piège qui gît dans la mention ici de l’Esprit saint, d’une confusion entre l’ordre naturel et l’ordre surnaturel. Il tient cependant que le vrai est le vrai, que son énonciateur soit ou non sous la grâce, tellement que Dieu peut mettre en la bouche des païens des vérités, et même des vérités de foi se mêlant à leurs erreurs. Cela rend manifeste le rôle propre à l’Église, d’effectuer le départ en ce mélange, et d’articuler les diverses vérités en un tout où elles trouvent toute leur mesure. Cette étude est suivie de la reproduction des seize extraits où figure la citation.
475. « Propheta et dominus prophetarum. Prophétologie et christologie dans la Lectura super Ioannem ». L’étude de l’Évangile selon saint Jean a engagé Thomas à revenir sur le refus qu’il marquait au De veritate de reconnaître au Christ le don de prophétie, tant ce don est dépassé en sa personne par la perfection de sa connaissance de Dieu et de ses mystères. Or, si le Christ est certes incommensurable aux prophètes sous le rapport des lumières de l’intellect, son âme est conforme à la leur quant à l’imagination. Mais surtout, la transcendance du Christ au regard des prophètes, que relevait le De veritate, est interprétée d’après l’économie du salut : le Christ est Seigneur des prophètes, en ce qu’il est à l’origine de leur savoir comme Sagesse éternelle et principe de l’Esprit de vérité, et en ce qu’il est soi-même l’objet de leurs prophéties.
486. « Le rôle des apôtres dans la communication de la Révélation, selon la Lectura super Ioannem ». S.-T. B. dégage la théologie thomasienne de l’apostolat, comme étant gouvernée par sa métaphysique de la cause première élevant les agents seconds à la dignité de la causalité par une participation engageant communication, selon un schéma dionysien. L’Évangile selon saint Jean manifeste l’illumination progressive des apôtres dans l’ordre de la foi et de la charité tout ensemble, dont l’objet est la révélation trinitaire, les étapes décisives étant Pâques et Pentecôte, même exorbitante du récit, pour la dernière. Leur prédication est l’œuvre même du Christ et comme un rejaillissement de sa plénitude.
497. « “Son onction vous instruit de toutˮ (1 Jn 2, 7). L’Esprit d’amour, source de la connaissance surnaturelle ». Dans la connaissance surnaturelle qui s’opère chez la créature se manifeste l’intimité entre le Verbe, Sagesse éternelle, à qui est appropriée la grâce de la foi, et le Saint-Esprit, procédant du Père et du Fils, principe de la charité du fidèle. Celle-ci l’engage dans une union à Dieu, le fait accéder à une connaissance par connaturalité, à une sagesse infuse, qui n’est plus seulement une vertu intellectuelle, mais un don. Ce don, les apôtres l’ont reçu en plénitude, l’œuvre apostolique n’étant que le rejaillissement de cette plénitude de sagesse, où s’abolit la distinction entre grâce sanctifiante et grâces gratis datæ ou charismes, dont la disjonction, chez les fidèles, est de fait, non de droit.
508. « Obumbratio. Le lexique de l’obombration dans le corpus thomasien. Petit éloge du clair-obscur ». Le concept d’obombration se rencontre dans la physique, la métaphysique, la noétique et la théologie thomasiennes. En métaphysique, selon une inspiration platonicienne, il désigne la perte d’intelligibilité que subit la lumière divine quand elle est participée par les réalités créées, en particulier matérielles – mais aussi sa condition d’intelligibilité par la raison humaine, elle-même intellect « obombré », dont l’opération réclame des objets qui lui soient proportionnés. C’est de la même manière que l’incarnation est entendue comme une obombration du Verbe, qui y tempère son éclat pour se rendre connaissable.
519. « Loi naturelle et révélation chrétienne ». Règle pour l’épanouissement de l’homme, la loi naturelle n’est guère connue de lui qu’en ses préceptes premiers, immédiatement expérimentés. L’objectivation de ses préceptes seconds est prévenue par un ethos communautaire, qui la conditionne : toute tentative de déduction abstraite, par un intellect anhistorique prétendant échapper à la consuetudo commune, étant ainsi, dès le principe, illusoire. Les coutumes sociales obscurcissent cependant ce sens de la loi naturelle, rendant nécessaire la loi révélée, pour qu’elle pare de son autorité des préceptes qui se rattachent aux préceptes premiers. Il n’y a pas là, pourtant, surnaturalisation de la loi naturelle. Celle-ci, en effet, n’est pas un système de règles positives qui devrait recevoir la sanction divine. Elle est susceptible de plusieurs réalisations historiques parmi lesquelles la morale évangélique peut briller dans le Christ sans jamais faire nombre avec elles.
52Une deuxième partie a pour titre « anthropologie et éthique ».
5310. « L’âme séparée. Le paradoxe de l’anthropologie thomiste » : l’état et le mode de connaissance de l’âme séparée, s’ils ne sont pas immédiatement conformes à la nature humaine, où l’âme, étant forme du corps, connaît par abstraction à partir du sensible ; cet état et ce mode, disons-nous, ne lui sont pas pour autant contraires. Ils lui sont « préternaturels », comme les définissent Cajétan et Báñez. Sa séparation d’avec le corps manifeste en elle des virtualités que l’union tenait dissimulées pour une grande part, notamment sa capacité à recevoir d’en haut un influx, comme cela se produit d’ailleurs dès ici-bas dans les rêves ou la prophétie naturelle. Quoiqu’au degré infime, l’âme appartient à l’ordre des intelligences. La psychologie aristotélicienne n’épuise donc pas sa vérité, car elle reçoit rang dans un univers régi par la participation hiérarchique des divers ordres de créatures à l’Être nécessaire et créateur.
5411. « La théorie des limbes et le mystère du surnaturel » : la théorie des limbes s’avère un bon observatoire des rapports complexes entre nature et surnature. Saint Thomas tient l’exigence, issue du consensus des docteurs précédents, que les âmes ne souffrent pas, ou très légèrement (mitissima pœna) de la privation de la vision divine. Le Scriptum super Sententiis tient pour une résignation philosophique à cette privation, dont l’âme serait mal fondée à se plaindre, puisque la vision est un bonheur qui ne lui est pas dû. Plus tard, peut-être inspiré du souci d’exténuer encore cette peine, Thomas, au De malo, estimera que l’âme, qui se sait ordonnée au bonheur, ignore en quoi consiste ce bonheur de vision où elle n’atteint pas, tandis qu’elle jouit d’un bonheur proportionné à ses seules ressources naturelles. Cet enseignement, propre à Thomas, qui relève la gratuité du surnaturel, ne fut guère reçu des théologiens ultérieurs, certains fondant leur objection sur le caractère public du jugement dernier.
5512. « Le sang dans la Summa theologiæ. De la physiologie à la théologie ». Cette étude manifeste comment Thomas intègre les divers savoirs dans une perspective théologique qui respecte leur ordre propre. Selon une « hématologie » médicale, le sang est la principale des humeurs du corps, destinée à devenir chair à part entière : il tient, par là, à l’essence de l’homme. De là, l’attention que le théologien lui porte quand il traite de l’humanité du Sauveur. C’est du sang que provient la semence humaine : il est le siège des caractéristiques corporelles héritées, tandis que l’âme est infusée par Dieu. L’hématologie suppose donc une anthropologie que le théologien compose avec celle que manifeste l’Écriture sainte, qui tient le sang pour le siège de la vie, désignée sous le terme d’âme. Pour Thomas, cette équivalence entre sang et âme/vie signifie que l’âme ne peut vivifier le corps qu’à la faveur de l’équilibre physiologique réalisé dans le sang. Par ailleurs, Thomas en dégage la symbolique scripturaire, interprétant l’économie des interdits touchant le sang et les sacrifices sanglants d’après la vérité que, négativement, elle figure : l’offrande de soi de Jésus-Christ, jusqu’à l’effusion de son sang précieux.
5613. « Le cœur selon saint Thomas d’Aquin ». Cette étude est, quant à son esprit, conforme à la précédente, saint Thomas faisant se rencontrer les principes d’une cardiologie philosophique empruntée à Aristote avec la riche tradition biblique et patristique touchant le cœur, désignant l’intériorité humaine et spécialement la volonté. On observe ainsi une sorte de « cardiocentrisme » thomasien, le cœur étant ce par quoi l’âme gouverne tout le corps, jusqu’au cerveau, organe de l’activité sensible. Ses mouvements se règlent sur ceux des passions de l’âme. Le terme de cœur désigne proprement l’organe corporel ; de manière dérivée et métaphorique, la volonté comme centre de la vie psychique supérieure. D’où la difficulté, d’après cette anthropologie, à concevoir la désignation du Christ comme Tête plutôt que comme cœur de l’Église. Mais Tête, il l’est, selon que son humanité en est le chef visible, tandis que l’Esprit saint, qui la gouverne invisiblement, peut en être réputé pour le cœur.
5714. « Les béatitudes au cœur de la théologie de saint Thomas d’Aquin ». L’étude relève la position charnière de la question 26 de la Ia Pars, touchant la béatitude en Dieu, au terme du traité de l’essence divine : pierre d’attente pour celui de la création, celle-ci étant animée, en ses substances raisonnables, d’un mouvement finalisé vers la participation de cette béatitude divine, objet des cinq questions liminaires de la IIa Pars. Certes, Aristote soutenait déjà que la béatitude consistait dans la contemplation de la divinité, mais non comme béatitude participée de la béatitude même de Dieu, hors de portée de l’effort humain, mais requérant que Dieu se communique. Les béatitudes témoignent de cette participation. Thomas les définit comme actes des vertus, perfectionnés par les dons du Saint-Esprit. Elles sont, de la sorte, des anticipations de la béatitude parfaite.
5815. « Du bon usage de l’étude. Réflexions autour de la vertu de studiosité ». Comme vertu, la studiosité est modératrice de l’appétit. Si elle combat la répugnance que le corps marque pour l’effort requis par l’étude, sa régulation s’étend principalement à l’appétit, proprement humain, de savoir, qu’elle finalise vers l’amour de la vérité seule, contre la passion dont s’accompagne ordinairement la possession du savoir ; contre aussi l’attachement excessif à son sens propre. Elle s’oppose en outre à la curiosité pour les savoirs inutiles à ce que l’on appellera plus tard le devoir d’état ; pour celle, aussi, qui s’attacherait à des savoirs utiles, mais exclurait de les rapporter à la recherche de la Vérité première.
5916. « Vertus sociales et sens de Dieu ». Religion, piété, révérence (observantia) sont les vertus dites de vénération. Elles composent un ordre, où les deux dernières participent de la première, selon que la relation de filiation est relation à un principe renvoyant lui-même à cette dépendance plus radicale des créatures à leur premier Principe, dont la vertu de religion reconnaît l’excellence ontologique ainsi que la causalité exemplaire et efficiente. Dans l’expérience de la vie, la culture des vertus de piété et de révérence est une voie par où l’on se dispose pour l’exercice de celle de religion, par l’acquisition du sens de Dieu. La passion de l’égalité, par quoi se signale notre modernité démocratique, rend désormais moins spontané l’apprentissage du sens de Dieu. La transcendance du principe hiérarchique se laisse cependant toujours distinguer dans le rapport au père et à la mère, ainsi qu’à la vertu qui éclate dans certains humains, spécialement dans les saints.
60La troisième partie a pour titre « le prêtre, l’ange et le démon ».
6117. « Le sacerdoce comme institution naturelle ». Le sacerdoce du Christ, et le sacerdoce chrétien dont il est le fondement, ne sont pas exorbitants à l’ordre naturel, mais ils sont au contraire l’accomplissement de la fonction publique de médiation entre Dieu et l’homme, qui relève de la loi naturelle, et qui se distingue dans les diverses sociétés et cultures en diverses réalisations positives. Dans cette médiation, en dépit de l’étymologie isidorienne (sacra dans), l’élément ascendant est essentiel, selon saint Thomas, par rapport à l’élément descendant. Le prêtre est, fondamentalement, un sacrificateur, et l’on trouve chez Thomas tous les principes canonisés au Concile de Trente, établissant le sacerdoce relativement au sacrifice. Les médiations descendantes, d’enseignement et de gouvernement, s’autorisent de la précédente, selon le rapport du corpus mysticum qu’est l’Église au verum corpus Christi qu’est l’eucharistie. Cette vision du sacerdoce engage deux principes naturels : une anthropologie communautaire (le prêtre est persona publica), ainsi que le mouvement hiérarchique par quoi la cause première associe la cause seconde à son ouvrage.
6218. « Aristotélisme et angélologie ». Si la théologie emprunte à la philosophie, elle n’en est jamais tributaire, car les lumières dont elle dispose servent de normes même aux vérités où les philosophes peuvent certes atteindre, mais où leurs déterminations peuvent ne pas s’accorder, comme on voit entre Aristote et Platon. Ainsi l’assimilation à quoi Thomas procède, des substances séparées d’Aristote aux anges de la foi biblique, ne va pas sans de profonds aménagements. L’influence des anges sur le monde sublunaire n’est plus entièrement médiatisée par celle des astres, mais elle est susceptible d’être exercée de manière directe. Par ailleurs, saint Thomas étend jusqu’à eux le principe aristotélicien de nature, caractérisé par l’hylémorphisme (fût-il vide, en ce cas, de toute matière), non pour « naturaliser » le monde angélique, mais pour manifester que le principe d’individuation ne réside pas dans le seul élément matériel, mais aussi dans l’élément formel, quand il s’agit d’une substance intelligente.
6319. « L’ange et le prophète. La médiation angélique dans la révélation prophétique ». Si, dans la tradition chrétienne, les anges ne prennent aucune part à l’œuvre créatrice, ils interviennent dans la communication des secrets de Dieu aux humains, selon le principe hiérarchique universel. Les visions prophétiques relèvent toutes d’une médiation angélique, et le face à face de Dieu et de Moïse ne contrevient pas à cet ordre : soit cette médiation est implicite au récit biblique, soit la vision a pour objet l’essence divine, et excède de la sorte le cadre de la prophétie. L’incarnation du Fils unique transcende toutefois le principe hiérarchique, en rendant l’humanité du Christ origine de la prophétie. Les anges opèrent par la communication d’images. Leur œuvre s’étend-elle jusqu’à illuminer l’esprit du prophète au point qu’il en distinguerait la vérité divine ? Thomas hésite sur ce point, partagé qu’il est, estime S.-T. B., entre Denys et Augustin, celui-ci réservant à Dieu seul le soin d’illuminer l’intellect de l’intérieur.
6420. « “Les écailles de Léviathanˮ [Jb 41, 6] ou l’organisation de la société des démons selon les théologiens du xiiie siècle ». Saint Thomas rend compte de l’union mutuelle des démons sous un seul chef, trait scripturaire et traditionnel. Elle n’est pas d’abord exigée pour leur dessein commun de nuire aux humains, mais elle se fonde sur une métaphysique des degrés d’être, qui subsiste dans les démons alors même qu’ils manquent à exercer la fonction hiérarchique et illuminative assignée aux anges. On vérifie là que pour Thomas, l’être est le bien en tant que tel, antérieur même à toute éthique. L’accord qui se remarque entre les démons, à quoi nulle bienveillance ne préside, présente, de même, quelque ombre de la justice divine à quoi ils rendent malgré eux hommage, tandis que Dieu se sert de l’épreuve qu’ils infligent aux élus comme d’une occasion pour ceux-ci de manifester leur foi et de mériter la gloire.
65La quatrième partie a pour titre « la Providence ».
6621. « L’incompréhensible sagesse de Dieu dans l’Expositio super Iob ». La théologie thomasienne repose sur la souveraine intelligibilité de Dieu, à quoi se lient sa toute-puissance et sa bonté, tandis que la réflexion moderne, renouvelant le dilemme d’Épicure, renonce à composer ces attributs (voir Hans Jonas) : de ce que Dieu est incompréhensible, il serait inintelligible. Mais pour Thomas, c’est à proportion qu’il est intelligible qu’il nous est incompréhensible, hommes nous avisant de la disproportion ontologique entre le Créateur et ses créatures : celles-ci, pourtant, portées à l’être, et appelées, comme telles, à prendre part à sa souveraine sagesse ainsi qu’à sa justice. Devant l’opacité de son sort, la foi de Job conforte sa raison, la portant à aller au-delà de cette incompréhensibilité, vers une quête de l’intelligibilité de la Providence, dont il confesse ainsi la sagesse.
