Couverture de RSPT_1024

Article de revue

Bulletin d’histoire des doctrines médiévales

Pages 643 à 710

Notes

  • [*]
    Le bulletin est rédigé par des membres de la Commission léonine sous la coordination de Marta Borgo. Cette livraison du bulletin accueille également des récensions d’Élisabeth Boncour et d’Olivier Boulnois (PSL, EPHE, UMR 8584). Les auteurs, signalés dans le texte par leurs initiales, restent responsables de leurs notices.
  • [1]
    Ioannis Duns Scoti Notabilia super Metaphysicam, cura et studio Giorgio Pini, Turnhout, Brepols (coll. « Corpus Christianorum Continuatio Mediaeualis » 287), 2017 ; 15,5 × 24,5, lxxii + 260 p., 190 €. ISBN : 978-2-503-57785-2.
  • [2]
    Sur la version de la Métaphysique utilisée par Duns Scot dans les Notabilia et les difficultés concernant son identification, voir p. xlix, avec la n. 132, et le deuxième appendice (p. 207-213), où G. P. montre la proximité entre le texte commenté par Scot et la Moerbekana, arrivant à supposer qu’il s’agisse d’une copie dérivée du deuxième exemplar parisien de celle-ci.
  • [3]
    G. Pini, « Notabilia Scoti super Metaphysicam : una testimonianza ritrovata dell’insegnamento di Duns Scoto sulla Metafisica », Archivum franciscanum historicum 89 (1996), p. 137-180.
  • [4]
    Sur la présence de traces de ces systèmes de renvoi dans le manuscrit V, voir p. xxxviii-xxxix.
  • [5]
    Petri Thomae Quaestiones de ente, éd. Garrett R. Smith, Leuven, Leuven University Press (coll. « Ancient and Medieval Philosophy – Series 1 » 52/2), 2018 ; 15,6 × 23,4, ccxxxv + 590 p., 200 €. ISBN : 978-94-6270-161-8.
  • [6]
    Rodney M. Thomson, A Descriptive Catalogue of the Medieval Manuscripts in the Library of Peterhouse, Cambridge, Cambridge, D. S. Brewer, 2016 ; 24 × 31, xli + 230 p. + [52] p. de planches, £ 95. ISBN : 978-1-84384-441-9. Sommaire : « Contents », v. – « List of Illustrations », vi-vii. – « Acknowledgements », ix. – « Abbreviations », x-xvi. – « Introduction », xvii-xl. – « Editorial Conventions », xli. – « The Catalogue », 1‑173. – « Appendix A : Manuscript Fragments in Peterhouse Printed Books », 175‑193. – « Appendix B : Medieval Peterhouse Manuscripts no longer in the Main Collection », 194‑211. – « Index of Manuscripts and Printed Books », 212‑216. – « General Index », 217‑230. – « Plates », [231‑282].
  • [7]
    Concernant Thomas d’Aquin, il faut compléter la description des manuscrits ci-dessous. (i) Peterhouse 184 (p. 111), « 2. Tabula libri Ethicorum » : publiée dans l’éd. Léon., t. 48, p. B1-B172 ; « 4. Capitula of Aristotle [...] Eth. Nic. », copiés aux f. 144vb-145va, à l’intérieur d’une série de capitula d’œuvres d’Aristote : en vérité ils sont partie intégrante de la Tabula de Thomas (éd. Léon., t. 48, p. B7). (ii) Peterhouse 245 (p. 150), « 1. Boèce, De hebdomadibus », suivi du commentaire de Thomas d’Aquin : il faut ajouter la référence à l’éd. Léon., t. 50, p. 231-293. (iii) Oxford, Bodl. Libr., Ashmole 369 (p. 207), « 22. De substantiis separatis » : il faut ajouter la référence à l’éd. Léon., t. 40, p. D1‑D87.
  • [8]
    Piero Scapecchi, Catalogo degli Incunaboli della Biblioteca nazionale Centrale di Firenze, Presentazione di Luca Bellingeri, Biblioteca Nazionale Centrale di Firenze-Nerbini (coll. « Lo scaffale della Biblioteca. Materiali della Biblioteca Nazionale Centrale di Firenze » 1), Firenze, 2017 ; 16,5 × 23,5, 564 p., 85 €. ISBN : 978-88-6434-125-5. Sommaire : « Presentazione », 5‑8. – « Introduzione », 9‑59 : « Avvertenze », 23‑25 ; « Appendice I (Incunaboli magliabechiani) », 25‑36 ; « Appendice II (Giuseppe Molini) », 36‑57 ; « Appendice III (Acquisti palatini) », 57‑59. – « Principali abbreviazioni », 61‑62. – « Bibliografia », 63‑75. – « Catalogo degli Incunaboli », 77‑424. – « Tavole », 425‑448 [31 reproductions]. – « Indici », 449‑564.
  • [9]
    IGI : Indice generale degli incunaboli delle biblioteche d’Italia, Roma, Istituto poligrafico e Zecca dello Stato-Libreria dello Stato, 1943‑1981, 6 vol. ; ISTC : Incunabula Short Title Catalogue, voir http://www.bl.uk/catalogues/istc/.
  • [10]
    Nicole Bériou, André Vauchez et Michel Zink (éd.), Les Dominicains en France (xiiie-xxe siècle), Actes du colloque international organisé par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et la Province dominicaine de France pour le viiie centenaire de la fondation de l’Ordre des Prêcheurs par saint Dominique à la Fondation Simone et Cino Del Duca, à la Bibliothèque Mazarine (Institut de France), à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et au couvent de l’Annonciation, du 10 au 12 décembre 2015, Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres / Éditions du Cerf, 2017 ; 16 × 24, x + 654 p., 50 €. ISBN : 978-2-87754-354-5 (Aibl) / 978-2-20412-242-9 (Cerf). Sommaire : A. Vauchez, N. Bériou, Dominique Julia, « Avant-propos », vii-viii. – M. Zink, « Allocution d’accueil », ix-x. – [1] « La transmission du message religieux. A. Prédication et pastorale » : N. Bériou, « Des “frères Prêcheurs” : quel renouveau pastoral dans la France du xiiie siècle ? », 1-20. – Sylvie Duval, « Les Dominicains et les femmes (fin du Moyen Âge-début de l’époque moderne) », 21-38. – Isabelle Brian, « Les prédicateurs dominicains à Paris au xviie et xviiie siècles », 39-52. – « B. De nouveaux modes de communication » : Étienne Fouilloux, « Comment le Cerf est devenu une vraie maison d’édition », 53-63. – Yvon Tranvouez, « Maydieu, Boisselot et après… Les périodiques d’inspiration dominicaine dans la postérité du Père Bernadot », 65-77. – Isabelle Saint-Martin, « “Aux grands hommes les grandes choses”. L’Art sacré de Couturier et Régamey à Cocagnac et Capellades », 79-107. – [2] « L’autoconscience de l’ordre dominicain et ses mutations » : Anne Reltgen Tallon, « La construction d’une mémoire dominicaine, du Moyen Âge aux Temps modernes », 111-128. – Agnès Dubreil Arcin, « Le sens de l’œuvre hagiographique du Dominicain Bernard Gui », 129‑150. – Jean-Marie Le Gall, « Les Dominicains en France à la Renaissance », 151-171. – Jean-Louis Quantin, « L’érudition dominicaine dans la France moderne », 173-194. – [3] « Cultes et dévotions » : Catherine Vincent, « La lente diffusion du culte de saint Dominique dans le nord du Royaume de France (xiiie-xve s.) », 197-220. – Bernard Dompnier, « Les saints dominicains entre culte liturgique et pratiques dévotionnelles (xviie-xviiie s.), 221-241. – Marie-Hélène Froeschlé-Chopard, « Les confréries du Rosaire et leurs images à l’époque moderne », 243-273. – [4] « Un ordre de théologiens ? » : Marielle Lamy, « Les Dominicains et l’Immaculée Conception : une histoire tourmentée (xiiie-xvie s.) », 277-301. – Sylvio Hermann De Franceschi, « Théologie et théologiens thomistes dans la querelle catholique de la grâce. L’antimolinisme des Dominicains français (xviie-xxe s.) », 303-327. – Michel Fourcade, « Les Dominicains français et le néo-thomisme », 329-350. – [5] « Le choc de la Révolution française : ruptures et reconstruction » : Paul Chopelin, « Les Dominicains et la Révolution française », 353-373. – Augustin Laffay, « Les paradoxes de la vocation dominicaine de Lacordaire », 375-388. – Anne Philibert, « Lacordaire dans la crise française (1846-1853) », 389-396. – Sylvain Milbach, « Lacordaire : catholicisme libéral et histoire. “La liberté a été plus féconde que les vieilles mœurs féodales” », 397-415. – [6] « Les Dominicains et les autres. A. Au Moyen Âge » : Jean-Louis Biget, « Les Dominicains, les hérétiques et l’Inquisition en Languedoc », 419‑429. – Sean L. Field, « Philippe le Bel et ses confesseurs dominicains : une question de loyauté », 431-442. – A. Vauchez, « Regards critiques sur les Dominicains dans la France méridionale au xive siècle », 443-459. – « B. Aux xixe et xxe siècles » : Tangi Cavalin, « Du projet lacordairien de restauration dominicaine à sa mondialisation : les Dominicains des provinces françaises hors des frontières nationales (1850-1914) », 461-481. – Michel Mallèvre, « Les Dominicains français et la promotion de l’unité des chrétiens au xxe siècle : engagements personnels et institutions », 483-502. – Dominique Avon, « Frères Prêcheurs et intellectuels musulmans dans le contexte post-conciliaire : L’Institut dominicain d’études orientales (1965-1995) », 503‑527. – « Épilogue : À propos des Dominicains en France de Vatican II au début du xxie siècle », 529‑531. – [7] « Une bibliothèque retrouvée : les livres du Couvent des Jacobins de Paris, du Moyen Âge à la Révolution (Exposition, Bibliothèque Mazarine, 14 déc. 2015 – 11 mars 2016) » : Yann Sordet, « Introduction », 535‑536. – Florine Lévecque-Stankiewicz, « Catalogue de l’exposition », 537‑599 ; « Liste des œuvres de l’exposition », 601-610. – « Index », 611‑648. – « Liste des auteurs », 649‑650. – « Table des matières », 651-653.
  • [11]
    Catherine Kikuchi, La Venise des livres 1469-1530, Préface d’Élisabeth Crouzet-Pavan, Ceyzérieu, Champ Vallon (coll. « Époques »), 2018 ; 15 × 24, 350 p., 26 €. ISBN : 979-10-267-0702-8. Nous signalons simplement à nos lecteurs cet ouvrage de qualité, issu d’une thèse de doctorat.
  • [12]
    Jean de Mailly, O. P., Abrégé des gestes et miracles des saints, traduit du latin par Antoine Dondaine, Paris, Éditions du Cerf (coll. « Bibliothèque d’histoire dominicaine » 1), 1947.
  • [13]
    Jean de Mailly, Abbreviatio in gestis et miraculis sanctorum. Supplementum hagiographicum, Editio princeps, a cura di Giovanni Paolo Maggioni, Firenze, Sismel-Edizioni del Galluzzo (coll. « Millennio medievale » 97, « Testi » 21), 2013.
  • [14]
    Jean de Mailly, O. P., Dieci secoli di Francia cristiana. Abbreviatio in gestis et miraculis sanctorum, Traduzione italiana a cura di Valerio Ferrua, O. P. con la collaborazione di Gabriella Dogliani e un saggio di Giovanni Paolo Maggioni, Firenze, Nerbini (coll. « Biblioteca di Memorie Domenicane » 16), 2017 ; 15,5 × 23,5, 448 p., 45 €. ISBN : 978-88-6434-263-4.
  • [15]
    Ibid., p. 17-27 : « Jean de Mailly et l’Abbreviatio in gestis sanctorum. La storia e l’importanza nella cultura europea di un leggendario e del suo autore ».
  • [16]
    Jean Duns Scot, Questions sur la Métaphysique. Volume I. Livres I à III. Introduction, traduction et notes par Olivier Boulnois et Dan Arbib. Avec une introduction au texte latin par Dominique Poirel, Paris, Presses universitaires de France (coll. « Epiméthéé »), 2017 ; 15 × 21,5, 577 p., 39 €. ISBN : 978-2-13-057969-4.
  • [17]
    G. Pini, « Notabilia Scoti super Metaphysicam : una testimonianza », art. cité ; voir ci-dessus, p. 644.
  • [18]
    Ioannis Duns Scoti Quaestiones super libros Metaphysicorum Aristotelis, t. I et II, éd. Robert R. Andrews et al., St. Bonaventure NY, The Franciscan Institute (coll. « Ioannis Duns Scoti Opera Philosophica » 3-4), 1997.
  • [19]
    La note additive (§ 19-20, p. 68-71) peut être lue comme une auto-critique de sa position antérieure qui interprète la métaphysique comme science transcendantale (voir p. 69, n. 6).
  • [20]
    Voir à ce sujet la remarquable étude de Carlos Steel, Der Adler und die Nachteule. Thomas und Albert über die Möglichkeit der Metaphysik, Münster, Aschendorff (coll. « Lectio Albertina » 4), 2001.
  • [21]
    Pour comprendre cette ample discussion où Averroès joue un rôle crucial, il faut se référer aux chapitres 43-45 du troisième livre de la Somme contre les Gentils, où Thomas traite explicitement de ce sujet et réfute avec virulence la position d’Averroès. Malheureusement cette source vraiment décisive n’a pas été identifiée par les traducteurs, qui se réfèrent uniquement à la Somme de théologie (ce qui dans ce cas n’est pas la source qu’il faut citer).
  • [22]
    Voir à ce sujet : Duns Scot, Traité du premier principe. Tractatus de primo principio, Texte latin établi par Wolfgang Kluxen, traduit du latin par Jean-Daniel Cavigioli et al., sous la direction de Ruedi Imbach, avec une introduction de François-Xavier Putallaz, Paris, Vrin (coll. « Bibliothèque des textes philosophiques »), 2001, chap. iv, p. 136-205. Cet ouvrage ne figure pas dans la bibliographie.
  • [23]
    O. Boulnois, Métaphysiques rebelles. Genèse et structures d’une science au Moyen Âge, Paris, Presses universitaires de France (coll. « Epiméthée »), 2013, p. 126.
  • [24]
    Henri Suso, L’Horloge de la Sagesse, Traduction de Jean-Claude Lagarrigue, introduction de Marie-Anne Vannier, choix iconographique par Monique Gruber, Paris, Les Belles Lettres (coll. « Sagesse médiévale » 19), 2017 ; 13,5 × 20,5, 343 p., 35 €. ISBN : 978-2-251-44761-2.
  • [25]
    Pius Künzle (éd.), Heinrich Seuses Horologium Sapientiae, Erste kritische Ausgabe unter Benützung der Vorarbeiten von Dominikus Planzer, Freiburg (Schweiz), Universitätsverlag (coll. « Specilegium Friburgense » 23), 1977.
  • [26]
    Henri Suso, L’Œuvre mystique, introduction et traduction du R. P. Benoît Lavaud, vol. 5 : L’Horloge de la sagesse, Paris-Fribourg, LUF-Egloff, 1948. Sur le P. Lavaud, voir Histoire de l’Université de Fribourg 1889-1989, éditée par une commission de professeurs présidée par Roland Ruffieux et par le Rectorat de l’Université, Fribourg, Éditions universitaires, 1991-1992, p. 965 ; voir aussi p. 524, 556‑567, 661, 728, et surtout : Benoît Lavaud (1890-1979). Souvenirs en fragment, texte introduit et annoté par Paul-Bernard Hodel, Paris, Éditions du Cerf (coll. « Mémoire dominicaine » 19), 2004.
  • [27]
    Henri Suso, Horologium Sapientiae, éd. Kunzle, op. cit., p. 48. Rappelons que Künzle a édité les Questions sur l’âme séparée de Bernard de Treille, un disciple de Thomas de la première heure : Bernardi de Trilia Quaestiones disputatae de cognitione animae separatae, Bern, A. Francke (coll. « Corpus philosophorum medii aevi. Opera philosophica mediae aetatis selecta » 1), 1969.
  • [28]
    Ruedi Imbach, « Anmerkungen zu den thomistischen Quellen des ‘Horologium sapientiae’ », dans Rüdiger Blumrich, Philipp Kaiser (éd.), Heinrich Seuses “Philosophia spiritualis”. Quellen, Konzept, Formen und Rezeption, Wiesbaden, Reichert (coll. « Wissensliteratur im Mittelalter » 17), 1994, p. 71-83.
  • [29]
    Plus particulièrement en Allemagne. Voir à ce propos : Maarten J. F. M. Hoenen, Ruedi Imbach, Catherine König-Pralong (éd.), « Deutsche Thomisten des 14. Jahrhunderts : Lektüren, Aneignungsstrategien, Divergenzen. / Thomistes allemands du xive siècle : lectures, stratégies d’appropriation, divergences », Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Théologie 57/2, 2010, p. 227-430.
  • [30]
    Heinrich Seuse, Das Buch der Wahrheit / Daz buechli der warheit, Mittelhochdeutsch-Deutsch, herausgegeben und mit einer Einleitung versehen von Loris Sturlese, übersetzt von Rüdiger Blumrich, Hamburg, Meiner (coll. « Philosophische Bibliothek » 458), 1993.
  • [31]
    Voici la traduction de B. Lavaud du même passage (L’Horloge, op. cit., p. 322) : « Que de livres de philosophes tu as lus, que de philosophes tu as entendu citer ! Or, en aucune philosophie, tu n’as entendu faire aucune mention de cet Arsène. »
  • [32]
    Ulla Williams, « Vatter ler mich. Zur Funktion von Verba und Dicta im Schrifttum der deutschen Mystik », R. Blumrich, Ph. Kaiser (éd.), Heinrich Seuses “Philosophia spiritualis”, op. cit., p. 173-188 ; Werner Williams-Krapp, « “Nucleus totius perfectionis”. Die Altväterspiritualität in der Vita Heinrich Seuses », dans Johannes Janota et al. (éd.), Festschrift Walter Haug und Burghart Wachinger, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, 1992, I, p. 407-421. Mais il faudrait également mentionner Louise Gnädinger, « Arsenius. Ein bevorzugter geistlicher Lehrmeister Heinrich Seuses », Jakobus Kaffanke (éd.), Heinrich Seuse – Diener der Ewigen Weisheit, Freiburg i. Br., Verlag der Katholischen Akademie der Erzdiözese Freiburg, 1998, p. 87-159 (nouvelle édition augmentée : Berlin, LIT [coll. « Henrich-Seuse-Forum » 1], 2013, p. 69-137).
  • [33]
    Lavaud traduit (L’Horloge, op. cit., p. 320) : « la source et l’origine de tous biens pour l’homme spirituel, c’est de rester continuellement dans sa cellule. »
  • [34]
    Blaise Pascal, Pensées opuscules et lettres, éd. Philippe Sellier, Paris, Classiques Garnier (coll. « Bibliothèque du xviie siècle » 2), 2010, p. 168.
  • [35]
    Jacqueline Hamesse (éd.), Les Auctoritates Aristotelis. Un florilège médiéval. Étude historique et édition critique, Louvain-Paris, Publications Universitaires-Béatrice-Nauwelaerts (coll. « Philosophes médiévaux » 17), 1974.
  • [36]
    Jacqueline Hamesse, José Meirinhos (éd.), Les Auctoritates Aristotelis, leur utilisation et leur influence chez les auteurs médiévaux. État de la question 40 ans après la publication, Barcelona-Madrid, Fédération Internationale des Instituts d’Études Médiévales (coll. « Textes et études du Moyen Âge » 83), 2015 ; 16,5 × 24, ix + 362 p., 55 €. ISBN : 978-2-503-56738-9. Sommaire : « Table de contenu », v. – J. Meirinhos, « Préface », vii-ix. – J. Hamesse, « Des Parvi Flores aux Auctoritates Aristotelis », 1-15. – María José Muñoz, « Los manuscritos de las Auctoritates Aristotelis conservados en España », 17-37. – José Filipe Silva, « What Source : Textbook or Original Text ? The Use of Florilegia by Robert Kilwardby », 39-49. – Marco Toste, « Parvi Flores and Philosophia Practica : Medieval Florilegia and their Use in Aristotelian Commentaries of the Arts Faculty », 51-85. – Griet Galle, « The Use of the Auctoritates Aristotelis in Peter of Auvergne’s Questions on De caelo », 87-113. – Pieter De Leemans, « Another Aristotelian Florilegium (Paris, BNF, lat. 14704) », 115-137. – Alessandra Beccarisi, « Eckhart e le Auctoritates Aristotelis », 139-153. – William Duba, « Auctoritates and Aristoteles in Peter Auriol », 155-185. – Andrea A. Robiglio, « Dante e le Auctoritates Aristotelis », 187-202. – Christine Boyer, « Le prédicateur et ses sources ; les Auctoritates philosophiques dans les sermons du dominicain Guillaume de Sauqueville », 203-219. – Lorenza Tromboni, « Percorsi paralleli nella lettura dei classici. Girolamo Savonarola e le Auctoritates Aristotelis », 221-241. – Pietro B. Rossi, « Dall’Aristotele di Petrarca all’Aristotele di Coluccio Salutati », 243-268. – Guy Guldentops, « Nemo / Nihil dat quod non habet : Fortune d’un topos de Platon à Derrida », 269-315. – Luca Bianchi, « Conclusions », 317-331. – J. Meirinhos, « Bibliographie des Auctoritates Aristotelis », 333-336. – Joana Matos Gomes, « Index » : « Manuscrits cités », 339 ; « Auctoritates Aristotelis citées », 341-349 ; « Auteurs anciens et médiévaux », 351-353 ; « Auteurs modernes et contemporains », 355-362.
  • [37]
    Marta Borgo, « La Métaphysique d’Aristote dans le Commentaire de Thomas d’Aquin au Ier Livre des Sentences de Pierre Lombard : quelques exemples significatifs », Rev. Sc. ph. th. 91 (2007), p. 651-692 ; « La citazione come forma di riscrittura : note sulle fonti aristoteliche del Commento alle Sentenze di Tommaso d’Aquino », Memorie Domenicane 42 (2011), p. 133-170 ; « Le citazioni dello pseudo-Dionigi nel Commento alle Sentenze di Tommaso d’Aquino », Documenti e studi sulla tradizione filosofica medievale 24 (2013), p. 153-189 ; « Between Avicenna and Averroes. Considerations on the Early Aquinas’ Aristotle », Documenti e studi sulla tradizione filosofica medievale 26 (2015), p. 211-240.
  • [38]
    Thomae de Aquino Tabula libri Ethicorum, éd. Léon., t. xlviii, Romae, Ad Sanctae Sabinae, 1971, p. B1-B172.
  • [39]
    Ibid., p. B5 sqq ; aux pages B51-B52, Gauthier pense que Thomas aurait fait confectionner la Tabula sur le commentaire d’Albert à la Physique transmise par le manuscrit Vat. lat. 718, f. 1ra-4va, étant donné que Thomas aurait commandé ce manuscrit et en aurait été le possesseur, cela sur la base d’Antoine Dondaine, Secrétaires de Saint Thomas, Romae, Ad Sanctae Sabinae, Commissio Leonina (« Editores Operum Sancti Thomae de Aquino » 1) 1956. Aujourd’hui, cependant, on ne peut plus soutenir cette thèse, après les travaux consacrés par Robert Wielockx à ce manuscrit et à la question des secrétaires de Thomas et de leur collaboration avec celui-ci : Robert Wielockx, « Les brefs traités zoologiques d’Aristote. Histoire gréco-latine du texte : de la Grande Grèce, par l’Italie, à Paris », Bulletin de philosophie médiévale 53 (2011), p. 3-39, spéc. 3-9 ; « A Scribe of Four Scholars », Bulletin de philosophie médiévale 58 (2016), p. 89-99.
  • [40]
    Jacques Guy Bougerol, « Dossier pour l’étude des rapports entre saint Bonaventure et Aristote », Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge 40 (1973), p. 135-222 (repris dans Id., Saint Bonaventure. Études sur les sources de sa pensée, Northamtpon, Variorum Reprints [coll. « Collected Studies Series »], 1989, III).
  • [41]
    Édouard Wéber, Nature, singularité et devenir de la personne humaine chez Thomas d’Aquin. L’anthropologie et l’épistémologie thomasiennes. Sources bibliques, patristiques, philosophiques et théologiques, Paris, Vrin (coll. « Bibliothèque thomiste » 66), 2018 ; 16 × 24, 482 p., 42 €. ISBN : 978-2-7116-2748-6.
  • [42]
    Id., La Personne humaine au xiiie siècle. L’avènement chez les maîtres parisiens de l’acception moderne de l’homme, Paris, Vrin (coll. « Bibliothèque thomiste » 46), 1991.
  • [43]
    Id., Le Christ selon saint Thomas d’Aquin, Paris, Desclée (coll. « Jésus et Jésus-Christ » 35), 1989.
  • [44]
    Id., L’Homme en discussion à l’Université de Paris en 1270. La Controverse de 1270 à l’Université de Paris et son retentissement sur la pensée de saint Thomas d’Aquin, Paris, Vrin (coll. « Bibliothèque thomiste » 40), 1970.
  • [45]
    Anthony Celano, Aristotle’s Ethics and Medieval Philosophy. Moral Goodness and Practical Wisdom, Cambridge, Cambridge University Press, 2015 ; 16 × 23,5, ix + 263 p., £70,99. ISBN : 978-1-107-13485-0.
  • [46]
    Thomas M. Osborne Jr., Human Action in Thomas Aquinas, John Duns Scotus & William of Ockham, Washington DC, The Catholic University of America Press, 2014 ; 14 × 22, xxv + 250 p., 59,95 $. ISBN : 978-0-8132-2178-6.
  • [47]
    Il ne faut pas confondre cette motion divine (Prima secundae, De malo) avec d’autres possibilités d’action de Dieu à l’égard de la volonté : par exemple, déjà dans In II Sent. (d. 25, q. un., a. 2, ad 1-3), Thomas affirme que Dieu peut altérer, sans la forcer, la volonté ; il est évident aussi que Thomas a toujours affirmé que Dieu, étant l’auteur de tout, est aussi l’auteur de la liberté humaine. Mais la motion divine, telle qu’il la concevra à la fin de la carrière, est autre chose, c’est-à-dire l’attribution à la volonté d’une ouverture aux contraires qui la rend “antagoniste” de l’intellect.
  • [48]
    Concernant la datation du De malo et également de la q. 6 (p. 13-14), il est sûr que l’œuvre remonte à 1270-1271, soit à la période où Thomas composait, entre autres, la Prima secundae et la Sententia libri Ethicorum.
  • [49]
    De veritate, q. 22, a. 6, resp. (éd. Leon., t. xxii,3, p. 627, l. 102-113 ; je souligne).
  • [50]
    C’est en attribuant à l’intellect le rôle de cause efficiente de l’acte de la volonté qu’un Godefroid de Fontaines fera pencher la doctrine de Thomas vers une forme d’intellectualisme radical. On comprend bien que Thomas se soit gardé d’attribuer à l’intellect un tel rôle.
  • [51]
    Fr. Basile [Valuet], o.s.b., Dieu joueur d’échecs ? Prédestination, grâce et libre arbitre. t. 2 : Relecture de saint Thomas d’Aquin, Le Barroux, Éditions Sainte-Madeleine, 2018 ; 17,5 × 24,5, 1500 p., 79 €. ISBN : 978-2-37288-009-1.
  • [52]
    Sylvio Hermann De Franceschi, Thomisme et théologie moderne. L’école de saint Thomas à l’épreuve de la querelle de la grâce (xviie-xviiie siècles), Paris-Perpignan, Artège Lethielleux (coll. « Sed contra »), 2018 ; 13,7 × 21,5, 794 p., 39 €. ISBN : 978-2-249-62595-4.
  • [53]
    Antonia Fitzpatrick, Thomas Aquinas on Bodily Identity, Oxford, Oxford University Press, 2017 ; 15,6 × 23,4, x + 204 p., £ 60. ISBN : 978-0-19-879085-3.
  • [54]
    La structure du livre est très claire et nette. Les chapitres principaux sont organisés autour des deux notions complémentaires, concourant à former le concept d’identité numérique, qui est au cœur de toute l’argumentation d’A. F. Il s’agit d’un côté de la notion d’individualité (être une chose unique et distincte de tout autre du même type) et de l’autre de la notion d’identité (être une chose qui persiste en tant que telle et en tant qu’individu dans le temps). L’identité présupposant l’individualité, A. F. traite de cette dernière en premier. Et cela à deux reprises. Une première fois la perspective est aristotélicienne : y est concerné bien sûr le Philosophe, mais plus généralement la tradition péripatéticienne, notamment Averroès, le Commentateur (ch. 1-2). C’est ensuite sur Thomas d’Aquin qu’A. F. fait porter l’accent (ch. 3-4). On notera que tout en se disant moins intéressée par l’interprétation authentique d’Aristote que par la manière dont il est compris au Moyen Âge – d’où les renvois à l’Aristote latin –, A. F. finit souvent par greffer ses lectures sur une littérature analytique qui se confronte davantage directement avec l’original grec.
  • [55]
    Mark D. Jordan, Teaching Bodies. Moral Formation in the Summa of Thomas Aquinas, New York, Fordham University Press, 2017 ; 15,3 × 23, x + 224 p., 100 $. ISBN : 9780823273782.
  • [56]
    Un certain nombre d’entre eux ont été passés en revue dans les chroniques suivantes : M. Borgo, « Lire la Somme de théologie à partir des sources », Rev. Sc. ph. th. 101 (2017), p. 165-183 ; « Lire la Somme de théologie dans son ensemble », Rev. Sc. ph. th. 101 (2017), p. 321-360.
  • [57]
    Marika Räsänen, Thomas Aquinas’s Relics as Focus for Conflict and Cult in the Late Middle Ages, The Restless Corpse, Amsterdam, Amsterdam University Press (coll. « Crossing Boundaries. Turku Medieval and Early Modern Studies »), 2017 ; 16 × 24, 308 p., 109 €. ISBN : 978-90-8964-873-0. Le livre contient douze illustrations, signalées à la fin de la table des matières (p. 6).
  • [58]
    Marika Räsänen, Gritje Hartmann, Earl Jeffrey Richards (éd.), Relics, Identity, and Memory in Medieval Europe, Turnhout, Brepols (coll. « Europa sacra » 21), 2016 ; 16 × 24, 359 p., 100 €. ISBN : 978-2-503-55502-7. Sommaire : « Contents », v‑vi. – « List of illustrations », vii-viii. – « Abbreviations », ix. – M. Räsänen, « Introduction », 1-10. – « Part 1. Perspectives on Relic Cults » : Arnold Angenendt, « Holy Corpses and the Cult of Relics », 13-28. – « Part 2. Narratives and Power » : Jesse Keskiaho, « Dreams and the Discoveries of Relics in the Early Middle Ages : Observations on Narrative Models and the Effects of Authorial Context », 31-51. – Gritje Hartmann, « Pascal I and Saint Cecilia : the Story of the Translation of her Relics in the Liber pontificalis » 53-90. – Martina Caroli, « A Woman’s Body for the Empire’s Salvation : the Translatio of Queen Bathild’s Body and the Crisis of the Year 833 », 91‑113. – Martin Bauch, « The Relics of Roman Churches in Nicolò Signorili’s Descriptio Urbis Romae », 115-184. – « Part 3. Bishop Saints and Identity » : Ana Marinković, « Civic Cults of Local Reformist Bishops in Medieval Dalmatia : Success and Failure », 187-223. – Tuomas Heikkilä, « Tracing the Heavenly Pater patriae of Medieval Finland : the Relics of St Henry of Uppsala », 225-254. – « Part 4. Multiple Memories of St Thomas Aquinas’s Body » : Constant J. Mews, « The Historia translationis sacri corporis Thome Aquinatis of Raymundus Hugonis : An Eyewitness Account and its Significance », 257-284. – M. Räsänen, « The Memory of St Thomas Aquinas in Orvieto », 285-317. – Earl Jeffrey Richards, « Ceremonies of Power : The Arrival of Thomas Aquinas’s Relics in Toulouse and Paris in the Context of the Hundred Years War », 319-352. – « Index », 353-359.
  • [59]
    Marie des Anges Cayeux, O. P., Désirer d’un grand désir. Une dynamique de perfection au cœur de la doctrine de Catherine de Sienne, avec une préface du cardinal Pietro Parolin, Secrétaire d’Etat de sa Sainteté, Paris, Éditions du Cerf (coll. « Patrimoine »), 2018 ; 15,3 × 23, 319 p., 24 €. ISBN : 978-2-204-12798-1. Cet ouvrage a remporté le prix Henri-de-Lubac 2018.
  • [60]
    L’Ordine dei Predicatori, I Domenicani : storia, figure e istituzioni (1216-2016), a cura di Gianni Festa e Marco Rainini, Bari-Roma, Editori Laterza (coll. « Quadrante Laterza » 210), 2016 ; 14 × 21, xii + 490 p., 30 €. ISBN : 978-88-581-2597-7. Sommaire : Bruno Cadoré, « Prefazione », v-viii. –  G. Festa, Marco Rainini, « Introduzione », ix-xi. – « Parte prima. Storia » : Giulia Barone, « L’età medievale (xiii-xiv secolo) », 5-29. – Gabriella Zarri, « Dallo scisma all’apogeo della Chiesa : i Domenicani tra i secoli xv e xvii », 30-57. – Massimo Mancini, « L’Ordine dei Predicatori fra età moderna ed epoca contemporanea », 58-76. – « Parte seconda. Figure » : M. Rainini, « Domenico di Caleruega : il primo maestro dell’Ordine », 79‑105. – Andrea Aldo Robiglio, « Tommaso d’Aquino », 106‑120. – Giuseppe Barzaghi, « Eckart, Susone e Taulero : la predicazione mistica », 121‑139. – Silvia Nocentini, « Caterina da Siena », 140-158. – Gian Carlo Garfagnini, « Girolamo Savonarola : profeta della libertà in Cristo » 159-179. – Francesca Cantù, « Bartolomé de Las Casas e i primi frati Predicatori in America », 180-201. – G. Festa, « Bartolomeu dos Màrtires OP : un vescovo santo al concilio di Trento », 202‑231. – Marco Salvioli, « Figure domenicane fra xix e xx secolo : Marie-Joseph Lataste, Giuseppe Girotti e Pierre Claverie », 232-254. – « Parte terza. Istituzioni, scritture, pensiero » : Cornelia Linde, « Frati Predicatori e predicazione dalle origini alla fine del xvi secolo », 257-277. – Luciano Cinelli, « L’Ordine dei predicatori e lo studio : legislazione, centri, biblioteche (secoli xiii-xv) », 278-303. – Maria Pia Alberzoni, « L’Ordine dei Predicatori e la vita religiosa femminile fino al generalato di Giordano di Sassonia », 304-324. – Riccardo Parmeggiani, « Frati predicatori e Inquisizione nel Medioevo », 325-350. – Alessandra Bartolomei Romagnoli, « Mistici e mistica domenicana », 351-388. – Edoardo Fumagalli, « I Domenicani nella letteratura italiana », 389-413. – Fausto Arici, « Una teologia in bilico : cenni sulla teologia domenicana all’esordio della modernità », 414-439. – Gian Luca Potestà, « “La strada di un sano relativismo” : metodo storico e luoghi teologici alla scuola di Le Saulchoir », 440-464. – « Gli autori », 465-472. – « Indice dei nomi », 475-486. – « Indice del volume », 487-490.
English version