6722. « Providence et causes secondes. L’exemple de la prière ». Le rapport du Créateur à la créature est celui de la Cause première à des êtres qu’il élève à la dignité de la causalité. Un tel rapport prévient toute concurrence entre liberté divine et liberté humaine, celle-ci fondée en celle-là. Cela se vérifie à propos de la prière de demande, efficace, alors même que la Providence divine est immuable. Aussi bien, celle-ci s’étend, non seulement aux effets, mais aussi aux causes, parmi lesquelles la prière du fidèle, par quoi l’homme accomplit, en toute liberté, les desseins divins, selon des voies qui l’engagent, comme de l’intérieur, à vouloir ce que Dieu veut, et le font ainsi progresser, non seulement en révérence devant la puissance de son Seigneur, mais aussi en cette charité où saint Thomas voit une amitié.
68On sait gré à S.-T. B. de cette rétrospective sur son long service de l’œuvre de saint Thomas, dont les traits généraux les plus profonds se dégagent nettement à travers des approches parfois si particulières. Ces traits, d’ailleurs, ne sont jamais forcés, mais saisis dans l’équilibre de leurs nuances, l’empreinte dionysienne apparaissant non moins marquée que celle, plus évidente d’abord, de l’aristotélisme.
69J.-Ch. N.
70Maître Eckhart et Origène. — Une étude d’Élisabeth Boncour [ É . B.] vient répondre à l’intuition que les commentateurs d’Eckhart ont conçue de ses rapports profonds avec le maître alexandrin, appelée d’ailleurs par la conformité de leur destinée, s’agissant de deux lumières de l’Église dont on a contesté l’orthodoxie [28]. Eckhart revendique lui-même cette dette, touchant deux points majeurs de sa doctrine, à savoir, que l’image de Dieu en l’homme est inamissible, et que le Verbe divin naît en l’âme. É. B. relève en outre une conformité de méthode, avec l’Écriture comme unique terreau, pour une exégèse pointant vers la métaphysique et l’anthropologie philosophique. Elle se propose ainsi de chercher dans la source antique le secret du rapport entre les deux points signalés, qui est certes capital pour l’intelligence du maître rhénan.
71La première partie recense les sources origéniennes de grands thèmes eckhartiens.
72Chapitre i : « L’exégèse entre la lettre et l’esprit ». Eckhart connaissait bien les exégèses littérales de la Bible. S’il relève l’importance de sa vérité historique, il ne s’y arrête guère en vérité, supposant connus les commentaires des Pères. La lecture de l’Écriture a selon lui pour condition qu’on se dépouille de ses vues propres, de sorte que l’Esprit Saint vous conforme à soi comme à son auteur même. Eckhart reprend là un thème origénien qu’il articule à un principe de philosophie aristotélicienne, que « seul le semblable connaît le semblable », l’ontologie fondant la noétique, dans un nécessaire pâtir de l’intellect devant la forme intelligible. É. B. illustre enfin la voie philosophique propre à Eckhart dans la reprise que ce maître fait, en son Livre des paraboles de la Genèse, d’une exégèse origénienne, dont il écarte les enseignements moraux pour en extraire les principes métaphysiques de sa propre doctrine.
73Chapitre ii : « L’image indestructible de Dieu en nous ». Eckhart privilégie, à propos de Gn 1, 26-27, la tradition origénienne, identifiant le Verbe sauveur dans cette image de Dieu selon laquelle l’homme fut créé. Si toutes les créatures ont en Dieu leur principe exemplaire, cet exemplaire est donc, pour l’âme, le Verbe lui-même. Or, il ne lui est pas un modèle extérieur, mais il œuvre en elle comme un peintre. Cette conformité se remarque dans l’intelligence immédiate que l’âme possède des premiers principes, notamment ceux du bien, dans la syndérèse. Pour considérer cet habitus, Eckhart n’a pas recours à Thomas d’Aquin, mais bien à Origène, encore, et à son image de la semence divine présente en l’homme. Or, celle-ci est d’un maniement délicat en christianisme, en raison de ses possibles rapports avec les étincelles de divinité chères aux stoïciens. É. B. pose ici une question décisive : « L’homme noble […] tient-il sa noblesse d’un lien immédiat et naturel avec Dieu ou celle-ci est-elle le résultat d’un don divin ? Si elle est ajoutée à la nature de l’homme, on ne comprend plus pourquoi Eckhart affirme par ailleurs, en l’identifiant peu ou prou avec la syndérèse, son innéité et son indestructibilité » (p. 48). L’aporie se résout, selon É. B., dans le caractère dynamique des rapports entre la semence et la terre, entendue comme capacité à se dépouiller soi-même pour accueillir ce qui est en soi. On a là, évidemment, un tout autre modèle que celui, thomiste, de la participation.
74Chapitre iii : « La naissance du Verbe en l’âme ». L’union à Dieu en quoi consiste le salut chrétien est proprement, pour Eckhart, théogénèse, vérité qu’il rapporte lui-même à Origène. Il est remarquable qu’elle ait son fondement dans l’engendrement éternel du Verbe, plutôt qu’en son incarnation. Même s’il compose les deux traditions que le Lombard distinguait touchant la naissance du Verbe : natus est (Augustin) ou nascitur-gignitur (Origène), Eckhart marque sa préférence pour le présent origénien, pour signifier l’éternité du mystère ainsi que son déploiement dans le temps humain. Toutefois, alors que la naissance du Verbe en l’âme s’accomplit selon Origène par l’exercice des vertus, c’est surtout le détachement d’un monde inessentiel qui l’accompagne chez Eckhart, qui incline ainsi vers l’ontologie une source dont la portée était principalement morale.
75Une deuxième partie détermine ce que la pratique exégétique de maître Eckhart doit à Origène.
76Chapitre iv : « La place de l’exégèse dans le corpus eckhartien ». L’Opus tripartitum, dont le prologue général expose le dessein, avait pour sommet l’œuvre des expositions, seule conservée, celle des propositions puis des questions ne se justifiant que pour celle-là. É. B. élucide ce projet eckhartien d’exposition, contre l’interprétation de Kurt Flasch présentant Eckhart comme un « philosophe du christianisme » (voir p. 79). Exponere Scripturam per rationes philosophorum ne saurait désigner l’ambition de répandre sur l’Écriture les lumières de la raison. Joint à des expressions parallèles : docere, dicere probabiliter, consonare, « le verbe latin exponere ne signifie ni prouver ni démontrer, ni expliquer, mais “mettre hors, mettre en vue, étaler, exposer” » (p. 81). « Et si […] Eckhart entendait montrer […] que toute philosophie qui va jusqu’au bout de sa rationalité ne pouvait être que chrétienne ? » (p. 82). Ainsi cette proposition per désignerait-elle plutôt la raison comme un chemin conduisant aux vérités révélées que, de la sorte, elle manifeste transcendantes aux conclusions rationnelles.
77Chapitre v : « Le contenu philosophique de la Bible ». « Si Dieu est la source métaphysique de toute vérité, revient à l’âme d’unifier les modes par lesquels il se manifeste en les unifiant par le jugement » (p. 89). L’exégèse eckhartienne se fonde sur cette maxime. « L’accord entre la philosophie et la révélation n’est pas un accord immanent par la rationalité mais un accord transcendant par la source de la vérité » (ibid.). Par là se justifient les audaces et la liberté d’une pratique exégétique de la parabolèse qui, supposant connu le sens littéral précisé par la tradition, s’attache au sens caché que l’Écriture recèle, qu’Eckhart voit toute remplie de paraboles. Eckhart emprunte son concept de parabole à Maïmonide. La notion comprise sous ce terme est très différente de celle de saint Thomas, chez qui la parabole ressortit au sens littéral du texte, quand le texte le signale lui-même comme tel. Mais les mystères de l’Écriture y sont, pour Eckhart, comme sous un voile convenant à leur majesté et à leur profondeur.
78Chapitre vi : « La source origénienne ». Eckhart s’accorde avec Origène pour désigner le Christ comme le philosophe véritable : affirmation dégagée, chez le Thuringien, de la polémique anti-païenne qui la justifiait pour l’Alexandrin. Même les savoirs humains sont à rapporter à cette origine divine. Origène les distingue dans l’Écriture sainte, qui recompose, d’après la fin ultime qu’est l’union de l’homme à Dieu, l’ordre que leur avaient assigné les diverses philosophies antiques. Chez Eckhart toutefois, cet ordre objectif des savoirs et leur consonance avec l’Écriture sainte, fondée sur leur unique origine, est considéré d’après le mystère de l’engendrement de ce même Verbe dans l’âme par le Saint-Esprit : mystère qui colore tout l’exercice de la connaissance, tant profane que sacré, tellement qu’à la fin les frontières entre nature et surnature semblent s’abolir.
79Une troisième partie est consacrée à l’homme, image de Dieu, selon qu’Eckhart en rapporte le mystère à l’engendrement du Verbe davantage qu’à la Trinité.
80Chapitre vii : « Le concept eckhartien d’image et son extension ». La notion d’image est assurément centrale chez Eckhart, en sa portée noétique ; tant il est vrai que l’ontologie de cet auteur est, d’abord une noétique : « Il ne me semble plus maintenant, écrit-il, que c’est parce que Dieu est qu’il connaît, mais parce qu’il connaît qu’il est » (cité p. 132). Ce renversement de la métaphysique thomiste engage un partage entre incréé et créé, selon que celui-ci est déterminé, celui-là indéterminé. L’indétermination est, en effet, la condition de l’acte de connaître qui est, en tant que tel, « imaginatif », si l’on désigne du terme d’image la species intelligible. En tant qu’il est esprit, l’homme a ainsi part immédiate à l’incréé : il est Image, comme le Verbe est Image. Et cependant, il ne laisse pas d’être créature, vivant ainsi dans un écart d’avec cet incréé qu’il porte en soi-même, et destiné à accueillir la grâce propre à combler cet écart. Eckhart trouvait sans doute chez Origène une doctrine de l’âme plus adaptable à sa pensée que celle d’Augustin. Chez l’Alexandrin, en effet, l’âme est image, comme le Verbe est Image – non de manière univoque toutefois : elle est image de l’Image. Elle est tout entière, d’abord, du côté du créé (malgré ce que présentent d’ambigu, parfois, certaines formules d’Origène) et destinée à se parfaire dans la ressemblance.
81Chapitre viii : « L’image en ses noms ». É. B. précise les contours de la dette d’Eckhart à l’égard d’Origène christianisant des vues stoïciennes, touchant l’idée de la présence en l’homme d’un germe divin ineffable : « quelque chose en l’âme qui n’appartient pas à l’homme, mais à Dieu, de sorte qu’« il y a chez Eckhart un “fond” qui transcende la mens augustinienne » (p. 170).
82Une quatrième partie regarde la divinisation de l’homme.
83Chapitre ix : « Capax Dei et particeps Dei ». La notion d’imitatio Christi compose chez Eckhart des traditions issues respectivement d’Augustin et d’Origène. Selon Augustin, l’homme est par nature image de Dieu, mais cette image est en creux, destinée pour se laisser remplir des dons de Dieu jusqu’à ressembler à son Créateur et Sauveur. Origène relève quant à lui l’œuvre de salut opérée par Dieu en l’homme par l’événement du baptême qui rend l’homme Fils de Dieu et engagé, de par la conformation qui s’y opère de sa volonté à celle du Fils unique, à l’imiter par des œuvres vertueuses et la connaissance de la vérité divine. Eckhart indique le détachement et vide de soi-même, ainsi que l’abandon de tout volontarisme même à l’égard de Dieu, comme la condition pour que s’accomplisse une plénitude où Dieu œuvre lui-même en son fils.
84Chapitre x : « La naissance du Verbe en l’âme ». Eckhart prolonge Origène quand il définit le salut comme une divinisation de l’homme par la médiation du Christ en son être théandrique. L’insistance origénienne sur ce que le Verbe n’a pas assumé directement un homme, mais la nature humaine en cet homme, nature qu’il unit à sa Personne divine, fonde, pour celui qui devient fils avec Lui et en Lui, la pratique eckhartienne du détachement du moi humain en ses particularités, qui trouve son modèle dans la passion du Christ. Par ailleurs, cette naissance du Verbe en l’âme, comme manifestation dans le temps de son engendrement éternel, Eckhart la considère selon les concepts d’altération et de génération propres à la physique aristotélicienne. Cette manifestation de l’éternité dès ici-bas, pour être intermittente, est cependant de tant de conséquence pour Eckhart, que l’eschatologie s’avère n’être guère présente dans sa pensée.
85É. B. conclut que la lecture conjointe d’Eckhart et de sa source éclaire d’autant mieux les aspects les plus originaux de sa doctrine, qu’il pense, estime-t-elle, davantage avec Origène qu’avec Augustin, fort cité assurément, mais à titre d’autorité commune. Le privilège donné au sens spirituel tiré de l’Écriture est renouvelé de l’Alexandrin. Eckhart trouve dans le rapport au Christ comme Image le point de départ d’un dépassement audacieux au regard de l’orthodoxie. Le thème de la naissance du Verbe donne lieu de penser le salut comme « un événement plus qu’un avènement » (p. 215) qui accomplirait les potentialités d’une nature, ce qu’il est chez Augustin.
86É. B. relève la continuité entre rationalité et mystique, sans réduire les aspérités d’une œuvre si complexe. Aussi bien, la question demeure entière à nos yeux, du rapport entre cet esprit humain qui, comme esprit, est Verbe avec le Verbe, de manière quasi univoque, et un salut entendu comme divinisation.
87J.-Ch. N.
88Matière, forme, nature. — Les trois caractéristiques communes aux volumes de la collection « Micrologus Library » émergent dès le titre du recueil d’études sur la matière [29], paru en 2017 par les soins de Tiziana Suarez-Nani [T. S.-N.] et Agostino Paravicini Bagliani : la cohérence de l’ensemble tout d’abord, garantie dans ce cas par l’unité thématique ; deuxièmement, l’interdisciplinarité de l’approche, ici non simplement philosophique, mais plus généralement culturelle ; troisièmement, la considération d’un Moyen Âge long : T. S.-N. l’introduit notamment au prisme du monisme naturaliste et vitaliste de Giordano Bruno, qui conçoit la matière d’une manière innovatrice, mais « fortement ancrée dans la tradition intellectuelle » scolastique médiévale (p. vii), et elle met en valeur ainsi, dès les premières pages, le rôle substantiel des penseurs médiévaux dans la réception et la profonde réélaboration des doctrines anciennes. Participent au volume seize auteurs, qui réussissent bien dans le projet, lancé à l’occasion d’un colloque, d’ouvrir de « nouvelles perspectives de recherche », afin de « compléter et d’approfondir l’étude des conceptions médiévales de la matière » et de « contribuer à une meilleure compréhension de l’apport » significatif qu’elles ont « donné à l’élaboration de cette notion » (p. xiii-xiv). La nouveauté réside surtout dans la palette d’auteurs et de textes proposés, aussi que de disciplines concernées (histoire de la philosophie, de l’art et de l’alchimie entre autres). Duns Scot est ainsi présent surtout à l’arrière-plan de la discussion ; et à l’exception de l’étude de Nicolas Weill-Parot, où le rejet de la part de l’Aquinate de toute propriété occulte individuelle est mis en relation avec sa manière de concevoir la matière, la figure de Thomas reste aussi marginale.
89S’en tenant aux études d’intérêt plus strictement philosophique, les débats qui y sont reconstruits s’enracinent dans des apories qui remontent finalement à Aristote : la matière est-elle un substrat, un composant des étants subsistant de par soi-même ? et comment se rapporte-t-elle à la potentialité : est-elle potentialité pure ou actualité de quelque niveau, quoique minimal ? et quel statut doit-il être attribué à la matière première ? Différentes manières de se situer par rapport à ces grandes questions sont examinées au cours du volume, qui touche à plusieurs reprises à quelques points fort controversés parmi les médiévaux, comme par exemple la question de l’unicité ou de la pluralité de forme(s) substantielle(s), du statut de la matière céleste et de l’existence de la matière spirituelle.
90La doctrine de la matière de Robert Grosseteste, qui témoigne de la toute première phase de réception latine de la philosophie naturelle d’Aristote, est analysée en ouverture du volume selon deux perspectives différentes. Danielle Jacquart – qui porte l’attention sur l’incidence des débats philosophiques sur les commentaires bibliques, genre littéraire trop souvent négligé par les historiens de la philosophie [30] – en étudie l’Hexaëmeron (1235 ca.), où est fournie une interprétation plutôt augustinienne de la Genèse, alors que Cecilia Panti examine son traité sur la lumière (1225 ca.) et ses notes sur la Physique (1225-1230 ca.), d’où émergent des thèses d’inspiration aristotélicienne, sur lesquelles se greffent des motifs pythagoriciens, platoniciens, avicenniens et gabiroliens. À la notion augustinienne d’une matière première qui serait un substrat complètement informe et qui n’aurait jamais subsisté en tant que tel, Grosseteste oppose ainsi celle, fortement mathématisante, d’une matière première qui est une entité adimensionnelle et qui connaît une expansion grâce à son union avec la lumière, première forme corporelle, capable de se multiplier infiniment. L’objet lui-même de la création s’avère différent dans cette perspective : non pas des composés hylémorphiques achevés, mais la matière première et la lumière comme entités distinctes, d’où le cosmos dérive ultérieurement, ainsi que ses éléments constitutifs, suite à des changements substantiels successifs.
91Le rapport entre changement, nature et création est abordé aussi par Anna Rodolfi, qui se concentre sur la confrontation entre Henri de Gand et Roger Marston au sujet des raisons séminales, notamment sur la réfutation que ce dernier fait, dans la question 22 de son deuxième quodlibet (1282-1284), des thèses exposées par Henri dans la question 14 de son quatrième quodlibet (1278). Quoiqu’ils partagent en métaphysique la thèse selon laquelle la matière possède une certaine actualité, tout en étant complétement informe, et quoique les deux prennent seminalis au sens d’incomplet et potentiel, Henri et Roger interprètent de manière divergente la notion augustinienne de ratio seminalis, que les deux essaient pourtant de greffer sur l’hylémorphisme aristotélicien. Les raisons séminales sont ainsi placées à mi-chemin entre la matière et la forme par Henri, qui les compare à ce qui amollit la cire (i. e. la matière) et la rend capable de recevoir la marque du sceau (i. e. la forme), mais sans les réduire strictement, ni à la matière, ni à la forme. D’après Roger elles se situent davantage du côté de la forme. Elles sont en effet des formes imparfaites et vont se perfectionner progressivement au cours des procès de génération, qui comportent une spécification graduelle de telles formes.
92La doctrine de la matière spirituelle élaborée par Richard de Mediavilla fait l’objet de la contribution d’Anik Sienkiewicz-Pépin. Convaincu que la composition puissance-acte n’est pas immédiatement réductible à la composition matière-forme, Richard distingue entre l’essence de la matière (sa potentialité envers la réception de formes, qui persiste en tant que substrat à la transformation naturelle) et sa puissance (qui ne survit pas aux changements, dans la mesure où elle est complètement actualisée, dissipée, par l’inhérence d’une certaine forme). Alors que la matière prise dans le premier sens est essentielle-ment composée de potentialité et d’acte, sa puissance est un principium pure possibile, dépourvu d’acte, quoique capable de se transformer en une actualité. La matière devient ainsi « le lieu du possible, et non plus un simple “défaut d’actualité” » ; de plus, elle est préservée de « l’indétermination totale du néant » du fait que « le principium pure possibile sert de “minimum ontologique” » (p. 80). La matière spirituelle n’est qu’un de ces principes purement possibles, notamment celui qui s’avère proportionnel aux formes spirituelles et incapable de recevoir en revanche les corporelles. Si Richard en postule l’existence, c’est parce qu’il la considère nécessaire à expliquer les mouvements des substances séparées, intellectifs, volitifs, ainsi que spatiaux, qui demandent, chez les anges comme ailleurs, qu’on puisse distinguer réellement entre un principe moteur (qui vient de leur forme) et ce qui subit le mouvement (qu’on reconduit justement à leur matière). En admettant une composition hylémorphique réelle, l’ange de Richard « intériorise » la potentialité qui chez Thomas concernait davantage l’ange par rapport au créateur (p. 85-86). Originale et efficace face aux contraintes imposées par la condamnation de 1277 (p. 90), la théorie richardienne de la matière n’a pourtant connu ni écho ni descendance dans la pensée franciscaine. La notion de matière spirituelle, tout particulièrement, fut rejetée par Duns Scot, qui réduit la matière au seul domaine de la génération et de la corruption et considère les anges des « créatures parfaites du point de vue de l’acte », mais qui « restent en effet capables de recevoir des accidents nouveaux qui ne sont pas identifiables avec leur substances » (p. 95).
93Cecilia Trifogli [C. T.] étudie la distinction entre “matière première” et “matière naturelle” comme élaborée par Geoffroy d’Aspall dans son commentaire par questions à la Physique d’Aristote, dont elle a récemment donné une édition critique en collaboration avec Silvia Donati [31]. C’est un bel exemple d’analyse doctrinale de quelques-unes de ces questions que C. T. nous offre ici, d’où elle essaie de tirer une doctrine cohérente qui n’est nulle part exprimée par Geoffroy de manière systématique. Courante parmi les commentateurs anglais au milieu du xiiie siècle, la distinction entre matière première et matière naturelle s’inscrit notamment dans un cadre pluraliste, tout à fait ordinaire avant Thomas d’Aquin. Dans cette perspective, la matière première est une composante ontologique de toute substance matérielle et elle y joue notamment le rôle de sujet statique par rapport à la forme, voire à la multiplicité de formes substantielles de niveau croissant de complétude qui concourent à former ladite substance. Geoffroy en fait un être absolument potentiel, incomplet et indéterminé, auquel il reconnaît pourtant un statut ontologique autonome, indépendamment de toute forme. Cette matière première est distinguée par Geoffroy de la matière naturelle, principe en revanche de la substance en tant que capable de changement. En mesure non simplement de posséder, mais de perdre et recevoir les formes, ce substrat dynamique n’est notamment pas purement réceptif, mais altérable à son tour et en fonction de la forme qu’il va recevoir (p. 118). Tout en demeurant potentielle (p. 117), la matière naturelle se caractérise selon Geoffroy par le fait de posséder des « puissances diminuées » (cum suis potentiis diminutis) par rapport à la matière première, et extrinsèques par rapport à l’essence de cette dernière. C. T. identifie ces puissances diminuées avec quelque puissance active, voire avec une certaine inclination vers la forme, qui rend le substrat matériel capable de jouer le rôle d’agent intrinsèque du changement substantiel. À son avis, toutefois, cette puissance active ne dérive guère de la présence dans la matière physique d’un principe formel, quoique incomplet. Cela est réduit par C. T. au fait que son auteur n’admet aucunement la latitatio formarum et, de plus, il considère comme réelle la distinction entre matière et forme.
94À partir de l’étude de William Duba [W. D.], l’attention passe aux doctrines post-scotistes de la matière. Trois différentes manières dont les thèses majeures du docteur subtil sont reçues et retravaillées sont analysées dans autant de contributions, autour notamment de la notion d’une matière qui s’avère actuelle indépendamment de la forme, et autour de la distinction entre potentialités objective et subjective.
95W. D. met en relief une première attitude envers Scot se focalisant sur l’enseignement du franciscain Guillaume de Brienne au sujet du statut ontologique des éléments dans le mixte. Sa reconstruction se base notamment sur deux lectiones du commentaire des Sentences de Guillaume (1330-1331), dont la reportation originale, officielle, et vraisemblablement révisée par le bachelier lui-même, est conservée dans le manuscrit Praha, Národní knihovna České republiky , VIII.F.14 (p. 129). Des textes analysés, W. D. fournit l’édition en annexe. Sa contribution porte surtout sur les sources de ces deux leçons, qui nous fournissent l’une des premières réactions scotistes aux propos anti-scotistes de Pierre Auriol et François de la Marche, et qui attestent de la manière dont étaient comprises à l’époque la position de Scot au sujet des éléments dans le mixte, ainsi que les doctrines concurrentes élaborées par ses adversaires (p. 128-129). La méthode de travail de Brienne est notamment caractérisée par W. D. : ses leçons sont construites à partir des commentaires des Sentences disponibles dans le couvent franciscain de Paris à son époque ; celui de Scot est considéré comme point de repère, toute déviation doctrinale par rapport à lui étant rejetée en tant qu’erronée (p. 138). La présentation des positions philosophiques classiques au sujet de la permanence des éléments dans le mixte, tout spécialement celles d’Averroès et d’Avicenne, dépend de celle de Scot. Outre une présentation détaillée des arguments sur lesquels se base le retour de Brienne à Scot, W. D. propose quelques considérations intéressantes sur la partialité des doxographies médiévales et des taxinomies qui en émergent, conçues surtout en fonction de la thèse qu’un certain auteur entend finalement soutenir (p. 127). D’où l’importance de les contextualiser soigneusement avant de les utiliser en historiographie.
96Jacques d’Ascoli, maître régent en théologie à Paris autour de 1310-1311, est le protagoniste de la contribution de Roberta Padlina [R. P.], qui touche à la raison d’être d’une école scotiste dès les débuts du xive siècle : « illustrer, résumer et défendre les thèses de leur maître » Duns Scot, les « développer et compléter », avec la conséquence, inévitable aussi bien que féconde, que « chacun interprétait le maître à sa manière et en déformait la doctrine originale, en proposant des solutions différentes, voire parfois opposées » (p. 151). R. P. analyse notamment l’interprétation de la distinction entre puissances objective et subjective, qui émerge de deux questions figurant dans les manuscrits Kraków, Biblioteka Jagiellońska, Cod. 732 , et Vat. lat. 1012. Quoiqu’il s’agisse d’un enseignement secundum alium, eu égard à la grande quantité de citations littérales de textes de Duns Scot contenue dans les deux questions, R. P. penche davantage pour les attribuer à Jacques d’Ascoli et pour en faire un ouvrage personnel, plutôt que pour les considérer comme une simple compilation. Après une reconstruction des doctrines scotistes concernées (p. 153-160), R. P. en vient à étudier la manière dont Jacques affine la terminologie de son maître et en développe la métaphysique sur deux sujets en particulier : l’opposition entre puissance subjective et acte, et le fondement de la puissance objective. L’originalité de la pensée de Jacques est ainsi mise en valeur, ainsi que sa façon de se rapporter au maître Scot, bien différente de celle précédemment vue avec Guillaume de Brienne.
97Une troisième manière de revenir à Duns Scot, à savoir par le biais d’Antoine André et surtout de Gérard Odon, et notamment sans recourir à un jargon véritablement scotiste, est examinée par Antonio Petagine [A. P.], qui reconstruit quelques thèses majeures de Jean le Chanoine (c’est-à-dire de l’augustin catalan Francesc Marbres) au sujet de l’actualité entitative, non formelle, de la matière et de sa divisibilité. L’analyse d’A. P. se base notamment sur la question I, 9, de Marbres sur la Physique, qui se caractérise par « la référence presque exclusive […] aux positions franciscaines élaborées durant les premières décennies du xive siècle » (p. 174), ses arguments consistant surtout dans l’élaboration de contre-critiques d’autrui à des critiques anti-scotistes. La matière, en acte sans être une forme et sans être en vertu d’une forme, est ainsi revalorisée dans son rôle de réceptacle. Marbres en fait un principe ayant une réalité positive, mais gardant en même temps une certaine indétermination, qui rend la matière en puissance par rapport à toute forme. Un seul type de matière est en effet admis par Marbres, qui la considère naturellement étendue et divisible, en tant que douée de par soi-même d’une pluralité (pré-quantitative) de parties. Toute créature corporelle en dérive, la quantité imposant aux parties un certain ordre : « l’extension coïncide formellement avec la quantité déterminée, alors que la quantité indéterminée – qui s’identifie essentiellement à la matière – est plutôt le sujet de l’extension. » (p. 188). Marbres revient ainsi à des positions au fond scotistes (et finalement anti-ockhamistes), qu’il repropose pourtant se basant surtout sur Gérard Odon. La réhabilitation de la notion averroïste de « dimension indéterminée », absente chez Scot, en est l’une des preuves.
98La catégorie historiographique de matérialisme est questionnée, par rapport à deux auteurs différents, par Joël Biard [J. B.] et Aurélien Robert [A. R.]. J. B. s’interroge sur Blaise de Parme ; A. R. propose une mise en perspective de la philosophie naturelle de Pierre d’Abano. Dans les deux cas le monisme des primi naturales est évoqué à l’arrière-plan, en tant que doctrine réduisant toute chose naturelle à la matière qua principe ultime : dans quelle mesure ces deux auteurs s’inspirent-ils de cette tradition ancienne ? Si J. B. met en relief, comme A. R., que l’étiquette de « matérialiste » s’avère inadéquate pour caractériser son auteur, il ne manque pas de souligner la fascination que Blaise montre pour la pensée moniste, qui inspire quelque peu son remaniement du dualisme aristotélicien dans le sens d’un réductionnisme. Le paradigme hylémorphique est en effet repensé par Blaise : non seulement il ne donne aucun rôle à la privation – matière et forme sont considérées comme principes intrinsèques, mais non-substantiels de toute chose : ils ne peuvent aucunement subsister indépendamment l’un de l’autre – ; mais surtout il avance l’idée d’un rapprochement de la forme substantielle à la qualité : tout étant résulterait alors de la composition d’un substrat matériel avec certaines qualités élémentaires, de manière que la différence spécifique entre étants serait reconductible à des variations de mélange. Tout en demeurant dans le cadre d’un formalisme, Blaise subordonne de quelque manière la génération à l’altération, ouvrant la voie à tout un éventail de notions non-aristotéliciennes, parmi lesquelles celle de latitudo formarum.
99Le cas analysé par A. R. est tout à fait différent, dans la mesure où « suivant les traces lointaines d’Alexandre d’Aphrodise et surtout d’Averroès, Pierre d’Abano considère que ce sont toujours les formes, substantielles et qualitatives, qui entraînent et orientent les modifications de la matière, et non l’inverse » (p. 249). Selon A. R., en effet, la doctrine de la matière de Pierre rentre dans un programme plus général d’« astrologisation de la biologie d’Aristote », inspiré par le philosophe de Cordoue et actualisé, « tout en prenant très au sérieux les thèses d’Alexandre d’Aphrodise », au-delà de certaines critiques du Commentateur (p. 222). Cette thèse majeure est prouvée à partir de l’analyse de quatre doctrines de Pierre, toutes au fond non-matérialistes : l’existence seulement en puissance des éléments dans le mélange ; l’existence de formes non-réductibles aux qualités élémentaires ; le rôle de moteur et de direction joué par la forme dans la croissance animale et dans tout autre procès physique ; l’insuffisance de l’influx des étoiles dans la génération des animaux plus complexes.
100Avec leurs contributions, Marc Bayard [M. B.] et Olivier Ribordy [O. R.] jettent plus concrètement des ponts entre le Moyen Âge philosophique et l’époque moderne. En examinant la notion cusanienne de « matière dynamique », M. B. resitue la figure de Nicolas par rapport d’un côté à ses sources proches et éloignées – Thierry de Chartres et Albert le Grand, Avicenne et Averroès, jusqu’à Aristote et Platon – et de l’autre à Giordano Bruno, qui a contribué à transmettre une telle notion, tout en la déformant. Nicolas de Cues est ainsi dépeint comme celui qui « sans être un scientifique moderne, a rendu possible le cadre métaphysique dans lequel les sciences modernes » ont pu se développer (p. 254). O. R. se concentre, par contre, sur Francisco Suárez et, à travers un beau parcours textuel, il en vient à en situer l’ontologie, « nouvelle » et « fondatrice », « à l’aube de la modernité » (p. 290).