Éditions de textes

1Duns Scot. — Sous le titre de Notabilia super Metaphysicam Giorgio Pini [G. P.] a récemment publié l’édition critique d’un ouvrage de Duns Scot longuement oublié, voire passé à l’état de « fantôme », portant sur la Métaphysique d’Aristote (p. VII) [1]. Il s’agit d’une série de notes que Scot a commencé à introduire probablement déjà à Oxford, à la fin des années 1290, très vraisemblablement dans les marges de son propre exemplaire de la Métaphysique d’Aristote [2], et qu’il a continué à élaborer jusqu’à sa mort (p. LII). Partiellement attesté dans le manuscrit Vat. lat. 2182 (V), d’origine anglaise et remontant au début du xive siècle – où ces notes figurent, anonymes, dans la dernière partie du cinquième cahier (f. 58vb-60ra) et se terminent brutalement avec un blanc d’une colonne et demie –, ce texte est aussi transmis, et de manière quasi complète, par le manuscrit Milano, Biblioteca Ambrosiana, C 62 Sup. (f. 51ra-98rb), copié vers la moitié du xve siècle, en Italie du Nord, par un copiste professionnel (p. viii-ix). C’est dans ce dernier témoin (M) que ces notes, formulées par Scot probablement pour se préparer à enseigner la Métaphysique en classe, lui sont à deux endroits explicitement attribuées sous le titre qui, faute de mieux, a été retenu aussi par G. P. En effet, le terme notabilia décrit bien l’objet littéraire dont il est ici question : une série de remarques sur des points choisis, importants ou difficiles, de la Métaphysique d’Aristote (p. xxxv-xxxvi).

2Jusqu’à 1996, quand G. P. a attiré l’attention pour la première fois sur le contenu de M, en le mettant en relation avec V, cet ouvrage avait été totalement oublié, voire son existence avait été ignorée [3]. En effet, quoique partiellement copiés déjà avant la mort de Scot, les Notabilia ne semblent plus avoir attiré l’attention de personne dès sa mort, à l’exception de la personne pour qui M a été copié, dont on ne sait pourtant rien et qui n’a vraisemblablement aucunement relancé leur circulation. De plus, concernant les sept renvois de Scot à un ouvrage sur la Métaphysique autre que ses questions bien connues (six d’entre eux figurant notamment dans ces questions elles-mêmes), on les a toujours interprétés comme se référant soit à un écrit perdu, soit à l’Expositio super Metaphysicam d’Antoine André, disciple de Scot, qui est en réalité une réélaboration du commentaire de Thomas d’Aquin sur la base de différents textes de Scot lui-même (p. lvii).

3Pour établir l’authenticité de l’ouvrage, G. P. se confronte par conséquent à une double question. L’enjeu n’est pas seulement de montrer que Duns Scot est bien l’auteur des Notabilia. L’éditeur entend aussi prouver que cet ouvrage et l’autre écrit de Scot sur la Métaphysique, prétendument perdu, sont de fait une seule chose (p. xi, xxxiii). Que ce soit le cas, G. P. le montre à travers une analyse très soignée des sept renvois précédemment mentionnés ainsi que de toutes les références à d’autres ouvrages de Scot figurant dans les Notabilia eux-mêmes. G. P., en plus d’arriver à identifier de manière précise, dans la quasi-totalité des cas, quels sont les passages concernés, recueille ainsi une série d’éléments utiles à mieux caractériser la nature et le but des Notabilia, aussi bien qu’à les situer par rapport aux questions sur la Métaphysique (p. xlv-xlvii). Entre autres, le fait que Scot renvoie à plusieurs reprises aux Notabilia comme à une explication plus littérale du texte d’Aristote (« sicut exposui », p. xiv ; « quaere expositionem textus in glossa iuxta textum », p. xv ; « sicut patet in expositione quam edidi super illud capitulum », p. xxi), ainsi que le fait que l’auteur des Notabilia se réfère aux questions comme à son ouvrage à lui (« in quaestione dixi contrarium », p. xxvi ; « Dico sicut dixi in quaestione illa », p. xxxi ; « de isto dixi quaestione de ... », p. xxxii), amènent G. P. à conclure que les Notabilia et les questions sur la Métaphysique sont finalement deux produits complémentaires de l’activité d’enseignement de Duns Scot, qui reflètent la double tâche d’un maître de l’époque : expliquer le texte, avant de l’approfondir philosophiquement à travers des questions. Alors que ces dernières sont conçues par Scot comme destinées à la diffusion, les Notabilia témoignent par contre du travail continu que Scot a fait sur la littera de la Métaphysique, sans envisager un véritable projet éditorial (p. xvlii). D’où par exemple le choix de noter ses commentaires directement sur son exemplaire de la Métaphysique – ou peut-être sur des feuillets de parchemin insérés dans son exemplaire –, ce qui permet non seulement de comprendre pourquoi les Notabilia ont pu rester inaperçus aux yeux des héritiers de la bibliothèque de Duns Scot (p. liii), mais aussi de rendre compte de certaines caractéristiques de la tradition manuscrite qui en témoigne.

4Comme déjà évoqué, la transmission des Notabilia est assurée par les manuscrits M et V. Alors que le texte conservé dans ce dernier porte seulement sur les livres II-IV de la Métaphysique, notamment de 995a 13 à 1011b 12, dans le témoin M est contenu un texte plutôt complet (p. xxxvi), qui couvre les livres II-X, de 994b 27 à 1058b 28, plus une partie du livre XII (1069a 26-1075a 7), l’absence de références aux livres XI, XIII et XIV étant conforme à l’usage de l’époque. Concernant la section commune aux deux manuscrits, tandis que dans le manuscrit V on retrouve tous et seuls les paragraphes présents dans le manuscrit M, ce dernier contient un certain nombre des passages dont il n’y a aucune trace dans le manuscrit V. Témoins indépendants de la portion de texte dont il est ici question, M et V ne contiennent pratiquement aucune variante significative, seul le style étant souvent concerné. Les deux présentent par contre un phénomène notable, sur lequel G. P. met opportunément l’accent : à l’intérieur d’un même livre, les parties du texte se succèdent d’une manière qui s’avère dans un certain nombre de cas non naturelle, voire incorrecte, dans la mesure où l’ordre normalement imposé par le texte d’Aristote n’est pas suivi. D’ailleurs, le désordre qu’on constate dans le manuscrit V concerne les mêmes paragraphes et selon les mêmes modalités observables aussi dans M (p. xxxviii-xxxix ; voir aussi p. 205). Autrement dit, tous les phénomènes de désordre constatés pour V sont présents aussi dans M, où l’on en constate aussi d’ultérieurs, dans la partie commune ainsi que dans d’autres livres, à l’exception du VI et du IX. Comment expliquer cette convergence en l’absence de fautes conjonctives ?

5Après avoir prudemment exclu d’autres hypothèses moins vraisemblables, G. P. décrit la situation qui lui semble rendre compte de ces circonstances. Ce désordre dont M et V témoignent indépendamment l’un de l’autre dérive de la manière dont les Notabilia ont été rédigés : pendant une période très longue de temps ; par accumulation, en revenant à plusieurs reprises sur un même passage ; dans des marges de plus en plus chargées, avec des systèmes de renvoi pas toujours clairs pour un utilisateur non spécialiste [4], ou sur des feuillets volants et susceptibles d’être mal placés (p. xlii). D’où le résultat dans les manuscrits M et F, qui ont, dans la meilleure des hypothèses, un accès direct à l’original, à deux moments différents de la composition de celui-ci. En effet, G. P. souligne qu’il ne dispose pas d’éléments décisifs pour exclure cette possibilité et privilégier l’idée d’un accès médiat (p. xliv-xlv). Les manuscrits M et V sont ainsi des copies fidèles de leur modèle, dont l’ordre matériel est reproduit par les copistes au sens strict, sans que l’intention effective de l’auteur, signifiée plutôt par les renvois, soit recueillie et mise en avant. Si, comme le souligne G. P., les données à sa disposition ne lui permettent pas de tirer de conclusions certaines (p. xlviii), le scénario suivant lui semble décrire de manière plausible les rapports entre M et V d’un côté, et l’autographe de Scot de l’autre : quoique de manière incomplète, V préserve un premier stade de ce texte ; le manuscrit M en préserve un stade ultérieur, vraisemblablement définitif, qui inclut le premier stade tel quel et l’accroît grâce à l’addition de nouvelles sections, rédigées par Duns Scot directement sur son exemplaire. Le copiste de V a donc eu accès à l’autographe quand sur celui-ci ne figuraient pas encore les paragraphes présents dans le seul témoin M ; l’ordre de succession de certaines des sections concernées devait par contre être compliqué à saisir déjà à ce stade, en sorte que les difficultés rencontrées par le copiste de M ne sont pas tout autres que celles rencontrées par le copiste de V, mais juste plus nombreuses.

6G. P. fournit une édition remarquable de cette dernière version des Notabilia, mais nous offre aussi systématiquement en apparat les indications nécessaires pour connaître le premier stade du texte. Pris comme base de l’édition, le texte assez fautif de M – copié par un scribe qui n’était pas familier avec ce genre de texte (p. xxxvii) – est corrigé, où cela est possible, sur la base de V. Là où la conjecture s’impose, G. P. propose des solutions justifiables selon des critères paléographiques. Concernant la succession des sections, G. P. rétablit l’ordre vraisemblablement souhaité par Duns Scot. On se référera aux apparats critiques et au premier appendice (p. 205-206) pour connaître la succession des paragraphes dans M et V. Tout au long de son édition, G. P. rassemble les paragraphes en sections et il donne à chacune un titre visant à expliciter le sujet qui y est abordé. Cela rend plus intelligible l’articulation logique du texte : à chaque section thématique correspond idéalement un point digne de note soulevé par Scot. De plus, l’appréciation de la dimension exégétique du texte est facilitée par la présence, dans la marge gauche de l’édition, de références aux lemmes d’Aristote qui sont commentés au fur et à mesure. Cette indication est reprise dans le premier des apparats fournis. Suivent deux autres niveaux d’apparats, l’apparat critique figurant en dernier. L’apparat des sources est très sobre et précis. Le troisième appendice en constitue un complément, s’agissant de l’édition d’une sélection de dix passages du commentaire au septième livre de la Métaphysique de Ferrandus de Hispania, auxquels Duns Scot se réfère au cours de ses Notabilia (p. 214-220).

7M. B.

8Petrus Thomae. — Aux Presses universitaires de Leuven, dans la collection du Centre de Wulf-Mansion, Garret R. Smith [G. S] a récemment publié l’édition critique des Quaestiones de ente de Petrus Thomae [5]. Bien que ces questions soient sans doute l’une des plus solides attestations de l’existence d’une école scotiste, elles ne sont pas sans importance en ce qui concerne la reconstruction de l’histoire du thomisme. En effet, Petrus Thomae, qui compose cet ouvrage vers 1325 à Barcelone, appartient à la première génération de scotistes, et discute aussi bien les interprétations des franciscains Guillaume d’Alnwick et Pierre d’Auriole, que celles du dominicain Hervé Nédellec et du carme Gérard de Bologne. Or il intègre pleinement la doctrine de l’analogie d’attribution au sein de la théorie de l’univocité de l’être. Il lui faut pour cela affronter deux difficultés classiques de l’innovation scotiste : comment l’étant (ens) peut-il être univoque sans être un genre ? comment le concept d’étant peut-il être un concept réel alors qu’il n’y a rien de réellement commun entre Dieu et la créature ? Pour cela, il lui faut affronter l’autorité de Thomas, l’un des grands théoriciens de l’analogie, notamment dans la dixième question, où il se demande si le concept d’étant a une unité d’univocité. Même si la problématique de Petrus Thomae est plus vaste et témoigne de la naissance d’une école scotiste – il faut selon lui user des termes « prout utitur schola Scotica » (p. 13, 43) –, il intègre l’analogie réelle au sein de l’unité du concept d’étant, ce qui revient à mettre en place un système métaphysique où l’analogie est dépassée précisément en tant qu’elle est intégrée dans une unité supérieure.

9G. S. nous donne donc une introduction très approfondie (de deux cent trente-cinq pages), qui donne accès à l’état de la question de l’analogie à l’époque de Petrus Thomae, et qui fait le point sur les sources, les premiers débats de l’école scotiste, les principes de l’édition (qui repose sur un stemma comprenant sept manuscrits plus ou moins complets), mais aussi sur l’influence de l’auteur. Outre les quinze questions sur l’être, il donne en annexe une Retractatio de Pierre, présente dans un seul manuscrit (p. 441-457), et une question sur les degrés d’univocité de Franciscus Marbres (appelé naguère Johannes Canonicus) qui est une compilation dont les deux tiers viennent de notre texte (p. 459-540).

10Le plan suivi par Petrus Thomae dessine déjà un traité des transcendantaux : après avoir traité du concept d’étant (q. 1-11), il traite des propriétés qui l’accompagnent (q. 12-13) et de ses parties principales (q. 14-15). Petrus Thomae fait preuve d’une précision implacable dans l’art de la distinction : un concept peut être dit quidditativement en six sens (q. 2) ; il y a trois sens de l’univocité et quatre sortes d’analogie (q. 7), etc.

11Il n’est pas possible de détailler toutes les richesses que recèle cette édition et son commentaire. Soulignons simplement que Petrus Thomae discute avec la première école scotiste (Guillaume d’Alnwick, Antoine André, Pierre d’Auriole, etc.) ; il n’hésite pas à restreindre la portée de certains arguments scotistes. Par exemple, du grand argument de Scot en faveur de l’univocité : tout intellect qui est certain d’un concept et qui doute de certains autres a un concept de ce qui est certain qui est distinct de ce qui est douteux ; or l’intellect du pèlerin sur terre est certain que Dieu est un étant, mais il doute si Dieu est fini ou infini ; donc le concept d’étant dit de Dieu est autre que celui des créatures, donc il en est distinct tout en étant inclus en elles ; il est donc univoque (Ordinatio, I, d. 3, § 138 : éd. Vat., t. III, p. 86). Alors qu’un thomiste comme Capréolus accepte cet argument et admet que l’intellect puisse former un unique concept formel correspondant à divers concepts objectifs d’étants différents (p. lilii), Petrus Thomae pense au contraire que cet argument ne prouve qu’une chose : le concept d’étant est distinct du concept de chaque étant spécifique.

12Sans doute à la suite d’Antoine André, Petrus Thomae distingue trois espèces d’univocité : physique ou réelle, métaphysique ou formelle, logique ou rationnelle. Rappelons que l’univocité de l’étant est seulement logique, pour Duns Scot, c’est-à-dire qu’elle relève d’une intention seconde, d’un concept dit de genres différents. Mais Pierre souligne qu’il existe six degrés d’univocité, huit d’équivocité et douze d’analogie (q. 7). Grâce à ce jeu de distinctions, on peut dégager différentes strates du réel : si l’on dépasse le niveau de l’individu vague et celui de l’espèce, tous les autres degrés de communauté impliquent une forme d’univocité, mais permettent aussi une analogie : les genres, les catégories et le concept d’étant peuvent se dire univoquement et analogiquement de leurs inférieurs. L’analogie est compatible avec l’univocité quand chacun des analogués participe formellement de l’analogant. Comme dit G. S., cela implique que « the same concept can have different degrees of unity in different respects (rationes) » (p. lxvii). On voit alors apparaître le concept d’analogatum, qu’on chercherait en vain chez saint Thomas, mais qui sert de principe au De nominum analogia de Cajétan.

13Petrus doit donc soutenir à la fois que le concept d’être a une univocité métaphysique, réelle, puisqu’il peut être abstrait des différentes créatures concrètes, mais être en même temps leur plus grand commun dénominateur (il est inclus dans chacune d’elles : q. 11), et que le concept d’être possède une univocité logique, parce que le concept tiré des créatures permet de fonder une intention seconde, qui a une universalité transcendantale (p. lxxix).

14Il n’est pas sans intérêt de noter que les auteurs qui ont cité Petrus Thomae sont aussi ceux qui ont contribué à construire une métaphysique comme théorie des transcendantaux, par exemple Gabriele Zerbi et Nicolas Bonet, qui cite d’ailleurs ces questions comme un Tractatus de transcendentibus (p. cxcix).

15Ainsi, G. S. nous a donné, avec un degré exceptionnel de clarté pédagogique, de profondeur philosophique et d’érudition philologique, accès à une étape décisive de l’histoire de la métaphysique après Duns Scot : l’intégration de la théorie de l’analogie au sein d’une doctrine de l’univocité de l’étant.

16O. B.

Manuscrits, incunables et bibliothèques

17Catalogues. — Quand on a entre ses mains le récent catalogue des manuscrits de Peterhouse à Cambridge [6], on n’est pas surpris de l’excellente qualité du volume, si l’on considère qu’il est l’œuvre de Rodney M. Thomson [R. T.]. Comme les catalogues que cet historien a réalisés auparavant, celui-ci également présente un grand soin dans la réalisation. Il remplace le précédent catalogue de M. R. James, en utilisant les révisions de R. Mynors, complétées par les recherches propres de R. T. (p. xl). Les descriptions des deux cent soixante-dix-sept manuscrits – plus une série de fragments – conservés au collège, et d’une quinzaine de manuscrits conservés dans d’autres bibliothèques, sont précédées d’une remarquable introduction. À propos de Peterhouse, R. T. remarque : « Before the Reformation it was a small community, the statutes prescribing a master and fourteen scholars. And yet by the late Middle Ages it had built up a substantial reference library, out of all proportion to this small fellowship. » (p. xvii). Probablement tous les manuscrits conservés (mais pas les fragments) appartenaient à Peterhouse avant la Réforme : ce fonds constitue donc, aujourd’hui, une vraie bibliothèque médiévale. Fondé par l’évêque de Ely en 1284, Peterhouse est le plus ancien collège de l’Université de Cambridge. D’après les statuts de 1344, la fonction principale de Peterhouse est de former des étudiants en théologie : seulement deux « fellows » pouvaient se consacrer au droit et un seul à la médecine. Cela n’empêche que la bibliothèque est encore aujourd’hui très riche dans ces disciplines, avec de remarquables collections pour chacune de ces matières : le droit canonique et le droit civil, avec d’importants commentaires, ainsi que la médecine. Pour les ouvrages de théologie et de philosophie la collection est richissime.

18R. T. fournit une remarquable histoire, très détaillée, de la formation de cette bibliothèque, par des dons successifs et quelques acquisitions. Il étudie ensuite le fonctionnement de la bibliothèque : livres enchaînés et livres qui pouvaient être empruntés, au maximum pendant deux ans – tous les deux ans on faisait une nouvelle distribution (p. xxi). Il nous offre également une histoire des locaux où la bibliothèque était d’abord située et de la construction d’une nouvelle bibliothèque, dont certaines parties demeurent jusqu’à nos jours (p. xxi-xxvi). Les catalogues de 1418 et de 1589 sont très bien étudiés et utilisés dans cette introduction. L’analyse poussée des détails fournis par les manuscrits ou par d’autres documents n’est jamais pédante, mais sert à dégager une lumière qui éclaire l’histoire de cette institution, tracée par période dans cette introduction. Enfin, par l’analyse des notes laissées dans les marges, R. T. reconstitue une histoire de l’enseignement dispensé à Peterhouse, ou ailleurs, à partir de ces manuscrits. Quelques éléments de cette histoire sont repris dans l’introduction du catalogue, comme par exemple le cas du manuscrit 44, une Bible qui comporte une double série de gloses, les unes d’ordre exégétique, les autres d’ordre linguistique ; mais c’est la description des manuscrits eux-mêmes qui fournit ce genre de données historiques.

19Le catalogue est rédigé avec une acribie remarquable [7]. Chaque notice comporte la description du codex, des contenus, de l’écriture et de la décoration, de l’origine du codex, de son histoire et de son entrée à Peterhouse, avec bibliographie finale. Tous ces éléments fournissent une sorte de « géographie » du savoir, par l’origine, la circulation et les traces d’usage des manuscrits décrits.

20C’est à un autre grand historien et érudit, Piero Scapecchi [P. S.], que nous devons le catalogue des incunables de la Biblioteca Nazionale Centrale di Firenze [BNCF] [8]. Tant la présentation de Luca Bellingeri, directeur de la BNCF, que l’introduction de P. S. rendent compte du temps que la rédaction d’un tel catalogue a demandé. Il faut d’abord considérer que le fonds des incunables de la BNCF est exceptionnel, avec ses deux mille neuf cent quatre-vingt-huit titres, conservés en plus de quatre mille volumes (p. 6). Les éditions vénitiennes y sont largement les plus représentées, mais d’autres lieux d’édition, comme Arezzo ou Gaeta ou L’Aquila, font aussi l’originalité exceptionnelle de ce fonds, avec des éditions rares. Les éditions florentines ne constituent qu’un tiers des éditions vénitiennes. Il faut considérer, ensuite, le fait que les bibliothécaires de la BNCF se sont engagés pendant des années dans la collaboration à l’édition de l’IGI et de l’ISTC [9], comme le montre la correspondance citée (p. 9-11). Mais, pour justifier le temps que la publication d’un tel catalogue a demandé, il faut ajouter le niveau de qualité qui a été fixé pour la rédaction.

21L’introduction présente une histoire des différents catalogues, ou essais de catalogage, depuis le xviiie siècle. D’abord les catalogues des collections historiques, intégrées depuis la fondation de la BNCF, au xixe siècle : « Magliabechiani, Palatini » (p. 13-17). Ensuite, les catalogues des collections entrées à la BNCF successivement : « Guicciardini », « Savonaroliani », « Landau Finaly », « Corte d’Appello », « Nencini », « Nuove Accessioni sez. P », « Incunaboli ebraici » (p. 17-23). Les trois appendices à l’introduction constituent des catalogues dans le catalogue (p. 25-59). Mais ce qui frappe c’est la qualité des notices. Que l’on se borne aux notices consacrées au De christiana religione, de Marsile Ficin, numéros 1150-1153 du catalogue de la BNCF. Mais, j’ose dire, chacune des notices fait l’admiration du lecteur. L’avertissement aux lecteurs donne les critères selon lesquels ce catalogue a été établi (p. 23-25), en suivant l’ordre alphabétique des auteurs, selon l’ISTC. L’index donne, d’abord, les correspondances nécessaires entre les cotes des volumes dans la BNCF et les numéros du catalogue ; ensuite : les lieux d’impression ; les provenances et les possesseurs ; les imprimeurs ; les concordances entre IGI et ISTC avec les numéros du catalogue.

22Si, au premier abord, l’érudition répandue par P. S. dans ce catalogue peut être écrasante, au fur et à mesure que l’utilisateur de cet ouvrage se plonge dans la lecture des notices des incunables recensés, il apprécie de plus en plus le prix de ce qu’il a entre ses mains.

23A. O.