101Très utile pour ceux qui s’intéressent spécifiquement à l’un ou à l’autre des auteurs qui font l’objet d’une des contributions, ce recueil d’études s’avère plus largement profitable pour tout lecteur qui souhaite approfondir la question du statut ontologique de la matière et l’examiner dans une perspective diachronique. Plus immédiatement fructueuse pour approfondir la discussion entamée dans des milieux franciscains et, plus généralement, antithomistes, la lecture de ces pages ne s’avérera pas moins salutaire pour revisiter et mettre en perspective la doctrine de la matière de Thomas d’Aquin lui-même, qui a au moins contribué à susciter autant de réactions philosophiquement pénétrantes.
102Évoquée à plusieurs reprises dans le volume, la question de la conciliation de l’Hexaëmeron avec la doctrine aristotélicienne de la matière et de la génération est plus ouvertement abordée par l’étude de Danielle Jacquart, déjà brièvement mentionnée plus haut. La Postilla in Genesim du franciscain Nicolas de Lyre y est tout particulièrement examinée, dans le but de montrer l’incidence que la culture scientifique d’une certaine époque a sur l’exégèse biblique de la même époque. La lecture synchronique augustinienne ayant été rejetée en tant que trop éloignée de la littera, Nicolas examine deux explications littérales de la scansion en jours de la création et les met en relation avec trois manières différentes de concevoir la matière (céleste et première). S’il ne prend pas ouvertement parti pour l’une ou l’autre, l’idée d’une matière unique, créée in principio sous une forme commune, celle de la corporéité, et déterminée ultérieurement par la suite par des formes spécifiques, semble être considérée par Nicolas comme la plus adaptée pour rendre compte de la distinction classique entre opus creationis, distinctionis et ornatus.
103On lira avec profit cet essai de D. Jacquart, en parallèle avec les belles pages de Gilbert Dahan [G. D.], qui clôturent la quatrième partie, sur le Moyen Âge, d’un volume entièrement consacré à l’interprétation du récit biblique de la création des éléments, justement dans la perspective de l’interaction entre science et exégèse [32]. En effet, la réflexion de G. D. s’avère complémentaire à celle de D. Jacquart non seulement parce que d’autres textes de Nicolas de Lyre y sont examinés, mais aussi parce que l’apport de l’exégèse biblique au tournant du xive siècle y est plus globalement pris en compte (p. 359). Les auteurs considérés, dominicains, franciscains, ainsi que séculiers, sont interrogés par G. D. au sujet du rapport entre le premier et le deuxième récit de la création dans le premier et deuxième chapitre de la Genèse respectivement, question qu’ils cherchent à résoudre, consciemment ou pas, en ayant « à l’esprit les schémas de la physique aristotélicienne », qui orientent « leur exégèse ou tendent à infléchir un certain nombre de leurs positions » (p. 356). G. D. s’en tient notamment à quatre aspects : 1) comment les différents exégètes délimitent les deux récits ; 2) comment ils en précisent l’interrelation ; il considère ensuite 3) la notion de dies par rapport à celle de simul ; il s’interroge enfin sur 4) la manière dont les différents auteurs concilient la puissance divine et les lois de nature concernant les modalités de la création.
104Dans la conclusion de sa contribution, G. D. insiste sur l’exégèse de Pierre de Jean Olivi, qui se demande si « par le ciel, la terre et les eaux » on doit comprendre « les parties de l’univers considérées avec leurs formes pleines et spécifiques ou bien sans formes pleines et spécifiques ou bien sous un mode intermédiaire, c’est-à-dire avec des formes générales et primordiales » (p. 367). La question, qui au fond essaie de traduire le récit biblique dans un jargon aristotélicien, laisse entrevoir le rôle important que la notion augustinienne de « raison séminale », déjà évoquée ci-dessus en référence à Henri de Gand et Roger Marston [33], joue dans cette tentative.
105Il ne sera pas sans intérêt de compléter les considérations de G. Dahan à ce sujet avec les pages plus récemment consacrées par Anna Rodolfi [A. R.] à l’interprétation olivienne de la doctrine augustinienne des raisons séminales, comme elle émerge davantage du commentaire de Pierre de Jean Olivi au deuxième livre des Sentences [34]. A. R. précise ainsi la « liberté totale » de cet auteur franciscain face aux principes de la physique aristotélicienne, dont parlait G. Dahan (p. 368), et montre notamment sa dépendance à l’égard de Roger Bacon. Notion clé pour expliquer comment s’articulent génération naturelle et création, la raison séminale est disjointe par Pierre de Jean Olivi de toute dimension formelle. Selon lui, sous la catégorie très ample de raisons séminales tombent en effet « la pluralité et la multiplicité des causes naturelles », qu’il serait erroné de vouloir rattacher à un principe ontologique spécifique (p. 200-201), notamment aux formes substantielles présentes de quelque manière dans la matière dès la création. On peut les identifier plutôt avec la formabilité de la matière, avec les termini formales qui jailliront d’elle à travers la génération des substances composées, et grâce à la mobilité et à la capacité de se soumettre à l’action des causes agentes, que Dieu a confiées à la matière dès le principe (p. 204).
106Cette contribution d’A. R. fait partie d’un beau recueil paru en 2018 par les soins de Cecilia Panti et Nicola Polloni. Sous le titre de Vedere nell’ombra, « Voir dans l’ombre », d’inspiration hildegardienne, y figurent vingt-huit études, par autant de contributeurs [35]. Elles sont offertes à Michela Pereira, figure majeure de l’académie italienne aux intérêts polyédriques (p. xxi-xxiii, 407-416), à l’occasion de son soixante-dixième anniversaire. Comme indiqué par le sous-titre, ces études portent globalement sur nature, spiritualité et sciences opératives, trois sujets de recherche particulièrement chers à M. Pereira, qui est ici célébrée dans son rôle de magistra passionnée, généreuse et infatigable de pensée et de vie, d’audacieuse pionnière de la redécouverte et réévaluation de l’alchimie, la médecine et l’astronomie/ astrologie en tant que disciplines fondamentales de la tradition philosophico-scientifique occidentale, de féministe engagée qui a contribué à faire des grandes femmes du passé un objet d’étude, et d’amoureuse de la liberté intellectuelle (p. ix).
107Réparties par ordre chronologique, pour éviter que les nombreuses intersections ne soient noyées dans une trop stricte compartimentation, ces contributions se présentent « comme étapes d’une sorte de parcours, comme chapitres d’une histoire cachée de tensions et ombres qui sont reconduites à la vision de la rationalité et de la réflexion historique, philosophique et scientifique » (p. xi, nous traduisons). Différents chemins intéressants nous semblent s’ouvrir ainsi à celui qui voudrait sélectionner ou enchaîner ses lectures selon un ordre autre que celui proposé, autour par exemple de la figure de Pierre de Jean Olivi – dont traite non seulement A. R., mais aussi Jeremiah Hackett, qui propose de l’identifier avec le iuvenis Iohannes, mentionné par Roger Bacon comme son première interprète – ; ou autour de figures féminines, étudiées par Marta Cristiani, Georgina Rabassó avec Rosa Rius Gatell, Peter Dronke, Elisa Chiti, ainsi que Cecilia Panti. Parmi d’autres, le chemin philologico-textuel me semble mériter une mention à part, au vu de sa richesse. Il compte cinq étapes [36], énumérées ci-dessous selon l’ordre alphabétique des auteurs édités :
1081) Anonyme, maître ès arts, Utrum <intelligentiae> moveantur passionibus sensibilibus et eas patiantur (Todi, Bibl. com. 23, f. 130rb-va), éd. Paola Bernardini (p. 156-159) : tirée d’un commentaire au De anima basé sur la Vetus, cette question est postérieure à la condamnation de 1270, mais vraisemblablement antérieure à celle de 1277 ; elle porte sur la passibilité des damnés en absence de corps, que l’auteur explique en attribuant à la justice divine la faculté d’opérer contre la nature.
1092) Antoine de Parme, Utrum virtus sive potentia anime sit idem cum anima (Vat. lat. 4452, f. 30vb-31va ; München, Clm. 13020, f. 253rb-254ra), éd. Gianfranco Fioravanti (p. 306-313) : tirée du commentaire au premier livre du Canon d’Avicenne, cette question atteste des profonds intérêts philosophiques, et notamment de la connaissance de la physique et de la biologie aristotéliciennes, de la part d’Antoine, maître en médecine à Bologne et probablement à Padoue.
1103) Bernard de Grava, Commentum super parvo Rosario magistri Arnaldi de Villa nova (ms. Bologna, Bibl. univ., Fondo Caprara, 457, XXXV, f. 182-221), éd. Chiara Crisciani (p. 320-330) : partie finale d’un commentaire-compendium, partiel, sélectif et fort indépendant de la littera du pseudo-Arnaud, ce texte prend l’allure d’un véritable traité d’anthropologie ; la figure de l’alchimiste et son métier y sont caractérisés dans une perspective qui est médicale, alchimique et philosophique à la fois. Il en émerge un portrait de savant-modèle, qui sait conjuguer connaissance théorique et expérimentale, habileté manuelle et études, vertus et liberté intellectuelle.
1114) <Mytographus Vaticanus Tertius sive> De integumentis fabularum secundum beatum Augustinum, prooemium suivi des chapitres 1, De Saturno, et 2, De matre deorum (Firenze, Bibl. naz. II.VI.2, f. 1r-5r), éd. Gian Carlo Garfagnini (p. 135-145) : ces textes d’auteur incertain sont tirés d’un ouvrage composé au xiie siècle et consacré aux figures les plus significatives de la mythologie grecque ; il s’agit d’une des attestations les plus importantes de sa réception au Moyen Âge, qui fut énormément exploitée par les savants jusqu’au xvie siècle.
1125) Pierre de Trabibus, Utrum sit peccatum mortale fratribus minoribus appropriare sibi aliquem locum (Firenze, Bibl. naz., Conventi soppressi D.6.359 , f. 111rb), éd. Roberto Lambertini (p. 274-276) : dans cette question quodlibétale (I, 30) Pierre revient sur la littera du sixième chapitre de la Regula fratrum minorum, au sujet de l’appropriation de lieux et biens de la part de frères. Alors que sur d’autres sujets il marche sur le pas de Pierre de Jean Olivi, son prédécesseur en tant que lector à Santa Croce, sur la manière d’entendre la pauvreté Pierre de Trabibus se montre plus prudent et modéré.
113Pivot dans le volume offert à Michela Pereira et non moins crucial dans le recueil sur la matière, dont il a été question auparavant, le thème de la nature a récemment fait l’objet d’une autre publication [37], à son tour parue dans la collection « Micrologus Library ». « Concept polyvalent, ouvert et dynamique », qui ne cesse de s’enrichir de nouvelles variantes et nuances dès l’Antiquité au Moyen Âge, et même au-delà (p. x), la nature est étudiée dans ce volume moins en tant qu’objet que quant aux manières dont elle est perçue en tant que réalité, conçue et signifiée par les hommes du Moyen Âge, en vertu de leurs sensibilité, intérêts, ingéniosité et talents (p. xi-xii). Selon la tradition de la collection, l’approche est multidisciplinaire – « de l’exégèse biblique à la philosophie de la nature, de l’alchimie à la poésie, de la métaphysique à la pédagogie, du droit à la musique, de la médicine à la peinture, de l’enluminure à l’architecture » (nous traduisons) –, et la période examinée est très vaste, d’Augustin à Leon Battista Alberti (p. xii). Pour les historiens de la philosophie médiévale s’avérera fructueuse la lecture de neuf contributions en particulier. Enrico Moro rend compte de la réflexion augustinienne sur la nature d’après le De Genesi ad litteram. Il propose notamment quatre brefs parcours thématiques, dont celui du rapport entre science de la nature et exégèse biblique. Clelia Vittoria Crialesi analyse l’interaction entre arithmétique et physique chez Abbon de Fleury, à partir de l’Explanatio in calculo Victorii, d’où émerge une conception du savoir mathématique, voire du calcul, comme science du réel. Fabrizio Amerini montre comment évolue au fil du temps la manière de caractériser la nature chez Thomas d’Aquin, moins en raison d’un changement de ses options doctrinales que d’une réflexion renouvelée sur ses sources principales à ce sujet, à savoir Boèce et Aristote, notamment le cinquième livre de sa Métaphysique. Riccardo Saccenti approfondit la pensée de Jean de la Rochelle au sujet de la normativité de la nature, en ses rapports avec le libre arbitre et la loi éternelle. Fabio Zanin, suivant le thème du rapport nature-art, reconsidère le positionnement réciproque de Nicole Oresme, Albert de Saxonie, Buridan et Marsile d’Inghen au sujet de la séparabilité des accidents de la substance. Il contribue ainsi à préciser ultérieurement les dynamiques internes à un groupe de maîtres dont le lien, déjà prouvé comme moins institutionnel que plus proprement culturel, est ici montré être plus complexe et nuancé qu’on ne l’avait pu observer en réfléchissant sur d’autres textes et sujets. Jean Buridan fait aussi l’objet de l’étude de cas de Chiara Beneduce, qui s’intéresse notamment à sa conception du toucher, où des motifs d’inspiration médico-avicennienne et aristotélicienne se fusionnent en amenant à l’élaboration d’une véritable physiologie de la sensation. À la question de l’apport de la culture arabe à la philosophie latine d’inspiration aristotélicienne touche brièvement aussi la contribution de Paola Carusi, qui insiste sur l’interaction entre alchimie et physique dans le débat musulman au sujet du mélange et des transformations élémentaires. Entre autres, elle porte l’attention sur quelques échos que ce débat semble avoir jusqu’au De mixtione elementorum de Thomas d’Aquin, opuscule qui est dédié à un médecin et qui atteste d’une époque où les interférences entre philosophie et alchimie, par les biais de la médicine, se font de plus en plus importantes. De l’Aquinate il est ultérieurement question dans les pages de Alessandro Scafi, qui propose d’en faire un devancier de la pensée utopique, au vu de ses considérations sur la perfection édénique de la nature humaine, qui entre autres choses faisait d’Adam le citoyen potentiel d’une société terrestre idéale. Andrea Porcarelli, met en relation la notion d’éducabilité élaborée dans le contexte du personnalisme pédagogique contemporain avec l’image thomiste de l’âme humaine comme horizon et confinium entre les mondes corporel et incorporel.
114M. B.
115La polémicité. — La publication des actes du colloque consacré aux « Polémologies médiévales », tenu à l’université de Paris-Nanterre les 23 et 24 septembre 2016 [38], révèle l’état des lieux, essentiellement européen et majoritairement français, des recherches consacrées aux polémiques dans l’histoire allant de l’Antiquité tardive à l’époque moderne. Deux ouvrages en particulier servent de points d’appui à la réflexion : un recueil collectif sur les violences intellectuelles [39] et la thèse de Jürgen Habermas selon laquelle l’espace public naît avec la polémique à l’époque des Lumières [40]. Il est toutefois légitime de rappeler que les catégories binaires « public » et « privé » étaient déjà appliquées dans l’analyse anglo-saxonne des controverses chrétiennes. Par exemple la création de l’« hérésie » de Priscillien d’Avila étudiée par Virginia Burrus [41], démontre que ces deux catégories jouent un rôle déterminant dans la condamnation de l’évêque espagnol. Il est à signaler, que la « polémique sur la religion » côtoie déjà l’« espace public » dans le célèbre livre XVI du Code théodosien : « [Interdiction de discuter en public sur la religion] Qu’aucune occasion ne soit donnée à qui que ce soit d’aller en public, soit discuter de la religion, soit en traiter, soit donner quelque avis [42]. »
116Si donc la question posée dans la préface par l’organisatrice du colloque, Bénédicte Sère : « […] le Moyen Âge est-il le temps d’une archéologie pour l’histoire des controverses ? » n’en est plus véritablement une, plusieurs études réunies proposent des réflexions particulièrement fructueuses sur les méthodes, le vocabulaire et la périodisation des polémiques du Moyen Âge. L’étude d’Alessandro Capone [A. C.] précise la méthodologie dans le cadre chronologique de l’Antiquité tardive. La pluralité des approches du message chrétien aux ii-iiie siècles, et encore au ive siècle, interdit de parler d’un christianisme mais préconise plutôt le terme des christianismes, point de vue inspiré de Giancarlo Rinaldi [43]. Si l’historiographie récente sur la question met en évidence le fait que la polémique chrétienne ne peut être l’objet de recherches réservées aux seuls théologiens ou historiens des dogmes, il fallait toutefois préciser les angles et les méthodes d’approche des sources de l’histoire des polémiques du christianisme antique, ce que A. C. fait avec succès en proposant un « décalogue » épistémologique, à savoir : l’époque historique ; le contexte géographique ; le contexte politique ; les réseaux sociaux ; les destinataires (directs ou non) ; le genre littéraire ; le rôle de la rhétorique ; le texte biblique (avant que le canon biblique soit fixé) ; l’exégèse biblique ; le rapport avec la tradition (chrétienne ou païenne, ou encore juive).
117Encore récemment, il était courant d’affirmer que le Haut Moyen Âge était une période creuse pour les hérésies et les polémiques. Cette position est remise en cause : ainsi l’époque mérovingienne connaît la lutte contre l’arianisme germanique et une grande partie de la production doctrinale à l’époque carolingienne est constituée de traités consacrés à différentes polémiques. L’article de Warren Pezé résume les derniers travaux ainsi que les projets en cours consacrés à cette période tout en proposant de nouvelles pistes polémologiques, tout particulièrement l’approche hérésiologique (la transmission des outils anti-hérétiques patristiques durant le Haut Moyen Âge) et codicologique (la transmission des traités de polémique dans les manuscrits et leurs annotations dans les marges de ces mêmes manuscrits). Nous pourrions aller tout à fait dans le sens de l’auteur et affirmer que la pénurie des sources (particulièrement de l’époque mérovingienne) ne conduit pas à exclure cette période de l’histoire des polémiques et que la catégorie de l’Öffentlichkeit s’applique parfaitement aux controverses altomédiévales : par exemple, les polémiques entre les rois ariens et les évêques catholiques, enregistrées par Grégoire de Tours dans ses Histoires des Francs ou encore les premiers débats carolingiens à propos de déviations doctrinales discutées entre les membres de l’élite ecclésiastique.
118En reprenant le dossier de la querelle des investitures, notamment les Libelli de lite, Leidulf Melve établit trois stratégies polémiques propres à cette époque : diffamatoire, apologétique et argumentative. Si, selon l’auteur, cette querelle en particulier constitue le premier débat public au Moyen Âge, selon Charles de Miramon [Ch. M.], durant la Réforme grégorienne, la politique ecclésiastique sans concession sur la question du mariage des prêtres mène à une crise et à l’importance accrue de la disputaison, terme retenu pour la polémique de l’époque. Néanmoins, toujours d’après Ch. M., ce tournant majeur ne marquerait pas la naissance du public debate, mais mettrait en évidence le rôle déterminant des institutions dans lesquelles le débat est pratiqué.
119Alain Rauwel propose de mettre au profit des études polémologiques la catégorie des « communautés émotionnelles » établie par Barbara Rosenwein : le temps grégorien et ses controverses marqueraient la montée en intensité de l’émotion et de son expressivité publique. Un genre médiéval différent peut également transmettre une richesse des régimes de la polémicité. Emmanuel Bain [E. B.] en établit trois dans les traités d’exégèse : les désaccords masqués autours du sens biblique qui relèvent de la recherche du consensus ; la polémique agressive qui vise les hérétiques et les juifs ; le régime de la polémicité qui apparaît au xiiie siècle et qui est proche de la polémique proprement dite. Si donc on peut identifier le Moyen Âge comme l’époque des polémiques, il faut toutefois préciser leur spécificité, conclut E. B. : la polémique médiévale est celle qui cherche à éviter les pièges du dissensus. Comme le fait remarquer Philippe Bobichon, la controverse judéo-chétienne échappe à la périodisation classique de la polémique médiévale : elle suit son propre rythme et ses propres conditionnements historiques. L’auteur propose des réflexions sur la globalité de la production littéraire de cette controverse en s’arrêtant aux questions négligées auparavant comme, par exemple, la véritable fonction des traités de polémique judéo-chrétienne. Il est amené à conclure que cette « littérature » est devenue une sorte de genre sans « véritable fonction pratique ». Antoine Destemberg [A. D.] soumet l’Öffentlichkeit d’Habermas (qu’il propose de traduire à juste raison par « sphère publique » et non par « espace public ») et les « violences intellectuelles » à une lecture croisée. Cela lui permet de dégager trois axes quant à la première catégorie. Le premier se rapporte au face-à-face des protagonistes (entre les polémistes et le public, affrontement qui crée des espaces publics occasionnels). C’est donc ce champ de la polémicité que nous retrouvons dans certains sermons : l’exemple donné par l’auteur est celui des sermons prononcés dans le contexte spécifique de la lutte entre mendiants et séculiers au xiiie siècle. Nous pourrions aussi y ajouter également certains sermons anti-donatistes prêchés par saint Augustin. Le deuxième axe se construit autour de la fama ou de la renommée sur laquelle s’appuie le polémiste ou qu’il vise à détruire chez son adversaire (c’est ici que nous retrouvons les attaques ad hominem) : ici la violence intellectuelle agit tout particulièrement. Enfin, le troisième axe s’attache à la performativité de la polémique dans l’espace public qui redéfinit les limites et les frontières sociales et intellectuelles. De la contribution d’Olivier Marin sur la Réformation hussite, nous pouvons tirer au moins un constat qui nous semble solidement être démontré : chaque controverse ne doit pas nécessairement être évaluée selon une valeur sociale négative mais elle peut avoir aussi une fonction socialisatrice. Dans les « Conclusions », un des multiples résultats du colloque que souligne Dominique Iogna-Prat est une nouvelle division chronologique de l’évolution de la polémique médiévale : une première grande période patristico-monastique, où la pluralité d’opinions (diversa) ne mène pas nécessairement au conflit (adversa), aspect particulièrement bien mis en évidence par E. B. et A. D. ; une seconde grande période, celle de la disputatio ou de la professionnalisation de la controverse. Il est certain que cet ouvrage collectif fait date dans les recherches sur la polémicité médiévale.
120K. M.
121Angélologie et démonologie. — À l’occasion de la réimpression de son livre sur les anges et les démons, initialement paru en 2007 [44], Serge-Thomas Bonino [S.-T. B.] a louablement choisi d’en « proposer une édition entièrement revue, corrigée, augmentée [45] » plutôt que de se borner à en autoriser un retirage à l’identique (p. 19). Derechef accueillie dans la section « cours » de la « Bibliothèque de la Revue thomiste », spécialement conçue comme collection d’exposés synthétiques et pédagogiques des grands traités de théologie axés sur la doctrine de Thomas d’Aquin ainsi que vers ses développements contemporains (p. 4), la deuxième édition de Les Anges et les démons met en avant dès son titre sa fonction de manuel, rendant plus implicite qu’il ne l’était dans la première son lien concret avec l’enseignement. Si du recul est pris donc par rapport à des séances idéales en classe, le résultat se confirme pourtant extrêmement didactique, l’approche demeurant celui d’un guide qui donne aux lecteurs des repères, leur offre des instruments et leur signale des pistes à poursuivre. On comprendra donc l’intérêt d’y trouver évoqué un grand nombre de thèmes et problèmes angélologiques et démonologiques, sans pourtant qu’ils soient tous pareillement développés et résolus. S.-T. B. est en effet soucieux de rendre accessible au lecteur la richesse et la complexité de la réflexion de l’Aquinate et par lui suscitée à ces sujets, ce qu’il fait sans aucune prétention d’exhaustivité et sans s’engager dans une prise de position systématique sur la totalité des sujets abordés.
122Venant aux changements concrets par rapport à la précédente édition, on remarquera la suppression, en couverture, du sous-titre mentionnant l’articulation en « leçons » ; ce à quoi correspond, à l’intérieur, une division en « chapitres ». Comme S.-T. B. l’explique à la fin de son introduction générale, sa révision n’a comporté aucun remaniement substantiel de l’ouvrage, mais plutôt un travail généralisé d’amélioration, mise à jour et reformulation, dont le résultat est tangible. Si le plan reste inaltéré, les partitions ainsi que les titres internes aux chapitres ont été parfois repensés, dans le sens d’une explicitation ou d’une délimitation plus nette. De surcroit, un balancement plus systématique et équilibré entre anges et démons émerge de cette deuxième édition, qui profite bien évidemment des recherches plus récemment conduites par S.-T. B. lui-même dans ces domaines. Concernant la réécriture de certains passages, on appréciera le fait qu’à différents endroits elle débouche sur un approfondissement des points abordés. Cela peut découler d’une intégration bibliographique, d’un nouvel agencement de la distinction entre texte principal et notes, ou d’une valorisation de textes qui avaient été précédemment juste évoqués. Plutôt discrète dans les chapitres, la démarche de l’augmentation devient plus palpable à la fin du volume, où un épilogue, quoique très bref, est ajouté, et la bibliographie enrichie de références plus ou moins récentes. La lecture de ce livre de S.-T. B. se reconfirme ainsi bien utile pour les débutants qui voudraient s’initier à l’angélologie et à la démonologie thomistes, mais aussi comme point de départ pour les initiés qui veulent aller plus loin.
123Brièvement rappelée par S.-T. B. dans le chapitre consacré au statut métaphysique de l’ange, la doctrine thomiste de la localisation des substances séparées, qui n’est pas sans implications en démonologie, a suscité beaucoup de réactions parmi ses contemporains, souvent très critiques. Condamnée par Étienne Tempier en 1277, elle contribue pourtant à déclencher une réflexion métaphysique sur la nature du lieu, qui comporta un profond réexamen des thèses aristotéliciennes à ce sujet et, notamment, leur extension à des domaines extra-physiques. Dans l’anthologie Les Anges et le lieu, parue en 2017 sous la coordination de Tiziana Suarez-Nani, quatre étapes de ce débat de longue haleine sont reconstruites à partir d’autant d’auteurs et de textes, présentés selon l’ordre chronologique [46] : 1) la question 9 du deuxième quodlibet d’Henri de Gand, sur la localisation de l’ange, disputée en 1277, mais retravaillée à plusieurs reprises par la suite, sans doute jusqu’à Pâques 1279 ; 2) la deuxième question disputée de Matthieu d’Aquasparta sur l’âme séparée, rédigée entre 1277 et 1279, au sujet des mouvements de l’âme séparée ; 3) les quatre questions du deuxième article sur la distinction 37 du commentaire au premier livre des Sentences de Richard de Mediavilla, dont la publication est achevée peu avant 1295, après une longue gestation ; elles portent spécifiquement sur la manière dont l’ange se rapporte au lieu physique ; 4) la question 32 sur le deuxième livre des Sentences de Pierre de Jean Olivi, au sujet de la présence de la substance de l’ange dans un lieu corporel, dont la rédaction finale, révision substantielle d’une question disputée avant mars 1277, date de 1295.
124Traduits du latin en français et annotés avec sobriété dans la deuxième partie du volume – au sujet surtout des sources qui y sont invoquées –, les quatre textes sont examinés d’un point de vue doctrinal dans les pages de l’introduction (p. 7-49). Le lecteur est ainsi amené à se confronter avec quatre manières de donner une explication de plus en plus ontologique du rapport des substances créées au lieu. Si les quatre auteurs évoqués auparavant mettent tous à profit d’un côté la notion lombardienne de localisation comme définition ou délimitation, de l’autre les apports d’Augustin et de Jean Damascène dans l’effort d’intégrer en angélologie, en la réadaptant, la physique aristotélicienne du lieu, les solutions élaborées s’avèrent très nuancées. Tous s’accordent, par exemple, sur le fait que la localisation des anges, naturelle au fond, n’entraîne ni dépendance ni commensurabilité par rapport au lieu, mais l’inscription dans l’espace est conçue par chacun de façon différente, et la « naturalité » de ce rapport est à son tour caractérisée de manières diverses. Si Henri de Gand recourt à la distinction entre lieu et site et postule la possibilité d’un contact mathématique avec ce dernier, ni quantitatif ni dimensionnel (p. 19-20), Matthieu d’Aquasparta conçoit la localisation spatio-temporelle de l’ange, ancrée non pas dans l’exercice de son agir, mais bien plus profondément dans son être fini, comme façon de communiquer sa propre présence, de l’exhiber, en présentant sa substance ; la localisation devient ainsi une condition nécessaire au maintien de l’ordre propre à l’univers (p. 22-23). Selon Matthieu, cette délimitation locale est quantifiable pour Dieu, quoique insaisissable pour nous, et elle comporte la présence de l’ange tout entier dans tout le lieu où il se trouve, ainsi qu’en chacune de ses parties. Cette idée que l’ange ne peut pas occuper un espace plus grand que celui auquel il peut être entièrement et simultanément présent (p. 28) se rattache chez Richard de Mediavilla à une description autre de sa localisation, comme simultanéité, coexistence avec un certain lieu ou avec une certaine chose située dans un lieu déterminé. Non contenu dans le lieu qu’il occupe, l’ange est pourtant contenu dans le monde créé et sa localisation est justement requise par l’ordre actuel de ce monde (p. 26-27). Certains de ces motifs sont repris par Pierre de Jean Olivi, qui s’emploie pourtant à trouver une justification plus articulée de la localisation physique des substances séparées. En effet, il la rallie non seulement à l’être de l’ange, mais plus largement à son agir. Manifestation de l’être de toute créature, dont la finitude impose un caractère relationnel, la localisation devient pour Pierre une condition préalable à tout exercice de la connaissance et de la liberté de la part de l’ange, voire à l’établissement d’un lien intentionnel entre l’ange en tant que sujet et ses objets (p. 42). On assiste ainsi à l’intériorisation du rapport entre substances créées et lieu, qui est « désormais conçu comme une détermination intrinsèque résultant de la finitude de chaque créature et de son articulation nécessaire aux autres réalités du monde » (p. 45), même s’il s’agissait d’un monde dépourvu de corps.
125Utile surtout à l’enseignement de la philosophie médiévale en contexte universitaire, de ce travail collectif de traduction on appréciera surtout l’intention de rendre accessibles à un plus grand nombre de personnes des textes peu connus ainsi que de mettre en valeur l’apport philosophique considérable des débats angélologiques médiévaux, qui va bien au-delà des domaines plus couramment travaillés jusqu’à présent.
126M. B.
127Suscitée par son ministère d’accompagnement de personnes en souffrance, et pour répondre en théologien à l’essor que connaissent en notre siècle pratiques et sciences occultes, Jean-Baptiste Golfier [J.-B. G.] livre ici une étude sur la démonologie thomiste [47], importante parce qu’elle est, pour une part, pionnière. L’absence de traité spécial dans les deux sommes a fait qu’on a longtemps négligé de dégager sur ce point une doctrine articulée. On a cependant la question De demonibus du De malo. On a aussi les lecturae des évangiles, celui de saint Matthieu n’étant, à certains égards, qu’un long exorcisme, celui de Jean mettant en relief la figure de Satan. Le Super Iob présente également des développements très suggestifs, de moindre étendue cependant qu’on aurait pu s’y attendre. De fait, les pages que saint Thomas réserve aux démons ne représenteraient que le centième de son œuvre. L’intérêt de ce docteur serait toutefois allé croissant, manifesté principalement dans les dix dernières années de sa vie (p. 143-158).