24Au tournant de 2015-2016, s’est tenue à la Bibliothèque Mazarine à Paris, l’exposition « Une bibliothèque retrouvée : les livres du couvent des Jacobins de Paris, du Moyen Âge à la Révolution » dont le catalogue constitue une part importante du volume des actes du colloque Les Dominicains en France (xiiie-xxe siècle) (p. 533-610) [10]. Florine Lévecque-Stankiewicz [F. L.-S.] donne avant les soixante-dix notices dont on pourrait regretter la brièveté, une ample présentation de cette bibliothèque. En fait, F. L.-S. suit le parcours didactique de l’exposition et structure son propos en trois temps : 1. De la constitution à la reconstitution ; 2. Les Prêcheurs et leurs livres ; 3. La bibliothèque reconstituée. Il est donc nécessaire au lecteur de rapprocher sans cesse chacune des parties de l’introduction et du catalogue pour saisir toute la pertinence de cette publication. En l’absence d’inventaire de la bibliothèque du studium qu’était le couvent de Saint-Jacques (entre vingt à quarante mille volumes selon les estimations), cent soixante-quatorze manuscrits sont aujourd’hui connus comme conservés avec certitude à Paris, dont quatre-vingt-trois à la Mazarine où le fonds saisi a été primitivement déposé. La provenance des imprimés elle, est souvent encore plus délicate à préciser que celle des manuscrits. L’enquête est donc difficile et la restitution au public un véritable défi. F. L.-S. brosse à grand traits l’histoire des trois couvents de Paris (en plus de Saint-Jacques, l’Annonciation, couvent de réforme, et Saint-Dominique, noviciat général) et de leur bibliothèque respective. Plus original est l’attention qu’elle porte à la disposition des bâtiments du couvent de Saint-Jacques et à celui de la bibliothèque à partir de plans de différentes époques et de la déclaration du R. P. Faitot, « dernier prieur du dernier couvent » selon l’expression de Chapotin, en 1790. Dans sa dernière période, la bibliothèque se trouve dans l’École Saint-Thomas qui sert d’ailleurs aussi d’église conventuelle, trop délabrée. La reconstitution de son contenu pose de nombreuses difficultés relevées par F. L.-S. Les différentes sources dont nous disposons ne concordent en rien (Faitot parle en 1790 de douze mille deux cents volumes ; trois cent cinquante-trois manuscrits ont été saisis ; dix-huit manuscrits sélectionnés par Leblond pour la Mazarine ; quatre-vingt-six aujourd’hui dans ses fonds) et pourraient laisser supposer qu’avant même 1790, des dépôts aient déjà été effectués dans les deux autres couvents parisiens. De plus, la source la plus séduisante pose plus de questions qu’elle n’en résout, à savoir le catalogue de vingt mille titres dressé par Faitot et conservé à la bibliothèque du Saulchoir à Paris. Il ne peut s’agir purement et simplement du catalogue de la bibliothèque originelle, mais plutôt « d’une sorte d’entreprise bibliographique à la fois rétro- et prospective, mêlant les ouvrages figurant dans la bibliothèque avant sa dispersion, et ceux que l’on pourrait acheter si l’on souhaitait la reconstituer au lendemain de la Révolution » (p. 560). Il est aussi à noter que Saint-Jacques devait conserver à peu près la totalité, toujours selon la déclaration de Faitot, de l’exceptionnelle bibliothèque de Louis d’Orléans.

25Le deuxième volet du catalogue de F. L. -S. est une galerie de portraits de frères de Saint-Jacques et de l’extérieur où le xiiie siècle se taille la part du lion, en lien avec les pièces exposées. Tout en respectant le genre de la notice, F. L.-S. présente, toujours en lien avec les documents exposés, des figures peu familières du grand public comme Thibaud de Sézanne ou Durand de Saint-Pourçain ou encore Nicolas de Gorran. Parmi les frères extérieurs au couvent, notons Jean de Dambach dont l’exposition présente le manuscrit du xive siècle du De sensibilibus deliciis paradisi (Paris, Bibl. Mazarine 918), apporté par Jean lui-même à Paris, mais aussi le codex du xive siècle, acquis par Echard en 1715 pour Saint-Jacques, de la deuxième partie du Tripartitum morale de Conrad de Halberstadt junior (Paris, Bibl. Mazarine 3518). L’exposition présente aussi fort judicieusement des pièces du renouveau de Saint-Jacques au début du xvie siècle (entre autres Guillaume Petit) mais aussi des auteurs significatifs de la période moderne (comme par exemple Jean Nicolaï).

26La troisième partie du catalogue est consacrée à ce que nous pouvons savoir de l’organisation de la bibliothèque. Le point de départ est la répartition des différentes sections que donne Faitot dans sa déclaration de 1790. Certaines sont bien connues comme celle de la recherche sur le texte biblique avec, entre autres, le Correctoire de Saint-Jacques (Paris, BnF lat. 16719) et avec les différentes concordances, comme le manuscrit Paris, Bibl. Mazarine 281, qui au f. 26r signale sa diffusion par exemplar et pecia. Il faut y ajouter comme le corollaire naturel en terreau dominicain, celui de la prédication. F. L.-S. souligne à juste titre, présents dans le fonds de Saint-Jacques, les différents types d’ouvrages servant à l’élaboration des sermons, comme à l’accueil des pénitents. Parmi eux, notons que le recueil d’exempla bibliques de Nicolas de Hannappes, très diffusé jusqu’au xviiie siècle, est absent des ouvrages aujourd’hui connus comme ayant appartenu au fonds de Saint-Jacques.

27On l’aura compris, organiser cette exposition comme rédiger son catalogue était une gageure. F. L.-S. a su, à partir de témoignages ténus, faire les recoupements nécessaires pour rapprocher les membra dislecta de la bibliothèque du couvent de Saint-Jacques et permettre ainsi au visiteur ou au lecteur de la « retrouver ».

28M. M.

29Imprimerie. — Catherine Kikuchi [C. K.] nous propose d’explorer d’une manière différente de celle des catalogues (si utiles bien entendu), le monde des incunables [11]. La période étudiée court du premier privilège ducal concernant l’imprimerie au moment où le statut d’imprimeur connaît une nouvelle étape dans son encadrement juridique par Venise. C. K. ne se situe pas directement dans le domaine de l’étude des textes et de leur transmission mais bien dans celui de leur production ou mieux encore de leurs producteurs qui assurent à Venise la prépondérance dans la production des incunables et des premiers imprimés. Ainsi l’ouvrage se divise en cinq chapitres : 1. « Comment Venise devint la première ville de l’imprimerie européenne » ; 2. « Les étrangers dans l’imprimerie vénitienne » ; 3. « Instabilité et fragilité des imprimeurs » ; 4. « Le creuset vénitien : commerce et production » ; 5. « Intégration et sociabilité : la construction d’un monde du livre ». C. K. s’appuie sur le dépouillement d’archives (p. 329-340) et de nombreuses études (p. 341‑351) qu’elle exploite systématiquement pour livrer au lecteur une passionnante synthèse. Le lecteur pourra regretter que les notes de bas de page comme les sources et la bibliographie soient si peu lisibles. L’ouvrage est complété d’annexes et d’index des personnes et des lieux (p. 319‑327). L’ensemble de l’étude n’en demeure pas moins très stimulant et donne corps à cette phase initiale de production des incunables et des premiers imprimés, si précieux pour approcher le tournant de la tradition manuscrite à la tradition imprimée des textes.

30M. M.

Traductions

31Jean de Mailly. — L’Abbreviatio de Jean de Mailly constitue le premier légendier abrégé latin. C’est aussi la source principale de la Legenda Aurea de Jacques de Voragine dont la large diffusion a éclipsé la compilation de son prédécesseur. Les lecteurs francophones disposent d’une traduction, ancienne désormais, de l’Abbreviatio de Jean de Mailly [12], faite par Antoine Dondaine, qui avait établi sa traduction, faute d’édition critique, à partir de trois manuscrits latins de la première moitié du xiiie siècle. En 2013, Giovanni Paolo Maggioni [G. P. M.] publiait l’editio princeps de l’Abbreviatio dans un remarquable travail critique à partir des trente-quatre manuscrits connus [13]. L’éditeur retenait comme base de son édition sept manuscrits (dont les trois retenus par A. Dondaine pour sa traduction de 1947) parmi les trente-quatre manuscrits examinés de la tradition principale. Le texte de cette editio princeps est, quant à son extension, celui de la troisième rédaction de Jean de Mailly, augmenté d’une série de notices préparées pour compléter l’Abbreviatio. En effet, comme G. P. M. l’a démontré dans la préface de son édition critique et comme il le rapporte en préface de la traduction italienne de Valerio Ferrua [V. F.], en collaboration avec Gabrielle Dogliani [14], cette œuvre a été sans cesse retravaillée par Jean de Mailly [15]. Commencée quand il était chanoine de la cathédrale d’Auxerre (1225-1230), Jean de Mailly la complète une fois devenu dominicain (après 1234) et la modifie encore quand il se trouve au couvent de Metz (1243). Jean ne cesse de rassembler des documents en vue d’autres compléments dont témoigne le Supplementum hagiographicum édité par G. P. M.

32Outre les saints connus de l’ensemble de l’Occident latin du xiiie siècle, des saints de la région d’Auxerre et familiers de la France d’alors, des saints dominicains et de Lorraine sont présentés aux pasteurs pour servir et nourrir leur prédication. Le lecteur ne sera pas surpris des différences de numérotation des notices entre la traduction française d’A. Dondaine et la traduction italienne. Elles proviennent d’un découpage différent du texte, mais l’ensemble des notices de l’édition de G. P. M. et de la traduction italienne se trouvait dans la traduction d’A. Dondaine. L’intérêt principal de cette nouvelle traduction italienne est de s’appuyer sur le texte critique de la remarquable édition de G. P. M. La traduction comporte un index onomastique unique à la différence de l’édition princeps qui distinguait lieux et noms de personnes.

33Le choix d’avoir porté le titre original en sous-titre et de lui avoir substitué « Dieci secoli di Francia cristiana » est-il vraiment opportun ? La base du légendier n’est pas constituée par les saints de France mais bien par ceux vénérés largement dans le monde latin occidental, auxquels l’auteur adjoint successivement d’autres notices selon une logique géographique et d’appartenance religieuse. D’autre part, les traducteurs ont dû opérer d’autres choix tant une traduction pour rester accessible ne peut pas rendre la richesse et la densité d’une édition critique telle que celle de G. P. M. Ainsi ne trouvera-t-on pas dans la traduction les longs passages empruntés à différents témoins que l’éditeur a insérés au fil de son édition lorsqu’il le jugeait opportun, ni les matériaux en attente qui constituent le Supplementum hagiographicum donné en annexe de l’édition princeps. Cette traduction offre donc au lecteur une première entrée dans ce légendier si important pour la tradition hagiographique et une invitation a en explorer la riche tradition relayée et développée par Jacques de Voragine et mise en lumière par G. P. M.

34M. M.

35Duns Scot. — L’affirmation d’Olivier Boulnois [O. B.] dans l’introduction de l’édition bilingue latin-français des Quaestiones super libros Metaphysicorum Aristotelis de Jean Duns Scot [16] qu’il s’agit d’« un des ouvrages les plus importants dans l’histoire de la philosophie » (p. 7) peut paraître outrancière à un lecteur critique. Toutefois un examen attentif de ce volume qui contient l’exposé du franciscain sur les trois premiers livres de cet ouvrage d’Aristote rend probable cette déclaration d’O. B. Giorgio Pini a identifié et récemment publié ce que l’on peut appeler une interprétation littérale, sous forme de notules, de cette œuvre aristotélicienne [17]. Quant à l’approche plus doctrinale, qui est ici concernée, il s’agit d’un commentaire sous forme de questions dont le but est, selon les traducteurs, de « construire une métaphysique » (p. 9). On peut en déterminer – en ce qui concerne la première rédaction des premiers livres – le terminus post quem à 1297/98.

36Les questions des trois premiers livres sont accompagnées d’une introduction générale ainsi que de présentations de chaque livre par O. B. et Dan Arbib [D. A.] (p. 27-56, 377-399, 559). Le texte latin est celui de l’édition de 1997 [18]. Dans son introduction au texte latin, Dominique Poirel [D. P.] évalue la particularité de cette édition en précisant qu’elle livre un « texte très satisfaisant » (p. 19). Cette édition a été établie sur la base de onze manuscrits parmi les vingt et un conservés. Elle suit une méthode qualifiée de rationnelle selon les éditeurs. D. P. parle quant à lui d’une édition éclectique (p. 19-20). À son avis il ne serait pas seulement souhaitable, mais vraiment possible d’établir un stemma codicum malgré la versatilité chronique des rapports entre les manuscrits ; mais il faudrait alors établir plusieurs stemmata pour les différentes portions du texte. D. P. propose trois stemmata pour les trois premiers livres (p. 25), et son effort montre que pour établir un texte vraiment critique une telle démarche serait sans doute indispensable. Il faut ici ajouter que le texte de Scot comporte plusieurs couches car il y a de très nombreuses additions provenant de plusieurs remaniements. Il est donc très heureux que la traduction française comporte une division très précise du texte, qui permet au lecteur de s’orienter dans une architecture textuelle fort compliquée. Malencontreusement le volume ne comporte pas de table de matière détaillée, ce qui paraît indispensable pour un texte de cette nature dont la structure est si complexe.

37Si l’on tente d’identifier les aspects doctrinaux, littéraires et historiques des questions ainsi mises à disposition du public averti, on peut mettre en évidence sept points qui méritent l’attention de l’historien de la philosophie (et qui peuvent éventuellement éclairer l’appréciation de cette œuvre citée plus haut).

38(1) Un premier point concerne les interlocuteurs de Scot. Il présente et discute continuellement les doctrines d’Avicenne et d’Averroès, par exemple en ce qui concerne l’objet de la métaphysique (p. 88‑133). Mais Thomas d’Aquin est sans doute un des partenaires privilégiés. On peut ici mentionner à titre d’exemple la longue discussion avec lui à propos de la connaissance humaine des substances séparées (p. 420‑449). Mais Henri de Gand n’est pas non plus absent (par exemple p. 178‑181, 188‑193, 248‑253).

39(2) Il n’est pas surprenant que la question de l’objet de la métaphysique occupe une grande place chez Scot. Dans le prologue on rencontre la thèse, que l’on considère comme typiquement scotiste, selon laquelle la philosophie première est une science universelle qui considère par elle-même les transcendantaux (transcendentia), c’est donc la « science transcendantale » (scientia transcendens, p. 68‑69). Toute la première question (p. 80‑177) est consacrée à ce point : « L’objet propre de la métaphysique est-il l’étant en tant qu’étant ou bien Dieu et les intelligences ? ». Scot présente, discute et critique de manière très approfondie l’option d’Averroès qui considère Dieu et les substances séparées comme objet de la philosophie première (p. 88-119), ainsi que celle d’Avicenne qui opte pour l’étant en tant que tel (p. 118‑133). Comme le souligne O. B. (p. 30), il convient de lire Scot « selon l’ordre de son évolution ». En effet, au § 103, il dit (p. 141, 143) : « on peut poser ici [en métaphysique] Dieu comme sujet, comme en théologie [19]. »

40(3) À propos de l’affirmation aristotélicienne qui prétend que la vue fait au plus haut point connaître, Scot discute la thèse qui accorde cette primauté au toucher (p. 180-183, 198-203), pour se rallier finalement à l’opinion d’Aristote. À ce propos on peut également signaler les remarques informatives, dans une autre question, à propos de la connaissance intuitive (p. 461-469).

41(4) Deux questions traitent du rapport entre expérience et connaissance, et les réponses expriment la conviction que toute science vient de l’expérience (livre I, q. 4 : « L’art est-il engendré à partir des expériences ? », p. 218-273 ; ibid., q. 5 : « est-ce qu’un homme d’expérience sans art agit avec plus de certitude qu’un homme de l’art sans expérience ? », p. 274-285). Selon O. B., on peut conclure que la « position de Scot est donc à la fois empiriste… et aprioriste » (p. 47), dans la mesure où toute science commence avec l’experimentum, mais la science ne dérive pas de l’expérience.

42(5) Dans la première question du second livre, à savoir si la connaissance des premiers principes est naturelle (p. 400-407), Scot précise que cette connaissance requiert en dernière instance la sensation et l’expérience, mais (contre Henri de Gand) elle n’exige aucune lumière surnaturelle. On peut distinguer trois moments dans le progrès de la connaissance (p. 403). D’abord le sens est mis en mouvement et « l’intellect est mis en mouvement par le sens ». À l’appréhension des éléments simples succède la compositio de ces éléments et finalement l’intellect peut donner son assentiment. On peut donc dire que les principes sont connus naturellement, « dans la mesure où, dès qu’est réalisée la composition des termes simples, la lumière naturelle de l’intellect acquiesce ou adhère à cette vérité ».

43(6) C’est à propos de la comparaison aristotélicienne de la connaissance humaine avec la chauve-souris (nycticorax) que Scot soulève la question (livre II, q. 3) de savoir si, dans l’état présent, l’homme peut connaître les substances immatérielles (p. 412-471) [20]. Comme je l’ai déjà signalé, Scot discute ici de manière approfondie avec Thomas [21], dont il critique notamment la doctrine de l’abstraction, et il répond : « À la question, il faut répondre que [la substance immatérielle] peut être connue » (p. 449), bien qu’il explique longuement dans quel sens il faut interpréter cette possibilité (voir le commentaire de cette question par D. A., p. 385-390).

44(7) La réponse à la dernière question du deuxième livre, « L’infini peut-il être connu par nous ? » (p. 480-503) comporte de nouveau une importante réfutation de la position de Thomas d’Aquin (p. 538-545) qui, dans la Somme de théologie (Prima Pars, q. 86, a. 2), nie, comme on sait, la possibilité que l’homme puisse connaître l’infini. Selon Scot, l’infini en soi peut être intelligé : « dico quod omni modo potest intelligi a nobis » (p. 548) ; il veut dire : négativement, privativement et en sens contraire. Si l’on tient compte de l’importance de l’infinité pour la conception scotiste de Dieu, on mesure l’intérêt de cette question [22].

45Le troisième livre de la Métaphysique, celui qui contient les apories, n’a manifestement pas intéressé le Docteur subtil. Il ne consacre qu’une seule question à ce livre (p. 560-569) et dans la Lectura il dit : « Nihil authenticum potest accipi de illo libro » (p. 559, n. 1).

46Ces quelques indications montrent la richesse, la qualité et l’intérêt des questions de Scot et peuvent possiblement aussi donner une idée de la difficulté de cet ouvrage. Le commentaire thomasien de la Métaphysique est un paradigme de la sobriété et de la clarté herméneutique, tandis que les Questions de Duns Scot confrontent le lecteur à l’extrême complication d’une pensée qui, à juste titre, porte l’épithète de subtile. Il faut d’autant plus féliciter les traducteurs qui rendent accessible cet écrit à un public plus large dans une traduction précise et soignée. L’annotation reprend pour l’essentiel les références de l’édition de 1997, mais contient également des notes explicatives d’une grande utilité. Il est indéniable que la mise à disposition de ce texte important peut aider à percevoir de manière plus nuancée et davantage précise l’histoire à la fois complexe et variée de la métaphysique occidentale et son chemin sinueux vers la métaphysique dite moderne. On peut dire que cette édition bilingue apporte une magnifique confirmation à ce qu’O. B. appelle ailleurs « l’extraordinaire diversité historique des métaphysiques médiévales [23] ».

47Henri Suso. — Le traité latin Horologium sapientiae de Henri Suso dont vient de paraître une traduction française nouvelle [24] n’est pas toujours apprécié par les historiens et les historiens des idées à sa juste valeur. Pour en saisir l’importance, il faut d’abord situer cet ouvrage dans le contexte de ce que l’on appelle habituellement la mystique rhénane. Suso est en effet le troisième des maîtres spirituels dominicains, avec Maître Eckhart et Jean Tauler. L’ouvrage, probablement écrit vers 1333 et qui est une réécriture très élaborée d’une première version allemande (Livret de la sagesse divine), se comprend comme une invitation à un renouvellement de la ferveur religieuse car malheureusement « dans les temps actuels, le monde vieillissant déjà, cet amour divin s’est tellement refroidi dans les cœurs de beaucoup qu’il est presque éteint et qu’on en trouve peu qui s’efforcent à la piété » (Prologue, p. 39). Il s’agit donc de « rallumer ceux qui sont éteints, enflammer les froids, émouvoir les tièdes, provoquer à la ferveur ceux qui ne sont pas fervents et exciter à la vigilance des vertus ceux qui dorment du sommeil de la négligence » (p. 40) avec le présent opuscule « en vision sous la forme d’une très belle horloge ».

48L’état de la recherche a été radicalement changé par l’édition critique de ce texte latin par le dominicain suisse Pius Künzle en 1977 [25]. Cette édition établit le texte critique définitif de l’ouvrage dont subsistent deux cent trente-trois manuscrits. Cette édition est exemplaire non seulement parce qu’elle considère et analyse toute la tradition manuscrite, mais également à cause d’une introduction particulièrement riche. Il faut souligner deux points décisifs. Premièrement, Künzle étudie les sept traductions médiévales en langue vernaculaire dont particulièrement celle en français, transmise par soixante-trois manuscrits et qui a été cinq fois imprimée entre 1493 et 1530. Le second point qu’il convient de mettre en évidence concerne l’étude que Künzle fait de la réception de cet ouvrage, dans un chapitre intitulé les « lecteurs du Horologium ». Il peut ainsi montrer que l’ouvrage a connu un très grand succès chez les bénédictins et les chartreux (cent neuf des manuscrits proviennent de ces communautés), alors que les dominicains s’y intéressaient moins (dix-neuf manuscrits).

49La traduction française qu’il faut ici présenter reconnaît le travail pionnier du P. Künzle et le traducteur, Jean-Claude Lagarrigue, justifie en quelque sorte sa nouvelle traduction par l’édition de Künzle (qui notamment permet d’identifier beaucoup de sources). Il rappelle par ailleurs que le dominicain Benoît Lavaud a traduit le texte en 1946 [26]. Le lecteur attentif doit bien entendu comparer la nouvelle traduction avec celle du P. Lavaud. Un examen critique amène l’observateur à constater que la nouvelle traduction n’est pas vraiment nouvelle et dépend d’une manière très directe de celle de Lavaud. Ce n’est pas le lieu ici d’apporter les preuves de cette dépendance, qu’il suffise d’y avoir rendu attentif.

50Il faut, en revanche, dire deux mots sur l’introduction de Marie-Anne Vannier [M. A. V.]. Elle rappelle quelques éléments indispensables pour la compréhension de l’ouvrage, notamment en ce qui concerne le rapport entre « le petit livre de la sagesse éternelle » et l’Horologium. L’introduction de Künzle avait déjà très clairement montré que l’Horloge est postérieure et surtout qu’il s’agit d’un ouvrage profondément original. M. A. V. souligne à juste titre que c’est surtout le deuxième livre de l’Horloge qui est nouveau et original. Suso, dit-elle, « y apparaît comme un disciple de la Sagesse, que la recherche de la spiritualis philosophia détourne de la philosophie de son temps » (p. 21). Sans doute a-t-elle raison de soupçonner ici une critique de l’Université, mais il faudrait approfondir le sens d’une telle remarque. Je crois qu’il n’est pas tout à fait exact de prétendre que cet ouvrage est une défense indirecte de Maître Eckhart (p. 15). Les choses sont beaucoup plus compliquées. Il convient à ce sujet de souligner trois aspects fondamentaux de cet ouvrage remarquable. Il s’agit de dimensions qui ne sont pas suffisamment rappelées dans cette nouvelle publication.

51D’abord, il est sans doute justifié de considérer cet ouvrage comme faisant partie de la mystique rhénane et donc d’en souligner la dimension spirituelle, mais il est possible de porter un autre regard sur cette œuvre, en la situant dans l’histoire intellectuelle du xive siècle. Sous cet angle, un aspect mis en évidence par Künzle mérite particulièrement notre attention. Künzle, qui fut un thomiste convaincu, parle de la grande estime de Suso pour saint Thomas [27]. Quand j’avais pris connaissance de cette appréciation et des nombreuses références à Thomas dans l’apparat des sources de l’édition, j’avais voulu en avoir le cœur net et j’ai procédé à un examen minutieux de toutes les références données dans l’apparat [28]. Il faut conclure que Künzle a raison : le doctor egregius dont il est question au début du deuxième livre est bien saint Thomas. On peut et on doit donc aussi situer cet ouvrage dans les débats autour du thomisme dans l’ordre dominicain dans la première moitié du xive siècle [29] et il faudrait situer l’Horloge dans le contexte de la vie intellectuelle de l’ordre dominicain dans la première moitié du xive siècle.

52Deuxième perspective. Il est sans doute justifié de s’intéresser au rapport de Suso à Maître Eckhart. L’édition du « Livre de la vérité » de Loris Sturlese (qui ne figure même pas dans la liste bibliographique) est à ce sujet tout à fait décisive et on doit en tenir compte même si l’on ne partage pas la position de l’érudit italien [30]. Toutefois, la situation de l’Horologium est tout à fait différente. Je crois qu’il faut se rendre compte que, dans cet ouvrage, qui participe aux débats intellectuels du xive siècle, Suso propose et défend une voie originale qui diffère de celle de Maître Eckhart et de celle que son confrère et contemporain Berthold de Moosburg soutient et expose dans son Commentaire de Proclus, de peu postérieur à notre ouvrage. Suso esquisse dans son ouvrage ce qu’il appelle lui-même une philosophia spiritualis. Or, il est tout à fait remarquable que le maître de ce qu’il appelle aussi une spiritualis theoria est Arsenius, donc un père du désert, décrit comme « famosissimus doctrinae christianae philosophus ». « Que de livres de philosophie tu as lu, que de philosophes tu as entendu citer ! Or, dans aucune philosophie, tu n’as entendu faire mention de cet Arsène. » (p. 243) [31]. En effet, Suso est donc conscient qu’il propose une alternative originale aux courants de son temps et, ce qui est décisif, il précise que la bible de sa philosophie spirituelle sont les Vitae patrum, comme on appelait de son temps le recueil des biographies spirituelles des premiers moines du désert. Malheureusement, les travaux fondamentaux de Werner Williams-Krapp et de son épouse sur l’importance capitale des Vitae patrum pour Henri Suso ne figurent même pas dans la bibliographie et l’on n’en tient pas compte [32] ; mais ce qui est bien plus important : il faut se rendre compte que Suso intervient dans les débats intellectuels de son temps et surtout dans la vie intellectuelle de l’ordre dominicain. Même si l’ouvrage a trouvé d’autres lecteurs, il était d’abord destiné à l’ordre et envisageait une réforme de celui-ci. Suso propose une voie dont le paradigme est donné par les Vitae patrum. Pour Suso, le maître de ceux qui savent, n’est ni Aristote ni Proclus, mais Arsenius. La quintessence de cette sagesse qui est plus une manière de vivre qu’un savoir, est résumée par la phrase : « Fuge, tace et quiesce » ou encore par l’autre sentence : « La source et l’origine de tous les biens pour l’homme spirituel, c’est de rester continuellement dans sa cellule. » (p. 242) [33]. Impossible de ne pas se souvenir ici de l’affirmation pascalienne : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. » [34] Il est peut-être plus significatif que la Légende dorée rappelle également le triple impératif d’Arsène et que l’auteur de L’Imitation de Jésus-Christ, Thomas a Kempis, le rappelle plusieurs fois.

53Il convient d’ajouter une troisième dimension. Ce que Suso veut proposer n’est pas seulement un enseignement pour apprendre à vivre : « je t’apprendrai, dit la Sagesse à son disciple, ici dans l’ordre, comment il faut mourir ; deuxièmement, comment il faut vivre. » (p. 221). Là encore, il serait séduisant de situer cet enseignement que Suso désigne comme « la science la plus utile à l’homme qui consiste à savoir mourir » (ibid.), de situer cette doctrine dans le contexte intellectuel de son temps. À peine dix années après l’ouvrage de Suso, Pétrarque rédige son Secretum où il affirme que la vraie philosophie est celle qui apprend à mourir. Il semble incontestable que Henri Suso est un auteur que l’histoire de la théologie et de la philosophie ne devrait pas négliger.

54Un des aspects les plus intéressants de cette traduction est la partie iconographique : les vingt-sept illustrations qui proviennent toutes des manuscrits médiévaux sont expliquées de manière compétente par Monique Gruber et révèlent l’immense succès de cet ouvrage au Moyen Âge.

55R. I.

Études

56Sources et florilèges. — Quarante ans après leur publication par Jacqueline Hamesse [J. H.], les Auctoritates Aristotelis [AA] [35] ont fait l’objet d’un important colloque à l’Université de Porto, les 12 et 13 octobre 2012, dont les actes ont paru récemment [36]. J. H. introduit ce volume en évoquant, d’abord, les débuts de ses recherches sur les AA depuis 1964 (p. 1-6) et en offrant, ensuite, une sorte de bilan des travaux sur les AA et les florilèges médiévaux, depuis quarante ans. Ici, nous nous bornons à attirer l’attention sur quelques éléments des Actes du colloque, qui servent à éclairer les questions que continuent de poser les AA et l’usage des florilèges, tant au Moyen Âge qu’à l’époque moderne. Une nébuleuse d’hypothèses, parfois fondées sur l’imagination, a entouré les AA et leurs usages depuis quarante ans : ces Actes contribuent à dissiper plusieurs de ces hypothèses par des données certaines. Il s’agit là aussi du fruit des travaux que J. H. n’a cessé de consacrer à ce genre littéraire, difficile à étudier.

57Relevons d’abord une fine remarque méthodologique (p. 54, n. 14) de Marco Toste [M. T.] qui justifie la possibilité d’utiliser l’édition de J. H. des AA, fondée sur des incunables, pour étudier la présence des AA dans des manuscrits d’ouvrages médiévaux. Cette réflexion peut être appliquée à l’ensemble des autres études de ces Actes.

58En montrant la connaissance directe et précise des œuvres d’Aristote par Robert Kilwardby, José Filipe Silva [J. F. S.] prouve, à notre avis, que les auteurs médiévaux utilisent à la fois des recueils de textes et les originaux, tant comme sources que comme instruments de leur travail à l’Université – ou dans les Studia, ajoutons-nous : « Kilwardby was certainly not the only medieval author to make use of both textbooks and originals works » (p. 49). Si, comme le fait J. F. S., il est possible de prouver avec certitude l’usage par un auteur des originaux – rappelons les travaux de Marta Borgo à ce sujet [37] –, il est beaucoup plus difficile, sinon impossible – mis à part certains cas –, de prouver qu’un auteur a utilisé un recueil d’auctoritates : celles-ci circulent dans les commentaires et les traités, et elles sont facilement mémorisées. Il ne faut pas chercher à montrer l’importance des recueils d’auctoritates à partir de leur utilisation. Il faut étudier ce genre littéraire pour lui-même, comme témoignage des pratiques pédagogiques et intellectuelles du Moyen Âge et de l’époque moderne.

59La recherche de M. T. complète en ce sens les résultats précédents : « The florilegia were definitely known by the masters of Arts, but they were not open on their desks » (p. 84). M. T. me semble bien prouver que ces florilegia n’ont jamais fait l’objet d’enseignement, mais que l’on pouvait se servir d’eux en vue de l’enseignement et qu’on ne peut pas en réserver l’usage aux seuls étudiants (p. 66-67, 84-85). Si, comme il semble prouvé par René Antoine Gauthier, Thomas d’Aquin, certes aidé par des secrétaires, a travaillé à la rédaction de sa Tabula Libri Ethicorum vers la fin de sa carrière, ou en a au moins demandé la rédaction, au moyen de fiches, il faut constater que l’usage de ces instruments de travail était bien répandu au Moyen Âge [38]. Thomas aurait-il entrepris ce travail seulement pour ses étudiants ? Le P. Gauthier est enclin à penser que cette Tabula est d’abord à l’usage de Thomas lui-même. Il reste cependant encore nombre d’hypothèses à vérifier pour trouver des réponses satisfaisantes. Nous savons, cependant, que la Tabula de Thomas a été mise à disposition d’étudiants et de maîtres par le système des pecie, probablement dès 1277, et qu’un exemplar de la Tabula est recensé sous le nom de Thomas dans la liste de taxation de 1304 : nous conservons plusieurs manuscrits avec des marques de pièces qui correspondent bien à cet exemplar[39].

60L’étude que Pieter De Leemans consacre à un autre florilège que les AA, celui qui est conservé dans le manuscrit Paris, BnF lat. 14704, est fort intéressante pour la méthode à suivre dans l’analyse de ce genre de recueils et parce que ses résultats ouvrent de nouvelles perspectives d’approche aux florilegia.

61L’étude qu’Alessandra Beccarisi [A. B.] consacre à Meister Eckhart souligne d’abord l’importante entreprise qui est réalisée à Lecce sur les sources du dominicain, leur typologie, leur localisation et la comparaison entre les sources dans les œuvres latines et allemandes d’Eckhart. A. B. ne se borne pas à la relation d’Eckhart avec les AA, mais elle développe une véritable réflexion sur l’usage des sources chez lui.

62William Duba montre la faible relation entre Pierre Auriol et les AA ; concernant Bonaventure (p. 155), l’étude pionnière de Jacques Guy Bougerol [40] devrait être reprise à la lumière, précisément, des travaux produits depuis quarante ans sur les florilèges.

63Plusieurs études analysent de manière détaillée et sérieuse les rapports entre différents auteurs et les AA, ce qui montre la diffusion et l’utilisation des AA. La dernière contribution, par Guy Guldentops, est un parcours très fin et très érudit de l’usage et des significations différentes de la “maxime” Nemo / Nihil dat quod non habet, touchant des domaines variés du savoir. Dans les conclusions, Luca Bianchi offre des réflexions sur les contenus des AA ainsi qu’un exemple de leur présence dans le Dialogue de Galilée. Il relève aussi que « l’origine des sections des Auctoritates Aristotelis consacrées à la métaphysique, à la philosophie naturelle et à la philosophie pratique reste encore assez obscure » (p. 321).

64Des différentes contributions de ces Actes émerge le rôle précis joué par les AA : celui d’être un intermédiaire entre l’étude des textes originaux et l’usage de ceux-ci. C’est sur l’analyse de cette dialectique que doit se concentrer, à notre avis, la réflexion sur les florilèges médiévaux pour être vraiment féconde, en renonçant à créer une compétition artificielle entre usage des originaux et usage des florilèges.

65A. O.

66Anthropologie. — Dans le volume, Nature, singularité et devenir de la personne humaine chez Thomas d’Aquin, riche, érudit et foisonnant, l’auteur, Édouard Wéber [É. W.], dominicain, chargé de recherche émérite au CNRS, offre aux lecteurs rompus au langage technique de la philosophie et de la théologie médiévales une étude de l’anthropologie thomasienne dont le nœud se situe dans la noétique [41]. Qui connaît les recherches d’É. W. recevra ce livre comme le faîte de ses ouvrages antérieurs : centrés sur l’anthropologie [42] et la christologie [43] ainsi que sur les questions de noétique suscitées par la thèse averroïste de l’intellect unique pour tous [44], les précédents livres d’É. W. abordaient déjà les questions anthropologiques à partir d’enjeux noétiques. Le présent volume en constitue leur pleine élucidation.

67Selon une enquête généalogique conduisant à la pensée de Thomas, l’ouvrage est construit en cinq parties : la première partie traite de la notion de « personne » chez les premiers théologiens alexandrins, Justin, Clément d’Alexandrie et Origène. La deuxième partie, des débats conciliaires autour des rapports entre les notions de nature ou essence et d’hypostase ou personne. La troisième partie aborde l’anthropologie de trois auteurs, majeurs pour l’élaboration proprement thomasienne de la personne. Avec Augustin, le verbe intérieur est pensé comme similitude ou analogie du Verbe éternel proféré par le Père in divinis, fruit intellectif du Père : le Christ homme est ainsi le modèle de la vie intellective de la personne humaine. De Boèce, Thomas retiendra particulièrement la définition de la personne dans le Contra Eutychen et Nestorium : « La “personne” est une substance individuelle et singulière, tel Cicéron ou Platon, et non pas une notion universelle. D’où la définition de la notion de personne “substance individuelle, ou singulière, de nature rationnelle” » (p. 204). Enfin, Thomas héritera de Denys la perspective eschatologique de filiation gracieuse et d’union immédiate, adaptée et proportionnée à l’esprit créé : « La contemplation immédiate, amesôs, selon le don de grâce respecte la capacité réceptive de l’esprit créé, mais toujours en l’invitant à une mesure de vérité plus digne du Donateur transcendent. L’analogia dionysienne […] signifie participation adaptée à chaque participant bénéficiaire du don noétique animé d’anagogie l’invitant à jouir selon une mesure plus plénière, selon une summetria plus accomplie. » (p. 245). Dans la quatrième partie, É. W. traite des interprétations thomasiennes de l’anthropologie et de l’épistémologie d’Augustin, d’Aristote et d’Averroès. La cinquième partie, en continuité, analyse l’élaboration de l’épistémologie philosophique et théologique de Thomas d’Aquin dont le nœud est le rapport entre l’intellectus, faculté de l’âme, et l’intellectus-intellectum, objet intelligible de l’intellection. Ces deux dernières parties, denses et difficiles, constituent le cœur de l’ouvrage : c’est ici qu’É. W. concentre ce qu’il tient comme essentiel pour comprendre l’épistémologie philosophique et théologique.

68À l’encontre d’une théorie de la connaissance, comprise par le rationalisme délétère de la modernité et dans le sillage de Kant, comme une production de représentations, É. W. montre que la connaissance est un engendrement, une actuation de l’intellect humain par la forme intelligible, par influx causal transcendent (c’est ainsi volontairement qu’É. W. modifie l’orthographe du terme, en substituant au « transcendant » kantien, à la métaphysique transcendantale de l’homme constitutif de la connaissance, le « transcendent », réalité première source de l’intellection humaine).

69Hic homo intellegit : cette thèse est affirmée par Thomas dans le De unitate intellectus où elle énonce une conception de l’intellection individuelle contre la thèse averroïste de l’intellect pour tous. Mais il convient de préciser néanmoins ce que Thomas doit à Averroès : l’intellect humain possible est actué par la forme intelligible, par l’effet du Principe causal transcendent de l’intellection, élargissant ainsi l’influx causal du premier moteur aristotélicien (agissant dans l’ordre cosmologique) à l’opération de l’âme intellective : le désir universel d’être suscité par la Pensée œuvre dans l’actuation de notre intellect. D’intellectus il est promu au rang d’intellectum, intellection de l’intelligible, intellection des formes. Cette activité ou acte d’être intellectif à l’œuvre dans l’ordre naturel de la connaissance est achevée dans l’ordre de la grâce : la finalité ultime de chaque homme est la béatitude ou l’intellection sublime de Dieu, « tel qu’Il est ». L’essence divine se donne là comme forme intelligible de l’intellect. L’ultime fin de la personne est surnaturelle : la vision promise de Dieu en son essence, sans médiation est néanmoins adaptée à la mesure propre de chacun.

70Ce livre est indéniablement une œuvre : le savoir y est admirable et les analyses, critiques et personnelles, retrouvent un Thomas authentique, non déformé par les siècles postérieurs. L’encyclopédisme de l’ouvrage, sa bibliographie riche et ciblée, l’index nominum, la table des matières détaillée le rendent en outre pratique. Le lecteur pourra choisir de suivre É. W. jusqu’au dernier chapitre ou pourra se concentrer sur tel ou tel chapitre selon ses intérêts propres. Néanmoins, il faut se parer d’une ferme détermination : style et contenu sont d’une extrême aridité.

71É. B.

72Psychologie morale. — Anthony Celano [A. C.] consacre une importante étude à la réception de l’Éthique à Nicomaque d’Aristote au xiiie siècle [45]. Le volume est divisé en huit chapitres, plus une conclusion. Le premier chapitre présente un certain nombre de problématiques qui seront reprises et développées ultérieurement dans le cours de l’étude, notamment la relation entre vertu et bonheur, la loi naturelle, les principes de l’action morale. Ici, A. C. donne aussi quelques repères bibliographiques, essentiellement anglophones, permettant au lecteur de mieux comprendre les enjeux exégétiques de certains thèmes de la morale aristotélicienne.

73Le deuxième chapitre est entièrement consacré à la sagesse pratique chez Aristote, notamment à sa relation avec le bonheur humain.

74Le troisième porte sur la morale de deux théologiens du début du xiiie siècle, Guillaume d’Auxerre et Philippe le Chancelier, parmi les premiers témoins de la pénétration de l’Éthique chez les Latins. Avec ces deux auteurs, on commence à voir l’intérêt que la morale d’Aristote pouvait représenter pour les théologiens : A. C. le montre bien à propos de la théorie de la loi naturelle et de la syndérèse.

75Le quatrième chapitre analyse les premiers commentaires latins de l’Éthique. Ces textes, qui commentent la traduction de Burgundio de Pise (Ethica nova = livre I ; Ethica vetus = livres II-III), sont aujourd’hui majoritairement inédits. A. C. étudie principalement le commentaire de Robert Kilwardby, et notamment ses positions autour de la félicité et de la vertu.

76Le cinquième chapitre, consacré aux premières œuvres morales d’Albert le Grand, complète les deux précédents. Il porte principalement sur le De bono et le De homine, et il examine les positions d’Albert sur la prudentia, la syndérèse et la loi naturelle.

77Le sixième chapitre est, lui aussi, consacré à Albert, notamment sur ses deux commentaires de l’Éthique à Nicomaque. Au centre de ces analyses se trouve la relation entre les deux genres de félicité, pratique et spéculative, la prudentia, la relation entre vertu et félicité.

78Le septième chapitre est consacré aux conceptions du bien moral chez Thomas d’Aquin, notamment dans la Somme de théologie, et chez Bonaventure, notamment dans le deuxième livre des Sentences.

79Avec le huitième chapitre, nous quittons les théologiens pour aborder deux commentaires de l’Éthique à Nicomaque de la fin du xiiie siècle, les deux issus de l’enseignement à la Faculté des Arts, l’anonyme d’Erfurt et la première rédaction du commentaire de Raoul le Breton. A. C. analyse les positions de ces deux auteurs à propos de la félicité et de la prudentia.

80Les conclusions retracent les principaux acquis du volume.

81Le volume de A. C. constitue une contribution importante à l’histoire de la philosophie morale et de l’aristotélisme scolastique. On en appréciera surtout la clarté des analyses de textes souvent difficiles, ainsi que la précision historique.

82Sur certains aspects importants de la psychologie morale médiévale, était déjà intervenu Thomas Osborne [T. O.], en se proposant d’étudier la conception de l’acte humain chez trois théologiens majeurs de la scolastique latine, Thomas d’Aquin, Jean Duns Scot et Guillaume d’Ockham [46].

83L’introduction présente les thèmes choisis et la méthodologie appliquée. L’ordre suivi s’inspire de la structure du traité thomiste des actes humains (Prima secundae, q. 6-21). L’étude est divisée en cinq chapitres : sur les causes de l’acte, sur la raison pratique, sur les différentes phases de l’acte, sur la spécification, sur le mérite. Nous ne rendrons compte que des analyses des positions de Thomas, en particulier de celles qui se trouvent dans le premier chapitre (p. 5-19), où T. O. analyse le problème des causes de l’acte humain. Il s’agit d’un problème fondamental pour comprendre tant la nature de la liberté que la structure ontologique de l’acte. Hélas, l’analyse des positions de Thomas paraît insatisfaisante, voir fautive.

84Premièrement, le lecteur est surpris de lire que « la volonté est libre précisément parce que l’intellect peut lui présenter une multiplicité d’objets » (p. 8). En réalité, la liberté de la volonté dépend essentiellement de sa propre indétermination et de sa capacité d’autodétermination, alors que l’affirmation de T. O. décrirait plutôt une forme d’intellectualisme à la fois extrême et naïf. En outre, T. O. expose les positions de Thomas en s’appuyant sur le De veritate, la Prima pars, la Prima secundae et le De malo, comme si la pensée de Thomas n’avait subi aucune évolution entre la première et la dernière de ces œuvres ; or cela est faux, puisque la doctrine de la Prima secundae et du De malo présente deux nouveautés majeures : tout d’abord, l’application de la distinction entre spécification et exercice à l’acte humain, deuxièmement, le recours à la motion divine (dont le concept est élaboré à partir du Liber de bona fortuna) [47]. T. O. est au courant du problème de la possible évolution de la pensée de Thomas (p. 13-14) ; il est cependant persuadé de pouvoir trouver la distinction entre spécification et exercice déjà dans le Contra gentiles. Or le texte qu’il cite (p. 14) semble difficilement compatible avec la théorie de la Prima secundae et du De malo[48]. Dans le Contra gentiles (I, 72), Thomas affirme quatre choses : 1) la volonté meut les autres puissances, 2) la fin est l’objet de la volonté, 3) l’intellect ne meut pas la volonté comme une cause efficiente, et 4) l’intellect propose à la volonté l’objet qui est la cause finale. Nous reviendrons ci-dessous sur la relation entre l’objet présenté par l’intellect et la causalité finale ; pour le moment, bornons-nous à observer qu’affirmer que l’intellect propose à la volonté son objet n’implique pas que cet objet soit la cause formelle de l’acte de la volonté, ce qui est requis pour qu’il y ait véritable spécification.

85Quant à la motion divine, l’explication de T. O. ne paraît pas très claire. Tout d’abord, la question qu’il pose est surprenante, à savoir (p. 18) : « comment la motion efficace de la volonté par Dieu serait-elle compatible avec l’indétermination de la volonté ? ». Or, dans le De malo et dans la Prima secundae, Thomas explique que la volonté reçoit de Dieu sa propre indétermination, c’est-à-dire que l’action de Dieu envers la volonté consiste à laisser la volonté ouverte aux contraires, lui réservant ainsi une motion opposée à celle des étants naturels, motion qui se dirige vers un terme unique ; si bien que, au contraire, il serait davantage difficile de penser l’indétermination de la volonté en l’absence de la motion divine. Ensuite, il est inapproprié d’affirmer (ibid.) que l’autodétermination de la volonté doit être causée par une cause d’un autre ordre que la volonté et que cette cause ne peut être que Dieu : en effet, si la volonté recevait l’autodétermination par une cause autre que la volonté, il n’y aurait plus d’autodétermination ni, par conséquent, de liberté. Ce que Dieu confère à la volonté, c’est l’absence de toute détermination positive (absence de détermination qui se présente comme ouverture originaire aux contraires) accompagnant une nature dynamique, active (qui s’oppose en cela à la nature cognitive et réceptive de l’intellect). L’autodétermination et la “ motion de soi” de la volonté n’appartiennent qu’à la volonté, qui les exerce dans la mesure où Dieu l’a créée ainsi indéterminée. Il est donc essentiel de souligner que la volonté ne reçoit pas de Dieu sa “self-motion” (ce qui n’est qu’une contradiction in terminis), mais la capacité de s’autodéterminer vis-à-vis de l’exercice.

86Regardons de plus près ce que T. O. affirme à propos de la spécification et de l’exercice. Tout d’abord, si l’on veut éclairer la position de Thomas et non celle de ses interprètes, il est peu pertinent de parler de “liberté de spécification” (comme T. O. le fait, par exemple, p. 13). Cette expression n’apparaît pas chez Thomas d’Aquin, et pour cause : la spécification est la motion de la causalité formelle, exercée par l’objet reçu et transmise par l’intellect à la volonté, motion vis-à-vis de laquelle la volonté est passive ; dans cette motion de la causalité formelle, la volonté n’est pas complètement autonome, puisqu’elle subit la causalité de l’intellect et de l’expérience.

87Or Thomas a toujours pensé que la volonté est une puissance (en partie) active et indéterminée, mais la conception de cette indétermination a profondément évolué entre le De veritate et le De malo. En ce qui concerne le De veritate (q. 22, a. 6), il semble que T. O. ne saisit pas le point essentiel du discours de Thomas. Ici, Thomas explique que la volonté est indéterminée sous trois rapports : 1) par rapport au choix des moyens pour parvenir à la fin ultime ; 2) par rapport au fait d’agir ou de ne pas agir ; 3) par rapport à la relation qu’un certain objet entretient avec la fin ultime. T. O. lit le point 2) en laissant de côté son aspect le plus important. Selon lui (p. 9), l’indétermination par rapport à l’acte consisterait en ce que la volonté pourrait refuser les différents biens particuliers qui lui sont présentés par l’intellect. C’est une idée banale, et ce n’est pas le point qui intéresse Thomas. Thomas écrit :

88

Secundo est voluntas indeterminata etiam respectu actus, quia etiam circa obiectum determinatum potest uti actu suo cum voluerit vel non uti ; potest enim exire in actum volendi respectu cuiuslibet vel non exire, quod in rebus naturalibus non contingit ; grave enim semper descendit deorsum in actu nisi aliquid prohibeat, quod exinde contingit quod res inanimatae non sunt motae a seipsis sed ab aliis, unde non est in eis moveri vel non moveri ; res autem animatae moventur a se ipsis, et inde est quod voluntas potest velle et non velle [49].

89Ceci signifie que, même face à un objet voulu (cum voluerit…), la volonté peut donner cours à l’action ou bien la retenir. Par exemple, la volonté d’un malade peut vouloir la guérison, et ainsi vouloir se soigner, mais peut ne pas vouloir prendre le médicament en raison d’un aspect négatif, désagréable, de celui-ci. Nous ne sommes pas encore à l’exercice du De malo, dont il manque ici le fondement (la motion divine), mais c’est dans cette indétermination vis-à-vis du passage à l’acte qu’il faut chercher une première formulation de la liberté d’exercice de la volonté.

90Plus précisément, c’est la notion de cause (finale, formelle, efficiente) que T. O. semble analyser de manière insuffisante, voir imprécise. Lorsqu’il écrit, par exemple : « Thomas affirme clairement qu’il n’y a que deux causes créées de la motion de la volonté, d’une part la finale ou formelle, de l’autre l’efficiente » (p. 17), il introduit dans la pensée de Thomas une incohérence si grave que toute la doctrine de la liberté en serait ruinée. En réalité, il ne faut pas confondre la cause finale et la cause formelle : du point de vue de la cause formelle, la volonté est passive, du point de vue de la cause finale, elle est active. La volonté, en effet, reçoit tous ses objets de l’intellect, et cette réception (que Thomas appelle spécification ou détermination : specificatio, determinatio) correspond à la réception d’une forme ; l’intellect agit donc comme cause formelle de la volonté. C’est donc dans la relation de la volonté à la cause finale (dans l’exercice : exercitium) que réside le noyau de la liberté humaine. Or, dans le De malo, q. 6, ainsi que dans les passages parallèles de la Summa, lorsqu’il analyse l’actus elicitus, Thomas ne mentionne jamais la cause efficiente [50] : cette dernière ne rentre en jeu qu’avec l’actus imperatus, lorsque la volonté, parfaitement autodéterminée, devra faire passer à l’acte les autres facultés pour la réalisation pratique, ou concrète, de l’action.

91En conclusion, il semble que l’ouvrage de T. O. puisse difficilement éclairer la doctrine de l’acte humain chez Thomas d’Aquin et que, au contraire, il introduise de graves erreurs d’interprétation, dont les lecteurs de ce volume doivent se garder.

92I. C.

93Prédestination, grâce et libre arbitre. — Un ouvrage imposant du Fr. Basile [Valuet : B. V.], intitulé Dieu joueur d’échecs ? Prédestination, grâce et libre arbitre. Relecture de saint Thomas d’Aquin, vient de paraître aux éditions Sainte-Madeleine du Barroux [51]. Il s’agit en réalité du deuxième tome d’une tétralogie wagnérienne sur prédestination, grâce et libre arbitre en général, une question essentielle pour la théologie médiévale et pour la controverse de auxiliis. Le premier tome, De l’Écriture à saint Albert le Grand, annoncé pour 2019, parcourt toute l’histoire de la révélation et de la tradition jusqu’au seuil de l’œuvre de Thomas. Un troisième tome est prévu, sur la postérité de Thomas et la controverse de auxiliis, il dépouillera plus de mille ouvrages écrits sur cette question. Le quatrième et dernier tome devrait porter sur la relance du thomisme depuis 1879 ; sa bibliographie occupe déjà près de cent soixante-dix pages de titres. Comme on le voit, notre auteur n’est pas un adepte du haïku.

94L’objectif du tome II est de répondre à une question classique, mais abominablement difficile : « Quelle est l’authentique pensée de saint Thomas sur la manière dont la causalité divine – et au plus haut point celle de la grâce actuelle surnaturelle – sur le libre arbitre humain intervient dans le salut individuel de l’homme ? » (p. 13). Autrement dit : saint Thomas a-t-il enseigné la prédétermination physique ?

95Quelle est la méthode suivie ? B. V. se donne pour tâche d’explorer de manière exhaustive et dans l’ordre chronologique tous les passages sur : (a) la permission du mal ; (b) la prédestination ; (c) les rapports entre la causalité divine et la causalité créée en général, en particulier dans le cas de la grâce et du libre arbitre. B. V. recopie, traduit et commente tous les textes pertinents, ce qui lui vaut de dénicher quelques perles rarement aperçues, et encore moins commentées. Il les dispose en six parties, qui reflètent six grandes périodes de la vie de Thomas : (1) bachelier sententiaire ; (2) maître en sacra pagina à Paris ; (3) période italienne avant Rome ; (4) séjour à Rome ; (5) deuxième enseignement à Paris ; (6) enseignement à Naples. Une septième partie donne la synthèse générale et les annexes.

96Quel est le résultat obtenu ? On peut considérer que nous avons ici (et plus encore si nous intégrons les tomes à paraître), une véritable encyclopédie sur le problème de la prédestination. Certes, vu l’immensité des textes envisagés, une fois que l’essentiel a été traduit, il reste peu de place pour une discussion approfondie de chaque texte. Mais précisément, B. V. tient à ne privilégier aucun texte, et ne risque jamais une extrapolation hasardeuse ni même une conclusion définitive à partir d’un seul texte. C’est donc un travail minutieux, austère, le plus souvent judicieux, qui avance pas à pas, par petites touches, vers la vision d’ensemble que nous n’atteindrons que dans la conclusion. Heureusement pour nous, B. V. se permet des écarts par rapport à la simple analyse des textes, tout d’abord en évoquant systématiquement les sources, et de manière plus erratique, en renvoyant à tel commentateur, telle controverse moderne, ou telle interprétation néo-thomiste, souvent pour les disqualifier.

97Soulignons encore que B. V. ne se situe pas seulement dans une perspective historique, puisqu’il n’hésite pas à lire aussi Thomas dans une perspective théologique contemporaine, éclairée par l’histoire ultérieure des dogmes, où le concile de Trente, la condamnation du jansénisme et le concile Vatican II jouent un rôle de guide et de critique.

98Cet ouvrage doit donc se lire d’abord comme une encyclopédie. Il constitue un instrument de travail exhaustif sur le problème. L’on peut maintenant s’orienter à partir d’une table des matières puissamment analytique (à la page près), mais aussi de sept annexes, comprenant : les sources de saint Thomas, la bibliographie, un glossaire des termes les plus techniques, et surtout un index des textes cités. On peut donc, pour chaque concept, auteur ou passage de saint Thomas, retrouver la traduction et le commentaire correspondants. Je retiens de l’annexe des sources que, sur cette question, Thomas cite pour un tiers des traités d’Augustin antérieurs à la polémique anti-pélagienne, et pour deux tiers des traités postérieurs. Cela confirme qu’il est pénétré de l’autorité d’Augustin et qu’il partage largement ses interprétations anti-pélagiennes.

99Sur quelles conclusions débouche cet ouvrage ? Sur la thèse que ni le molinisme, ni la prémotion physique de Báñez ne peuvent « prétendre représenter l’authentique pensée du Docteur angélique, lequel, à son tour, ne peut d’ailleurs pas constituer le dernier mot de la Tradition sur ce formidable sujet » (p. 14). Mais aussi sur l’idée que Thomas a clarifié peu à peu sa pensée sur certains points, sans pourtant avoir connu de revirement fondamental. Le chapitre conclusif occupe cent quarante pages. Il est couronné par une synthèse de la synthèse, de quarante pages. Commençons par la conclusion générale (p. 1288). Elle tient en cinq thèses :

100(i) La certitude de la prédestination ne repose pas sur celle de la causalité, c’est-à-dire de l’efficacité intrinsèque de chaque grâce, mais sur l’infaillibilité de la science divine.

101(ii) La cause pour laquelle Dieu confère un don ne peut pas être un acte posé par le libre arbitre après la réception de ce don, mais ce don a pour raison, ce que l’homme aura fait avant ce don. Dieu prévoit donc de donner sa grâce en vertu de ce qu’on peut appeler une science divine des futurs antérieurs (l’expression revient plusieurs fois sous la plume de B. V.). Dieu prévoit de donner sa grâce pour permettre à l’homme de bien agir, en fonction du bien qu’il aura déjà fait.

102(iii) D’autre part, il faut souligner que lorsque l’homme agit mal, Dieu n’y collabore pas, mais il le permet (en raison de la liberté humaine). À ce propos, B. V. insiste sur un point souvent négligé : le contraire de ce que Dieu permet peut avoir lieu puisque l’homme est libre. Le décret permissif du mal n’est pas nécessairement suivi du mal. Ce n’est pas une causalité déguisée. L’on n’a pas toujours besoin de la grâce pour faire le bien ; dans le cas général, on n’a besoin que du concours général de Dieu, lequel donne l’exercice par mode efficient et la spécification par le caractère désirable des biens finis poursuivis par la volonté. Ce n’est donc pas parce que Dieu ne propose pas sa grâce que j’agis mal.

103(iv) La motion divine fait passer la volonté de la puissance à l’exercice du choix, sans déterminer la spécification de ce choix (d’où l’importance de la sixième question De malo, qui distingue la spécification et l’exercice de la volonté). La motion divine coopérante est la récompense de la non-résistance à cette motion opérante. Le don de la motion coopérante est prédestiné en fonction de la prescience de ce futur antérieur (consistant dans le bon usage de la grâce actuelle).

104(v) Dieu n’est pas responsable de la damnation si on se damne, alors qu’il est responsable du salut, si on se sauve. C’est ce qu’enseigne le Concile de Quierzy (voir Denzinger, 623 : « Quod autem quidam salvantur, salvantis est donum : quod autem quidam pereunt, pereuntium est meritum ») : « Que quelques-uns soient sauvés, c’est un don de celui qui sauve ; mais que quelques-uns soient perdus, c’est le mérite de ceux qui se perdent ». Ainsi B. V. rejette dos à dos le molinisme et la prémotion physique : pour ces deux écoles, si quelqu’un se damne, c’est soit que Dieu ne l’a pas mis dans les circonstances où sa science moyenne lui faisait voir que cet homme se sauverait (molinisme), soit (p. 1289) qu’il ne lui a pas donné la grâce efficace (thomisme classique, augustinisme). C’est trop oublier la volonté salvifique universelle antécédente.