128Cette proportion, qui paraît minime, est cependant considérable et nouvelle, comparée au silence observé par les docteurs précédents (p. 91-99). Elle est d’autant plus significative, en outre, que l’exorcisme, à l’époque de saint Thomas, n’était plus depuis longtemps pratiqué que comme une cérémonie préparatoire au baptême, et c’est d’ailleurs sous ce jour exclusif qu’il figure dans son œuvre, au traité des sacrements. J.-B. G. y voit le signe d’une chrétienté dont la ferveur générale garantissait ses enfants contre les attaques du démon. Il faudra attendre le siècle suivant pour qu’on voie apparaître le grand exorcisme sous une forme analogue à celle où il est aujourd’hui pratiqué, tandis que la question des démons connaîtra elle-même des développements théologiques dédiés, et beaucoup plus considérables. J.-B. G. tient que les condamnations des thèses de Thomas par Tempier en 1277 auraient donné le branle à une démonologie obsédante (p. 104 et sq.). Il y voit la marque d’un équilibre rompu, où le docteur angélique ne convoquait la question des démons que de manière incidente, à propos du mystère de Dieu et du salut des élus, fin que le Seigneur propose à son gouvernement de l’univers. Il assigne ainsi un rôle jusqu’à la malice des mauvais anges, afin que leur création s’avère n’avoir pas été inutile, et tourne à la gloire du Créateur qui signale sa puissance en tirant un bien d’un mal, Thomas prolongeant ici les vues d’Augustin.
129L’ouvrage se compose de trois parties : d’abord, une démonologie proprement dite : ce que sont les démons, selon saint Thomas et pour les traditions qui l’ont précédé : la tradition biblique, où leur présence s’affirme de l’un à l’autre Testament ; mais aussi, avant cela, les traditions païennes, puis celles d’Islam. J.-B. G. manifeste ensuite ce que Thomas emprunte aux Pères en ce domaine, principalement à Augustin. Puis intervient cet état statistique, déjà mentionné, du traitement des démons et de leurs attaques dans le corpus, avant que ne soit présentée une brève synthèse doctrinale, qui tend surtout à circonscrire le champ des attaques démoniaques. Celles-ci sont certes redoutables, leurs auteurs appartenant à un monde préternaturel, ainsi défini relativement à la nature humaine, de sorte que l’origine de leurs œuvres est inaccessible à nos sens et à nos instruments. Cependant, si étendue que soit leur intelligence, stupide d’ailleurs quant aux vérités du salut, elle ne peut aller jusqu’à connaître les futurs libres et le secret des cœurs humains. Thomas d’ailleurs, au cours de sa carrière, semble avoir abaissé le rang de Lucifer dans la hiérarchie angélique naturelle. Il combat la tradition reçue de certains Pères, d’un droit du démon sur l’homme, mais parle d’un pouvoir permis par Dieu en châtiment du péché de l’homme.
130À propos, donc, de ces attaques, la deuxième partie examine les conséquences de ce principe, à savoir que ce pouvoir démoniaque ne saurait mouvoir à pécher, directement et de l’intérieur, une volonté humaine, comme Dieu meut directement et de l’intérieur une âme à l’aimer et à le connaître. Mais il faut que la volonté s’y porte de soi-même. Le pouvoir du démon ne s’étend qu’à mouvoir les corps et ce qu’il y a de corporel en l’homme, de sorte que s’il atteint l’âme, ce n’est pas directement, on l’a dit, en ses puissances supérieures, mais en ce que l’âme est forme du corps humain. Le diable agit ainsi sur les sens tant externes qu’internes, spécialement la cogitative et surtout l’imagination, dont il trouble les species et les phantasmata, en agissant sur les énergies corporelles ou virtutes, que sont les raisons séminales occultes, les esprits animaux et les humeurs.
131La désuétude de notions que saint Thomas emprunte ici à la médecine d’alors et qu’il mobilise afin de rendre compte des opérations démoniaques peut expliquer, outre les raisons alléguées plus haut, qu’on ait négligé l’étude de cette partie de sa doctrine. J.-B. G. soutient cependant leur pertinence, au moins quant à l’intention qui préside à leur usage. Il fait observer que les humeurs et esprits animaux ont des fonctions assez analogues aux hormones et à l’influx nerveux. Il estime que les intuitions thomistes recevraient aujourd’hui l’appui des neurosciences, en ce qu’elles manifestent les fondements corporels et physiologiques des troubles de l’esprit. Il rapproche les raisons séminales occultes de ce que les physiciens appellent la « matière noire », selon que 80% de la matière se déroberait à nos observations. Il admet que ces rapports ne se fondent que sur de simples raisons de convenance ; ils nous paraissent cependant suggestifs.
132Par ailleurs, la démonologie de saint Thomas éprouve surtout, à nos yeux, la pertinence de sa doctrine de l’âme humaine. Une âme diverse en ses puissances : quoi de commun semble-t-il entre l’intellect d’une part, dont l’exercice transcende les données des sens internes, puisqu’il s’en sert ; et ses puissances inférieures, d’autre part, où l’âme se manifeste en dépendance de ce corps dont elle assure pourtant l’unité organique ? Âme diverse en ses puissances, donc, mais âme une en vérité, comme le manifeste l’unicité de ce que Thomas appelle l’intentio animæ : intention se partageant diversement entre les diverses puissances, et susceptible de se porter presque exclusivement sur les puissances inférieures, accessibles, elles, au pouvoir du démon, au point d’embarrasser l’exercice de l’âme selon ses puissances supérieures (p. 218 et sq.).
133Les exorcistes et les confesseurs vérifient, dans leur ministère, les conséquences de ces principes, à travers l’hérédité du péché : non certes quant à la coulpe, évidemment, mais quant à la peine. L’essence du péché réside certes dans la coulpe qui est le fait des puissances supérieures de l’âme ; et cette coulpe est entièrement enlevée par l’absolution sacramentelle. Mais l’âme étant une, le péché rejaillit en « restes du péché » (reliquiae peccati), qui demeurent en ce par où l’âme tient au corps, et peuvent ainsi passer de génération en génération par ce que la génération, justement, a de corporel, et qui précède dans le temps l’infusion en l’âme de la nature rationnelle et spirituelle. Ainsi l’absolution absout-elle le volontaire peccamineux, mais les prières de délivrance et le petit exorcisme visent à guérir ces blessures involontaires qui affectent l’âme d’une manière analogue au péché hérité d’Adam. Aussi bien, si le péché d’orgueil est le plus funeste, éloignant davantage de Dieu, et qu’il est celui où l’homme « pèche en ange » selon le mot de Bourdaloue, les péchés de concupiscence, sexuels en particulier, s’impriment davantage dans les puissances inférieures de l’âme en ces sortes de reliquiae, dont le démon peut prendre occasion pour la tenir liée (p. 317-367).
134La fin de cette deuxième partie est dédiée aux attaques extraordinaires du diable et aux possessions en particulier. J.-B. G. les examine à la lumière d’un texte fondamental, en Quodlibet III, q. 3, a. 3. Le diable ne peut guère habiter que dans le corps, et il n’asservit à soi l’âme rationnelle que si elle-même se soumet à lui par une servitude volontaire. J.-B. G. illustre ce propos par des exemples de saints ayant rendu gloire à Dieu dans l’épreuve de la possession diabolique.
135La troisième partie traite de la résistance à ces attaques. L’homme y a pour allié principal le Christ, dont la puissance, principalement et proprement surnaturelle et salutaire, se déploie aussi en secours préternaturels, comme il est manifeste dans l’Évangile. Les anges gardiens sont plus puissants que les démons, non par une perfection naturelle supérieure, mais par le don en eux de la grâce. S’agissant de l’aide procurée par les sacrements, J.-B. G. constate que ce point n’est pas directement thématisé chez Thomas. Celui-ci est muet quant à la vertu exorciste de la pénitence, que relevait au contraire une tradition assez importante (p. 543). On a déjà parlé de l’exorcisme précédant le baptême ; mais il ne s’agit, précisément, que d’un sacramental. C’est, à nos yeux, la marque de ce que les sacrements intéressent immédiatement les puissances supérieures de l’âme plutôt que celles qui ont part avec le corps et exposées, par là, aux atteintes du démon. Saint Thomas tient d’ailleurs que l’eucharistie ne doit pas être refusée aux possédés, selon le départ très net qu’on voit qu’il établit entre péché mortel et possession (p. 544-559).
136Thomas ne méconnaît pas la possibilité d’emprises collectives, comme on voit dans son commentaire d’Ep 6 ; toutefois, note J.-B. G., c’est là un point très latéral dans sa réflexion. Thomas admet enfin que les païens peuvent réellement chasser les démons selon une foi implicite, se faisant ainsi les ministres de la haine du Fils de Dieu contre eux (p. 623-629). Un dernier chapitre est consacré au point que J.-B. G. tient pour le plus original et audacieux dans la doctrine thomasienne touchant les démons, à savoir que malgré eux, ils entrent, dans leur malice même, au service du dessein bienveillant de Dieu en faveur de ses élus. Le Super Iob manifeste que la tentation, au-delà de la simple permission divine, relèverait d’une motion de l’Esprit Saint afin de grandir l’âme humaine à la faveur d’un combat victorieux.
137Le lecteur pourra se trouver embarrassé par certaines hypothèses : même formulées sous l’invocation prudente des « raisons de convenance », on a parfois le sentiment que J.-B. G. s’empresse par trop de remplir les blancs que semblent lui concéder les sciences expérimentales, même s’il a eu soin d’en consulter des experts. Il rapporte ainsi le domaine de l’infiniment petit de la physique quantique, caractérisé par une indétermination échappant à nos mesures, à celui où anges et démons exercent leur régence. Mais « Pourquoi pas ? » est-on tenté de se dire. Cependant, un des plus grands mérites de cet ouvrage à nos yeux, est qu’éclairés par les raisons thomistes, certains faits tirés de l’Écriture et de la vie des saints sont pris au sérieux et manifestés dignes de notre créance. L’ouvrage propose une imposante bibliographie de quelque cent soixante-trois pages et est assorti de trois index : noms propres, principales notions, références bibliques.
138J.-Ch. N.
139Blaise de Parme. — Joël Biard et Aurélien Robert publient un recueil d’études consacré à la pensée de Blaise de Parme († 1416) : le volume réunit les communications présentées lors d’un colloque organisé au Centre d’Études Supérieures de la Renaissance (Tours) en 2017 [48]. L’introduction donne des renseignements historiques et bibliographiques essentiels sur Blaise et présente synthétiquement les principaux acquis des contributions. Suivent douze études consacrées aux aspects les plus importants de la pensée de Blaise. Andrea Robiglio étudie la figure de Blaise dans ce curieux ouvrage qu’est le Paradiso degli Alberti, attribué à Giovanni Gherardo da Prato († 1446). Blaise y est présenté comme philosophe naturel et mathématicien (p. 19). L’auteur du Paradiso l’imagine également intervenir sur une question de philosophie morale (relative au livre IX de l’Éthique à Nicomaque : si les mères aiment les enfants davantage que les pères) et sur le problème de l’immortalité de l’âme. L’ouvrage semblerait un témoin moins important de la pensée philosophique de Blaise que de la perception que des intellectuels du Quattrocento pouvaient avoir de sa figure, c’est-à-dire d’un « représentant d’une culture largement dépassée et efficace seulement sur des aspects précis » (p. 29).
140Aurélien Robert [A. R.] étudie l’éthique de Blaise, tâche délicate, puisque Blaise n’a pas laissé d’ouvrage moral (p. 33-34). La thèse d’A. R. est de montrer qu’on ne peut pas considérer Blaise comme un hédoniste : au contraire, il se fonde principalement sur l’éthique aristotélicienne de la vertu et sur la valeur de l’intellect pratique. A. R. utilise les deux rédactions de son commentaire de la Physique, en particulier une question sur le désir naturel (« Utrum omne ens naturaliter appetat esse et permanere »), transmise dans les deux rédactions. Il retient, de cette question, l’aspect moral (peut-on sacrifier sa vie pour la vertu ?) D’abord, il introduit les positions qu’avaient adoptées à ce sujet Henri de Gand, les commentateurs artiens de l’Éthique et Nicole Oresme. Les vues défendues par Blaise apparaissent proches de celles des commentateurs artiens de l’Éthique de la fin du xiiie siècle, qu’on a appelés « averroïstes » ou, plus pertinemment, « aristotéliciens radicaux ». Ainsi, Blaise met en valeur l’acte de la vertu en tant qu’expression de la raison humaine, même pour ceux qui n’attendent pas la vie après la mort. Cela suffit à démontrer que la morale de Blaise ne peut pas être considérée comme une morale hédoniste (le plaisir étant dans l’acte vertueux présent seulement à titre accessoire). Lorsqu’il passe au point de vue théologique, Blaise admet que le désir raisonnable dans sa forme la plus accomplie (la volonté voulant sa propre rectitude, idée reprise d’ Anselme de Cantorbéry ) ne peut être trouvé que dans la félicité après la mort. Lorsqu’il reprend le problème du point de vue astrologique, Blaise semble admettre que les cieux peuvent fléchir nos vouloirs par l’influence qu’ils exercent sur le corps et ses pouvoirs. Cette determinatio astrologique disparaît de la seconde version du commentaire. Malgré les interrogations que les positions de Blaise laissent subsister (p. 54-55), l’étude d’A. R. donne une idée précise des principales tendances de l’auteur en matière de morale.
141L’étude de Christophe Grellard [Ch. G.] forme une unité intéressante avec la précédente. Ch. G. analyse la conception « naturaliste » de la religion et de la morale chez Blaise, en se fondant sur ses commentaires du De anima et des Meteorologica. Suivant la pensée du grand astronome arabe Abū Maʿšar , Blaise donne une explication astrologique de la naissance des religions. Il souligne le rôle des phénomènes célestes, tels que les comètes, sur l’histoire humaine et l’« histoire des religions ». Ch. G. met en évidence d’intéressantes conséquences de ces positions sur le plan sotériologique : si les religions sont des « phénomènes naturels », aucun des monothéismes ne peut aspirer à imposer sa vérité comme moyen exclusif du salut. Par ailleurs, comment Blaise conçoit-il le salut et l’immortalité personnels ? Il semble, sur ce point, se tenir à l’enseignement de l’Éthique d’Aristote, dans son interprétation la plus radicale, d’après laquelle la réputation (bona fama) est le seul moyen de survivre après la mort : la bona fama permet de survivre dans la mémoire des hommes, grâce aux belles actions qu’on a accomplies. Cela rapproche Blaise de l’aristotélisme radical de la fin du xiiie siècle, qui avait survécu grâce à l’œuvre des commentateurs d’Aristote du xive siècle, qui en reprennent souvent les idées.
142La contribution de Joël Biard [J. B.] étudie la relation épistémologique entre les mathématiques et la philosophie naturelle. Après avoir étudié, en se fondant sur les Quaestiones circa tractatum propositionum Magistri Thomae Braduardini, le statut des objets mathématiques (ou mathematicalia : nombre, grandeur, rapport), il montre comment Blaise analyse certains problèmes — le contact, le continu, l’âme intellective, l’altération et l’optique — en distinguant une approche épistémologique mathématique et une approche physique. J. B. met en relation cette méthode avec les positions de Boèce de Dacie et la question de la « double vérité ». La méthode de Blaise aboutirait à définir des « rationalismes régionaux » (expression reprise de Gaston Bachelard).
143Nous trouvons ensuite un ensemble de contributions portant sur les aspects mathématiques et physiques de la pensée de Blaise. Graziella Federici Vescovini analyse la critique de Blaise à la théorie aristoté-licienne de la forme substantielle. La contribution de Daniel Di Liscia porte sur le traité De latitudinibus formarum, notamment sur la possibilité de représenter géométriquement la latitudo. Sabine Rommevaux étudie la rapidité des mouvements en relation à leurs causes et effets, dans la seconde rédaction du commentaire de la Physique (en particulier, livre VII, qu. 6-10). Magali Roques analyse le problème de la catégorie de la quantité et de son statut ontologique. Nicolas Weill-Parot étudie, sur la base des Quaestiones sur la Physique, la relation entre le moteur et le mû, notamment dans le cas des actions à distance ; l’étude permet de connaître les positions de Blaise en matière de magie (ensorcellement, incantations). La contribution de Fabio Seller porte sur l’usage de l’optique dans la détermination de la position des astres.
144Le volume se clôt par deux contributions à caractère anthropologique : sur la relation entre sens externes et internes, par Valeria Sorge, et sur le fonctionnement de la sensibilité, par José Felipe Silva.