105En somme, B. V. estime qu’on approche mieux du mystère en disant que les décisions divines dépendent d’une science des futurs antérieurs. Pour utiliser un vocabulaire postérieur, il faut, contrairement à Bañez, accepter une prémotion physique efficiente sur l’exercice des choix humains, sans qu’elle soit prédéterminante, c’est-à-dire sans qu’elle porte sur la spécification de ces choix (ici encore, c’est le cœur du De malo, q. 6). Et symétriquement, B. V. propose de repousser le molinisme, avec son concours seulement simultané, et son concept de science moyenne.

106Pour arriver à cette conclusion, il faut dissiper pas moins de seize malentendus herméneutiques, qui sont détaillés dans les p. 1252 à 1287. Ils ont tous en commun d’extrapoler, c’est-à-dire de prendre une analyse ponctuelle, sur une question précise, et de croire qu’on peut en tirer une réponse générale pour notre problème. J’en retiendrai cinq.

107(A) Le troisième malentendu (p. 1253) : « Lorsque Thomas affirme que rien ne résiste à la volonté de Dieu, cela vaut seulement de la volonté conséquente. » Si un agent s’écarte librement de la volonté antécédente de Dieu (par laquelle il veut en général le plus grand bien, à savoir que les hommes soient sauvés), il ne peut pas échapper à sa volonté conséquente (par laquelle il veut le réintégrer dans l’ordre en lui imposant une peine, qui est encore un bien, le bien de la justice). Autrement dit, par sa liberté, l’homme peut résister à la volonté antécédente de Dieu, mais celui-ci prévoit éternellement la manière de le réintégrer dans l’ordre « après coup ». Le lecteur peut s’étonner de cette expression, qui évoque une attente moliniste de la décision humaine. Mais c’est peut-être tout simplement que Molina voulait développer cet embryon d’ordre successoral.

108(B) Le sixième malentendu, que B. V. appelle lui-même « immense » (p. 1255). On a extrapolé des textes où il est dit que Dieu décide sans tenir compte des mérites (pour l’ensemble du plan du salut) à la prédestination à la gloire (alors que celle-ci suppose la connaissance de nos mérites). Nous atteignons ici le centre de gravité du livre. La prédestination à un don particulier s’insère dans la prédestination en général parce qu’elle tient compte de la prescience de ce qui se sera passé avant la collation du don de grâce. « Dieu donne la grâce sanctifiante sous la condition que nous aurons consenti à la grâce actuelle nous proposant de la recevoir, et pour qu’on en use bien, mais non parce qu’il saurait que nous en userons bien par la suite ; il donne la gloire parce qu’il voit dans sa prescience que nous l’aurons méritée, avec la grâce qu’il nous aura antérieurement donnée » (p. 1255). Comme dit la Tertia Pars, q. 1, a. 3 ad 4 : « Praedestinatio praesupponit praescientiam futurorum ». La volonté divine tient compte des futurs antérieurs à l’instant t où apparaît cet effet bon qu’elle veut opérer dans le temps. Dieu prévoit de toute éternité de donner la grâce sanctifiante parce qu’il prévoit que nous y aurons consenti, et de donner la gloire parce qu’il prévoit que nous l’aurons méritée.

109(C) Le septième malentendu à éviter : l’infaillibilité de prescience supposée par la prédestination ne signifie pas nécessairement que les moyens qui conduisent au salut sont intrinsèquement efficaces et infaillibles (p. 1256). La prédestination est infaillible dans le concret individuel de telle personne, ayant telle histoire. Mais elle n’introduit aucune nécessité dans les actions du prédestiné, pas plus que la prescience divine. Si x est prédestiné, il ne peut pas être vrai qu’il n’aura pas la gloire, mais cette gloire, il la méritera de manière contingente et faillible (en fonction de ses mérites, précisément). Le seul moyen intrinsèquement efficace est la présence de l’état de grâce à l’instant de la mort. Mais cet état de grâce n’a pas été nécessairement établi dans l’homme par des moyens infaillibles (qui n’engagent pas sa liberté). Ils ont pu l’être par des moyens faillibles (associés à des actes libres).

110(D) Le huitième malentendu à dissiper est le suivant : il ne faut pas croire que les mérites causent l’élection, ni la réprobation le péché (p. 1257). La réprobation implique logiquement la permission du péché, mais elle n’est pas le but de cette permission : « Ce n’est pas pour avoir des hommes à damner que Dieu a permis le péché. » C’est l’homme et non Dieu qui a l’initiative première du péché. Et c’est ce qui cause la réprobation. Citons le Commentaire des Sentences I, d. 46, q. 1, a. 1, resp. (voir ad 3) : « Il n’est pas bon que soit sauvé celui qui ne le veut pas et qui résiste, puisque c’est injuste […] Ce dernier homme considéré sous ces conditions, Dieu ne veut pas qu’il soit sauvé, mais seulement celui qui veut et qui consent ; et c’est cela qu’on appelle la volonté conséquente, du fait qu’elle présuppose la science des œuvres ».

111(E) Le dixième malentendu important porte sur ce que l’école thomiste appelle les prémotions morales et les prémotions physiques (p. 1259). Dieu peut provoquer nécessairement certains actes de la volonté soit comme cause finale (en général ou vue face à face), à titre de prémotion morale, soit comme cause efficiente, en mouvant la volonté à agir, dans une prémotion physique. Or les prémotions morales (à titre de fin) sont les seules à proposer une spécification par l’objet de choix (ce que Thomas appelle une détermination), et les prémotions physiques fournissent seulement un passage à l’acte de choisir, un exercice et non une spécification. La q. 9 (a. 6 ad 3) de la Prima secundae le rappelle : Dieu nous meut de façon nécessitante à désirer le bien en général, voire la félicité naturelle, comme fin ultime, mais c’est la volonté qui passe d’elle-même à l’acte de choisir les moyens qui y conduisent. La motion divine par mode efficient n’est que la motion à l’exercice de choisir, et non à une spécification.

112B. V. n’hésite pas, à partir de ces conclusions, à indiquer ce qui lui semble les limites de la pensée thomasienne (p. 1266). Notamment, en privilégiant la providence, Thomas donne parfois l’impression qu’on a besoin du mal pour qu’il remplisse certaines cases de l’échiquier de la création, c’est-à-dire que la providence divine aurait besoin du mal, si l’on peut dire.

113Finalement, le frère B. V. justifie son titre : Dieu est comparé avec un programmateur de logiciel qui serait en même temps un joueur d’échecs. Il fournit l’ordinateur, les règles du jeu, l’électricité (c’est-à-dire la causalité physique de l’exercice), et il joue le premier coup, avec les blancs. Il a programmé le logiciel, c’est-à-dire la « riposte divine », en fonction de tous les coups possibles de toutes les créatures possibles. L’acte pur divin a donc sur une action humaine A un effet qui est telle riposte divine ultérieure B. La riposte est un effet de Dieu, mais elle ne change rien en Dieu. Car les ripostes créées n’introduisent aucune nouveauté en Dieu, tout comme le programmateur d’un logiciel d’échecs n’est en aucune façon modifié par la manière dont joue tel ou tel joueur. Et pourtant l’analogie a une limite : Dieu diffère d’un programmateur, en ce que, par sa science de vision des futurs antérieurs, il connaît ce que l’homme aura réellement fait en A, avant la riposte divine B. Il a donc programmé quelle réaction divine se déclenchera vu que tel joueur créé aura joué tel coup (c’est ici que le concept de futur antérieur prend tout son sens). Le « vu que » n’agit pas comme une raison sur Dieu, mais comme une raison sur l’effet voulu (Thomas dit : « ex parte voliti »). Dans cette perspective, la liberté humaine est en dialogue permanent avec la grâce divine, et même si celle-ci a le trait, même si elle riposte sans cesse en proposant sa grâce, elle n’empêche pas l’action humaine de se dérouler librement. Pour filer la métaphore, il faudrait ajouter que l’homme joue ses parties en simple aveugle …

114On le voit, cet ouvrage, est une encyclopédie théologique, philosophique et historique. Plus personne ne pourra aborder le problème sans se référer à lui. Mais c’est aussi un livre qui déploie une thèse, savamment et solidement argumentée.

115Il a les défauts de ses qualités : sa taille, la brièveté de certains commentaires, l’usage parfois de termes et de questions anachroniques (dictées par le dialogue avec Molina ou l’école thomiste), une problématique dogmatique où la voix de l’historien est parfois coupée par celle du théologien anxieux de répondre à des objections contemporaines. Mais il mérite la plus haute admiration : il fera date, car il propose la première lecture exhaustive, patiente et équilibrée de la totalité des textes de Thomas.

116O. B.

117Dans l’introduction à Thomisme et théologie moderne, un recueil rééditant seize études [52], Sylvio Hermann De Franceschi [S. F.] indique combien, s’agissant du thomisme, la notion d’école théologique se laisse malaisément saisir, et cependant s’avère indépassable, si l’on veut pénétrer les débats qui ont agité la période considérée. Au xvie siècle, où la Somme est devenue comme le manuel universel, saint Thomas est regardé, avant la lettre, comme le docteur commun. Les dominicains ont tenté, il est vrai, de revendiquer l’exclusivité de son héritage, et cela contre l’évidence même que leur opposait l’œuvre du jésuite Suárez. Cependant, la publication des thèses de Molina touchant les rapports de la grâce et du libre arbitre s’avéra décisive, puisque présentées d’abord comme novatrices au regard de l’enseignement du Docteur angélique. On assista d’ailleurs, de la part des divers ordres religieux, à une tentative pour réduire la portée de cette nouveauté, par le recours aux termes communs de grâce suffisante et de grâce efficace, dont la conformité s’avéra souvent plus nominale que notionnelle. Le congruisme suarézien, officiellement favorisé par le général des jésuites Claudio Acquaviva en 1613, apparaît comme une tentative conciliatrice des points de vue. Cependant, on vit se former un front durable entre les tenants de la science moyenne de Dieu, principalement jésuites, et ceux qui, surtout dominicains, cherchèrent chez saint Thomas des fondements à la doctrine de la prémotion physique. Ce front se durcit d’ailleurs avec la montée du jansénisme, qui niait la pertinence du seul point de consensus, au moins apparent, entre les deux partis, à savoir, la grâce suffisante. S. F. vérifie, à ce propos, ce que Pascal avait laissé entendre dans les Provinciales, à savoir la compatibilité de certains points de la doctrine de Port-Royal avec celle de saint Thomas telle qu’enseignée par les dominicains. Certains reçurent avec inquiétude les condamnations romaines contre le jansénisme dans la pensée qu’elles atteignaient la doctrine même de saint Augustin et de saint Thomas, alors qu’ils ne pouvaient défendre ouvertement des vues que Rome donnait, dans leur ensemble, pour hétérodoxes. Ces querelles touchant la réception de saint Thomas se ranimèrent d’ailleurs à l’occasion d’Aeterni Patris. « Les systèmes théologiques », selon Gardeil, « ont leur cause profonde et première dans l’incapacité où se trouve l’intelligence humaine de s’égaler totalement à son objet » (p. 76). L’antagonisme des écoles qui les soutiennent a pour vertu de manifester ce que les principes qu’elles relèvent ont de vrai et de partiel, tout ensemble.

118Les études ont été distribuées par S. F. selon trois parties, dont la succession est chronologique. La première partie du volume, « L’orthodoxie précaire du thomisme » (p. 79-273), couvre la période qui s’étend des congrégations de auxiliis jusqu’à l’éclatement de la crise janséniste, qui renouvela la querelle qui avait opposé jusqu’alors thomistes et molinistes.

119Dans « Thomisme et thomistes dans le débat théologique » (p. 81‑127), S. F. indique quels furent les points distinctifs du thomisme aux yeux des contemporains de la période considérée, et qui concernèrent surtout le traité de la grâce. Ils sont essentiellement deux. Entre la science d’intelligence des possibles et la science de vision des réalités effectives, les thomistes refusent de poser en Dieu une « science moyenne » des futurs contingents. Ils tiennent en outre pour la prémotion physique de la liberté humaine par la grâce divine. Les thomistes tenant le milieu entre molinistes et jansénistes, ces deux partis engagèrent des stratégies pour les tirer à soi, soit en rapprochant la prémotion physique de la delectatio victrix des jansénistes ; soit en profitant de l’équivoque touchant la grâce suffisante : les molinistes l’entendent comme suffisante pour que l’homme en fasse un bon usage en vue d’un acte bon, tandis que les thomistes la conçoivent selon leur notion aristotélicienne de puissance, de sorte qu’une autre grâce est nécessaire en vue du passage à l’acte ; si bien qu’elle n’est pas suffisante, à parler selon le sens courant du terme. Le péril de confusion avec le jansénisme fut cependant le plus marqué. La bulle Unigenitus parut frapper aussi les thomistes, qui profitèrent de l’élévation au pontificat du dominicain Benoît XIII pour en obtenir le bref Dimissas preces de 1724 défendant la doctrine tant d’Augustin que de saint Thomas – impuissant d’ailleurs à faire taire la querelle : les thomistes contemporains sont désignés comme « nouveaux thomistes », infidèles à saint Thomas qui n’enseignait pas la prémotion physique.

120Un des intérêts de « Le thomisme moderne au voisinage compromettant de l’hérésie » (p. 129-163) est que S. F. y produit la teneur des débats entre jésuites congruistes et dominicains thomistes dans le cadre des congrégations de auxiliis, entre 1599 et 1606 : les seconds durent se justifier du grief de « philocalvinisme » que les premiers élevaient contre eux. Les thomistes ne craignirent pas d’avouer Calvin pour catholique, quand il soutient la grâce efficace par elle-même. Pour lui cependant, elle lèse la liberté humaine d’indifférence, que ménage, au contraire, la prémotion physique des disciples de saint Thomas. Les jésuites, cependant, ne désarmèrent pas et, lorsque la controverse se ranima cinquante ans plus tard lors de la crise janséniste, plutôt que de faire front commun avec les thomistes que leurs adversaires tentaient de rallier à soi comme caution de catholicité, ils ont mieux aimé reprendre contre leurs vieux ennemis les arguments employés autrefois dans le procès en « philocalvinisme », tourné en « philojansénisme », les accusant de donner dans la seconde proposition condamnée par la bulle Cum occasione : « On ne résiste jamais à la grâce intérieure ». S. F. produit là contre la réfutation d’un carme de Salamanque.

121« Le thomisme augustinien des dominicains espagnols » (p. 165-198) met en avant le rôle de Diego Álvarez (1550-1635), élève de Báñez, et celui surtout de Tomás de Lemos (1550-1529) dans le tour qu’allait prendre ensuite la querelle catholique de la grâce, notamment dans la crise janséniste. Le second, en effet, fut désigné pour être, lors des congrégations de auxiliis, le champion de l’école thomiste, dont l’orthodoxie n’est autre que celle de saint Augustin, le Docteur de la grâce, qu’elle veut suivre en tout sur ces matières. S. F. rapporte, avec un vrai talent dramatique, la séance où il confondit le P. de La Bastida, jésuite, citant à faux saint Augustin pour capter son autorité en faveur des thèses molinistes. Surtout, il y eut les séances des 20 septembre et 22 novembre 1605, où Lemos soutint la conformité de la prémotion physique à la doctrine augustinienne.

122« L’empire thomiste dans les querelles doctrinales de l’âge classique » (p. 199-235) part des travaux de Jacob Schmutz sur l’essor prodigieux qu’a connu l’enseignement thomiste au xviie siècle, pour montrer qu’il fut contesté à proportion. Le siècle de saint Augustin fut aussi celui de saint Thomas, parce que, pour une part, celui-ci passait pour avoir réduit celui-là à la méthode scolastique, principalement sur les matières de la grâce. Ainsi, pour Bossuet, l’anti-thomisme de Richard Simon n’est-il que le manteau de son anti-augustinisme. Les thomistes revendiquaient pour leur docteur un privilège doctrinal, que fondait assez à leurs yeux la bulle Mirabilis Deus de Pie V. Le franciscain Pedro d’Alva (1601-1667) n’est pas de ce sentiment, qui attaque avec acharnement l’autorité que les prêcheurs prêtent à Thomas, relevant que beaucoup d’ouvrages lui sont attribués de manière douteuse, et que certaines parties de la Somme de théologie elles-mêmes se trouvent chez Vincent de Beauvais. Les thomistes durent réfuter méthodiquement ces attaques, preuve que le crédit de Thomas n’était pas alors si bien assuré.

123« Augustinisme et science moyenne »  (p. 237-273) montre que cette notion de « science moyenne » fut donnée pour une innovation théologique par Molina son auteur, et reçue comme telle, tant par ses fauteurs que par ses adversaires. Les premiers tenaient néanmoins qu’elle ne contrevenait nullement à la doctrine augustinienne. Lors des congrégations de auxiliis, les dominicains Álvarez puis Lemos démontrèrent que les principes de la science moyenne avaient été soutenus par les adversaires semipélagiens d’Augustin ; démonstration reprise depuis par les Salmaticenses. S. F. relève l’enjeu que représente, dans ces querelles, le commentaire que propose Augustin de Sg 4, 11 dans le De praedestinatione sanctorum. L’étude, précise et captivante, compose comme une question disputée des futurs contingents et conditionnés, traitée par les auteurs des deux partis.

124La deuxième partie du livre, « Le péril doctrinal de la crise janséniste » (p. 275-491), couvre la période allant de la bulle Cum occasione (1653) à la bulle Unigenitus (1713).

125Dans « Le moment pascalien dans la querelle de la grâce »  (p. 277‑328) , S. F. éclaire certains aspects des Écrits sur la grâce et des Provinciales par le contexte théologique des années 1655-1657, où s’étend leur rédaction. Les jansénistes, après la bulle Cum occasione, voient dans les thomistes « alvaristes », attaqués par les molinistes, des alliés objectifs pour la défense de la grâce efficace. Les Écrits reposent sur un dossier de références à saint Thomas. Aussi Pascal réserve-t-il ses coups à des « thomistes mitigés » : le père Le Moyne (1590-1659), dans les Écrits, qui tenait que la prière relevait d’une grâce suffisante entendue au sens moliniste, à disposition du libre arbitre ; le dominicain Nicolaï (1594-1673), dans les Provinciales, qui avait voté la censure d’Arnauld en Sorbonne.

126« Le molinisme congruiste face au thomisme jansénisant » (p. 329‑350) traite de l’édition en 1689 par Quesnel, avec l’approbation d’Arnauld, de la correspondance échangée quelque vingt-cinq ans plus tôt entre le prince de Conti et le P. de Champs, le prince y justifiant sa conversion du molinisme au thomisme, auprès de son ancien maître jésuite au collège de Clermont. Il s’agissait, pour le parti janséniste, de manifester son soutien aux thomistes, en rappelant l’illustre suffrage qui s’était autrefois porté sur eux ; de marquer la proximité des doctrines, sans pour autant les identifier. La grâce efficace des disciples de saint Augustin est un secours divin médicinal, apporté à la nature déchue, tandis qu’Adam innocent, de même que l’ange, usait de la grâce suffisante selon un arbitre entièrement libre. Au lieu de quoi, la prémotion physique regarde l’un et l’autre état de la nature humaine.

127Dans « Le philothomisme de Pierre Nicole » (p. 351-388) S. F. montre qu’après la bulle de 1656 assurant que les cinq propositions condamnées trois ans avant étaient bien de Jansénius, Nicole, mais aussi La Lane, entreprirent de défendre l’honneur de l’évêque d’Ypres et de ses héritiers en soutenant l’orthodoxie de ses vues comme étant conformes au thomisme. Arnauld se rallia d’abord lui-même à ces vues. Mais ce qui ne fut d’abord qu’une stratégie polémique ne tarda pas à donner lieu chez Nicole à une conversion sincère au thomisme dans la version d’Álvarez, précisément sur le chapitre de la grâce suffisante. Nicole se défendait cependant d’être devenu thomiste sur les matières de grâce, affirmant rejeter la prémotion physique. Ce changement s’achève par le Traité de la grâce générale de 1690, qui lui attira la colère d’Arnauld, et d’autres membres de son propre parti, se demandant si, avec ce principe, il ne versait pas dans le molinisme.

128« L’orthodoxie thomiste au secours de l’augustinisme jansénisant » (p. 389-427) relate les débats suscités par l’édition des œuvres complètes de saint Augustin par les bénédictins de Saint-Maur à partir de 1679 et notamment la préface au tome onze confiée à Mabillon. Fénelon et les jésuites y dénoncent une lecture jansénisante du docteur de la grâce, lecture qu’on s’efforce à donner pour catholique en faisant profession d’un thomisme qui n’en a que les termes, au défaut des concepts, tandis que l’on glisse, dans certains exemplaires, l’analyse qu’Arnauld donne des ouvrages d’Augustin, que l’on met en vedette le De correptione et gratia, que les notes relèvent les endroits où la grâce est efficace, et ignorent ceux où elle est suffisante.

129« Le jansénisme et le recours à la doctrine thomiste » (p. 429-461) relate la querelle dite du Cas de conscience (1702-1706), sentence où des docteurs tiennent qu’on peut absoudre un pénitent qui s’en tiendrait à un « silence respectueux » quant au fait que les cinq propositions condamnées par la bulle Cum occasione fussent dans Jansénius. Le parti moliniste s’en émut, qui avait les faveurs de certains évêques, dont Fénelon, la querelle sur le fait ranimant la querelle sur le droit. Le janséniste Jacques Fouillou (1670-1736) leur oppose une défense empruntant ses principes, non pas à la théologie positive, mais au thomisme où les évêques avaient été communément formés (S. F. reprenant ici la thèse de Bruno Neveu), pour montrer que les vues de Jansénius n’y contrevenaient pas ; que son auxilium Dei sufficiens, en particulier, était tout à fait conforme à la gratia sufficiens entendue au sens thomiste, à quoi rien ne manque pour qu’elle soit réduite en acte, moyennant certes la grâce efficace, et non la seule détermination du libre arbitre, comme le tiennent les molinistes. On voit ainsi, de la part des jansénistes, un souci de se laver d’un soupçon d’anti-thomisme, et donc d’hétérodoxie, dont les esprits étaient prévenus contre eux d’après la lecture des Provinciales et de leurs railleries contre la grâce suffisante. S. F. note le succès malheureux de cette stratégie, un grand-vicaire de Rouen qui voulait assortir sa réprobation des cinq propositions de restrictions thomistes ayant été contraint à se rétracter. Peut-être était-ce au fond le thomisme lui-même qui se trouvait suspect de « prédestinatianisme hérétique ».

130« La grâce de l’ange » (p. 463-491) examine le traité De l’action de Dieu de 1713 attribué au janséniste François-Laurent Boursier comme l’ultime étape du rapprochement de son parti avec l’école thomiste. On a vu comme ce rapprochement s’était d’abord effectué touchant l’économie de la grâce dans l’état de la nature déchue. Mais il semblait impossible s’agissant de la grâce du premier homme et des anges in via : quand les nouveaux thomistes faisaient dépendre leur persévérance dans le bien de la prémotion physique, comme pour l’homme déchu d’aujourd’hui, les modernes disciples de saint Augustin la soumettait au seul libre arbitre de la créature : régime tout conforme, donc, à celui des molinistes. L’oratorien Thomassin (1619-1695), avait renouvelé les critiques que Jansénius élevait contre le thomisme sur ce chapitre : comment expliquer la chute d’Adam dans ce cadre ? faut-il admettre que Dieu lui eût refusé un secours efficace ? S’agissant des bons anges, Martin de Barcos (1600-1678) tient qu’ils furent prédestinés post previsa merita. Boursier rompt donc avec cet article du jansénisme : il rapporte la bonne volonté des anges à Dieu, et leur mauvaise au défaut de leur nature créée, selon le De civitate Dei, XII, 9, où la mention des bons anges comme majus adjuti est à entendre relativement à l’état de voie, non de terme, comme le proposait Jansénius. Il accorde ainsi l’augustinisme au principe de la prémotion physique.

131La troisième partie du recueil, « Le crépuscule de la querelle de la grâce » (p. 493-773), envisage la fin de la période depuis le renouvellement de la condamnation romaine du jansénisme par la bulle Unigenitus.

132« Fénelon et la définition du vrai thomisme » (p. 495-553) analyse les actes par quoi l’archevêque de Cambrai s’est appliqué, de 1704 jusqu’à la bulle Unigenitus de 1713, à détacher le thomisme de la cause des jansénistes. Après la bulle Vineam Domini de 1705, il représente à Rome la nécessité de définir le vrai thomisme, de le maintenir dans les principes fixés par Álvarez et Lemos au temps des congrégations de auxiliis, et de le garantir ainsi des dérives jansénisantes. Aussi bien, la prémotion physique a surtout pour portée de relever la subordination de la cause seconde à l’égard de la cause première. Comme gratia per se efficax, elle ne saurait être assimilée à la victoire de la délectation pieuse sur la délectation vicieuse, selon l’interprétation janséniste d’Augustin. Elle ne porte en effet que sur l’acte second, une fois donc l’action commencée, de sorte qu’elle n’est pas nécessitante comme la delectatio victrix. La postérité écoutera les jansénistes, et verra dans Fénelon un anti-thomiste, contre la lettre de ses écrits, mais non peut-être contre le fond d’une pensée dont l’optimisme ne pouvait avoir qu’aversion pour la praedestinatio ante merita previsa, article commun aux augustiniens et aux thomistes.

133Dans « Le thomisme moderne au tribunal du molinisme » (p. 555‑587), S. F. examine ce qui a pu passer chez Fénelon comme une conversion au thomisme, quand il affirmait, dans la Démonstration de l’existence de Dieu, que Dieu, comme « premier être », « est la cause de toutes les modifications de ses créatures ». Or, c’est là un principe dont convenaient sans difficulté les molinistes. Aussi bien, le « véritable thomisme » que Fénelon dessine dans sa Dissertatio de physica praemotione (1713), son Mémoire sur la différence qui existe entre le jansénisme et le thomisme (1713), et son Instruction pastorale en forme de dialogue (1714), s’avère très proche du congruisme. Celui-ci tient pour un attrait sollicitant la volonté en son acte premier sans la déterminer, tandis que la prémotion physique des thomistes, certes nécessitante, n’agirait sur la volonté qu’en son acte second, après donc qu’elle s’est déterminée. Il s’agit ainsi, pour les deux systèmes, de ménager l’œuvre d’une liberté entendue comme d’indifférence, postestas ad utrumque.

134« Fénelon et la recherche du vrai thomisme » (p. 589-635) montre que tous n’avaient pas pris le change des protestations de l’archevêque de Cambrai, assurant que son anti-jansénisme n’attentait en rien contre le thomisme. Le fond de son argumentation est dans l’opposition entre grâce efficace et liberté humaine ; or, pour les thomistes, la grâce relève la liberté. Mais, quelque dix ans après la mort de Fénelon, la question de son anti-thomisme devint d’une brûlante actualité, après le bref de Benoît XIII Dimissas preces de 1724, encourageant ses frères dominicains à enseigner la grâce efficace par elle-même et la prédestination gratuite à la gloire sans prévision des mérites, comme notes propres du thomisme. Le dominicain Charles-René Billuart (1685-1757), dans son Thomisme triomphant (1725), prête à Fénelon la pensée que l’Eglise aurait condamné, avec les cinq propositions, la doctrine de la grâce efficace. La citation était fausse : Fénelon ne visait expressément que la double délectation, comme les molinistes le firent observer. Le janséniste Jacques Fouillou répondit que Fénelon, opposé à une grâce déterminant infailliblement la volonté, s’opposait de fait à la grâce efficace. La rage de la querelle vient de ce que Fénelon demeurait une caution posthume du parti moliniste, et que Louis-Antoine de Noailles, archevêque de Paris, suspect de sentiments jansénistes, se justifiait alors auprès de Rome sur sa doctrine, en s’autorisant conjointement d’Augustin et de Thomas.

135« La doctrine thomiste au péril du jansénisme » (p. 637-705) relate l’affaire qu’a suscitée la condamnation par l’évêque de Rodez en 1737 du dominicain Jean-Pierre Viou, dont le thomisme n’aurait été que le manteau de son jansénisme. Viou, pour toute défense, revendiquait d’ailleurs sa proximité avec l’augustinisme, et il fut soutenu localement par ses frères. L’affaire prit une ampleur telle que l’évêque, accusé, non sans raisons, de partialité moliniste, sollicita le jugement de Rome, tandis que le Maître de l’ordre avouait que Viou s’écartait des sentiments communs de l’école dominicaine, pour un augustinisme exempt toutefois d’hérésie. L’enquête du Saint-Siège concluait à l’erreur janséniste. Viou, sommé de se rétracter, fut exclu de l’ordre sur son refus, ce qui suscita une grande indignation chez les parlementaires « appelants » de la bulle Unigenitus, arguant de la légitime liberté du théologien.

136« Les derniers feux de la querelle de la grâce » (p. 707-773) envisage les conséquences de la suppression de la Compagnie de Jésus (1773) qui disloque le parti moliniste. Si l’on vérifie la proximité entre les écoles thomistes et augustiniennes, au point que des auteurs des deux côtés présentent prémotion physique et délectation victorieuse comme complémentaires, il est des endroits où le front, naguère uni, se fissure, à l’occasion de luttes de pouvoir entre dominicains et augustins dans les séminaires et les universités : le dominicain italien Tommaso Maria Mamachi (1713-1792) eut une formule qui fit scandale : Augustinus eget Thoma interprete. Les jansénistes en gémirent, et ne profitèrent donc pas longtemps de la chute des jésuites.

137S. F., qui a dépouillé un ensemble prodigieux de documents, rend accessibles les plus intéressants par des citations abondantes, reproduites en note, et des analyses minutieuses et élégantes tout ensemble. La querelle de la grâce prend ainsi un visage particulièrement vivant, soutenu par l’intérêt quasi dramatique de la succession d’ouvrages qui se répondent. Si l’on est d’abord un peu décontenancé par l’absence de définition des termes clefs, on ne tarde pas à s’aviser qu’une définition commune serait impossible, tant les concepts ont évolué au cours de la période, permettant des recompositions surprenantes. On éprouve la pertinence de la méthode de S. F., de procéder par monographies successives, d’autant qu’il excelle à dégager la cohérence des ouvrages qu’il présente. Au final, le maquis du traité de la grâce demeure touffu, mais un peu moins confus, ce qui n’est pas peu. On vérifie l’hypothèse que S. F. formule, à la suite d’autres historiens de la théologie moderne, du rôle décisif que joue l’indifférence entendue désormais comme condition essentielle de la liberté, présupposé moliniste par rapport auquel les adversaires se déterminent, ou avec lequel ils estiment devoir composer. Mais les choix les plus libres, et principalement celui par quoi l’on s’engage à suivre Dieu, ne sont-ils pas ceux qui semblent s’imposer à soi ? La prémotion physique des nouveaux thomistes ne dit-elle pas quelque chose de ce paradoxe ?

138J. Ch. N.

139Corps humain. — Paru en 2017 aux éditions universitaires d’Oxford [53], le livre Thomas Aquinas on Bodily Identity est la réélaboration d’une thèse de doctorat en histoire que Antonia Fitzpatrick [A. F.] a soutenue à Londres (UCL) en 2013. Il se compose d’une introduction (p. 1-26), de quatre chapitre [54], d’une conclusion (p. 171-174) et d’un épilogue (p. 175-182). Suivent une bibliographie (p. 183-193), riche mais plutôt anglocentrée, et un index thématique (p. 195-203) très bien conçu. L’épilogue, sur les controverses post-thomistes autour du statut ontologique du corps humain, constitue le point de fuite, pour ainsi dire, de la recherche d’A. F., qui cherche à reconstruire les fondements philosophiques thomistes de telles disputes. A. F. regarde la doctrine thomiste du corps humain au prisme de la résurrection des morts, avec quelques références aussi aux questions de l’identité du Christ pendant le triduum et des reliques des saints (p. 165‑169). Elle essaie notamment de comprendre si et comment, pour chaque personne, le corps qui ressuscitera pourra être le même, au sens fort, que le corps mortel d’une telle personne. Au cœur du problème c’est le rapport entre le corps vivant, le cadavre et le corps ressuscité : comment peut-on s’assurer que ce dernier sera exactement le même que le premier, si déjà le cadavre n’a plus le droit d’être appelé « corps humain » ? Il s’agit bien évidemment de trouver une manière de rendre réversible la corruption à laquelle est soumis le corps après la mort, de manière qu’il puisse, avec l’intervention divine, se reconstituer identique numériquement à la fin des temps. A. F. essaie de reconstruire la réponse de Thomas à cette question. L’enjeu étant au fond celui du rapport entre corps et âme, A. F. laisse de côté la question de l’autonomie de cette dernière par rapport au corps, pour se concentrer sur l’autonomie de ce dernier par rapport à l’âme. Nécessaire pour faire de l’identité matérielle de l’individu un aspect crucial de son identité personnelle, cette autonomie est expliquée par Thomas de manière très évasive, voire « positivement confuse » (p. 173). En effet, une option plus nette comporterait une incohérence majeure de sa part, pris qu’il est entre deux feux : d’un côté la doctrine de l’unicité de la forme substantielle, de l’autre la thèse de la priorité de la substance par rapport aux accidents. Et pourtant, quelque élusif qu’il soit sur le sujet, selon A. F. l’Aquinate développe une doctrine de l’autonomie du corps beaucoup plus articulée et complète que ce qu’on a prétendu jusqu’à présent. De sa doctrine de l’unicité de la forme substantielle, par exemple, on ne peut pas tirer qu’il revienne à l’âme toute seule d’assurer l’individualité de chaque personne humaine ainsi que son identité trans-temporelle – ce qui est par contre souvent admis parmi les interprètes contemporains (p. 151-155), par exemple par Eleonore Stump et Robert Pasnau. Cela, remarque A. F., comporterait une réduction de la structure physique des objets naturels à leur forme substantielle. Que Thomas ne puisse pas accepter cette thèse, à laquelle est associée celle selon laquelle un objet naturel résulterait de l’inhérence directe de la forme substantielle à la matière première, A. F. le prouve sur la base surtout de l’embryogenèse thomiste (p. 103-126). L’hominisation retardée est notamment considérée par A. F. comme un phénomène important pour postuler une certaine autonomie du corps humain par rapport à l’âme rationnelle qui en est la forme. S’il y a besoin d’un délai entre la conception et l’infusion de l’âme rationnelle, ce n’est que pour donner à la virtus formativa du sperme le temps d’altérer la matière fournie par la femme de manière à la rendre adaptée à la forme substantielle créée directement par Dieu. En effet l’âme rationnelle a besoin d’un corps organique. La potentialité de la matière doit donc être proportionnée à l’acte qui lui est destiné par Dieu et à nul autre. Cela prouve, selon A. F., que le sujet de la forme humaine n’est jamais la matière première, ni au début ni au moment de l’infusion de l’âme. Mais comment concilier cet état potentiel de haute différenciation intrinsèque à la matière avec le fait que Thomas ne parle jamais du corps comme d’un sujet qui existe déjà en acte avant l’infusion de l’âme ? La réponse d’A. F. est que « Although the rational soul perfects its matter according to various degrees of perfection ..., it is still immediately united to its entire material subject, all the way down to the level of prime matter (analytically speaking, not in a chronological sequence), which, being in a state of pure potency and featureless in itself, is logically presupposed by any more restricted state of potentiality or further degree of material perfection » (p. 111-112). Il aurait fallu, me semble-t-il, argumenter ultérieurement pourquoi cette conclusion, tout à fait partageable, ne finit pas par rejoindre la thèse courante d’une composition métaphysique de matière première et forme substantielle, s’agissant du composé humain. En effet, le cas concret examiné par A. F. porte sur une explication biologique, qui peut admettre une lecture différente au niveau métaphysique.

140Quoique discutables sur certains points de détails, les conséquences tirées par A. F. de cette proportionnalité entre corps et âme sont fort stimulantes. Sans jamais vraiment insister sur le fait que Thomas reconnaît à l’âme une individualisation non strictement dépendante de la matière, A. F. porte par contre l’attention sur le fait que comme le corps doit être développé en fonction de l’âme, de la même manière Dieu dispose, plus précisément, choisit de disposer l’âme de chacun de manière qu’elle soit proportionnée à son sujet matériel. C’est ainsi que de la dissemblance des hommes quant à leur caractéristiques individuelles, tout à fait naturelle, seraient responsables les parents biologiques de chacun, mais Dieu aussi.

141Or, qu’est-ce qui assure que le corps reste proportionné à son âme tout au long de la vie et, même plus, entre la mort et la résurrection, de manière qu’ils pourront se réunir pour l’éternité ? Selon A. F. le rôle clé est joué par la quantité dimensive qui, sans mettre en discussion la fonction substantielle de l’âme, garantit l’individualité de chaque corps humain, de manière qu’il s’avère différent de tout autre corps humain, ainsi que son identité trans-temporelle, en vie, au tombeau et au moment de la résurrection. Détermination accidentelle, mais très proche de la substance, la quantité dimensive est conçue par l’Aquinate comme ce qui donne au corps sa structure tridimensionnelle, continue et organique (p. 96-103). Capable de survivre à tout type de changement, cette forme accidentelle quasi-géométrique rend le corps capable de garder son identité, même si la matière dont il est composé change complétement au fur et à mesure dans l’accroissement, ainsi que dans la décomposition et la recomposition finale (p. 155-165, 172-173). Concernant cette notion, A. F. porte l’attention sur deux aspects. D’un côté son origine, averroïste plutôt qu’aristotélicienne (p. 65-79), de l’autre la prudence avec laquelle Thomas l’utilise sans jamais en faire vraiment la clé de voûte d’une véritable doctrine de l’autonomie du corps par rapport à l’âme.

142A. F. indique la doctrine averroïste des dimensions interminées comme source d’inspiration de Thomas, qui lui permettrait de réinterpréter la notion lombardienne de ueritas humanae naturae, basée sur une conception atomiste de la matière, dans un sens quasi-corpusculaire (p. 15-17). D’où la possibilité d’affirmer une identité matérielle constante du corps, indépendamment des changements formels. A. F. souligne pourtant que la manière d’entendre ces dimensions n’est pas exactement la même chez Averroès, qui en fait un aspect primordial et non accidentel de la matière première pour en assurer la partibilité en vue d’une différentiation formelle, et Thomas, qui l’applique plutôt au corps pris séparément et en fait une détermination accidentelle, postérieure à la forme spécifique humaine (p. 161-162). Selon A. F., Thomas n’a jamais ni complètement accepté ni complètement refusé cette doctrine d’Averroès, qu’en fait il ne mentionne que très rarement et timidement dans son corpus (p. 121-122, 139-141). Sans cette indécision, tout le débat post-thomiste sur le rôle de la quantité et sur la pluralité des formes n’aurait pas pu être déclenché.

143Quoique certains passages de l’argumentation d’A. F. demanderaient à être précisés et développés de manière plus soignée, ce livre mérite d’être lu et pris au sérieux, surtout en ce qui concerne l’interaction fructueuse qu’il montre y avoir entre biologie, physique, métaphysique et théologie. Le rôle du corps dans la personne humaine en sort bien valorisé, un corps dont Thomas n’hésite pas à souligner la beauté et la bonté.

144Sur le thème du corps humain porte aussi, dans une perspective différente, le beau livre de Mark D. Jordan [M. J.] intitulé Teaching bodies. Moral formation in the Summa of Thomas Aquinas[55]. Paru en 2017 aux États Unis, aux presses universitaires de Fordham, ce volume vient s’ajouter au nombre considérable d’introductions et guides à la lecture de la Somme de théologie qui ont été composés, surtout en contexte anglo-saxon, dans les dernières années [56]. Écrit par quelqu’un qui dit avoir lu et relu la Somme plusieurs fois et à plusieurs reprises, et l’avoir enseignée pendant quelques dizaines d’années, ce livre n’est pas conçu comme un commentaire de la Somme, mais davantage comme une exhortation à la (re)lecture de cet ouvrage (p. 16). Le but de M. J. est notamment de donner aux lecteurs contemporains des clés pour en tirer véritablement quelque chose. Pour ce faire, il faut selon M. J. libérer le champ d’un certain nombre d’erreurs de perspective qui ont amené à mésinterpréter ce texte pendant trop de temps (p. viii-x), mais aussi prendre du recul par rapport à certaines thèses historiques, quoiqu’absolument plausibles, sur les origines de cet ouvrage de Thomas (p. 1-12). En effet, M. J. est convaincu que pour apprécier ce texte, il faut retenir juste un aspect : il s’agit d’un ouvrage de pédagogie, destiné à des dominicains, mais plus généralement à des être humains, et notamment à des intellects incarnés, pour leur assurer plus qu’une simple formation morale. La corporéité en constitue de quelque manière le fil conducteur, de la création à la morale humaine, jusqu’à l’incarnation et à la résurrection des corps.

145Dans son introduction, M. J. porte pourtant l’attention sur une difficulté que le lecteur contemporain peut rencontrer s’il essaie de se mettre à l’école de Thomas (p. 12-13). Pourquoi le Christ est-il introduit si tard, dans la Tertia Pars, s’il représente la clé de voûte de la pédagogie de Thomas ? Comment se laisser former par lui, pendant la lecture des deux premières parties, si sa présence reste si discrète pour une si longue section du texte ? Pour surmonter cette difficulté et rapprocher la perspective du lecteur contemporain de celle des auditeurs et lecteurs immédiats de Thomas, pour qui le Christ était un compagnon dans la vie quotidienne, M. J. propose de lire la Somme à rebours, de la Tertia Pars à la Prima Pars, de manière à comprendre l’essence du projet de Thomas à partir de la prise de conscience de ce qui en constitue le point d’arrivée (p. 15).

146Cette lecture à rebours s’articule en trois parties. Chacune d’entre elles se greffe sur une ample bibliographie. Il ne sera pas inutile de tenir compte au fur et à mesure des notes, qui ne se trouvent pourtant qu’à la fin du volume (p. 171-196). Dans la première partie est analysée la Tertia Pars (p. 17-62), qui fait l’objet de trois chapitres, sur lesquels on reviendra brièvement par la suite. Dans la deuxième sont soulevées des questions plus générales sur la méthode argumentative de Thomas et son succès, que M. D. caractérise au cours des chapitres 4-6. Parmi d’autres questions, M. J. explique pourquoi la Somme n’a pas une allure narrative, comme l’ont par contre les Écritures. Le choix de l’Aquinate, le maître, est de proposer davantage à ses élèves et lecteurs une série de scènes d’enseignement, qui se déroulent de la même manière qu’en classe, tout en dépendant de la Révélation transmise par voie de narration. Comme la Parole anticipe et raconte le Christ, les scènes d’enseignement qui se succèdent dans la Somme sont orientées, par anticipation, vers la théologie de l’Incarnation (p. 67-79). Thomas entend ainsi montrer que continuer le discours entamé dans la Bible est bien possible, et il entend le faire en toute cohérence. Pour achever sa tâche il ne renonce pas à s’appuyer sur des autorités patristiques et philosophiques, souvent contrastées. En proposer une harmonisation est la condition nécessaire pour faire remonter cette continuité de discours (p. 88). Une attention particulière est ensuite portée par M. J. aux erreurs de lectures engendrées par cette mise en scène pédagogique (p. 89-97).

147Dans la troisième partie de son livre (p. 99-167), M. J. envisage la Secunda Pars, la section la plus novatrice de la Somme de théologie, mais aussi la plus souvent mésinterprétée par les lecteurs d’aujourd’hui, qui n’arrivent souvent pas à la distinguer d’un essai d’éthique philosophique. En font partie quatre chapitres, dans lesquels M. J. met en relief comment contemplation et pratique doivent s’articuler en théologie. Située entre la théologie trinitaire et la théologie de la création d’un côté, la christologie et l’eschatologie de l’autre, la Secunda Pars permet de connaître l’action humaine, mais sans jamais faire abstraction de sa finalité ultime. Plus théorique que pratique, la théologie n’est pas réductible à la morale. La formation morale est en effet un passage obligé d’un chemin plus long, qui doit aboutir à la contemplation amoureuse de Dieu.

148La centralité de la corporéité dans la Tertia Pars est mise en relief par M. J. en trois étapes, au cours de la première section du livre. Tout d’abord, l’Incarnation est encadrée comme événement pédagogique par excellence : à travers son corps humain, le Christ s’oppose au mal et le vainc, mais il se fait aussi modèle concret de vie pour avancer dans le bien (p. 21-31). M. J. souligne ensuite l’importance des récits évangéliques concernant la vie humaine, ordinaire, de Jésus, qui vit dans son corps et le fait jusqu’au bout (p. 32-48). Marie aussi est paradigme incarné d’une vie vécue selon l’enseignement divin (p. 38-40). M. J. porte enfin l’attention sur les sacrements, signes sensibles et corporels de contenus plus que matériels, remèdes contre le mal et occasions d’entraînement vers le bien. Les gestes du célébrant, ses mots : tout passe par la corporalité (p. 49-61). L’homme viator a en effet besoin de corps pour avancer dans sa connaissance de Dieu et pour se former. La Secunda Pars doit être lue dans cette perspective, comme voie vers la troisième partie. Comme dans cette dernière la dimension corporelle contribue substantiellement à en développer la trame.

149Le style très captivant de M. J. ainsi que son ton, à plusieurs reprises provocateur, rendent très agréable la lecture et stimulant un livre qui, non prioritairement destiné aux spécialistes, regorge de propositions interprétatives très raffinées. On pense par exemple à la manière dont M. J. disjoint la notion d’autorité de celle de source (p. 80), ou à celle dont il décrit le rapport entre la Secunda Pars et le commentaire à l’Éthique à Nicomaque (p. 85-86). Même quand on ne partage pas ses thèses, le regard sur les sujets concernés en sera de quelque manière renouvelé.

150M. B.

151L’ouvrage de Marika Räsänen [Ma. R.] sur « le corps qu’on ne laissait pas reposer » a pour origine une thèse en histoire culturelle à l’université de Turku (Finlande) [57]. Ma. R. y aborde l’histoire des reliques de saint Thomas entre son décès, le 7 mars 1274, et sa translation à Toulouse en 1369. Pour ce faire, Ma. R. explore les différents réseaux en présence : les cisterciens de Fossanova, la parenté d’Aquin bien présente dans la région, les frères dominicains mais aussi ceux qui, attirés par la fama sanctitatis, ont recours à la prière du saint. L’un des intérêts de cet ouvrage est de présenter la mise en place concrète de ces premières décennies de la dévotion à Thomas dans les aménagements concrets du chœur des cisterciens et de sa décoration comme dans la gestion du flux des fidèles. Ma. R. en particulier explore et exploite pour sa recherche les collections de miracles de l’Ystoria et du procès de Fossanova mais aussi les ressources de l’histoire de l’art. Elle ouvre ainsi des perspectives peu explorées voire inédites et c’est là l’intérêt majeur de son étude. Par contre, Ma. R. ne livre que peu d’éléments permettant de comprendre le contexte dans lequel se développe ce culte particulier dans l’histoire des mentalités religieuses et théologiques. Du coup, la vénération des reliques est limitée à « l’interaction » – le mot revient sans cesse sous la plume de Ma. R. – avec des milieux et des personnes. Le lecteur trouvera néanmoins de nombreuses pistes ouvertes pour de nouvelles études et une approche renouvelée du contexte dans lequel s’est développée à la fin du xiiie et au xive siècle la dévotion envers saint Thomas. En appendice (p. 269-272) est donnée la transcription du manuscrit Vat. lat. 10153, f. 33ra-34rb, dont il était déjà question dans deux articles d’un recueil paru en 2016 et portant sur « reliques, identité et mémoire au Moyen Âge ». Ce volume reprend une partie des travaux d’un séminaire tenu à Rome en 2009 à l’Institut romain de Finlande [58]. On ne portera ici l’attention que sur le quatrième volet de ce recueil, « Multiple Memories of St Thomas Aquinas’s body », qui regroupe trois contributions autour de la translation des restes de saint Thomas d’Aquin en 1369 de l’abbaye cistercienne de Fossanova à Toulouse : elles se placent dans le sillage et en complément de l’ouvrage de Ma. R.

152Constant J. Mews [C. M.] s’est intéressé à l’élaboration d’un office de la translation du 28 janvier 1369 à Toulouse suite à l’intervention d’Élie Raymond de Périgord, vicaire de l’Ordre nommé par Urbain V de 1365 à 1367 puis Maître de l’Ordre en 1367 (p. 258-284). Il est question de cet office, du plus haut rang de célébration (totum duplex), dès le chapitre général de Pentecôte 1370. Cet office, qui place la célébration de Thomas d’Aquin à l’égal de celle de Dominique, doit être diffusé dans tous les couvents dans l’année, demande du chapitre général de 1376, réitérée en 1378. La série des neuf leçons est une version très épurée du récit d’un témoin oculaire, Raymond Hugon du couvent dominicain de Bergerac et secrétaire d’Élie Raymond. Elle se trouve dans le manuscrit Toulouse, Bibl. mun. 610 (T) de la fin du xive ou du début du xve siècle. Ce manuscrit, qui a fait l’objet d’une édition partielle en 1903 par C. Douais, comprend l’ensemble des textes clés concernant la translation de 1369 et en particulier l’Historia translationis sacri corporis D. Thome Aquinatis (titre donné au xviie siècle) qui se poursuit dans T avec la remise du bras de saint Thomas au roi Charles V, le 13 juillet 1369 à Sainte-Geneviève à Paris. Le manuscrit T comprend également le texte retenu pour l’office de la translation et il pourrait bien être d’origine catalane. C. M. rapproche T d’une autre version de l’Historia et de la translation du bras à Paris qui se trouve dans le légendier dominicain contenu dans le manuscrit Bologna, Archivio dei Domenicani A, f. 113r-119v (A), copié par plusieurs mains au tournant du xve siècle. La partie de A qui nous intéresse peut fort bien provenir de Barcelone, même si le manuscrit dans son état actuel a été constitué à Venise. C. M. explore les liens entre les deux versions de l’Historia, que M.-H. Laurent en 1940 avait déjà repérés mais sans les analyser. Il montre ainsi que T est une version achevée de A qui vient d’un témoin oculaire des événements de 1368-1369 et donc sans la rigueur et l’élégance de T. Entre autres choses, T introduit une division en huit étapes de la translation. C. M. les suit, et compare A et T où A apparaît clairement comme une sorte d’ébauche de ce que livre T qui, malgré les différentes opérations de toilettage, demeure autrement plus riche que ce qui est rapporté, simplifié à l’extrême, dans une troisième version du texte : les neuf leçons de l’office de la translation mis au point par Aldobrandino de Ferrare (p. 278-280). Cette fête elle-même, et son office composé par Aldobrandino de Ferrare, ne pourra en fait se généraliser qu’une fois passés les événements du début du Grand Schisme avec la déposition d’Élie puis la mort de Raymond de Capoue (1399) et l’élection de Thomas de Firmo en 1401. Un point-clé commun à T et à A est la justification du recouvrement du corps de saint Thomas par Élie : si Thomas a composé pour l’Église tout entière l’office de la fête du Corpus Domini, il est juste qu’Urbain V rende son corps à l’Ordre. De plus, de même que la Fête-Dieu manifeste l’unité civile, de même le culte du corps de Thomas favorisera aussi l’unité de son ordre. Selon C. M., il est tout aussi significatif que dans un même manuscrit, là encore du tournant du xve s., provenant d’Orvieto (le ms. Vat. lat. 10153 cité auparavant), se trouvent et l’office du Corpus Domini et les textes relatifs à la vie, à la canonisation et à la translation de saint Thomas.

153L’analyse du manuscrit Vat. lat. 10153 est reprise dans la contribution suivante de Ma. R. (p. 285-317) à propos de la mémoire de saint Thomas à Orvieto. Alors que l’Historia translationis ne mentionne pas Orvieto, cette étape est pourtant rapportée par une chronique du couvent. Ma. R. reprend donc en quatre points la question de la mémoire de Thomas dans cette ville.

154Tout d’abord, par rapport à la composition de l’office du Corpus Domini par Thomas, mentionnée une première fois par Ptolémée de Lucques (1318), puis par Guillaume de Tocco (1323). Dans la même période où se met en place la canonisation de Thomas, l’office du Corpus Domini se répand dans l’Ordre et même le chapitre général de Vienne, en 1322, attribue explicitement à l’Aquinate cet office. Deuxièmement, la mémoire primitive de Thomas à Orvieto est en relation avec les événements de Bolsena (1263-1264) et la conservation des reliques de ce miracle à Orvieto pendant le séjour dans cette ville d’Urbain IV (1261-1264). Mais aucune mention de cette célébration n’est connue à Orvieto avant le début du xive siècle. De là commencent aussi de nombreux témoignages artistiques, en particulier dans l’aménagement de la cathédrale à partir de 1328. Dans cette ligne, le lien entre ce miracle eucharistique et la composition de Thomas est souligné dans un jeu scénique : Thomas demande l’approbation de son office au Christ lui-même, épisode en écho des traits classiques de l’hagiographie thomasienne du « bene scripsisti » de Naples et plus encore du « bene de hoc mei corporis sacramento scripsisti » à Paris. Au couvent d’Orvieto, la tradition d’un troisième « bene scripsisti » se développe également mais localisée dans ce même couvent.

155Dans cette tradition qui lie Thomas, Orvieto et l’office de la Fête-Dieu, après 1368 et le passage de ses reliques, la chronique du manuscrit Vat. lat. 10153 témoigne logiquement de l’enthousiasme des frères. Ce témoin comprend l’Ystoria de Guillaume de Tocco, la bulle de canonisation, les leçons de la fête du dies natalis (7 mars) et de celles de la translation (28 janvier), mais aussi celles de l’office du Corpus Domini, une Ystoria de corpore Domini et un sermon pour cette fête. Tout le premier cahier de ce manuscrit est consacré à Thomas et au Corpus Domini. La suite du texte a été achevée après 1423. Entre autres défauts de ce manuscrit Ma. R. remarque que manquent les cinq derniers chapitres (66 à 70) de l’Ystoria. Serait-ce parce qu’ils faisaient doublon et qu’on leur a préféré les leçons de l’office du 7 mars modelées sur l’Historia sancti Thome de Bernard Gui ? Ma. R. y voit plutôt une censure de la version de Tocco selon lequel le corps de Thomas repose à Fossanova comme en prêt, alors que Bernard Gui revendique hautement le droit des dominicains de déplacer le corps de Thomas à Naples quand bon leur semblerait, affirmation plus pertinente pour des frères contemporains de sa translation et qui la justifiait par une autorité antérieure, même si cette translation n’était pas vers Naples mais vers Toulouse.

156Le manuscrit d’Orvieto, avec sa première partie dédiée tout entière à Thomas et à l’office de la translation, doit être placé selon Ma. R. (comme d’ailleurs celui des antiphonaires de Poissy : Melbourne, State Library of Victoria RARESF 096.1 R66A, et celui de Katharinenthal : Vat. lat. 10771) dans les dernières années du xive siècle : d’une part, les frères d’Orvieto sont acquis aux idées de réforme d’Élie Raymond et d’Étienne de Cumba, provincial de la province romaine (la mise en avant de la fête du Corpus Domini comme la translation des reliques participent de la même visée réformatrice) ; et d’autre part, le couvent d’Orvieto a oscillé entre les obédiences urbaniste et clémentiste tout au long du Grand Schisme. L’inachèvement du manuscrit avec la translation, œuvre d’Élie Raymond, clémentiste, concurrent de Raymond de Capoue, pourrait selon Ma. R. s’expliquer pour cette raison. De même, le choix de souligner les droits des frères sur le corps de Thomas relèverait de l’actualité de la récente translation. Le point saillant de la dévotion pour Thomas à Orvieto, plus que son séjour historique dans la cité, est le lien permanent, par la relique du corporal, entre l’office du Corpus Domini et son auteur. La chronique mentionne le passage des reliques de Thomas lors de leur translation du corps bien qu’il n’y a pas mention de don de reliques de Thomas à Orvieto en raison précisément de la place du corporal et de la fête du Corpus Domini. Ma. R. propose que le Vat. lat. 10153, composé dans le sillage immédiat du passage des reliques, soit comme le témoignage de ce lien particulier d’Orvieto à Thomas.

157La troisième contribution ici concernée, par Earl Jeffrey Richards [E. R.], se concentre sur la remise du bras de Thomas à Paris des mains même du maître de l’Ordre, Élie Raymond, au roi Charles V (p. 319-352). E. R. met l’accent sur le transfert vers Paris du bras de Thomas à Charles V puis à la chapelle dynastique de l’église du couvent de Saint-Jacques, transfert en termes de charge sacrale comparable à celui de la couronne d’épines avec saint Louis vers la Sainte Chapelle, alors que les deux papes, Urbain V et Grégoire XI, tentent de ramener la papauté d’Avignon à Rome. L’office de la translation est explicite à ce sujet : « Sol solem coeli sequitur dum Thomas ab Italia tibi Tolosa vehitur quo decoratur Gallia ». Évrard de Trémaugon dans Le Songe du Vergier célèbre lui aussi cette concentration de reliques exceptionnelles qui viennent corroborer et affermir le pouvoir récent des Valois et ce en lien avec les hauts dignitaires ecclésiastiques. Déposée dans la chapelle funéraire royale de l’église conventuelle de Saint-Jacques, la relique devient une sorte de garant de la légitimité des Valois.

158Le transfert lui-même est vécu comme une procession extraordinaire et un itinéraire géopolitique avec le passage par Pavie et Ripaille, au bord du Léman, abandonnant la voie du littoral et allongeant le trajet de quelques sept cents kilomètres. E. R. propose d’y voir une opération pour conforter la politique matrimoniale des Valois en assurant tout autour du royaume des soutiens, ici les Visconti et la maison de Savoie. Il remarque aussi qu’à l’approche de Toulouse l’Historia se fait plus narrative et que le cortège parcourt des lieux significatifs de la croisade contre les Albigeois, comme Prouilhe et Avignonet. E. R. y discerne une confirmation lointaine de l’opportunité de la croisade et du contrôle du roi de France sur cette région. Il analyse aussi la répartition des dignitaires ecclésiastiques présents tant à Toulouse qu’à Paris, leur choix, leurs liens de parenté, leurs fonctions au sein du royaume dans une véritable « imagerie des pouvoirs établis » avec le but de manifester mais aussi de renforcer, en la sacralisant, la position du roi. Cela apparaît dans la version primitive de l’office de la translation qui célébrait cet enrichissement de la sacralité de la France avec en arrière-plan la papauté à maintenir en Avignon, en raison même de cette sacralité : « O quam felix mater Italia, Novi solis enixa radium, O quam dives effecta Gallia, Solis hujus adepta pallium, O Tolosa festa magnalia, Tibi reddunt perenne gaudium. » (p. 337). Le « O quam dives effecta Gallia » sera transformé par la suite en « Eque felix effecta Gallia ». E. R. analyse aussi les réseaux familiaux présents qui accompagnent la relique vers la chapelle royale de Saint-Jacques dans une logique semblable à l’itinéraire choisi de l’Italie vers la France. Il fait aussi remarquer que l’Historia elle-même est rédigée dans les années qui suivent la translation du 13 juin 1369 et qui voient les succès de Bertrand du Guesclin dans la guerre de Cent Ans, dans les années 1370, avec la reprise de Bergerac et de Poitiers : serait-ce une conséquence heureuse de cette sacralisation de la France et de son pouvoir royal ?