145I. C.
146Commission léonine
43ter, rue de la Glacière
F-75013 Paris
editio@commissio-leonina.org
Notes
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[*]
Le bulletin est rédigé par des membres de la Commission Léonine sous la coordination de Kristina Mitalaitė (LKTI, Lituanie), dont cette livraison accueille également des recensions, ainsi que celle de David Piché (Département de philosophie, Université de Montréal). Les auteurs signalés dans le texte par leurs initiales restent responsables de leurs notices.
-
[1]
Rabano Mauro, Expositio Hieremiae prophetae, libri XVIII-XX, Lamentationes, edizione critica a cura di Roberto Gamberini, Firenze, Sismel-Edizioni del Galluzzo (coll. « Millennio medievale. Testi », 28), 2017 ; 17,5 × 24, cxiv+270 p., 65 €. ISBN : 978-8884507914.
-
[2]
Silvia Cantelli Berarducci, Hrabani Mauri opera exegetica. Repertorium fontium, vol. 1, Turnhout, Brepols (coll. « Instrumenta patristica et mediaevalia », 38), 2006, p. 319-320.
-
[3]
Hugo de sancto victore, De oratione dominica De septem donis Spiritus Sancti, cura et studio Francisco Siri, Turnhout, Brepols (coll. « Corpus christianorum Continuatio mediaevalis », 276), 2017 ; 26 × 15,5, 228 p., 135 €. ISBN : 978-2-503-56451-7.
-
[4]
Le Pater noster au xiie siècle. Lectures et usages, études réunies par Francesco Siri, Turnhout, Brepols (coll. « Bibliothèque d’histoire culturelle du Moyen âge », 15), 2015, p. 75-92. Pour la recension de cet ouvrage, je me permets de renvoyer à mon compte rendu dans « Bulletin d’histoire des doctrines médiévales », Rev. Sc. ph. th. 101 (2017), p. 710-713.
-
[5]
Hugues de Saint-Victor, « Les sept dons de l’Esprit Saint », dans Six opuscules spirituels, Roger Baron (éd.), Paris, Éditions du Cerf (coll. « Sources Chrétiennes », 155), 1969, p. 120-132.
-
[6]
Michel Scot, Liber particularis. Liber physionomie, édition critique, introduction et notes par Oleg Voskoboynikov, Firenze, Sismel–Edizioni del Galluzzo (coll. « Micrologus Library », 93), 2019 ; 14 × 21, 415 p., 70 €. ISBN : 978-88-8450-906-2.
-
[7]
Rappelons les deux notices consacrées l’une à la musique des sphères célestes, argument tombé dans l’oubli au Haut Moyen Âge, et l’autre qui constitue un vrai traité de musique, éditées par Christian Meyer, « Musique et astronomie dans le Liber quatuor distinctionum de Michel Scot », AHDLMA 76 (2009), p. 119-177.
-
[8]
Voir les arguments donnés à propos du ms. R, p. 59, note 163.
-
[9]
Voir Paul Tombeur, « De polygraphia », dans Alfonso Maierù (éd.), Grafia e interpunzione del latino nel medioevo, Seminario Internazionale. Roma, 27-29 settembre 1984, Roma, Edizioni dell’Ateneo (coll. « Lessico Intellettuale Europeo », 41), 1987, p. 69-101 ; Id., « Science et inconscience : les éditions critiques. Propositions et esquisse d’une dynamique du provisoire », dans Philologie und Philosophie, Beiträge zur VII. Internationalen Fachtagung der Arbeitsgemeinschaft philosophischer Editionen (12.-14. März 1997 München), H. G. Senger (éd.), Tübingen, M. Niemeyer (coll. « Beihefte zu Editio », 11), 1998, p. 144-182 : 149-157 ; Roland Hissette, « Averrois ou mystice plutôt qu’Averroys ou mistice ? À propos des graphies dans les éditions des textes scolastiques latins », Bulletin de philosophie médiévale 40 (1998), p. 77-90.
-
[10]
Aristoteles Latinus, Physiognomonica. Translatio Bartholomaei de Messana, Lisa Devriese (éd.), Turnhout, Brepols (coll. « Aristoteles Latinus », 19), 2019 ; 18 × 26, cix + 74 p., 90 €. ISBN : 978-2-503-58567-3.
-
[11]
Ce renseignement est offert par le ms. Padova, Anton., Scaff. XVII, 370, que L. D. cite p. ix.
-
[12]
Scriptores Physiognomonici Graeci et Latini, recensuit R. Förster, Lipsiae, In Aedibus B. G. Teubneri, 1893, 2 vol. Le texte pseudo-aristotélicien occupe les p. 4-91 du premier volume, le texte latin de Barthélemy est imprimé en vis-à-vis du texte grec. Förster connaissait soixante-deux mss de la traduction latine (p. lii-lv, parmi lesquels aussi Ap : ms. n. 1) et avait compris la position du modèle de Barthélemy par rapport à la tradition grecque (voir p. lii).
-
[13]
Voir le recueil d’études édité par Pieter De Leemans (Translating at the Court. Bartholomew of Messina and Cultural Life at the Court of Manfred, King of Sicily, Leuven, Leuven University Press, 2014) recensé dans « Bulletin d’histoire des doctrines médiévales», Rev. Sc. ph. th. 99 (2015), p. 673-725 : 689-694.
-
[14]
Geoffrey of Aspall, Questions on Aristotle’s Physics, 2 vol., edited by Silvia Donati & Cecilia Trifogli, English Translation by Jennifer Ashworth & C. Trifogli, Oxford, The British Academy-Oxford University Press (coll. « Auctores Britannici Medii Aevi », 26-27), 2017 ; 16 × 24, cii + 783 ; viii +524 p., £ 235. ISBN : 978-0-19-726599-4 (Part 1) ; 978-0-19-726600-7 (Part 2).
-
[15]
Durandi de Sancto-Porciano, Scriptum super IV libros Sententiarum. Editioni curandae praesidet Andreas Speer. Prologum et Distinctiones 1-3 libri Primi edidit G. Guldentops, Leuven, Peeters (coll. « Recherches de Théologie et Philosophie médiévales. Bibliotheca », 10.1.1), 2019 ; 16,5 × 24, vi + 104* + 257 p., 84 €. ISBN : 978-90-429-3149-7. Sur ce projet éditorial, voir également la recension de Ruedi Imbach dans « Bulletin d’histoire des doctrines médiévales », Rev. Sc. ph. th. 101 (2017), p. 655-728 : 668-673.
-
[16]
Voir le synopsis des questions qui se trouvent en B et en C, p. 80*-82*.
-
[17]
Pour un relevé plus complet, voir la section « Notes sur l’édition et la traduction » du chapitre introductif « Le statut épistémologique de la théologie d’après Durand de Saint-Pourçain » de notre traduction aux éditions Les Belles Lettres, Paris, 2020, du Prologue du Commentaire des Sentences de Durand, dans sa troisième et dernière version (la Rédactio C, d’après le texte de l’édition publiée à Venise en 1571), p. 115-123.
-
[18]
Voir, dans la présente édition de la Redactio B, p. 16-24, § 24-38 (pour la discussion critique de la position de Duns Scot) et p. 34-46, § 48-59 (pour la discussion critique de la position d’Henri de Gand).
-
[19]
Ainsi, on peut lire en B (p. 5-12, § 10-18) les arguments que Durand avance en faveur de la thèse selon laquelle la foi et la science, prises selon leurs raisons générales et formelles, peuvent se trouver simultanément en un même homme au sujet d’un même objet. Cette thèse, formulée comme telle, est absente de C. Rappelons qu’il s’agit de la première des thèses qui sont épinglées dans l’acte de censure de 1317. Voir J. Koch, Kleine Schriften, Roma, Edizioni di storia e letteratura, 1973, p. 72 : « […] la foi et la science, prises selon leurs raisons générales, peuvent se trouver simultanément en un même homme à propos d’un même objet, même quant à l’acte. » (« [...] quod fides et sciencia secundum communem suam racionem accepta possunt esse simul in eodem de eodem obiecto eciam quantum ad actum. »).
-
[20]
Cette discussion est semblable à celles que l’on rencontre dans les textes parallèles d’Hervé de Nédellec et de Jacques de Metz. Voir Hervé de Nédellec, Commentarius in Sententias, Prologus (redactio secunda), q. 1, resp. a. 1-3, et Jacques de Metz, Commentarius in Sententias, Prologus (redactio secunda), q. 1, resp., a. 1-3, dans M. Olszewski (éd.), Dominican Theology at the Crossroads: A Critical Edition and Study of the Prologues to the Commentaries on Peter Lombard’s Sentences by James of Metz and Hervaeus Natalis, Münster, Aschendorff Verlag, 2010, p. 114-124, l. 28-411 et p. 50-58, l. 10-294.
-
[21]
Redactio B, p. 47, § 61 : « […] pro habitu eorum que deducuntur ex ueris et necessariis, licet immanifestis ipsi deducenti […]. »
-
[22]
Dans la version B, le reste de la question (p. 47-62, § 62-81) consiste en une suite de thèses que Durand réfute tour à tour, à savoir que : « la foi et la vision ne peuvent pas exister simultanément » (p. 47-51, § 62-69) ; « l’opinion et la science ne peuvent pas exister simultanément » (p. 51-53, § 70-71) ; « la foi et la science ne peuvent pas se trouver simultanément <en un même homme> au sujet d’un même <objet> » (p. 53, § 72) ; « on peut prouver démonstrativement que <ce qui est affirmé par> un article est possible et on peut réfuter scientifiquement les arguments contraires à un article » (p. 53-58, § 73-77) ; « une science abstractive portant sur Dieu pourrait être communiquée à l’être simplement en chemin » (p. 58-62, § 78-81). Cette suite de thèses et réfutations ne se trouve pas dans la version C. G. G. indique que cette portion du texte de la version B ne se trouve que dans trois des sept témoins manuscrits (A, N et O) ; il pourrait s’agir de l’ajout d’une reportatio qui transmettrait une discussion par Durand de thèmes connexes à la question 1 (voir Einleitung, p. 53*-55*).
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[23]
Redactio B, q. 2, p. 66, § 7 : « […] dimissa prima acceptione sicut et in prima questione, quia non intendimus querere de subiecto fidei. »
-
[24]
Par conséquent, les paragraphes 16 et 17 en B (ibid., p. 75-78) correspondent aux paragraphes 9 et 18 de la question 5 en C (Venise 1571, f. 9ra-rb et 10ra).
-
[25]
Voir Redactio B, p. 16-24, § 24-38.
-
[26]
Ibid., p. 16, § 25 : « […] abstractiua uero est per quam cognoscitur res solum quantum ad suam quiditatem, que abstrahit ab esse, fuisse et fore, sicut cognoscitur rosa absens uel que omnino non est. »
-
[27]
Serge-Thomas Bonino, Études Thomasiennes, Les Plans-sur-Bex-Paris, Parole et Silence (coll. « Bibliothèque de la Revue thomiste. Études »), 2018 ; 15,2 × 23,5, 702 p., 35 €. ISBN : 978-2-88918-359-3.
-
[28]
Élisabeth Boncour, Maître Eckhart lecteur d’Origène. Sources, exégèse, anthropologie, théogénésie, Préface d’Olivier Boulnois, Paris, Vrin (coll. « Études de philosophie médiévale », 109), 2019 ; 16 × 24, 232 p., 25 €. ISBN : 978-2-7116-2891-9.
-
[29]
Tiziana Suarez-Nani, Agostino Paravicini Bagliani (éd.), Materia. Nouvelles perspectives de recherche dans la pensée et la culture médiévales (xiie-xvie siècles), Firenze, Sismel-Edizioni del Galluzzo (coll. « Micrologus Library », 83), 2017 ; 14 × 21, xxiv + 396 p., 65 €. ISBN : 978-88-8450-807-2. Sommaire : T. Suarez-Nani, « Avant-propos », vii-xxiii. – Danielle Jacquart, « La notion de matière dans les commentaires bibliques : quelques exemples (xiie-xive siècles), 3-25. – Cecilia Panti, « Matter and Infinity in Robert Grosseteste’s De luce and Notes on the Physics », 27-55. – Anna Rodolfi, « Matière, forme et génération. La discussion entre Henri de Gand et Roger Marston autour des raisons séminales », 57-74. – Anik Sienkiewicz-Pépin , « Matière spirituelle et localisation chez Richard de Mediavilla », 75-98. – Cecilia Trifogli, « Geoffrey of Aspall on Matter », 99-122. – William Duba, « Franciscan Mixtures : William of Brienne on the Elements », 123-149. – Roberta Padlina, « Matière et puissance dans la pensée de Jacques d’Ascoli », 151-171. – Antonio Petagine, « La matière est-elle un étant positif ? La réponse de Jean le Chanoine », 173-190. – Joël Biard, « Matière, forme, qualités. Blaise de Parme et le statut de la matière », 191-215. – Aurélien Robert, « Pietro d’Abano et le matérialisme », 217-250. – Marc Bayard, « La conception dynamique de la matière chez Nicolas de Cues », 251-268. – Olivier Ribordy, « La notion de matière selon Francisco Suárez : à la fois acte entitatif et puissance ? », 269-293. – Nicolas Weill-Parot, « La matière dans l’explication des phénomènes extraordinaires (xiiie-xve siècles) », 295-313. – Michele Bacci, « Controverses islamo-chrétiennes au sujet de la matérialité religieuse. Images et lieux saints du Moyen Orient selon Ibn Taymiyya », 315-333. – Michel Pastoureau, « De la matière à la couleur : teindre en Occident à la fin du Moyen Âge », 335-355. – Michela Pereira, « Mother of All Creatures : Alchemical Views on Matter in the Latin Middle Ages », 357-379. – Index, 381-395.
-
[30]
Voir ci-dessous, p. 199-201.
-
[31]
Voir ci-dessus, p. 170-173.
-
[32]
Béatrice Bakhouche (éd.), Sciences et exégèse. Les interprétations antiques et médiévales du récit biblique de la création des éléments (Genèse 1, 1-8), Turnhout, Brepols (coll. « Bibliothèque de l’école des hautes études – Sciences religieuses », 167), 2016 ; 15,5 × 23,5, 388 p., 70 €. ISBN : 978-2-503-56703-7. Sommaire : B. Bakhouche, « Avant propos », 5-9. – « Première partie. Les textes fondateurs » : Dany Nocquet, « Pourquoi a-t-on écrit Gn 1, 1-8 ? Quelques indications sur l’origine et le milieu producteur de Gn 1 », 13-29. – Jan Joosten, « Le verbe créateur. Réflexions sur le texte hébreu de Genèse 1, 1-8 », 31-40. – Ron Naiweld, « Le rien d’avant le monde. Dieu et Torah dans la lecture rabbinique de la création du monde », 41-50. – Gilles Dorival, « Genèse 1, 1-8. Texte massorétique et Septante », 51-61. – « Deuxième partie : Réceptions dans le monde hellénistique » : Jérôme Moreau, « Une première théologique de la création. Le De opificio mundi de Philon d’Alexandrie (1-37) », 65-78. – Claudio Moreschini, « Il firmamento e le acque sopracelesti di Gen 1, 6-8. Gregorio di Nissa tra oriente e occidente », 79-96. – Christophe Leblanc, « Origène, le corps cosmique comme corps scriptural », 97-110. – Chiara Ombretta Tommasi, « L’univers gnostique des ténèbres entre platonisme et Écriture. Notes sur la cosmogonie de l’Écrit sans Titre (NHC 2,5) », 111-127. – Colette Pasquet, « La distinction créateur/création. Principe et fondement de l’interprétation de Gn 1, 1-2 chez Éphrem et Narsaï (ive-ve siècles) », 129-145. – Marie-Hélène Congourdeau, « Cosmas Indicopleustès et Jean Philopon. Deux lectures de la Genèse à Alexandrie au vie siècle », 147-159. – « Troisième partie : Réceptions dans le monde romain » : Paul Mattei, « Et vidit Deus quod esset bonum. La paradoxale dignité de la création matérielle dans la tradition chrétienne. Quelques jalons patristiques », 163-173. – Jérôme Lagouanère, « Temps et matière. L’exégèse augustinienne de Gn 1, 1-8, entre discours scientifique et exigence spirituelle », 175-188. – Cécile Biasi, « “Commencer” et “créer” (Genèse 1, 1-8). L’approche d’historien et d’hébraïsant de saint Jérôme à la lumière de la Préface au Pentateuque », 189-223. – Paul-Augustin Deproost, « Natura creatrix. Jeux d’eau, de lumière et de feu aux deux premiers jours du monde dans l’Hexaméron poétique de Dracontius », 225-243. – Michele Cutino, « Connaissances scientifiques et exégèse de Gn 1, 1-8 dans l’epos biblique des ve-vie siècles », 245-260. – « Quatrième partie : Lectures médiévales » : Alessandra Di Pilla, « Bède et le silence de Gn 1, 8 sur la probatio divina des œuvres du deuxième jour », 263-275. – Raffaele Savigni, « Science et exégèse dans quelques commentaires carolingiens sur Genèse 1, 1-8. Le ciel, les anges et les hommes », 277-313. – Isabelle Marchisin, « Caro salutis cardo. Mise en forme et métamorphoses des éléments du monde dans la porte de bronze d’Hildesheim », 315-332. – Annie Noblesse-Rocher, « La création de la lumière primordiale dans les sources monastiques du xiie siècle », 333-346. – Marie-Anne Vannier, « Eckhart, une lecture de Genèse 1, 1 », 347-354. – Gilbert Dahan, « Les deux récits de la création dans l’exégèse du xiiie et du xive siècles », 355-369. – « Et pour aller plus loin … » : Anastasios Brenner, « La création du monde selon la Genèse et la science moderne », 373-384. – Table des matières, 385-387.