159Dans le sillage de la thèse de Ma. R., dont nous avons fait succinctement mention auparavant, ces trois études ouvrent des perspectives nouvelles qui, dépassant la ligne dévotionnelle et hagiographique invite à situer les reliques dans la mise en scène liturgique, spatiale et politique qu’elles provoquent et ce pour une figure aussi emblématique que Thomas dans la chrétienté du xive siècle.

160M. M.

161Mystique. — Chez Catherine de Sienne, l’expérience mystique la plus intime tend vers la théologie, parce qu’elle est, en son fond, communicable. Dans sa monographie Désirer d’un grand désir[59], Marie des Anges Cayeux [M. C.] distingue le désir de Dieu comme au fondement de sa doctrine : Dieu désire ou aime l’homme (les termes s’équivalent chez Catherine) ; l’homme, ainsi désiré par l’Infini, est lui-même ontologiquement établi comme désir d’être, et d’infini. Chez la créature raisonnable, ce désir, qui ne fait point nombre avec les autres désirs, est ainsi « principe d’union à Dieu et puissance d’action » (p. 33) tout ensemble : l’amour dont il procède est également le terme où il tend.

162Dans une première partie, il est traité de la tradition dont Catherine héritait sur le désir de Dieu, afin de mieux marquer comme elle la renouvelle. Avant toute chose, M. C., dans un premier chapitre, s’attache à indiquer la signification que revêt ce terme dans son œuvre. Le désir se définit ainsi chez Catherine comme « tension vers le désirable » (p. 47), bien plus que comme un manque, parce que le manque ne saurait à lui seul l’engendrer. Il est lié à la condition d’être raisonnable : « la conscience du besoin de vivre devient désir de vivre » (ibid.). Écrire, c’est vouloir communiquer un désir à ses correspondants ; cependant, le voglio dont elle use à leur égard est le même par quoi elle s’adresse à Dieu, comme à celui qui inspire son désir. Le désir chez Catherine est « viril », en ce que la volonté s’y engage résolument, mais il est aussi marqué d’une douceur féminine, dont tout sentimentalisme est exclu, mais qui est celle d’une mère unie à l’œuvre du Père d’enfanter à la vie divine.

163Le deuxième chapitre indique d’abord les lieux scripturaires informant chez Catherine l’expression du désir. Des psaumes, elle retient que les promesses de Dieu éveillent le désir de l’homme et le comblent, tandis que le Cantique en célèbre l’impatience, en retour de celui que marque le Bien-Aimé. Dans les évangiles, Catherine relève la béatitude des affamés et assoiffés, à quoi répond en saint Jean les thèmes de la source et de la soif aussi, comme condition pour suivre le Christ. Chez saint Paul, elle s’attache à ce qu’a d’impérieux et pressant le désir de la perfection. Le volet patristique de ce chapitre regarde tout entier saint Augustin, homme de désirs devenu homme de l’unique désir de Dieu. Pas de desiderium Dei chez ce père, mais un quaerere Deum habitant une volonté qui engage l’âme dans une relation susceptible de degrés : une aspiration ou appetitus, d’abord ; un amor, enfin, qui unit à l’objet, et transforme l’âme selon cet objet. La nature humaine est naturellement orientée vers Dieu comme vers son bonheur et sa fin propre. Cette orientation se marque dans les passions qui l’habitent. Elles ne sont pas en soi des maladies de l’âme, mais elles tiennent leur valeur de la volonté, quand la cupiditas, ou désir désordonné, devient amor, où tout s’ordonne à Dieu. M. C. remarque cependant que Catherine fera du désir une condition de la vision, alors qu’Augustin les oppose.

164Le troisième chapitre identifie les éléments reçus de la tradition monastique, attachée à cultiver le désir de Dieu et anticiper ainsi la vie éternelle. Grégoire le Grand, par la doctrine de la componction, enseigne la nostalgie du ciel, vers lequel on tend et que l’on possède dès ici-bas à travers les larmes du repentir et la patience. Saint Bernard enseigne que le désir de Dieu chez l’homme est, de soi, enthousiaste, prévenu qu’il est par un Dieu qui cherche l’homme. M. C., dans le même chapitre, considère l’héritage thomiste. La nature humaine est désir d’une fin qui, étant Dieu, est hors de sa portée : cette fin ne peut être atteinte qu’en se donnant à l’homme en faveur de la prière qu’il a Lui-même enseigné à élever vers Lui.

165La deuxième partie du livre est pour manifester le fondement trinitaire du désir de Dieu chez Catherine. Un quatrième chapitre relève l’absence du dualisme nature/surnature chez Catherine : la créature est de part en part orientée vers son Créateur sans qui elle ne serait pas. C’est de son amour que l’homme tire sa dignité, non de ce qu’il possède ou connaît, et cette dignité est supérieure à celle de l’ange du fait de l’incarnation. Elle se tire aussi de sa destinée divine, marquée par sa création « à l’image de Dieu », qui porte en soi le désir de Dieu, signalé par une intelligence portée au vrai, une volonté portée au bien, et une mémoire propre à se souvenir des choses de Dieu, selon la triade augustinienne. Catherine rapporte à la Trinité le « Faisons l’homme à notre image » de la Genèse. Être image de Dieu ne convient qu’au Christ, tandis que l’image dans le reste des humains est élan vers Celui par qui elle est imprimée, élan dont le principe est dans la fine pointe de l’âme. Le péché ne l’a pas anéanti. Par le baptême, qui distingue la beauté de l’âme au-delà du péché, cet élan est libéré. Catherine relève le rôle du libre arbitre dans l’accueil du Christ comme médecin. Son sang, marque éloquente de l’amour divin, tient un rôle décisif pour faire tendre vers Dieu les puissances de l’âme.

166Le christocentrisme si connu de Catherine ne saurait faire oublier que le désir de l’homme a dans la Trinité sa source et son sommet, comme l’établit le cinquième chapitre, particulièrement riche. Selon la doctrine des appropriations, le Père est source, le Fils, modèle accompli du désir, que l’Esprit suscite. Catherine relève, dans la sainte Écriture, les manifestations du désir de Dieu pour l’homme, jusqu’au « J’ai soif » du Seigneur Jésus, communiqué désormais aux âmes des pécheurs. Il y est, sous la plume de Catherine, « infini désir » et « désir d’infini » tout ensemble. Il est, en effet, ontologiquement infini, car il est volonté de se conformer à la volonté du Dieu infini, incompréhensible, mais d’une incompréhensibilité telle que, loin de faire perdre cœur, Il attire à soi sans fin, dans le cours du temps et même, dans l’éternité. C’est par cette épreuve de l’infini parmi ses propres limites que la créature est sauvée, non par les souffrances dont son désir de Dieu lui est ici bas l’occasion. Il en est ainsi jusque chez le Christ lui-même, montrant à Catherine dans son cœur ouvert ce secret que ses tourments seuls ne sauraient manifester. Ainsi, de même que la divinité de Jésus rend la vie de Jésus rédemptrice, ainsi est-ce le désir de Dieu qui est satisfactoire, et donne du prix aux œuvres qui l’accompagnent. Qui vit selon ce désir goûte certes la distance qui s’étend de soi jusqu’à Dieu, sans que son allégresse s’en trouve embarrassée. Après la mort, l’âme bienheureuse a certes encore à désirer l’honneur de Dieu dans les âmes des pécheurs d’ici bas ; elle aspire en outre à être unie à son corps ; mais, entièrement glorifié corps et âme, l’homme ne laissera pas de désirer Dieu, d’un désir non plus tendu vers Lui, mais en Lui (p. 167). Ainsi vérifie-t-on que pour Catherine, le désir est, en son fond, charité.

167Le sixième chapitre fait contempler le Christ comme l’homme, par excellence, du désir, comme il est manifeste par son sang et par sa croix, à quoi il fut maintenu par la charité plutôt que par les clous. Plus douloureuse que la croix des sens, il porte, dès le sein de Marie, la « croix du désir », qui tient à l’impatience qu’il a d’accomplir l’œuvre de la rédemption. De là la joie qu’il marque aux approches de la passion qui doit l’en délivrer. Son « J’ai soif », qui signale le désir qu’il a du salut des âmes, est aussi une supplique, à elles adressée, que cette soif soit étanchée. En lui s’articule le désir d’être uni à Dieu et celui de vivre selon le désir de sauver les humains, qui partagent le cœur de l’Apôtre (Phil. 1, 23). Ainsi le Christ est-il pour l’homme un exemplaire ontologique et moral tout ensemble. En outre, par sa grâce, il soutient dans son Église le désir des âmes, dans le sacrement de l’autel. Ce désir comporte le choix du Christ, en son corps crucifié. Il est choisi comme Voie, dont l’unicité est signalée par l’image du « pont », qui est aussi une échelle conduisant au ciel selon trois degrés : les pieds transpercés soutiennent le désir, qui se porte jusqu’au cœur ouvert sur le secret animant Jésus-Christ ; puis à la bouche, où l’on s’unit au désir de Dieu pour le salut des humains. Il est choisi comme Vérité : le corps du Christ est un livre en qui, du haut de la croix, comme un maître de sa cathèdre, il enseigne aux hommes comme Dieu les aime. Il est, enfin, arbre de Vie, selon une triple greffe : de la divinité à l’humanité, de l’humanité à la croix, et de l’âme du fidèle à cette même croix du désir, plutôt qu’à la croix visible, de sorte que le sang du Seigneur s’écoulant en elle, elle devient un « autre Christ », par la conformité des sentiments, vues et vertus.

168La troisième partie du livre, intitulée « L’exigence du désir », s’ouvre sur le septième chapitre, où le désir est montré se produisant d’abord en exigence de vérité. Sans doute Catherine reconnaît-elle une priorité logique de l’intelligence sur l’amour : on ne saurait aimer que ce que l’on connaît être aimable. Mais comment, si l’on n’aime, serait-on engagé à connaître ? Il y a là comme un cercle, qu’il revient au désir d’ouvrir, en tant qu’il constitue ontologiquement le fond de l’homme, et qui est désir de connaître. La connaissance proprement dite, qui a lieu par jugement et connaissance des causes, a pour condition préalable une intuition, une « vue » éclairée par une lumière qui vient d’un autre que soi : savoir, d’abord, que Dieu aime sa créature. Ensuite, l’œuvre du désir, loin de cesser, unit amour et connaissance en un cercle vertueux. Il est, selon le mot tiré du Dialogue (LXVIII), « désir de vouloir connaître ».

169Le huitième chapitre montre le désir de Dieu se déployant dans le temps qu’il transcende en même temps qu’il en relève le prix, en y désignant tant d’occasions de bien agir. Le passé est irréversible, l’avenir incertain, mais le présent est un « rendez-vous de Dieu ». La mémoire de ses bienfaits rend patient dans l’épreuve dont la durée finie est à mesurer d’après l’éternité. Bien mieux, le repentir permet même que l’on regagne le temps perdu, et fait de ce temps le temps du désir. La vertu de patience se mêle alors d’impatience spirituelle, dans la pensée que ce temps et ce séjour sont un exil où le désir ne peut être assouvi. Aussi le fidèle est-il toujours courant au-delà de soi-même, se gardant des obstacles de l’amour propre et du regard vers le passé.

170Le neuvième chapitre traite de la prière et de la communion. Catherine recourt volontiers aux images de la faim et de la soif pour désigner le désir de Dieu dans son urgence vitale. Celle-ci se marque dans l’ardeur de la prière, où l’âme, reconnaissant son indigence foncière, s’adresse à celui qui la peut nourrir, lui ayant donné l’être. Prière efficace à contraindre Dieu, parce que c’est lui qui l’inspire. Catherine propose une « métaphysique » de la prière : les raisons de prier, plutôt que les moyens de combattre les difficultés à prier. Il s’agit d’y « tuer » sa volonté propre, pour revêtir la volonté divine, en quoi l’on trouve sa nourriture, comme Jésus-Christ en sa passion. Le jeûne éventuel n’a de valeur que relative à ce désir que la prière exprime, mais dont elle est aussi la source. De soi, la prière véritable est continuelle, selon que le désir de Dieu est habituel à l’âme, communiquant sa vertu à toutes les actions à quoi il engage pour l’honneur de Dieu. La prière vocale a son utilité pour avoir l’esprit rempli des réalités saintes, contre l’effort ordinaire du démon pour persuader le contraire. Mais elle est appelée à se muer en prière mentale, plus parfaite, car elle purifie le désir en l’unifiant davantage vers Dieu seul. Alors que la croix du désir devait cesser pour lui le lendemain par l’achèvement de son œuvre rédemptrice, le Christ institua l’eucharistie pour témoigner de ce que son désir même demeure pour l’homme, donné à l’homme en « nourriture angélique ». Catherine engage à la recevoir fréquemment, selon que la communion s’identifie au désir de Dieu. On ne doit pas prétexter son indignité pour s’abstenir de communier, car ce serait se flatter de pouvoir par soi-même s’en rendre digne. M. C. relève ici l’audace de ces vues pour l’époque.

171Dans la conclusion générale, M. C. assure que l’originalité de Catherine est que dans sa notion de désir, la quête de Dieu, reçue de la tradition, se trouve érigée en principe métaphysique qui se fonde en Dieu même, et sur quoi s’établit la dignité de l’homme dominant sur son péché même, dans un « optimisme » qui préfigure celui inspirant Gaudium et spes, 14. Ce désir ontologique est en outre le moteur de la vie morale. Il articule étroitement contemplation et action, témoin le style exhortatif de Catherine tâchant à le communiquer, pour l’amour de Dieu, à ceux que Dieu aime.

172On salue ici une étude qui (le croirait-on, s’agissant d’un terme si récurrent chez Catherine de Sienne) est pour ainsi dire pionnière. Elle témoigne d’une familiarité longue et profonde avec la sainte que les dominicaines du Saint-Esprit apprennent à vénérer. Un de ses principaux mérites à nos yeux est dans sa révérence pour la poétique propre aux écrits de Catherine. Tout en élucidant avec soin les termes à l’aide du contexte ou de l’ensemble de l’œuvre, elle ne tente pas d’en réduire les images à des concepts d’école (en dépit des rapports établis avec Thomas d’Aquin). Quoique se proposant d’éclairer la pensée entière de sainte Catherine à partir d’un unique principe, elle ne tente pas de la constituer en système, mais respecte son caractère foisonnant.

173J. Ch. N.

174Ordre dominicain. — Le recueil « L’ordine dei Predicatori » comporte dix-neuf contributions d’auteurs différents, qui couvrent les huit siècles d’histoire de l’Ordre des Prêcheurs [60]. Cet ouvrage est destiné à un large public et les contributions ne comprennent pas (ou rarement) de notes de bas de pages. Chacune, par contre, est suivie d’une présentation bibliographique et le volume comprend un index des noms. Ainsi ce volume livre dans la plupart des contributions des indications utiles pour une première approche d’un sujet et une bibliographie à jour. Ce genre d’ouvrages fait appel à des contributeurs variés et comporte, par le fait même, des discontinuités. Les coordinateurs, Gianni Festa et Marco Rainini [M. R.], sont conscients également d’avoir laissé sans traitement de larges pans de l’univers suscité par les dominicains au cours des siècles (p. x-xi).

175Parmi les contributions concernant la période médiévale, M. R. s’essaie à présenter la figure de Dominique (p. 79-105). Il s’appuie sur les travaux de Simon Tugwell et de Luigi Canetti (qui a relu son texte : p. 103), mais présenter voire comprendre Dominique reste toujours un exercice difficile d’interprétations de sources comme des éléments d’une mosaïque et nous ajouterions volontiers d’un kaléidoscope. M. R. souligne les jeux de miroirs entre franciscains et dominicains autour de la figure de leur fondateur respectif, comme de la caractérisation de leur charisme propre, voire les mouvements de conformation mutuelle comme « ordres mendiants » par la place de la prédication et de l’étude chez les franciscains et le rehaussement de la figure de Dominique chez les frères prêcheurs pour en faire un nouveau « Poverello ». Le point saillant et le fil conducteur de l’étude de M. R. est l’interaction continue entre Dominique et son projet, d’une part, et les autorités pontificales, d’autre part. Ainsi dès le retour de la deuxième mission au Danemark, l’évêque Diègue accompagné de Dominique entre dans les vues missionnaires d’Innocent III. Le pape envoie Diègue rejoindre Cîteaux et son abbé, en Bourgogne puis à Montpellier où il (re)propose les idéaux missionnaires évangéliques du pape au groupe des légats (dont l’abbé de Cîteaux). M. R. souligne combien dès lors cette prédication comporte les éléments essentiels de l’action ultérieure de Dominique sur le plan d’abord diocésain, puis après Latran IV avec la protection pontificale de cet « institut diocésain » de Toulouse et de ses biens par l’acte du 22 décembre 1216. La période 1216-1217 marque un nouveau tournant avec le deuxième séjour romain de Dominique et les liens noués entre autres avec le cardinal Hugues, évêque d’Ostie futur Grégoire IX, qui suivra tout le développement de l’Ordre et sera le promoteur de la translation (1233) puis de la canonisation de Dominique (1234). C’est aussi au début de 1217 qu’en parallèle Honorius III invite les étudiants de Paris à renforcer la mission de Toulouse et que d’autre part il confirme l’action des « praedicatores » et reconnaît comme étant un état véritable (et non « praedicantes » exerçant une fonction) le groupe des frères de Dominique. M. R. propose une lecture dans une seule logique du séjour romain de Dominique en l’hiver 1216/1217, puis la dispersion d’août 1217 et donc la fondation de Paris et de Bologne et enfin la recommandation pontificale de février 1218, lors d’un nouveau séjour romain de Dominique, où la « praedicatio » de Toulouse devient un « ordo » à vocation universelle.

176Dans son étude (p. 325-350), Riccardo Parmeggiani [R. P.] fait d’abord le point sur les développements récents de l’historiographie inquisitoriale en particulier par rapport au mouvement de déconstruction des catégories orthodoxie/hérésie, mouvement qui se concentre sur les documents processuels. Il propose une requalification de ce couple dans une prise en compte documentaire plus large des sources historiographiques de l’Inquisition. À propos de la manière dont les frères dominicains sont associés progressivement à l’activité inquisitoriale, R. P. y voit, dans le contexte propre aux premières décennies de leur ordre, plutôt qu’une décision délibérée et nette, une conjonction de facteurs qui conduisent au développement de cette activité particulière de prédication ainsi qu’à une réflexion et à une production propres dont il rend compte. R. P. analyse, en particulier à partir de la première source décrivant la procédure, l’ordo processus Narbonensis (vers 1244), le déroulement des procès en le comparant avec la Lombardie des années 1265 où l’inquisition se teinte des tensions pour le contrôle de la péninsule et où gibelins et hétérodoxes se confondent alors parfois. Il brosse plus rapidement les perspectives du tournant des xiiie-xive siècles où il repère un souci plus marqué d’encadrer l’activité inquisitoriale et surtout, progressivement, l’extinction des types d’hérésie des débuts de l’Ordre pour prendre de nouvelles orientations vers d’autres territoires ou d’autres types de pratiques (sorcellerie) et de réflexions théologiques (démonologie).

177Dans ses pages sur la mystique dominicaine (p. 351-388), Alessandra Bartolomei Romagnoli [A. B. R.] attire d’abord notre attention sur la présence de femmes mystiques dans les années de formation de l’Ordre, telles que les rapportent Thomas de Cantimpré et Étienne de Bourbon en faisant appel à des thématiques maternelles et corporelles. Ensuite, A. B. R. analyse les données historiographiques concernant les mouvements de pénitents et les communautés religieuses face aux exigences du concile de Latran IV et des papes contemporains. C’est dans ce contexte que Dominique intervient dans la réorganisation de la vie des moniales autour du monastère de Saint-Sixte. À partir d’un examen des adresses des différents documents publiés par V. Kudelka, A. B. R. propose une analyse des mutations statutaires du monastère de Prouilhe et des interactions possibles avec les évolutions intervenues pour l’Ordre à Rome. Elle étend finalement l’enquête au Libellus et aux lettres aux moniales de Jourdain de Saxe.

178À propos des études dans l’Ordre, Luciano Cinelli [L. C.] traite de l’Italie des xiiie-xve siècles (p. 278-303). Il présente d’abord les décisions des chapitres généraux pour le développement des études en relation avec la prédication, avec la création de studia generalia mais aussi à l’échelle des couvents eux-mêmes. Dans la deuxième partie, il rappelle d’autres éléments législatifs des débuts de l’Ordre concernant les bibliothèques. L. C. présente enfin très précisément le développement à la fin du Moyen Âge de bibliothèques conventuelles comme Bologne et Florence, avec les couvents de Santa Maria Novella et de San Marco, en soulignant les interactions avec la première Renaissance italienne.

179Massimo Mancini [M. M.], dans son panorama de l’histoire moderne et contemporaine de l’Ordre (p. 58-76), souligne la place des études dans l’expansion du xviiie siècle mais également comme un point-clé de l’Ordre à la fin du xixe après la période de V. Jandel, au moment où, par ailleurs, l’effectif des frères dominicains est à son étiage depuis le xiiie siècle.

180Cette dernière étape est développée (p. 440-464) par Gian Luca Potestà [G. L. P.]. En ce qui concerne les doctrines médiévales, reprenant l’expression d’Y. Congar de « la voie d’un sain relativisme », G. L. P. expose les incidences sur le renouveau thomiste qu’ont joué les débats sur l’interprétation de la Bible et, d’une manière plus large, ceux sur la pratique théologique. Si Léon XIII est celui qui, en 1879, donne une impulsion nouvelle aux études thomistes avec l’encyclique Aeterni Patris et la création de l’Édition léonine, il est aussi celui qui ouvre la voie à un renouvellement de la réception croyante de l’Écriture, inspirée par Dieu et ayant de véritables auteurs humains. M.-J. Lagrange est un des acteurs du renouveau biblique à travers les nombreux aléas de ses relations avec A. Loisy et les instances romaines. G. L. P. poursuit en mettant en relation ce débat de la crise moderniste avec le renouvellement de la manière de pratiquer la théologie par l’apport des sciences historiques, selon l’exemple du père Chenu dans son manifeste de 1937, et la manière d’Y. Congar sur le plan ecclésiologique. G. L. P. place aussi parmi les fruits de cette interaction féconde entre théologie et sciences historiques, le renouvellement du travail philologique de la Commission léonine dans les années 1950 qui aboutira à la nouvelle série de publications à partir du Super Iob en 1965.

181M. M.

182Commission léonine
43ter, rue de la Glacière
F-75013 Paris
editio@commissio-leonina.org