-
[33]
Voir ci-dessus, p. 193.
-
[34]
Anna Rodolfi, « Forme incoate o potenza della materia ? Olivi e le rationes seminales », aux p. 193-205 de l’ouvrage Vedere nell’ombra dont on trouvera la référence complète à la note suivante. Cette contribution est de quelque manière complémentaire à l’étude du même auteur dont il a été question plus haut : voir ci-dessus, p. 193-194.
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[35]
Cecilia Panti e Nicola Polloni, (éd.), Vedere nell’ombra. Studi su natura, spiritualità e scienze operative offerti a Michela Pereira, Firenze, Sismel-Edizioni del Galluzzo (coll. « Micrologus Library », 90), 2018 ; 14 × 21, xxiv + 432 p., 62 €. ISBN : 978-88-8450-813-3. Sommaire, v-vii. – C. Panti, N. Polloni, « Introduzione », ix-xxiii. – Alessandro Linguiti, « La mente, il rito, il corpo. Appunti sulla soteriologia caldaica », 3-12. – Paola Carusi, « Come l’olio nel sesamo e la resina nel terebinto. Alchimisti e teologi e la questione del “corpo sottile” », 13-24. – Pinella Travaglia, « La sapienza del cuore. Appunti per un confronto tra Bernardo di Chiaravalle e al-Ġāzalī », 25-43. – Silvana Vecchio, « Nec mimus, nec histrio : l’ars theatrica nel xii secolo », 45-55. – Carla Casagrande, « La ricerca della perfezione nel Liber de humanis moribus per similitudines attribuito ad Anselmo di Aosta », 57-66. – Marta Cristiani, « Pulchritudo virtutum : per un’estetica delle virtù. Ildegarda e l’eleganza della giustizia », 67-76. – Georgina Rabassó, Rosa Rius Gatell, « Fuerzas cósmicas en lucha. El Ordo virtutum de Hildegarda de Bingen », 77-89. – Peter Dronke « Another Work by Hildegard of Bingen », 91-102. – N. Polloni, « L’acqua che si trasforma in pietra : Gundissalinus e Avicenna sulla generazione dei metalli », 103-120. – Francesco Santi, « Folco di Marsiglia e Giacomo da Vitry. Storia di un’amicizia », 121-131. – Gian Carlo Garfagnini, « Lettura e significato del mito nel xii secolo », 133-145. – Paola Bernardini, « Non si scherza con il fuoco. La pena infernale secondo un anonimo maestro di Arti (1270 ca.) », 147-159. – C. Panti, « Immagini della donna nello pseudo-ovidiano De vetula », 161-177. – Jeremiah Hackett, « Bacon and his First Interpreter. The Anonymous Iuvenis Iohannes », 179-192. – A. Rodolfi, « Forme incoate o potenza della materia ? Olivi e le rationes seminales », 193-205. – Elisa Chiti, « Substantia divina est ut substantia propria quae non fluit. Dall’emanazione all’unità », 207-218. – Gabriella Pomaro, « A proposito di libelli lulliani », 219-237. – Lola Badia, Joan Santanach, Albert Soler, « Storia e geografia nel Romanç d’Evast e Blaquerna di Ramon Llull », 239-249. – A. Paravicini Bagliani, « Un nuovo codice dello Speculum Astronomiae ( Siena, Biblioteca Comunale degli Intronati, L III 11 ). Riflessioni codicologiche », 251-264. – Roberto Lambertini, « Fedeltà alla regola francescana e prassi conventuale nella Firenze di fine Duecento : una Quaestio di Pietro de Trabibus », 265-276. – Iolanda Ventura, « Medicina e farmacologia “scolastica” nei commenti all’Antidotarium Nicolai », 277-297. – Gianfranco Fioravanti, « La Questio utrum virtus sive potentia anime sit idem cum anima di Antonio da Parma », 299-314. – Chiara Crisciani, « Virtù e requisiti dell’alchimista : Bernardo di Grava », 315-330. – Eleonora Buonocore, « The Other Model : Siena as a Purgatorial City in Dante », 331-341. – Mario Meliadò , « Rappresentazione della scolastica e apologia dell’ignoranza. Una postilla al De vanitate di Cornelio Agrippa », 343-360. – Ferdinando Abbri, « Paracelso, alchimia e chemica : Aspetti del dibattito storiografico contemporaneo », 361-374. – Carla Compagno, « I Perspicilia lulliana philosophica di Ivo Salzinger », 375-390. – Giuseppe Cognetti, « Uomo, natura e Dio nel pensiero di Raimon Panikkar », 391-405. – Vincenzo Carlotta, « Bibliografia di Michela Pereira », 407-416. – Index, 417-430.
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Un détour codicologique est aussi envisageable, avec Gabriella Pomaro, qui examine deux témoins de première génération des Libelli de Lulle, et Agostino Paravicini Bagliani, qui étudie un nouveau témoin du Speculum astronomiae et le situe par rapport à ses précédentes recherches au sujet de la tradition manuscrite de cet ouvrage.
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Giovanni Catapano, Onorato Grassi (éd.), Rappresentazioni della natura nel Medioevo, Firenze, Sismel-Edizioni del Galluzzo (coll. « Micrologus Library », 94), 2019 ; 14 × 21, xiv+342+[24] p., 66 €. ISBN : 978-88-8450-904-8. Sommaire, v-vii. – G. Catapano, O. Grassi, « Prefazione », vii-xiv. – Alessandro Scafi, « Natura perfetta nell’Eden : un’utopia medievale », 3-25. – Enrico Moro, « Rappresentazioni della natura nel De Genesi ad litteram di Agostino », 27-40. – Clelia V. Crialesi, « Un approccio matematizzante nell’analisi della realtà naturale : l’Explanatio in Calculo Victorii di Abbone di Fleury », 41-58. – P. Carusi, « Natura, nature. Mizāǧ, trasmutazione alchemica e filosofia aristotelica », 59-81. – Valeria Russo, « L’espressione dell’anima e la parola del corpo : su alcuni significati del tópos di matrice naturalistica nella lirica cortese », 83-96. – Fabrizio Amerini, « Limiti e significato di “natura” : Tommaso d’Aquino lettore di Aristotele », 97-110. – Andrea Porcarelli, « La rappresentazione della natura umana “sulla linea di orizzonte” in Tommaso d’Aquino e i suoi riflessi nel personalismo pedagogico del xx secolo », 111-124. – Riccardo Saccenti, « Impressio legis aeternae. La legge naturale nel trattato De legibus di Giovanni de La Rochelle », 125-138. – Giovanni Rossi, « Iurisconsultus principia iuris […] trahit a principiis naturae » : la riflessione sulla natura in Alberico da Rosate e Baldo degli Ubaldi », 139-153. – Paola Dessì, « I madrigali di Bartolino da Padova : lessico naturalistico e livelli di significazione », 155-172. – Antonio Lovato, « La plenitudo vocis articolata e letterata nella musica armonica di Marchetto da Padova », 173-192. – Fabio Zanin, « Forme artificiali e separabilità degli accidenti. Il dibattito su natura ed arte a Parigi alla metà del xiv secolo », 193-206. – Chiara Beneduce, « La fisiologia del tatto nel xiv secolo : il caso di Giovanni Buridano », 207-220. – Zuleika Murat, « Rappresentare la “Natura Incorrotta” : casse reliquiario e corpi santi a Venezia fra xiii e xiv secolo », 221-239. – Chiara Ponchia, Federica Toniolo, « Dal margine al centro : raffigurazioni di natura nei manoscritti miniati tra xiii e xiv secolo », 241-258. – I. Ventura, « Scienza della natura e farmacologia accademica tra xiii e xiv secolo : un progetto di lavoro », 259-274. – Xavier Barral i Altet, « La terra, l’acqua, e i loro abitanti : a proposito della rappresentazione della natura nell’arte monumentale romanica », 275-290. – Remy Simonetti, « Ipso ex naturae gremio. La natura come modello nel pensiero e nella pratica architettonica di Leon Battista Alberti », 291-303. – A. Paravicini Bagliani, « Conclusioni », 305-319. – « Tavole [1-12] », 321-322 [+ 24 p. non numérotées]. – Index, 323-340.
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Bénédicte Sère (dir.), Les régimes de polémicité au Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes (Coll. « Hors série »), 2019 ; 15,5 × 24, 216 p., 35 €. ISBN : 978-2-7535-7562-2. Sommaire : B. Sère, « Introduction », 7-14. – Alessandro Capone, « Cristianesimi e polemiche nei primi secoli : approcci e prospettive », 15-29. – Warren Pezé, « Nouvelles approches sur le fait controversial au haut Moyen Âge », 31-44. – Leidulf Melve, « The problem with “polemical literature”. Definitions and strategies in polemical literature », 45-61. – Charles de Miramon, « Y a-t-il un espace public de la Réforme grégorienne ? L’exemple des traités en faveur du mariage des clercs autour de l’année 1075 », 63-71. – Alain Rauwel, « Les polémiques grégoriennes entre espace public et communautés émotionnelles », 73-82. – Sita Steckel, « Une querelle de théologiens ? The concept of “polemic” in the historiography of the secular-mendicant controversy », 83-97. – Emmanuel Bain, « Les théologiens contre la polémique ? Régimes de polémicité et figure du maître dans l’exégèse médiévale (xiie-xiiie siècle) », 99-117. – Philippe Bobichon, « Réflexions sur ce que pourrait être une polémologie des controverses judéo-chrétiennes médiévales », 119-135. – Antoine Destemberg, « L’espace public de la polémique : lecture croisée », 137-149. – Bénédicte Sère, « Le pape et le concile au xve siècle : état de l’art », 151-167. – Olivier Marin, « Du bon usage de la polémologie. Les réserves d’un hussitologue », 169-183. – « Table ronde », 185-194. – Dominique Iogna-Prat, « Conclusion. Incertaines polémiques médiévales », 195-202. – Index 203-205. – « Les auteurs », 207-211.
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Patrick Boucheron et Vincent Azoulay (éd.), Le mot qui tue : une histoire des violences intellectuelles de l’Antiquité à nos jours, Seyssel, Champ Vallon, 2009.
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P. Boucheron et Nicolas Offenstadt (éd.), L’espace public au Moyen Âge. Débats autour de Jürgen Habermas, Paris, Presses Universitaires de France, 2011.
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Virginia Burrus, The making of a Heretic. Gender, Authority and the Priscillianist Controversy, Berkeley, Los Angeles, University of California Press, 1995.
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Les lois religieuses des empereurs romains. De Constantin à Théodose II (312-438), vol. I, Code théodosien, Livre XVI, 2.26, trad. Jean Rougé, Paris, Éditions du Cerf (Coll. « Sources chrétiennes », 497), 2005, p. 221.
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[43]
L’auteur s’inspire de Giancarlo Rinaldi, Cristianesimo nell’antichità. Sviluppi storici e contesti geografici (secoli i-viii), Chieti, Roma, Gruppi biblici universitari, 2008.
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[44]
Pour une présentation plus détaillée de l’ouvrage dans sa première édition, qu’il me soit permis de renvoyer à mon compte rendu paru dans « Bulletin d’histoire des doctrines médiévales », Rev. Sc. ph. th. 95 (2011), p. 429-472 : 456-457.
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[45]
Serge-Thomas Bonino, Les Anges et les démons, Deuxième édition, revue et augmentée, Paris, Parole et Silence (coll. « Bibliothèque de la Revue thomiste. Cours de théologie »), 2017 ; 15, 2 × 23, 5, 456 p., 32 €. ISBN : 978-2-84573-560-6.
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Henri de Gand, Matthieu d’Aquasparta, Richard de Mediavilla, Pierre de Jean Olivi, Les Anges et le lieu. Quatre questions sur la localisation des substances séparées, Textes latins introduits par Tiziana Suarez-Nani, traduits et annotés par T. Suarez-Nani, Olivier Ribordy, Gabriel Evangelista, Giacomo Lardelli, Philippe Schultheiss, Paris, Vrin (coll. « Translatio. Philosophies Médiévales »), 2017 ; 11,3 × 17,9, 288 p., 12,5 €. ISBN : 978-2-7116-2727-1.
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Père Jean-Baptiste (Guillaume) Golfier, Tactiques du diable et délivrances. Dieu fait-il concourir les démons au salut des hommes ?, Paris-Perpignan, Artège-Lethielleux (coll. « Sed contra »), 2018 ; 16 × 23, 1053 p., 36 €. ISBN : 978-2-249-62589-3.
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Joël Biard et Aurélien Robert (éd.), La Philosophie de Blaise de Parme. Physique, psychologie, éthique, Firenze, Sismel-Edizioni del Galluzzo (coll. « Micrologus Library », 96), 2019 ; 14 × 21, vi+292 p., 54 €. ISBN : 978-88-8450-921-5. Sommaire : « Table des matières », v-vi. – J. Biard et A. Robert, « Introduction », 3-12. – Andrea A. Robiglio, « Le philosophe comme personnage littéraire : Blaise Pelacani de Parme dans le Paradiso degli Alberti », 13-31. – A. Robert, « L’éthique de Blaise de Parme dans ses Questions sur la Physique », 33-58. – Christophe Grellard, « Une histoire naturelle des religions : Blaise de Parme, les astres et les sectes », 59-82. – J. Biard, « Rationalismes régionaux dans la philosophie médiévale tardive : le cas de Blaise de Parme », 83-106. – Graziella Federici Vescovini, « Blaise de Parme et l’intelligibilité mathématique », 107-127. – Daniel A. Di Liscia, « Biagio Pelacani de Parma’s Geometrisation of Latitudes and the Problems of the Mean Degree Theorem », 129-152. – Sabine Rommevaux-Tani, « Les règles du mouvement dans la seconde rédaction des Questions sur la Physique de Blaise de Parme », 153-174. – Magali Roques, « Blaise de Parme et la quantité », 175-196. – Nicolas Weill-Parot, « Une position originale ? Le contact entre le moteur et le mû dans les Quaestiones disputatae super octo libros Physicorum de Blaise de Parme », 197-217. – Fabio Seller, « La détermination des positions des astres dans l’optique de Blaise de Parme », 219-232. – Valeria Sorge, « Sens externes et sens internes chez Blaise de Parme », 233-246. – José Felipe Silva, « Blasius of Parma on the Activity of Sense », 247-270. – « Bibliographie », 271-282. – « Index des noms de personnes et d’œuvres », 285-290. – « Index des manuscrits », 291.