Date de mise en ligne : 26/11/2019

https://doi.org/10.3917/rspt.1024.0643

Notes

  • [*]
    Le bulletin est rédigé par des membres de la Commission léonine sous la coordination de Marta Borgo. Cette livraison du bulletin accueille également des récensions d’Élisabeth Boncour et d’Olivier Boulnois (PSL, EPHE, UMR 8584). Les auteurs, signalés dans le texte par leurs initiales, restent responsables de leurs notices.
  • [1]
    Ioannis Duns Scoti Notabilia super Metaphysicam, cura et studio Giorgio Pini, Turnhout, Brepols (coll. « Corpus Christianorum Continuatio Mediaeualis » 287), 2017 ; 15,5 × 24,5, lxxii + 260 p., 190 €. ISBN : 978-2-503-57785-2.
  • [2]
    Sur la version de la Métaphysique utilisée par Duns Scot dans les Notabilia et les difficultés concernant son identification, voir p. xlix, avec la n. 132, et le deuxième appendice (p. 207-213), où G. P. montre la proximité entre le texte commenté par Scot et la Moerbekana, arrivant à supposer qu’il s’agisse d’une copie dérivée du deuxième exemplar parisien de celle-ci.
  • [3]
    G. Pini, « Notabilia Scoti super Metaphysicam : una testimonianza ritrovata dell’insegnamento di Duns Scoto sulla Metafisica », Archivum franciscanum historicum 89 (1996), p. 137-180.
  • [4]
    Sur la présence de traces de ces systèmes de renvoi dans le manuscrit V, voir p. xxxviii-xxxix.
  • [5]
    Petri Thomae Quaestiones de ente, éd. Garrett R. Smith, Leuven, Leuven University Press (coll. « Ancient and Medieval Philosophy – Series 1 » 52/2), 2018 ; 15,6 × 23,4, ccxxxv + 590 p., 200 €. ISBN : 978-94-6270-161-8.
  • [6]
    Rodney M. Thomson, A Descriptive Catalogue of the Medieval Manuscripts in the Library of Peterhouse, Cambridge, Cambridge, D. S. Brewer, 2016 ; 24 × 31, xli + 230 p. + [52] p. de planches, £ 95. ISBN : 978-1-84384-441-9. Sommaire : « Contents », v. – « List of Illustrations », vi-vii. – « Acknowledgements », ix. – « Abbreviations », x-xvi. – « Introduction », xvii-xl. – « Editorial Conventions », xli. – « The Catalogue », 1‑173. – « Appendix A : Manuscript Fragments in Peterhouse Printed Books », 175‑193. – « Appendix B : Medieval Peterhouse Manuscripts no longer in the Main Collection », 194‑211. – « Index of Manuscripts and Printed Books », 212‑216. – « General Index », 217‑230. – « Plates », [231‑282].
  • [7]
    Concernant Thomas d’Aquin, il faut compléter la description des manuscrits ci-dessous. (i) Peterhouse 184 (p. 111), « 2. Tabula libri Ethicorum » : publiée dans l’éd. Léon., t. 48, p. B1-B172 ; « 4. Capitula of Aristotle [...] Eth. Nic. », copiés aux f. 144vb-145va, à l’intérieur d’une série de capitula d’œuvres d’Aristote : en vérité ils sont partie intégrante de la Tabula de Thomas (éd. Léon., t. 48, p. B7). (ii) Peterhouse 245 (p. 150), « 1. Boèce, De hebdomadibus », suivi du commentaire de Thomas d’Aquin : il faut ajouter la référence à l’éd. Léon., t. 50, p. 231-293. (iii) Oxford, Bodl. Libr., Ashmole 369 (p. 207), « 22. De substantiis separatis » : il faut ajouter la référence à l’éd. Léon., t. 40, p. D1‑D87.
  • [8]
    Piero Scapecchi, Catalogo degli Incunaboli della Biblioteca nazionale Centrale di Firenze, Presentazione di Luca Bellingeri, Biblioteca Nazionale Centrale di Firenze-Nerbini (coll. « Lo scaffale della Biblioteca. Materiali della Biblioteca Nazionale Centrale di Firenze » 1), Firenze, 2017 ; 16,5 × 23,5, 564 p., 85 €. ISBN : 978-88-6434-125-5. Sommaire : « Presentazione », 5‑8. – « Introduzione », 9‑59 : « Avvertenze », 23‑25 ; « Appendice I (Incunaboli magliabechiani) », 25‑36 ; « Appendice II (Giuseppe Molini) », 36‑57 ; « Appendice III (Acquisti palatini) », 57‑59. – « Principali abbreviazioni », 61‑62. – « Bibliografia », 63‑75. – « Catalogo degli Incunaboli », 77‑424. – « Tavole », 425‑448 [31 reproductions]. – « Indici », 449‑564.
  • [9]
    IGI : Indice generale degli incunaboli delle biblioteche d’Italia, Roma, Istituto poligrafico e Zecca dello Stato-Libreria dello Stato, 1943‑1981, 6 vol. ; ISTC : Incunabula Short Title Catalogue, voir http://www.bl.uk/catalogues/istc/.
  • [10]
    Nicole Bériou, André Vauchez et Michel Zink (éd.), Les Dominicains en France (xiiie-xxe siècle), Actes du colloque international organisé par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et la Province dominicaine de France pour le viiie centenaire de la fondation de l’Ordre des Prêcheurs par saint Dominique à la Fondation Simone et Cino Del Duca, à la Bibliothèque Mazarine (Institut de France), à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et au couvent de l’Annonciation, du 10 au 12 décembre 2015, Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres / Éditions du Cerf, 2017 ; 16 × 24, x + 654 p., 50 €. ISBN : 978-2-87754-354-5 (Aibl) / 978-2-20412-242-9 (Cerf). Sommaire : A. Vauchez, N. Bériou, Dominique Julia, « Avant-propos », vii-viii. – M. Zink, « Allocution d’accueil », ix-x. – [1] « La transmission du message religieux. A. Prédication et pastorale » : N. Bériou, « Des “frères Prêcheurs” : quel renouveau pastoral dans la France du xiiie siècle ? », 1-20. – Sylvie Duval, « Les Dominicains et les femmes (fin du Moyen Âge-début de l’époque moderne) », 21-38. – Isabelle Brian, « Les prédicateurs dominicains à Paris au xviie et xviiie siècles », 39-52. – « B. De nouveaux modes de communication » : Étienne Fouilloux, « Comment le Cerf est devenu une vraie maison d’édition », 53-63. – Yvon Tranvouez, « Maydieu, Boisselot et après… Les périodiques d’inspiration dominicaine dans la postérité du Père Bernadot », 65-77. – Isabelle Saint-Martin, « “Aux grands hommes les grandes choses”. L’Art sacré de Couturier et Régamey à Cocagnac et Capellades », 79-107. – [2] « L’autoconscience de l’ordre dominicain et ses mutations » : Anne Reltgen Tallon, « La construction d’une mémoire dominicaine, du Moyen Âge aux Temps modernes », 111-128. – Agnès Dubreil Arcin, « Le sens de l’œuvre hagiographique du Dominicain Bernard Gui », 129‑150. – Jean-Marie Le Gall, « Les Dominicains en France à la Renaissance », 151-171. – Jean-Louis Quantin, « L’érudition dominicaine dans la France moderne », 173-194. – [3] « Cultes et dévotions » : Catherine Vincent, « La lente diffusion du culte de saint Dominique dans le nord du Royaume de France (xiiie-xve s.) », 197-220. – Bernard Dompnier, « Les saints dominicains entre culte liturgique et pratiques dévotionnelles (xviie-xviiie s.), 221-241. – Marie-Hélène Froeschlé-Chopard, « Les confréries du Rosaire et leurs images à l’époque moderne », 243-273. – [4] « Un ordre de théologiens ? » : Marielle Lamy, « Les Dominicains et l’Immaculée Conception : une histoire tourmentée (xiiie-xvie s.) », 277-301. – Sylvio Hermann De Franceschi, « Théologie et théologiens thomistes dans la querelle catholique de la grâce. L’antimolinisme des Dominicains français (xviie-xxe s.) », 303-327. – Michel Fourcade, « Les Dominicains français et le néo-thomisme », 329-350. – [5] « Le choc de la Révolution française : ruptures et reconstruction » : Paul Chopelin, « Les Dominicains et la Révolution française », 353-373. – Augustin Laffay, « Les paradoxes de la vocation dominicaine de Lacordaire », 375-388. – Anne Philibert, « Lacordaire dans la crise française (1846-1853) », 389-396. – Sylvain Milbach, « Lacordaire : catholicisme libéral et histoire. “La liberté a été plus féconde que les vieilles mœurs féodales” », 397-415. – [6] « Les Dominicains et les autres. A. Au Moyen Âge » : Jean-Louis Biget, « Les Dominicains, les hérétiques et l’Inquisition en Languedoc », 419‑429. – Sean L. Field, « Philippe le Bel et ses confesseurs dominicains : une question de loyauté », 431-442. – A. Vauchez, « Regards critiques sur les Dominicains dans la France méridionale au xive siècle », 443-459. – « B. Aux xixe et xxe siècles » : Tangi Cavalin, « Du projet lacordairien de restauration dominicaine à sa mondialisation : les Dominicains des provinces françaises hors des frontières nationales (1850-1914) », 461-481. – Michel Mallèvre, « Les Dominicains français et la promotion de l’unité des chrétiens au xxe siècle : engagements personnels et institutions », 483-502. – Dominique Avon, « Frères Prêcheurs et intellectuels musulmans dans le contexte post-conciliaire : L’Institut dominicain d’études orientales (1965-1995) », 503‑527. – « Épilogue : À propos des Dominicains en France de Vatican II au début du xxie siècle », 529‑531. – [7] « Une bibliothèque retrouvée : les livres du Couvent des Jacobins de Paris, du Moyen Âge à la Révolution (Exposition, Bibliothèque Mazarine, 14 déc. 2015 – 11 mars 2016) » : Yann Sordet, « Introduction », 535‑536. – Florine Lévecque-Stankiewicz, « Catalogue de l’exposition », 537‑599 ; « Liste des œuvres de l’exposition », 601-610. – « Index », 611‑648. – « Liste des auteurs », 649‑650. – « Table des matières », 651-653.
  • [11]
    Catherine Kikuchi, La Venise des livres 1469-1530, Préface d’Élisabeth Crouzet-Pavan, Ceyzérieu, Champ Vallon (coll. « Époques »), 2018 ; 15 × 24, 350 p., 26 €. ISBN : 979-10-267-0702-8. Nous signalons simplement à nos lecteurs cet ouvrage de qualité, issu d’une thèse de doctorat.
  • [12]
    Jean de Mailly, O. P., Abrégé des gestes et miracles des saints, traduit du latin par Antoine Dondaine, Paris, Éditions du Cerf (coll. « Bibliothèque d’histoire dominicaine » 1), 1947.
  • [13]
    Jean de Mailly, Abbreviatio in gestis et miraculis sanctorum. Supplementum hagiographicum, Editio princeps, a cura di Giovanni Paolo Maggioni, Firenze, Sismel-Edizioni del Galluzzo (coll. « Millennio medievale » 97, « Testi » 21), 2013.
  • [14]
    Jean de Mailly, O. P., Dieci secoli di Francia cristiana. Abbreviatio in gestis et miraculis sanctorum, Traduzione italiana a cura di Valerio Ferrua, O. P. con la collaborazione di Gabriella Dogliani e un saggio di Giovanni Paolo Maggioni, Firenze, Nerbini (coll. « Biblioteca di Memorie Domenicane » 16), 2017 ; 15,5 × 23,5, 448 p., 45 €. ISBN : 978-88-6434-263-4.
  • [15]
    Ibid., p. 17-27 : « Jean de Mailly et l’Abbreviatio in gestis sanctorum. La storia e l’importanza nella cultura europea di un leggendario e del suo autore ».
  • [16]
    Jean Duns Scot, Questions sur la Métaphysique. Volume I. Livres I à III. Introduction, traduction et notes par Olivier Boulnois et Dan Arbib. Avec une introduction au texte latin par Dominique Poirel, Paris, Presses universitaires de France (coll. « Epiméthéé »), 2017 ; 15 × 21,5, 577 p., 39 €. ISBN : 978-2-13-057969-4.
  • [17]
    G. Pini, « Notabilia Scoti super Metaphysicam : una testimonianza », art. cité ; voir ci-dessus, p. 644.
  • [18]
    Ioannis Duns Scoti Quaestiones super libros Metaphysicorum Aristotelis, t. I et II, éd. Robert R. Andrews et al., St. Bonaventure NY, The Franciscan Institute (coll. « Ioannis Duns Scoti Opera Philosophica » 3-4), 1997.
  • [19]
    La note additive (§ 19-20, p. 68-71) peut être lue comme une auto-critique de sa position antérieure qui interprète la métaphysique comme science transcendantale (voir p. 69, n. 6).
  • [20]
    Voir à ce sujet la remarquable étude de Carlos Steel, Der Adler und die Nachteule. Thomas und Albert über die Möglichkeit der Metaphysik, Münster, Aschendorff (coll. « Lectio Albertina » 4), 2001.
  • [21]
    Pour comprendre cette ample discussion où Averroès joue un rôle crucial, il faut se référer aux chapitres 43-45 du troisième livre de la Somme contre les Gentils, où Thomas traite explicitement de ce sujet et réfute avec virulence la position d’Averroès. Malheureusement cette source vraiment décisive n’a pas été identifiée par les traducteurs, qui se réfèrent uniquement à la Somme de théologie (ce qui dans ce cas n’est pas la source qu’il faut citer).
  • [22]
    Voir à ce sujet : Duns Scot, Traité du premier principe. Tractatus de primo principio, Texte latin établi par Wolfgang Kluxen, traduit du latin par Jean-Daniel Cavigioli et al., sous la direction de Ruedi Imbach, avec une introduction de François-Xavier Putallaz, Paris, Vrin (coll. « Bibliothèque des textes philosophiques »), 2001, chap. iv, p. 136-205. Cet ouvrage ne figure pas dans la bibliographie.
  • [23]
    O. Boulnois, Métaphysiques rebelles. Genèse et structures d’une science au Moyen Âge, Paris, Presses universitaires de France (coll. « Epiméthée »), 2013, p. 126.
  • [24]
    Henri Suso, L’Horloge de la Sagesse, Traduction de Jean-Claude Lagarrigue, introduction de Marie-Anne Vannier, choix iconographique par Monique Gruber, Paris, Les Belles Lettres (coll. « Sagesse médiévale » 19), 2017 ; 13,5 × 20,5, 343 p., 35 €. ISBN : 978-2-251-44761-2.
  • [25]
    Pius Künzle (éd.), Heinrich Seuses Horologium Sapientiae, Erste kritische Ausgabe unter Benützung der Vorarbeiten von Dominikus Planzer, Freiburg (Schweiz), Universitätsverlag (coll. « Specilegium Friburgense » 23), 1977.
  • [26]
    Henri Suso, L’Œuvre mystique, introduction et traduction du R. P. Benoît Lavaud, vol. 5 : L’Horloge de la sagesse, Paris-Fribourg, LUF-Egloff, 1948. Sur le P. Lavaud, voir Histoire de l’Université de Fribourg 1889-1989, éditée par une commission de professeurs présidée par Roland Ruffieux et par le Rectorat de l’Université, Fribourg, Éditions universitaires, 1991-1992, p. 965 ; voir aussi p. 524, 556‑567, 661, 728, et surtout : Benoît Lavaud (1890-1979). Souvenirs en fragment, texte introduit et annoté par Paul-Bernard Hodel, Paris, Éditions du Cerf (coll. « Mémoire dominicaine » 19), 2004.
  • [27]
    Henri Suso, Horologium Sapientiae, éd. Kunzle, op. cit., p. 48. Rappelons que Künzle a édité les Questions sur l’âme séparée de Bernard de Treille, un disciple de Thomas de la première heure : Bernardi de Trilia Quaestiones disputatae de cognitione animae separatae, Bern, A. Francke (coll. « Corpus philosophorum medii aevi. Opera philosophica mediae aetatis selecta » 1), 1969.
  • [28]
    Ruedi Imbach, « Anmerkungen zu den thomistischen Quellen des ‘Horologium sapientiae’ », dans Rüdiger Blumrich, Philipp Kaiser (éd.), Heinrich Seuses “Philosophia spiritualis”. Quellen, Konzept, Formen und Rezeption, Wiesbaden, Reichert (coll. « Wissensliteratur im Mittelalter » 17), 1994, p. 71-83.
  • [29]
    Plus particulièrement en Allemagne. Voir à ce propos : Maarten J. F. M. Hoenen, Ruedi Imbach, Catherine König-Pralong (éd.), « Deutsche Thomisten des 14. Jahrhunderts : Lektüren, Aneignungsstrategien, Divergenzen. / Thomistes allemands du xive siècle : lectures, stratégies d’appropriation, divergences », Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Théologie 57/2, 2010, p. 227-430.
  • [30]
    Heinrich Seuse, Das Buch der Wahrheit / Daz buechli der warheit, Mittelhochdeutsch-Deutsch, herausgegeben und mit einer Einleitung versehen von Loris Sturlese, übersetzt von Rüdiger Blumrich, Hamburg, Meiner (coll. « Philosophische Bibliothek » 458), 1993.
  • [31]
    Voici la traduction de B. Lavaud du même passage (L’Horloge, op. cit., p. 322) : « Que de livres de philosophes tu as lus, que de philosophes tu as entendu citer ! Or, en aucune philosophie, tu n’as entendu faire aucune mention de cet Arsène. »
  • [32]
    Ulla Williams, « Vatter ler mich. Zur Funktion von Verba und Dicta im Schrifttum der deutschen Mystik », R. Blumrich, Ph. Kaiser (éd.), Heinrich Seuses “Philosophia spiritualis”, op. cit., p. 173-188 ; Werner Williams-Krapp, « “Nucleus totius perfectionis”. Die Altväterspiritualität in der Vita Heinrich Seuses », dans Johannes Janota et al. (éd.), Festschrift Walter Haug und Burghart Wachinger, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, 1992, I, p. 407-421. Mais il faudrait également mentionner Louise Gnädinger, « Arsenius. Ein bevorzugter geistlicher Lehrmeister Heinrich Seuses », Jakobus Kaffanke (éd.), Heinrich Seuse – Diener der Ewigen Weisheit, Freiburg i. Br., Verlag der Katholischen Akademie der Erzdiözese Freiburg, 1998, p. 87-159 (nouvelle édition augmentée : Berlin, LIT [coll. « Henrich-Seuse-Forum » 1], 2013, p. 69-137).
  • [33]
    Lavaud traduit (L’Horloge, op. cit., p. 320) : « la source et l’origine de tous biens pour l’homme spirituel, c’est de rester continuellement dans sa cellule. »
  • [34]
    Blaise Pascal, Pensées opuscules et lettres, éd. Philippe Sellier, Paris, Classiques Garnier (coll. « Bibliothèque du xviie siècle » 2), 2010, p. 168.
  • [35]
    Jacqueline Hamesse (éd.), Les Auctoritates Aristotelis. Un florilège médiéval. Étude historique et édition critique, Louvain-Paris, Publications Universitaires-Béatrice-Nauwelaerts (coll. « Philosophes médiévaux » 17), 1974.
  • [36]
    Jacqueline Hamesse, José Meirinhos (éd.), Les Auctoritates Aristotelis, leur utilisation et leur influence chez les auteurs médiévaux. État de la question 40 ans après la publication, Barcelona-Madrid, Fédération Internationale des Instituts d’Études Médiévales (coll. « Textes et études du Moyen Âge » 83), 2015 ; 16,5 × 24, ix + 362 p., 55 €. ISBN : 978-2-503-56738-9. Sommaire : « Table de contenu », v. – J. Meirinhos, « Préface », vii-ix. – J. Hamesse, « Des Parvi Flores aux Auctoritates Aristotelis », 1-15. – María José Muñoz, « Los manuscritos de las Auctoritates Aristotelis conservados en España », 17-37. – José Filipe Silva, « What Source : Textbook or Original Text ? The Use of Florilegia by Robert Kilwardby », 39-49. – Marco Toste, « Parvi Flores and Philosophia Practica : Medieval Florilegia and their Use in Aristotelian Commentaries of the Arts Faculty », 51-85. – Griet Galle, « The Use of the Auctoritates Aristotelis in Peter of Auvergne’s Questions on De caelo », 87-113. – Pieter De Leemans, « Another Aristotelian Florilegium (Paris, BNF, lat. 14704) », 115-137. – Alessandra Beccarisi, « Eckhart e le Auctoritates Aristotelis », 139-153. – William Duba, « Auctoritates and Aristoteles in Peter Auriol », 155-185. – Andrea A. Robiglio, « Dante e le Auctoritates Aristotelis », 187-202. – Christine Boyer, « Le prédicateur et ses sources ; les Auctoritates philosophiques dans les sermons du dominicain Guillaume de Sauqueville », 203-219. – Lorenza Tromboni, « Percorsi paralleli nella lettura dei classici. Girolamo Savonarola e le Auctoritates Aristotelis », 221-241. – Pietro B. Rossi, « Dall’Aristotele di Petrarca all’Aristotele di Coluccio Salutati », 243-268. – Guy Guldentops, « Nemo / Nihil dat quod non habet : Fortune d’un topos de Platon à Derrida », 269-315. – Luca Bianchi, « Conclusions », 317-331. – J. Meirinhos, « Bibliographie des Auctoritates Aristotelis », 333-336. – Joana Matos Gomes, « Index » : « Manuscrits cités », 339 ; « Auctoritates Aristotelis citées », 341-349 ; « Auteurs anciens et médiévaux », 351-353 ; « Auteurs modernes et contemporains », 355-362.
  • [37]
    Marta Borgo, « La Métaphysique d’Aristote dans le Commentaire de Thomas d’Aquin au Ier Livre des Sentences de Pierre Lombard : quelques exemples significatifs », Rev. Sc. ph. th. 91 (2007), p. 651-692 ; « La citazione come forma di riscrittura : note sulle fonti aristoteliche del Commento alle Sentenze di Tommaso d’Aquino », Memorie Domenicane 42 (2011), p. 133-170 ; « Le citazioni dello pseudo-Dionigi nel Commento alle Sentenze di Tommaso d’Aquino », Documenti e studi sulla tradizione filosofica medievale 24 (2013), p. 153-189 ; « Between Avicenna and Averroes. Considerations on the Early Aquinas’ Aristotle », Documenti e studi sulla tradizione filosofica medievale 26 (2015), p. 211-240.
  • [38]
    Thomae de Aquino Tabula libri Ethicorum, éd. Léon., t. xlviii, Romae, Ad Sanctae Sabinae, 1971, p. B1-B172.
  • [39]
    Ibid., p. B5 sqq ; aux pages B51-B52, Gauthier pense que Thomas aurait fait confectionner la Tabula sur le commentaire d’Albert à la Physique transmise par le manuscrit Vat. lat. 718, f. 1ra-4va, étant donné que Thomas aurait commandé ce manuscrit et en aurait été le possesseur, cela sur la base d’Antoine Dondaine, Secrétaires de Saint Thomas, Romae, Ad Sanctae Sabinae, Commissio Leonina (« Editores Operum Sancti Thomae de Aquino » 1) 1956. Aujourd’hui, cependant, on ne peut plus soutenir cette thèse, après les travaux consacrés par Robert Wielockx à ce manuscrit et à la question des secrétaires de Thomas et de leur collaboration avec celui-ci : Robert Wielockx, « Les brefs traités zoologiques d’Aristote. Histoire gréco-latine du texte : de la Grande Grèce, par l’Italie, à Paris », Bulletin de philosophie médiévale 53 (2011), p. 3-39, spéc. 3-9 ; « A Scribe of Four Scholars », Bulletin de philosophie médiévale 58 (2016), p. 89-99.
  • [40]
    Jacques Guy Bougerol, « Dossier pour l’étude des rapports entre saint Bonaventure et Aristote », Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge 40 (1973), p. 135-222 (repris dans Id., Saint Bonaventure. Études sur les sources de sa pensée, Northamtpon, Variorum Reprints [coll. « Collected Studies Series »], 1989, III).
  • [41]
    Édouard Wéber, Nature, singularité et devenir de la personne humaine chez Thomas d’Aquin. L’anthropologie et l’épistémologie thomasiennes. Sources bibliques, patristiques, philosophiques et théologiques, Paris, Vrin (coll. « Bibliothèque thomiste » 66), 2018 ; 16 × 24, 482 p., 42 €. ISBN : 978-2-7116-2748-6.
  • [42]
    Id., La Personne humaine au xiiie siècle. L’avènement chez les maîtres parisiens de l’acception moderne de l’homme, Paris, Vrin (coll. « Bibliothèque thomiste » 46), 1991.
  • [43]
    Id., Le Christ selon saint Thomas d’Aquin, Paris, Desclée (coll. « Jésus et Jésus-Christ » 35), 1989.
  • [44]
    Id., L’Homme en discussion à l’Université de Paris en 1270. La Controverse de 1270 à l’Université de Paris et son retentissement sur la pensée de saint Thomas d’Aquin, Paris, Vrin (coll. « Bibliothèque thomiste » 40), 1970.
  • [45]
    Anthony Celano, Aristotle’s Ethics and Medieval Philosophy. Moral Goodness and Practical Wisdom, Cambridge, Cambridge University Press, 2015 ; 16 × 23,5, ix + 263 p., £70,99. ISBN : 978-1-107-13485-0.
  • [46]
    Thomas M. Osborne Jr., Human Action in Thomas Aquinas, John Duns Scotus & William of Ockham, Washington DC, The Catholic University of America Press, 2014 ; 14 × 22, xxv + 250 p., 59,95 $. ISBN : 978-0-8132-2178-6.
  • [47]
    Il ne faut pas confondre cette motion divine (Prima secundae, De malo) avec d’autres possibilités d’action de Dieu à l’égard de la volonté : par exemple, déjà dans In II Sent. (d. 25, q. un., a. 2, ad 1-3), Thomas affirme que Dieu peut altérer, sans la forcer, la volonté ; il est évident aussi que Thomas a toujours affirmé que Dieu, étant l’auteur de tout, est aussi l’auteur de la liberté humaine. Mais la motion divine, telle qu’il la concevra à la fin de la carrière, est autre chose, c’est-à-dire l’attribution à la volonté d’une ouverture aux contraires qui la rend “antagoniste” de l’intellect.
  • [48]
    Concernant la datation du De malo et également de la q. 6 (p. 13-14), il est sûr que l’œuvre remonte à 1270-1271, soit à la période où Thomas composait, entre autres, la Prima secundae et la Sententia libri Ethicorum.
  • [49]
    De veritate, q. 22, a. 6, resp. (éd. Leon., t. xxii,3, p. 627, l. 102-113 ; je souligne).
  • [50]
    C’est en attribuant à l’intellect le rôle de cause efficiente de l’acte de la volonté qu’un Godefroid de Fontaines fera pencher la doctrine de Thomas vers une forme d’intellectualisme radical. On comprend bien que Thomas se soit gardé d’attribuer à l’intellect un tel rôle.
  • [51]
    Fr. Basile [Valuet], o.s.b., Dieu joueur d’échecs ? Prédestination, grâce et libre arbitre. t. 2 : Relecture de saint Thomas d’Aquin, Le Barroux, Éditions Sainte-Madeleine, 2018 ; 17,5 × 24,5, 1500 p., 79 €. ISBN : 978-2-37288-009-1.
  • [52]
    Sylvio Hermann De Franceschi, Thomisme et théologie moderne. L’école de saint Thomas à l’épreuve de la querelle de la grâce (xviie-xviiie siècles), Paris-Perpignan, Artège Lethielleux (coll. « Sed contra »), 2018 ; 13,7 × 21,5, 794 p., 39 €. ISBN : 978-2-249-62595-4.
  • [53]
    Antonia Fitzpatrick, Thomas Aquinas on Bodily Identity, Oxford, Oxford University Press, 2017 ; 15,6 × 23,4, x + 204 p., £ 60. ISBN : 978-0-19-879085-3.
  • [54]
    La structure du livre est très claire et nette. Les chapitres principaux sont organisés autour des deux notions complémentaires, concourant à former le concept d’identité numérique, qui est au cœur de toute l’argumentation d’A. F. Il s’agit d’un côté de la notion d’individualité (être une chose unique et distincte de tout autre du même type) et de l’autre de la notion d’identité (être une chose qui persiste en tant que telle et en tant qu’individu dans le temps). L’identité présupposant l’individualité, A. F. traite de cette dernière en premier. Et cela à deux reprises. Une première fois la perspective est aristotélicienne : y est concerné bien sûr le Philosophe, mais plus généralement la tradition péripatéticienne, notamment Averroès, le Commentateur (ch. 1-2). C’est ensuite sur Thomas d’Aquin qu’A. F. fait porter l’accent (ch. 3-4). On notera que tout en se disant moins intéressée par l’interprétation authentique d’Aristote que par la manière dont il est compris au Moyen Âge – d’où les renvois à l’Aristote latin –, A. F. finit souvent par greffer ses lectures sur une littérature analytique qui se confronte davantage directement avec l’original grec.
  • [55]
    Mark D. Jordan, Teaching Bodies. Moral Formation in the Summa of Thomas Aquinas, New York, Fordham University Press, 2017 ; 15,3 × 23, x + 224 p., 100 $. ISBN : 9780823273782.
  • [56]
    Un certain nombre d’entre eux ont été passés en revue dans les chroniques suivantes : M. Borgo, « Lire la Somme de théologie à partir des sources », Rev. Sc. ph. th. 101 (2017), p. 165-183 ; « Lire la Somme de théologie dans son ensemble », Rev. Sc. ph. th. 101 (2017), p. 321-360.
  • [57]
    Marika Räsänen, Thomas Aquinas’s Relics as Focus for Conflict and Cult in the Late Middle Ages, The Restless Corpse, Amsterdam, Amsterdam University Press (coll. « Crossing Boundaries. Turku Medieval and Early Modern Studies »), 2017 ; 16 × 24, 308 p., 109 €. ISBN : 978-90-8964-873-0. Le livre contient douze illustrations, signalées à la fin de la table des matières (p. 6).
  • [58]
    Marika Räsänen, Gritje Hartmann, Earl Jeffrey Richards (éd.), Relics, Identity, and Memory in Medieval Europe, Turnhout, Brepols (coll. « Europa sacra » 21), 2016 ; 16 × 24, 359 p., 100 €. ISBN : 978-2-503-55502-7. Sommaire : « Contents », v‑vi. – « List of illustrations », vii-viii. – « Abbreviations », ix. – M. Räsänen, « Introduction », 1-10. – « Part 1. Perspectives on Relic Cults » : Arnold Angenendt, « Holy Corpses and the Cult of Relics », 13-28. – « Part 2. Narratives and Power » : Jesse Keskiaho, « Dreams and the Discoveries of Relics in the Early Middle Ages : Observations on Narrative Models and the Effects of Authorial Context », 31-51. – Gritje Hartmann, « Pascal I and Saint Cecilia : the Story of the Translation of her Relics in the Liber pontificalis » 53-90. – Martina Caroli, « A Woman’s Body for the Empire’s Salvation : the Translatio of Queen Bathild’s Body and the Crisis of the Year 833 », 91‑113. – Martin Bauch, « The Relics of Roman Churches in Nicolò Signorili’s Descriptio Urbis Romae », 115-184. – « Part 3. Bishop Saints and Identity » : Ana Marinković, « Civic Cults of Local Reformist Bishops in Medieval Dalmatia : Success and Failure », 187-223. – Tuomas Heikkilä, « Tracing the Heavenly Pater patriae of Medieval Finland : the Relics of St Henry of Uppsala », 225-254. – « Part 4. Multiple Memories of St Thomas Aquinas’s Body » : Constant J. Mews, « The Historia translationis sacri corporis Thome Aquinatis of Raymundus Hugonis : An Eyewitness Account and its Significance », 257-284. – M. Räsänen, « The Memory of St Thomas Aquinas in Orvieto », 285-317. – Earl Jeffrey Richards, « Ceremonies of Power : The Arrival of Thomas Aquinas’s Relics in Toulouse and Paris in the Context of the Hundred Years War », 319-352. – « Index », 353-359.
  • [59]
    Marie des Anges Cayeux, O. P., Désirer d’un grand désir. Une dynamique de perfection au cœur de la doctrine de Catherine de Sienne, avec une préface du cardinal Pietro Parolin, Secrétaire d’Etat de sa Sainteté, Paris, Éditions du Cerf (coll. « Patrimoine »), 2018 ; 15,3 × 23, 319 p., 24 €. ISBN : 978-2-204-12798-1. Cet ouvrage a remporté le prix Henri-de-Lubac 2018.
  • [60]
    L’Ordine dei Predicatori, I Domenicani : storia, figure e istituzioni (1216-2016), a cura di Gianni Festa e Marco Rainini, Bari-Roma, Editori Laterza (coll. « Quadrante Laterza » 210), 2016 ; 14 × 21, xii + 490 p., 30 €. ISBN : 978-88-581-2597-7. Sommaire : Bruno Cadoré, « Prefazione », v-viii. –  G. Festa, Marco Rainini, « Introduzione », ix-xi. – « Parte prima. Storia » : Giulia Barone, « L’età medievale (xiii-xiv secolo) », 5-29. – Gabriella Zarri, « Dallo scisma all’apogeo della Chiesa : i Domenicani tra i secoli xv e xvii », 30-57. – Massimo Mancini, « L’Ordine dei Predicatori fra età moderna ed epoca contemporanea », 58-76. – « Parte seconda. Figure » : M. Rainini, « Domenico di Caleruega : il primo maestro dell’Ordine », 79‑105. – Andrea Aldo Robiglio, « Tommaso d’Aquino », 106‑120. – Giuseppe Barzaghi, « Eckart, Susone e Taulero : la predicazione mistica », 121‑139. – Silvia Nocentini, « Caterina da Siena », 140-158. – Gian Carlo Garfagnini, « Girolamo Savonarola : profeta della libertà in Cristo » 159-179. – Francesca Cantù, « Bartolomé de Las Casas e i primi frati Predicatori in America », 180-201. – G. Festa, « Bartolomeu dos Màrtires OP : un vescovo santo al concilio di Trento », 202‑231. – Marco Salvioli, « Figure domenicane fra xix e xx secolo : Marie-Joseph Lataste, Giuseppe Girotti e Pierre Claverie », 232-254. – « Parte terza. Istituzioni, scritture, pensiero » : Cornelia Linde, « Frati Predicatori e predicazione dalle origini alla fine del xvi secolo », 257-277. – Luciano Cinelli, « L’Ordine dei predicatori e lo studio : legislazione, centri, biblioteche (secoli xiii-xv) », 278-303. – Maria Pia Alberzoni, « L’Ordine dei Predicatori e la vita religiosa femminile fino al generalato di Giordano di Sassonia », 304-324. – Riccardo Parmeggiani, « Frati predicatori e Inquisizione nel Medioevo », 325-350. – Alessandra Bartolomei Romagnoli, « Mistici e mistica domenicana », 351-388. – Edoardo Fumagalli, « I Domenicani nella letteratura italiana », 389-413. – Fausto Arici, « Una teologia in bilico : cenni sulla teologia domenicana all’esordio della modernità », 414-439. – Gian Luca Potestà, « “La strada di un sano relativismo” : metodo storico e luoghi teologici alla scuola di Le Saulchoir », 440-464. – « Gli autori », 465-472. – « Indice dei nomi », 475-486. – « Indice del volume », 487-490.

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